HIER, AUJOURD'HUI, DEMAIN - LE COURRIER PICARD - 3HIMTRA*jafjab+ Le Courrier Plus
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LE COURRIER PICARD HIER, AUJOURD’HUI, DEMAIN... 5,90 € 3HIMTRA*jafjab+[A\F\L\S\F HORS SÉRIE - MAI 2018 - 5,90 €
_0YN24_VNHSE-A4_RETRO_20180430_003_01.pdf / Avril 24, 2018 / 13:37:57 EDITO ALLER DE L’AVANT… A ller de l’avant, c’est ce que le Courrier picard et ses collaborateurs ont toujours JEAN-DOMINIQUE LAVAZAIS fait au cours des soixante-quatorze dernières années. Aller de l’avant avec ambi- tion, fierté et courage, et ceci malgré les difficultés qui ont présidé à sa nais- DIRECTEUR GÉNÉRAL DU COURRIER PICARD sance et ont pu jalonner son histoire. Né à l’aube de la Libération grâce au courage et aux valeurs de quelques hommes, le Courrier picard a toujours su mobiliser ses forces et sa détermination, au gré des situations et des événements. D’un journal départemental né sur les rives de la Somme, il est devenu une référence régionale, reconnu nationalement et présent sur l’ensemble du territoire picard, dans l’Oise depuis 1975, et dans l’Aisne depuis 2005. Malgré les difficultés financières des années 2000, le Courrier picard a su rebondir de- puis 2010, et consolider sa présence régionale et la qualité de ses contenus, concréti- sées par des nouvelles formules du journal en 2011 et 2016. Avec l’appui du groupe Ros- sel La Voix, sont assurées désormais la pérennité de l’entreprise et sa capacité à investir dans l’avenir. Car, aujourd’hui, le Courrier picard, comme toute la presse écrite, fait face à un nou- veau défi, celui de la transformation numérique. Précurseur dans le domaine avec un premier site internet en 1999, le Courrier picard, en bénéficiant des compétences du groupe et de ses collaborateurs, continue à innover depuis dix ans à travers de nou- veaux produits et contenus rédactionnels. Il veille désormais à adapter son fonction- nement aux impératifs des nouvelles pratiques numériques : agilité, transversalité, dé- termination malgré les incertitudes. Aller de l’avant, oui ! Mais sans oublier ses racines, son histoire, son ADN, car ce sont les ferments de la réussite de demain : attachement à la Picardie, à l’information et la dé- mocratie locale, à ses habitants. Les collaborateurs du Courrier picard sont fiers aujourd’hui de vous présenter cette histoire dans ce hors-série de la rédaction, et sont déterminés à poursuivre la mission que les fondateurs leur ont transmise. Le Courrier picard, hier, Infographie : IDIX SOMMAIRE aujourd’hui, demain Sources : Archives Courrier picard, Histoire Aujourd’hui le Courrier picard Mai 2018 d’un quotidien régional par Jacques Béal 1994 Hors-série édité par le Courrier Impression : Imprimerie Presse Flamande, écrit son avenir : page 5 picard Rue du milieu, 59190 HAZEBROUCK 29, rue de la République Amiens Les différentes étapes de la Aucune partie de ce document ne pourra être re- fabrication d’un journal : page 10 Directeur de la publication : Jean-Dominique produite ni diffusée sous aucune forme ni par au- LAVAZAIS cun moyen électronique, mécanique ou d’autre Un journal et une entreprise Rédacteur en chef : Mickaël TASSART nature, sans l’autorisation écrite des proprié- taires des droits de l’éditeur. pas comme les autres : page 15 Conception : Olivier HANQUIER Mise en page : Olivier HANQUIER Gérard GARCIA ©2018 – Courrier picard et Frédéric DEVILLARD Des mutations technologiques Photos : Archives Courrier picard, Fred HASLIN, Oli- Merci à tous les collaborateurs actuels et anciens aux évolutions stratégiques : vier HANQUIER, Francis LACHAT, René DOMONT, sollicités pour ce hors-série page 27 Dominique TOUCHART, Philippe FLUCKIGER L’Art déco et le Courrier picard, une belle histoire architecturale : page 51 Le Courrier picard, 74 années au cœur de l’actualité : page 59
LE COURRIER PICARD, HIER, AUJOURD’HUI, DEMAIN QUELLE STRATÉGIE POUR LE COURRIER PICARD À L’HEURE DU NUMÉRIQUE ? La transformation digitale doit répondre aux attentes et nouveaux usages des lecteurs. Confort de lecture, des articles de qualité, de la vidéo : le Courrier picard poursuit sa mue au XXIe siècle pour rester le journal de la Picardie et des Picards. Le service Desk au siège à Amiens À l’heure de la transformation numé- gueur dans sa gestion et la mise en œuvre de rique, Le Courrier picard fait face synergies en particulier dans le domaine de au même paradoxe que ses l’impression, des systèmes d’information et de confrères de la presse écrite. L’au- la gestion commerciale de sa diffusion. dience du Courrier picard, c’est-à-dire le Ce soutien du groupe Rossel lui permet aussi nombre de lecteurs et internautes sur les diffé- d’investir dans son cœur de métier à travers rents supports papier et numériques, se déve- deux nouvelles formules du journal en 2011 loppe, mais le compte de résultats et le béné- et 2016, des nouveaux sites web et de nou- fice sont menacés par la baisse des chiffres velles applis pour smartphone en 2013 et en d’affaires. 