PANORAMA DE DECISIONS DE JURISPRUDENCE 2020 DROIT DE LA CONSTRUCTION ET DE L'ASSURANCE CONSTRUCTION

La page est créée Georges Huet
 
CONTINUER À LIRE
PANORAMA DE DECISIONS DE JURISPRUDENCE 2020
  DROIT DE LA CONSTRUCTION ET DE L’ASSURANCE
                CONSTRUCTION
                Mars/Avril 2020

Par Maître Jérôme GRANDMAIRE – Avocat SELARL LEGABAT

EDITO
Deuxième revue de presse bimestrielle pour l’année 2020.

Revue un peu particulière car portant sur une période fortement impactée par la crise sanitaire
du covid-19 et ses conséquences.

A la clef donc, moins de décisions de jurisprudence.

Mais je vous invite à consulter sur le site LEGABAT l’étude réalisée sur les conséquences de la
crise du covid-19 sur la gestion de certains délais en droit de la construction.

Bonne lecture donc à tous, en invitant chacun à la mesure et à la responsabilité en cette période
difficile.

                                                                                               1
SOMMAIRE
ASSURANCES (GENERALITES) – pages 4 à 8

FORMULAIRE DE DECLARATION DU RISQUE – ARTICLE L 113-8 DU CODE DES ASSURANCES
– PRECISIONS - Cour de cassation arrêt du 5 mars 2020 - 3ème chambre civile (pourvoi 19-
11721) – Non publié au bulletin

POLICE MAF – CLAUSE PERMETTANT DE REFUSER TOUTES INDEMNITES EN CAS D’ABSENCE
DE DECLARATION DE CHANTIER - Cour de cassation arrêt du 5 mars 2020 - 3ème chambre
civile (pourvoi 18-26801) – Non publié au bulletin

ASSURANCE CONSTRUCTION – ACTIVITE DECLAREE - EXCLUSION DE LA PRESTATION DE
L’ASSURE ET DE SON SOUS TRAITANT - NON GARANTIES (OUI) - Cour de cassation arrêt du
5 mars 2020 - 3ème chambre civile (pourvoi 18-15164) – Non publié au bulletin

PRESCRIPTION – pages 9 à 14

PRESCRIPTION – RESPONSABILITE CONTRACTUELLE DE DROIT COMMUN DU
CONSTRUCTEUR – DELAI – POINT DE DEPART – ACTE : EFFET INTERRUPTIF ET SUSPENSIF -
Cour de cassation arrêt du 19 mars 2020 - 3ème chambre civile (pourvoi 19-13459) – Publié au
bulletin

PRESCRIPTION – RENONCIATION TACITE – ACTE SANS EQUIVOQUE - Cour de cassation arrêt
du 5 mars 2020 - 2ème chambre civile (pourvoi 18-26826) – Non publié au bulletin

DELAI DE PRESCRIPTION – RECOURS DE L’ASSURE CONTRE SON ASSUREUR – ARTICLE
L 114-1 DU CODE DES ASSURANCES – POINT DE DEPART DU DELAI - Cour de cassation arrêt
du 19 mars 2020 - 3ème chambre civile (pourvoi 19-12800) – Non publié au bulletin

GARANTIE DECENNALE – pages 15 à 19

GARANTIE DECENNALE – GARANTIE BIENNALE DE BON FONCTIONNEMENT – GARANTIE DE
PARFAIT ACHEVEMENT – CLAUSE CONTRACTUELLE - Cour de cassation arrêt du 19 mars
2020 - 3ème chambre civile (pourvoi 18-22983) – Publié au bulletin

RECEPTION TACITE – NOTION – ARTICLE L 111-28 DU CODE DE LA CONSTRUCTION ET DE
L’HABITATION – NON SOUSCRIPTION D’UNE ASSURANCE RCD A L’OUVERTURE DU
CHANTIER – FACULTE DE RESILIER LE MARCHE – Cour de cassation arrêt du 5 mars 2020 -
3ème chambre civile (pourvoi 19-13024) – Non publié au bulletin

DYSFONCTIONNEMENT D’UN SYSTEME DE CHAUFFAGE ET DE CLIMATISATION –
INCONFORT – ABSENCE D’IMPROPRIETE A DESTINATION - Cour de cassation arrêt du 5
mars 2020 - 3ème chambre civile (pourvoi 19-11879) – Non publié au bulletin

                                                                                           2
CONSTRUCTION HORS GARANTIE DECENNALE – pages 20 à 25

MARCHE A FORFAIT – RESPONSABILITE DU MAITRE D’ŒUVRE A L’EGARD DE L’ENTREPRISE
- Cour de cassation arrêt du 5 mars 2020 - 3ème chambre civile (pourvoi 19-11574) – Non
publié au bulletin

CLAUSE LIMITANT L’IN SOLIDUM ET LA SOLIDARITE (OUI) - Cour de cassation arrêt du 19
mars 2020 - 3ème chambre civile (pourvoi 18-25585) – Publié au bulletin

APPEL EN GARANTIE DU MAITRE D’OUVRAGE CONTRE LE MAITRE D’ŒUVRE – INCIDENCE
D’UN DECOMPTE – Conseil d’Etat arrêt du 27 janvier 2020 - (pourvoi 425168) – Publié au
recueil Lebon

                                                                                         3
ASSURANCES
FORMULAIRE DE DECLARATION DU RISQUE – ARTICLE L 113-8 DU CODE DES
ASSURANCES – PRECISIONS - Cour de cassation arrêt du 5 mars 2020 - 3ème
chambre civile (pourvoi 19-11721) – Non publié au bulletin

La décision :

« Vu les articles L. 113-2, 2°, L. 112-3 et L. 113-8 du code des assurances :

5. Selon le premier de ces textes, l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions
précises posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par
lequel celui-ci l'interroge, lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de
nature à lui faire apprécier les risques qu'il prend en charge. Il résulte des deux autres que
l'assureur ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de
l'assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu'il a apportées auxdites questions.

