FORMATION CINÉMA DU PAF 2020-2021 ACADÉMIE DE LA RÉUNION
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PRÉSENTATION DE LA FORMATION I. ÉLÉMENTS DE BIBILOGRAPHIE ET DE SITOGRAPHIE II. HUBERT CHARUEL, UN PETIT PAYSAN ? III. LE(S) GENRE(S) DU FILM PETIT PAYSAN IV. COMMENT COMMENCER AVANT LA PROJECTION ? V. LA SÉQUENCE INITIALE ET LE GÉNÉRIQUE DE DÉBUT VI. LA SÉQUENCE FINALE VII. LES RÉVEILS DE PIERRE VIII. BILAN IX. PROLONGEMENTS
I. ÉLEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE ET SITOGRAPHIE * OUVRAGES SUR L'ANALYSE FILMIQUE - Introduction à l'analyse de l'image , Martine Joly, Nathan, 1993, Collection Image 128 : une sémiologie de l'image complète en 128 pages. - L'analyse de séquences, Laurent Jullier, Armand Colin, 2019, 5° édition refondue : tous les outils indispensables pour se lancer dans l'analyse filmique de séquences. * QUELQUES SITES INTERNET À PROPOS DE PETIT PAYSAN : - Documents du CNC sur Petit Paysan mis en ligne sur le site de la DAAC de La Réunion pour les élèves : https://www.cnc.fr/documents/36995/145374/Peti+Paysan+de+Hubert+Charuel.pdf/ 36805331-f8bf-b204-dcfa-441371a5d775 et pour les enseignants : https://www.cnc.fr/documents/36995/159675/Petit+Paysan+de+Hubert+Charuel.pdf /3dec2d06-2f84-3ca9-d662-1eea2dd34994 - Allociné : Interview d'Hubert Charuel du 29/08/2017 : https://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19573645&cfilm=255702.html - Allociné : Reportage de la fondation Gan sur Petit Paysan du 29/08/2017 : https://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19573639&cfilm=255702.html - Le Monde : article du 29/08/2017 : « Petit paysan : un thriller mental dans une étable » : https://www.lemonde.fr/cinema/article/2017/08/29/petit-paysan-un-thriller- mental-dans-une-etable_5177777_3476.html
* QUELQUES ÉMISSIONS RADIOPHONIQUES EN PODCASTS À PROPOS DE PETIT PAYSAN - La Tournée de l'Happy Hour, France Bleu Provence, émission du 12/02/2021 : Spéciale « Générations agriculteur » avec le comédien Swann Arlaud pour son rôle césarisé dans Petit Paysan : https://www.francebleu.fr/emissions/la-tournee-de-l-happy-hour/provence - Le Grand Atelier, France Inter, émission du 4/10/2020 : « Swan Arlaud : " On fait ce métier là pour trembler, si on peut faire trembler les autres aussi, tant mieux" » : https://www.franceinter.fr/emissions/le-grand-atelier/le-grand-atelier-04-octobre- 2020 - Bloody Milk (Petit Paysan) un scénario de Claude Le Pape et Hubert Charuel (lecture par Swann Arlaud enregistrée le 13/04/2016 au théâtre de l'Alliance française) : https://www.franceculture.fr/emissions/fictions-theatre-et-cie/bloody-milk-petit- paysan-un-scenario-de-claude-le-pape-et-hubert-charuel - Boomerang, France Inter, émission du 5/03/2018 : « Le grand Petit Paysan ! » https://www.franceinter.fr/emissions/boomerang/boomerang-05-mars-2018 - Rendez-vous culture, RFI, émission du 29/08/2017 : « Petit Paysan, un premier film remarqué par Hubert Charuel » : https://www.rfi.fr/fr/emission/20170829-petit-paysan-premier-film-hubert- charruel-remarque - Dans quel monde on vit, France Inter, émission du 24/08/2017 : « Le " Petit Paysan " d'Hubert Charuel » : https://www.franceinter.fr/emissions/dans-quel-monde-on-vit
II. HUBERT CHARUEL, UN PETIT PAYSAN ? Hubert Charuel en tournage, photo de Louise Allavoine Fils unique d’un couple d’éleveurs bovins de la Haute-Marne dans le Grand Est, Hubert Charuel a été marqué dans son enfance par la crise de la vache folle. Il a un peu aidé ses parents à la ferme, avant de s’orienter vers des études de cinéma. Pour Petit Pay- san, son premier long métrage, ce sont ses parents qui ont contribué à leur tour : sa mère Sylviane interprète le personnage d’une contrôleuse laitière, son père Jean-Paul endosse le rôle du père du protagoniste, et son grand-père incarne un voisin de ferme dénommé Raymond. Dans cette fiction, le réalisateur filme ce qu’il aurait pu être s'il n'avait pas exercé ce métier : « l’histoire de Pierre c’est un petit peu celle que j’aurais dû avoir si j’avais pas décidé de faire du cinéma. »1 Aussi semble-t-il primordial pour lui de tourner son premier long-métrage dans l'exploitation de ses parents : « Venir tourner dans la ferme de mes parents est une manière à moi aussi de reprendre cette ferme, et de traiter d'une