"Il faut éduquer à l'Europe", entretien avec la politologue Agathe Cagé
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“Il faut éduquer à l’Europe”, entretien avec la politologue Agathe Cagé Questions à Agathe Cagé, politiste, universitaire, spécialiste de l’Europe Comment comprendre que nombre de Français réclament de participer au fonctionnement de l’Union européenne et continuent de s’abstenir quand ils peuvent élire les députés au Parlement de Strasbourg ? Les élections au Parlement européen intéressent peu les citoyens au regard des taux d’abstention annoncés, c’est vrai, mais cela ne veut pas dire que les citoyens se désintéressent de l’Europe. Une vraie méconnaissance du fonctionnement des institutions européennes, une incompréhension de la place et du rôle du Parlement de Strasbourg s’expriment encore. Elles expliquent en partie l’abstention à ces élections des Européens en général, et des Français en particulier, qui n’ont pas conscience du pouvoir auquel ils renoncent en n’allant pas voter. Comment se fait-il qu’une telle ignorance perdure, quarante ans après la première élection des députés au suffrage universel ? On peut dire que quarante ans, cela représente beaucoup d’années. Mais je pense qu’il est toujours, et qu’il sera toujours, essentiel d’éduquer à l’Europe, dont on ne peut que reconnaître collectivement la complexité. Il faut informer les citoyens sur le fonctionnement de l’Union européenne, souligner les avancées concrètes qu’elle a permises et qu’elle permet encore. Cela étant dit, il faut également souligner qu’il y a des sujets portés par l’Union
européenne sur lesquels on observe une implication citoyenne forte. Prenons l’exemple du changement d’heure. Une consultation a été lancée par la Commission européenne sur l’heure d’été. Elle a reçu plus de quatre millions de réponses, à plus de 80 % favorables à la fin du changement d’heure ! Et le Parlement européen a voté cette fin. Cet échange démocratique montre que le dispositif des consultations publiques par la commission pourrait prendre davantage d’ampleur. La Commission devrait donc, selon vous, solliciter davantage et de façon plus directe les citoyens de l’Union ? En effet, je crois que l’Union européenne doit inventer des modes nouveaux de démocratie, associer les citoyens de façon plus étroite. Il faut se donner les moyens de faire vivre la démocratie numérique européenne. Je suis convaincue que l’Union doit devenir le porte-voix d’un certain nombre de combats. Les citoyens européens sont prêts à se mobiliser quand les institutions donnent un sens plus concret au projet collectif. La lutte contre le changement climatique en est un emblème. On sait que la jeunesse, dans de nombreux pays d’Europe, est très impliquée dans ce domaine. C’est un sujet qui s’affranchit des frontières et qui dépasse les intérêts partisans, un sujet pour lequel l’échelle nationale n’est pas suffisante – même si chaque pays doit tenir ses engagements pour contribuer à la limitation du réchauffement climatique. Mais sur les sujets qui sont conflictuels, on pense en particulier à la manière de lutter contre les inégalités sociales, ou le chômage, n’est-ce pas plus difficile ? Les choses vont lentement. Trop lentement. Il faut espérer que les futurs députés européens et la prochaine Commission mettent l’accélérateur sur les questions sociales. Mais si les avancées réalisées durant la dernière mandature, avec la signature du socle européen des droits sociaux, ne sont que symboliques et non contraignantes, nous sommes passés d’une situation où très peu existait à l’émergence d’un socle. Je signale au passage que certaines discussions au sein des institutions européennes peuvent faire naître des débats nécessaires sur une scène politique intérieure. À quoi pensez-vous ?