6. Pour annuler les contrats d'assurance, l'arrêt, après avoir relevé que l'assuré a complété un
questionnaire présenté par l'assureur en répondant par la négative à la question suivante : «
Pratiquez-vous un sport ? Si oui, lequel ? », retient d'abord que, sur le point de savoir si le
"stock-car" est un sport au sens du questionnaire de santé litigieux, ces courses sur circuit
fermé doivent nécessairement être qualifiées, par l'effort physique et la concentration requis,
de sport automobile présentant par ailleurs un danger accru pour le pilote puisque les voitures
peuvent être en contact les unes avec les autres de manière violente.

7. L'arrêt relève ensuite qu'il est établi que l'assuré pratiquait régulièrement ce sport
automobile lors de la souscription du contrat, de sorte que celui-ci a nécessairement eu
conscience de la fausseté du contenu de sa déclaration de santé et a, en toute connaissance
de cause, donné à l'assureur une information erronée sur son absence de pratique d'un sport.

8. Il en déduit que l'assuré a intentionnellement effectué une fausse déclaration de nature à
modifier le risque lors de la souscription de son contrat d'assurance auprès de l'assureur.

9. En se déterminant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'assureur avait posé,
lors de la conclusion du contrat, une question précise impliquant la révélation d'une pratique
telle que le « stock-car », la cour d'appel a privé sa décision de base légale. »

                                                                                               4
Explications :

Au visa des articles L 113-2, L 112-3 et L 113-8 du codes des assurances, la Cour de cassation
rappelle :

   -   Que l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions précises posées par
       l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel celui-ci
       l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à
       lui faire apprécier les risques qu'il prend en charge.

   -   Que l'assureur ne peut cependant se prévaloir de la réticence ou de la fausse
       déclaration intentionnelle de l'assuré, qu’à la condition que celles-ci procèdent des
       réponses qu'il a apportées auxdites questions.

Pour appliquer ce dernier principe, la Cour de cassation fait preuve d’une grande sévérité à
l’égard de l’assureur.

Il lui appartient en effet de faire preuve de précision dans l’élaboration des questions.

En l’espèce, l’assureur avait interrogé l’assuré sur sa pratique d’un sport.

La Cour d’appel avait considéré qu’il y avait bien eu fausseté de la déclaration, l’assuré n’ayant
pas fait mention de sa pratique du stock-car, qui selon la Cour d’appel devait bien s’analyser
comme un sport, l’assuré le pratiquant régulièrement et ne pouvant donc par ailleurs ne pas
avoir eu conscience de la fausseté de sa réponse.

La Cour de cassation sanctionne cependant la Cour d’appel, en excipant l’absence de question
suffisamment précise impliquant la révélation d’une pratique telle que le stock-car.

Observations :

Les assureurs doivent donc faire preuve de la plus grande précision dans les questions qu’ils
posent au terme du questionnaire proposition, à défaut de quoi ils risquent de ne pouvoir tirer
aucune conséquences de la réponse apportée.

                                                                                                5
POLICE MAF – CLAUSE PERMETTANT DE REFUSER TOUTES INDEMNITES EN
CAS D’ABSENCE DE DECLARATION DE CHANTIER - Cour de cassation arrêt du 5
mars 2020 - 3ème chambre civile (pourvoi 18-26801) – Non publié au bulletin
La décision :

« Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du
10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 septembre 2018), que M. X... et Mme W...
(les consorts X...), qui ont entrepris de faire édifier une maison d'habitation, ont confié une
mission de maîtrise d'œuvre à la société [...], assurée par la société Mutuelle des architectes
français (la MAF), une mission de contrôle technique à la société Socotec et les lots
démolition terrassement VRD / fosse septique, gros œuvre, charpente couverture, doublage
intérieur, isolation et plâtrerie à la société Les Bâtisseurs, assurée par la société Axa France
IARD ; que, après l'abandon du chantier par la société Les Bâtisseurs et la résiliation du
marché, les consorts X... ont confié à M. S..., assuré par la société MMA, un marché de
travaux ayant pour objet de terminer les lot terrassement VRD / fosse septique, gros œuvre,
charpente couverture, doublage intérieur, isolation, plâtrerie, finition piscine ; que M. S... a
abandonné le chantier en janvier 2009 ; que la société [...] et la société Les Bâtisseurs ont été
mises en liquidation judiciaire ; que, se plaignant de désordres, les consorts X... ont, après
expertise, assigné la MAF, la société Axa France IARD, la société MMA IARD et la société
Socotec en indemnisation de leurs préjudices ;

Attendu que, pour condamner la MAF à payer diverses sommes aux consorts X..., l'arrêt
retient que celle-ci n'est mal pas fondée à soutenir que l'absence de déclaration du chantier
des consorts X... doit conduire à la réduction à néant de l'indemnité due à ceux-ci et qu'en
application de l'article L. 113-9 du code des assurances, la réduction doit être calculée par
référence aux chantiers de toute l'année, en proportion du taux de la prime payé par rapport
au taux de la prime qui aurait été dû si la mission avait été déclarée ;

Qu'en statuant ainsi, tout en relevant que l'article 5.222 des conditions générales du contrat
prévoyait que la non-déclaration d'une mission constatée après un sinistre donne droit à
l'assureur de refuser toute indemnité, la cour d'appel a violé le texte susvisé »

Explications :

Par cet arrêt, la Cour de cassation maintient sa jurisprudence selon laquelle, au visa des
articles L 113-9 du code des assurances et 1134 du code civil, est valable la clause du contrat
d'assurance de maîtrise d'œuvre prévoyant que la non déclaration d'une mission, constatée
après sinistre, donne droit à l'assureur de refuser toute indemnité.