thématique qui est aussi la fin d'un monde paysan, celle des exploita- tions que j'appelle à taille humaine, c'est-à-dire qui peuvent être tenues par une ou deux personnes. […] C'était un petit peu important pour moi de parler de la fin de ce monde aussi, ce monde de résistants. »2 La question de la filiation, de l'héritage et de la transmission est donc centrale dans cette œuvre. D'ailleurs, le héros, Pierre, se comporte comme un père avec ses vaches : il les personnifie en les appelant « filles » et non « femelles » comme le lui fait remarquer sa sœur, il les nomme par leur prénom et leur parle comme à des humains : la frontière entre l'homme et l'animal est très poreuse ... 1 « Dans quel monde on vit », émission radiophonique du 24 août 2017, France Inter. 2 Interview « Retour d'expérience », 2018, site de la Fondation Gan pour le cinéma.
Après l'obtention de son diplôme à la Fémis en 2011, Hubert Charuel voit son film de fin d’études, Diagonale du vide, sélectionné dans plusieurs festivals, notamment celui de Clermont-Ferrand. Son second court métrage, K-nada, est primé en 2015 à ce même festival. Son premier long métrage de fiction, Petit Paysan, dont le tournage est effectué en 2016 dans la ferme familiale, sort le 30 août 2017, avec Swann Arlaud dans le rôle éponyme et Sara Giraudeau dans celui de la vétérinaire. Le film est sélectionné à la Semaine de la critique à Cannes en 2017. Couronné de succès et salué par la critique comme par le public, il reçoit le César du meilleur premier film, Swann Arlaud celui du meilleur acteur et Sara Giraudeau celui de la meilleure actrice dans un second rôle.
III. LE(S) GENRE(S) DU FILM PETIT PAYSAN Comment étudier ce film avec les élèves ? L'analyser sous l'angle générique est intéressant, car on y trouve des topoï spécifiques à plusieurs genres cinématographiques, lesquels ne mettent pas traditionnellement en scène le monde rural. Hubert Charuel rappelle que pendant son enfance et son adolescence, ses parents l’amenaient au moins une fois par semaine au cinéma, et pendant ce temps on ne parlait plus de vaches (in « Dans quel monde on vit », émission du 24 août 2017 sur France Inter) ! Il confie aussi que ses sources pour Petit Paysan sont des films de genre. « L’idée c’était de faire un film de genre, de faire une fiction dans cet univers-là, et pas juste de s’en servir comme décor. […] Mes références elles sont finalement assez éloignées du monde rural. C’était plutôt des films de genre américains, ceux avec lesquels j’ai grandi. »3 Dans quel(s) genre(s) donc classer Petit Paysan ? Comment cette hybridation gé- nérique est-elle mise en scène ? Et quel effet produit-elle ? C'est que nous allons tâcher de montrer au cours de cette formation. Docu-fiction ? Drame rural réaliste ? C'est bien plus que donne à voir Hubert Charuel, qui rompt avec une certaine doxa et renouvelle les formes et les points de vue sur le monde des paysans. Ce portrait réaliste et émouvant d'un jeune éleveur, teinté de saynètes humoristiques, se révèle plutôt être une tragédie campagnarde, mais aussi un polar ru- ral, un « thriller mental dans une étable »4, parsemé de scènes fantastiques (ou fantasmatiques), de touches d'humour (plus ou moins noir), de clins d’œil au western. Le titre anglais (que l'on pourra évoquer d'emblée avec les élèves pour les faire s'interroger sur l'appartenance générique du film) est d'ailleurs assez parlant : Bloody Milk. 3 « Dans quel monde on vit », émission du 24 août 2017 sur France Inter. 4 Le Monde : article du 29/08/2017 : « Petit paysan : un thriller mental dans une étable »
IV. COMMENT COMMENCER AVANT LA PROJECTION ? Plusieurs scénarii sont envisageables pour préparer le visionnage du film avec les élèves : A/ LE STORYBOARD DE LA SÉQUENCE INITIALE DU FILM Ne pas donner le titre du film, seulement les deux images ci-dessous : Observer les 2 planches du storyboard. Puis imaginer le pitch (bref résumé) du film en 2 ou 3 phrases, commencer éventuellement par « C’est l’histoire de... » (faire lire les pitch des élèves). Lire l’entretien avec Hubert Charuel sur le storyboard : quelles sont les intentions du réalisateur ? A quoi sert un storyboard ? Et celui-ci en particulier ? Quels éléments fournit-il pour saisir le synopsis du film ? (échanger avec les élèves).
