Die Zauberflöte - FESTIVAL D'AIX-EN-PROVENCE DU 4 AU 24 JUILLET 2018 - Festival-aix.com
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70e édition du Festival L C e Festival d'Aix-en-Provence célèbre cette année sa 70e édition. Cet anniversaire 'est une année particulière pour le Festival d'Aix. Elle est marquée par un double m'offre l'occasion de rendre hommage aux générations d'artistes, de professionnels, de événement. D'abord un anniversaire, ensuite un départ. techniciens et de mécènes du monde entier qui ont forgé l'identité du Festival et qui l'ont fait vivre, tout au long de ces décennies, à travers un formidable travail de coopération. Je Un anniversaire, parce qu'en 1948, à la sortie de la guerre, Gabriel Dussurget – mélomane pense notamment au grand metteur en scène Patrice Chéreau dont les productions auront averti – eut l'idée géniale de créer un festival d'art lyrique à Aix-en-Provence. Depuis marqué l'histoire du Festival. 70 ans, chaque été, le cœur de la ville continue de battre au rythme de la scène mythique de l'Archevêché. La programmation de cette 70e édition sera fidèle à ce qui fait la force et la singularité de la manifestation depuis sa création. Les plus grands compositeurs y seront à l'honneur : Mozart bien Que serait Aix aujourd'hui sans ce prestigieux rendez-vous musical ? Soixante-dix années se sont sûr, qui a toujours occupé une place singulière à Aix, sera présent avec La Flûte enchantée, sous la écoulées à façonner la renommée du Festival, à faire rayonner la ville au-delà des frontières de direction musicale de Raphaël Pichon et mise en scène par Simon McBurney ; de même que Richard l'Hexagone. Mais aussi à partager l'excellence en s'ouvrant – dans une histoire plus récente – à de Strauss, avec son Ariane à Naxos ; ou encore Sergueï Prokofiev avec L’Ange de feu. La programmation nouveaux publics. fera aussi la part belle à l'audace et à la diversité, avec la création mondiale Seven Stones, ou encore l'opéra Orfeo & Majnun qui réunit des compositeurs de trois nationalités et mêle les langues arabe, Un départ, ensuite, puisque Bernard Foccroulle, directeur du Festival depuis 2007, signe ici sa dernière anglaise et française. Fidèle à sa tradition, le Festival dressera également des ponts avec le bassin programmation. Il l'a fait jusqu'au bout avec le professionnalisme et les qualités humaines que chacun méditerranéen et ses artistes émergents, grâce au réseau Medinea ou à l'Orchestre des Jeunes de la lui connaît. Méditerranée. Enfin, comme toujours, le public sera au cœur du Festival et même invité à y jouer sa part, à travers l'opéra participatif Orfeo & Majnun. Je tiens à le remercier pour le travail accompli et les magnifiques souvenirs d'opéras qu'il nous laisse derrière lui. Son formidable parcours aixois ne connaît aucune fausse note et son talent aura marqué Nous fêtons par ailleurs cette année un autre anniversaire, que je tiens aussi à saluer : celui de bien plus qu'une décennie aixoise, le monde de l'art lyrique en général. Je sais qu'il va maintenant l'Académie du Festival, qui célèbre ses 20 ans d'existence. Je veux rendre hommage aux missions se consacrer à des projets plus personnels, notamment l’interprétation et la composition, ses deux remplies par ce centre de perfectionnement vocal et instrumental, qui offre un espace de travail, passions. d'expérimentation et d'ouverture aux jeunes artistes en voie d'insertion dans le milieu professionnel, et qui forme également des médiateurs. À travers l'Académie, le Festival réaffirme la transmission Une très belle page du Festival d'Aix se tourne cette année. À 70 ans, il s’apprête à prendre un nouveau comme l'une de ses valeurs cardinales. départ. Cette édition 2018 sera enfin l'occasion de célébrer le travail extraordinaire accompli par Bernard Foccroulle, qui transmettra le témoin de la direction à Pierre Audi à la fin de l'été et qui signe avec cet anniversaire sa dernière édition. Je tiens à le saluer et à le remercier chaleureusement pour son Maryse Joissains Masini engagement, son exigence constante, ses paris multiples et ses prises de risque durant ses années Maire d'Aix-en-Provence passées à la tête du Festival. Je remercie également toutes les équipes et tous les partenaires, publics et Président du conseil de territoire du Pays d'Aix privés, qui rendent ce moment d'enchantement possible année après année. Je vous souhaite à tous un très beau Festival. Françoise Nyssen Ministre de la Culture 2 3
L Un Festival aux résonances très actuelles L’édition 2018 est exceptionnelle à plus d’un titre : le Festival d'Aix-en-Provence célèbre ses 70 ans, son Académie fête ses 20 ans, et les services éducatif et socio-artistique Passerelles D sont à pied d’œuvre depuis déjà 10 ans. L’excellence artistique est, une fois de plus, au rendez- vous avec une programmation audacieuse où les opéras de Mozart, Strauss, Purcell et Prokofiev, ès l'origine, l'opéra s'est tourné vers les mythes antiques – Orphée, Ariane, Didon, ainsi que deux créations se partagent l’affiche. L’une d’entre elles, Orfeo & Majnun, sera donnée les récits de la guerre de Troie – non par souci passéiste, mais parce que ces récits gratuitement sur le cours Mirabeau. Une offre foisonnante complétée par 23 concerts auxquels immémoriaux continuaient à parler aux êtres humains des temps modernes. De la même prennent part des artistes emblématiques de l'Académie. manière que le chant est un moyen « détourné », sublime, de dire le réel et de décrire les Pour sa 6e édition, Aix en juin propose plus de 25 manifestations dans la ville comme dans la région et passions humaines, les mythes offrent un réservoir inépuisable de récits qui, venant de poursuit ainsi sa politique d’ouverture et d’ancrage dans le paysage culturel régional. Ce prélude au temps immémoriaux, nous atteignent de plein fouet, avec toute la violence des situations Festival réunit plus de 17 000 spectateurs autour de 270 jeunes artistes au rang desquels figurent les paroxystiques, des destins contrariés, des conflits insolubles, des passions les plus aiguës. Lauréats HSBC de l’Académie dont on peut admirer le talent à Aix-en-Provence et alentours. Les enjeux de formation et de transmission restent primordiaux comme en témoignent les actions Les amours à l'opéra sont rarement des fleuves tranquilles : on ne peut qu'être frappé par la force et la menées par