                                                                                                 6
Observations :

Malgré les critiques déjà apportées par la doctrine à cette jurisprudence, qui semble contraire
à l'esprit de l'article L 113-9 du code des assurances, la Haute Cour persiste et signe en l’espèce
et continue de créer des « brèches » dans l'assurance obligatoire responsabilité civile
décennale.

Une solution pour le Maître d'ouvrage (et le cas échéant pour l’assureur dommages ouvrage)?

Solliciter constamment des maîtres d'œuvre (et même de toutes entreprises) une attestation
d'assurance spécifique pour le chantier envisagé (au moins est-il ainsi certain que la mission
ou le contrat d’entreprise est bien connu de l’assureur).

ASSURANCE CONSTRUCTION – ACTIVITE DECLAREE – EXCLUSION DE LA
PRESTATION DE L’ASSURE ET DE SON SOUS-TRAITANT -NON GARANTIES (OUI)
- Cour de cassation arrêt du 5 mars 2020 - 3ème chambre civile (pourvoi 18-
15164) – Non publié au bulletin
La décision :

« Réponse de la Cour

 4. La cour d'appel a retenu, procédant à la recherche prétendument omise sur l'activité
déclarée par l'entreprise, que les désordres qui entraient dans le champ d'application de la
garantie décennale due par la société Allianz étaient imputables à des malfaçons commises
lors de travaux de toiture par l'entreprise sous-traitante de la société Opus, que les seules
activités déclarées par celle-ci à son assureur étaient « maçonnerie, béton armé, structure et
travaux courants » et que l'activité de maçon n'emportait pas celle de couvreur.

5. La cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle
décidait d'écarter, en a exactement déduit que la société Allianz était fondée à opposer un
refus de garantie pour tous les désordres affectant la toiture et ceux qui résultaient
directement des travaux réalisés en toiture.

6. Elle a ainsi légalement justifié sa décision de ce chef.

…

Réponse de la Cour

8. La cour d'appel a relevé que la société Opus était assurée auprès de la société Allianz au
titre de sa responsabilité civile et que les conditions générales de la police d'assurance
contenaient une clause selon laquelle l'assureur ne garantissait pas « les dommages aux
ouvrages ou travaux que (l'assuré a) exécutés ou donnés en sous-traitance [...] ainsi que les
frais divers entraînés par ces dommages ».

                                                                                                 7
9. Elle en a exactement déduit que cette clause, qui laissait dans le champ de la garantie les
dommages causés aux tiers, était formelle et limitée.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

…

Réponse de la Cour :

Vu les articles L. 241-1 et A. 243-1, dans sa rédaction applicable à la cause, du code des
assurances :

12. Pour condamner la société Allianz à payer à Mme R... la somme de 6 000 euros au titre
du trouble de jouissance, l'arrêt retient que cette société doit indemniser ce chef de préjudice
résultant des désordres dont la réparation lui incombe au titre de l'assurance de
responsabilité obligatoire.

13. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les dommages
immatériels étaient couverts par la police, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa
décision. »

Explications :

Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle sa jurisprudence constante sur le défaut d’activité
garantie (l’activité de couverture n'est pas l’activité de maçonnerie béton armé et structure).

Elle juge par ailleurs également formelle et limitée la clause selon laquelle l’assureur ne
garantit pas les dommages aux ouvrages ou travaux que l’assuré a exécutés ou donnés en
sous-traitance (attention, toutes les polices d’assurance n’apportent pas cette précision sur
les travaux donnés en sous-traitance ; elles sont alors susceptibles d’exposer l’assureur à une
condamnation à garantie si les dommages ont été causés par l’intervention du sous-traitant),
ainsi que les frais divers entraînés par ces ouvrages, ce qui laisse dans le champ de la garantie
les dommages causés aux tiers.

Même si la Cour de cassation a parfois hésité sur cette question - dans des arrêts qui
semblaient néanmoins être le plus souvent des arrêts d’espèce - elle rappelle par la présente
décision, ce que l’on pourrait appeler au moins sa « jurisprudence dominante » (et par ailleurs
tout à fait légitime à mon sens).

Enfin, au visa de l’article L 241-1 et A 243-1 du code des assurances, la Cour rappelle que les
dommages immatériels ne relève pas de l’assurance de responsabilité obligatoire et qu’il y a
donc nécessairement lieu pour le juge de vérifier si ces dommages sont bien couverts par la
police RCD souscrite.

                                                                                                 8
PRESCRIPTION
PRESCRIPTION – RESPONSABILITE CONTRACTUELLE DE DROIT COMMUN DU
CONSTRUCTEUR – DELAI – POINT DE DEPART – ACTE : EFFET INTERRUPTIF ET
SUSPENSIF - Cour de cassation arrêt du 19 mars 2020 - 3ème chambre civile
(pourvoi 19-13459) – Publié au bulletin
La décision :

« Vu les articles 2224, 2239 et 2241 du code civil et l'article L. 110-4 du code de commerce :

5. Selon le premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq
ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui
permettant de l'exercer. Il résulte du dernier de ces textes que le même délai s'applique aux
actions entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants.