Les élèves pourront évoquer l'incongruité, voire le surnaturel de la situation : la vache sur un canapé, un personnage entouré par un troupeau dans un décor non identifié. Le visage, mal rasé et peu réveillé, pourra les faire songer à un rêve. Ce sera l'occasion de fixer la notion de plan cinématographique. Spécifier que le storyboard n'est pas utilisé par tous les metteurs en scène ni pour tous les films (mentionner éventuellement l'usage qu'en faisait Hitchcock). Hubert Charuel l'a employé pour planifier l'aspect technique du tournage avec les animaux, notamment pour déterminer avec le chef opérateur les mouvements de caméra et les choix de focale (pour la profondeur de champ) et travailler en sécurité avec les dresseurs et les animaux. Il évoque également l'aspect onirique de cette séquence (la toute première du film qui déstabilise le spectateur au premier abord). Pour saisir le synopsis du film, on mettra en exergue la dimension onirique de certaines séquences du film, le fait que le personnage doit tuer des vaches.
B/ L'AFFICHE DU FILM Observer, décrire et interpréter l'affiche française du film => Que voit-on (image et texte) ? => Quelles impressions suscite-t-elle ? => Quelles hypothèses peut-on faire sur le récit de ce film ? => Quel pourrait être le(s) genre(s) de ce film ? Analyse approfondie - L'image : observer le personnage (identité, vêtement, regard, posture, fonction?) et le décor (caractéristiques des vaches ?) => Répertorier les oppositions que contient cette image dans un tableau (à faire construire par les élèves) : Un homme (la trentaine), un humain Des vaches, des animaux Seul, un individu, au centre de l'image Un troupeau, un groupe, qui remplit tout l'espace En couleur (vêtement de travail) Noir et blanc Silhouette très nette et visage (pensif), Presque réduites à des taches les bras croisés (déterminé)
- Le titre : signification ? Genre du film ? Chercher la définition de « paysan », les connotations des deux termes du film. (dimension péjorative du terme « paysan », obsolète, rapport à la terre, au pays ; jeunesse, fragilité lien avec le Petit Poucet ?) - Le titre international : Bloody Milk : signification et connotations ? (lait sanglant/ meurtrier ; adverbe « bloody » = vachement). Le genre du film ? (horreur, thriller, gore). - L'affiche italienne : la comparer avec la précédente : ressemblances ? Différences ? Singularité et côté insolite du cliché (on retrouve l'animal sur le canapé, comme faisant partie du foyer, de l'intime) et ajout du sous-titre « Un héros singulier ». C/ LA BANDE-ANNONCE DU FILM https://www.youtube.com/watch?v=yjFAX84ov0g La bande-annonce donne à voir et à entendre et guide l'entrée (sans doute un peu trop) dans l'oeuvre. Les activités proposées peuvent être les suivantes : - Rédiger en 2 ou 3 phrases le pitch (bref résumé) du film. - Quelles atmosphères, quelles ambiances se dégagent de cette bande-annonce, avant et après l'apparition du titre du film ? - Quel événement dans la fiction déclenche le changement de tonalité ? - Comment les dialogues soulignent-ils le changement d'atmosphère entre ces deux parties ? - Comment la musique extradiégétique renforce-t-elle ces atmosphères ? Quelles sensations donne-t-elle aux spectateurs ? - Quel(s) pourrai(en)t être le(s) genre(s) cinématographique(s) de ce long-métrage ?