2017, et un fort développement commercial Face à cela, le premier axe de cette transfor- au travers du recrutement de nouveaux abon- mation digitale est donc bien de répondre nés. aux attentes et nouveaux usages des lecteurs : plus de contenus de qualité, plus de confort et CONTINUER À CONSOLIDER de plaisir de lecture, plus de mobilité, plus de LES MARQUES DU GROUPE vidéos… Le second enjeu de cette transfor- En 2013, le Courrier picard a aussi consoli- mation digitale est de monétiser les produits dé sa présence en Picardie à travers le rachat numériques et leurs audiences, c’est-à-dire va- de L’Aisne Nouvelle, quadrihebdomdaire 86 % des abonnés reçoivent leur loriser la qualité de ces produits numériques établi sur Saint-Quentin et sa région. journal avant 7 h 30. auprès de lecteurs, sous forme d’abonne- De plus, la vitalité du groupe Rossel est aussi ments, et d’entreprises, sous forme de publici- renforcée en Picardie grâce à l’audiovisuel, té numérique. avec la radio Contact FM tout d’abord et de- Le dernier axe de travail est de développer la puis mars 2017, avec la naissance de WEO compétence des équipes, et de leur offrir les Picardie, chaîne de télévision régionale. outils et moyens pour mener à bien cette muta- Pour les années à venir, les objectifs sont tion. Système d’information, locaux et organi- clairs pour le Courrier picard : continuer la sation appropriés, formation en seront les le- consolidation des marques du groupe en viers pour le Courrier picard. termes de visibilité et d’audience sur leur terri- Depuis 2010, Le Courrier picard a intégré le toire tout d’abord. Ensuite, déployer de nou- groupe Rossel, qui est le premier groupe de veaux produits papier et web et leurs perfor- média au nord de Paris (La Voix du Nord, mances commerciales. Enfin développer les L’Union en particulier) et en Belgique franco- hommes et leurs compétences pour leur per- phone (Le Soir et Sudpresse). À travers cette mettre d’être les acteurs de la transformation. intégration, Le Courrier picard a su redresser JEAN-DOMINIQUE LAVAZAIS, sa situation financière par une nouvelle ri- DIRECTEUR GÉNÉRAL DU COURRIER PICARD DÉVELOPPER LES HOMMES ET LEURS COMPÉTENCES POUR LEUR PERMETTRE Vincent Fouquet, rédacteur à D’ÊTRE LES ACTEURS DE LA l’agence de Péronne, dans la Somme. TRANSFORMATION PAGE 6 HORS-SÉRIE
LE COURRIER PICARD, HIER, AUJOURD’HUI, DEMAIN DES CHIFFRES 1944 : NAISSANCE DU COURRIER PICARD 1975 : IMPLANTATION DANS L’OISE 1977 : APPARITION DE LA COULEUR 1986 : DÉPÔT DE BILAN 1998 : CRÉATION DU JOURNAL DU DIMANCHE 1999 : LANCEMENT DU PREMIER SITE INTERNET 2005 : IMPLANTATION DANS L’AISNE 2010 :RACHAT DU COURRIER PICARD PAR LE GROUPE ROSSEL LA VOIX 2013 : L’AISNE NOUVELLE DEVIENT UNE FILIALE DU COURRIER PICARD 2018 : LE COURRIER PICARD COMPTE 112 COLLABORATEURS ET SA FILIALE PMP 25. Jean-Dominique Lavazais est le directeur général du Courrier picard depuis 2015. HORS-SÉRIE PAGE 7
_0YO6E_VNHSE-A4_RETRO_20180430_008_05.pdf / Avril 25, 2018 / 10:35:27 LE COURRIER PICARD, HIER, AUJOURD’HUI, DEMAIN MICKAËL TASSART : « LA TECHNOLOGIE AU SERVICE DES FONDAMENTAUX » Pour Mickaël Tassart, rédacteur en chef du Courrier picard depuis 2015, les évolutions technologiques et les nouveaux modes de consultation de l’information renforcent les fondamentaux du métier de journaliste. G arder les yeux ouverts, écouter et tait qu’une fois le journal sorti des rota- Comme un gage de qualité, un label. À douter de tout. Être à l'affût de la tives. Ce n'est plus le cas. Sur internet, le l'heure du digital, notre mission d'infor- bonne information, creuser, re- "bouclage" n'existe pas, il est permanent. mation est double. Elle doit répondre à couper et enfin rédiger pour dif- Nos lecteurs nous attendent -aussi- sur ce la fois à l'instantanéité d'Internet et à fuser. Depuis des décennies, la formule ré- terrain-là, en plus de l'édition papier. "l'expérience lecteur" incomparable que sume le métier de journaliste. Elle résiste au procure toujours le journal dans sa ver- temps, aux évolutions technologiques et de- sion papier. UN RÉSEAU DE 130 vient même salutaire à l'ère du digital, ter- Le Courrier picard est le seul média ré- CORRESPONDANTS rain fertile à la prolifération des fausses infor- gional à disposer d'une rédaction de 79 LOCAUX DE PRESSE mations. journalistes et d'un réseau de 130 cor- Internet a considérablement bousculé le mé- Une récente étude, réalisée auprès de respondants locaux de presse, relais tier de journaliste. Qui, il y a encore dix ans, notre panel lecteurs, montre d'ailleurs que d'informations dans les trois départe- aurait imaginé que nous consulterions l'infor- les lecteurs les plus assidus de nos conte- ments picards. Ce maillage unique nous mation sur notre téléphone portable ? Pas nus digitaux sont également lecteurs de la permet d'être au plus près des territoires. grand monde. Et c'est pourtant une réalité version papier. Quelle leçon en tirer ? En gardant les yeux ouverts et en étant à qui nous oblige à penser différemment la dif- Que le Courrier picard est une marque l'écoute des gens qui y vivent, pour diffu- fusion de l'information. Avant, disait-on dans forte d'informations régionales, ser une information fiable et vérifiée. les salles de rédaction, l'information n’exis- qu'importe le média sur lequel il diffuse. MICKAËL TASSART PAGE 8 HORS-SÉRIE
LE COURRIER PICARD, HIER, AUJOURD’HUI, DEMAIN SEPT ÉDITIONS Le Courrier picard compte sept éditions sur l’ensemble des trois départements de la Picardie, réparties de la façon suivante : L’EDITION DE L’OISE est composée de onze journalistes répartis dans des agences L’agence d’Abbeville se situe 47 place Max-Lejeune. L’édition Picardie installées à Beauvais, maritime compte également une agence à Mers-les-Bains. Noyon, Clermont et Compiègne. L’ÉDITION DE L’AISNE est composée de trois journalistes basés à Saint-Quentin L’ÉDITION PICARDIE MARITIME est composée de huit journalistes. Elle compte deux Ludovic Lascombe, bureaux, l’un à adjoint au chef d’édtion Haute-Somme dans les Abbeville, le second locaux de Péronne. à Mers-les-Bains L’édition compte deux autres bureaux à Albert L’ÉDITION HAUTE-SOMME et à Roye. est composée de huit journalistes. Elle comporte trois bureaux à Albert, Roye et Péronne L’ÉDITION AMIENS se situe au siège du Courrier picard à Amiens. Elle est composée de huit journalistes LES ÉDITIONS NORD AMIÉNOIS ET SUD AMIENOIS sont développées par cinq journalistes, basés à Amiens. Elles bénéficent d’un bureau à Doullens pour le Nord L’agence Amiénois de Beauvais se situe au 28, LE COURRIER PICARD rue des compte aussi au siège à Jacobins. Amiens un service des L’édition sports, un service de l’Oise Desk, un service possède magazine, une cellule également reportage et faits des bureaux à Compiègne, divers, un service Noyon photos, une équipe et Clermont. web. HORS-SÉRIE PAGE 9
