Jurisprudence OH 2016 - Regroupement des offices d ...

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Jurisprudence OH
      2016
La sélection, l’indexation ainsi que les commentaires de chacune des décisions
ont été effectués par Me Claude Poulin, conseiller juridique et secrétaire général du ROHQ.

                                    Recueil préparé par
                  Le Regroupement des offices d’habitation du Québec
            1135, Grande Allée Ouest, bureau 170, Québec (Québec) G1S 1E7
                       Tél. : 418 527-6228 Téléc. : 418 527-6382
                                Courriel : rohq@rohq.qc.ca
                              Site Internet : www.rohq.qc.ca

                                              Août 2016

                                          100 %

                          Imprimé sur du Rolland Enviro 100, contenant 100 %
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                        Procédé sans chlore et fabriqué à partir d’énergie biogaz.
Présentation

Pour cette 36e édition, nous vous présentons une vingtaine de décisions de la Régie
du logement impliquant des offices d’habitation.
Comme pour les dernières éditions, toutes les décisions sont commentées par le
soussigné.
Les décisions1 des années 2015-2016 répertoriées ici ont été sélectionnées à partir du
site Internet jugements.qc.ca. Toutes les décisions des tribunaux civils et administratifs
sont publiées sur ce site.
Pour ma part, il s’agit de ma dernière édition puisque je quitte le ROHQ pour une autre
étape de ma vie. Produire ce répertoire de décisions a été fort intéressant pour moi et
j’espère qu’il l’a été pour vous, en plus de vous être utile.
Je vous remercie pour les nombreux commentaires positifs reçus au fil des ans concernant
cette publication et vous dis au revoir.
Bonne lecture,

Me Claude Poulin
Avocat, conseiller juridique et secrétaire général, ROHQ

  1. Les textes des décisions doivent être reproduits dans leur intégralité, y compris les fautes d’orthographe et
     de syntaxe. Nous vous prions donc de ne pas nous en tenir rigueur.

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Table des matières

Présentation                                                          3

Table des matières	                                                   4

Décisions de la Régie du logement	                                    5

  COMPORTEMENT BRUYANT ET INAPPROPRIÉ	                                5

  COMPORTEMENT VIOLENT ET AGRESSIF                                   14

  DOMMAGES / INCENDIE                                                17

  FAUSSE DÉCLARATION	                                                19

  FAUSSE DÉCLARATION	                                                24

  DEMANDE DE RÉVISION DE LA DÉCISION DE L’OH DE REFUSER D’INSCRIRE
  UN REQUÉRANT À LA LISTE D’ADMISSION	                               30

  INSALUBRITÉ CHRONIQUE                                              33

  INSALUBRITÉ AVANCÉE                                                36

  OCCUPANT SANS DROIT                                                41

  PREUVES DE REVENUS NON FOURNIES                                    49

  REFUS DE RELOGEMENT – RÉVISION DE DEMANDE                          52

  SÉCURITÉ DU LOGEMENT                                               55

  TROUBLE DU COMPORTEMENT                                            59

  TROUBLE DE COMPORTEMENT                                            64

  SOUS-LOCATION INTERDITE                                            67

  TRAFFIC DE CIGARETTES DE CONTREBANDE                               73

    4    Jurisprudence • O H 2 0 16
Décisions de la Régie du logement

COMPORTEMENT BRUYANT ET INAPPROPRIÉ

OFFICE MUNICIPAL D’HABITATION DE LONGUEUIL c.
France PERRIER
Régie du logement n° 37-130320-013 37 20130320 S
Me Serge Adam, juge administratif
Jugement rendu le 23 mars 2016

DÉCISION

Le Tribunal est saisi d’une demande par la locatrice en résiliation du bail et en éviction
de la locataire et de tous les occupants, suite à un comportement bruyant et inapproprié
de la locataire. Le locateur demande également l’exécution provisoire nonobstant appel,
de réserver ses recours et de statuer sur les frais.
Le bail actuel liant les parties est un bail reconduit du 1er décembre 2015 au 31 novembre
2016 au loyer mensuel de 263 $ payable le 1er jour de chaque mois.

QUESTION EN LITIGE
La locatrice est-elle justifiée de réclamer la résiliation de la locataire pour comportement
bruyant et inapproprié de la locataire ?

CONTEXTE

Allégations et preuve de la locatrice
Au soutien de sa demande, la locatrice par l’entremise de sa mandataire allègue que
la locataire n’use pas du logement en personne responsable, ce qui lui cause un préjudice
sérieux. Elle allègue aussi que la locataire fait beaucoup de bruit et qu’elle se conduit
de façon à ne pas assurer aux autres occupants de l’immeuble la jouissance paisible et
normale des lieux loués.

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Elle ferait ainsi défaut d’exécuter les obligations que la loi lui impose, obligations
qu’elle a, de plus, assumé de plein gré à la signature du bail et d’une entente entérinée
par ma collègue la juge Danielle Deland, dans une décision du 18 novembre 2013.
Elle contreviendrait ainsi aux dispositions des articles 1855 et 1860 du Code civil du
Québec qui stipulent :
           « 1855. Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer
           convenu et d’user du bien avec prudence et diligence. »
           « 1860. Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler
           la jouissance normale des autres locataires.
           Il est tenu, envers le locateur et les autres locataires, de réparer le préjudice
           qui peut résulter de la violation de cette obliga­tion, que cette violation
           soit due à son fait ou au fait des personnes auxquelles il permet l’usage
           du bien ou l’accès à celui-ci.
           Le locateur peut, au cas de violation de cette obligation, demander la
           résiliation du bail. »
Plus amplement, la locatrice allègue que la locataire a un comportement bruyant et
que la locataire a importuné et qu’elle importune toujours des locataires du même
immeuble.
À ce sujet, la locatrice allègue que la locataire aurait causé régulièrement du bruit
excessif nuisant au bien-être du voisinage en plus de se plaindre continuellement de
bruit en provenance du logement situé tout au-dessus du sien, alors que souvent il n’y
a personne dans ce logement au moment où les bruits sont censés avoir été perçus.
Au soutien de cette allégation de plainte inutile au service police de la ville de Longueuil
la locatrice fait témoigner deux policiers de la Ville de Longueuil, soit les agents de
police Guillaume Pelletier et Céline Laurendeau, lesquels affirment s’être présentés
rapidement chez la locataire afin de répondre à une plainte de bruit émanant d’une
voisine, l’un le 19 janvier 2016 (Pelletier) et l’autre (Laurendeau) le 23 décembre 2015
et tous les deux affirment ne pas avoir entendu ne serait-ce un petit bruit émanant du
locataire situé tout au-dessus du logement de la locataire.
Au surplus, le policier Pelletier, explique avoir cogné à la porte de ladite voisine et a
ainsi constaté que personne n’y était présent, ce matin du 19 janvier 2016.
Les policiers ont également déposé lors de l’audience une série d’événements relatée
par des cartes d’appel autres que les deux événements ci-haut relatés pour les 3 janvier
2016, 29 février 2015, 24 janvier 2015, 18 janvier 2015, 3 octobre 2014, 11 janvier
2014.

