Face au coronavirus, New York retient son souffle - Columbia ...

 
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Face au coronavirus, New York retient son souffle - Columbia ...
26/05/2020                                                        Face au coronavirus, New York retient son souffle
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               Face au coronavirus, New York retient son
                                souffle
                                                            Par Arnaud Leparmentier

                                 Publié le 01 avril 2020 à 01h25 - Mis à jour le 01 avril 2020 à 11h31

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                                                                                 Favoris                    Partage

      REPORTAGE | La ville et ses environs sont devenus un foyer majeur de
      l’épidémie aux Etats-Unis. Hôpitaux et musées, pauvres et riches, toute
      la cité s’organise tant bien que mal, dans la crainte d’un désastre
      sanitaire.

        Chance Landesman a décampé dans les montagnes boisées du Maine, à
        650 kilomètres au nord de New York. L’étudiant de Brooklyn, 21 ans, s’est réfugié,
        avec cinq amis, dans une maison cossue pour fuir le coronavirus. Là, il s’est
        lancé dans la construction d’une serre, et il a nourri les poulets, tout en gardant
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        l’œil rivé sur son smartphone et sur son portefeuille boursier. Wall Street
        plonge, l’Amérique compte 3,3 millions de chômeurs supplémentaires en une
        semaine, New York est une ville fermée, cernée par le coronavirus, mais le
        gamin a fait une petite fortune en Bourse en pariant sur l’e ondrement des
        marchés nanciers.

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        C’était il y a cinq semaines, une fraction de temps, mais une éternité. Ce lundi
        24 février, on est encore dans l’ancien monde. La Bourse a atteint des plus hauts
        historiques. Aucun cas de coronavirus n’a encore été détecté à New York. Il
        faudra attendre le dimanche 1er mars pour que soit annoncé le premier malade,
        une auxiliaire médicale revenue d’Iran. Chance Landesman, qui a appris à
        boursicoter sur l’application Robinhood, voit arriver la catastrophe économique
        et sanitaire, qui a déjà frappé l’Asie, puis l’Europe. « Je pensais qu’on allait avoir
        une récession. L’épidémie due au coronavirus allait en être le déclencheur, et j’ai
        vendu à découvert. » Il parie toutes ses économies, ainsi qu’un don fait par un de
        ses oncles pour ses 18 ans. Quatre semaines plus tard, il a multiplié sa mise par
        25 (chi re retombé à 16 entre-temps) et prend l’avion pour le Maine. « J’adore
        New York, mais il n’y avait plus rien de ce qui la rend sympa », con e-t-il au
        Monde par téléphone.

        Curieuse impression. Chance Landesman est hors du temps, mais dans le
        monde. Il a suspendu ses études de philosophie et de religion, et se passionne
        pour la nance. « Cela fait longtemps que j’attends un changement majeur,
        poursuit-il. Beaucoup de jeunes ont une vision plus apocalyptique, avec le
        changement climatique, les perspectives économiques. On s’est très vite inquiétés,
        tandis que les vieux avaient un train de retard. »

        Atmosphère irréelle
        Les « vieux », comme il dit, sont con nés à New York. Sa mère, par exemple :
        Shanny Peer, directrice de la Maison française de l’université Columbia, restée
        dans sa maison de Brooklyn. « Je fais du yoga. Mon club donne des cours par
        Internet », nous dit-elle. Tout est allé si vite… Brutalement, l’université a décidé
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        de fermer, comme d’autres institutions new-yorkaises. « Je travaille plus ou
        moins à la maison, même si je ne peux pas organiser d’événements. Je suis payée.
        Tout le monde est payé pour l’instant, on ne parle pas de licenciements. » Tout est
        annulé, y compris la cérémonie de remise des diplômes, à laquelle assistent
        d’ordinaire des dizaines de milliers d’étudiants. Et l’on espère une reprise en
        septembre, sans en être vraiment sûr. La priorité ? Eviter la maladie. « Je crois
        que j’ai le virus, poursuit Shanny Peer. Il y a dix jours, j’ai eu un peu de èvre et des
        courbatures. Et puis, j’ai perdu le goût et l’odorat. Mais, comme le gouvernement
        fédéral est incompétent, les tests sont très rares, et on ne peut pas en faire. En tout
        cas, je fais comme si j’avais la maladie. »

        Une personne âgée est transportée à l’hôpital Langone Health Center, à New York, le 23 mars. ANGELA
        WEISS / AFP