Au congé parental prévu par la directive relative à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Le texte initial de la Commission européenne était particulièrement ambitieux. À la demande notamment de la France, qui redoutait le coût d’une telle mesure, ces ambitions initiales sur le niveau de rémunération du congé parental (actuellement très faible dans l’Hexagone) ont été largement revues à la baisse. Ce relatif échec a provoqué un fort débat chez nous. Alors, certes, on peut déplorer un résultat en demi-teinte. Mais il sera sans doute plus difficile à un futur gouvernement, après ce premier moment de mobilisation de l’opinion publique, de s’opposer à nouveau à une harmonisation européenne par le haut du congé parental. Le fait que nos concitoyens contestent le fonctionnement de l’Union ne reflète-t-il pas leur acceptation de l’existence même de ses institutions ? Autant on peut dire que les Français manifestent un désintérêt flagrant pour l’élection au Parlement européen, autant le sentiment d’adhésion à l’Union est majoritaire chez nos concitoyens. Les Français sont très attachés à une Union dont ils savent qu’elle garantit la paix, autorise la libre circulation des biens et des personnes, la formation des étudiants et des apprentis dans tous les pays de l’Union à travers Erasmus, l’existence d’une monnaie commune. Mais ils expriment un manque de confiance à l’égard des institutions, qui explique en partie l’abstention lors de l’élection des députés. Les citoyens européens doivent se poser cette question : n’est-ce pas en élisant les députés européens que nous construisons l’Europe de demain ? Là, les partis politiques ont, à l’intérieur de chaque pays, une vraie responsabilité. Les incertitudes qui planent au sujet de l’identité des groupes auxquels les futurs députés s’inscriront peuvent-elles jouer leur rôle ? Des têtes de liste se perdent dans des explications alambiquées sur la liberté dont disposeront certains de leurs colistiers. Pendant ce temps-là, ils ne présentent pas leur vision de l’Europe et ne se concentrent pas sur les enjeux primordiaux au cœur de cette élection. Alors la joute politique prend le tour politicien que nos concitoyens rejettent. Les médias doivent aussi s’interroger sur leur responsabilité dans le désintérêt croissant pour l’élection européenne. Lors du premier débat, notamment, les questions sociales n’ont été abordées qu’à 23 heures, comme ultime sujet ! À cette heure tardive, la plupart des téléspectateurs
étaient évidemment déjà partis se coucher, convaincus peut-être que l’élection ne concernait pas leur vie quotidienne. On peut déplorer que des enjeux essentiels soient ainsi escamotés. Propos recueillis par Frédérick Casadesus À lire Faire tomber les murs entre intellectuels et politiques Agathe Cagé Fayard, 258 p., 19 €. COP24 : Jeûnons ensemble pour le climat ! Appel au jeûne avant la COP24 Jeûner, c’est prendre soin de soi, des autres et de notre environnement. Prendre soin de soi en offrant à son corps et son esprit un temps différent. Prendre soin des autres en témoignant de notre capacité à nous limiter pour une meilleure répartition des ressources. Prendre soin de ce que certains appellent nature, d’autres création, en nous montrant capables de résister à l’avidité encouragée par nos sociétés de consommation.
Jeûner pour le climat, c’est répondre à l’alerte lancée par le Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et interpeller les citoyens et les gouvernements à l’occasion de la COP24 : Oui, nous avons entendu qu’il est à la fois urgent et possible d’agir pour limiter le réchauffement climatique en cours. Continuant à évoluer sur sa trajectoire actuelle, il engagerait à court terme des dérèglements dévastateurs et irrémédiables pour l’ensemble du vivant. Oui, nous avons conscience que les conséquences du dérèglement climatique pour l’humanité touchent et toucheront d’abord les populations les plus vulnérables. Chacun et tous devons nous mobiliser pour prévenir les injustices et les violences locales qui sont le résultat d’une irresponsabilité collective. Oui, nous avons une plus belle ambition que celle de « tirer notre épingle du jeu » : que la crise que nous traversons à une échelle inédite soit l’occasion d’une transformation positive de l’humain, conscient d’appartenir à un monde, à une histoire, à une communauté avec lesquels il interagit pour le meilleur et non plus pour le pire. Jeûner pour le climat, c’est saisir l’occasion de réfléchir à notre manière d’habiter le monde et de décider de changements concrets dans nos modes de vie (choisir, par exemple, de manger, se déplacer, ou consommer autrement). Jeûner ensemble, c’est rassembler des femmes et des hommes de tous horizons, d’appartenance confessionnelle ou non, militants ou non, autour d’une pratique ancestrale et d’une identité commune : habitants d’un monde en surchauffe, en résistance devant la fatalité et en espérance pour un changement au bénéfice de tous. Jeûner pour le climat, c’est sortir de la fascination du désastre, témoigner de la capacité humaine au changement, à la solidarité avec sa propre espèce et l’ensemble du vivant et encourager les gouvernements à faire des enjeux climatiques le point giratoire de leur politique. Rendez-vous le vendredi 30 novembre, samedi 1er décembre et dimanche 2 décembre, jour d’ouverture de la COP24. Jeûnons un jour ou plusieurs. Jeûnons seul ou en groupe. Jeûnons de nourriture ou d’autre chose (de sa voiture, de son smartphone, etc.). Et pourquoi ne pas rompre son jeûne par un repas