D/ LE SYNOPSIS DU FILM « Pierre, la trentaine, est éleveur de vaches laitières. Sa vie s'organise autour de sa ferme, sa sœur vétérinaire et ses parents dont il a repris l'exploitation. Alors que les premiers cas d'une épidémie se déclarent en France, Pierre découvre que l'une de ses bêtes est infectée. Il ne peut se résoudre à perdre ses vaches. Il n'a rien d'autre et ira jusqu'au bout pour les sauver. » (dossier de presse de Petit Paysan) => Réaliser un brainstorming sur les premières impressions des élèves : constitution d'un nuage de mots, utilisation de l'application Wooclap.com pour que chaque élève réponde individuellement. Interview d'Hubert Charuel (« Rendez-vous culture », émission de Rfi du 29 août 2017) « Je crois que la genèse du projet c'est à l'époque où il y avait la fièvre aphteuse. J'avais dix ans, et j'étais avec ma mère devant la télé et en gros on expliquait ce principe d'abattage qui était qu'un animal malade égale un troupeau abattu. Ma mère me dit : « Si ça arrive chez nous, je me suicide ». J'ai dix ans. Et en fait je prends conscience que c'est possible, et que la fin des vaches veut dire la fin du monde. » => Qu'apprend-on sur le film ? Sur le réalisateur ? Sur le métier d'éleveur laitier ? Répondre à ces questions permettra de travailler sur le contexte agricole et sur les intentions plus ou moins autobiographiques (on est presque dans de l'auto-fiction) du réalisateur.
V. LA SÉQUENCE INITIALE ET LE GÉNÉRIQUE DE DÉBUT Proposition d'analyse filmique de la première séquence (de 0'25 à 3'39) pour entrer au cœur du film, et d'une activité pour les élèves : – Visionner la séquence du début jusqu’à l’apparition du titre Petit Paysan. – Que montre la caméra, que fait-elle entendre, et comment ? – Mettre l'accent sur les deux espaces-temps : celui du rêve (traité sur un mode onirique, quasi surréaliste) et celui de l'éveil (traité sur un mode réaliste) qui se font écho en négatif, et faire repérer les différences de traitement entre ces deux scènes. 0'27 1'05 Le générique de 1er espace : la chambre L’homme se lève et sort du début commence classiquement Le plan d’ouverture s'effectue cadre : une bascule de par un écran noir (on verra que dans la pénombre : un homme point permet la netteté sur c’est l’espace du rêve). Les étendu est filmé en plan la profondeur de champ : on informations sur la distribution serré qu'un léger mouvement distingue des taches noires et du film apparaissent. Très vite, de caméra élargit. blanches. L'abstraction et le son surgit, un bruit profond L’espace filmé est celui d'une l'indistinction vont laisser de respiration… chambre . Notre regard est place à des parties de corps attiré par une forme identifiables : il s'agit d'une indistincte qui bouge à vache. L’homme et l’animal l'arrière-plan. sont d’emblée en relation dans le plan : ils font corps.
1'27 1'30 1'39 Après un léger panoramique la Le raccord se fait par le L’homme peine à avancer, tête d’une vache se retrouve mouvement du personnage : comme entravé dans la masse dans le cadre. Cette autre c’est l’humain qui conditionne que forment les vaches. On vache est là où on ne s'attend la mise en scène : il apparaît entend leur respiration et pas à la voir (de l'autre côté du au 1er plan et détermine les leurs sabots : l'animalité lit) : cela désoriente l'espace, mouvements de caméra. Les domine au niveau sonore. et le spectateur. Pourtant, le corps des vaches envahissent personnage ne paraît pas l'écran, le saturent et étonné. bloquent le personnage. 1’54 2’01 2’09 Le manège des vaches, qui 2° espace : la cuisine 3° espace : la chambre occupent de plus en plus Le plan de demi-ensemble On n’entend plus que le réveil. l'image, finit par expulser paraît incongru, surréaliste ! C'est le retour à la chambre l'homme hors-champ. L’homme est dans une cuisine, avec un raccord son-image. Le en train de boire un café face son ramène au réel. Les à une vache qui l’observe. Les lumières et les couleurs sont animaux ferment le cadre à claires, il fait jour, c'est le gauche et à droite. C'est un matin. On a la même cadrage véritable face à face entre que dans la première scène, l'animal l'homme. L’étrangeté sur le personnage. La scène provient de la situation et de précédente était un rêve ! cet échange rendu possible par Elle a permis d'entrer dans le regard (un des leitmotivs l'espace mental du du film). personnage : à l’instar de sa Puis on entend 2 sons maison, l'homme est concomitants : un meuglement entièrement occupé par ses et une sonnerie stridente de bovins. réveil-matin.
