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Factsheet Neomyceten
 Institut fédéral de recherches WSL                            swissFungi.wsl.ch

Brunissement des feuilles du hêtre dû à Petrakia
Petrakia liobae Beenken, Andr. Gross & Queloz (Famille: Melanommataceae)
Synonyme: Pseudodidymella fagi C.Z. Wei, Y. Harada & Katum en Europe

                                               Nicolo Tartini, Bruno Auf der Maur, Ludwig Beenken et Andrin Gross

Le champignon Petrakia liobae endommage les feuilles des hêtres. Il a été identifié pour la pre-
mière fois près de Zurich en 2008. Depuis, il a été observé sur de nombreux sites en Suisse et en
Europe. Sa spécificité est de provoquer des nécroses sur les feuilles du hêtre commun, qui peu-
vent mourir et tomber par la suite. Bien que les symptômes semblent inquiétants et que, locale-
ment, de nombreux hêtres puissent être touchés, cette maladie du brunissement des nouvelles
feuilles du hêtre semble avoir peu d‘effet sur la santé des arbres infectés. Cependant, combinée
à d‘autres facteurs environnementaux nuisibles et à d‘autres maladies, elle pourrait affecter la
santé de son hôte.

Répartition de Petrakia liobae en Suisse (données de répartition de SwissFungi) et en Europe. La zone vert clair
indique les zones de prolifération de Fagus sylvatica. La zone vert foncé indique les zones de prolifération de
F. orientalis (d‘après Beenken et al. 2020).
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Fiche d’information Néomycètes – Brunissement des feuilles du hêtre dû à Petrakia – SwissFungi 2021

Caractéristiques et symptômes                                   Risques de confusion
P. liobae est un petit champignon endoparasite présent          P. liobae était auparavant confondu avec Petrakia fagi,
dans les feuilles du hêtre commun (Fagus sylvatica).            une autre espèce parasite, morphologiquement et géné-
L’infection crée une nécrose foliaire bien visible: la feuil-   tiquement très similaire, qui attaque le hêtre du Japon
le présente des taches brunes, de formes irrégulières,          (Fagus crenata).
entourées de bordures noirâtres.                                     Les observations de P. liobae ont été initialement
     Sur ces bordures apparaissent de petites diaspores         identifiées comme relevant de Pseudodidymella fagi
blanches. Elles sont formées de l’été à l’automne, pour         (= Petrakia fagi) qui a ainsi été considéré comme un
la dissémination asexuée. Cette période est appelée le          néomycète d’origine asiatique. Toutefois, des étu-
stade du mycopappus. Avec un diamètre d’environ 150             des génétiques ont démontré qu’il s’agissait de deux
μm, elles sont facilement visibles à l’œil nu. Si on les        espèces différentes, même si étroitement apparentées
regarde à la loupe ou au microscope (voir photo), elles         l’une à l’autre. P. liobae est donc une espèce à part entiè-
se présentent comme de petites boules à tiges courtes           re, dont l’origine est encore inconnue. Son hôte le plus
avec de longs poils.                                            commun est le hêtre commun, couramment appelé « le
     En général, les feuilles touchées sont situées dans la     hêtre » en raison de son abondance en Europe.
partie inférieure de l’arbre ou chez les jeunes individus            La brûlure pure des feuilles sans les diaspores blan-
en sous-étage. La maladie est plus fréquente dans les           ches peut être confondue avec le type de dégâts causés
zones de la forêt où l’humidité est élevée et peut entraî-      par le charançon du hêtre (Orchestes fagi) ou par l’an-
ner une chute prématurée des feuilles du hêtre.                 thracnose du hêtre à Apiognomonia (pathogène: Apio-
      En hiver et au printemps, la forme sexuée de ce           gnomonia errabunda). Mais chez P. liobae, aucun pas-
champignon se trouve au sol, dans la litière et sur les         sage de l’infection de la feuille vers la pousse n’a pu
feuilles de l’année précédente. Ces fructifications len-        être observé, comme c’est le cas pour le brunissement
ticulaires, de couleur brun foncé ou noire, mesurent            des feuilles à Apiognomonia. Au stade sexué, les fructi-
environ 0,2 mm de diamètre et ont souvent un centre             fications du champignon peuvent être confondues avec
enfoncé.                                                        celles de Mycosphaerella punctiformis qui sont en re-
                                                                vanche deux fois moins grandes.