joyeux, qui célèbre nos engagements actuels et à venir ? Proposons et rejoignons des événements locaux de jeûne et/ou de repas de rupture partout en France, grâce au site : jeunepourleclimat.net Signataires L’appel est signé par plus de 90 personnalités venues de tous les horizons : Emmanuel Carrère, écrivain ; Alexandre Jollien, philosophe et écrivain ; Radia Bakkouch, présidente de Coexister ; Dominique Bourg, philosophe, université de Lausanne ; Véronique Fayet, présidente du Secours catholique ; Pauline Bebe, rabbin ; Olivier de Schutter, ancien rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation et membre du comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU ; Siham Tamansourt, Assises musulmanes de l’écologie ; Patrick Viveret, philosophe et cofondateur des Dialogues en Humanité ; Kankyo Tannier, bouddhiste et vegan ; Jon Palais, militant climat ; Alexandra Breukink, pasteure ; Natacha Cros-Ancey, pasteure ; Marion Muller-Colard, théologienne et écrivaine ; Martin Kopp, écothéologien et militant climat ; Dominique Lang, prêtre assomptionniste et journaliste ; Sandrine Pires, comédienne et metteur en scène ; Dany Schmidt, agriculteur bio ; Antoine Nouis, théologien ; Colette Nys-Mazure, écrivaine ; Jean-Claude Guillebaud, écrivain et journaliste ; Isaac Doude van Troostwijk, guide de haute montagne UIAGM ; Jacob Rogozinski, professeur de philosophie, université de Strasbourg ; Jenny Litzelmann, directrice de la Maison Schweitzer ; Dominique Schoenheitz, viticultrice ; Isabelle Czernichowski-Lauriol, chercheuse en stockage géologique de CO2 ; Sylvie Lander, artiste-peintre ; Pascal Poirot, artiste-peintre ; Olivier Abel, philosophe ; Éric Tillette de Clermont- Tonnerre, religieux dominicain et théologien ; Gabriel Farhi, rabbin ; Frédéric Rognon, professeur de philosophie, université de Strasbourg ; Patrick Cabanel, historien et directeur d’études EPHE ; Marc Félix-Faure, médecin généraliste, diplômé en soins palliatifs ; Marie-Hélène Cahuzac-Feron, formatrice ; Jacques Verseils, enseignant, berger en Cévennes et fondateur de l’association Abraham Mazel ; Bernard Dugas, consultant en entreprise ; Daniel Arnera, sociologue d’entreprise ; Caroline Sarra-Gallet, psychologue ; Olivier Wang-Genh, abbé du monastère bouddhiste zen de Weiterswiller en Alsace ; Bertrand Hériard, jésuite ; Stéphane Lavignotte, pasteur ; Pierre Muckensturm, artiste-plasticien ; Robin Sautter, pasteur ; Laura Morosini, Chrétiens Unis pour la Terre ; Marcel Ngirinshuti, coordinateur de la Toile des Églises vertes en Afrique ; Caroline
Bauer, théologienne et économiste ; Fabien Revol, théologien de l’écologie ; Jean- Pierre Rive, pasteur et militant climat ; Alain Prin, diacre et agriculteur bio ; Loïc Lainé, professeur de commerce international, diacre permanent et théologien de l’écologie ; François Prouteau, président de Fondacio ; Gérard Siegwalt, professeur émérite de théologie ; Anne-Claire Bucciali, psychologue ; Michel Hutt, écrivain ; Bernard Rodenstein, président fondateur de l’association Espoir ; Bertrand Gaufryau, chef d’établissement (64) ; Armelle Nouis, chef d’établissement (75) ; Jean-Paul Vesco, évêque d’Oran ; Matthieu Fuchs, archéologue et directeur général de collectivité territoriale ; Marie-Olga Cros, médecin généraliste ; Antoine Lecomte, banquier ; Nathanaël Wallenhorst, maître de conférences, université catholique de l’Ouest ; Farid Grine, imam traducteur et aumônier pénitentiaire ; Francis Roess, informaticien ; Bruno Lamour, ancien président du Collectif Roosevelt ; Alberto Ambrosio, dominicain ; Caroline Riegel, réalisatrice et ingénieure ; Bernard Stoehr, guid nature ; Dominique Ley, professeure de lettres et laïque dominicaine ; Andreas Seyboldt, pasteur ; Nicolas Beziaux, médecin généraliste, diplômé en soins palliatifs ; Chris Doude van Troostwijk, philosophe ; Jean-Marc Ferry, philosophe ; Mohamed Latahy, aumônier des hôpitaux de l’université de Strasbourg ; Jean-Louis Hoffet, conseiller régional d’Alsace honoraire ; Marie Christmann ; Caroline Runacher, religieuse dominicaine et doyenne de la faculté de théologie de l’université de Lille ; Anne Soupa, écrivaine et présidente de la Conférence catholique des baptisé-e-s francophones et du Comité de la jupe ; Corinne Lanoir, enseignante à l’Institut protestant de théologie et pasteure ; Marie-Laure Denès, religieuse dominicaine et provinciale de la Congrégation romaine de Saint-Dominique ; Marco Baumann, propriétaire de l’Hôtel des Berges à Illhaeusern ; Steven Weinberg, biologiste spécialiste du monde sous-marin et voyageur curieux de nature ; Isabelle Ullern, faculté libre d’études politiques et en économie solidaire ; Chiara Villa, metteur en scène ; Valérie Rodriguez, directrice de la Fraternité mission populaire de Trappes ; Thierry Truillet, lama enseignant-formateur, ermitage bouddhiste du bocage normand ; Luk Bouckaert, SPES-Forum Belgique ; Johan Van der Walt, professeur en philosophie du droit au Luxembourg ; Stéphane Reitter, enseignant; Silvère Lataix, coordinateur de Bible et Création ; Michel Maxime Egger, sociologue et écothéologien d’enracinement orthodoxe ; Jean Jouzel, climatologue.