l’Académie, par l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée et, plus localement, par diversité des figures féminines qui traversent cette édition, de l'archétype de la femme abandonnée Passerelles. Le Festival est largement diffusé grâce aux retransmissions de nos partenaires Arte et Arte (Didon) ou perdue (Eurydice, Layla), à l'incarnation de la fidélité (Ariane) ou de l'amour libre concert, France Musique et France Télévision, auxquelles s’ajoutent des projections gratuites à Aix- (Zerbinetta). L’Ange de feu nous révèle une héroïne fascinante, condamnée pour sorcellerie dans un en-Provence et ses alentours ainsi que dans le monde. Moyen Âge pas si lointain ; Seven Stones suit le parcours éperdu d'un homme coupable du meurtre de la Poursuivant son expansion à l’étranger, les productions du Festival tournent sur les scènes du femme qu'il aimait, un homme à la recherche du pardon. Seul Mozart parvient à réconcilier le féminin monde entier. Les deux réseaux que le Festival anime – celui d’enoa en Europe et celui de medinea en et le masculin dans La Flûte enchantée, mais à l'intérieur d'un univers dominé par le patriarcat... Méditerranée – font de lui un acteur influent [et engagé] sur la scène internationale. Dans le cadre du débat actuel sur la place faite aux femmes dans notre société, il ne sera pas inutile La part du mécénat occupe une place de taille dans le financement du Festival. Je remercie tous les d'interroger le cadre social, idéologique et philosophique qui a vu naître ces œuvres d'art et qui a mécènes, particuliers et entreprises, au premier rang desquels Altarea Cogedim, partenaire officiel contribué à diffuser largement ce point de vue essentiellement masculin sur la féminité. du Festival. J’exprime enfin toute notre gratitude pour leur soutien renouvelé au ministère de la Culture, à la Mairie Cette année 2018 nous permet aussi de célébrer les vingt ans de notre Académie. Celle-ci a d’Aix-en-Provence, à la Métropole Aix-Marseille-Provence et au Territoire du Pays d’Aix, au Conseil profondément transformé le Festival qui, sans rien perdre de sa vocation initiale, s'est enrichi, départemental des Bouches-du-Rhône et au Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur. rajeuni, diversifié. Il est devenu un pôle incontournable de la création lyrique, il a accueilli, formé et accompagné des dizaines de créateurs et créatrices, et des centaines de jeunes interprètes. 2018 constitue la dernière programmation de Bernard Foccroulle, directeur général du Festival, qui achève ici son troisième mandat. Parallèlement, l'Académie a participé à l'évolution des activités de Passerelles, notre département Je souhaite remercier chaleureusement Bernard Foccroulle pour le travail qu’il a accompli depuis éducatif et socio-artistique qui a, depuis 2007, développé des actions de médiation et des créations 12 ans à la tête de notre Festival. Son enthousiasme, son imagination, son pouvoir de conviction, son participatives en partenariat avec des centaines d'écoles et d'associations, ainsi que des milliers de esprit d’équipe ont permis au Festival de progresser aussi bien sur le plan de l’excellence artistique que jeunes et d'adultes de toutes origines. du développement des publics. Pour succéder à Bernard Foccroulle, la ministre Audrey Azoulay, les collectivités territoriales et moi- Orfeo & Majnun constitue sans doute l'aboutissement de ces axes de travail qui n'ont cessé de nous même, avons choisi en juin 2016, Pierre Audi directeur de l’Opéra d’Amsterdam. Pierre Audi prendra porter au cours de ces années : création, participation, dialogue interculturel, coopération européenne. ses fonctions comme directeur général du Festival d’Aix-en-Provence le 1er septembre 2018 ; depuis 18 Ce projet ambitieux qui associe parade urbaine et opéra en plein air aura galvanisé les énergies de mois en tant que directeur délégué il prépare les programmations des saisons 2019 – 2020 – 2021 en centaines et de milliers de personnes participantes, amateurs et professionnels, dans le cadre festif et liaison avec le Conseil d’Administration et moi-même. collégial de Marseille-Provence 2018. Le 1er juin 2018, le Conseil d’Administration a choisi comme nouveau Président Paul Hermelin. Je me réjouis tout particulièrement de ce choix. Par sa personnalité, par ses attaches avec la Provence, À toutes celles et tous ceux qui nous ont accompagnés et soutenus tout au long de ces années, par son goût de l’opéra, par sa réussite à la tête d’un des groupes les plus prestigieux du CAC 40, Paul responsables politiques, mécènes, spectateurs et spectatrices, je voudrais dire un immense MERCI ! Hermelin devrait encore amplifier le succès de notre Festival. Bernard Foccroulle Bruno Roger Directeur général du Festival d’Aix-en-Provence Président d’Honneur du Festival d’Aix-en-Provence 4 5
WOLFGANG AMADEUS MOZART (1756-1791) Die Zauberflöte SINGSPIEL EN DEUX ACTES La Flûte enchantée LIVRET D’EMANUEL SCHIKANEDER CRÉÉ LE 30 SEPTEMBRE 1791 AU THEATER AUF DER WIEDEN À VIENNE Direction musicale Sarastro Trois Garçons Raphaël Pichon* Dimitry Ivashchenko Membres du Knabenchor Mise en scène Tamino der Chorakademie Simon McBurney Stanislas de Barbeyrac Dortmund Reprise de la mise en scène La Reine de la Nuit Chef de chœur du Josie Daxter Kathryn Lewek Chorakademie Dortmund Jost Salm Décors Pamina Michael Levine Mari Eriksmoen* Acteurs et actrices Costumes Papageno Robin Beer Nicky Gillibrand Thomas Oliemans* (illustrateur vidéo), Lumière L'Orateur Ruth Sullivan Jean Kalman Christian Immler (illustratrice sonore), Vidéo Première Dame Antony Antunes Finn Ross Judith van Wanroij* Jorge Arbert Mehdi Belhaouane Son Deuxième Dame Nina Bowers Gareth Fry Rosanne van Sandwijk* Katerina Damvoglou Troisième Dame Kate Higginbottom Assistant à la direction Helena Rasker Robin Khor Yong Kuan musicale Papagena Judy Lijdsman Alphonse Cemin* Reprise de la production du Festival d’Aix-en-Provence 2014 Lilian Farahani Jean-Francois Martin En coproduction avec Dutch National Opera & Ballet, Amsterdam, English National Opera, Londres Chef de chant Rowin Prins Monostatos Création réalisée en collaboration avec Complicité, Londres Tanguy de Williencourt* Gabriella Schmidt Bengt-Ola Morgny Répétiteur de langue Karin van der Hilst Premier Homme d'armes Éditeur de la partition : Neue Mozart-Ausgabe, Bärenreiter-Verlag Verlag Kassel · Basel · Stephan Rehm / Deuxième Prêtre London · New York · Praha Assistant à la mise en scène Trystan Llŷr Griffiths* Figurants et figurantes Olivier Fredj Christophe Dossou Un rendez-vous MP2018 Quel Amour ! Premier Prêtre / Hagop Kalfayan Assistant à la lumière Deuxième Homme d'armes N'Nabintou Toure Michael Gunning Geoffroy Buffière* Spectacle en allemand surtitré en français et anglais | 3h entracte compris Juliette Vétillard Grand Théâtre de Provence | 6, 9, 11, 16, 19, 21, 24 juillet 2018 | 19h30 | 14 juillet 2018 | 17h Assistante à la vidéo Jane Michelmore Chœur et orchestre Ensemble Pygmalion Retransmis en direct sur le 9 juillet *Anciens et anciennes artistes de l’Académie 7
