L'accès aux soins au coeur des attentes des gilets jaunes

 
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L'accès aux soins au coeur des attentes des gilets jaunes
25 janvier 2019 • n°1317                             Le journal de la

                   L’accès aux soins
                 au cœur des attentes
                   des gilets jaunes

                    Rencontre                                   Portrait
                    Jean Sibilia,                               Guy Ursule :
                    président de la Conférence des              médecin d’hier et de demain !
                    doyens de facultés de médecine
                    page 4                                      page 6                   ISSN : 0399-385X
L'accès aux soins au coeur des attentes des gilets jaunes
L'Association de Gestion Agréée des Professions de Santé

Comptabilité, Fiscalité, Gestion, Formalités…

               Gagnez du temps
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L'accès aux soins au coeur des attentes des gilets jaunes
Un état providence à bout de souffle !
                                               N
                             otre état providence est sans aucun doute celui qui est le plus protecteur au monde, et pourtant
                             notre pays traverse aujourd’hui une crise sociale inédite.
                             En France nous avons le privilège d’être très protégés, ce qui est le résultat d’une longue histoire
                         de luttes sociales. Pourtant cette protection ne nous empêche pas d’être en plein doute car nous
                         pensons, contrairement à d’autres pays émergeants ou en pleine croissance, que nos enfants vivront
                         moins bien que nous. Notre crise n’est pas seulement celle du pouvoir d’achat, elle est aussi celle de
                         l’espérance !
                         À l’évidence notre modèle économique et démocratique doit être refondé. Il coûte cher pour son
                         niveau de performance et il a oublié d’écouter le terrain et les corps intermédiaires, sources de bon
                         sens. Les Français ne veulent plus de responsables politiques qui depuis des décennies ont privilégié
un Etat qui pense et fait pour nous ; car c’est sans nous et souvent contre nous !
On peut faire la même analyse pour notre système de Santé : il ne peut plus attendre et se contenter de quelques ajustements.
Il faut le recentrer sur la médecine de ville et remettre l’hôpital dans sa mission de référence, de 3ème recours.
Les actuelles négociations conventionnelles en sont l’illustration car plus que jamais l’efficacité doit être privilégiée aux
statistiques ; que penser aujourd’hui de l’objectif affiché de 1 000 CPTS coquilles vides ou encore des assistants médicaux
financés par l’Etat à condition d’accepter des conditions contraires aux nécessités du terrain ou à la qualité des soins!
Nous avons besoin d’une mise à plat de notre système de Santé, d’un échange sans violence et où chacun s’écoute.
Profitons des débats organisés par le Président de la République pour faire entendre nos voix et faire évoluer notre beau pays.
Et la nouvelle année 2019 pourrait être celle d’un nouveau contrat social avec les français, pour la santé pour tous et partout :
c’est le vœu que je formule…
Tous mes vœux et bonne santé.
                                                                                                                                                                          Dr Jean-Paul Ortiz,

                                                                           sommaire                                                                                     président de la CSMF

4.               Rencontre
                 Jean Sibilia, président de la Conférence
                 des doyens de facultés de médecine

6.               Portrait
                 Guy Ursule : médecin d’hier et de demain !

7.               Évènement

                                                                                                                                                                                                    4
                 Mouvement des Gilets Jaunes :
                 L’accès aux soins au cœur des attentes

8.               Dossier
                 Loi de santé : Trois mois pour aboutir

14.              Actu en bref
                 Les actualités de la médecine

16.

18.
                 Produits de santé
                 Politique du médicament, génériques et cardiologie

                 Portrait
                 Antoine Guinoiseau : un entrepreneur de santé
                                                                                                                                                                                                    6
20.              Territoires

                                                                                                                                                                                                    8
                 En direct des territoires

21.              A la loupe
                 Cumul emploi-retraite : un dispositif perfectible

22.              Loisirs
                 A lire, à voir
Le Médecin de France • Bimensuel
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L'accès aux soins au coeur des attentes des gilets jaunes
R
« Réformer les études pour mieux
préparer la médecine de demain »
Ses trois idées fortes
• « Le cadre actuel des études médicales ne permet plus de
répondre aux enjeux de la médecine de demain. » Le président
de la Conférence des doyens plaide pour une approche plus pro-
fessionnalisante, une ouverture plus marquée à toutes les formes
d’innovation et une sensibilisation des étudiants à la pertinence
des soins et à l’interdisciplinarité.

• « Même si le numerus clausus disparaît, il faudra conserver
une sélectivité des études médicales par une régulation intel-
ligente des flux de futurs médecins. » Les doyens de faculté se
disent prêts à favoriser l’orientation d’une partie des étudiants en
situation d’échec vers d’autres filières de santé.

