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LA LETTRE DU FINANCIER TERRITORIAL Mars 2021 - N° 363 Cahier N° 1 ÉDITORIAL Le salut par la réforme des règles des finances publiques ? La crise des finances publiques est-elle propice pour bilan désabusé de la LOLF : « le cadre et la pratique une réforme des règles et procédures financières et budgétaires de l’État restent peu propices à peut-on attendre de celle-ci des remèdes ? En 2020, l’efficience de l’action publique. La recherche de des propositions ambitieuses avaient été publiées, qui l’efficience des politiques publiques reste marginale partaient du constat que la LOLF n’a pas tenu toutes par rapport à la préoccupation du maintien ou de ses promesses. La Commission sur l’avenir des l’augmentation des enveloppes budgétaires. » Les finances publiques, installée par le Premier ministre le données sur la situation financière de l’État sont 4 décembre 2020, ne pourra pas les ignorer et en incomplètes et insuffisamment utilisées. La Cour rajoutera d’autres puisqu’elle devra « proposer des présente des révisions dans trois directions : renforcer scénarios de retour à l'équilibre des comptes publics la programmation pluriannuelle des finances » et traiter divers sujets : gestion de la dette due à la publiques ; établir une vision globale des finances Covid-19 ; améliorer les processus d’élaboration et publiques en corrigeant les effets de la complexité de d’exécution des budgets de l'État et des lois de l’architecture financière des administrations publiques financement de la Sécurité sociale; renforcer la qui rend difficile l’évaluation de l’action publique ; responsabilité des gestionnaires publics. assurer l’unité, l’universalité et l’efficience du budget de l’État dans un cadre juridique rénové. C’est donc La Commission pourra s’inspirer du rapport tout le dispositif qu’il conviendrait de revoir. Redresser Responsabilisation des gestionnaires publics présenté les comptes publics sans augmenter les impôts en juillet 2020 par Jean Bassères, Directeur général nécessitera, en effet, de sacrés gains de productivité ! de Pôle Emploi et ancien directeur général de la Toutefois, ceci ne dépend pas à titre principal des règles comptabilité publique. Dénonçant la rigidité de budgétaires et comptables - la LOLF l’a démontré - mais l’organisation entre ordonnateurs et comptables, il de l’organisation des administrations, d’une répartition propose de donner tous les leviers aux gestionnaires, judicieuse des compétences, de la gestion des en termes de marges de manœuvre et de sécurité ressources humaines, du pilotage politique. financière, en contrepartie d’une professionnalisation de la fonction et d’une véritable programmation Citons encore le « Projet stratégique des juridictions pluriannuelle. Dans sa partie la plus décapante le financières » présenté le 4 février par le Premier rapport affirme que la responsabilité personnelle et Président de la Cour des comptes, qui vise à pécuniaire des comptables publics « est un régime « moderniser les travaux, les métiers et l’organisation » contreproductif et à bout de souffle qui doit être de la Cour des comptes et des organismes rattachés supprimé » au bénéfice d’un régime unifié pour lequel avec l’objectif de rendre ces institutions plus réactives subsisterait une juridiction traitant les fautes graves pour « renforcer leur ancrage dans le débat public. » commises tant par les ordonnateurs que les comptables. Plus d’évaluations pour mieux orienter les politiques ! La Cour des comptes a réagi par un communiqué sec : « les exigences de probité, de régularité, de transparence Voilà de gros chantiers, que la Commission précitée a supposent plus que jamais que la responsabilité financière dû retravailler. Ils demanderont des lois, alors que soit soumise au regard d’un juge ». Faciliter les opérations l’agenda parlementaire est plein, et aussi de la lucidité comptables, simplifier les encaissements et décaisse- car la France ne confortera pas sa position face à ses ments auraient des effets bénéfiques, quoique d’ampleur partenaires européens - dont dépend aussi notre sort - limitée et qui mettront du temps à se concrétiser. seulement par des sophistications juridiques dont les gains potentiels seront lointains et faibles au Le Rapport thématique de la Cour des Comptes, Les regard des enjeux. Ne rêvons pas de faire l’économie finances publiques : pour une réforme du cadre de réformes de fond, de coupes dans les dépenses et organique et de la gouvernance (11/2020) dresse un de hausses d’impôts plus ou moins déguisées.