Argument Acte II Sarastro et ses adeptes sont réunis en assemblée solennelle pour décider si Tamino mérite d’épouser Pamina et de régner sur eux à l’avenir. Une fois la décision prise, Sarastro fait entrer Tamino et Papageno, qui devront subir des épreuves. Puis on introduit Pamina. Le prince et la jeune femme se Acte I disent adieu. Perdu dans des montagnes et poursuivi par un gigantesque serpent, le prince Tamino perd connaissance. Trois Dames interviennent pour tuer le monstre. Chacune est charmée par les traits Tamino et Papageno se retrouvent seuls dans les ténèbres. Ils ont l’obligation de s’isoler dans le du jeune homme, mais elles doivent aller prévenir leur souveraine, la Reine de la Nuit, de l’arrivée de silence. Quand les Dames de la Reine de la Nuit surgissent, Papageno est tenté de rompre ce vœu. Mais cet étranger. À son réveil, Tamino rencontre Papageno, oiseleur orphelin et enfant de la nature, qui les voix des hommes de Sarastro chassent les Dames. lui explique qu’il vend ses oiseaux à la Reine de la Nuit. Lorsque surgissent les trois Dames auxquelles Papageno remet habituellement les proies qu’il a capturés, il ne reçoit en guise de salaire que de l’eau Dans un autre endroit du palais, Monostatos tombe sur Pamina endormie. Il ne peut s’empêcher de et une pierre, ainsi qu’un baillon pour sa bouche, punition de ses bavardages. Les Dames expliquent à s’en approcher encore. Mais il s’enfuit lorsqu’apparaît la Reine de la Nuit qui prend sa fille dans ses Tamino qu’elles l’ont sauvé et lui donnent un portrait de Pamina, fille de la Reine de la Nuit. Le prince bras. Lorsqu’elle apprend que Tamino s’est rallié à Sarastro, elle ordonne à Pamina d’assassiner le tombe immédiatement sous le charme. La Reine apparaît alors pour l’enjoindre d’aller libérer sa fille, souverain et disparaît. Monostatos, caché, a tout entendu et menace Pamina : si elle ne cède à ses enlevée par son ennemi Sarastro. Qu’il la délivre et il pourra l’épouser ! Tamino brûle d’aller chercher avances, il la tuera en prétendant qu’elle a voulu attenter aux jours de Sarastro. Pamina se récrie. Au Pamina. Les Dames libèrent Papageno en lui intimant l’ordre d’accompagner Tamino. Pour les aider, moment où l’infâme s’apprête à la frapper, Sarastro arrête son geste et bannit Monostatos, qui décide elles remettent une flûte enchantée au prince et un carillon magique à l’oiseleur, et leur annoncent que de rejoindre la Reine de la Nuit. Sarastro réconforte Pamina en lui expliquant qu’il ne recherche pas le trois Garçons leur serviront de guides. conflit mais l’harmonie. Dans le palais de Sarastro, Monostatos, son homme de main, a rattrapé Pamina qui tentait de s’enfuir. Tamino et Papageno continuent leurs épreuves dans le noir. Les trois Garçons apparaissent pour leur Papageno arrive sur ces entrefaites : lui et Monostatos se font peur mutuellement et s’enfuient. Mais remettre la flûte et le carillon qui leur avaient été confisqués, ainsi que des victuailles. Arrive Pamina, Papageno revient et annonce à Pamina que le prince Tamino n’est pas loin, et qu’il entend la délivrer. heureuse de retrouver Tamino. Mais ce dernier ne lui adresse aucune parole. Se croyant abandonnée, Il confie aussi sa tristesse à l’idée de ne pas avoir trouvé sa Papagena… Pamina laisse éclater son désespoir. Sarastro et ses adeptes louent la valeur de Tamino et l’emmènent au sein du palais, sans Papageno. Ce dernier, resté seul, boit du vin et exprime son désir le plus Les trois Garçons ont conduit Tamino dans le royaume de Sarastro. Il se retrouve soudain devant trois profond : trouver une gentille épouse ! Une vieille femme apparaît alors. Elle lui révèle qu’elle a un portes, celles de la Nature, de la Raison et de la Sagesse. Lorsqu’il s’apprête à franchir cette dernière, amoureux qui s’appelle… Papageno ! Après lui avoir fait jurer fidélité, elle se transforme en une jeune l'Orateur, porte-parole de Sarastro, apparaît et lui dit d’abandonner ses sentiments de vengeance. Papagena. Mais les disciples de Sarastro la chassent, disant que Papageno ne la mérite pas. Tamino dénonce les actes de Sarastro, mais l'Orateur défend ce dernier. Resté seul, transporté par ses sentiments amoureux, le prince joue de la flûte enchantée et s’aperçoit que sa musique charme les Les trois Garçons voient Pamina sur le point de se suicider. Ils la retiennent en lui assurant que Tamino bêtes sauvages. Puis il entend Papageno lui répondre avec son sifflet d’oiseleur, ce qui leur permet de l’aime encore. Dans un autre endroit du palais, Tamino se prépare à affronter les dernières épreuves. se rapprocher. Mais alors que Papageno et Pamina courent rejoindre le prince, Monostatos et ses sbires Soudain, Pamina entre. Elle insiste pour accompagner Tamino dans les épreuves mortelles du feu et de les rattrapent. Papageno saisit son carillon et se rend compte que la musique arrête les assaillants en l’eau, dont ils triomphent à l’aide de la flûte enchantée. les faisant danser. Ils ne sont pas au bout de leurs peines : Sarastro paraît, accompagné de sa suite. Pamina avoue s’être enfuie pour échapper aux avances de Monostatos. Sarastro lui pardonne mais ne Quant à Papageno, désespéré d’avoir perdu Papagena, il décide de se pendre à un arbre. Mais les trois la libère pas, afin de la préserver de sa mère. Entre-temps, Monostatos a capturé Tamino, qu’il conduit Garçons l’invitent à faire sonner son carillon : Papagena revient pour de bon. Tous deux peuvent enfin devant Sarastro. Pamina et Tamino se voient pour la première fois et s’étreignent. Monostatos éructe, s’embrasser et se réjouir des petits papagenos et papagenas qu’ils engendreront ! avant d’être puni par Sarastro. Ce dernier ordonne que Tamino, Papageno et Pamina soient soumis à des épreuves. La Reine de la Nuit tente un ultime assaut contre Sarastro avec l’aide de Monostatos et de ses Dames. Mais Sarastro est au courant et la violence de leur acte est dissoute par les rayons du soleil levant, qui illumine l’union de Tamino et Pamina. L’harmonie est victorieuse. 8 9