2’20 2’26 2'36 L’homme s’habille et va 4° espace : le pré L'homme suit ses vaches pour regarder à la fenêtre. On De l'autre côté de la fenêtre, les accompagner au pré. Filmé entend un meuglement en c'est l'espace des vaches. La de dos, il se situe dans le sourdine quand il s’en approche. vitre sépare à peine les deux même espace qu'elles, comme La musique du générique espaces, les laisse être en dans son rêve. commence aussi tout contact : le personnage étant doucement. en amorce, l’homme et ses vaches sont filmés côte à côte. Il n'y a pas de séparation vraiment nette entre l'humain et les animaux. Proposition d'activité pour les élèves : Constituer un tableau pour mettre en évidence les différences de traitement de la scène du rêve (ONIRISME) et de celle de l’éveil (RÉALISME). La scène du rêve La scène de l'éveil Personnage tout habillé Personnage torse nu Vêtements de couleur foncées Tee-shirt clair Scène nocturne Scène diurne Les vaches sont dans la maison : pas de Les vaches sont dans le pré, séparées du séparation d'avec le personnage personnage par la vitre de la fenêtre Bruit de respirations Musique légère extradiégétique
Puis le générique du film se poursuit, accompagné de la musique extradiégétique. L'espace est maintenant extérieur : le personnage conduit ses vaches au champ. 2’32 => 2’48 On retrouve le même plan que pendant le rêve, mais ici il est plus large (on voit la campagne, un champ, des arbres, alors que dans le rêve le fond était indistinct et sombre). Le mouvement de caméra est plus fluide pour suivre le groupe (l'homme et ses vaches comme s'ils ne faisaient qu'un) : caméra à l'épaule, le chef-opérateur marche derrière l’acteur, fait corps aussi avec lui. C'est la première fois qu’on entend l’homme parler (à ses vaches) : « Allez allez ! ». Il en nomme une Léonne ; nous noterons que c'est un prénom féminin. 5° espace : l’étable : 2’48 => 3’26 Les mouvements de caméra sont nombreux : on a une caméra embarquée ou caméra épaule pour suivre les gestes du personnage (il nourrit ses animaux, installe les appareils pour les traire), des plans assez serrés sur le personnage et les animaux, pour être près d’eux. Comme un documentaire on a un effet de réel. Un geste est notable : les caresses que le personnage donne à ses vaches (3’22). Elles établissent une sorte d’union, de communication entre l’homme et ses animaux. Elles mettent également en place la personnification des animaux est développée tout le long du film. 6° espace : au pré : 3’27 => 3’39 Dans un plan de demi-ensemble, le personnage et ses vaches sont cadrés sur le même niveau, la même ligne, comme s’ils faisaient corps. 3’32 : Le titre du film Petit Paysan apparaît. Ce plan donne une espèce de définition du « petit paysan », il concentre ce qu’il est (tout comme le générique) : il ne fait qu’un avec ses animaux, il vit avec eux et pour eux. Ses vaches, c’est son quotidien, nuit et jour.
VI. LA SÉQUENCE FINALE L'ADIEU AUX VACHES Proposition d'analyse filmique de la dernière séquence (de 1'17'08 à la fin) à mettre en lien avec la toute première du film. Effectivement, cette séquence constitue un effet de boucle par rapport à la séquence initiale. Elle est basée sur un système d'échos et d'oppositions : la naissance du veau vs l'abattage du cheptel, la solitude de Pierre vs la compagnie de sa sœur, le rêve initial de l'ordre du fantasme vs le réel qui vire au cauchemar final. On pourra proposer aux élèves de répondre à des questions à partir des photogrammes suivants : 1'17'32 1'18'12 1'19'35 Que voit Pierre par la Quel est le souhait de Comment la caméra met- fenêtre ? A quelle scène du Pierre avant l'abattage de elle en valeur la sensualité film renvoie ce plan ? ses vaches ? Comment qui existe entre Pierre et réagissent l'expert ses vaches ? vétérinaire et la sœur de Pierre ? 1'21'01 1'23'26 1'24'20 Comment Pierre est-il Que montre cette scène Comment l'animal est-t-il filmé au sortir de la salle entre Pierre et Biniou ? traité dans ce plan ? Quel de traite ? En quoi sa Qu'est-ce que la caméra ne est le point de vue adopté marche ressemble-t-elle à peut pas montrer et par la caméra ? celle d'un condamné ? comment est-ce représenté ?