    6     Jurisprudence • O H 2 0 16
Or, dans toutes ces cartes d’appel, les policiers n’ont constaté aucun bruit, indiquant
dans certaines de ces cartes qu’il y existait un silence total et également avoir constaté
dans certaines de ces cartes l’absence de l’occupante du logement au-dessus du logement
concerné
Mais il y a plus.
La locataire habitant le logement numéro 201 et situé tout au-dessus de celui de la
locataire, Mme Johanne Dufresne, quitte son logis pour une énième fois au début de
janvier 2016 afin d’aller au chevet de sa fille demeurant à l’extérieur du pays laquelle
est malade et a besoin d’aide.
La locataire Dufresne préalablement à son départ autorise l’accès de son logement en
tout temps à Mme Anne Licatese, agente de conciliation pour la locatrice afin de constater
l’intolérance de la locataire au moindre petit bruit.
Ainsi, témoigne Mme Licatese, elle se présente au logement de Mme Dufresne le 18 janvier
2016 avec la grande amie de cette dernière, Mme Francine Savard vers les 15 h, celle-ci
présente également à l’audience.
Toutes deux enlèvent leurs bottes et manteaux. Elles s’installent par la suite dans la
cuisine et discutent calmement.
Il s’agit d’un logement de 3 pièces et demi et tout porte à croire que Mme Dufresne vit
seule, n’ayant constaté aucun lit d’appoint ou autres meubles pouvant arriver à une
autre conclusion.
Toutes deux constatent que le téléviseur est débranché de même que la radio et se
refusent de les brancher de peur de faire perdre à la locataire toutes les programmations
pouvant avoir été créées par Mme Dufresne.
Mme Savard quitte le logement une heure plus tard pendant que Mme Licatese demeure
encore quelque temps dans celui-ci.
Elle profite donc de l’occasion de passer un peu le balai dans celui-ci et se permet
même d’utiliser la toilette de Mme Dufresne.
Or, vers les 16 h 45, explique Mme Licatese, elle sursaute brusquement par un bruit fort
et d’une rare violence d’un claquage de porte ou d’armoires, elle ne pouvait pas le
préciser, davantage, en provenance du logement de la locataire, bruit qui s’est inten-
sifié et perduré pendant plusieurs minutes avec des cris de la part de Mme Perrier, la
locataire.

                                                               Jurisprudence • O H 2 0 16   7
Elle a donc quitté les lieux une fois le calme rétabli, il était presque 17 h, tient-elle à
préciser.
Le lendemain matin, le 19 janvier 2016, alors que le témoin Licatese est à son bureau,
elle reçoit un appel de Mme Perrier, laquelle veut se plaindre du bruit entendu la veille.
Toute la conversation entre Mme Licatese et Mme Perrier est enregistrée et est entendue
à l’audience dans sa presque totalité, soit pendant une bonne dizaine de minutes.
Il serait long et fastidieux de reproduire ici toute cette discussion téléphonique entre
Mme Licatese et Mme Perrier, mais essentiellement la locataire se plaint de bruit en
permanence en provenance du logement de Mme Dufresne et relate qu’hier, le 18 janvier
2016, celui-ci fut intensément bruyant alors que deux personnes s’y trouvaient et ont
discuté fortement pour ne pas dire crier, ont fait du tapage, et ce, jusqu’à tard dans
la soirée. Elle invoque avoir entendu une chicane entre les personnes présentes au
logement durant la soirée du 18 janvier 2016.
Elle ajoute de plus que vers les 5 heures du matin, ce 19 janvier 2016, elle fut réveillée
en sursaut par des bruits lourds et intenses en provenance du logement de Mme Dufresne.
Elle précise avoir demandé la visite des policiers ce matin afin de constater les bruits,
mais lorsque ces derniers ont quitté les lieux, le bruit est revenu, insiste-t-elle.
Elle explique dans cette discussion que ce n’est peut-être pas celle qui loue le logement
le problème, mais probablement ceux à qui elle permet l’utilisation de son logement
alors qu’elle permet souvent à deux personnes d’y séjourner.
Sur cette dernière allégation, non seulement, la mandataire de la locatrice affirme avoir
vérifié et contre vérifié cet aspect de présence récurrente d’autres personnes pouvant
habiter ce logement, mais au surplus, l’amie de Mme Dufresne, Mme Savard, dans son
témoignage crédible et sincère, expliquait que son amie recevait rarement de la visite
sauf elle-même et à l’occasion une autre amie demeurant à Trois Rivières.
Même ses enfants ne la visitent pas, car c’est elle qui se déplace pour leur rendre visite,
ceux-ci habitant tous à l’extérieur de la province de Québec, tient-elle à ajouter.
Mme Savard corrobore le bruit engendré par la locataire chaque fois qu’elle visite son
amie.
Ils doivent chuchoter au lieu de parler normalement, car la locataire s’exaspère et fait
un tapage monstre afin de démontrer son mécontentement. Cela devenait tellement
frustrant qu’elle refusait volontairement de lui rendre visite, tellement l’attitude sa
voisine était totalement exagérée avec si peu de bruit.