SOMMAIRE ECONOMIE ET MARCHÉS FINANCIERS Économie Perspectives et stratégie européennes en 2021 ................................................................................... 3 Marchés financiers Le scénario de taux longs très bas très longtemps s’estompe ............................................................. 7 Financement du secteur public local Les taux fixes commencent à remonter dans un marché destiné à rester durablement accomodant .................................................................................................................... 10 BUDGET, COMPTABILITÉ ET CONTRÔLES FINANCIERS Ressources et fiscalité Les transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales en 2021 ........................................... 14 Pour une réforme du cadre juridique et institutionnel de la gouvernance des finances publiques locales .................................................................................................................................. 17 DROIT ET JURISPRUDENCE Services publics Le maire, socle du continuum de la sécurité intérieure. L’intégration des polices municipales dans la sécurité intérieure : un engrenage pour des transferts de charges ................................... 22 Dépenses locales Subventionner les lieux de culte : dépenses interdites, sauf exception ......................................... 22 Responsabilité administrative Droit de l’urbanisme : illégalité du classement d’une zone en zone constructible dans le PLU ........................................................................................................................................... 24 Coopération transfrontalière Rapport d’audit de performance et de régularité. Taux d’exécution des dépenses à améliorer ............................................................................................................................................ 24 Juridictions financières Évolution des priorités des chambres régionales des comptes ...................................................... 25 Monnaies locales Monnaies complémentaires locales : cadre d’utilisation par les collectivités territoriales .......... 26 STRATÉGIE ET PROSPECTIVE TERRITORIALES Aménagement La densification douce - La densification douce, portée et limites ................................................. 27 VEILLE DOCUMENTAIRE Revue de Presse - Applications et outils .................................................................................... 31 Études et statistiques - Rapport public - Législation et réglementation ........................ 32 FICHE TECHNIQUE (Cahier n° 2) Dispositifs de péréquation pour le secteur communal LA LETTRE DU FINANCIER TERRITORIAL, publication éditée par INFODIUM, SAS au capital de 4 200 euros - siret : Paris B 494 345 309 00038 - 69, avenue des Ternes - 75017 PARIS - Tél : 09 81 07 95 76 - Fax : 01 70 24 82 60 infodium@infodium.fr - Mensuel - 11 numéros par an - Abonnement : 519 € - prix au numéro : 57 € - Directeur de la publication et de la rédaction : Laurent Queinnec - Conseiller scientifique : Robert Hertzog - Abonnements : Nadine Giraud - n° de CPPAP 0624 T 84973 n° ISSN : 0993-104X - Dépôt légal à date de parution - Conception graphique : Studio 2a - Imprimeur : Créatis à 78770 Thoiry - © INFODIUM reproduction interdite pour tous pays, sauf autorisation de l’éditeur. www.financierterritorial.fr. LA LETTRE DU FINANCIER TERRITORIAL - N° 363 - Mars 2021 2
ECONOMIE ET MARChÉS FINANCIERS Economie Par Pauline LESTERQUY Perspectives et stratégie européennes en 2021 Un an après le début de la pandémie, la reprise économique est toujours conditionnée à l’évolution des situations sanitaires, qui restent très hétérogènes et fluctuantes au sein de l’Union européenne. L’arrivée de nouveaux variants et les mesures sanitaires restrictives en place dans plusieurs Etats depuis la fin d’année 2020 limitent le rebond anticipé à l’automne pour l’année 2021. La croissance du PIB de la zone euro serait de 3,7 % en 2021 et 3,9 % en 2022 selon la Commission européenne. Toutefois, la reprise serait hétérogène entre les Etats, certains revenant à leur niveau d’activité d’avant-crise dès la fin 2021 tandis que l’Italie devrait attendre après 2022. Face au risque de fragilisation et de divergence dans la zone, l’UE tire les leçons de la décennie passée. La stratégie commune reposera largement sur le déploiement des campagnes vaccinales pour pouvoir relâcher progressivement les mesures de restriction, et sur un plan de relance européen représentant un stimulus sans précédent. Les subventions sont réparties de manière à soutenir davantage à court terme les économies présentant des vulnérabilités antérieures à la crise, et à renforcer la reprise à moyen terme dans les économies fortement touchées par la crise et peinant à rebondir en 2021. Le bilan sanitaire conditionne Israël à 37,8 %. Dans l’Union européenne, le Danemark a fini de vacciner 3,1 % de sa population, la France 2,1 % et la reprise économique en 2021 l’Allemagne 2,3 %. Un an après le début de la crise sanitaire de la Covid-19, et ce malgré des mesures plus ciblées et plus proportionnées, Nombre de doses de vaccins administrées (par 100 personnes) la situation sociale et économique des différents pays est encore fortement dépendante du contrôle des courbes locales de contamination et d’admission dans les services de réanimation mais aussi des développements sanitaires mondiaux avec l’apparition de nouveaux variants du virus. Au sein de l’Union européenne, les situations sanitaires des Etats sont toujours hétérogènes et très fluctuantes. Début 2021, la courbe des infections semble s’améliorer dans certains pays (Allemagne, Italie, Pologne, Pays-Bas) tandis qu’elle s’empire dans d’autres (France, Irlande, Portugal). La propagation des variants pose un risque à court-terme