1'25'20 1'25'50 1'26'23 Repérez les différences Observez la façon dont Comment interpréter cet entre cet ultime réveil de Pierre et la vache sont ultime plan du film ? Pierre et le tout premier ? représentés dans l'espace. Appuyez-vous sur la Que peut symboliser ce composition de l'image, la plan ? musique extradiégétique. Éléments d'analyse filmique de la dernière séquence : 1'17'32 1'18'12 1'19'35 On retrouve le même plan La voix off autoritaire du Pierre donne des caresses que dans la séquence contrôleur vétérinaire affectueuses à ses vaches, d'ouverture : la boucle est s'oppose à Pierre quant à on a l'impression qu'il bouclée. Pierre, vêtu de son souhait de traire ses s'agrippe à elles. La noir, regarde par la fenêtre vaches une dernière fois. communication passe de sa chambre les Pascale le rejoint dans le également par le regard. Le gendarmes venus pour cadre : elle se met dans son cadrage très serré et la l'abattage de son cheptel. camp et donne des caméra épaule accentuent On n'entend que sa arguments favorables à son la proximité et la sincérité respiration. frère. entre Pierre et ses animaux, et font ressentir de façon paroxystique son chagrin à se séparer de ses vaches. Une musique mélancolique accompagne la scène d'adieu.
1'21'01 1'23'26 1'24'20 Pierre sort de la salle de Dans le salon, Biniou est Dans une apothéose traite par une petite porte. assis sur le canapé ; il mécanique, un cadavre de Puis un travelling arrière échange avec Pierre vache est soulevé dans les accompagne lentement et d'ultimes caresses. Le plan airs par le camion en silence le personnage fixe fige l'émotion qui se d’équarrissage. Le plan est auquel les vaches semblent dégage de cette scène filmé du point de vue de faire une haie d'honneur. muette. Tout comme aucun Pierre ce qui contribue à On a l'impression mot ne peut être prononcé, donner plus d'émotion à d'assister aux derniers la caméra ne montrera pas cette scène. instants d'un condamné à l'euthanasie du veau. mort. Tout passe par les L'ellipse est signifiante à regards. L'émotion est ici à elle seule. son apogée. 1'25'20 1'25'50 1'26'23 Pierre n'a nul besoin de Plan fixe. Pierre se poste Le plan d'ensemble fixe réveil-matin pour se lever. face à une vache, dont il donne à voir une ligne de Il ne revêt pas sa est séparé par une clôture fuite qui laisse présager un combinaison de travail et à peine visible : la espoir, un destin optimiste s'habille sans précipitation. communication entre pour le héros : le chemin Il a encore des marques l'homme et l'animal passe est ouvert, un horizon d'irritation dans le dos, par le regard et le dernier semble donné. Pierre va mais elles semblent son vivant du film : un sans doute reprendre son cicatrisées. meuglement. La tension métier ou se reconvertir. dramatique a disparu : le La question reste ouverte, dénouement se fait dans un au spectateur de se faire calme bucolique, ensoleillé, une réponse. La caméra ne en contraste avec le suit plus le personnage : rythme effréné et elle le laisse reprendre sa l'ambiance glauque des voie tout seul. séquences précédentes.
On pourra montrer une image du plan ultime des Temps Modernes de Charlie Chaplin. Ce film s'achève effectivement par une même route, empruntée par Charlot et sa bien-aimée, ouverte sur une ligne de fuite qui donne une note optimiste au destin des personnages.
VII. LES RÉVEILS DE PIERRE Faire répertorier les differentes scènes de réveil de Pierre et les comparer avec les élèves permet de souligner l'évolution du personnage dans le récit filmique et d'en rappeler les étapes marquantes, mais aussi de mettre en évidence l'hybridation des genres cinématographiques à l'oeuvre dans ce long-métrage.. * Premier réveil (0'54 à 2'08) Il se déroule dans la pénombre. Le cadrage est serré sur le visage de Pierre, la tête dans l'oreiller ; il dort tout habillé. En ar riè re -pla n, u ne vach e boug e imperceptiblement : Pierre est en train de rêver, c'est donc un réveil onirique. L'homme et l'animal sont filmé dans le même champ, ils font corps dans l'espace 0'56 du rêve. * Deuxième réveil (2’09 à 2’31) Il fait jour. Pierre, toujours la tête dans l'oreiller, est filmé en cadrage serré. La sonnerie du réveil-matin le tire brusquement de son rêve. Il va pouvoir entamer une journée de travail avec son troupeau de vaches. C'est le retour au réel, à la chronique rurale réaliste. 2'09 * Troisième réveil (11'37 à 11'48) On retrouve le même plan que précédemment. Pierre a passé la nuit à aider Topaze à véler : le réveil est donc difficile... La sonnerie du réveil-matin donne un rythme au film, elle ponctue les journées du « petit paysan ». 11'37