    8     Jurisprudence • O H 2 0 16
Elle se souvient d’une visite récente où la locataire s’était tellement enragée et faisait
tellement de tapage dès le début de leur discussion, alors qu’elles s’étaient appliquées
à ne pas parler fort, qu’elles ont décidé de quitter le logement de Mme Dufresne pour
aller discuter dans un café tout près.
Le témoin Savard explique que toute cette situation rend malade son amie et que cette
dernière ne peut plus vivre dans un tel environnement et aimerait pouvoir trouver une
solution pour se sortir de ce calvaire, tout en préservant ses droits à un logement social
avec la locatrice.
Elle décrit son amie comme une personne timide, respectueuse des autres et l’antithèse
de la version de la locataire, soit une personne bruyante.
La mandataire de la locatrice explique que toute cette problématique d’intolérance
totale de Mme Perrier perdure depuis plusieurs années et ont même amené une autre
ancienne occupante du même logement de Mme Dufresne, Mme Francine Tourangeau à
se plaindre du comportement de Mme Perrier se disant victime harcèlement tellement
ce comportement était exagéré et inapproprié. Cette dernière fut transférée dans un
autre logement correspondant à son statut de personne âgée.
Ainsi, explique la mandataire de la locatrice, une demande en résiliation fut déposée
par la locatrice, le 20 mars 2013 pour un comportement violent et bruyant de la locataire
pour en conclure avec une entente par laquelle Mme Perrier s’engageait à maintenir la
paix avec les autres occupants de l’immeuble, de tolérer les bruits normaux du voisinage,
de ne plus claquer les portes, cogner au plafond en plus de ne plus téléphoner inuti-
lement aux policiers.
Cette entente fut entérinée par la juge administrative Danielle Deland, par une décision
rendue le 18 novembre 2013.

ALLÉGATIONS ET PREUVE DE LA LOCATAIRE
Quant à elle, la locataire nie être la cause de tout ce bruit évoqué par la locatrice et
ses témoins.
Elle soutient s’être constamment plainte auprès de la locatrice du bruit régulier
provenant du logement situé tout au-dessus du sien.
Ainsi, au soutien de cette allégation, elle affirme que dans une discussion téléphonique
avec la directrice générale adjointe Mme Debbie Savoie de même que dans un message
laissé sur son répondeur celle-ci aurait confirmé le départ de son ancienne voisine
Mme Tourangeau tout en avouant que c’était elle la cause des bruits dont elle se plaignait
à l’époque.

                                                               Jurisprudence • O H 2 0 16   9
Non seulement, cette dernière ne produit pas le message sur son répondeur ci-haut
invoqué, mais au surplus, son fils appelé à venir corroborer ce dit message n’a pu se
remémorer l’existence de celui-ci et de son contenu, prétextant nerveusement ne pas
se rappeler des détails, si ce n’est du départ de l’ancienne voisine de sa mère.
Il corrobore toutefois, du manque d’insonorité entre les logements de l’immeuble où
est situé le logement de sa mère.
Mme Debbie Savoie témoigne sur cette dernière affirmation et non seulement nie avoir
eu une telle discussion avec la locataire Perrier, mais au surplus, jamais cette locataire
Mme Tourangeau aurait été transférée dans un autre logement de l’Office Municipale si
preuve avait été obtenue d’un comportement bruyant de cette dernière, tel que le
prévoit, par ailleurs, leurs règlements de régie interne.

DÉCISION

Les règles régissant le bon voisinage sont également pertinentes à la présente affaire.
À cet égard, l’article 976 duCode civil du Québec précise ce qui suit :
             « 976. Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du
             voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance qu’ils se doivent,
             suivant la nature ou la situation de leur fonds, ou suivant les usages
             locaux. »
Aussi, cette disposition établit comme critère applicable le caractère anormal et
exorbitant des inconvénients. Dans la décision Lacasse c. Picard[1], il fut décidé :
     « Pour réussir en la présente cause, les locateurs doivent établir que les locataires ou
     une personne dont ils sont responsables ou à qui ils permettent l’accès au logement
     a eu, au cours d’une certaine période, des comportements et des attitudes qui par
     leurs répétitions et insistances agacent, excèdent ou importunent gravement les
     autres locataires du même immeuble, troublant ainsi la jouissance normale des lieux
     à laquelle ils ont droit. »
Comme le souligne l’auteur Pierre-Gabriel Jobin, dans son traité portant sur le louage[2] :
    « 98. Conditions. Deux conditions, à notre avis, s’attachent à la responsabilité pour
    troubles de voisinage entre locataires. D’abord, comme le suggère le texte même de
    l’article 1860, [L.Q. 1991, c. 64 article 1860 alinéa 1], le locataire voisin doit avoir
    subi des inconvénients anormaux. Qu’est-ce qu’un inconvénient normal ? Cette première

[1]		 Jean-Louis Baudoin, Pierre Gabriel Jobin, Les Obligations, 5e édition, Cowansville, les Éditions Yvon Blais,
      1998.
[2]		 Jean-Claude Royer, La preuve civile, 3e édition, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais, 2003, no 1388, p. 1077.