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N8E_VNHSE-A4_RETRO_20180430_012_01.pdf / Avril 24, 2018 / 14:50:01 LE COURRIER PICARD, HIER, AUJOURD’HUI, DEMAIN DES NOUVEAUX LOCAUX POUR UNE NOUVELLE FORCE Accompagnés de six étudiants de l’école d’architecture de Lille HEI, l’architecte Denis Ouaillarbourou a donné naissance à l’aménagement du nouveau siège du Courrier picard port d’Aval à Amiens. Son point de départ : donner une nouvelle force au Courrier picard et trouver un équivalent au siège historique du journal. P lus sensible à l’humain qu’aux jolies nal ne se résume pas à des journalistes. On y formes pour les jolies formes, l’archi- trouve des commerciaux, des administratifs, tecte Denis Ouaillarbourou donne qui entrent aussi dans la fabrication du jour- sa vision du nouvel emplacement du nal au quotidien. Il faut développer un esprit siège du Courrier picard et de son organisa- de grande fluidité, une fluidité de contact, tion. des interactions entre toutes les personnes. Difficile de déménager un site char- Concrètement cela s’organise comment ? gé d’histoire comme le Courrier pi- Le point de départ est l’open space, (espace card ? de travail où les bureaux ne sont pas séparés Il est bien certain qu’en arrivant dans le siège par des cloisons). On a essayé avec les étu- actuel rue de la République, on sent, on res- diants que tous ces bureaux rassemblés par pire l’histoire. Un lieu transformé au fur et à pole deviennent des paysages entre les bu- mesure du temps. Mais on sent aussi un lieu reaux, les armoires, les salles de réunion, les complètement dysfonctionnel. espaces de concentration. On garde une co- Le déménagement se fait dans des locaux hérence avec l’extérieur. Le paysage humain modernes (datant de 1970). La transition est renvoie au paysage extérieur. On développe normalement forte et les tensions inévitables. ainsi la relation entre la localisation du jour- nal et le lectorat. Comment conserver l’histoire du Concrètement cela se passe avec l’ensemble siège ? des fenêtres qui entourent l’open space. Cela Au delà d’un aménagement de locaux ration- donne un certain tempérament à l’endroit. nels, efficaces, modernes, il faut trouver la force du nouvel endroit, un équivalent mais Que doit apporter l’open space différent. La force du siège actuel, son archi- dans le quotidien des collabora- tecture, son histoire, sa localisation, on ne teurs du Courrier picard ? peut pas l’emmener avec nous. Le journal va vivre une expérience nouvelle avec l’open space. L’intérêt est de pouvoir Quelle sera alors la force du nou- être au courant de ce qui se passe pour veau siège ? chaque collaborateur de l’ensemble de l’en- Il fallait trouver une nouvelle identité. La force treprise, d’arriver à une entité collective. Cela du nouveau siège situé au port d’Aval est la permet de renforcer les liens avec les per- hauteur de l’immeuble. Les locaux se situent sonnes, de constituer des esprits d’équipe, au cinquième, sixième et septième étages. d’améliorer le process. On est au-dessus de la ville d’Amiens, on L’open space peut rendre les choses pos- aperçoit la cathédrale, la tour Perret, le bef- sibles. Dès le début, dans le programme, des froi, on imagine au loin les plaines du dépar- zones de repli plus silencieuses avaient été tement. Hier on était au centre d’Amiens, au- envisagées. L’aménagement que nous avons jourd’hui le Courrier picard est au centre de réalisé est un aménagement où il y a diffé- la région, de son territoire de diffusion. rentes manières de travailler : un endroit silen- J’ai donc favorisé les transparences, l’incor- cieux ; avec son équipe ; plus décontracté poration au maximum de vitres. Le collabora- aussi. On donne plus de souplesse pour trou- teur, selon où il se trouve doit toujours avoir la ver les conditions de travail idéales pour le perception du paysage. Elle est là, la force. travail qui doit être fait. Nous avons mis en avant des lieux symbo- Comment aménage-t-on dans le dé- liques comme le desk où tout converge. Un tail un espace de 1250 mètres car- espace central où toutes les informations sont rés ? centralisées : sport, reportages, web, com- On reçoit un programme qui intègre les diffé- merce. On ne s’identifie plus à un lieu, mais à rents collaborateurs. On entre alors dans la un métier. vie de l’entreprise. Et on s’aperçoit qu’un jour- OLIVIER HANQUIER PAGE 12 HORS-SÉRIE
LE COURRIER PICARD, HIER, AUJOURD’HUI, DEMAIN Les étudiants qui ont planché sur le projet : Arnaud Cavalli, Alice Dumont, Pierre Mangin, Charlène Masson, Melissa Piat et Alexandre Shu. « Fier de mes élèves » « Je suis fier d’eux, fier de leur travail », lâche l’architecte. L’aménagement du nouveau siège a été réalisé en partenariat avec l’école HEI ( Hautes Études Industrielles) de Lille. « Les étudiants qui sont dans leur dernière année ont mis en pratique leur expérience dans un cadre préprofessionnel. » Et les étudiants ont continué à apprendre. « Ce n’était pas aménager simplement un espace, il s’agissait d’aménager un espace avec de vrais gens, une vraie entreprise, avec des enthousiasmes différents et des résistances. Moi, je les ai encadrés avec ma double casquette d’architecte, de pédagogue, -je suis directeur d’étude-. Ils ont bien travaillé. Les salariés du Courrier picard ont désormais un bel outil de travail. » Si Denis Ouaillarbourou posséde une agence baptisée, « Ca ? Oui ! » à Lille depuis 2002, il est intervenu pour l’aménagement du nouveau siège du Courrier picard en tant que responsable de la formation bâtiment aménagement architecture à l’école HEI de Lille. HORS-SÉRIE PAGE 13