                                                                Fructifications de la phase sexuée de P. liobae
                                                                (Photo: Ludwig Beenken)

Feuille infectée par P. liobae avec les typiques taches         Diaspores asexuées et blanches au stade du
nécrotiques de taille et de forme irrégulières (Photo:          ­mycopappus sur la face supérieure d‘une tache foliaire
Ludwig Beenken)                                                  (Photo: Ludwig Beenken)
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Fiche d’information Néomycètes – Brunissement des feuilles du hêtre dû à Petrakia – SwissFungi 2021

Biologie et reproduction                                       Des essais d’infection ont montré que les feuilles du
Au printemps, la maturation des fructifications brun noir      hêtre exposées au soleil ont des parois cellulaires plus
du champignon sur les feuilles mortes de l’année précé-        épaisses. Elles sont donc plus résistantes à l’infection
dente est terminée. Les spores sont libérées en même           fongique que les feuilles d’ombre, plus tendres. Cepen-
temps que se développent les nouvelles feuilles du hêt-        dant, les feuilles de lumière perdent cet effet protecteur
re (avril – mai). Elles se diffusent par l’air, entraînant     lorsqu’elles sont endommagées mécaniquement ou par
l’infection initiale des jeunes feuilles. La présence des      des ravageurs tels que le charançon du hêtre.
fructifications dans la litière au sol explique la colonisa-
tion principale des feuilles des branches basses et des
petits hêtres.                                                 Histoire de la propagation et dangers
    Des taches brunes se forment ensuite sur les feuilles      En raison du manque d’observations dans de nombreux
vivantes colonisées par le champignon. Enfin, sur ce tis-      pays européens, la distribution réelle de ce parasite est
su nécrotique, le stade mycopappus se développe avec           inconnue. Après avoir été découvert pour la première
plusieurs petites diaspores blanches. Leur développe-          fois près de Zurich en Suisse en 2008, il a été détecté
ment a lieu de l’été à la fin de l’automne (entre juin et      en Allemagne et en Autriche en 2016, en Slovaquie et
octobre). Les diaspores asexuées, comme les spores,            dans les Pyrénées françaises en 2017, et en Slovénie en
servent à propager le champignon et entraînent des in-         2018. Des observations sur le terrain montrent que le
fections secondaires des feuilles de hêtre.                    champignon est répandu dans ces pays et qu’il attaque
    L’infection initiale des feuilles est favorisée par les    souvent de nombreux arbres localement.
journées humides du printemps. Les étés humides peu-                Comme le hêtre commun a une grande aire de dis-
vent favoriser la propagation asexuée du champignon            tribution en Europe, on peut supposer que cela est éga-
après des infections secondaires.                              lement vrai pour le champignon. Les preuves qui ont
                                                               été rassemblées en peu de temps indiquent au moins
                                                               qu’il est plus répandu qu’on ne le pensait auparavant.
Répartition                                                    D’autre part, malgré des recherches ciblées, il n’a pas
Le champignon a désormais été observé dans toute la            été détecté dans certains pays (par exemple, la Pologne,
Suisse (au nord et au sud des Alpes), dans le sud et le        la Grande-Bretagne). Ainsi, P. liobae pourrait être encore
centre de l’Allemagne, en Autriche, en Slovaquie et en         en cours de dispersion. Cependant, la base de données
Slovénie, ainsi que dans les Pyrénées françaises. Il n’a       est encore trop incomplète pour pouvoir évaluer dans
pas encore été détecté en Europe du Nord ni du Sud.            quelle mesure c’est réellement le cas.
                                                                    Dans des conditions climatiques normales, les arb-
                                                               res colonisés par P. liobae semblent être peu affectés par
Écologie                                                       l’infestation du champignon. Néanmoins, il a été obser-
Le champignon préfère le hêtre commun (Fagus sylvati-          vé que le taux de colonisation du champignon était con-
ca) comme hôte, mais il a également été observé sur le         sidérablement plus élevé l’été 2016 que l’année suivan-
hêtre d’Orient (F. orientalis) dans le Jardin botanique de     te. Cela pourrait être dû au printemps humide de 2016.
Munich. Bien que l’aire de répartition naturelle de F.  ori-   La défoliation précoce observée ensuite sur ces hêtres
entalis soit plus à l’est que celle du hêtre commun (voir      pourrait donc avoir été causée par la forte infestation
carte), il est parfois considéré comme une de ses sous-        fongique. Le fait que les jeunes arbres du sous-étage
espèces.                                                       soient particulièrement touchés suggère également que
    En Slovénie, de nombreux charmes (Carpinus betu-           P. liobae peut avoir un effet négatif sur la régénération
lus) poussant à côté de hêtres communs infectés pré-           naturelle du hêtre. Toutefois, aucune étude n’a encore
sentaient également des feuilles malades. Des expéri-          été réalisée à ce sujet.
ences ont permis de démontrer que les chênes sessiles
(Quercus petraea) et les châtaigniers (Castanea sativa)
ont également contracté la maladie. Cependant, le stade        Lutte
asexué du mycopappus n’a été jusqu’à présent observé           Compte tenu des connaissances limitées de cette
que sur les feuilles de hêtres (Fagus sp.), qui sont donc      espèce et de sa répartition, le contrôle est assez difficile.
probablement les véritables plantes hôtes.                     La lutte chimique est interdite dans la forêt ! Il n’est pas
    L’infection touche principalement les jeunes hêtres        conseillé d’abattre les arbres infestés, car il peut encore
en sous-étage et les branches basses situées dans les          y avoir des feuilles infectieuses dans la litière. Malgré
zones ombragées, et à forte humidité relative de l’air.        cela, il est conseillé de continuer à surveiller et à enre-
Les arbres situés dans des lieux ensoleillés et lumineux       gistrer la présence de ce parasite afin de déterminer sa
semblent être, en revanche, moins fréquemment infec-           distribution réelle et son impact sur les populations de
tés.                                                           hêtres.
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Fiche d’information Néomycètes – Brunissement des feuilles du hêtre dû à Petrakia – SwissFungi 2021