Vue d’ensemble L a Flûte enchantée est un Singspiel de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) créé le 30 septembre 1791 au Theater auf der Wieden, à Vienne, quelques mois avant la mort du compositeur (le 5 décembre de la même année). Depuis le récent avènement de l’empereur Léopold II, qui a succédé à Joseph II, Mozart se trouve dans une situation moins favorable qu’auparavant, le nouveau souverain faisant preuve d’un certain désintérêt pour lui. Cela encourage Mozart à collaborer avec un entrepreneur privé qui est aussi un de ses amis franc- maçons : Emanuel Schikaneder, à la fois auteur, comédien et gestionnaire du Theater auf der Wieden. Pour lui, Mozart signe quelques numéros dans les partitions collectives de spectacles féeriques très appréciés du public, adoptant la forme du Singspiel (alternance de numéros musicaux et de dialogues parlés sur un livret en allemand), avant d’écrire une partition complète sur un nouveau texte de Schikaneder : Die Zauberflöte (La Flûte enchantée). La composition s’étale sur six mois, entrecoupée par les commandes de quelques autres œuvres (dont le Requiem et La Clémence de Titus). Après sa création, l’ouvrage rencontre un succès retentissant : il sera représenté 223 fois jusqu’en 1801, et Schikaneder en produira même une suite quelques années plus tard. Si l’on en croit une lettre de Mozart, Salieri aurait déclaré l’ouvrage « digne d’être représenté devant les plus grands monarques ». Ce succès ne s’est jamais démenti par la suite, d’autant que La Flûte enchantée a été traduite et jouée dans toute l’Europe dès le début du XIXe siècle. Aujourd’hui encore, il s’agit d’un des opéras les plus populaires du répertoire. Depuis 1958, il a été représenté régulièrement au Festival d’Aix-en-Provence. La mise en scène de Simon McBurney, coproduite avec le Dutch National Opera d’Amsterdam et l’English National Opera de Londres, est ainsi la huitième production de La Flûte enchantée programmée au Festival. Le sujet de cet ouvrage est librement inspiré du recueil de contes Dschinnistan de Wieland. Son livret démultiplie les personnages et les registres, de manière à entrefiler la comédie populaire d’inspiration viennoise et le drame ésotérique à connotation maçonnique, le spectacle à machine et le théâtre de tréteaux, conformément au modèle développé par Schikaneder dans son théâtre. S’il utilise des motifs féeriques, ce livret n’en a pas moins une dimension moralisante en phase avec l’idéologie des Lumières, car il montre comment de jeunes gens parviennent à la maturité et à la sagesse après avoir traversé des épreuves initiatiques, dans une Égypte de fantaisie. Le foisonnement de ce livret profond et divertissant semble avoir titillé l’inspiration mozartienne. Le compositeur signe en effet une œuvre aux tons variés d’une constante inspiration, tout en assurant sa cohérence au drame. Sa partition alterne entre inspiration populaire (les chansons strophiques de Papageno et Monostatos), opera seria (les airs virtuoses de la Reine de la Nuit), nouvelle sensibilité (airs de Tamino et Pamina), ensembles pittoresques et splendides pages musicales – notamment quand Tamino charme les bêtes sauvages grâce au son de la flûte enchantée. Voilà sans doute pourquoi Die Zauberflöte continue de parler au public le plus vaste : ses nombreux tons et registres sont susceptibles de parler à l’enfant comme au sage... 11
Photo © Igors Studio Pour autant, Zoroastre et La Flûte enchantée appartiennent à deux mondes bien distincts. Le merveilleux rococo et extrêmement codifié de la tragédie lyrique française, bien que Rameau la révolutionne partiellement avec Zoroastre, n’a que peu à voir avec la signature profondément populaire et hautement chargée en symboles et morale de La Flûte enchantée ! Vous qui êtes rompu au répertoire baroque, abordez-vous cet ouvrage préromantique en tenant compte de tout ce qui précède? Aujourd'hui, notre expérience avec Pygmalion des ouvrages lyriques de Mozart est encore balbutiante ! Nous n’avons pour le moment abordé aucun de ses opéras dans leur intégralité, et pourtant je crois que débuter avec La Flûte enchantée est un cadeau, et qui plus est, d’une grande cohérence pour nous. En effet, notre expérience du répertoire germanique, de Bach à Mendelssohn et Brahms, est aujourd’hui assez importante, et je crois sincèrement que celle-ci nous sera bénéfique pour entrer dans ce chef- d’œuvre. La synthèse du style propre à cet opéra, son épure, alternant entre une légèreté apparente (le lied et la danse !) et un langage mystique nourri de la découverte pour Mozart de Bach et Haendel, me semblent être la plus belle des portes d’entrée dans le répertoire lyrique mozartien. De plus, cet opéra est, comme pour beaucoup d’entre nous, l’opéra qui m’a le plus accompagné au cours de ma vie d’enfant et de jeune adulte, qui est en moi depuis longtemps, de la même manière que la musique de Bach m’accompagne aujourd’hui. Sur quoi repose selon vous la portée universelle et impérissable de ce Singspiel féérique ? Je crois que Mozart portait en lui depuis de nombreuses années – je situerais cela vers l’année 1782, époque de l’écriture de L'Enlèvement au Sérail – un questionnement central dans sa vie de musicien et d’homme. Tout d’abord, s’engager tout entier dans l’esprit des Lumières, croire en un monde meilleur, sans naïveté aucune, au travers des valeurs franc-maçonnes de son époque. Le choix, à dessein, L’œuvre lyrique la plus généreuse des livrets de ses ouvrages créés avec Da Ponte en atteste. Mais son approche se voulait également profondément humaniste : il s’investit, dès que le temps le lui permet, pour permettre à un public que je connaisse ! toujours plus large et populaire d’accéder à la musique, et ce sans dessein personnel. En témoignent tout aussi bien sa générosité envers ses nombreux élèves, mais aussi, parmi d’autres exemples, un ENTRETIEN AVEC RAPHAËL PICHON, DIRECTEUR MUSICAL épisode peu connu de sa vie, son engagement dès 1782 dans une nouvelle société de concerts populaires