LE COURRIER PICARD, HIER, AUJOURD’HUI, DEMAIN UN AVENIR CONSTRUIT ÉTROITEMENT AVEC LES COLLABORATEURS « Un bon projet ne vient pas d‘en haut. » Les propos de l’architecte Denis Ouaillarbourou ont été mis en pratique lors du déménagement du siège avec la création des ambassadeurs. Journalistes, administratifs ou issus du service publicité, les salariés du Courrier picard ont participé à l’organisation de leur avenir. L e projet de déménagement du siège du NOURRIR LE DIALOGUE craintes », détaille Émilie, rédactrice Courrier picard se devait d’être l’affaire de ET FAIRE ÉMERGER dans l’édition Amiénois. tous. Pour que les salariés puissent s’y ex- LES MEILLEURES SOLUTIONS La seconde partie du travail des am- primer, la direction s’est entourée de POSSIBLES bassadeurs était plus liée à l’aména- 14 collaborateurs nommés « ambassadeurs ». gement proprement dit des nouveaux Véritables relais entre leurs collègues et le comité Une notion de reconnaissance appré- locaux. L’équipe a produit de nom- opérationnel, ils ont participé à toutes les étapes ciée par Sandra. « J’ai apporté une breuses préconisations sur l’aménage- du projet depuis le mois de septembre 2017. idée qui a été validée et j’ai suivi tout ment des espaces et le choix du mobi- « Cela reste une bonne expérience, explique San- le côté opérationnel de A à Z. C’est lier, des bureaux aux chaises en pas- dra, responsable des marchés spéciaux à la pu- valorisant . » sant par les luminaires ou encore les blicité. Cela a été l’occasion de rencontrer, de Un travail que les ambassadeurs ont plantes. « Pas toujours évident quand mieux connaître les personnes du Courrier, les mené étroitement avec les étudiants on ne maîtrise pas ces domaines », journalistes. » en architecture sous la houlette de Vir- concède Geoffrey. « Ce sont aux sala- Justement, l’organisation préconisée du nouveau ginie Deram, animatrice à HEI, et spé- riés désormais de s’approprier les siège sur cinq plateaux de 250 mètres carrés cha- cialisée dans les ateliers d’animation lieux », avoue l’architecte Denis cun était d’améliorer l’esprit d’équipe au sein de et de codesign. Elle a ainsi permis de Ouaillarbourou alors que Damian l’entreprise et d’amener une nouvelle façon de tra- mettre en relation concepteurs et usa- Hazlewood, responsable du dévelop- vailler. Ce fut la première étape du travail des am- gers, de nourrir le dialogue et de faire pement numérique conclut en se pen- bassadeurs. « C’est ce qui a été le plus intéressant émerger les meilleures solutions pos- chant vers l’avenir. « Je suis certain que pour moi, nous utilisions notre propre expérience sibles. d'ici quelques années, quand pour trouver la bonne formule », lâche Geoffrey, Le travail des ambassadeurs était par- l'ensemble du personnel sera en plein le journaliste sportif. Un avis partagé par Olivier, tagé avec l’ensemble du personnel du travail, je ne pourrais m'empêcher de l’éditeur. « On a essayé de proposer des choses siège. « J’ai pris cette fonction surtout sourire en repensant à cette belle ex- dans l’optique de mieux travailler entre les diffé- pour être le relais de mes collègues périence d'avoir pu contribuer à la rents services. » afin de remonter leurs souhaits ou leurs réussite d'un tel projet. » PAGE 14 HORS-SÉRIE
_0YN85_VNHSE-A4_RETRO_20180430_015_01.pdf / Avril 24, 2018 / 14:49:46 UN JOURNAL ET UNE ENTREPRISE PAS COMME LES AUTRES
LE COURRIER PICARD, HIER, AUJOURD’HUI, DEMAIN LE 16 OCTOBRE 1944 SORT LE PREMIER NUMÉRO DU COURRIER PICARD La capitale picarde est occupée depuis le début de la guerre. De tendance radicale-socialiste, le journal Le Progrès de la Somme est devenu l’organe de la collaboration. Le 31 aout 1944, Georges-Louis Collet arrive à 7 heures dans les locaux du journal avec son brassard FFI. C’est le début de l’histoire du Courrier picard. Le 16 octobre 1944 avec les fondateurs et les premiers administrateurs du Courrier picard. Messieurs Boucly, Chardon, Catelas, Cornut-Gentille, Collet, Garrou. Au second rang, messieurs Sacquespée, Burel, Loisel, Fiquet, Dufau-Labeyrie. À l’été 1944, les Alliés ne sont dirige donc seul vers le quotidien local. Le marque, en fait, la fusion des deux titres plus loin ; la Résistance s’orga- 31 août 1944, cet homme de petite taille ayant fait leur apparition à la Libération nise. Intendant au lycée de arrive à 7 heures dans les locaux du journal dans la Somme : Picardie Nouvelle, garçons d’Amiens, Joseph Ga- avec son brassard FFI (Forces françaises de donc, plutôt dans la mouvance socialiste rou est l’un de ses responsables dans la l’Intérieur). Il indique à Maurice Hisler, PDG et gaulliste, et l’Écho de la Somme, catho- Somme. Un soir, il convoque chez lui du Progrès, qu’il prend le contrôle du jour- lique. Lancé le 18 septembre, il arrête sa deux enseignants de l’établissement : nal au nom de la Résistance en général et publication le 14 octobre. Il n’y a pas de Francis Dufau-Labeyrie, agrégé d’an- du groupe Libération-Nord en particulier. Et place pour deux quotidiens, faute de pa- glais, et Georges- Louis Collet, professeur il dit simplement au dirigeant : « Vous êtes à pier. de latin et de grec. « On va avoir besoin de ma disposition » Le samedi 14 octobre, Picardie Nouvelle vous, leur lance-t-il. On est chargés de sortir le annonce ainsi que dès le prochain numé- journal de la Libération, un journal pour rem- MAURICE CATELAS PREMIER ro, un nouveau journal « représentera à placer le Progrès de la Somme. N’en parlez PRÉSIDENT Amiens et dans le département de la Somme, les mouvements unis de la Résis- surtout pas !» Impossible de conserver le nom de « Pro- tance, dans le cadre des idées directrices Mais la libération d’Amiens arrive plus grès », terni par la collaboration. Il faut lui du Conseil national de la Résistance.» Le vite que prévu ! Les troupes canadiennes trouver un nouveau nom. Ce sera « Picardie lundi 16 octobre, un autre communiqué, et anglaises entrent en ville le 31 août. Il en première page du