Rapport du GIEC : les Églises chrétiennes agissent ! Une fois de plus, les climatologues réunis au sein du GIEC tirent la sonnette d’alarme. Certes, ils tirent encore plus fort. Certes, voici le premier rapport sur les enjeux d’un réchauffement moyen global de 1,5 °C précisément. Mais les messages clés sont-ils nouveaux ? La réponse est non. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) nous dit qu’il faut garder ce réchauffement le plus bas possible. Que nous ne sommes pas sur une trajectoire qui le permette. Que les risques sont énormes et leurs effets, s’ils se matérialisent, seront néfastes et mortifères pour des centaines de millions de personnes partout dans le monde, et d’abord les plus pauvres. Qu’ils menacent, au-delà des humains, de nombreux autres animaux et quantité de plantes. Que les risques s’accroissent avec chaque dixième de degré additionnel. Qu’il s’agit de revoir le niveau et la vitesse de l’action à la hausse de façon drastique. Ce refrain est, hélas, trop entendu. À mon sens, ce sont plutôt le fait même de la publication du rapport, à ce moment précis, le concert de voix qui s’élève à sa suite et la dynamique qu’il peut soutenir et renforcer parmi la société civile et dans la vie personnelle de tout un chacun, qui importent. Le rapport du GIEC tombe à point nommé Sur le plan politique, nous sommes à deux mois de la COP24 qui se tiendra à Katowice, en Pologne, et à deux ans de la date clé de 2020. La COP24 a à son
agenda la rédaction finale et l’adoption du « manuel d’application » de l’Accord de Paris, c’est-à-dire de l’ensemble des détails techniques (méthodes, règles et procédures), devant permettre la mise en œuvre effective et efficace des grands principes posés dans l’accord. D’ici 2020, les États sont invités à revoir à la hausse leurs engagements nationaux. Ces deux rendez-vous doivent être des succès. Pour ce faire, la pression des opinions publiques doit être au plus haut, et la publication du GIEC tombe à point nommé pour contribuer à la mobilisation. Ceci vaut pour la France, en particulier. Emmanuel Macron dispose d’un véritable crédit à l’international, malgré la démission de Nicolas Hulot. Le mois dernier, il a même été désigné « Champion de la Terre », à New York. Au niveau national cependant, le tableau n’est pas reluisant [1]. Les émissions de gaz à effet de serre de la France sont reparties à la hausse et notre pays a dépassé de 6,7 % l’objectif d’émissions qu’il s’était fixé pour 2017. La consommation finale d’énergie a augmenté de 4,2 % l’an dernier. La part des énergies renouvelables dans la consommation a baissé de 12,8 % en 2016 [2]. Voilà des nouvelles bien plus graves que la démission de Gérard Collomb. La France doit s’engager enfin dans des politiques publiques en faveur du climat fermes, cohérentes et ambitieuses. Les Églises chrétiennes se mobilisent Sur les autres plans d’action, citoyen et personnel, des dynamiques porteuses d’espoir sont à l’œuvre. Depuis la COP21, la société civile est en fait à la pointe de la mobilisation. Mentionnons, par exemple, qu’en date de 2016, des entreprises dont les chiffres d’affaire cumulés s’élèvent à 36 600 milliards de dollars – soit une force économique équivalente à la Chine, l’Allemagne, le Japon, le Royaume- Uni et les États-Unis réunis –, avaient pris des engagements de réduction d’émissions et d’adaptation [3]. Ou encore que la campagne de désinvestissement des actifs financiers hors de l’exploitation des énergies fossiles atteint 717 000 milliards de dollars désinvestis à ce jour. Le rapport du GIEC vient renforcer la légitimité de ces actions tous azimuts et motiver l’approfondissement de l’engagement. Parmi les types d’acteurs ayant désinvesti, la plus grande part revient aux organisations religieuses, qui en représentent 29 %, de la Fédération Luthérienne Mondiale à l’Église protestante unie de France. Les Églises et les croyants ont assurément leur pierre à apporter à l’édifice. Hier s’achevait l’assemblée