• « L’Université doit accueillir les libéraux qui souhaitent s’en-
gager dans des activités d’enseignement. » Pour Jean Sibilia, ils
pourraient apporter une précieuse expertise dans le domaine des
soins premiers et sensibiliser les étudiants à la pertinence des soins
et à la gestion du parcours patient.

                                                                                              Jean Sibilia,
                                                                                              président de la Conférence
                                                                                              des doyens de facultés
                                                                                              de médecine

                                      Le   Médecin de France   4   n°1317 • 25 janvier 2019
L'accès aux soins au coeur des attentes des gilets jaunes
Professeur de rhumatologie au CHU de Strasbourg, Jean Sibilia est président de la Conférence des doyens des

encontre
facultés de médecine depuis janvier 2018. 2019 s’annonce décisive pour la réforme des études de médecine, qui
sera initiée par la loi de santé bientôt soumise à discussion au Parlement.

Une grande réforme des études de                 en fonction des capacités de formation de         Vous avez évoqué les stages. L’en-
médecine va être engagée par les                 chaque université. Ce mode de contrôle            semble des doyens sont-ils au-
pouvoirs publics. Pourquoi ces                   des formations médicales générera cer-            jourd’hui sur la même ligne pour
grands travaux ?                                 tainement des déceptions, car au-delà             encourager l’essor des stages dans
                                                 du nombre que nous pouvons former,                le secteur libéral ?
Les études médicales, telles qu’elles sont
                                                 beaucoup d’étudiants souhaitent deve-
organisées aujourd’hui, ne répondent                                                               C’est une critique récurrente, alors qu’il
                                                 nir médecins. C’est pourquoi les doyens
plus aux enjeux de la médecine de de-                                                              n’y a pas un seul doyen qui se positionne
                                                 entendent s’engager, dans le cadre d’un           contre les stages en exercice libéral, que
main. Sous l’impulsion notamment du
numérique, la médecine connait une               contrat pédagogique, à faciliter l’orien-         ce soit en médecine générale ou en mé-
incroyable transformation, ce qui nous           tation des étudiants qui ne pourront              decine spécialisée. Cela étant, il n’est pas
impose de revoir les modalités d’ensei-          pas intégrer les études médicales vers            toujours aisé de trouver des terrains de
gnement et le contenu des connaissances          d’autres filières de santé sur la base de         stage respectant le standard de qualité
et des compétences en privilégiant une           leur motivation et de leurs compétences.          pédagogique que nous voulons pour les
pédagogie nouvelle. Il faut également            Par ailleurs, nous souhaitons profiter de         étudiants. Nous avons besoin de person-
nous interroger sur les valeurs éthiques         la réforme pour diversifier les profils de        nels de scolarités formés et compétents
et déontologiques, qui doivent nécessai-         nos étudiants en favorisant le rôle d’as-         pour concevoir et animer des parcours de
                                                 censeur social joué par notre université…         formation originaux. Pour cela, nous de-
rement évoluer à l’heure où émergent la
                                                 C’est un enjeu important pour nous.               vons aussi investir dans une gestion dy-
médecine algorithmique, affirmant l’im-
                                                                                                   namique et dématérialisée des dossiers
portance de l’IA en santé, et de nouvelles       La réforme entend-t-elle par ailleurs             avec des outils informatiques dédiés.
disciplines comme la génomique et la             favoriser des carrières plus trans-
multiomique prédictive. Plusieurs fac-           versales, et en finir ainsi avec les              Faut-il selon vous renforcer la place
teurs liés à l’exercice médical exigent aus-                                                       des libéraux parmi le corps ensei-
                                                 silos Ville/Hôpital et l’opposition
si de revoir nos fondamentaux. D’abord,                                                            gnant des universités ?
                                                 culturelle entre les deux univers ?
la formation médicale doit enseigner                                                               Nous souhaitons délivrer un enseigne-
la pertinence des soins et faciliter une         En effet, c’est l’un des défis majeurs de la
                                                                                                   ment plus professionnalisant en phase
pluri-professionnalité au service du par-        nouvelle organisation des soins. Le temps
                                                                                                   avec les réalités quotidiennes de l’exer-
cours-patient. Nous devons sensibiliser          des études, dont on sait qu’il marque
                                                                                                   cice médical. L’Université doit être ca-
                                                 souvent durablement les perceptions et            pable d’accueillir et de former tous les
nos étudiants au juste soin et à la néces-
                                                 les représentations professionnelles, est         MSU qui souhaitent s’impliquer dans
saire optimisation des moyens financiers
                                                 évidement un moment clé pour rompre               la formation des étudiants en médecine
engagés mais aussi à l’alliance thérapeu-
                                                 avec ce cloisonnement. Je suis issu d’une         générale mais aussi dans d’autres disci-
tique avec des patients de plus en plus
                                                 famille de médecins libéraux. Je veux             plines médicales ou chirurgicales. Il faut
impliqués dans leur prise en charge. En-
                                                 m’engager pour faire disparaître ce fossé         mener une réflexion de « gradation » des
fin, la formation doit se faire tout au long
                                                 culturel entre ces deux mondes car cela           enseignements comportant un panel de
des 40 ans de carrière, en moyenne, que          n’a plus de sens aujourd’hui. Nous de-
vivront nos étudiants. Pour nous, l’Uni-                                                           connaissances et de compétences néces-
                                                 vons construire ensemble une organisa-            saires à l’exercice de son métier. Les pra-
versité a vocation, en partenariat avec les      tion médicale au service de nos patients
autres acteurs, à contribuer à l’actuali-                                                          ticiens hospitaliers (H et HU), qui contri-
                                                 avec une vision moderne et éthique pour           buent à l’innovation médicale, resteront
sation des connaissances et des compé-           répondre aux incroyables enjeux de de-            les mieux placés pour la diffusion et l’ac-
tences durant toute la vie professionnelle.      main. Il faut donc ouvrir le champ de la          tualisation de savoirs théoriques et l’en-
Le projet de loi prévoit de suppri-              formation à l’exercice libéral bien sûr           seignement de compétences « pointues »
mer le numerus clausus. Cela veut-il             mais également à d’autres carrières, par          mais l’on peut penser que les médecins
dire qu’il n’y aura plus de sélection            exemple celles de l’industrie pharmaceu-          libéraux pourront être d’excellents coor-
à l’entrée ni pendant les études ?               tique ou de l’assurance-maladie. Cette            donnateurs des enseignements de soins
                                                 réforme doit promouvoir une formation             premiers, en contribuant notamment à
Non, une sélectivité de la formation mé-         médicale plus professionnalisante, avec           l’apprentissage de la pertinence des soins
dicale reste nécessaire, d’autant plus que       de nouveaux terrains de stage pour les            et de l’accompagnement au long cours
les filières médicales restent très attrac-      étudiants. Cependant, le second cycle,            des patients. Dans ce contexte, il faut faire
tives. Néanmoins, il fallait en finir avec le    qui ne dure que quatre ans, doit rester           évoluer les statuts avec des postes de PU
« couperet » du numerus clausus, qui était       axé sur l’apprentissage fondamental des           (professeur des universités) de spécialités
un dispositif injuste et absurde, non mo-        connaissances et des compétences néces-           à exercice libéral à l’image de ce qui est
difiable et non négociable ce qui a décou-       saires à un médecin. C’est une période            fait en médecine générale. Et il faut dé-
ragé des générations d’étudiants pourtant        charnière pour permettre aux étudiants            cloisonner et décomplexer notre système
motivés et souvent brillants. La réforme         de déterminer leur orientation avant de           en rapprochant les professionnels de san-
proposera une régulation avec un quota           s’engager dans un 3eme cycle différencié          té par une mission qui fait sens et consen-
d’accès en deuxième année, défini avec           qui doit « affiner » de façon progressive         sus : la formation universitaire « tout au
les ARS selon les besoins des territoires,       cette formation professionnalisante.              long de la vie ».