        A la date du mardi 31 mars, celle-ci avait touché 76 000 personnes et fait
        1 550 morts dans l’Etat de New York (20 millions d’habitants) ; 8 500 personnes y
        étaient hospitalisées, dont plus de 2 000 en soins intensifs avec respirateurs
        arti ciels. New York et sa région sont bien devenues le cœur américain de
        l’épidémie. « Le virus est peut-être né à Wuhan, mais New York va être Ground
        Zero », prévient Jimmy Van Bramer, conseiller municipal de la ville, élu
        démocrate du Queens, en référence au no man’s land laissé à l’emplacement des
        tours jumelles du World Trade Center, après les attentats du 11 septembre 2001.

        A New York, l’atmosphère est irréelle. La ville est désertée, contaminée, mais pas
        encore submergée par l’afflux des malades. La comparaison la plus pertinente
        est sans doute celle avec ce moment si particulier qui précède les cyclones de
        Floride, lorsque l’orage est là qui arrache les toitures des maisons, mais que le
        pire est à venir avec la montée des eaux.

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        Depuis deux semaines, nulle âme qui vive devant l’embarcadère de la statue de
        la Liberté. Le Mémorial du 11-Septembre s’est tari : l’eau a cessé de couler dans
        les deux gou res installés à l’emplacement des tours. Times Square s’est vidé de
        ses touristes, les music-halls de Broadway ont baissé le rideau. Les personnes
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        croisées dans les avenues, désormais silencieuses et sans voitures, sont souvent
        afro-américaines ou latinas, manifestement pauvres, comme si les Blancs de la
         nance et des beaux quartiers avaient disparu. La criminalité est en chute libre.
        Les livreurs en tout genre apportent leurs paquets, gantés et masqués, mais
        qu’on ne compte pas sur Whole Foods, la liale alimentaire d’Amazon, pour
        remplacer le supermarché : la première fois, les articles livrés n’étaient pas ceux
        sélectionnés ; la seconde, il n’y avait plus de créneau de livraison. De nombreux
        magasins de bouche ont fermé. Chez ceux qui restent ouverts, le choix s’est
        raré é, et les clients s’invectivent dès que l’un approche à moins de 2 mètres. La
        maladie progresse, l’appréhension aussi.

        Un patient passé sous les radars
        Le gouverneur de l’Etat, Andrew Cuomo, a sonné le tocsin, mardi 24 mars : « Le
        taux d’infection double tous les trois jours, a-t-il prévenu. Nous ne ralentissons
        pas l’épidémie, et elle accélère d’elle-même. » La situation est telle que Donald
        Trump a envisagé de con ner l’Etat de New York, tandis que la police du Rhode
        Island voisin faisait la chasse aux visiteurs indésirables, propagateurs potentiels
        du virus. Un compromis a nalement été trouvé : les New-Yorkais sont invités à
        se mettre en quatorzaine lorsqu’ils quittent leur territoire.

        Le gouverneur de New York, Andrew Cuomo lors d’une conférence de presse à New York, le 23 mars.
        BRYAN R. SMITH / AFP

        La ville a réalisé l’ampleur du désastre à venir il y a une dizaine de jours, en
        voyant l’interminable le de patients désireux de se faire dépister à l’hôpital
        d’Elmhurst, dans le Queens. Depuis, un camion frigori que a été installé devant
        cet établissement pour stocker les cadavres, et le nombre d’admissions
        quotidiennes aux urgences a doublé, pour atteindre quatre cents. « L’angoisse
        est accablante », a con é l’urgentiste Colleen Smith au New York Times. « La
        situation est mauvaise, les gens meurent, et nous n’avons pas le matériel dont
        nous avons besoin », a-t-elle précisé, déplorant le manque de masques et

        s’inquiétant du nombre de malades jeunes sans antécédents médicaux. Les
        médecins réquisitionnés décrivent leur quotidien sur Twitter, telle la
        pneumologue Anna Podolanczuk : « Aujourd’hui, j’ai dit à un homme de 28 ans
        qu’il devait être intubé. Il était terrorisé et ne pouvait respirer ; j’ai annoncé sur
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        FaceTime à l’épouse d’un homme de 47 ans qu’il était en train de mourir ; j’ai fait
        une bronchoscopie à un patient atteint du Covid-19. J’ai sauvé sa vie, risqué la
        mienne », écrit-elle. Et d’ajouter : « C’est notre nouvelle normalité. New York va
        s’en sortir. »

                     Anna Podolanczuk                 @AnnaPodolanczuk · 28 mars 2020
                     En réponse à @AnnaPodolanczuk
                     I walked through the ED as the ambulances kept rolling in, bringing
                     more patients with sats in the 60s.