pour certains Etats déjà sous pression, qui pourraient être Source : Official data collated by Our World in Data - Last updated 28 February, 08:30 (London time). contraints de prendre des mesures plus coûteuses socialement et économiquement. Les situations et les stratégies sanitaires varient aussi largement dans le monde. Les taux de contamination Part de la population pleinement vaccinée et de mortalité ont été beaucoup moins contenus aux Etats-Unis et au Royaume-Uni qu’en Europe sur les derniers mois (début février 2021, le nombre de nouveaux cas Covid-19 y était 2,5 à 3 fois plus élevé qu’en UE, en % de la population). Dans le même temps, les campagnes - fortement médiatisées - de vaccination très rapide pourraient améliorer la situation sanitaire à plus moyen terme. Les campagnes de vaccination ont parfois mis plus de temps se mettre en route en Europe et le déploiement semble aussi plus lent : les pays ayant administré le plus de doses par 100 habitants sont Israël (92 doses) (1), suivi des Emirats Arabes Unis (61), le Royaume-Uni (31) et les Etats-Unis (22). En comparaison, l’Etat Membre de l’UE le plus actif, le Danemark, Source : Official data collated by Our World in Data - Last updated 28 February, 08:30 (London time). a atteint 10 doses par 100 habitants (2). Le constat sanitaire diffère toutefois lorsqu’on observe la part de population ayant reçu toutes les doses, et reflète en partie des stratégies Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces retards relatifs (sans vaccinales différentes, puisque le Royaume Uni en est à 1 % préjuger de leur caractère prudent ou prévoyant). L’UE aurait de sa population pleinement vaccinée, les US à 6,45 %, et commandé trop peu de vaccins BioNTech-Pfizer et trop tard, au moment où son efficacité était déjà documentée. Les achats ont été retardés par l’absence d’autorisation accélérée, (1) Source : données collectées par Our World in Data dans les rapports l’UE refusant de décharger les compagnies pharmaceutiques officiels, dernière mise à jour au 26 février 2021. de la responsabilité en cas d’effets secondaires. La stratégie (2) Le défi technique d’un déploiement à grande échelle est bien sûr aussi à prendre en compte : Danemark a administré 594 000 doses, contre 5,9 et 4,5 industrielle de production aurait été lente à se mettre en millions de doses en Allemagne et en France respectivement. place, alors que les usines des entreprises concurrentes LA LETTRE DU FINANCIER TERRITORIAL - N° 363 - Mars 2021 3
ECONOMIE ET MARChÉS FINANCIERS Economie auraient pu être mobilisées plus rapidement (par exemple en avec un déclin historique de l’emploi au 2e trimestre 2020, Allemagne, l’usine de Sanofi produit désormais des vaccins dont une partie importante a ensuite été récupérée dès le Pfizer). Enfin, l’aversion au risque et la défiance face à cette trimestre suivant. Cependant, les hausses de chômage sont nouvelle technologie vaccinale est aussi relativement élevée restées relativement contenues, notamment grâce aux en Europe. Parmi eux, les Français sont toujours un peu interventions massives des Etats et aux différents dispositifs moins disposés à se faire vacciner rapidement par rapport à de maintien de l’emploi. Après un pic à 8,7 % en juillet, le leurs voisins : au 1er février 2021, seulement 40 % des Français taux de chômage de la zone euro s’est ainsi doucement indiquent qu’ils se feraient vacciner si la possibilité leur était stabilisé à 8,3 % en décembre (après 6,9 % en février 2020). offerte dans la semaine (3), contre 52 % des allemands, 53 % des espagnols (après 58 % au début du mois), 60 % des Taux de chômage en 2020 italiens, 67 % des danois et 77 % des britanniques. Toutefois, l’arrivée d’une étude écossaise sur le vaccin AstraZeneca, testant son efficacité sur les formes graves de la maladie y compris chez les plus de 65 ans, pourrait changer la donne en Allemagne et en France qui avaient jusqu’ici réservé ce vaccin aux moins de 65 ans. Des capacités de résilience et de reprise hétérogènes en Europe Les prévisions d’hiver (4) de la Commission européenne pour l’Union européenne font état d’une situation à court terme moins positive qu’anticipé à l’automne dernier, avant l’arrivée de variants plus contagieux qui ont amené Perspectives comparées dans plusieurs Etats à affermir les mesures de confinement, comme en atteste une hausse de l’indice de sévérité des les principales économies mesures d’Oxford (5) au dernier trimestre de 2020 puis de européennes nouveau en janvier. Les données d’enquête indiquent une hétérogénéité entre les secteurs qui persiste en fin d’année Après une baisse du PIB de 8,3 % en France en 2020, année 2020, avec une reprise de la production industrielle et de la marquée par un fort rebond en été vite étouffé par les mesures construction, une reprise partielle dans le secteur des services restrictives de couvre-feu et de confinement mis en place peu qui peine cependant à retrouver son niveau d’avant-crise, et après la rentrée, les mesures sanitaires particulièrement une situation plus fluctuante dans la vente au détail qui a strictes maintenues durant tout le premier trimestre pèseraient souffert du retour de mesures plus restrictives en particulier en particulier sur la consommation de services, entrainant un durant les fêtes de fin d’année. nouveau recul de l’activité. La reprise légère au 2e trimestre s’accentuerait au 3e trimestre 2021 grâce au relâchement des L’arrivée des vaccins pour une partie de la population mesures sanitaires et aux premiers effets du plan de relance permettrait cependant d’entamer une reprise progressive national annoncé de 100 Md€, qui devraient représenter +1,6 avec le relâchement des mesures restrictives, qui serait point de PIB en 2021 (dont 0,7 points seraient financés par surtout renforcée en deuxième partie d’année 2021 par un la Facilité de reprise et de résilience mise en place par l’UE). regain de la consommation privée et du commerce international. A ce titre, la phase d’engagement des projets s’étend sur Il est à noter que l’accord entre l’UE et le Royaume-Uni a permis 2020 à 2022 et certains crédits pour les projets plus longs à de réduire le coût du Brexit pour l’UE, et que le lancement engager pourront être versés sur un échéancier étendu jusque d’un grand plan de relance européen permettant une relance 2023 (investissements dans les réseaux d’assainissement coordonnée viendra soutenir rapidement une reprise plus et d’eau potable par exemple). La croissance s’établirait à durable (cf. infra). 