                                                Le   Médecin de France   5   n°1317 • 25 janvier 2019
L'accès aux soins au coeur des attentes des gilets jaunes
portrait
Guy Ursule : médecin d’hier
et de demain !
                                                                                                 ture n’est plus, il a tout de même
                                                                                                 poursuivi son parcours dans le mi-
                                                                                                 lieu associatif. Il assure notamment
                                                                                                 la présidence d’une association de
                                                                                                 soutien aux personnes handicapées
                                                                                                 qui regroupe « plus de 200 usagers ».
                                                                                                 Autre temps fort de carrière : il aura
                                                                                                 été conseiller ordinal titulaire du-
                                                                                                 rant six ans.
                                                                                                 «Gardien du temple», il n’exercera pas
                                                                                                 de fonctions représentatives pen-
                                                                                                 dant de nombreuses années pour
                                                                                                 « défendre les intérêts de la CSMF » sur
                                                                                                 son territoire. Il sera néanmoins pro-
                                                                                                 pulsé à la présidence de l’URML de
                                                                                                 Guadeloupe en 2007. Dans la foulée,
                                                                                                 il sera élu puis réélu président de
                                                                                                 l’URPS ML de Guadeloupe, lors des
                                                                                                 deux dernières élections profession-
                                                                                                 nelles.