    10       Jurisprudence • O H 2 0 16
question nous amènera à préciser notamment si le trouble doit être persistant et si
     le locataire voisin doit avoir subi un préjudice sérieux. Deuxièmement, le compor-
     tement reproché au locataire doit être illégitime de sa part.
     Relativement à la première condition, on relève parfois l’affirmation que le trouble
     causé au locataire voisin doit être “anormal”. Pour juste qu’elle soit, l’expression n’en
     demeure pas moins vague. Afin de mieux cerner le niveau d’exigence imposé au
     locataire, on peut maintenant se tourner vers le langage utilisé par le législateur
     lui-même pour définir l’abus de droit et surtout pour poser les critères des troubles
     de voisinage : “Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage
     qui n’excèdent pas les limites de la tolérance qu’ils se doivent, suivant la nature ou
     la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux”. Conciliation d’intérêts
     contraires, tolérance, situation des lieux et usage seront donc les guides du juge
     pour apprécier la conduite du locataire prétendument fautif. Ainsi, le niveau critique
     d’un trouble de voisinage peut varier sensiblement d’un contexte à un autre. On
     tiendra compte des mœurs, du niveau général de tolérance du milieu social ainsi que
     des caractéristiques inhérentes à l’usage pour lequel les lieux ont été loués (par
     exemple, une famille ayant des enfants fait plus de bruit qu’un couple sans enfant).
     […]
      Par ailleurs, on notera que le trouble doit être persistant. Dans l’esprit des tribunaux,
     un fait isolé ne saurait constituer des inconvénients anormaux. […]
     La seconde condition pour que le trouble de voisinage entraîne la responsabilité du
     locataire est que celui-ci doit avoir agi de façon illégitime. »
La force probante d’une preuve testimoniale dépend de la crédibilité de chaque témoin
et de la qualité de son témoignage, eu égard à la façon de témoigner et au contenu
des réponses, éléments que le tribunal considère en vue de rendre un jugement conforme
au poids de la preuve.
Le tribunal, à qui il revient en vertu de l’article 2845 du Code civil du Québec d’apprécier
la force probante des témoignages, considère qu’en l’espèce, la locataire n’a pas offert
le témoignage d’une personne de la plus haute bonne foi.
Le tribunal ne croit pas le témoignage hésitant et confus de cette dernière qui, à
certains égards, lui apparaît invraisemblable, notamment le fait que ces bruits
proviennent du logement situé au-dessus du sien, alors que personne n’y était présent
dans les heures ou les journées où elle prétend avoir entendu du bruit, notamment les
journées du 18 et 19 janvier 2016, alors que la preuve révèle que deux personnes s’y
sont trouvées seulement pendant une heure durant l’après-midi du 18 janvier 2016 et
une seule personne pour une heure supplémentaire suivante.
Par ailleurs, les témoignages précis, détaillés et très crédibles de la représentante de
la locatrice, de Mme Savard, la grande amie de la locataire Dufresne et de celui de
l’agente de conciliation Mme Anne Licatese, notamment quant au bruit excessif allégué

                                                                      Jurisprudence • O H 2 0 16   11
et au comportement inapprécié de la locataire ont convaincu le Tribunal que la locataire
est une source de tracasserie sérieuse tant pour la locatrice que pour une des locataires
de l’immeuble.
Devant une telle preuve accablante d’intolérance totale, voire obsédée, aux bruits
normaux et même devant l’existence réelle de certains bruits à des moments précis, le
Tribunal veut plutôt croire que la locataire ne ment pas, mais qu’elle fabule complè-
tement non seulement sur l’intensité de ces bruits en provenance du logement de
Mme Dufresne, mais aussi à certains égards sur l’existence de ceux-ci.
Nul doute dans l’esprit du Tribunal que les inexécutions de la locataire causent également
un préjudice sérieux à la locatrice. Cette dernière a reçu des plaintes et craint avec
raison la perte de la locataire plaignante. Par conséquent, elle a établi sans l’ombre
d’un doute son droit à la résiliation du bail.
Le préjudice causé à la locatrice justifie l’exécution provisoire de la décision, comme
il est prévu à l’article 82.1 L.R.L.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

RÉSILIE le bail intervenu entre les parties ;
ORDONNE l’expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement ;
ORDONNE l’exécution provisoire de l’ordonnance d’expulsion dans les 10 jours de la
signature des présentes ;
CONDAMNE la locataire à payer au locateur la somme de 82 $ représentant les frais
judiciaires ;
RÉSERVE les recours de la locatrice.

   12     Jurisprudence • O H 2 0 16
Commentaires

Encore une fois dans une cause concernant le comportement du locataire, tout est
une question de preuve et de crédibilité de chaque témoin.
Dans la présente cause, le juge administratif, après avoir entendu les parties, a
considéré que « la locataire défenderesse n’a pas offert le témoignage de la plus
haute bonne foi ». Elle invoquait des bruits provenant des logements situés
au-dessus du sien, alors que personne n’était présent dans ces logements aux dates
mentionnées.
Le juge a plutôt retenu les témoignages précis et crédibles de la représentante de
l’office et des locataires visés, jugeant que la défenderesse a fait preuve d’une
intolérance face aux bruits nouveaux, et a mis en doute l’existence de tels bruits.
Le comportement de la défenderesse a causé un préjudice sérieux à l’office. Le bail
a donc été résilié.

                                                           Jurisprudence • O H 2 0 16   13
COMPORTEMENT VIOLENT ET AGRESSIF

OFFICE MUNICIPAL D’HABITATION DE SHAWINIGAN c.
MICHEL GAUTHIER
Régie du logement n° 235138 14 20150902 G
Me Brigitte Morin, juge administrative
Jugement rendu le 11 février 2016

DÉCISION

Par un recours introduit le 2 septembre 2015, le locateur demande la résiliation du
bail et l’éviction immédiate du locataire, l’exécution provisoire de la décision malgré
l’appel et le paiement des frais.
Monsieur Mario Plourde, directeur de l’Office municipal d’habitation de Shawinigan
explique que le locataire habite un logement dans un HLM dont les résidents sont
essentiellement des personnes âgées. L’immeuble abrite 42 locataires.
Le 20 mai 2014, le locateur adresse une lettre au locataire afin de faire compte rendu
d’une rencontre tenue le même jour concernant des comportements violents que ce
dernier a eu à l’égard d’autres locataires de l’immeuble.
Le 5 février 2015, une nouvelle lettre est envoyée au locataire cette fois pour des
gestes d’intimidation à l’égard d’une résidente. Il est demandé d’éviter tout contact
avec la locataire.
Le dossier judiciaire du locataire démontre plusieurs antécédents en matière criminelle.
Monsieur Plourde demande que le bail soit résilié puisque, estime-t-il, les résidents de
l’immeuble ne sont pas en sécurité. Plusieurs occasions ont été données au locataire
afin d’amender ses comportements, toutefois les démarches ont été vaines.
Monsieur Gaétan Bellemare affirme s’être fait frappé au visage par le locataire alors
qu’il s’est interposé pour défendre une autre résidente. Le locataire est agressif. Il a
été reconnu coupable de voies de fait suite à cette altercation.
Monsieur Roger Gauthier, responsable des travaux pour l’Office municipal d’habitation
travaille depuis 13 ans à l’Office, il a été surveillant de chantier durant l’été 2015. Alors
que des employés travaillaient à changer des fenêtres, le locataire a menacé de les
frapper. Il était en état d’ébriété, ce qui est admis par le locataire.