5,5 % en 2021 selon la Commission (en incluant les effets du plan) et à 4,4 % en 2022 (sans prise en compte des dépenses Leur prévision de croissance du PIB de la zone euro se additionnelles liées au plan à ce stade, qui amèneraient situe donc à 3,7 % en 2021 et 3,9 % en 2022. Toutefois, la une révision à la hausse). L’activité retrouverait son niveau reprise serait hétérogène entre les Etats. Tandis que d’avant-crise au milieu de l’année 2022. certaines économies retrouveraient leur niveau de production pré-crise fin 2021 ou début 2022, d’autres, plus touchées par L’Allemagne a subi une chute de 5 % de son PIB en 2020, la pandémie ou plus dépendantes de secteurs en difficulté après 10 années consécutives de croissance. La perte d’activité comme le tourisme, mettraient plus de temps à revenir à ce est avant tout liée aux difficultés du secteur manufacturier, rythme : ce serait notamment le cas de l’Italie et de l’Espagne. du fait des perturbations dans les chaînes de valeur et du recul du commerce : les importations et exportations ont Le marché du travail a enregistré des évolutions sans précédent, baissé pour la première fois depuis 2009 (- 9,9 % et - 8,6 % respectivement). Malgré des mesures sanitaires restrictives (3) Imperial College London YouGov Covid 19 Behaviour Tracker Data Hub. en place en début d’année, le niveau de confiance et les carnets de commande bien remplis dans l’industrie indiqueraient une (4) Publiées le 11 février 2021. reprise prochaine des exportations, la manne d’épargne forcée (5) Oxford COVID-19 Government Response Tracker (OxCGRT) rassemble les données sur les différents types de politiques menées par les gouvernements accumulée pourrait contribuer à relancer la consommation pour gérer la pandémie et construit des indices composites par pays. privée en deuxième partie d’année, et l’investissement public LA LETTRE DU FINANCIER TERRITORIAL - N° 363 - Mars 2021 4
ECONOMIE ET MARChÉS FINANCIERS Economie serait soutenu par des projets financés par le plan de relance l’économie italienne. L’activité ne retrouverait pas son niveau de 130 Md€ annoncé par le gouvernement. Le PIB rebondirait de 2019 à la fin de l’année 2022. Les mesures liées au plan de + 3,2 % en 2021 pour retourner à son niveau pré-crise dès européen de relance ne sont cependant pas encore prises en la fin d’année et continuerait de croitre en 2022 (+ 3,1 %). compte dans ces prévisions, qui sont donc sujettes à des révisions à la hausse conséquentes, d’autant plus que l’Italie L’Espagne, qui a été la plus touchée économiquement en serait la première bénéficiaire de la Facilité pour la Reprise et zone euro avec une chute du PIB de 11 % en 2020, a d’ores la Résilience. et déjà décidé de préalimenter son budget 2021 avec 27 Md€ en prévision des subventions européennes du plan de relance, pour accélérer et renforcer la reprise économique. Les plans de relance et La contraction de l’activité a été particulièrement forte durant de résilience : enjeux, calendrier le premier semestre 2020, mais une forte reprise de la consommation et de l’investissement a permis un fort rebond et répartition dès le 3e trimestre, avant un ralentissement lié à une baisse des activités sociales en fin d’année. L’économie souffre Le plan de relance européen prévoit un soutien financier de aussi fortement de la baisse du tourisme, qui pourrait reprendre 750 Md€ à l’économie européenne (dont 390 Md€ en de la vigueur en 2022. La croissance du PIB serait de 5,6 % subventions et 360 Md€ en prêts) mis en œuvre en grande en 2021 puis de 5,3 % en 2022 selon la Commission, hors partir à travers NextGenerationEU, un instrument temporaire impact des fonds du plan de relance et de résilience. pour soutenir la reprise et construire une économie « plus verte, plus numérique et plus résiliente ». Il s’agit du plan La situation de l’Italie, régulièrement taxée de « maillon faible » grand train de mesures de relance jamais financé par l’UE. ou « parent pauvre » de l’Union européenne par certains L’instrument financier principal est la Facilité pour la Reprise commentateurs, présente en effet des difficultés particulières et la Résilience qui permettra de mobiliser 312,5 Md€ d’aides puisque l’économie connait une croissance proche de zéro (soit 80 % des aides du plan) et contribuera en grande partie en termes réels sur les vingt dernières années. En février à l’octroi des prêts, qui pourront représenter jusqu’à 4,7 % 2020, à l’époque où la Commission européenne tablait du PIB national pour chaque Etat. encore sur une croissance de 1,2 % en zone euro en 2020 et 2021 entérinant une période de croissance faible (mais Les plans nationaux, contenant un ensemble de projets toutefois positive), l’Italie était déjà le pays frappé par le plus d’investissement et de réformes à mettre en œuvre d’ici 2026 fort ralentissement avec une croissance nulle et une hausse avec des objectifs et des cibles concrètes, doivent être du chômage, tiré en partie par le ralentissement de l’industrie présentés à la Commission avant la fin avril 2021. Les plans allemande et les tensions commerciales en 2019. Première seront ensuite évalués par la