                                                                                                 Une vision collective de la médecine
                                                                                                 libérale
                                                                                                 Selon Guy Ursule, la médecine libé-
                                                                                                 rale subit les effets délétères d’une
                                                                                                 crise mal anticipée. « Les autorités po-
                                                                                                 litiques et sanitaires n’ont pas pris la me-
                                                                                                 sure des changements démographiques,
                                                                                                 culturels et sociétaux à l’œuvre», com-
                                                                                                 mente-t-il. « Le recul de la compo-santé
Fervent défenseur de la médecine              la gestion financière de son cabinet,              masculine au sein de la profession et la
                                              il choisira d’implanter ses locaux
libérale, Guy Ursule plébiscite toutes        dans une zone franche urbaine en
                                                                                                 réduction du temps de travail ont pro-
                                                                                                 fondément modifié la pratique de la
les formes de regroupement pos-               2005. Dernière évolution en date, il
                                                                                                 médecine. Le temps médical effectif est
                                              effectue actuellement les démarches
sibles pour gagner du temps médi-             nécessaires pour transformer sa
                                                                                                 moins important, du fait des lourdeurs
cal et améliorer l’accès aux soins.           structure en société d’exercice libé-
                                                                                                 administratives et de la saturation des
                                                                                                 cabinets médicaux », développe-t-il.

P
                                              ral, afin de « valoriser justement son
    sychiatre de formation, Guy Ur-
                                              outil de travail ».                                Pour « gagner du temps médical et
    sule s’installe à Pointe-à-Pitre
                                                                                                 améliorer l’accès aux soins », Guy Ur-
    en novembre 1982. Il s’oriente            Le «gardien du temple»                             sule plébiscite toutes les formes de
quasi-instantanément vers un exer-
cice mixte. Il partage son temps entre        Guy Ursule est un «militant de la pre-             regroupements possibles. Au-de-
son activité libérale et son activité sa-     mière heure». Observateur averti de                là des regroupements physiques,
lariée à l’hôpital, où il réalise quatre      la cause syndicale à ses débuts, il                les regroupements fonctionnels lui
vacations d’une demi-journée par              rejoint la Confédération au milieu                 semblent « tout aussi pertinents »,
semaine. Il œuvre également au sein           des années 80. Il deviendra succes-                d’autant qu’ils sont facilités par la
d’un centre d’action médico-social            sivement trésorier adjoint, trésorier,             révolution numérique en cours. Un
précoce en charge du dépistage, du            président, puis de nouveau tréso-                  bémol toutefois : la profession devra
diagnostic, du traitement, de la réé-         rier du Syndicat unifié des méde-                  garder la main. « La télémédecine va
ducation et du suivi des enfants âgés         cins de la Guadeloupe/CSMF 971.                    favoriser l’accès à des expertises spé-
de zéro à six ans. « C’est un sujet qui me    Une fonction qu’il occupe encore                   cialisées, mais il faudra faire attention
tient particulièrement à cœur», précise-      aujourd’hui. En 1986, il participe à               à la marchandisation et à l’ubérisation
t-il. Il portera cette «triple casquette»     la création de l’Union des jeunes                  de la médecine. Les médecins libéraux
pendant trente-deux ans, avant de se          médecins de Guadeloupe (UJMG),                     devront se prémunir des dérives mer-
recentrer sur un exercice purement            une association intergénérationnelle               cantiles liées à l’arrivée de certains
libéral. Depuis dix-huit ans, Guy Ur-         à dominante libérale. « C’était une                opérateurs qui s’inscrivent dans une dé-
sule a appris à piloter seul son entre-       école de responsabilité qui nous a per-            marche de financiarisation de la santé »,
prise médicale, à la suite du départ          mis d’approfondir notre réflexion et nos           prévient-il.
de son unique associé. Pour faciliter         connaissances médicales ». Si la struc-

                                             Le   Médecin de France   6   n°1317 • 25 janvier 2019
L'accès aux soins au coeur des attentes des gilets jaunes
l'événement
Mouvement des Gilets Jaunes :
l’accès aux soins au cœur des attentes