   14     Jurisprudence • O H 2 0 16
Le locataire admet avoir un problème d’alcool, il a commencé une démarche visant à
suivre une thérapie à l’externe afin de résoudre ses comportements agressifs reliés à
la consommation d’alcool.

DROIT ET ANALYSE
Nous pouvons lire à l’article 1860 du Code civil du Québec que le locataire a le devoir
de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires,
que ce soit par son fait ou celui des personnes auxquelles il permet l’accès aux lieux
loués. Le locateur peut en cas de contravention ou de violation à cette obligation,
demander la résiliation du bail. Cette sanction d’une grande gravité nécessite une
mauvaise conduite du locataire et il doit être établi devant le Tribunal un préjudice
sérieux pour les autres occupants de l’immeuble.
La preuve administrée par le locateur démontre que le locataire à des comportements
nuisibles et dangereux qui mettent en péril la sécurité des autres résidents de
l’immeuble. Les témoignages démontrent que malgré plusieurs avertissements, le
locataire continue d’intimider les autres locataires de l’immeuble. Le préjudice sérieux
pour les autres occupants de l’immeuble ayant été démontré, le locateur est en droit
d’obtenir la résiliation du bail.
En raison des circonstances exposées à l’audience, le préjudice causé au locateur justifie
l’exécution provisoire de la décision, comme il est prévu à l’article 82.1 de la Loi sur
la Régie du logement.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

RÉSILIE le bail et ORDONNE l’expulsion du locataire et de tous les occupants du
logement ;
ORDONNE l’exécution provisoire, malgré l’appel, de l’ordonnance d’expulsion à compter
du 5ième jour de la date de signature de la décision ;
CONDAMNE le locataire à payer au locateur les frais judiciaires de 80 $.

                                                               Jurisprudence • O H 2 0 16   15
Commentaires

Dans une telle cause, l’office doit démontrer le préjudice sérieux subi par les
locataires. Il a été mis en preuve que le locataire a un problème d’alcool qui le
porte souvent à des gestes violents et agressifs envers d’autres locataires ou
employés.
Malgré de nombreux avertissements, son comportement ne s’est pas modifié.
La Cour a jugé que ses comportements étaient nuisibles et dangereux et mettaient
en péril la sécurité des autres résidents.
Le bail a été résilié.

 16     Jurisprudence • O H 2 0 16
DOMMAGES / INCENDIE

OFFICE MUNICIPAL D’HABITATION DE SHAWINIGAN c.
MICHEL GAUTHIER
Régie du logement n° 115305 14 20131009 G
Me Brigitte Morin, juge administrative
Jugement rendu le 11 février 2016

DÉCISION

Le locateur demande des dommages-intérêts pour dommages au logement et les frais
judiciaires.
Le bail entre les parties termine le 30 juin 2016, au loyer mensuel 268 $.
Il est allégué que le logement occupé par le locataire a subi des dommages importants
suite à un incendie provoqué par un article de fumeur.
Un rapport du service d’incendie indique que le locataire a échappé sa cigarette sur
son divan alors qu’il était en état d’ébriété.
Les dommages causés à l’immeuble s’élève 1 274,84 $ que le locateur demande au
locataire de rembourser, ce qu’il refuse.
Malgré la mise en demeure, le locataire ne veut pas rembourser les montants demandés
puisqu’il considère qu’il s’agit d’un accident. Il reconnaît avoir été seul dans son
logement lors de l’incendie, qu’il fume et explique avoir pris un médicament pour dormir
l’évènement.

DROIT ET ANALYSE
Le locataire a l’obligation d’user du bien avec prudence et diligence, de maintenir le
logement en bon état de propreté. Il est tenu de réparer le préjudice subi par le locateur
en raison des pertes survenues au bien loué.[1] Comme le locataire a l’usage exclusif
et la garde de son logement, il a l’obligation de le conserver en prenant les mesures
adéquates. C’est donc au locataire qu’il revient d’expliquer les détériorations causées
dans son logement. Si des pertes ou dégradations sont causées au logement, le locataire
sera présumé en être le responsable. Le locataire est donc tenu de réparer le préjudice
subi s’il manque à son devoir de respecter les engagements qu’il a contracté.[2] Les
dommages doivent être directs et prévisibles.[3]

                                                               Jurisprudence • O H 2 0 16   17
Le Tribunal est satisfait des explications et des preuves fournies par le locateur et lui
accorde la somme demandée.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE la demande du locateur ;
CONDAMNE le locataire à payer au locateur la somme de 1 274,84 $ plus les intérêts au
taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec,
depuis la date de la production de la demande auprès de la Régie du logement soit le
9 octobre 2013 et les frais judiciaires 78 $.

 Commentaires

  Le logement occupé par le locataire a subi des dommages importants à la suite
  d’un incendie provoqué dans son divan alors qu’il était en état d’ébriété et s’est
  endormi.
  Le locataire a essayé de se disculper en plaidant qu’il s’agissait d’un accident et
  qu’il avait pris un médicament pour dormir avant l’événement.
  La Cour a jugé que le « locataire a l’obligation d’user du bien avec prudence et
  diligence, de maintenir le logement en bon état de propreté. » Et il est présumé
  responsable des pertes et détériorations causées dans son logement.
  La preuve de l’office a convaincu la Régie qui a condamné le locataire à payer des
  dommages de 1 274,84 $.