Commission dans les 2 mois touchée par l’arrivée du virus et donc première à expérimenter puis approuvés par le Conseil dans un délai d’un mois, avant des mesures de confinement, elle a également enregistré le paiement par la Commission de 13 % de la somme allouée l’une des chutes du PIB les plus importantes de la zone euro dans les 2 mois pour engager la reprise rapidement. Ce qui (- 8,8 % en 2020). En rajoutant une dette publique record à renvoie les premiers versements au moins à l’été 2021 plus de 132 % du PIB avant l’entrée en crise, l’Italie faisait pour les plans qui seront validés. Le calendrier prévoit peser un risque de sortie de la zone euro pris au sérieux par que 70 % des fonds du plan seraient versés d’ici fin 2022, la BCE. L’arrivée à la présidence du Conseil italien de Mario et que les 30 % restant seraient versés durant l’année Draghi, ex-président de la BCE crédité du sauvetage de l’euro 2023. Les intérêts de l’emprunt seront remboursés à partir de et qui clame l’insoutenabilité d’une zone euro sans Italie, 2023, grâce notamment à la création de nouvelles ressources rassure les partenaires, les investisseurs et suscite un certain propres de l’UE (ex : taxation carbone, taxe sur les GAFA, nombre d’espoirs dans la reprise. D’ici au terme de l’actuelle impôt sur les sociétés…) ou une hausse des contributions législature en début d’année 2023, sa mission consistera à nationales en cas d’échec des négociations. Le remboursement piloter un plan de relance de grande ampleur de 209 Md€ et du capital interviendrait à partir de 2028 et s’étalerait jusqu’en à mener un train de réformes structurelles destinées notamment 2058. à améliorer la capacité du pays à mettre en œuvre les investissements nécessaires dans les délais requis. La Les plans ne sont pas conditionnés à un train de réformes Commission prévoit un rythme de croissance modéré proche conforme aux recommandations par pays de la Commission, de 3,4 % en 2021 et 2022, grâce à des mesures sanitaires mais les Etats Membres doivent toutefois argumenter sur la mieux ciblées qui préserveraient l’activité de construction et cohérence du plan avec celles-ci. Par ailleurs, les fonds ne surtout l’activité industrielle dont dépend une large part de sont pas fléchés - comme c’est le cas pour les fonds Profil de croissance du PIB en volume (prévisions de la Commission) (croissance annuelle en %) (croissance trimestre sur trimestre, en %) État Membre 2020 2021 2022 2020 Q1 2020 Q2 2020 Q3 2020 Q4 2021 Q1 2021 Q2 2021 Q3 2021 Q4 2022 Q1 2022 Q2 2022 Q3 2022 Q4 Allemagne - 5,0 3,2 3,1 - 2,0 - 9,7 8,5 0,1 - 1,2 1,9 2,6 0,7 0,4 0,4 0,4 0,4 France - 8,3 5,5 4,4 - 5,9 - 13,7 18,5 - 1,3 - 1,3 1,0 4,4 0,9 0,7 0,5 0,4 0,3 Italie - 8,8 3,4 3,5 5,5 - 13,0 16,0 - 2,0 - 0,4 0,5 2,0 1,0 0,7 0,7 0,6 0,6 Espagne - 11,0 5,6 5,3 5,3 - 17,9 16,4 0,4 - 0,4 0,9 3,8 2,1 0,8 0,5 0,5 0,6 Pays-Bas - 4,1 1,8 3,0 - 1,5 - 8,5 7,8 - 1,3 - 1,0 1,4 2,4 0,7 0,4 0,4 0,4 0,4 Belgique - 6,2 3,9 3,1 - 3,4 - 11,8 11,6 0,2 0,0 0,7 1,4 0,8 0,7 0,7 0,7 0,6 Source : Commission européenne, European Economic Forecast, Winter 2021 (Interim). 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ECONOMIE ET MARChÉS FINANCIERS Economie structurels, mais un élément de conditionnalité est inséré de co-décision sur les projets au niveau local, et (iii) des dans l’évaluation de la Commission concernant 2 objectifs : difficultés liées à l’objectif de mise en œuvre rapide qui pourrait au moins 37 % de dépenses en faveur du climat et 20 % réduire l’efficacité de la relance à plus moyen terme (par des dépenses pour la transition numérique. exemple, les objectifs par mission budgétaire fixés en termes de crédits de paiement pourraient favoriser des entreprises La répartition par pays est décidée selon plusieurs critères. avec une meilleure capacité administrative pour répondre En 2021 et 2022, les allocations se font selon 3 critères : la rapidement aux appels à projets mais qui ne seraient pas population, le PIB par habitant et le taux de chômage moyen toujours les plus productives pour mener le projet). sur la période 2015-2019 (pour cibler les pays initialement plus vulnérables donc moins résilients). En 2023, l’allocation des 30 % restant se fera selon la population, le PIB par habitant, et l’évolution du PIB en 2020 et 2021 (pour cibler les pays les plus touchés par la crise) : ces montants sont donc encore des prévisions. L’Italie et l’Espagne seront les premières bénéficiaires de la Facilité pour la reprise et la résilience en 2021-2022, avec 47,9 Md€ et 46,6 Md€, devant la France avec 24,3 Md€, la Pologne qui touchera 20,3 Md€, et l’Allemagne avec 16,3 Md€ (6). Répartition des plafonds de subventions (Facilité pour la reprise et la résilience) Plusieurs défis attendent les Etats Membres dans la mise en œuvre des projets d’investissement liés aux plans de relance, dont entre autres • La sélection des projets : les projets rapides à mettre en œuvre permettent d’accélérer la reprise mais ne sont pas toujours de meilleure qualité ou les plus rentables à moyen terme. • Evaluation des dépenses grâce à un suivi précis et transparent des dépenses et à la quantification des effets de la relance : la France a par exemple mis en place une plateforme de suivi des étapes de mise en œuvre de certaines mesures, qui permet aussi de connaitre leur cartographie par département. • Améliorer les procédures de marché public avec des critères d’attribution clairs et communs, et des délais de réponse adaptés. Le rapport du Sénat identifie plusieurs limites spécifiques pour la France, dont notamment (i) le besoin de compléter les modalités de suivi par un dispositif d’évaluation des dépenses, (ii) une « territorialisation » du plan très largement portée par les pouvoirs déconcentrés et le corps préfectoral visant un objectif d’information et de coordination plutôt que (6) Il s’agit de l’ordre des bénéficiaires sur la base de la première phase de versement. Sur le total des versements, l’Espagne pourrait être la première bénéficiaire de la Facilité selon les estimations actuelles, et l’Allemagne serait devant la Pologne. LA LETTRE DU FINANCIER TERRITORIAL - N° 363 - Mars 2021 6