                     I worked with an amazing team of residents, fellows, nurses and
                     respiratory therapists.

                     I’m completely humbled by their heroic effort and teamwork.

                      Anna Podolanczuk
                      @AnnaPodolanczuk

             I returned home on empty streets past shuttered store fronts.

             In time to have dinner with my family for the first time this week.

             Hoping that I won’t make them sick.

             This is our new normal. #NYC we will get through this.

                 77,6 k 21:12 - 28 mars 2020

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             11,2 k personnes parlent à ce sujet

       Des semaines durant, la ville a vécu dans une curieuse insouciance. Une fois
       isolé, le « patient zéro » (l’auxiliaire médicale revenue d’Iran) n’a pas inquiété
       grand monde. En revanche, chacun a tiqué lorsque a été connue l’histoire du
       second malade. Le 27 février, Lawrence Garbuz, un avocat résident de New
       Rochelle, banlieue résidentielle située au nord de New York, est conduit à
       l’hôpital par un ami. Les médecins diagnostiquent d’abord une pneumonie, puis
       il est transféré dans un hôpital de Manhattan. En n, les autorités annoncent, le
       mardi 3 mars, que le test révèle qu’il est positif au coronavirus. Sauf que, ce jour-
       là, nul n’y prête vraiment attention : c’est le Super Tuesday, jour décisif de la
       primaire démocrate américaine qui voit le centriste Joe Biden devancer le
       socialiste Bernie Sanders. « Nous avons réalisé que cela allait changer la vie de
       notre communauté, mais sans saisir que c’était l’avant-garde d’une lame de fond
       nationale », nous explique Noam Bramson, le maire de New Rochelle, ville
       fondée par des huguenots français au XVIIe siècle.

       Cauchemar en cuisines
       En ce début du mois de mars, les autorités peinent à trouver l’origine de la
       contamination. Lawrence Garbuz a voyagé en Floride en février, mais il n’existe
       aucun lien avec un foyer infectieux manifeste. En revanche, ces mêmes
       autorités s’inquiètent vite de l’itinéraire du malade : il fait chaque jour l’aller-
       retour en train entre New Rochelle et ses bureaux de Manhattan. On apprend
       aussi que sa famille est contaminée : sa lle de 14 ans étudie dans le Bronx, son
        ls âgé de 20 ans du côté d’Harlem. Surtout, M. Garbuz s’est rendu à trois
       reprises, alors qu’il était déjà malade, dans sa synagogue, pour assister à des
       funérailles, à une bar-mitsva et à un office religieux. « Nous avons con né
       plusieurs centaines de familles, soit environ un millier d’individus », précise
       M. Bramson. Un périmètre sanitaire de 1 mile (1,6 kilomètre) est alors établi
       autour de la synagogue. La garde nationale intervient pour assainir les
       bâtiments publics et les écoles, et distribuer des repas aux habitants. A la date

       du 11 mars, New Rochelle est l’épicentre, dans l’Etat de New York, de l’épidémie,
       avec 121 cas sur 212.

         A cette époque encore, beaucoup croient qu’il sera possible de la contenir. Début
         mars M Cuomo annonce le rapatriement de quelque trois cents étudiants
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        mars, M. Cuomo annonce le rapatriement de quelque trois cents étudiants
        partis en échange universitaire à l’étranger (Chine, Italie, Iran, Corée du Sud).
        Bien sûr, ils seront con nés. Les premières recommandations du maire de New
        York, Bill de Blasio, sont bien peu strictes : ceux qui craignent d’être malades ne
        doivent pas appeler les pompiers, mais sont priés de se rendre chez le médecin.
        Au risque de propager l’épidémie…

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        Arrive le week-end des 7 et 8 mars. Au cœur de Manhattan, le chef français
        Daniel Boulud organise son dîner de gala annuel, destiné à nancer Citymeals,
        une association de livraison de repas chauds aux personnes âgées. La famille
        Troisgros, de Roanne, a fait le voyage, de même que Julien Royer (Odette), de
        Singapour, ou Alexandre Gauthier (La Grenouillère) de la baie de Somme, en
        Picardie. On se salue déjà du coude, par précaution, avant de déguster de la
        saint-jacques aux rutabagas ou des crêpes à la tru e. Le gala permet de lever
        1 million de dollars.