6. Selon le deuxième et le troisième de ces textes, la demande en justice, même en référé,
interrompt le délai de prescription et la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à
une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès.

7. L'article 1792-4-3 du code civil, créé par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, dispose que les
actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs et leurs sous-traitants, à l'exception
de celles qui sont régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2 du même code, se
prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux. Ce texte ne saurait ainsi recevoir
application lorsqu'aucune réception de l'ouvrage n'est intervenue.

8. La Cour de cassation avait décidé, avant l'entrée en vigueur de la loi précitée, que la
responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur quant aux désordres de
construction révélés en l'absence de réception se prescrivait par dix ans à compter de la
manifestation du dommage (3e Civ., 24 mai 2006, pourvoi n° 04-19.716, Bull. 2006, III, n° 132).
Le délai d'action contre le constructeur, initialement de trente ans, avait ainsi été réduit.

9. L'article 2224 du code civil issu de la loi du 17 juin 2008 dispose que les actions personnelles
ou mobilières se prescrivent par cinq ans et ce délai est repris par l'article L. 110-4 du code de
commerce, dans sa rédaction issue de la même loi, pour les actions nées à l'occasion de leur
commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants.

10. Dès lors, la cour d'appel a exactement retenu que le délai de prescription applicable en la
cause était celui de cinq ans prévu par ces textes et que ce délai avait commencé à courir à
compter du jour où la société Bouygues avait connu les faits lui permettant d'exercer son action
à l'encontre de la société STPCL, soit le jour de l'assignation en référé du 25 mars 2010.

                                                                                                 9
11. Cependant, la Cour de cassation a jugé que seule une initiative du créancier de l'obligation
peut interrompre la prescription et que lui seul peut revendiquer l'effet interruptif de son action
et en tirer profit (Com., 9 janvier 1990, pourvoi n° 88-15.354 Bull 1990 IV n° 11 ; 3e Civ., 14
février 1996, pourvoi n° 94-13.445 ; 2e Civ., 23 novembre 2017, pourvoi n° 16-13.239).

12. De la même façon, lorsque le juge accueille une demande de mesure d'instruction avant
tout procès, la suspension de la prescription, qui fait, le cas échéant, suite à l'interruption de
celle-ci au profit de la partie ayant sollicité la mesure en référé, tend à préserver les droits de
cette partie durant le délai d'exécution de la mesure et ne joue qu'à son profit (2e Civ., 31
janvier 2019, pourvoi n° 18-10.011).

13. Pour condamner la société STPCL au paiement de différentes sommes à la société
Bouygues, l'arrêt retient que l'action engagée par celle-ci sur le fondement contractuel, en
l'absence de réception, se prescrit par cinq ans en application de l'article 2224 du code civil ou
de l'article L. 110-4 du code de commerce, que l'assignation en référé du 25 mars 2010 a
interrompu le délai de prescription et que ce délai s'est trouvé suspendu durant les opérations
de consultation jusqu'au dépôt du rapport.

14. En statuant ainsi, alors que l'interruption, puis la suspension de la prescription
quinquennale de l'action en responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur
quant aux désordres révélés en l'absence de réception de l'ouvrage n'avaient pas profité à la
société Bouygues, l'instance en référé ayant été introduite par les consorts Q..., la cour d'appel
a violé les textes susvisés. »

Explications :

Par un arrêt du 19 mars 2020, la Cour de cassation poursuit ses mises au point afférentes
aux délais de prescription dans le domaine du droit de la construction.

Elle précise :

- Que la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur en l'absence de
réception se prescrit par 5 ans (loi du 17 juin 2008).
- Que le point de départ de ce délai pour celui qui exerce l'action est notamment l'assignation
en référé dirigée contre lui, assignation par laquelle il prend connaissance du litige.
- Que le délai de prescription est interrompu et le cas échéant suspendu, mais qu'encore
faut-il que l'initiative procédurale ait été celle du créancier de l'obligation (en l'espèce,
BOUYGUES ne pouvait donc pas se prévaloir de la demande initiale en référé présentée par
les consorts X contre la société STPCL, contre laquelle BOUYGUES entendait exercer un
recours).

                                                                                                10
Observations :

Toutes les solutions de cet arrêt s'inscrivent dans le mouvement jurisprudentiel de la Cour
de cassation sur les délais de prescription en matière de construction, mouvement initié
depuis plus d'un an.

Une nouvelle fois, toutes ces solutions doivent inviter les parties à la plus grande prudence
dans la préservation de leur droit.

Notamment, il est toujours préférable dans le cadre d’une mesure d’expertise pendante,
d’être à l’origine de la mise en cause d'une partie ou d'un assureur susceptible d'être
responsable.

Cela permet d’avoir plus de certitudes sur la préservation à terme de ses recours.

PRESCRIPTION – RENONCIATION TACITE – VOLONTE SANS EQUIVOQUE - Cour
de cassation arrêt du 5 mars 2020 - 2ème chambre civile (pourvoi 18-26826) –
Non publié au bulletin
La décision :

« Vu l'article 2251 du code civil :

5. La renonciation à la prescription est expresse ou tacite. La renonciation tacite résulte de
circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription.