ECONOMIE ET MARChÉS FINANCIERS Marchés financiers Par Grégoire VINCENOT, Cabinet Michel Klopfer Le scénario de taux longs très bas très longtemps s’estompe Le rebond des taux longs s’accentue à mesure que le scénario d’une reprise marquée de l’économie à partir de la mi-2021 se précise. Trois raisons soutiennent cette évolution du pronostic économique : le rebond plus marqué que prévu de la fin 2020, l’efficacité des campagnes vaccinales et l’ampleur des plans de relance mis en œuvre, en particulier aux États-Unis. Dès lors le scénario précédent de taux longs très bas très longtemps a du plomb dans l’aile. Cela ne signifie pas pour autant que les taux longs vont s’envoler. Les banques centrales seront nécessairement attentives à limiter cette progression, de façon à ce que les gigantesques encours de nouveaux emprunts contractés par les États à l’occasion de la crise sanitaire restent soutenables. Rapide remontée des taux longs progressif qu’aux Etats-Unis, ce dont témoigne le creusement progressif du spread UE / USA : aux Etats-Unis, qui se propage Les niveaux et les rythmes d’évolution sont très différenciés à l’Europe de part et d’autre de l’Atlantique, ce qui est une constante depuis 2008, mais le mouvement de rebond des taux longs La progression rapide des taux longs américains prend de n’en est pas moins sensible en Europe, où il atteint au total l’ampleur de semaine en semaine à mesure que se précise la une trentaine de points de base depuis le début de l’année perspective d’un gigantesque plan de relance largement (vs une soixantaine de pb aux Etats-Unis). orienté vers le soutien de la demande des ménages américains et que se confirment les résultats d’une campagne de vaccination efficace, laissant augurer aux Etats-Unis l’atteinte Rebond de l’inflation de l’immunité collective, donc un retour à une vie économique quasi-normale, pour l’été 2021. Le changement de climat économique a été particulièrement brutal en matière d’inflation en zone euro. Après 4 mois Des seuils symboliques ont été franchis début janvier et fin successifs à - 0,3 %, un fort rebond était attendu en janvier, février sur le taux interbancaire américain à 10 ans : s’expliquant notamment par des raisons techniques (hausse des taxes dont celle de la TVA allemande, report des soldes • Le seuil des 1,00 % début janvier : la double victoire démocrate d’hiver en France et en Italie, nouvelles pondérations adoptées lors des élections sénatoriales de Géorgie le 6 janvier a donné par Eurostat pour calculer l’inflation), avec un consensus à une majorité démocrate au Sénat, condition nécessaire au + 0,3 %. Or la statistique a finalement atteint… + 0,9 % ! vote du plan de relance promis par Joe Biden ; dans la foulée les taux longs US ont pris 20 pb et le taux à 10 ans est passé de 0,90 % à 1,10 %. Inflation en zone euro (taux en glissement annuel) • Le seuil des 1,50 % le 25 février, soit à peine un mois et demi plus tard, sous l’effet de statistiques de croissance révisées en hausse pour la fin 2020, renforçant le scénario d’un rebond une fois la crise sanitaire dépassée, et d’une inflation vigoureuse. Les taux européens remontent également dans le sillage des taux américains, avec le passage du swap Euribor 10 ans au-dessus de 0 % le 19 février, pour la première fois depuis un an. Le rythme de remontée est cependant nettement plus Évolution des taux longs depuis le déclenchement de la crise sanitaire Source : Cabinet Michel Klopfer. L’inflation « cœur » qui exclut les prix de la nourriture, de l’énergie, de l’alcool et du tabac a, quant à elle, bondi à 1,4 %, un niveau que l’on avait plus rencontré depuis très longtemps. Compte tenu des biais techniques évoqués, il faudra attendre un peu pour tirer de réels enseignements de ce rebond, qui n’en reste pas moins marquant, lesdits effets techniques ayant été largement annoncés… Si le rebond des prix se confirme, cela risque de compliquer Source : Cabinet Michel Klopfer. la tâche de la BCE dans un contexte marqué par son soutien LA LETTRE DU FINANCIER TERRITORIAL - N° 363 - Mars 2021 7
ECONOMIE ET MARChÉS FINANCIERS Marchés financiers massif à l’économie et alors qu’un attentisme prudent était Un potentiel de rebond attendu de sa part pour encore au moins un an. D’autant que parallèlement, Outre-Altantique, les anticipations de hausse nécessairement limité afin que des prix s’envolent également, poussant les marchés à réviser leurs hypothèses de premier tour de vis monétaire, que le les dettes souveraines restent consensus repoussait jusqu’ici à 2024. soutenables Un rebond surveillé de près L’analyse du rebond observé sur les taux longs est indissociable de l’encadrement que souhaiteront y apporter par les banquiers centraux les banques centrales. De ce point de vue le débat sur ce qu’il convient de faire de la « dette covid » est éclairant. L’hypothèse d’une reprise économique plus marquée que prévu alimente ce regain d’optimisme. Au-delà des précédents Christine Lagarde, Présidente d’une BCE qui détient rebonds de l’été et de la fin 2020 que les marchés gardent à aujourd’hui près de 25 % de la dette publique européenne, a l’esprit, les précisions diffusées quant au contenu du plan de ainsi souhaité mettre un terme rapide au débat naissant entre relance américain ont contribué à renforcer la probabilité d’un économistes, quant à une annulation de cette dette en tel scénario. Pas moins de 1.900 Md$ (10 % du PIB américain) contrepartie d’engagement d’investissements des Etats : - en plus du premier plan de 900 Md$ approuvé en décembre « L’annulation de la dette d’État détenue par la Banque 2020 par les élus républicains et démocrates - pourraient centrale européenne est inenvisageable. Ce serait une effectivement être injectés dans l’économie en cas d’accord, violation du traité européen qui interdit strictement le essentiellement sous la forme de mesures de soutien à la financement monétaire des États. Cette règle constitue l’un demande : salaire minimum fédéral relevé à 15 €/heure, aides des piliers fondamentaux de l’euro », a-t-elle affirmé. aux collectivités locales et aux services de transports en commun, chèques de 1.400 $/personne distribués directement Cette proposition de non-remboursement de l’emprunt peut aux ménages américains, allocations chômage exceptionnelles paraître saugrenue puisqu’elle obligerait sans doute à se priver (en sus de celles versées par les Etats) réévalué à 400 $/ aussitôt de nouvel emprunt et donc à équilibrer brutalement semaine, etc. et douloureusement les comptes publics. Il n’en reste pas moins un débat sous-jacent sur la soutenabilité de cette dette L’effort sera de moindre ampleur en zone Euro, et avec des et la capacité des Etats à la rembourser. effets moins immédiats puisque les orientations retenues sont à ce jour davantage axées sur les investissements de long Si la dette de l’Etat français est passée en un seul exercice terme. Ce contexte de relance tous azimuts fait cependant de 98 % à 121 % de son PIB, cela ne s’est nullement traduit craindre une surchauffe, et risque à tout le moins de générer par une augmentation du service de la dette rapporté à ce des corrections brutales. même PIB. Autrement dit le surcroît d’endettement qu’a occasionné la crise sanitaire n’a à ce jour produit aucune Cela transparaît déjà sur les marchés boursiers et obligataires, pression budgétaire particulière. Tant qu’il se présentent des directement dépendants du niveau des taux longs qui candidats pour souscrire aux émissions de dette de l’Etat, déterminent la valorisation des flux futurs. Plus les taux longs et tant que les taux ne remontent pas, cette dette reste s’élèvent, plus le taux d’actualisation applicable aux flux parfaitement soutenable. futurs progresse et plus ces derniers, donc la valeur des actifs, se déprécient. A contrario plus l’embellie économique se confirme, plus les flux futurs anticipés progressent, du Endettement de l’État Français et service de la dette exprimés en % du PIB moins pour les actions. Cet effet contradictoire explique la forte volatilité des places boursières fin février. Il s’agit également d’un ajustement entre secteurs économiques : certains très grands perdants du cycle économique en train de s’achever, en particulier les banques, voient l’horizon se dégager à mesure que le scénario de taux longs très bas très longtemps perd de la consistance. A contrario, l’emballement sur les valeurs technologiques s’estompe quelque peu. Ces analyses sectorielles très différenciées ajoutent à la volatilité générale. Source : Cabinet Michel Klopfer. Ces grands bouleversements sont suivis de près par les Tout est dans le « tant » : bien que cette soutenabilité soit banquiers centraux, qui ne cessent de répéter, sans être très assurée aujourd’hui, puisque le ratio qui compte est celui entendus pour l’instant, qu’ils ne laisseront pas les taux rapportant les intérêts au PIB, et non celui rapportant la dette monter exagérément : Jerome Powell a ainsi affirmé fin au PIB, les Etats ne s’en placent pas moins, en laissant février que la FED était encore loin de ses objectifs en termes l’encours monter en flèche, dans la main de leurs créanciers. de croissance et d’emploi, et que l’inflation n’était pas préoccupante à ce stade. Isabel Schnabel, membre du En effet, la sensibilité du ratio intérêts/PIB à une remontée Directoire de la BCE, a pour sa part été jusqu’à envisager une des taux d’intérêt grimpe en flèche avec le ratio dette/PIB, et augmentation du niveau de soutien de la BCE si les taux ce pour deux raisons : d’intérêt réels progressaient avant la reprise effective de la croissance économique. • Tout d’abord, mathématiquement, la hausse de l’encours LA LETTRE DU FINANCIER TERRITORIAL - N° 363 - Mars 2021 8
ECONOMIE ET MARChÉS FINANCIERS Marchés financiers génère mécaniquement une hausse des volumes à refinancer devant lui et que la remontée des taux va nécessairement chaque année, et donc une hausse de l’assiette sur laquelle plafonner sous l’action salvatrice de la BCE. Mais pour que jouent les nouvelles conditions d’intérêts. la BCE puisse durablement piloter les taux longs, donc poursuivre sa politique d’assouplissement quantitatif, il va • D’autre part, le niveau des emprunts n’a jamais été aussi falloir à terme qu’elle enfonce certains tabous. En particulier, bas et a fortement diminué depuis 10 ans : un même ressaut elle devra faire accepter une répartition de ses achats d’actifs de 100 pb des taux de financement conduirait, en pourcentage, s’écartant d’un strict prorata des parts détenus par chaque à un ressaut vertigineux du coût d’emprunt (et à vrai dire pays de la zone Euro dans son capital social. À ce stade, elle même incalculable puisque l’Etat français s’est financé en passe outre cette règle au nom de la pandémie, via son moyenne à - 0,14 % à moyen et long terme en 2020 !), alors programme PEPP, mais comment fera-t-elle lorsque la que cela n’aurait représenté qu’une progression de 10 % pandémie s’éloignera (et ce jour approche !) ? d’une année sur l’autre du taux moyen dans les années 80. Le surcroît d’endettement de l’Etat est donc à ce stade indolore, Il faudra nécessairement un consensus politique fort pour mais dope aussi fortement notre dépendance aux taux bas, donner ce mandat à la BCE (cf. les échanges entre la Cour de donc au pilotage des marchés par la BCE. Karlsruhe et le