        Le mercredi suivant, Daniel Boulud reçoit une lettre du département de la santé
        new-yorkais : un des clients de son restaurant, Rick Cotton, patron de l’autorité
        portuaire locale, a été testé positif au Covid-19. A en croire la missive, il n’y a pas
        lieu de s’inquiéter : l’homme n’est pas contagieux. M. Boulud s’inquiète quand
        même. Le vendredi 13 mars, il décide de fermer ses sept restaurants new-yorkais.
        Plus de 750 salariés sans travail, du jour au lendemain. « Et dire qu’on était tous
        autour de la table, il y a trois semaines », soupire M. Boulud, retiré dans sa
        maison de campagne, au nord de la ville.

        Le système de bienfaisance se met en marche
        L’entrepreneur se bat pour faire activer son assurance perte d’exploitation, qui,
        sans surprise, avait inclus en bas de page une clause d’exclusion pour les
        pandémies. Pour aider ses salariés, il leur paiera une assurance-maladie au
        moins jusqu’en avril. Il a également trouvé un moyen ingénieux de leur donner
        un coup de pouce. « Nous avons lancé une fondation, Main dans la main, dans
        laquelle il y a mon PDG, mon directeur nancier et trois représentants du
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        personnel pour voir quels salariés ont le plus besoin de soutien. On ne veut pas
        qu’ils perdent leur appartement, même s’il a été demandé aux bailleurs d’être
        patients. » En dix jours, Main dans la main a récolté 147 000 dollars auprès de
        395 donateurs ayant versé entre 5 dollars et 10 000 dollars.

        En ces temps troublés, le système de bienfaisance new-yorkais se met en branle.
        L’association Citymeals s’est reconvertie et apporte désormais aux personnes
        âgées des vivres empaquetés. En plus du million de dollars levé lors du gala, elle
        a reçu deux autres dons de 1 million de dollars de la part d’institutions
          nancières. Mais tout n’est pas facile : certaines des quarante cuisines réparties
        dans les cinq districts de la ville de New York ont dû cesser leurs activités.

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        Si M. Boulud a fermé ses restaurants avant que les autorités ne lui en donnent
        l’ordre, c’est aussi parce que deux d’entre eux avaient déjà perdu leur clientèle,
        l’un sur Broadway, près de Times Square, l’autre à côté du Lincoln Center, temple
        de la vie musicale. Depuis, la vie sociale s’est totalement arrêtée, et New York
        n’est plus vraiment New York.

        L’une des grandes attractions mondaines de Manhattan est le gala du
        Metropolitan Museum (Met Museum), organisé chaque début mai par Anna
        Wintour, rédactrice en chef du magazine Vogue et star de la mode. Cette année,
        l’épouse du prince Harry, Meghan Markle, devait être de la ête, mais la
        cérémonie a été reportée sine die. Le musée, aux abords de Central Park, sonne
        désormais le creux. Seuls restent quelques gardes de sécurité et le conservateur,
        l’Autrichien Max Hollein, qui arpente les galeries. « Je me rends au bureau
        chaque jour. Ce sont des temps très occupés », assure M. Hollein, qui multiplie les
        vidéoconférences avec son conseil d’administration et prévoit une perte de
        100 millions de dollars.

        Avec l’e ondrement de Wall Street, les donateurs vont se montrer moins
        généreux. Le trésor de guerre (endowment) de 3,6 milliards de dollars sur lequel
        est assise l’institution uctue avec la Bourse. Mais M. Hollein prépare déjà
        l’après. « Notre public va devenir plus local à cause de la baisse prévisible du
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        nombre de touristes. Et il va vouloir le célébrer, ce qui nous o re une opportunité
        pour créer du lien émotionnel. De plus, les prêts d’œuvres vont se réduire et les
        musées vont compter sur leurs propres collections. C’est une chance. » Le musée,
        qui devait inaugurer début mars l’exposition célébrant le 150e anniversaire de sa
        création, espère retrouver ses racines, celles d’un musée communautaire.