6. Pour déclarer recevables les demandes de M. O... formées contre M. T... et la société Axa,
l'arrêt retient qu'en ayant, le 18 juin 2010, soit deux mois et demi après l'expiration du délai
pour agir, offert à M. O..., par l'intermédiaire de son assureur, la MAIF, le versement d'un
acompte de 8 000 euros à titre d'avance sur indemnité, la société Axa a manifesté sans
équivoque sa volonté de renoncer à se prévaloir de la prescription, peu important à cet égard
que le protocole d'acompte joint, préimprimé, contienne une mention type selon laquelle
l'indemnité est allouée « sans reconnaissance de responsabilité » alors que l'application de la
Convention de Varsovie entraîne une responsabilité de plein droit. Il relève, encore, que cette
renonciation est confirmée par le paiement de la somme correspondante, le 28 novembre
2011, alors que la société Axa avait, au cours de la procédure de référé initiée en février 2011,
soit quelques mois auparavant, soulevé la prescription de l'action, ce qui signifie qu'elle savait
que celle-ci était acquise.

7. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la renonciation non équivoque de
la société Axa et de M. T... à se prévaloir de la prescription dès lors qu'elle avait constaté que
le protocole prévoyant le règlement, à titre d'acompte, de la somme de 8 000 euros stipulait
que cette indemnité était allouée « sans reconnaissance de responsabilité » et que la société
Axa avait invoqué la prescription dès l'instance en référé, la cour d'appel a violé le texte
susvisé. »

                                                                                               11
Explications :

Par un arrêt de la deuxième chambre civile, la Cour de cassation se montre très favorable à
l'assureur qui opposait une prescription, concernant la renonciation de cet assureur à sa
prévaloir de la prescription, renonciation alléguée par le demandeur.

Dans cette affaire, alors que la prescription était déjà acquise, que l'assureur s'en était
même prévalu dans le cadre d'une procédure en référé, il avait néanmoins accepté de
procéder au règlement d'un acompte par le biais d'un protocole d'acompte.

La cour de cassation rappelle, au terme de sa décision, au visa de l'article 2251 du code civil,
que la renonciation à la prescription est expresse ou tacite, mais qu'elle doit être sans
équivoque.

Elle rappelle par là sa jurisprudence de principe en la matière

Puis, en faisant application dans le cas d'espèce, elle considère que tel n'est pas le cas ici,
l'assureur ayant mentionné dans le protocole d'acompte qu'il procédait au règlement de
l'acompte "sans reconnaissance de responsabilité".

Observations :

La position de la Cour de cassation est à mon sens singulière car la réserve mentionnée dans
le protocole ne portait pas sur la prescription ou sur la recevabilité des demandes
(« règlement de l’acompte sans renonciation à se prévaloir de la prescription »).

En estimant que le fait pour l'assureur d'accepter de régler un acompte par voie de
protocole ne correspondait pas à une renonciation non équivoque de sa part à se prévaloir
de la prescription :

   -   Alors même que l'assureur avait accepté de procéder audit règlement une fois la
       prescription acquise.
   -   Alors même par ailleurs que la prescription était parfaitement connue de lui puisqu'il
       l'avait évoquée dès l'instance en référé.
   -   Alors même que la réserve portée au protocole ne portait pas sur la prescription.

La Cour de cassation se montre selon moi très sévère dans son appréciation du caractère
"non équivoque".

Il s'agit néanmoins d'un arrêt non publié au bulletin dont l'importance doit être relativisée.

                                                                                                  12
DELAI DE PRESCRIPTION – RECOURS DE L’ASSURE CONTRE SON ASSUREUR –
ARTICLE L 114-1 DU CODE DES ASSURANCES – POINT DE DEPART DU DELAI-
Cour de cassation arrêt du 19 mars 2020 - 3ème chambre civile (pourvoi 19-
12800) – Non publié au bulletin

La décision :

« Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 15 novembre 2018), M. et Mme F... ont confié des travaux de
réfection de couverture de leur immeuble à la société K... Y... (l'entreprise), les travaux ayant
été achevés et intégralement réglés le 30 novembre 2005, puis ont vendu cet immeuble à la
société civile immobilière Crathai (la SCI).

2. Le 15 novembre 2011, se plaignant de désordres, la SCI a assigné en référé-expertise M. et
Mme F..., qui, le 19 avril 2012, ont appelé l'entreprise en expertise commune.

3. Assignés, après expertise, en réparation sur le fondement de la garantie des vices cachés,
M. et Mme F... ont, le 20 novembre 2013, appelé l'entreprise en garantie en invoquant un
manquement à son obligation d'information.

4. Les demandes de la SCI ayant été rejetées, celle-ci a, en appel, par conclusions du 19 mai
2015, recherché la responsabilité de M. et Mme F... sur le fondement des articles 1792 et
suivants du code civil. Ceux-ci ont été condamnés à payer diverses sommes à la SCI à titre de
réparation.

5. Par assignation du 15 septembre 2016, M. et Mme F... ont sollicité, par la voie de l'action
directe, la garantie de la société SMA, anciennement dénommée Sagena, en sa qualité
d'assureur de responsabilité décennale de l'entreprise. La SMA a invoqué la fin de non-recevoir
tirée de la prescription.

Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. M. et Mme F... font grief à l'arrêt de déclarer prescrite leur action contre l'assureur alors «
que l'action directe de la victime contre l'assureur de responsabilité se prescrit par le même
délai que son action contre le responsable et ne peut être exercée contre l'assureur, au-delà de
ce délai, que tant que celui-ci reste exposé au recours de son assuré ; que quand l'action de
l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court
que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré, pour les seuls désordres
qu'elle vise et au regard du fondement de responsabilité invoqué ; que pour dire que l'action
de M. et Mme F... contre la société SMA était prescrite, la cour d'appel a jugé que le délai
biennal de garantie avait pour point de départ l'assignation délivrée à la société Y..., peu
important que le fondement de la responsabilité alors mise en œuvre n'ait pas été celui au titre
de laquelle M. et Mme F... demandaient à être garantis ; que la cour d'appel a ce faisant violé
les articles L. 114-1 et L. 214-3 du code des assurances. »

                                                                                                13
Réponse de la Cour, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de
procédure civile

7. L'assignation en référé-expertise constitue une action en justice, au sens de l'article L. 114-
1 du code des assurances, qui fait courir le délai de prescription biennale de l'action de l'assuré
contre son assureur lorsque celle-ci a pour cause le recours d'un tiers.