viennois : le Concert des Dilettantes. Son principe est simple : organiser des concerts en plein air dans les jardins de Vienne, avec le concours aussi bien de musiciens amateurs (appelés Dilettantes) que des Après avoir dirigé Zoroastre de Rameau en 2016, vous revenez cet été au Festival d’Aix pour La plus grands musiciens de son temps. Un tarif le plus abordable possible, et une diffusion la plus large Flûte enchantée de Mozart… Vous n’êtes pas sans connaître les points de convergence de ces possible. On sait même désormais que Mozart a renoncé à plusieurs de ses propres académies, concerts deux ouvrages que 42 ans seulement séparent (la lutte entre le bien et le mal, la marche vers la par souscription très rémunérateurs pour lui, afin de pouvoir s’investir totalement dans ce projet, lumière, la dimension maçonnique et même Sarastro, nom dérivé de Zoroastre). Peut-on parler qui lui a survécu et existait encore au temps de Beethoven. Voilà un exemple qui me paraît dépeindre d’ironie du sort ou de fil rouge dans vos choix artistiques? finalement cette « portée universelle » que contient La Flûte enchantée : abordable pour tous par ses On peut parler de hasard, ou de destin ! Mais une chose est sûre et chère à mes yeux dans l’aventure de mélodies, ses couleurs, ses personnages. Mais elle est également profondément exigeante et infinie. notre ensemble Pygmalion : grâce à la construction pas à pas de notre répertoire, en cheminant à travers Cette symbiose unique est là, marque de nos plus grands génies : le cœur et l’esprit. C’est l’œuvre un itinéraire logique et cohérent, chaque œuvre permet d’appréhender un peu mieux la prochaine. S’il lyrique la plus généreuse que je connaisse ! À ce sujet, les propos de Mozart sont sans équivoque : « Le faut parfois accepter de prendre des risques et de faire des écarts, j’apprécie cette idée de construction vrai génie sans cœur est un non-sens. Car ni intelligence élevée, ni imagination, ni toutes deux ensemble, ne du répertoire. À sa façon, l’abord de Zoroastre, tout comme par exemple les musiques de scène de font le génie. Amour ! Amour ! Amour ! Voilà l’âme du génie. » (Mozart, 11 avril 1787) Thamos, roi d’Egypte, préfiguration maçonnique de Mozart annonçant la tardive Flûte enchantée, nous ont aidés et nourris dans la préparation de cette production. 12 13
Pour cette reprise de La Flûte enchantée, nous retrouvons une partie de la distribution de 2014. Craignez-vous que ces interprètes aient des automatismes ? Comment pensez-vous travailler avec les anciens et les nouveaux venus ? Je crois à l’opportunité que représente pour nous ce nouveau défi : la reprise d’une production antérieure. Arriver en cours de route est une expérience – je l’imagine – bien différente de la création d’une nouvelle production. Mais cela représente aussi l’occasion d’une rencontre – je l’espère – passionnante : celle de l’expérience, parfois gigantesque, de certains des chanteurs avec cette œuvre et cette production, avec la fraîcheur, l’enthousiasme, la passion et l’approche encore vierge de ce chef d’œuvre de ma part et de celle de l’orchestre. Il s'agit de trouver un souffle nouveau, enrichi par l’expérience bénéfique et précieuse des chanteurs. Dans La Flûte enchantée signée Simon Mc Burney, la fosse d’orchestre est exceptionnellement remontée à son maximum et atteint quasiment le niveau de la scène. Qu’est-ce-que la visibilité des musiciens et leur participation à l’action scénique peut apporter à l’ouvrage ? Vous répondre serait biaisé, car depuis tout petit, j’ai toujours autant regardé la fosse d’orchestre que le plateau à l’opéra ! Voir, entendre et ressentir... L'opéra est une expérience qu'il me paraît aussi important de vivre grâce au plateau que par l’orchestre lui-même. Je suis donc particulièrement excité et emballé par cette idée de Simon McBurney. Cela représente à mes yeux une plus-value inouïe à la beauté de ce spectacle. Cela me paraît d’autant plus pertinent que dans le domaine lyrique, la signature mozartienne – sa révolution même ! – est justement le « personnage » orchestre. A contrario de tous les autres compositeurs de son temps, l’orchestre de Mozart est un personnage à part entière, dialoguant, suggérant, nous dévoilant une partie indispensable de la psychologie des personnages. La flûte et le glockenspiel que les trois Dames confient à Tamino et à Papageno dotent la musique d’un pouvoir magique… Si la musique a bel et bien un pouvoir, quel est-il ? Les grands génies de la musique suspendent le temps. Ce sentiment d’avoir perdu en musique un temps pendant lequel rien de « rationnel » n’a pu être fait, comme nous l’explique Nikolaus Harnoncourt, cette « suspension du temps » est une nécessité vitale, car elle nous permet non seulement de mieux affronter le monde qui nous entoure, mais aussi et surtout de faire vivre notre imaginaire, notre « langage du cœur ». Partout où l’homme existe, il y a de la musique, ne serait-ce pas ce qui définit jusqu’à notre condition humaine ? Et pourtant ce langage, ce don même, est inexplicable, « magique ». Son principal pouvoir reste de transformer l’individu en être humain ! Propos recueillis par Aurélie Barbuscia 14
Une mère endeuillée, la Reine de la Nuit ? Plutôt une harpie vengeresse. L’affreux géolier d’une jeune fille, Sarastro ? Plutôt un patriarche bienveillant malgré son autorité et le pouvoir presque despotique qu’il exerce sur les siens. Et pourtant, ce despote est plein d’attention et de sagesse. Et pourtant, son Photo © Johan Persson propre serviteur, Monostatos, est un violeur. Dans ce monde, les enfants sont des sages, et les hommes accomplis sont des fous. Les femmes sont trompées, mais la première d’entre elles, Pamina, est celle qui donne corps à l’ensemble. Le personnage le plus comique, Papageno, est aussi le plus émouvant. Même les plaisanteries ont leur part de gravité. Peut-être qu’elles étaient drôles, jadis… « Tu peux m’arranger ça ? - Eh bien… il faudrait déplacer ce morceau du dialogue avec Papageno. Le mettre plus loin. Je crois que ça clarifierait l’histoire. - Attends, non… Pardon, mais ce n’est pas à toi que je parlais. - Il y a un problème au niveau de l’histoire, là. - Je sais, mais attends… (haut) Dès qu’il avance, on ne contrôle plus rien ! - Oui, c’est exactement ce qui se produit avec le récit, aussi. - Non ! Non ! Excuse-moi… Je suis en train de parler à