Bundestag). Et un tel consensus nécessitera un retour à l’orthodoxie budgétaire de la part des États membres Or, l’interview déjà cité aborde également la vision stratégique « laxistes » (dont la France). de la BCE : « Tous les pays de la zone euro émergeront de cette crise avec des niveaux de dette élevés… Il ne fait aucun C’est pourquoi l’on peut pronostiquer, sans grand risque, doute qu’ils parviendront à la rembourser. Les dettes se d’une part, que nécessité faisant loi, la BCE trouvera une voie gèrent dans le temps long ». pour limiter le rebond des taux longs, et d’autre part, que du « quoi qu’il en coûte », d’aujourd’hui naîtra demain un retour En conséquence, la BCE a anticipé (et va être forcée assez abrupt à la rigueur budgétaire, non pour rembourser durablement) de piloter les taux longs afin que la dette cette dette gigantesque, mais pour construire le mandat publique reste soutenable pour les États. On peut donc politique permettant à la BCE de continuer à piloter les taux conclure que l’assouplissement quantitatif a de beaux jours longs afin que le service de cette dette reste soutenable. L’expertise financière de votre collectivité territoriale Economie et marchés financiers Budget, comptabilité et contrôles financiers Droit et Jurisprudence Stratégie et prospective territoriales Veille documentaire • 11 numéros, • 1 ou 2 fiches techniques par numéro • l’accès au site www.financierterritorial.fr LA LETTRE DU FINANCIER TERRITORIAL - N° 363 - Mars 2021 9
ECONOMIE ET MARChÉS FINANCIERS Financement du secteur public local Par Grégoire VINCENOT, Cabinet Michel Klopfer Les taux fixes commencent à remonter dans un marché destiné à rester durablement accommodant La remontée des taux longs a commencé à faire sentir ses effets, à ce stade davantage sur le marché obligataire que sur le marché bancaire, particulièrement atone en ce début 2021. Au-delà du calme traditionnel du début d’année, les collectivités ont a nouveau emmagasiné d’importantes réserves financières fin 2020, profitant de l’aubaine de prêts longs quasi-gratuits. Ces réserves, ainsi que la remontée des taux longs atténuant les effets de floor qui ont poussé les marges à la hausse en 2020, constitueront des forces de rappel pour atténuer la légère tendance à la détérioration des conditions de financement proposées. Les conditions offertes aux Solde du compte au Trésor des collectivités et établissements publics locaux au 31/12 (Mds €)* collectivités ont commencé à se resserrer en 2021 sous l’effet de la hausse des taux longs Le rebond des taux longs, qui atteint une trentaine de points de base depuis le début de l’année, se répercute mécaniquement sur le niveau des taux fixes proposés aux collectivités. Alors que des taux fixes voisins de 0,30 % pour un emprunt 15 ans amortissable formaient le standard de marché fin * Hors HLM - source DGFIP - Cabinet Michel Klopfer. 2020, on se situe désormais plutôt autour de 0,60 % : l’État à l’orthodoxie budgétaire). Les ratios financiers du Taux fixes de marché homogènes à Euribor 3 mois + 65 pb monde local n’ont pour l’instant pas été très affectés par la crise et l’Etat pourrait chercher, comme pour les ménages, à les inciter à puiser dans leurs bas de laine, afin de concilier soutien à l’investissement local et désendettement. On pourrait par exemple imaginer que la baisse des recettes issues des concours de l’État soit modulée, en plus d’un ratio type Cahors sur les dépenses de fonctionnement, en fonction du fonds de roulement disponible (ou de la variation de ce fonds de roulement), pour encourager les collectivités à continuer d’investir. Source : Cabinet Michel Klopfer. Hausse des taux longs = baisse Pour autant, et comme il est de tradition en début d’année, des marges ? très peu de consultations ont été menées sur les premières semaines de 2021, ce qui est peu propice à la mise à niveau L’analyse des facteurs d’évolution des taux fixes proposés des marges bancaires. aux collectivités invite à distinguer les deux composantes qui rentrent dans leur construction : L’attentisme du début 2021 résulte également de ce que les taux extrêmement bas de la fin 2020 ont manifestement à • d’une part le swap d’index, c’est-à-dire les conditions de nouveau conduit, si l’on en croit les statistiques publiées par refinancement que le prêteur anticipe pouvoir obtenir en l’Etat sur l’encours du compte au Trésor des collectivités, à moyenne sur la durée du prêt ; de nouvelles mises en réserve significatives de contrats très • d’autre part la marge facturée en sus. bon marché. Au 31/12/2020, cet encours atteint en effet 67,5 Mds €, soit plus de 4 années d’emprunt ! La progression sur La première s’enfonce en territoire négatif depuis l’été 2019 : si un an atteint plus de 6 Mds €, certes imputables pour partie cette situation a logiquement tiré les taux fixes vers le bas, le aux encours NEU-CP de certaines collectivités. mouvement s’est interrompu ces derniers mois en raison du rebond parallèle des marges bancaires, réévaluées quant à Ces réserves accumulées pourraient être un des facteurs de elles d’une vingtaine de points de base (de + 0,45 % à + 0,65 % pression sur les marges bancaires à l’avenir : elles raréfieront en moyenne, d’après ce qui ressort des consultations menées la demande pour des emprunts nouveaux si le coût de ces par les collectivités sur cette période). derniers progresse rapidement. Deux explications à cette augmentation : Elles pourraient également inspirer l’État, dans l’hypothèse du retour à un dispositif type Cahors à l’horizon 2023 (cf. ce • d’une part l’application de plus en plus régulière d’un floor qui précède sur le retour prévisible et néanmoins brutal de au swap d’index - à l’image de ce qui se pratique depuis LA LETTRE DU FINANCIER TERRITORIAL - N° 363 - Mars 2021 10
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