8. La cour d'appel, qui a relevé que les travaux réalisés par l'entreprise avaient été tacitement
réceptionnés au plus tard le 30 novembre 2005 et que l'action directe à l'encontre de l'assureur
avait été engagée le 15 septembre 2016, a constaté que l'entreprise avait été assignée en
expertise commune 19 avril 2012.

9. Il en résulte que le délai biennal durant lequel l'assureur de responsabilité décennale se
trouvait exposé au recours de son assurée, qui courait à compter de cette dernière date, était
expiré au jour de l'action.

10. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les
articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement
justifiée. »

Explications :

La Cour de cassation rappelle ici (directement ou indirectement) deux principes.

1er principe : L'action directe de la victime contre l'assureur de responsabilité se prescrit dans
le même délai que son action contre le responsable et ne peut être exercée contre
l'assureur, au-delà de ce délai, que tant que celui-ci reste exposé au recours de son assuré.

Reste donc à rappeler le délai dans lequel l’assureur reste exposé au recours de son assuré :

2ème principe : L’assignation en référé expertise constitue une action en justice au sens de
l’article L 114-1 du code des assurances. Elle fait ainsi courir le délai de prescription biennale
de l’action de l’assuré contre son assureur, lorsque celle-ci a pour cause le recours d’un tiers.

                                                                                                14
GARANTIE DECENNALE
GARANTIE DECENNALE – GARANTIE BIENNALE DE BON FONCTIONNEMENT –
GARANTIE DE PARFAIT ACHEVEMENT – CLAUSE CONTRACTUELLE - Cour de
cassation arrêt du 19 mars 2020 - 3ème chambre civile (pourvoi 18-22983) –
Publié au bulletin
La décision :

« Vu l’article 1792-5 du code civil :

4. Aux termes de ce texte, toute clause d’un contrat qui a pour objet, soit d’exclure ou de
limiter la responsabilité prévue aux articles 1792, 1792-1 et 1792-2, soit d’exclure les
garanties prévues aux articles 1792-3 et 1792-6 ou d’en limiter la portée, soit d’écarter ou de
limiter la solidarité prévue à l’article 1792-4, est réputée non écrite.

5. Pour déclarer irrecevables, pour cause d’exclusion de garantie décennale, les demandes de
M. et Mme X..., l’arrêt retient que le litige porte sur le système d’assainissement installé par
M. Y... et qu’il résulte des termes de l’acte de vente conclu entre M. et Mme Z... et M. et
Mme X... que les parties ont entendu exclure tout recours contre quiconque de la part des
acquéreurs concernant le raccordement au réseau d’assainissement.

6. En statuant ainsi, alors que la clause dont elle a fait application avait pour effet d’exclure
la garantie décennale des constructeurs et devait, par suite, être réputée non écrite, la cour
d’appel a violé le texte susvisé. »

Explications :

Par cet arrêt, la Cour de cassation réaffirme par un arrêt de cassation que toute clause qui a
pour objet, soit d'exclure soit de limiter la responsabilité prévues aux articles 1792, 1792-1,
1792-2, soit d'exclure les garanties prévues aux articles 1792-3 et 1792-6 ou d'en limiter la
portée, soit d'écarter ou de limiter la solidarité prévue à l'article 1792-4, est réputée non
écrite.

Lesdites responsabilités/garanties sont d'ordre public et il n'est pas possible de transiger
avec elles.

Observations :

A charge à l'avenir pour la Cour de cassation de respecter elle-même les principes qu'elle
impose.

En effet, ces dernières années, la Haute Cour n'a pas été avare en décisions qui pouvaient se
concevoir comme des entorses aux principes ci-avant rappelés, en se plaçant notamment sur
le terrain de l'objet de la police (voir l'arrêt récent du 16 janvier 2020 sur une police MAF et
la non garantie du fait du non-respect par l'architecte de ses obligations déontologiques,
arrêt dont la portée reste cependant incertaine – rev. de jurisprudence LEGABAT 2020 n°1).

                                                                                                15
Il est important de relever justement que la Cour de cassation parle de clause qui a pour
objet d'exclure ou même de simplement limiter les effets des articles précités du code civil.

Il appartiendra à la Cour de cassation, dans ses décisions à venir, de nous expliquer
désormais la cohérence entre le principe général rappelé ici et les différentes positions plus
spécifiques qu'elle a été amenées à prendre ces dernières années.