l’équipe technique, là. On a un problème avec ce décor mobile qui se balade… Ce n’est pas de l’histoire que je parlais. - Ah. D’accord. Mais faudra que tu t’en occupes quand même car en l’état, ça ne fonctionne pas. » Voici comment se déroule une répétition. Le moment où tout craque. Des conversations simultanées qui se rencontrent et entrent en collision. L’incompréhension partout. Le chaos. Ce jour-là, j’observe comment une partie du décor, censée se déplacer sur scène, est en train de devenir totalement incontrôlable. Des gens parlent autour de moi en même temps : une turbulence sur laquelle je n’ai pas prise. « Tu sais, un mouvement devient incontrôlable parce qu’il est chaotique », m’explique Joost, un de ces merveilleux régisseurs qui travaillent à l’Opéra d’Amsterdam où ce spectacle a été créé. Il me désigne le treuil servant à manœuvrer le décor. « Au moment où le treuil est actionné, s’il y a le moindre mouvement, celui-ci s’amplifie, et c’est ça qui fait que ça va de pire en pire. Il est sensible aux conditions initiales. Une Essayer d’entendre Mozart minuscule instabilité de départ lui suffit : il se met à osciller et rien ne peut l’arrêter. - Ah…, je réponds. - En fait, tout dépend de ta situation initiale.» SIMON MCBURNEY, METTEUR EN SCÈNE -« Tout dépend de ma situation initiale », me répète-je à moi-même, tandis que chanteurs et comédiens quittent le plateau pour aller s’offrir un café. Le 7 octobre 1791, Mozart rentre d’une représentation de La Flûte enchantée. Il écrit à son épouse « Sensibilité des conditions initiales ». En terme de théorie du chaos, une perturbation minuscule et Constance que malgré la foule du public présent au parterre et dans les balcons, malgré le grand nombre imprévue de la situation initiale peut induire un comportement futur aux conséquences imprévisibles. d'acclamateurs : « rien ne me fait plus plaisir qu’une approbation silencieuse. ». Une approbation Pour le dire autrement, au départ, la moindre petite perturbation peut enclencher un chaos final dont silencieuse : voilà qui n’est pas ce que l’on associe habituellement à La Flûte enchantée. Des rires, des personne n’a la moindre idée. C’est comme la météo. Nous ne savons pas d’où cela vient et où cela va. applaudissements, un public chantant durant la représentation, peut-être, mais… le silence ? Et pourtant, il semble qu’il y ait là-dedans un motif et une logique. Tout comme dans La Flûte enchantée. Parfois illogique, parfois insondable, parfois même inintelligible, et pourtant tout a sa propre logique et La Flûte enchantée n’est pas un opéra comme les autres. Sa conception, ses représentations, ses significations sa cohérence. Ça marche, mais on ne sait pas pourquoi. sont enfouies sous plusieurs strates mythologiques. Des couches qui le recouvrent désormais comme un sédiment. Comme s’il s’agissait d’un lieu avant d’être une partition, certains spectateurs de La Flûte J’ingurgite quelques gorgées de café supplémentaires tout en réfléchissant à quel point c’est déjà difficile de enchantée s’y rendent parfois comme on se rend a un rituel, empreints d’une vénération sacrée. raconter cette histoire. Quant à la représenter… Durant ces dernières années, j’ai plusieurs fois essayé de raconter cet opéra à des amis qui ne le connaissaient pas. Juste pour mettre de l’ordre dans mes propres idées… Répéter La Flûte enchantée s’apparente, dès lors, à une fouille archéologique. Il s’agit d’exhumer un mythe, de l’extraire et de découvrir en-dessous un autre mystère latent. Chaque couche en découvre « Alors tu vois, c’est un peu un conte de fée. ainsi une autre, chacune laisse le passage à de nouvelles excavations et de nouvelles découvertes. Si - Un peu ? 16 La Flûte enchantée est un lieu, c’est un lieu paradoxal et qui n’est pas ce qu’il paraît à première vue. - Oui. Enfin, il y a d’autres histoires dedans, aussi. 17
- Ah… et ? Mon esprit s’envole vers cet abri rocheux au nord-ouest de la Libye, près de la Méditerranée. Un endroit appelé - Au début, il y a un type, pourchassé par un serpent. Hauh Fteah. Mon père, spécialiste de la préhistoire, y a fait des fouilles dans les années 1950 et a découvert les - Cool ! » traces d’un habitat humain continu, il y a 90 000 ans. Dans une couche remontant à 35 000 ans, il a découvert un os. Un os creux. Un fragment d’os creux, mais avec un trou dedans. Et puis un autre morceau avec une fente Mais au bout de quelques minutes, je me rends compte que j’ai déjà perdu la maîtrise. J’observe les à l’extrémité. Une flûte en os. Peut-être le plus ancien instrument de musique connu. La flûte fut le premier réactions de l’ami auquel je suis en train de raconter l’histoire tout en essayant de tracer mon chemin instrument : une domestication du souffle humain, un instrument aérien. Mythique. à travers les premières péripéties. Avant même d’avoir atteint le moment où la Reine de la Nuit arrive, j’essaie de bifurquer : La magie à présent ? La magie, c’est le changement. Il faut que quelque chose devienne autre chose, ou « Eh bien… disons simplement que c’est un opéra bourré de trucs fascinants. Des symboles. Par exemple, le chiffre 3. alors que des choses apparaissent puis disparaissent. C’est toujours plus simple de raconter ce que l’on -3? veut quand l’histoire est magique. Nous savons bien que ce n’est pas la « réalité » même si, à travers - Oui. Un truc incroyable, le 3. C’est le plus petit nombre premier impair. Chaque mot de notre ADN comporte trois l’irréalité du conte de fée, nous avons parfaitement appris à reconnaître notre propre monde. De lettres chimiques, nous sommes liés au chiffre trois, il est dans notre code génétique, il imprègne notre culture, et, nombreux livres ont été écrits sur la signification symbolique et psychologique des contes. On trouve et, et… (M’apercevant que son regard devient vague, j’hésite). Il y a trois religions du Livre : le Judaïsme, le même parfois des contes politiques, qui disent ce que l’on ne pourrait pas dire à haute voix, pour parler Christianisme et l’Islam. Jésus est ressuscité le troisième jour. Il y a trois rois mages et dans La Flûte enchantée, discrètement des puissants de notre époque, ou pour exprimer nos rêves de voir une société nouvelle. le chiffre 3 est partout : trois dames, trois garçons, trois prêtres, et l’opéra commence avec trois accords de mi bémol C’est ce qu’a fait Shakespeare dans La