Courrier picard si- devient urgent d’occuper les locaux du Nouvelle ». Un journal qui n’est au départ qu’un « dazibao », une affiche que Mar- gnale qu’«une coopérative ouvrière va Progrès de la Somme. Francis Dufau-La- être créée ». Son premier président s’ap- beyrie et Georges-Louis Collet partent celle Montigny s’empresse d’aller coller sur la statue de Marie-Sans-Chemise, place pelle Maurice Catelas, déjà à l’origine remplir leur mission. Le premier n’ira pas de la création de la coopérative l’Union, jusqu’au siège du journal. Croisant un Gambetta, au centre d’Amiens. qui fabrique et vend du pain. Résistant, il char canadien, le professeur d’anglais Ce n’est en fait que quelques semaines plus est le neveu du député communiste Jean va guider les alliés dans les rues de la ca- tard, le 16 octobre 1944, que paraît le pre- Catelas, guillotiné par Vichy. pitale picarde. Georges-Louis Collet se mier numéro à en-tête du Courrier picard. Il GEORGES CHARRIÈRES PAGE 16 HORS-SÉRIE
LE COURRIER PICARD, HIER, AUJOURD’HUI, DEMAIN LE STATUT DE COOPÉRATIVE OUVRIÈRE Le principe de la coopérative est simple : chaque salarié est propriétaire d’une partie du capital de l’entreprise et dispose d’une voix lors de l’assemblée générale qui élit le conseil d’administration qui gère la coopérative. Le choix est assez original, même à l’époque. Issus de la Résistance et ayant lutté pour construire un monde plus juste et plus éclairé, les fondateurs du Courrier pensaient que les salariés étaient capables de construire leur propre bonheur. Ils avaient aussi un autre point commun : ils étaient presque tous francs-maçons (membres du Grand Orient de France) ou allaient le devenir. Le modèle coopératif correspondait à l’idéal sur lequel ils travaillaient dans leurs loges. Soixante-dix ans plus tard, le Courrier picard existe toujours, même si sa forme juridique n’est plus la même, héritier de ces hommes libres dans un journal libre, républicains qui voulaient informer leurs lecteurs en préservant leur liberté absolue de conscience. Ci-dessous à gauche Maurice Catelas, le premier président du Courrier picard, et à droite Georges-Louis Collet, le premier rédacteur en chef. Légende LÉGENDE CRÉDIT HORS-SÉRIE PAGE 17
LE COURRIER PICARD, HIER, AUJOURD’HUI, DEMAIN RENÉ DOMONT, L’HOMME QUI A RÉINVENTÉ LES CONTENUS Résistant, localier, responsable des services régionaux et enfin rédacteur en chef… René Domont aura été au cœur de la vie de notre journal pendant une quarantaine d’années. Rencontre, souvenirs. P endant des décennies, il aura été qu’à apprendre qui avait organisé la soi- un des hommes clés de la rédac- rée et qui l’animait ». Sous son impulsion, tion, avant d’en prendre la tête ; la rédaction se met à privilégier le fait de René Domont, ex-rédacteur en société et la mise en perspective, plutôt chef du Courrier picard, aime à se définir que l’information livrée brute, sans recul, comme un « journaliste artisan ». Localier sans analyse, sans explication. dans l’âme, il a vécu une période char- Homme clé de la rédaction et homme char- nière du métier de journaliste de la presse nière de la coopérative ouvrière, sa nomi- quotidienne régionale. Celle qui a vu nation en tant que rédacteur en chef en s’éteindre doucement la « vieille locale » - 1979 aura aussi donné lieu à une bataille « Quand je suis arrivé, nous couvrions en- homérique entre le SNJ, syndicat national core les bals du samedi soir, même à des journalistes (catégoriel) qui regroupait Amiens ! » – souvent bien trop centrée sur une partie de la rédaction, et la FFTL (Fédé- les édiles, et émerger un nouveau journal, ration française des travailleurs du livre- davantage en prise avec les préoccupa- CGT) alliée au SNJ-CGT. « La CGT, c’était tions de ses lecteurs. « Dans les années un prolongement logique dans l’idéal co- soixante-dix, le journal diffusait à opératif de mon engagement au sein des 60 000 exemplaires. On avait coutume FTP (Ndlr : Francs-Tireurs et Partisans, de dire qu’un Picard sur deux le lisait et considérés comme le bras armé du Parti tout le monde était très heureux de cette si- communiste pendant la Résistance). C’est tuation. Moi, en entendant cela, je n’ai pu la raison pour laquelle j’ai toujours eu les m’empêcher de dire qu’un Picard sur deux deux cartes, celle du « Livre » et celle du ne lisait pas encore le Courrier. Et c’étaient SNJ-CGT. À mes yeux, la coopérative de- ces gens-là qui m’intéressaient. Les jeunes, René Domont fut rédacteur vait être une seule et même famille...» les personnes âgées… J’avais envie qu’on en chef de 1979 à 1983. Après des semaines de blocage, le SNJ fi- leur parle de leur vie, de la société nou- Purger les compte-rendus d’audience des vols nit par céder. Faute d’alternative sérieuse : velle qui était en train de s’édifier ». dans les magasins – « C’était une horreur, une « J’ai finalement été élu avec une petite voix Ce combat en faveur d’un « nouveau jour- seconde condamnation pour les familles sou- d’avance », confie René Domont. nal », ne fut pas toujours simple à mener. vent bien pire que celle prononcée par la jus- Il quittera la rédaction en chef quatre ans Les habitudes étaient tenaces, les résis- tice » - inventer une nouvelle locale qui parle plus tard. Lassé de devoir régler jusqu’aux tances parfois vives. Embauché au Cour- aux gens de leur vie… René Domont qui af- problèmes d’intendance, lui qui rêvait sur- rier picard en septembre 1945 après y firme avoir passé ses cinq plus belles années tout de faire du journalisme. Et parce que avoir sévi au le Courrier picard titre de la cen- venait de s’engager sure militaire, « L’INFORMATION, ON L’OBTIENT dans un contrat de René Domont a dû faire face GRÂCE À LA CURIOSITÉ, POUR APPRENDRE. solidarité : un jeune embauché contre parfois aux réti- ET ON APPREND POUR SAVOIR » un départ à la re- cences traite. La