Où effectuer un signalement, où demander                     données et d’informations sur les champignons suisses.
conseil?                                                     Vous trouverez de plus amples informations dans la ru-
Pour une meilleure compréhension de la distribution          brique «Participer» du site Web de SwissFungi.
et de la dynamique de dispersion de cette espèce, cha-           En cas de populations fortement infestées, contactez
que rapport de découverte est très précieux. Signalez        le service Protection de la forêt suisse:
vos découvertes à SwissFungi, le centre national de          https://waldschutz.wsl.ch/fr/diagnostic-et-conseil.html

Autres informations utiles
Site britannique sur le potentiel de dangerosité de P. liobae:
   https://secure.fera.defra.gov.uk/phiw/riskRegister/viewPestRisks.cfm?cslref=29642
Fiche d‘information en anglais:
    https://planthealthportal.defra.gov.uk/plant-health-api/api/pests/29642/notices/6765/documents/4313/document
Photos de Nicolas Schwab sur Champis.net (21.06.2020):
   https://champis.net/viewtopic.php?f=16&t=24550

Sources
Cech, T.L; Wiener, L., 2017: Pseudodidymella fagi, ein neuer Blattbräunepilz der Rotbuche in Österreich, BFW Forst-
   schutz Aktuell 62: 22–26.
Czachura, P.; Owczarek-Kościelniak, M.; Piątek M., 2019: Pseudodidymella fagi in Slovakia: First detection,
   ­morphology and culture characteristics. Forest Pathology 49, 1. https://doi.org/10.1111/efp.12479.
Beenken, L.; Gross, A.; Queloz, V., 2020: Phylogenetic revision of Petrakia and Seifertia (Melanommataceae, Pleo-
    sporales): new and rediscovered species from Europe and North America. Mycological Progress, 19: 417–440.
    https://doi.org/10.1007/s11557-020-01567-7.
Gossner, M.M.; Beenken, L.; Arend, K., et al. 2021: Insect herbivory facilitates the establishment of an invasive
    plant pathogen. ISME Communications 1: 6. https://doi.org/10.1038/s43705-021-00004-4.
Gross, A.; Beenken, L.; Dubach, V., et al. 2017: Pseudodidymella fagi and Petrakia deviata: Two closely related tree
    pathogens new to central Europe. Forest Pathology 47, 5. https://doi.org/10.1111/efp.12351.
Ogris, N.; Brglez, A.; Piškur, B., 2019: Pseudodidymella fagi in Slovenia: First Report and Expansion of Host Range.
    Forests 10(9):718. https://doi.org/10.3390/f10090718.

Citation
Tartini, N.; Auf der Maur, B.; Beenken, L.; Gross, A., 2021: Fiche d’information Néomycètes. Brunissement des feuilles
du hêtre dû à Petrakia. Birmensdorf, Institut fédéral de recherches WSL. 4 S.

Institut fédéral de recherches WSL, Zürcherstrasse 111, CH-8903 Birmensdorf, www.wsl.ch
un institut de recherche du Domaine des EPF

Publication effectuée avec le soutien financier de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV)
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