bisannuelle du Réseau chrétien environnemental européen (ECEN), à laquelle j’ai participé au nom de la commission écologie – justice climatique de la Fédération protestante de France. Nous y avons entendu les récits des initiatives chrétiennes foisonnant en Europe, du Royaume-Uni, qui vient de fêter la labellisation de la millième « Éco-Église » [4], à la Norvège, où une cathédrale est en train d’être construite à partir du plastique ramassé sur les plages du pays [5]. Apprendre ce qui se passe ailleurs, rencontrer d’autres chrétiens et chrétiennes engagés, échanger autour de nos peines et de nos joies, prier et célébrer ensemble, sont de puissants leviers spirituels. Car c’est bel et bien à ce niveau-là que la conversion et la transition écologiques se jouent. Il s’agit de refuser le déni et d’avoir le courage de la lucidité. De gérer la fatigue et de renouveler nos forces. De refuser le fatalisme et de choisir l’espérance. Martin Kopp, président de la commission écologie – justice climatique de la Fédération protestante de France [1] Les chiffres suivants proviennent de l’Observatoire climat-énergie. URL : www.observatoire-climat-energie.fr Consulté le 10 octobre 2018. [2] Les chiffres pour 2017 ne sont pas encore disponibles. [3] UNFCCC, Yearbook of Global Climate Action 2017. Marrakech Partnership, Bonn, UNFCCC, 2017. URL : http://bit.ly/2BHLes2 Consulté le 10 octobre 2018. [4] Site du label : www.ecochurch.arocha.org.uk Consulté le 10 octobre 2018. [5] Site de l’initiative : www.hopecathedral.no Consulté le 10 octobre 2018. Heuristique de la peur – l’édito
d’Antoine Nouis Décembre 2015. Les Églises, les associations, les ONG, la société civile, les États se sont mobilisés pour faire de la COP21 une prise de conscience des enjeux du changement climatique. Novembre 2017, alors que s’ouvre la COP23, le grand mouvement de mobilisation s’est évanoui. Les engagements ont été peu respectés. Les scientifiques sont de plus en plus nombreux à douter que l’humanité arrive à maintenir le réchauffement climatique au-dessous de la barre des deux degrés par rapport à l’ère préindustrielle. En tant que citoyens, nous devons prendre nos responsabilités et demander à nos gouvernements de respecter leurs engagements. En tant que sujets, nous sommes invités à ajuster notre comportement. Trois pistes bibliques peuvent nous accompagner. Les prophètes ont souvent eu un discours salé. Alors qu’on leur demandait de ne prophétiser que « des choses agréables », ils ont annoncé le malheur. Ils ne l’ont pas fait pour cultiver un pessimisme pathologique, mais pour que le malheur n’arrive pas. C’est Jonas qui annonce la destruction de Ninive pour que les Ninivites réagissent et que la ville ne soit pas détruite. Le philosophe Hans Jonas a appelé cela l’heuristique de la peur : parce que l’humanité peut se détruire, il faut agir. La prédication du Baptiste comme celle de Jésus appelle à un « changement radical ». Il ne s’agit pas simplement de croire à la Bonne Nouvelle, mais de vivre l’Évangile. Toute idée qui ne se traduit pas en comportement relève de l’hypocrisie. Le principal reproche que Jésus faisait aux religieux de son temps est : « Ils disent et ne font pas. » Le grand commandement de l’Évangile appelle à aimer son prochain. Le prochain, c’est celui qui est fait proche, mais c’est aussi le suivant. Nos prochains, ce sont nos enfants à venir et les enfants de nos enfants. Quelle Terre allons-nous leur laisser ? L’enjeu mérite qu’on se mobilise… avec persévérance.
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