préoccu- d’hommes qui avaient appris le métier sur professionnelles à Montdidier où il était loca- pation sociale jusqu’au bout. le tas, à « l’ancienne ». Mais il a pu s’ap- lier seul en poste, s’est appuyé sur cette expé- Âgé de 94 ans, René Domont vit aujour- puyer aussi sur des esprits brillants, des rience de terrain pour repenser profondément d’hui à Saint-Malo. Resté fidèle à sa ma- grandes plumes, tels Claude Mas, Pierre les contenus : « Lorsque je suis arrivé à Mont- chine à écrire – il n’est jamais passé à l’or- Rappo ou René Vérard. Des signatures qui didier, plutôt que d’enchaîner dans une dinateur – il suit toujours l’actualité. Avec ont su en leur temps, élever le Courrier pi- même soirée six ou sept compte-rendus de un brin d’inquiétude : « Nous qui avons card au-dessus de son statut de « petit » bals, j’ai eu envie d’écrire sur la manière dont connu la guerre et ses horreurs, nous quotidien de province : « L’information, on les gens se comportent dans les bals. Il y a voyons revenir une atmosphère internatio- l’obtient grâce à la curiosité, pour ap- ceux qui ne dansent qu’avec leurs femmes, nale qui ne dit rien de bon. » Et une cer- prendre, rappelle René Domont. Et on ap- les réputés “jaloux”. Ceux qui invitent systé- taine amertume aussi à l’égard d’un traite- prend pour savoir, pour comprendre. J’ai matiquement d’autres femmes, les réputés ment de l’actualité qui laisse selon lui, bien essayé de faire passer ces principes au- “coureurs”. Ceux qui ne dansent pas du tout trop de place à la futilité : « On ne fait plus près de ceux avec qui je travaillais, et ceux qui sont là pour boire… Je pense que des citoyens mais des consommateurs… » comme je me les appliquais à moi-même.» le lecteur y a trouvé son compte, bien plus PHILIPPE FLUCKIGER PAGE 18 HORS-SÉRIE
LE COURRIER PICARD, HIER, AUJOURD’HUI, DEMAIN BIO EXPRESS 3 SEPTEMBRE 1924 : naissance à Amiens. La famille habite rue de Crouy dans le quartier Saint-Acheul. 1943 : membre des FTP, René Domont prend part à plusieurs actions armées contre l’occupant nazi.. JANVIER 1945 : René Domont qui a achevé ses études en vue de devenir instituteur arrive au Courrier picard au titre de la sécurité militaire. Il s’occupe de la censure de presse. 14 SEPTEMBRE 1945 : la guerre finie, René Domont est embauché comme journaliste localier à Amiens. Il traite notamment À gauche, René Domont, et sa machine l’actualité judiciaire. à écrire. Au-dessus, René Domont (tout à droite) lors du lancement de la foire 6 OCTOBRE 1945 : il obtient commerciale de Montdidier. un congé exceptionnel pour se marier. 1951 : René Domont est appelé par la direction du journal à ouvrir le bureau de Montdidier. Il est localier, seul en poste : « Mes plus belles années en tant que journaliste !» Légende LÉGENDE CRÉDIT OCTOBRE 1956 : René Domont est rappelé par la direction pour « remettre de l’ordre » au service des informations régionales. S’il n’est pas responsable en titre, il finira par le devenir officiellement. 1979 : René Domont est élu rédacteur en chef Ci-dessus, la du Courrier picard. Il complicé avec signera l’un de ses Georges-Louis derniers articles le 10 Collet. mai 1981 sur un Ci-contre, travailleur en pleurs, René Domont le soir de la victoire de décortique le journal en la gauche à la compagnie de présidentielle. M. Enderlin, fait-diversier. 1983 : René Domont prend sa retraite dans le cadre d’un contrat de solidarité. HORS-SÉRIE PAGE 19
LE COURRIER PICARD, HIER, AUJOURD’HUI, DEMAIN LE COURRIER PICARD ET LES HUIT RÉDACTEURS EN CHEF Plaque tournante d’une rédaction, le rédacteur en chef impose la ligne éditoriale de son journal. En 74 années, Ils ont été au nombre de huit à avoir occupé ce poste prestigieux au Courrier picard. L a définition officielle que l’on peut trouver dans les dictionnaires du mot rédac- teur en chef est : « Personne en charge de l'animation d'une équipe de journalistes et de rédac- teurs, ainsi que de la mise en place et du suivi de la ligne éditoriale d'un média. Le rédacteur en chef est parfois éditeur ou auteur et ré- dacteur de contenu. » Évidemment, plus que dans d’autres métiers, ici c’est bien l’homme qui fait la fonction. Mickaël Tassart, actuel Et le premier rédacteur en chef du rédacteur en chef. Courrier picard, Georges-Louis Collet a marqué l’histoire du jour- nal. Rédacteur en chef embléma- tique, il fait aussi partie des gens qui ont particpé à la naissance du quotidien. Il détient le record de longévité avec plus de trente ans. Pierre Rouanet fera un petit inter- mède avant de donner sa démis- sion en 1979. C’est René Domont, présent au Courrier picard depuis 1945 qui prendra les rênes jusqu’à sa retraite en 1983. Alain Ganassi prend le relais jusqu’au dépôt de bilan. Arnaud Dingreville ( 2000-2003) C’est alors à François Perrier qui a débuté sa carrière à l’ORTF à Stras- bourg, de signer un bail de quinze ans jusqu’en 2000. Place ensuite à Arnaud Dingreville pour deux ans et huit mois, avant que ce dernier ne devienne rédacteur en chef de France-Soir. Didier Louis (2003 -2013), vivra la fin de la Scop et le rachat par le groupe La Voix. C’est justement un journaliste du groupe, David Gué- vart qui sera à la tête des journa- listes jusqu’à la nomination de Mi- ckaël Tassart à la tête de la rédac- François Perrier tion en 2015. Georges-Louis Collet, premier rédacteur en chef du Courrier picard. (1986 -2000) PAGE 20 HORS-SÉRIE