        La contagion à tous les secteurs
        De l’autre côté du parc, le directeur général du Metropolitan Opera (Met Opera),
        Peter Gelb, a décidé de di user chaque jour, gratuitement, une œuvre sur son
        site Web. « Ce soir, c’est le dernier opéra du Ring, de Wagner. C’est un moyen pour
        le Met de rester relié à son public local et international. On apporte un peu de
        réconfort culturel aux populations con nées », assure M. Gelb, qui estime
        toucher entre 200 000 et 300 000 spectateurs par jour. En réalité, le premier
        opéra du monde est durement frappé. Il a annulé la n de saison, n’encaisse pas
        les abonnements pour 2020-2021 et ne dispose pas de matelas nancier. « A la
        di érence du Met Museum, nous n’avons pas été conçus comme une organisation
        philanthropique en 1883 : c’était une aventure lucrative. Résultat, nous n’avons
        que 300 millions en réserve. » L’opéra, où 3 000 personnes sont employées, a mis
        au chômage son personnel technique, réduit les salaires des administratifs
        indispensables au redémarrage de l’institution. « J’ai renoncé à mon
        traitement », ajoute l’administrateur, qui a lancé une campagne de souscription
        de 80 millions de dollars et déjà trouvé 20 millions. Ici aussi, la reprise est
        espérée n septembre, avec une nouvelle création, l’Aida de Verdi. « Le Met va
        revenir, prévient M. Gelb. Je ne sais pas quand, mais il va revenir. »

        La planète nance, elle, tourne. Grâce au télétravail, certes, mais elle tourne. Et
        même si l’ancienne criée du New York Stock Exchange, contaminée, a été
        suspendue le 20 mars, il est hors de question de fermer Wall Street,
        thermomètre de l’Amérique pour Trump. Selon le Wall Street Journal, la
        première banque américaine, JPMorgan, a indiqué à ses tradeurs qu’ils ne
        pouvaient pas fermer boutique dans des domaines où la banque assure 20 % des
        échanges. La Fed de New York inonde le marché de liquidités, protégeant les

        institutions de Wall Street. La Bourse a même rebondi de 20 % par rapport au
        plus bas du 23 mars.

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        préparent déjà l’avenir, l’autre partie de la population est en mode survie. Toute
        la ville est contaminée, y compris la sinistre prison de Rikers Island (5 300
        détenus). La crise y a pris un tour « people » lorsqu’on a appris que l’ancien
        magnat d’Hollywood Harvey Weinstein était positif – sans symptômes – au
        Covid-19, quelques jours après avoir été condamné à vingt-trois ans de prison
        pour crimes sexuels. L’a aire a attiré l’attention sur les détenus new-yorkais.
        « C’est une bombe à retardement », a mis en garde Justine Olderman,
        représentante des avocats du Bronx. Un détenu, Juan Giron, transféré à Rikers
        Island, en a fait un récit édi ant à l’agence Associated Press : le jeune homme
        s’ennuie dans son dortoir, quand arrive un nouveau détenu, vers 18 heures.
        « Quelques heures plus tard, deux policiers reviennent avec des masques et des
        gants, et essayent de donner un masque au type. Ils avaient l’air terri és, ne
        voulaient pas le toucher. » Le détenu est nalement ex ltré du dortoir : « C’est la
        procédure désormais pour les gars porteurs du virus », explique un des deux
        policiers à Juan Giron. Rien n’aurait été fait pour ceux qui ont été en contact
        avec le malade.

        « Nous sommes à l’épicentre de l’épidémie »
        Les tests se sont révélés positifs pour au moins trente-huit personnes dans les
        prisons de New York. Malgré tout, les libérations se font au compte-gouttes
        (cinquante-six libérations au 22 mars). Alors que Bill de Blasio voudrait relâcher
        trois cents détenus de plus de 70 ans en mauvaise santé, les avocats demandent
        un chi re plus ambitieux de 1 500 détenus peu dangereux. Les délinquants en
        col blanc en pro tent pour tenter leur chance, à l’image de Michael Cohen :
        l’ancien avocat de Donald Trump, incarcéré pour trois ans dans la prison
        d’Otisville, un centre pour VIP dans le nord de l’Etat, a demandé à être assigné à
        résidence. Refus sec du juge de Manhattan William Pauley, qui lui a reproché de