Le Mouvement des Gilets Jaunes globale et structurée de ces revendi-
se concentre principalement sur tif tente de reprendre la main. Après Attention aux Gilets blancs
                                       cations. Depuis le 15 janvier, l’exécu-

le pouvoir d’achat et les inégalités un premier exercice de sept heures La santé est-elle un sujet de préoccu-
                                                 en Normandie, le président pation pour cette France en colère ?
liées à la transition écologique. Mais d’affilée
                                       de la République multiplie les ren- En fin d’année dernière, la ministre
l’accès aux soins dans les territoires contres-marathon avec des maires de la Santé estimait que les questions
périphériques fait également partie de communes rurales. Et les mairies de santé n’étaient au premier rang
                                       ont ouvert des cahiers de doléance…
du débat. Un phénomène à prendre comme en 1789 à quelques mois de la des            exigences formulées par les ma-
                                                                               nifestants. Et Emmanuel Macron ne
en compte au moment où s’ouvrent prise de la Bastille.                         l’a pratiquement pas évoquée dans
les négociations sur la transforma- Des syndicats méprisés                     sa lettre adressée à tous les Français.
                                                                               « Pourtant, si on écoute les messages dif-
tion du système de santé.              Comment en est-on arrivés là ? A fusés sur les ronds-points, l’accessibilité

D
                                            l’occasion de ses vœux, le 16 janvier,             aux soins fait partie des principaux mo-
    epuis trois mois, la France vit une
                                            Jean-Paul Ortiz a avancé quelques ex-              tifs d’inquiétude, observe Jean-Paul Or-
    séquence inédite dans son his-
    toire politique et sociale. Tous les    plications. « Cette situation n’est pas le         tiz. La dénonciation de tel ou tel hôpital
week-ends, les manifestations de gi-        résultat de la politique récemment menée,          qui va fermer, l’incompréhension de la
lets jaunes ne faiblissent pas. Sur les     mais bien l’expression d’une dégradation           fermeture d’une maternité, mais aussi la
ronds-points, à l’entrée des grandes        qui s’est lentement installée depuis plu-          difficulté d’accès à un médecin traitant,
surfaces, à Paris les samedis, des ca-      sieurs décennies, estime-t-il. La négli-           à un médecin spécialiste dans des délais
tégories sociales issues de la société      gence, voire le mépris affiché par les po-         raisonnables, ce sont autant de diffi-
dite «périphérique» manifestent leur        litiques responsables au plus haut niveau          cultés que nos concitoyens ont dénoncé
mécontentement, parfois violemment          vis-à-vis des corps intermédiaires, et tout        ces dernières semaines. » La tenue du
lorsque les « casseurs » prennent le        particulièrement des syndicats, l’absence          Grand débat national, ainsi que les
mouvement en otage. Ceux que les            de prise en compte de la parole syndicale          remontées des cahiers de doléances,
sociologues baptisent aujourd’hui la        par les énarques qui nous gouvernent, le           permettront de mesurer l’ampleur du
France invisible cumulent des reven-        dogmatisme, la surdité voire la corruption         phénomène, pour des populations de
dications disparates : suppression des      qui s’est installée chez certains politiques,      plus en plus éloignées des services
taxes écologiques, baisse des impôts,       ont fait le lit de ces expressions violentes       publics essentiels. « Le pays traverse
suppression de la CSG pour les retrai-      extrêmes que notre pays vit douloureu-             des moments difficiles, les médecins libé-
tés, hausse des salaires, instauration      sement actuellement. » Face à cet état             raux sont prêts à accompagner les muta-
du Référendum d’initiative citoyenne,       des lieux pessimiste, le président de              tions nécessaires, conclut Jean-Paul Or-
durcissement de la politique anti-mi-       la CSMF appelle à un sursaut. « Il est             tiz. Si leur volonté se heurte aux visions
gratoire, rétablissement de l’ISF…          temps de redonner toute leur place, toutes         étatiques et bureaucratiques habituelles,
difficile pour les pouvoirs publics de      leurs responsabilités et tout le respect dû à      les gilets blancs pourraient remplacer les
répondre aux slogans, à défaut de lea-      leur engagement aux corps intermédiaires,          gilets jaunes, car le système de santé va
ders représentatifs et de cohérence         et particulièrement aux syndicats.»                mal, et les Français le savent bien. »