LE COURRIER PICARD, HIER, AUJOURD’HUI, DEMAIN RENÉ Domont UN LABORATOIRE SOCIAL (1979-1983) .................................... « Avant de devenir rédacteur en chef, Pravda d’Amiens » pour les journa- Georges-Louis Collet m’a, à plusieurs re- listes du Parisien qui tentaient alors de prises proposé d’écrire l’édito. Comme il s’établir dans la capitale régionale… n’y a avait pas de ligne éditoriale claire- Issu de la Résistance, organisé en co- ment définie, j’ai toujours refusé... » Res- opérative ouvrière de production -un ponsable des services régionaux, Re- homme, une voix !- le Courrier picard né Domont s’est assez naturellement qui était autant un laboratoire social imposé lorsqu’il a fallu trouver un suc- qu’un titre de presse, occupait une cesseur à Georges-Louis Collet. place qui comptait dans le concert de « A l’époque, la rédaction était un vrai la presse quotidienne. « Nous avions à bouillon de culture, avec des discussions cœur de tenir ce rang, de faire une infor- politiques à n’en plus finir, des débats mation de qualité », rappelle René Do- parfois très vifs », se souvient René Do- mont qui se souvient avoir choisi des mont. « Mais Il y avait aussi un côté ca- rabins. Je me souviens de batailles avec journalistes sinon pour leur imperti- des journaux remplis d’eau. Les femmes nence, au moins pour leur pertinence de ménage en ont bavé… Et puis nous : « Un jour que je recevais un jeune sorti avions notre mur des lamentations sur le- de l’ESJ (Ndlr : école de journalisme de quel on en racontait des vertes et des Lille), je lui ai demandé ce qu’il voulait pas mûres sur certains édiles. Parfois cer- faire dans le journalisme. Il m’a répondu tains tombaient dessus lorsqu’ils étaient : « Prendre votre place ». Je l’ai aussitôt de passage à la rédaction…» embauché, mais il n’a pas eu ma « Libé de province » pour certains, « place… » Didier Louis (2003-2013) David Guévart FIER D'ÊTRE PICARD On ne "passe" pas par le Courrier picard par inadvertance comme on ferait un détour par le nord de la France ou un roman de Jules Verne. On (2013-2015) se flatte d'y être passé ; d'y avoir vécu une aventure humaine et profes- sionnelle ô combien intense (le Courrier n'est pas un long fleuve tran- LE DÉFI DU DIGITAL Intégrer la rédaction en chef du Courrier picard en quille; son contenu, pas vraiment de l'eau tiède) ; d'avoir participé à son 2010 en tant que rédacteur en chef délégué a été redressement qu'il faudra bien situer dans une histoire aussi tourmentée une chance. Après le rachat par le groupe Rossel-La qu'attachante. On se félicite d'y avoir rencontré des correspondants et Voix, les enjeux se sont révélés nombreux. En interne : des journalistes également très turbulents, sans conteste enracinés dans le la rédaction renouvelée à 30 % par le jeu des clauses territoire et soucieux d'informer avec l'indépendance d'esprit et parfois de cession. Donc des équipes à reconstruire sur tout l'esprit de fronde qui caractérise la maison et émoustille les revues de le territoire. Vis-à-vis de l’externe, il a fallu démontrer presse. l’indépendance de la rédaction vis-à-vis des « Nor- La Picardie a certes été rangée dans le tiroir des Hauts-de-France ; le distes », dont les Picards se méfient viscéralement ! Courrier a certes rejoint, parce que lui l'avait choisi sur les décombres de Donc, sur le plan éditorial, affirmer une fierté à ap- la coopérative ouvrière (scop), un groupe de presse qui lui garantit sa pé- partenir à ce territoire et à le mettre en valeur. rennité et sa place dans un environnement complexe. Il reste, par-delà les Enfin il y avait le défi du digital, engagé de façon aléas de l'histoire et les épreuves de l'entreprise, que le Courrier demeure pionnière par le Courrier picard depuis… le Minitel ! le journal de la Picardie. Il le demeurera parce que ses lecteurs l'ont déci- L’enjeu était d’impliquer tous les journalistes, vers une dé ainsi et que la rédaction n'a pas envie de les contrarier. Les Picards diffusion multi-canaux de l’information, en temps réel. s'identifient au Courrier, fidèlement ; le Courrier à ses lecteurs, obstiné- ment. Ce mariage de coeur et de raison s'inscrit dans le temps long. Ce La stratégie s’est révélée payante puisqu’en 2015, le n'est pas céder à une certaine facilité de langage que de dire qu'il Courrier picard a vécu la plus belle progression d’au- conjugue tradition et modernité. dience de toute la presse régionale française. HORS-SÉRIE PAGE 21
LE COURRIER PICARD, HIER, AUJOURD’HUI, DEMAIN DE LA SCOP AU DÉPÔT DE BILAN ET AU RACHAT PAR LE GROUPE LA VOIX Créé en 1944, le Courrier picard a vécu sous la forme d’une société coopérative ouvrière jusqu’en 2010 et son rachat. Entre-temps, le Courrier picard aura connu des hauts et des bas. L a société coopérative ouvrière de production anonyme à capital et personnel variables sous la dénomi- nation du Courrier Picard naît le Le « Courrier picard » 10 novembre 1944. La Scop ou un homme égale une voix se abandonne son statut de Scop traduit par le fait que les salariés sont asso- AMIENS Réunis hier en res dues à la situation actuelle de ciés majoritaires et détiennent au moins assemblée générale extraordinai- la presse française mais aussi à la 51 % du capital social et 65 % des droits crise économique que nous tra- re, les sociétaires du Courrier de vote. Si tous les salariés ne sont pas as- picard, non sans émotion, ont versons, le Courrier picard avait sociés, tous ont vocation à le devenir. décidé à une large majorité entrepris depuis plusieurs mois Dans une Scop, il y a un dirigeant comme l’abandon du statut coopératif de une réflexion sur son devenir et dans n’importe quelle entreprise. Mais ce- leur société. consulté ses sociétaires qui, en lui-ci est élu par les salariés associés. En Alors que 92 % d’entre eux avril dernier, avaient refusé à 1944, le Courrier picard compte 88 socié- avaient précédemment exprimé plus de 87 % de procéder par taires. Les premières décennies sont floris- leur volonté de céder leurs parts eux-mêmes à une recapitalisa- santes. En 1969, on compte 201 socié- sociales à la Voix du Nord, 95 % tion de l’entreprise. taires sur 245. Car après deux ans de pré- La société avait alors décidé de sence et à condition d’être âgé de 21 ans, des sociétaires présents ou repré- faire appel à un partenaire