* Quatrième réveil (22'17 à 22'35) Cette fois-ci, le lit est défait et vide à l'ouverture de la scène. Pierre vient éteindre le réveil-matin : il n’a pas dormi de la nuit, trop préoccupé à se débarrasser du cadavre de sa vache Topaze qu'il a exécutée et incinérée dans la fosse à purin, tel un criminel... 22'23 * Cinquième réveil (1'17'08 à 1'17'24) La scène du réveil-matin subit une ellipse : on passe directement au moment où Pierre déjà habillé guette à la fenêtre de sa chambre. Il a l'air grave, et est tout vêtu de noir : c'est la couleur du deuil de ses vaches qu'il porte pour leur abattage, et la fin de son exploitation agricole. 1'17'08 * Dernier réveil (1'25'06 à 1'25'36) On retrouve le même plan qu'au début du film, légèrement moins serré sur Pierre. Il se réveille sans avoir besoin de sonnerie, puis s'habille lentement. On peut voir dans cet ultime lever du personnage un certain apaisement, une tranquillité, jusque là absents. Pierre va prendre le temps, le temps de vivre. 1'25'06
VIII. BILAN Le film Petit Paysan met en exergue la porosité entre l'humain et l'animal, la fusion qui s'opère entre les deux règnes. Ainsi, Pierre considère ses vaches comme ses « filles » avec lesquelles il parle sans cesse. De même, la contamination de la FHB (dont les symptômes sont des hémorragies au niveau de l'échine des bovins) semble se transmettre au jeune homme dont le dos se recouvre d'un eczéma géant, et qu'il soigne avec le même désinfectant qu'il utilise pour ses bêtes . La question de la transmission, et en l'occurrence celle de la famille, de la filiation et de la paternité sont également traitées tout le long du film. Pierre se comporte avec ses vaches comme avec des enfants, on le voit mettre au monde Biniou, le veau qu'il devra également euthanasier à la toute fin du drame. Les relations entre le jeune éleveur et ses parents sont mises en scène, notamment lors de brèves séquences de déjeuners qui ponctuent le film, ainsi que lors d'échanges téléphoniques avec sa mère. Notons aussi que la relation entre Pierre et sa sœur Pascale est au cœur du film, et que c'est cette dernière qui l'aide dans sa lutte contre l'épizootie. Elle le soutient jusqu'à l'abattage final du cheptel et fait preuve d'empathie et de tendresse dans les moments de crise que traverse son frère. La thématique du regard est un leitmotiv de ce premier long-métrage. On notera l'importance accordée aux écrans : l'ordinateur de Pierre en insert à plusieurs reprises, l'application téléphonique de son ami Fabrice qui contrôle son étable comme une sorte de Big Brother des champs, les vidéos Youtube de Jamie en surcadrage, la télévision en arrière-plan que regarde le père de Pierre sans doute pour oublier les soucis professionnels. Alors que les gros plans sur les yeux des bovins font écho à ceux de Pierre en contre-champ, la caméra fait aussi l'ellipse de ce qui n'est pas montrable, de ce qui ne peut pas être filmé : les deux exécutions des vaches par Pierre, et l'abattage final de son troupeau. C'est au spectateur de se faire ses propres images dans ces moments de tension. Enfin, Hubert Charuel traite sur un mode hybride la question du genre cinématographique. A v e c Petit Paysan, il présente une œuvre qui croise le documentaire réaliste- voire naturaliste- sur le métier et la vie des éleveurs laitiers avec le film social et engagé, lequel donne voix (et corps) aux petits exploitants agricoles en France. Cette chronique paysanne, aux légers accents de comédie grinçante, se mue rapidement en thriller, en polar rural où le drame se joue dans une étable. On pourrait également qualifier ce long-métrage de film catastrophe puisqu'il évoque la fin d'un monde : celui des petits paysans.