   18     Jurisprudence • O H 2 0 16
FAUSSE DÉCLARATION

OFFICE MUNICIPAL D’HABITATION DE SEPT-ÎLES c.
MONIQUE POIRIER
Régie du logement n° 232122 10 20150814 G
Me Jocelyne Gravel, juge administrative
Jugement rendu le 17 novembre 2015

DÉCISION

Le locateur demande la résiliation du bail, l’expulsion des locataires ainsi que l’exécution
provisoire de la décision malgré l’appel.
De leur côté, les locataires demandent la révision de la décision de l’Office municipal
de Sept-Îles de les reloger dans un autre logement à loyer modique.
Les deux dossiers ont été entendus conjointement.
Les parties sont liées par bail d’un logement à loyer modique de trois chambres à
coucher. Pour l’année 2014, il y avait trois occupants déclarés, soit les deux parents
et un de leur fils, Michaël. Le loyer a été déterminé à 559 $ par mois.
De février à juin 2014, la locataire a demandé et obtenu une diminution de loyer au
motif que leur fils Michaël n’avait pas de revenu et qu’il était à la recherche d’un emploi.
Une déclaration écrite est transmise à cet effet à chaque mois de janvier à juin 2014.
Le 18 mars 2015, la locataire signe le formulaire de renseignements servant à la déter-
mination du loyer du ménage. Elle y donne l’information que son fils Michaël, alors
âgé de 25 ans, prévoit un retour aux études. On fournit la déclaration de revenus de
ce dernier pour l’année 2014. On y apprend que ce dernier a occupé trois emplois
différents pour des revenus totaux pour 2014 de 21 720,44 $. Une attestation du
principal d’entre eux, Télécommunication de l’est, confirme qu’il est à leur emploi depuis
avril 2014. D’avril 2014 à septembre 2015 à leur succursale de Sept-Iles et depuis le
2 septembre 2015 à celle de Baie-Comeau.
Tenant compte de ces informations, le loyer exigible a été calculé à 787 $ par mois à
compter de la reconduction du 1er juillet 2015. Afin qu’on ne tienne plus compte des
revenus de Michaël dans la détermination du loyer, la locataire informe l’Office que
Michaël habitera dorénavant à Québec à compter de juin 2015. Aucune preuve formelle
de résidence ne peut cependant être fournie, car ce dernier déclare habiter un condo

                                                                Jurisprudence • O H 2 0 16   19
propriété des parents de sa copine avec laquelle il emménage à Québec. Il aurait fait
application dans l’armée et il serait en attente d’une réponse de leur part. Une attes-
tation du 16 juin 2015 des parents de sa copine confirmera que Michaël habite chez
elle depuis deux mois et qu’il a l’intention de déménager à Québec avec sa fille dans
un condo loué au nom de son conjoint.
L’Office prend acte de ce fait et décide, le 22 juillet 2015, de reloger le couple de
locataires dans un logement de 3 pièces et demie. Furieux, le locataire contacte un
mandataire de l’Office le 23 juillet 2015 et l’informe que ses deux fils âgés de 26 et 28
ans ont réintégré le foyer familial.
Selon les informations données à l’Office au fil du temps, l’aîné, David n’habitait plus
avec ses parents depuis sept années. Pourtant, c’est l’adresse de ses parents qui apparaît
à sa déclaration de revenus 2014.
L’ensemble de ces découvertes motive l’Office à déposer le présent recours.
En défense, la locataire témoignera que Michaël a quitté le logement à la fin du
printemps 2015 pour une durée limitée de deux mois. Ses tentatives de joindre l’armée
se sont avérées vaines et sa relation amoureuse est terminée. Elle indique que son fils
a demeuré temporairement à Baie-Comeau durant trois semaines en septembre 2015
pour les fins de son travail. Elle n’a pas déclaré les revenus de Michaël en 2014, car
elle le considérerait instable autant du point de vue amoureux qu’au travail. Elle admet
avoir demandé à ce dernier de faire des fausses déclarations, car elle ne voulait pas
payer un loyer plus élevé. Elle explique que son fils avait plusieurs dépenses à faire en
ce début d’emploi.
De plus, elle explique que son fils David indiquait comme adresse le foyer familial sur
ses rapports d’impôts, car c’est elle qui s’occupe de les compléter. Elle confirme que ce
dernier est bénéficiaire de l’aide sociale et qu’il est retourné au domicile familial en
juillet 2015. Ce dernier aurait décidé de faire un retour aux études.
Quant à la décision de l’Office, elle explique ne pas vouloir être relogée dans un trois
pièces car elle n’aura plus la possibilité d’héberger ses enfants.
Son conjoint témoigne que leur fils Michaël a eu environ 50 blondes confirmant ainsi
l’instabilité amoureuse décrite par sa mère. Il précise cependant qu’ils ont toujours
payé leur loyer depuis les 26 dernières années. Il précise que Michaël n’a jamais
déménagé à Québec.
David témoigne avoir occupé une chambre depuis quelques années et avoir été bénéfi-
ciaire de l’aide sociale. Il confirme être revenu chez ses parents en août 2015 et avoir
l’intention de retourner aux études. Il n’a cependant pas encore fait son inscription

   20     Jurisprudence • O H 2 0 16
en date de l’audience (le 23 septembre 2015). Il indique qu’il le fera d’une semaine à
l’autre. Il a informé l’aide sociale le 5 septembre 2015 de son retour chez ses parents.
À sa connaissance, son frère Michaël a toujours habité chez ses parents.
Michaël témoignera quant à lui avoir occupé un emploi depuis le 28 avril 2014. Il
terminera un contrat de remplacement à Baie-Comeau le 4 octobre prochain. Il indique
avoir habité chez sa copine durant deux semaines en juin 2015 pour revenir chez ses
parents. Le tout contredisant la déclaration écrite des parents de cette copine à l’effet
qu’il aurait vécu chez eux durant deux mois en mai et juin 2015.
Il admet avoir occupé trois emplois au cours de 2014.
Pour expliquer les déclarations écrites qu’il a fournies à l’Office relativement à son
absence de revenu de février à juin 2014, il explique que son emploi n’était pas
permanent à cette époque. Il l’aurait cependant obtenu six mois plus tard. Il a fait ces
déclarations à la demande de sa mère, sans savoir l’effet qu’elles pourraient avoir. Il
admet cependant avoir su que la déclaration de ses revenus ferait augmenter le loyer
de ses parents. Il a donc jugé préférable de quitter le foyer familial. Il aurait habité
quelque temps chez des amis en juin 2015 et il n’aurait jamais déménagé à Québec.
Ce projet d’armée était lié à sa relation amoureuse qui s’est terminée depuis.