exté- chaque travailleur peut devenir associé. sentés ont en effet confirmé le rieur, entraînant du même coup Les bénéfices sont répartis de la manière projet d’abandon du statut de l’obligation d’abandonner son sta- suivante 15 % à la réserve légale ; 0,50 % Société coopérative ouvrière de tut coopératif acquis depuis sa à la direction ; 9 % à la caisse de solidarité production (Scop) et sa transfor- création, le 16 octobre 1944. et 75 % au travail. mation en société anonyme. Une page se tourne. Mais pour En dix ans entre 1957 et 1967, le capital Cette décision est maintenant autant le Courrier picard entend de l’entreprise est doublé. subordonnée à l’autorisation Les premières difficultés arrivent au début continuer à jouer son rôle de pre- ministérielle permettant la radia- mier média en Picardie tout en des années 70. En 1975, l’entreprise tion du Courrier picard de la liste profitant de nouveaux moyens connaît son premier déficit annuel. des Scop, décision qui devrait de développement que ce rappro- intervenir d’ici la fin de l’année chement avec le groupe Voix du BAISSE DES SALAIRES DE 25 % EN 1977 Face à des difficultés financiè- Nord lui offre désormais. En cause notamment l’augmentation de la masse salariale qui fait suite à la création Voici l’encadré paru le dimanche 11 juillet 2010 après le vote des sociétaires. de nouvelles éditions. En 1977, face à Il annonce la fin de la Scop et le rachat du journal. cette crise, des mesures drastiques sont prises. L’accord du 10 juin 1977 stipule la nistration à procéder au dépôt de bilan. Le 8 picom ou l’on trouve aussi des actionnaires suppression des avantages extra-conven- février 1976, les 250 sociétaires votent à du journal La Voix du Nord. tionnels. Cet accord se traduit par des plus de 70 % le plan de redressement établi Ces mêmes actionnaires qui en 2010 ra- baisses de salaire allant jusqu’à 25 %. par un cabinet d’audit. Il prévoit 50 suppres- chèteront les parts des sociétaires du Cour- Des mesures qui permettent le redressement sions d’emplois. Et deux mois plus tard, les so- rier qui, face aux difficultés des années de l’entreprise sous la direction du directeur ciétaires votent à nouveau et choisissent le 2000 de la presse quotidienne en général Bernard Roux, un énarque qui lance le Crédit Agricole comme partenaire extérieur à refuseront de procéder par eux-mêmes à Courrier picard dans l’aventure de la télé- hauteur de 49 %. Une première depuis la une recapitalisation. matique. Mais l’inflation du prix des ma- création du Courrier picard. Un mariage de Le rachat du Courrier picard entraînera la tières premières (papier), des salaires, raison lorsqu’il faut éponger une dette de 45 fin de l’impression du journal rue de la Ré- amène le 12 décembre 1985, le président millions de francs. Le Crédit Agricole devient publique et la disparition du dernier journal du journal Ivan Joly avec le conseil d’admi- le sociétaire B sous la forme juridique de Nor- sous la forme d’une Scop. PAGE 22 HORS-SÉRIE
LE COURRIER PICARD, HIER, AUJOURD’HUI, DEMAIN FRANCIS LACHAT : « UN JOURNAL C’EST AVANT TOUT DU LIEN SOCIAL AVEC LE LECTEUR » Francis Lachat, journaliste au Courrier picard dès 1972 avant d’en devenir le président dans les années 1990 porte un regard sur l’évolution du métier de journaliste. Il doit être créateur de lien social pour mieux raconter les histoires au quotidien. M achine à écrire, im- pression du journal au plomb, photos argen- tiques : quand Francis Lachat est entré au Courrier picard en 1972 à la locale d’Amiens, la presse écrite est encore loin de l’in- formatisation, encore plus loin du numérique et de la révolution inter- net. Quarante-cinq ans plus tard, celui qui fut aussi président de la scop Courrier picard de 1989 à 1997, porte un regard sur l’évolution du métier de journaliste, notamment des localiers, seuls en poste. « À cette époque Georges-Louis Collet, le rédacteur en chef recrutait des gens du cru, ancrés dans le terri- toire. Avant de travailler au journal, les futurs embauchés étaient déjà dans le tissu associatif .» Les journa- listes avaient comme une double compétence : « Un double avan- tage, car Georges-Louis Collet ai- mait embaucher des gens qui avaient la gnaque. » « QUAND ON LANCE DES PROJETS SUR PLUSIEURS ANNÉES SUR LE LONG TERME, Francis Lachat à ses débuts avec la machine à écrire : une époque révolue. ON EN OUBLIE TROP SOUVENT LE QUOTIDIEN » formatisions l’ensemble des taches des jour- d’un journal, le quotidien des gens. » nalistes. Nous avons surtout décidé de Pour Francis Lachat, les progrès techniques Ce lien social a-t-il perduré ? « Je ne maintenir les différentes agences dans les ont accouché de nouveaux journalistes ; ils sais pas en tout cas, ce n’est plus la départements de la Somme et de l’Oise. sont plus techniques, ils font de la mise en même chose ». Lorsqu’il fut président Quand on lance des projets sur le long page, et aujourd’hui du web. « C’est un du Courrier picard entre 1989 et terme, on en oublie trop souvent le quotidien atout indéniable, mais le coeur du métier est 1997, Françis Lachat le concède vo- je pense. Or c’est le cœur de notre métier. » avant tout d’écrire. Quel angle choisir, ap- lontiers, il n’a pas mis l’accent sur le Comme quand Bernard Roux alors directeur porter le contradictoire, c’est la priorité à lien social entre les lecteurs et le jour- du journal lance le Minitel. Une première mon sens. Et surtout, Il faut simplement ra- nal. « Nous sortions d’un plan social. pour un journal. « C’était pourtant un vision- conter des histoires. Il y en a peut-être moins La priorité était de rembourser la naire, un homme brillant, et là-aussi, on a ou- aujourd’hui. » dette, et dans le même temps nous in- blié de se concentrer sur les fondamentaux OLIVIER HANQUIER PAGE 24 HORS-SÉRIE
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