Tempête. Peut-être aussi que le pouvoir de la magie c’est surtout majeur (je poursuis) et mi bémol majeur est une tonalité qui comporte trois dièses à la clé, et… de changer les hommes. Changer leur être, changer leur façon de se comporter… - Fascinant, tout ça !, m’interrompt mon ami brusquement. Je vois que ton travail avance bien. Bonne nuit, dors bien et on se voit demain pour le petit-déjeuner.» Au moment où cette pensée me traverse l’esprit se produit une autre turbulence mentale. Je me rends compte que cette œuvre semble tolérer pratiquement toutes les interprétations, et en même temps, elle J’observe autour de moi la salle de répétition et son activité démente. Je m’imagine la même scène, en semble parfois les récuser TOUTES. La nervosité monte en moi. Est-ce que je ne devrais pas plutôt monter 1791. À quoi tout cela ressemblait-il à Vienne ? Emanuel Schikaneder le librettiste, Carl Giesecke… le spectacle en y incluant plein de références historiques ? Ou bien en mettant l’accent sur les aspects et Mozart. Sûrement quelque chose de chaotique avec ces trois-là… (encore trois, bien sûr) aussi maçonniques ? Et pourquoi ne pas en faire un divertissement populaire ? Après tout, ce n’est qu’une inattendus que le chef-d’œuvre qu’ils étaient alors en train de concevoir. comédie… pourquoi vouloir y chercher à tout prix plus profondément qu’il n’y paraît ? Et si… et si… Carl Ludwig Giesecke, membre de la troupe de Schikaneder et célèbre misogyne. Il quitta Vienne Dans un instant, chanteurs et comédiens reprendront leur place. C’est l’heure de se remobiliser. À soudainement et finit sa carrière comme minéralogiste, parcourant à la rame les côtes du Groenland côté, j’entends le pianiste entamer les premières mesures du finale de l’acte II. dans son umiak, une embarcation inuit fabriquée par les femmes à partir de bois flotté, de bois de « Rien ne me fait plus plaisir qu’une approbation silencieuse »… cervidé et de peau tendue. Un beau paradoxe pour un rustre de misogyne viennois que d’avoir plus La flûte enchantée. Une flûte qui est magique. Une flûte qui peut changer des choses… d’une fois dû son salut à une embarcation construite par et pour des femmes… « Elle peut changer les cœurs, elle peut transformer les esprits », chantent les trois Dames à Tamino, au premier acte. Emanuel Schikaneder, directeur du théâtre de Vienne « auf der Wieden ». Un des plus grands hommes « Elle peut même rendre amoureux le vieux garçon », ajoutent-elles. de théâtre de son temps. Réputation d’homme peu fiable, trompant continuellement sa femme, et pourtant sculptant, réécrivant cette œuvre qui ne tend, elle, qu’à la fidélité, l‘harmonie, la vérité et « Une approbation silencieuse »… l’amitié. À la fin de sa vie, il fit emménager Beethoven dans une pièce au-dessus du théâtre, se mit Et soudain, je sais en regardant ces visages qui m’entourent en attendant mes instructions, que si jamais je à le payer pour écrire un opéra, mais le réprimandait lorsqu’il jugeait que cela n’allait pas assez vite. me perdais dans les turbulences imprévisibles de cet opéra (qui, plutôt qu’un opéra, est en fait une pièce « Mozart, lui, pouvait écrire une ouverture en quelques jours ! », criait-il souvent. de théâtre), alors ma seule boussole serait la musique. Si je me perdais, il faudrait bien alors se raccrocher à quelque chose, et ce quelque chose serait forcément dans l’écoute. Écouter l’œuvre, écouter la musique. Et Mozart. Mozart à l’article de la mort. Mozart écrivant à Constance, et ironisant sur sa nouvelle création, Essayer d’entendre... Mozart. Car il est probable que, là-haut bien au-dessus des turbulences, Mozart pourtant ravi du succès et racontant que « l’on admire et l’on apprécie de plus en plus » le spectacle. On a dit que nous suggère qu’il est possible après tout de changer les hommes. Mais que pour les changer, il faut leur Mozart, quelques mois plus tôt, voulait faire un opéra à partir de La Tempête de Shakespeare. Indéniablement, faire écouter l’une des plus puissantes forces de civilisation capable d’opérer sur des esprits, des cœurs et La Tempête est PARTOUT dans La Flûte. Sarastro ressemble à Prospero, Tamino à Ferdinand, Monostatos est des corps humains : la musique. Avant les mots, au-delà des mots. La musique : cette force aussi puissante un cousin de Caliban, et les trois Garçons sont comme des esprits qui ressembleraient à Ariel. sur le nouveau-né que sur le mourant. Une force qui, lorsqu’elle est puissante, nous oblige à nous taire, à contempler la métamorphose accomplie, et qui, debout, nous remplit d’une approbation silencieuse. Dans la salle de répétition, tout s’apprête à reprendre. Peu avant que les acteurs et les chanteurs ne rentrent de leur pause café, mon esprit poursuit son turbulent manège… OK. Voici donc un opéra intitulé Note d’intention sur La Flûte enchantée de Simon McBurney La Flûte enchantée. Bon. Alors il faut que ce soit magique. Bien. Et puis il faudrait qu’il y ait une flûte… Amsterdam, 2 novembre 2012 Traduction française d'Étienne Leterrier 18 19
Le miraculeux accord de la comédie, de la féérie et de la majesté religieuse FRANÇOIS DE MÉDICIS D urant les six derniers mois de sa vie, même de jeter une seule note sur son papier réglé, avec un accompagnement de piano, et l’orchestre de numéros chantés qui comprennent les airs, où Wolfgang Amadeus Mozart (1756- participait toujours à l’élaboration du livret de ses se joint aux voix seulement pour la mise en place un personnage chante seul, et les ensembles (duo, 1791) conçoit La Flûte enchantée (Die œuvres lyriques, en étroite collaboration avec son lors des dernières répétitions. On estime que trio, quatuor, etc.), où plusieurs protagonistes Zauberflöte), une œuvre composée librettiste. Pour La Flûte, un autre argument étaie Mozart écrit une bonne partie de la partition chantent simultanément. Dans les opéras italiens, à l’intention du théâtre populaire l’hypothèse d’une participation vraisemblable entre mars et la fin juillet 1791, puis qu’il révise et les numéros chantés sont reliés par du récitatif, qu’Emanuel Schikaneder (1751-1812) de Mozart : Schikaneder avait déjà écrit le livret complète l’œuvre à la mi-septembre, de retour de forme de déclamation chantée, qui se moule sur le dirigeait en banlieue de Vienne, de plusieurs Singspiele à succès, comme La Pierre Prague (où il se rend pour diriger la création de sa