        « vouloir se glisser dans le cycle de l’actualité », mais a estimé qu’il était
        « manifestement inéligible » à une libération compassionnelle. « Au bout de dix
        mois d’internement, il est temps que Michael Cohen accepte les conséquences de
        sa condamnation pénale », écrit le juge.
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        Les plus pauvres, eux, sont con nés à domicile, comme Lamia Rahman, 22 ans.
        Cette étudiante en médecine de Columbia a été priée de quitter sa résidence
        universitaire et de retourner vivre chez ses parents, des immigrés du
        Bangladesh, dans un deux-pièces en rez-de-chaussée du quartier de Queens, à
        deux pas du fameux hôpital d’Elmhurst. « On lit que beaucoup d’étudiants ont
        fui à la campagne, con e Lamia Rahman. Mais ce n’est pas la réalité de tout le
        monde. Nous sommes à l’épicentre de l’épidémie. Je suis inquiète pour mes
        parents. Mon père a arrêté de conduire son taxi depuis deux semaines. Il a 64 ans,
        et sa santé n’est pas des meilleures. »

        La jeune femme suit ses cours par Internet. Les notes sont supprimées pour
        éviter les discriminations. Son stage dans un centre de recherche du Maryland a
        été annulé, et elle espère trouver un stage d’été dans un hôpital. Boursière, elle
        n’a pas ce souci, mais des étudiants ont lancé une pétition pour obtenir le
        remboursement de leurs frais de scolarité. En attendant, la famille Rahman vit
        sur ses économies. Le Congrès a voté une assurance- chômage pour les
        travailleurs indépendants, les loyers publics sont censés être suspendus, mais
        ces décisions ne soulagent pas encore la famille, qui habite dans le parc privé.
        « Pour l’instant, il semble qu’on devra payer le loyer d’avril », s’inquiète Lamia
        Rahman.

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        Obtenir l’annulation des loyers pendant trois mois : tel est l’objectif du
        conseiller démocrate Jimmy Van Bramer, dont la permanence croule sous les
        appels d’électeurs au chômage. « L’Etat a suspendu les expulsions pendant trois
        mois, mais, au bout de cette période, les gens seront incapables de payer. C’est
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        pourquoi je soutiens la suspension des loyers pendant trois mois », dit-il au
        Monde par vidéoconférence.

        Le pire du choc économique n’a pas encore eu lieu : les inscriptions au chômage
        n’ont atteint « que » 80 333 pour la semaine close le 21 mars, une proportion
        deux fois et demie moindre que dans le reste des Etats-Unis. Certains
        employeurs ont manifestement maintenu les contrats jusqu’à n mars, tandis
        que l’allocation-chômage n’est pas négligeable : 504 dollars par semaine à New
        York, plus 600 dollars octroyés par l’Etat fédéral, ce qui fait environ 4 500 dollars
        maximum par mois avant impôts.

        Les trois figures de la crise
        L’autre problème était la prise en charge des malades. De nouveau, les
        employeurs, comme Daniel Boulud et le Met Opera, paieront l’assurance-santé,
        au moins jusqu’en avril. L’Etat de New York a permis à ceux qui perdraient leur
        assurance privée de s’inscrire à l’assurance subventionnée Obamacare. A
        l’évidence, la ville démocrate n’est pas la caricature que certains croient. « A New
        York, personne ne peut être renvoyé des urgences sous prétexte qu’il n’a pas
        d’assurance. On a dit aux gens qu’ils ne seraient pas facturés pour le traitement du
        coronavirus », assure Jimmy Van Bramer. Les médecins consultent par
        téléconférence, et la promotion de médecine de la New York University a été
        diplômée par anticipation, a n de pouvoir soigner les patients, tandis que les
        New-Yorkais con nés applaudissent désormais le personnel médical à
        19 heures.

        Sur le plan politique, la crise sanitaire est gérée par trois gures, qui se disputent
        les créneaux horaires pour leurs conférences de presse quotidiennes. Ces trois
        personnages, le conseiller municipal démocrate Van Bramer les croque
        volontiers, en re étant un avis général. Donald Trump ? « Le président est un
        désastre, son incompétence aggrave la crise pour des Américains qui attendent
        désespérément du leadership. » Le maire de New York, Bill de Blasio, qui a tardé à
        fermer les écoles, car il se souciait du repas des enfants pauvres ? « Il fait de son

        mieux face à une crise qu’il n’a jamais imaginée. » Le gouverneur Andrew
        Cuomo ? « Il est fantastique. Il est très rassurant et fait preuve d’un leadership
        déterminé. » De fait, c’est lui, Andrew Cuomo, qui a mené la danse, ferraillant
        avec Trump pour obtenir le droit de développer ses propres tests. C’est lui,
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        encore, qui a appelé à l’aide l’Etat fédéral, exigé des hôpitaux l’augmentation de
        leurs capacités et mis en garde contre la submersion du système sanitaire.