ANALYSE
Il est admis par la locataire et son fils que les revenus de ce dernier n’ont pas été
déclarés au cours de l’année 2014, ce qui a eu comme conséquence de maintenir artifi-
ciellement bas le loyer perçu.
La principale obligation d’un locataire d’un logement à prix modique est de déclarer
la totalité des revenus de ses occupants. C’est ce qui servira à déterminer le juste
montant du loyer. Il a été établi que la locataire a contrevenu à cette obligation légale.
Tel que le décidait la Cour du Québec dans la cause Office municipal d’habitation de
Montréal c. Sinnapah[1],lorsqu’un locataire déclare faussement ses revenus, il cause un
préjudice sérieux à l’Office. Dans cette cause, l’Office reprochait à sa locataire de ne
pas avoir déclaré ses revenus exacts, ainsi que le nombre exact d’occupants de son
logement. Le juge Denis Charrette s’exprimait en ces termes :
     « […]
     Dans une telle situation, c’est l’article 1863 C.c.Q. qui prévoit la sanction dans le cas
     d’inexécution d’une obligation par l’une ou l’autre des parties.
     […]
     Une contravention à un règlement de l’Office municipal d’habitation est une inexé-
     cution d’une obligation par le locataire. La sanction, dans une telle situation, est la

                                                                  Jurisprudence • O H 2 0 16   21
résiliation du bail, à la condition que l’inexécution cause un préjudice sérieux aux
     autres occupants ou à l’Office.
     […]
     Si des fausses déclarations sont prouvées, il y a préjudice sérieux causé à l’Office. »
Le Tribunal partage cette interprétation. En effet, le locateur doit gérer efficacement
les revenus de l’État en s’assurant que le plein montant de loyer est perçu pour ses
logements. Une perception diminuée d’un loyer, sous de faux prétextes, affecte ses
revenus de façon préjudiciable.
Mais il y a plus dans ce dossier. Le Tribunal a eu des versions contradictoires sur des
faits essentiels à la détermination du loyer, ainsi qu’à la catégorie de logement à
laquelle la locataire aurait droit. La preuve est fortement contradictoire relativement
au départ ou non de Michaël du logement. Le témoignage de Michaël contredit les
propres preuves de résidence qu’il a fournies au locateur. Selon l’attestation fournie,
il aurait habité en mai et juin 2015 chez les parents de sa copine. Il témoigne pourtant
avoir plutôt séjourné chez des amis. Son frère indique qu’il n’a jamais quitté la résidence
familiale, mais la mère témoigne qu’il l’a quittée durant deux mois au printemps 2015.
Il a donc été établi que cette famille utilise toutes les manœuvres possibles pour
conserver l’occupation d’un grand logement au moindre coût. À ces fins, on ne déclare
pas les revenus d’un occupant, nous l’avons vu, on le fait déménager lorsque ses revenus
sont découverts pour enfin faire revenir au bercail ses deux enfants lorsqu’on craint de
se faire reloger, sans compter les déclarations peu crédibles pour chacun des enfants
qu’ils retourneront aux études. On fait cette déclaration pour Michaël au printemps
2015, alors qu’il occupe un emploi permanent. David aurait le même projet à l’été 2015,
ce qui justifierait en partie son retour chez ses parents. Pourtant, plus de deux mois
après son retour, son inscription n’est toujours pas faite.
Ces comportements ont comme conséquence d’augmenter le préjudice du locateur, car
en plus d’avoir diminué artificiellement le montant du loyer en 2014, ils ont eu comme
conséquence de monopoliser un logement familial sous de faux prétextes. Le Tribunal
n’est pas convaincu que les mouvements récents de cette famille ont un caractère
permanent. Il semble plus vraisemblable qu’ils ont pour unique but de sauver le grand
logement familial, alors que l’attention est sur eux. La mauvaise foi des locataires étant
en l’instance établie, les mandataires du locateur doivent vérifier minutieusement et
même faire enquête sur chacune de leurs déclarations.
Le Tribunal conclut que l’ensemble de ces inexécutions a causé un préjudice sérieux
au locateur. La demande de résiliation du bail est justifiée.
VU ce qui précède, la demande de révision des locataires est devenue sans objet.

   22     Jurisprudence • O H 2 0 16
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

Dossier 232122
RÉSILIE le bail liant les parties ;
ORDONNE l’expulsion des locataires ainsi que tous les occupants du logement ;
REJETTE la demande d’exécution provisoire de la décision ;
CONDAMNE les locataires à payer au locateur les frais judiciaires de 88 $.
Dossier 232635
REJETTE la demande de révision des locataires.

 Commentaires

  Dans cette décision, la Cour constate en preuve que les revenus des occupants
  n’ont pas été correctement déclarés et que la famille a utilisé un stratagème pour
  conserver un grand logement à moindre coût.
  La Cour relève que la preuve est fortement contradictoire relativement au départ
  ou non d’un occupant.
  Les fausses déclarations relevées par le tribunal ont causé un préjudice important
  à l’office et le bail a été résilié.

                                                             Jurisprudence • O H 2 0 16   23
FAUSSE DÉCLARATION

OFFICE MUNICIPAL D’HABITATION DE SEPT-ÎLES c.
ANNIE LANGLOIS
Régie du logement n° 249647 10 20151204 G
Me Anne-Marie Forget, juge administrative
Jugement rendu le 07 mars 2016

DÉCISION

Le 4 décembre 2015, le locateur saisissait le tribunal d’une demande de résiliation du
bail, d’éviction de la locataire ainsi que de tout autre occupant des lieux, l’exécution
provisoire de la décision malgré l’appel et la condamnation au paiement des frais.
La résiliation de bail est demandée au motif que la locataire a fait une fausse décla-
ration en vertu de l’article 1988 du Code civil du Québec.
Le locateur demande également l’émission d’une ordonnance enjoignant à la locataire
de fournir les preuves de revenus des deux occupants non déclarés pour les années
2014 et 2015 afin de permettre le calcul du loyer pour ces années (renouvellements
du 1er juillet 2014 et du 1er juillet 2015) et lui ordonnant subséquemment de payer le
montant dû pour l’occupation desdits occupants en vertu de ce calcul.
Dûment signifiée et convoquée, la locataire est absente à l’audience.