                                           Le   Médecin de France   7    n°1317 • 25 janvier 2019
L'accès aux soins au coeur des attentes des gilets jaunes
D                                     ossier
L’actualité santé est chargée en ce         après que le Parlement ait habilité le             les niveaux : entre hôpital, ville et médi-
                                            gouvernement à le faire. Même s’ils                co-social ; secteurs public et privé ; entre
début d’année. Le gouvernement fait         comprennent la nécessité de ne pas                 professionnels, de la formation initiale
en effet circuler pour concertation         perdre de temps sur certains points                à l’exercice, celui-ci devant être plus ou-
son avant-projet de loi de santé,           (recertification, création du statut de            vert, pluri-professionnel et coordonné. »
avant présentation en conseil des           PH et suppression de l’internat, label-
                                            lisation des hôpitaux de proximité…)
                                                                                               Réparti en quatre chapitres, le texte
                                                                                               de loi entend poser « comme première
ministres courant février. Et l’assu-       pour des raisons de calendrier, les ac-            pierre de touche la structuration des soins
rance-maladie et les syndicats de           teurs de santé se méfient néanmoins                de proximité et la constitution d’un col-
professionnels de santé libéraux ont        de la méthode. « Il n’est pas question
                                            que la procédure des ordonnances se tra-
                                                                                               lectif de soins. » Le gouvernement sou-
                                                                                               haite ainsi que « des ponts et des outils
entamé le 16 janvier des négocia-           duise par une absence de concertation,             de coopération soient créés entre hôpital,
tions sous tension sur deux thèmes          prévenait Jean-Paul Ortiz, à l’occasion            ville et secteur médico-social. L’exercice
majeurs : l’ACI sur les CPTS et les         de ses vœux. Certains sujets, comme ce-            coordonné a vocation à se développer, la
                                            lui de la certification, appellent un débat        gradation des soins à être clarifiée et as-
assistants médicaux.                        approfondi et équilibré. De même, il est           sumée, pour fluidifier le parcours des pa-

Q
    uarante pages, 23 articles, deux        essentiel que les médecins libéraux soient         tients, et améliorer la qualité, la sécurité et
    mois pour conclure : à première         pleinement associés à la gouvernance des           la pertinence des soins dispensés. » Enfin,
    vue, la «loi Buzyn » sur la trans-      futurs hôpitaux de proximité. »                    une profonde réforme des études mé-
formation du système de santé ne                                                               dicales est engagée, avec la suppres-
part pas sur les mêmes bases que            Créer le collectif de soins                        sion du numerus clausus, la mise en
le « monstre législatif » produit il y a    Voilà donc pour la méthode et le ca-               place d’un processus de sélection plus
trois ans par la précédente ministre        lendrier. Concernant le contenu du                 souple, l’adaptation du contenu pé-
de la Santé, Marisol Touraine. Il faut      texte, les annonces faites par le Pré-             dagogique « afin qu’il soit mieux adapté
aller vite, éviter de s’égarer dans les     sident de la République, le 18 sep-                aux connaissances, compétences et aptitu-
méandres des navettes parlemen-             tembre dernier, sont clairement dé-                des attendues des futurs professionnels »,
taires et de la profusion d’amende-         clinées. Selon l’exposé des motifs, « il           une diversification des profils de re-
ments, lesquels avaient, à l’époque,        convient de partir des besoins des patients        crutement, la suppression de l’ECN
étiré la discussion de la loi Touraine      et des professionnels de santé, qui sont les       et la réforme de l’accès au troisième
sur près de quinze mois. Cette fois,        meilleurs experts de leur situation. L’as-         cycle.
le gouvernement prévient : un cer-
tain nombre des articles du projet de
                                            souplissement des contraintes et l’éclosion
                                            des initiatives locales doivent inspirer la
                                                                                               La certification sur ordonnance
loi seront soumis à la procédure des        transformation profonde du système de              Sujet majeur pour l’avenir de la pro-
ordonnances, soit l’adoption automa-        santé. Il s’agit également de poursuivre           fession de médecin, la certification est
tique du texte rédigé par le ministère,     une dynamique de décloisonnement à tous            traitée par l’article 4 de la loi. « Il ha-