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        Les cris d’alarme vont-ils permettre d’éviter l’explosion du système ou les
        hôpitaux new-yorkais vont-ils réellement être dépassés par la vague de
        contaminations ? L’hôpital d’Elmhurst, déjà mentionné, a dû être
        réapprovisionné à trois reprises en respirateurs, mais son autorité de tutelle
        dément qu’il ait été proche de la pénurie.

                      Arnaud Leparmentier
                      @ArLeparmentier

             le bateau hôpital uss comfort arrive a Manhattan

                 14 10:34 - 30 mars 2020

                 Voir les autres Tweets de Arnaud Leparmentier

        Il n’empêche que la course contre la montre est engagée et que l’armada
        américaine se met en marche. « La courbe [des infections] suggère que nous

        pourrions avoir besoin de (…) 37 000 places en soins intensifs avec respirateurs,
        contre une capacité actuelle de 3 000. C’est notre problème principal », a déclaré,
        le 25 mars, M. Cuomo, qui veut aussi doubler le nombre de lits disponibles dans
        l’Etat, pour atteindre 110 000. Un hôpital de campagne doit ouvrir sous peu
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        dans un centre de congrès de Manhattan. De son côté, l’hôpital Mont Sinaï
        installe des tentes dans Central Park pour s’étendre, tandis qu’un bateau hôpital
        militaire, le USNS Comfort, doté de 750 lits et de douze salles d’opération, est
        arrivé, lundi, dans le port de New York. Il soulagera les hôpitaux en traitant les
        cas hors Covid-19. « L’arrivée du USNS Comfort devait prendre deux semaines.
        Cela a pris huit jours », a dit satisfait M. de Blasio, qui a même remercié le
        président Trump.

                     Raja Sohail Abbas @suhaylabbas · 18 mars 2020
                     En réponse à @elonmusk @fawadchaudhry
                     Please repurpose your factory to make ventilators which are
                     needed ASAP. I am a Tesla owner and love the company. You have
                     to stop being an idiot about this. This is a massive disaster. Ask the
                     doctors in the field.

                      Elon Musk
                      @elonmusk

             We will make ventilators if there is a shortage
                 22 k 23:52 - 18 mars 2020

                 15,1 k personnes parlent à ce sujet

        En attendant la suite de l’épreuve, les Américains refusent de baisser les bras. On
        bricole des respirateurs pour qu’ils puissent alimenter en oxygène plusieurs
        patients à la fois. Le patron de Tesla, Elon Musk, a proposé, sur Twitter, le
        19 mars, de fabriquer des respirateurs. « J’ai parlé hier soir avec Elon Musk. Il
        donne des centaines de respirateurs à la ville et à l’Etat de New York, y compris à
        nos hôpitaux publics. Nous l’en remercions profondément », a tweeté le maire,
        vendredi.

        La quarantaine de New Rochelle a été levée samedi 28 mars. Le premier malade
        de la petite ville, M. Garbuz, semble tiré d’a aire. « C’est avec une immense
        gratitude envers Dieu et envers vous tous, dans le monde entier, de toutes les
        religions, cultures et foi, qui avez prié pour mon mari, que je partage des nouvelles
        très joyeuses : Lawrence est éveillé, alerte et semble être sur le chemin d’une
        récupération complète », a écrit sa femme sur Facebook. Les optimistes veulent

        espérer, mais Andrew Cuomo a prévenu les New-Yorkais, lundi 30 mars : « Ce
        virus est devant nous depuis le premier jour. Si on n’arrive pas à passer devant lui,
        il y aura beaucoup de victimes. »

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                de la pandémie en France et dans le monde

                •     Le SARS-CoV-2 est-il sorti d’un laboratoire ? Notre enquête fait le point sur
                le sujet

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                coronavirus

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                infectieux sur des surfaces ? ; Comment faire ses courses avec précaution ?

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                •     Gare aux mauvais conseils et aux fausses rumeurs : on vous aide à faire le
                tri

        Arnaud Leparmentier
        New York, correspondant
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