FAITS PERTINENTS
Afin de décider du présent litige, le tribunal retient de la preuve tant documentaire
que testimoniale administrée à l’audience les éléments factuels qui suivent.
Les parties sont liées par un bail ayant débuté le 1er novembre 2013 et actuellement
reconduit pour la période du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016 loyer mensuel de 510 $.
Au soutien de sa demande, le locateur explique que la locataire a fait de fausses décla-
rations lors des renouvellements antérieurs de son bail en ne déclarant pas un conjoint
et une autre personne qui occupait illégalement le logement, étant de ce fait en
contravention avec l’article 18 du Règlement sur les conditions de location des logements
à loyer modique[1].
La preuve non contredite démontre que la locataire a effectivement commis une fausse
déclaration en omettant de déclarer des personnes vivant dans son logement, alors

   24     Jurisprudence • O H 2 0 16
que durant la même période elle demandait au locateur de réviser son loyer à la baisse
en raison de sa situation financière.
Il est mis en preuve que lors d’une discussion entre cette dernière et la directrice-
générale Oléa Richard au sujet de la présence d’une voiture inconnue dans son station-
nement, la locataire a affirmé qu’elle appartenait à son chum, mais que ce dernier ne
vivait pas avec elle.
Témoignant à l’audience, Jean-Yves Thibault déclare pourtant avoir été le fiancé de la
locataire et avoir cohabité avec elle dans le logement de février 2014 à avril 2015.
Durant cette période, il lui a versé 500 $/semaine, totalisant ainsi la somme de 22 500 $.
Il témoigne également de la présence d’une autre occupante des lieux, une dénommée
Christine Loiselle. Celle-ci de son côté payait une pension mensuelle de 300 $ à la
locataire pour son occupation des lieux.
M. Thibault a d’ailleurs rédigé une plainte formelle au locateur à cet effet le 25 novembre
2015 (P-3).
Ce dernier a formellement mis en demeure la locataire, lui dénonçant la situation (P-4),
mais cette démarche est demeurée sans réponse de sa part.
Selon la preuve soumise, la locataire est actuellement en couple avec un dénommé
Jonathan Chucky Robichaud (P-6). Un ordre de comparaître a d’ailleurs été émis à son
encontre et signifié au logement concerné (P-5), mais celui-ci ne s’y est pas conformé
et est absent à l’audience.
Ainsi peut-on résumer l’essentiel de la preuve administrée à l’audience et relative aux
éléments pertinents à considérer pour décider du présent litige.

ANALYSE ET DÉCISION

Le fardeau de preuve
En la présente instance et conformément aux articles 2803 et 2804 du Code civil du
Québec, le fardeau de preuve repose sur les épaules du locateur. Il lui appartient de
prouver que la locataire contrevient à ses obligations et que sa conduite justifie la
résiliation du bail.
          « 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui
          soutiennent sa prétention.
          Celui qui prétend qu’un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit
          prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée ».

                                                                Jurisprudence • O H 2 0 16   25
« 2804. La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son
          inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus
          convaincante ».
          « 2845. La force probante du témoignage est laissée à l’appréciation du
          tribunal. »
Les auteurs Nadeau et Ducharme ont analysé, dans leur Traité de droit civil du Québec,
les conséquences de l’absence de preuve ou de son insuffisance[2] :
     « Celui sur qui repose l’obligation de convaincre le juge supporte le risque de l’absence
     de preuve, c’est-à-dire qu’il perdra son procès si la preuve qu’il a offerte n’est pas
     suffisamment convaincante ou encore si la preuve offerte de part et d’autre est
     contradictoire et que le juge se trouve dans l’impossibilité de déterminer où se trouve
     la vérité ».
Il appartient donc au Tribunal d’apprécier la preuve présentée et en évaluer la force
probante afin de déterminer si l’existence d’un fait qu’on désire mettre en preuve est
plus probable que son inexistence.
La demande du locateur est fondée sur les articles 1863 et 1988 du Code civil du Québec :
          « 1863.   L’inexécution d’une obligation par l’une des parties confère à
          l’autre le droit de deman­der, outre des dommages-intérêts, l’exécution en
          nature, dans les cas qui le permettent. Si l’inexécution lui cause à elle-même
          ou, s’agis­sant d’un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice
          sérieux, elle peut demander la résilia­tion du bail.
          L’inexécution confère, en outre, au loca­taire le droit de demander une
          diminution de loyer ; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de
          loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablis­
          sement du loyer pour l’avenir. »
          « 1988. Lorsqu’un logement à loyer modique est attribué à la suite d’une
          fausse déclaration du locataire, le locateur peut, dans les deux mois où il
          a connaissance de la fausse décla­ration, demander au tribunal la résiliation
          du bail ou la modification de certaines conditions du bail si, sans cela, il
          n’aurait pas attribué le logement au locataire ou l’aurait fait à des condi-
          tions différentes. »
Le procureur du locateur plaide que la locataire a commis une double entorse à ses
obligations en ne dénonçant pas sa nouvelle configuration familiale, à savoir la présence
d’un conjoint et en ne déclarant pas les revenus provenant des occupants, privant ainsi
le locateur de fixer le loyer en fonction de ceux-ci et des revenus fournis.
Considérant les dispositions impératives rattachées à la location d’un logement à loyer
modique, la fonction sociale de ceux-ci et de surcroît les deniers publics impliqués, le
tribunal conclut que le défaut de se conformer aux obligations prescrites à la loi et la

   26     Jurisprudence • O H 2 0 16
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