RECEPTION TACITE – NOTION – ARTICLE L 111-28 DU CODE DE LA
CONSTRUCTION ET DE L’HABITATION – NON SOUSCRIPTION D’UNE
ASSURANCE RCD A L’OUVERTURE DU CHANTIER – FACULTE DE RESILIER LE
MARCHE – Cour de cassation arrêt du 5 mars 2020 - 3ème chambre civile
(pourvoi 19-13024) – Non publié au bulletin
La décision :

« 5. M. et Mme F... font grief à l'arrêt de juger qu'il n'y avait pas eu de réception tacite et de
rejeter en conséquence la demande dirigée contre la société Sagena au titre de l'assurance
décennale, alors « que la prise de possession de l'ouvrage et le paiement du prix font
présumer la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de le recevoir avec ou sans
réserves ; qu'en décidant que la preuve de la volonté non équivoque des époux F... n'était pas
rapportée, quand elle constatait qu'ils avaient pris possession des lieux et payer le prix, la
cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé
l'article 1792-6 du code. »

Réponse de la Cour :

6. La cour d'appel a retenu qu'il résultait de leurs propres pièces que M. et Mme F... n'avaient
pas entendu accepter l'ouvrage dans l'état dans lequel il se trouvait à la date de l'abandon du
chantier, que, dans une lettre du 21 novembre 2006, ils avaient mis en demeure M. K... de
reprendre immédiatement les travaux et communiqué cette mise en demeure à l'assureur, que,
le 4 décembre 2006, ils avaient fait constater par huissier de justice les nombreuses malfaçons
relevées sur le chantier, que, le 19 décembre 2006, ils avaient adressé à M. K... la lettre
recommandée avec demande d'avis de réception suivante : « Nous sommes stupéfaits et
scandalisés de recevoir à la place du relevé précis de la situation des travaux que vous avez
commencés dans notre maison de Saint Pair sur Mer, une réclamation financière alors même
que nous avons d'ores et déjà réglé des travaux non exécutés. Ainsi et notamment nous avons
réglé la charpente et la couverture de l'abri de jardin, la dalle spéciale pour plancher chauffant
et les dalles de béton, l'électricité, le ravalement extérieur, la plomberie, le chauffage
(chaudière, radiateurs et mise en service), les revêtements des sols, la peinture, les sanitaires,
la menuiserie (escalier, volets, vitres...), les portails, les raccordements généraux, les
gouttières... Compte tenu du différend qui nous oppose et sur lequel vous ne paraissez pas
manifester la moindre bonne volonté de clarifier la situation, nous voulons néanmoins une
dernière fois poursuivre dans une ultime démarche amiable et nous vous proposons de nous
rencontrer conjointement au tribunal d'instance.

                                                                                               16
Par ailleurs et d'ici là je vous demande de nous faire connaître le nom de la compagnie
d'assurance auprès de laquelle vous avez souscrit la dommage ouvrage qui nous est due de
par la loi et que vous nous devez de par les dispositions contractuelles en date du 5 janvier
2005 » et que, sans réponse à leur demande, ils avaient assigné les parties concernées en référé
expertise, avant de faire réaliser les travaux prescrits par l'expert judiciaire et d'entrer dans les
lieux le 1er janvier 2009, ce dont il résultait que M. et Mme F... avaient contesté la qualité des
travaux.

7. La cour d'appel, qui a ainsi caractérisé la volonté des maîtres de l'ouvrage de ne pas recevoir
les travaux, a pu en déduire l'absence de réception tacite.

…

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

10. Selon ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige
celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

11. Pour rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts fondée sur la responsabilité
délictuelle de la société Sagena, l'arrêt retient qu'en remettant aux maîtres de l'ouvrage une
attestation ne faisant pas état de la condition de paiement de la prime affectant la prise d'effet
des garanties, l'assureur avait commis une faute engageant sa responsabilité, mais que, M. et
Mme F... étant, à la date de délivrance de l'attestation litigieuse le 19 août 2005, déjà
contractuellement engagés depuis plusieurs mois vis-à-vis de la société EGN et de la banque,
qui finançait leur projet, la découverte en temps utile du défaut d'assurance décennale de la
société EGN ne leur aurait pas permis de remettre en cause leur engagement en poursuivant
la résiliation du contrat de construction et qu'il n'existait pas de lien de cause à effet entre la
faute de l'assureur et le préjudice subi par M. et Mme F... du fait de l'inachèvement des travaux
et des malfaçons affectant les travaux exécutés.

12. En statuant ainsi, alors qu'en application de l'article L. 111-28 du code de la construction
et de l'habitation, M. et Mme F... disposaient de la faculté de résilier le contrat qui les liait à la
société EGN, en raison de la non-souscription d'assurance à l'ouverture du chantier, le 25 août
2005, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».

Explications :

Cet arrêt de la Cour de cassation est intéressant à au moins deux titres.

Tout d’abord, il retient une absence de réception tacite alors qu’apparemment, il y avait eu
prise de possession de lieux et paiement intégral des travaux.

Si ces deux éléments sont les deux indicateurs retenus par la Cour de cassation pour retenir
une réception tacite, encore faut-il que ces éléments ne heurtent pas la volonté réelle du
maître de l’ouvrage, qui en l’espèce, semblait être de ne pas réceptionner les travaux.

                                                                                                   17
Cet arrêt évoque une autre difficulté plus rarement abordée par la Cour de cassation.

L’entreprise était assurée auprès de la Sagena qui n’avait pas mentionné dans l’attestation
d’assurance que la date de prise d’effet des garanties était conditionnée au paiement de la
prime.

Les tiers lésés sollicitaient donc que soit retenue la responsabilité délictuelle de l’assureur à
ce titre.

L’assureur contestait cependant tout lien causal entre la faute alléguée et la situation
préjudiciable dans laquelle se retrouvaient les maîtres d’ouvrage.

En effet, il opposait le fait que le marché de construction avait déjà été signé au moment de
la production de l’attestation par Sagena.

Et la Haute Cour de rappeler que l’article L 111-28 du code de la construction et de l’habitation
permet de résilier le contrat de construction en raison de la non-souscription d'une assurance
responsabilité civile décennale à l'ouverture du chantier.