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L'accès aux soins au coeur des attentes des gilets jaunes
bilite le Gouvernement à prendre par voie       CSMF. Quoi qu’il en soit, le syndicat             public (CESP) en prévoyant l’élargis-
d’ordonnances des mesures de re-certifica-      entend être largement associé à la ré-            sement du dispositif aux praticiens à
tion des compétences des médecins, afin de      daction des ordonnances prévues par               diplômes étrangers hors Union Eu-
maintenir un haut niveau de compétences         la loi.                                           ropéenne et sa sécurisation en cas
tout au long de la carrière professionnelle,                                                      d’évolution du zonage établi les ARS
peut-on lire dans l’exposé des motifs.          Le médecin-adjoint étendu                         pour permettre de prioriser les aides
Ces mesures s’inspireront des modèles mis                                                         financières à l’installation des méde-
en œuvre dans plusieurs pays étrangers et       Outre ce pan important de la réforme,             cins. Et l’article 5 traite du recours au
des propositions formulées dans le rapport      d’autres sont donc également pro-                 statut de médecin adjoint, qui permet
remis par le Pr Uzan au mois de novembre        grammés par voie d’ordonnance (et                 à un interne en médecine d’assister
2018. » Rappelons que la certification          notamment la création d’un statut                 un médecin en cas d’afflux saisonnier
fait plutôt l’objet d’un consensus, mais        unique de praticien hospitalier, pré-             ou exceptionnel de population, et ré-
que certaines modalités doivent être            vu à l’article 6). Deux dispositifs du            servé à ce jour aux zones touristiques.
discutées, comme les 15 à 30 heures             deuxième chapitre du premier titre de             Il étend ce dispositif aux zones carac-
qui devraient être obligatoirement              la loi concerneront par ailleurs direc-           térisées par des difficultés dans l’accès
consacrées à la certification, un volume        tement les libéraux. L’article 4 révise           aux soins, ou lorsqu’il est constaté une
considéré comme chronophage par la              les contrats d’engagement de service              carence particulière par l’Ordre.

 Loi de santé : trois mois pour aboutir
Les hôpitaux de proximité se pro-               établit en effet que les CME à l’échelle          « parmi les pays en pointe en termes de
                                                des GHT devient une obligation. Et il             structuration des données de santé, tout
filent                                          mutualise également la compétence                 en préservant un haut niveau de sécurité
En ce qui concerne le « collectif de            de gestion des ressources humaines                de la vie privée ». L’article 12 vise à per-
soin », le titre II vise à favoriser la         médicales, odontologiques, pharma-                mettre à chaque citoyen de créer son
coopération et à encourager le déve-            ceutiques et maïeutiques. Il ouvre par            Espace numérique de santé d’ici au
loppement de projets de santé de ter-           ailleurs, par le biais d’un droit d’op-           1er janvier, pour accéder à son DMP,
ritoire. L’article 7 crée donc le projet        tion, la possibilité de mutualiser des            échanger de façon sécurisée avec des
territorial de santé et prévoit égale-          fonctions supplémentaires par dé-                 professionnels, évaluer son parcours
ment l’approbation des CPTS par les             rogation aux règles en vigueur, pour              de santé, s’informer en matière de
ARS « afin d’assurer leur coordination          les groupements volontaires, qui sou-             prévention. L’article 13 entend définir
avec les autres acteurs de santé du terri-      haitent aller plus loin dans l’intégra-           « le télésoin », c’est-à-dire l’exercice
toire ». L’article 9 est consacré aux hô-       tion, notamment en termes de trésore-             à distance de certaines pratiques de
pitaux de proximité, habilitant le gou-         rie, d’investissement, de financements            soins (gestion de la chimiothérapie par
vernement à décider par ordonnance              pluriannuels communs, ou même de                  l’infirmier, orthophonie à distance…)
des mesures permettant d’établir les            fusion des instances représentatives              en dehors des actes de télémédecine.
missions et la gouvernance de ces éta-          ou consultatives.                                 Enfin, l’article 14 modernise le cadre
blissements. L’objectif est de pouvoir                                                            de la prescription dématérialisée. Il
labelliser les premiers d’entre eux             Consolider la numérisation                        habilite le Gouvernement à prendre
«dès 2020 ». Quant à l’article 9, il dé-        Le troisième titre de la loi est centré           par voie d’ordonnances des mesures
ploie également la procédure de l’or-           sur un autre axe stratégique de Ma                visant à encourager le développement
donnance pour « moderniser le régime            Santé 2022 : la numérisation du sys-              de la e-prescription, avec pour objectif
des autorisations des activités de soins et     tème de santé. L’article 11 prépare la            « d’améliorer la qualité des prescriptions,
des équipements matériels lourds ». L’in-       création d’une Plate-forme de données             en diminuant notamment les incompati-
tention est notamment de mettre en              de santé, le futur Health Data Hub que            bilités et interactions médicamenteuses,
œuvre la gradation des soins prévue             Jean-Marc Aubert est chargé de pré-               tout en représentant un gain en termes de
par le plan Ma Santé 2022.                      parer pour le printemps prochain. Cet             temps et de coordination pour les profes-
                                                outil se substituera à l’INDS et a pour           sionnels de santé ».
Le GHT prend du galon                           objectif d’élargir les sources de don-
Avec l’article 10, c’est la poursuite de        nées, notamment à celles produites
la structuration des logiques hospi-            par l’assurance-maladie. L’ambition
talières territoriales qui est visée. Il        affichée est de positionner la France

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Conventions :
Des négociations sous tension

Deux rounds de négociation ont été lancés mi-janvier, le premier sur l’Accord-Cadre Interprofessionnel concernant
les CPTS et le second sur les futurs assistants médicaux. La question financière est au cœur des enjeux.