IX. PROLONGEMENTS Afin d'approfondir le travail établi sur Petit Paysan, voici une proposition non exhaustive d'oeuvres cinématographiques, littéraires et picturales autour du monde rural et des bovins : * DES FILMS DE VACHES ET DE PAYSANS : - Cyrille, agriculteur, 30 ans, 20 vaches, du lait, du beurre, des dettes de Rodolphe Marconi, 2020 : documentaire (le titre est un résumé à lui seul) - Les vaches n'auront plus de nom d'Hubert Charuel, 2019 : documentaire (avec Hubert Charuel et ses parents) - Au nom de la terre d'Edouard Bergeon, 2019 : drame avec Guillaume Canet (le mal être des éleveurs en France) - Normandie nue de Philippe Le Guay, 2018 : comédie dramatique avec François Cluzet (quand la photo d'art peut créer le buzz dans un village où les éleveurs laitiers sont touchés par la crise agricole) - Mudbound de Dee Rees, 2017 : drame avec Carey Mulligan (la difficile vie d'agriculteurs dans le Mississippi du début du XX°s) - La vache de Mohamed Hamidi, 2016 : comédie avec Lambert Wilson, Fatsah Bouyahmed et Jamel Debbouze (un road-movie au cours duquel un modeste paysan algérien emmène sa vache Jacqueline au salon de l'agriculture à Paris) - Les fils de la terre d'Edouard Bergeon, 2012 : documentaire (l'intimité d'un éleveur laitier du Lot qui trouve des raisons d'espérer dans la création d'une coopérative de distribution de lait) - L'apprenti de Samuel Collardey, 2008 : documentaire (un lycéen de 15 ans, apprenti dans une petite exploitation laitière, y apprend ce qui ne s’apprend pas dans une salle de classe) - Trilogie de profils paysans de Raymond Depardon, 2001 : L'Approche, Le Quotidien et La Vie moderne : documentaires (dix ans passés auprès de paysans de moyenne montagne : leurs racines et leur devenir) - Diptyque de Claude Berri : Jean de Florette et Manon des sources, 1986 : drames avec Gérard Depardieu, Yves Montand, Daniel Auteuil et Emmanuelle Béart (tragédie familiale au cœur de la campagne provençale) - Biquefarre, Georges Rouquier, 1983 : documentaire (Trente-huit ans après, le réalisateur retourne dans l'Aveyron. Tout a changé, l'agriculture s'industrialise. Grand prix de la Mostra de Venise)
- Farrebique de Georges Rouquier, 1946 : documentaire (l'évolution d'une propriété familiale qui doit se moderniser juste après la guerre. Prix de la critique internationale au Festival de Cannes) - L'Homme du sud de Jean Renoir, 1945 : drame (les désillusions d'une famille cultivant le coton dans le Sud des États-Unis) - Goupi Mains Rouges de Jacques Becker, 1943 : drame (enquête sur un meurtre au sein d'une famille de paysans) - Les Raisins de la colère de John Ford, 1940 : drame, adaptation du roman de John Steinbeck (pendant la Grande Dépression, les familles américaines sont chassées de leurs terres par les banques) - Regain de Marcel Pagnol, 1937 : drame, adaptation du roman de Jean Giono avec Fernadel et Orane Demazis (un couple parvient à faire revivre un village isolé et en ruines en Provence) * VACHES ET PAYSANS EN LITTÉRATURE : - « Aux champs » in Contes de la Bécasse de Guy de Maupassant, 1882 : la dure vie des paysans à la fin du XIXème siècle - La Terre d'Emile Zola, 1887 : chronique d'un village de la Beauce sous le Second Empire - Petit arpent du Bon Dieu d'Erskine Caldwell,1933 (adaptation cinématographique d'Anthony Mann en 1958) - La Route du tabac d'Erskine Caldwell, 1937 (adaptation cinématographique de John Ford en 1941) - Sérotonine de Michel Houellebecq, 2019 : la crise des éleveurs laitiers et bovins racontée du point de vue d'un ingénieur agronome dépressif
* VOIR LES VACHES EN PEINTURE : Labourage nivernais, Le sombrage, Une ferme dans la Nièvre, Rosa Bonheur, 1849 Camille Corot, 1831 Manda Lamétrie, fermière, Alfred Roll, 1887 La vache blanche, Julien Dupré, vers 1890 Vaches, Marine avec vache, ou Vincent Van Gogh, 1890 Au dessus du gouffre, Paul Gauguin, 1888 Vaches du Capitole, La Ferme, Juan Miro, Mady de La Giraudière, 1922 XX°s Black Grassland, Lee Jong-Gu, 2008
* PROPOSITION D'UNE SÉQUENCE DE FRANÇAIS (DE LA QUATRIÈME À LA SECONDE) : Les difficultés dans le monde rural * Lire et analyser Aux champs de Maupassant, 1882 (in Contes de la Bécasse) * Analyse filmique de Petit Paysan d'Hubert Charuel, 2017 * Etude de tableaux de Le Nain (Famille de Paysans dans un intérieur , vers 1642), Millet (Les Glaneuses, 1857), Léon Lhermitte (La Paye des moissonneurs, 1882), Van Gogh (Les mangeurs de pommes de terre, 1885) * Activité d'écriture : rédiger un récit réaliste à partir d'un tableau de votre choix (donner au préalable le vocabulaire nécessaire à la réalisation de cet exercice) * Histoire des arts : Gustav Mahler, Das irdische Leben, 1908 : chant (Des Knaben Wunderhorn) Par Suzel Delvallez, Claire Mannoni et Johann Renard
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