En l’espèce, les maîtres d’ouvrage auraient pu user de cette faculté et l’attestation produite
par la Sagena, même produite donc après la signature du marché, leur a ainsi causé un
préjudice selon la Cour de cassation.

La décision peut surprendre car la question du règlement de la prime ne fait pas partie des
mentions exigées comme devant figurer sur les attestations d’assurances selon l’article
A 243-3 du code des assurances.

Les assureurs doivent donc être particulièrement vigilants.

En s’assurant, avant d’émettre des attestations d’assurances au bénéfice de tiers, qu’il n’y a
bien aucune difficulté de règlement de primes s’agissant de leur assuré.

DYSFONCTIONNEMENT - SYSTEME DE CHAUFFAGE ET CLIMATISATION –
INCONFORT – ABSENCE D’IMPROPRIETE A DESTINATION - Cour de cassation
arrêt du 5 mars 2020 - 3ème chambre civile (pourvoi 19-11879) – Non publié au
bulletin
La décision :

« 3. La société Mate fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes contre la société Aviva, alors :

…

                                                                                                18
3°/ que les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou
installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage
dans son ensemble impropre à sa destination ; qu'en excluant l'impropriété de l'immeuble à
sa destination, après avoir constaté qu'en raison du dysfonctionnement du système de
climatisation-chauffage, les occupants de l'immeuble sont soumis à des variations brusques
et importantes de température, à des brassages d'air important et à des arrêts de chauffage
l'hiver entrainant leur mal être permanent, la cour d'appel a refusé de tirer les conséquences
de ses propres constatations en violation de l'article 1792 du code civil ;

Réponse de la Cour :

4. La cour d'appel, qui a apprécié la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient
soumis et qui n'était pas liée par les constatations et les conclusions de l'expert judiciaire
qu'elle a rappelées, a souverainement retenu que les dysfonctionnements affectant le
système de chauffage et de climatisation étaient à l'origine d'un inconfort qui n'entraînait
pas une impossibilité de travailler dans l'immeuble de sorte que les désordres n'étaient pas
de nature décennale.

5. Elle a déduit à bon droit de ces seuls motifs que la demande de garantie formée par la
société Mate contre la société Aviva devait être rejetée. »

Explications :

La Cour de cassation apporte un peu d’espoir à ceux qui commençaient à penser que tout
dommage pouvait finir par se transformer en un dommage de nature décennale.

Ici, concernant le dysfonctionnement d’un système de chauffage et de climatisation, elle
rappelle qu’inconfort ne signifie pas nécessairement impropriété à destination.

Tant qu’il n’y a pas impossibilité de travailler dans l’immeuble, la Cour de cassation
considère que la Cour d’appel a pu légitimement déduire à bon droit que les dommages
n’étaient pas de nature décennale.

                                                                                              19
CONSTRUCTION HORS GARANTIE DECENNALE
MARCHE A FORFAIT – RESPONSABILITE DU MAITRE D’ŒUVRE A L’EGARD DE
L’ENTREPRISE - Cour de cassation arrêt du 5 mars 2020 - 3ème chambre civile
(pourvoi 19-11574) – Non publié au bulletin
La décision :

« La cour d'appel a relevé que le maître de l'ouvrage et la société Demathieu Bard avaient
conclu un marché à forfait auquel le maître d'œuvre n'était pas partie.

8. Elle a retenu qu'il résultait des conclusions de l'expert que les quantités d'armatures
prévues dans le dossier de consultation des entreprises et dans la décomposition du prix
global et forfaitaire (DPGF) étaient insuffisantes et que la société Demathieu Bard n'avait pas
été pas en mesure de déterminer ni de vérifier les quantité nécessaires au moment de l'appel
d'offres compte tenu de la complexité de l'ouvrage, sauf à faire tous les calculs et
modélisations, ce pour quoi elle n'était pas rémunérée et ne disposait pas du temps
nécessaire.

9. Elle a également retenu, d'une part, que la société OGI, en sous-estimant les quantités
d'acier nécessaires dans la DPGF qu'elle avait établie, avait commis une erreur de conception
ayant causé le préjudice constitué de l'augmentation des quantités d'armatures, d'autre part,
que, compte tenu de l'importance de l'écart entre les prévisions de la DPGF et les nécessités
de la réalisation de l'ouvrage pour en assurer la sécurité, la société Demathieu Bard était
fondée à se prévaloir de ce chef de préjudice, indépendamment des stipulations du marché à
forfait signé entre elle et le maître d'ouvrage.

10. Elle a pu en déduire, par une motivation suffisante, sans être tenue de procéder à des
recherches ni de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes,
que la société OGI engageait sa responsabilité délictuelle à l'égard de la société Demathieu
Bard et devait être condamnée à réparer le préjudice subi.

11. Elle a relevé les constatations détaillées de l'expert relatives aux quantités d'armatures
réalisées et a souverainement apprécié et évalué le montant du préjudice.

12. La cour d'appel a donc légalement justifié sa décision. »

Explications :

Par un arrêt du 5 mars 2020, la Cour de cassation examine, dans le cadre d'un marché à
forfait, la question de la responsabilité du maître d'œuvre à l'égard de l'entreprise.

En l'espèce, l'entreprise exerçait un recours contre le maître d'œuvre, estimant que les
quantités d'acier ressortant du dossier de consultation et de la DPGF étaient inexactes et
qu'elle n'avait pas eu la possibilité de le mettre en exergue au moment de signer son marché.

                                                                                                 20
Vous pouvez aussi lire