contour et le débit de la langue parlée, accompagnée le Theater auf der Wieden. Mozart avait déjà philosophale, qui, s’ils révèlent une compétence Clémence de Titus, un autre opéra écrit à la même sobrement par des accords au clavecin. Dans La collaboré avec Schikaneder peu avant sur un autre indéniable et un bon flair dramatique, n’atteignent époque !). Par-delà la datation générale, quelques Flûte, le récitatif survient dans quelques moments opéra, une création musicale collective, La Pierre jamais une qualité comparable à celui de La fins limiers de la musicologie ont déployé des critiques au sein d’un numéro, accompagné par philosophale ou L’Île enchantée (Der Stein der Weisen Flûte, subtil et miraculeux alliage de pénétration trésors de minutie pour déterminer la chronologie l’orchestre. Sinon, suivant la pratique du Singspiel oder Die Zauberinsel), créée le 11 septembre 1790. psychologique, d’irrésistible bouffonnerie et de la composition, procédant par recoupements, allemand, les numéros sont séparés par un simple Les livrets de cette œuvre et de La Flûte offrent un d’élévation morale. La portée spirituelle de l’œuvre identifiant les différentes couleurs d’encre utilisées dialogue parlé. Certains numéros plus longs et mélange similaire de comédie bouffe, de féérie s’explique en partie par l’influence d’idéaux par Mozart et les divers types de papier manuscrit développés sont constitués d’une série de petites et de majesté religieuse et s’inspirent toutes deux maçonniques. D’ailleurs, le royaume de Sarastro et employés. L’ordre de succession répond à des pièces musicales s’enchaînant sans rupture : c’est en partie d’une même source, le Djinnistan ou de ses prêtres évoque une loge et les épreuves que considérations théâtrales, car Mozart choisit de le cas de l’introduction, placée en tête du premier sélection de contes de fées et de spectres (Dschinnistan traversent Tamino et Papageno à l’acte II, rejoints s’atteler à différents numéros selon leur teinte acte, et des deux finales, qui concluent chaque acte. oder auserlesene Feen- und Geister-Märchen) du en fin de parcours par Pamina, rappellent les dramatique et leur personnage dominant. Ainsi, il Ces grands numéros multisectionnels permettent fameux écrivain allemand Christoph Martin rituels initiatiques auxquels se prêtent les francs- commence par écrire les passages sérieux et nobles d’articuler un mouvement musical et dramatique Wieland (1733-1813) et de son collaborateur Johann maçons. Mozart et Schikaneder étaient tous les deux qui définissent le caractère de Tamino, décrivent plus continu, de souligner musicalement de August Liebeskind (1758-1793). La distribution membres de la loge viennoise Zur wahren Eintracht ses actions et l’évolution de ses sentiments et de ses nombreux coups de théâtre et de ménager un effet vocale de la première œuvre est reprise presque (la loge « de la vraie concorde »). Pour Mozart, la aspirations (le morceau d’introduction, quand le d’intensification à mesure qu’approche la fin d'acte. entièrement dans la seconde, seule la future Reine franc-maçonnerie ne représentait pas une simple prince repousse les assauts d’un serpent, s’évanouit de la Nuit, Josefa Hofer, en congé de maternité, activité sociale propre à meubler ses temps libres, et que les trois dames viennent le secourir ; l’air où Les opéras du XVIIIe siècle débutent habituellement manquait à la production de La Pierre philosophale. mais il s’y investissait avec une conviction profonde, Tamino contemple le portrait de Pamina et tombe par une scène d’exposition qui fournit les données Pour ce premier spectacle, Mozart collaborait participait activement au recrutement de nouveaux amoureux de la jeune fille ; le premier air de la Reine du drame, présente les personnages et définit avec d’autres compositeurs et il n’a écrit que membres, et c’est sous son influence que son père de la Nuit, quand la souveraine exhorte le prince à leurs rapports. En remplaçant cette scène par une quelques numéros de la partition. Il s’investit donc Léopold et son ami Joseph Haydn adhérèrent à ce sauver sa fille ; le début du finale de l’acte I, quand introduction, Mozart plonge l’auditeur subitement beaucoup plus ardemment dans le projet de La Flûte mouvement. Au nombre des membres prestigieux Tamino est refoulé aux portes du temple). Ensuite, au cœur de l’action, in media res, sans mise en enchantée, où il assume l’entière responsabilité de la de la loge de Mozart on compte Karl Michaeler, Mozart anticipe déjà un numéro de l’acte II (l’air de contexte préalable : Tamino, attaqué par un grand musique et où son inspiration est attisée par sa fine conservateur à la bibliothèque universitaire de Sarastro « O Isis und Osiris »), avant de s’attaquer serpent, s’évanouit ; il est sauvé par d’énigmatiques connaissance des ressources vocales et scéniques de Vienne et traducteur en allemand moderne du au registre badin, puéril et comique associé à dames, et à son réveil, un oiseleur bizarrement la troupe de Schikaneder. Yvain de Chrétien de Troyes, l’une des sources ayant Papageno dans l’acte I. accoutré se fait passer pour son sauveur. La suite influencé le livret de La Flûte. de l’intrigue lève le voile progressivement sur le Comparée à la genèse d’autres opéras de Mozart, Une structure toute en contrastes mystère de cette scène d’ouverture. celle de La Flûte enchantée reste plutôt obscure. Suivant son habitude, Mozart conçoit d’abord les La Flûte se rattache au genre lyrique du Singspiel, L’auteur officiel du livret est le directeur du théâtre numéros vocaux en version réduite, et il réserve c’est-à-dire à l’opéra de caractère léger en langue En général, les différents chanteurs d’une troupe ne lui-même, Schikaneder, et rien ne subsiste du travail pour plus tard le travail d’orchestration et la allemande. Comme les genres en italien, les opéras détiennent pas tous le même statut et la hiérarchie de rédaction du texte. Mais la production antérieure composition de l’ouverture instrumentale. Cela buffa et seria associés respectivement aux registres des protagonistes au sein d’une production de Mozart nous enseigne que le compositeur, avant permet aux chanteurs d’apprendre leurs parties léger et sérieux, le Singspiel est constitué d’une série gouverne la distribution et le type d’écriture des airs 22 23
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