O
           utre le projet de loi de     de ces soins et la continuité des                  caux d’ici à 2022 et prévoit que la
           santé, des négociations      parcours de santé des patients,                    formation et la rémunération de
           déterminantes        pour    permettre l’accès à la prévention,                 ces professionnels seront en partie
           la médecine libérale         garantir l’inscription d’un patient                financés par l’assurance-maladie.
viennent de s’ouvrir avec l’assu-       chez un médecin traitant, assurer                  Depuis le 24 janvier, les négocia-
rance-maladie. Inaugurée le 16          la prise en charge des demandes                    tions sont ouvertes avec l’UNCAM.
janvier, avec l’ensemble des or-        de soins non programmés, favo-                     Plusieurs points de discussion
ganisations représentatives des         riser le maintien à domicile ou en                 sont sur la table : quelles missions
professions libérales, la première      EHPAD des personnes âgées… Si                      (administratives,     soignantes…)
porte sur la conclusion d’un Ac-        une rémunération des activités                     pour eux ? Quels critères d’éligi-
cord-Cadre        Interprofessionnel    liées aux CPTS est actée, le point                 bilité en termes de densité médi-
(ACI), destiné à déterminer les         délicat sera de s’entendre sur les                 cale pour les cabinets concernés ?
conditions de valorisation de l’or-     contreparties que les profession-                  Quels montants pour les aides fi-
ganisation territoriale des soins,      nels devront fournir, de même                      nancières et pour quelle durée ?
et notamment à travers les Com-         qu’il sera difficile d’établir les clés            D’ores et déjà, les pouvoirs publics
munautés professionnelles ter-          de répartition entre catégories de                 ont posé des conditions préalables
ritoriales de santé (CPTS). Dans        professionnels. Si la négociation                  qui font débat pour les syndicats.
le cadre du plan Ma Santé 2022,         échoue, un règlement arbitral sera                 Les médecins candidats devront
puis à travers la lettre de cadrage     imposé par les pouvoirs publics,                   exercer en cabinet de groupe, ils
adressée à l’UNCAM, le gouver-          comme ce fut le cas il y a deux ans
                                                                                           devront s’engager sur des « bé-
nement a rappelé ses intentions.        avec le financement des MSP.
                                                                                           néfices mesurables» en termes de
Il annonce la création de « 1000
CPTS » d’ici à 2022 et indique les
                                        Assistants médicaux : qui, avec qui,               nombre de patients et de délais
                                                                                           d’accès aux soins, seul le secteur 1
missions dévolues à ces structures.     pour faire quoi ?                                  et l’OPTAM pourraient prétendre
Les CPTS doivent ainsi concréti-        Annoncée le 18 septembre par                       à ce type d’aide et le soutien de
ser l’émergence d’une « responsa-       Emmanuel Macron et votée dans                      l’assurance-maladie serait limité
bilité populationnelle » commune à      le cadre de l’article 42 de la LFSS                dans le temps et dégressif.
toutes les professions, garantissant    2019, la fonction d’assistant médi-
la qualité et l’équité d’accès aux      cal vise à « libérer du temps médical,             La CSMF restera ferme
soins à l’ensemble des habitants        améliorer la prise en charge, dévelop-
d’un territoire donné. L’ACI doit       per la prévention, permettre le suivi              Le cadre -déjà contraint- de la né-
notamment définir les moyens à          de plus de patients par chaque prati-              gociation préoccupe la CSMF. A
employer pour améliorer l’accès         cien». Le gouvernement propose la                  l’occasion de son conseil confé-
aux soins, consolider la qualité        formation de 4000 assistants médi-                 déral, réuni le 12 janvier, elle a

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posé ses conditions. Elle souhaite          le souhaite le gouvernement. Les
d’abord que la négociation du fi-           éventuels aides financières déci-
nancement des assistants médi-              dées dans le cadre de l’ACI devront
caux soit traitée séparément de             s’ajouter aux revenus des prati-
celle sur la définition du métier           ciens engagés dans des formes di-
et des missions que devront as-             verses de regroupements profes-
sumer ces professionnels. Cette             sionnels, et non simplement dans
démarche est déjà menée depuis              les CPTS. Et ces aides devront être
2011, à l’initiative de la CSMF, dans       établies par contrat, en fonction de
le cadre de la convention collec-           l’atteinte d’objectifs concrets, et
tive des personnels des cabinets            non versées a priori aux structures.
médicaux. Deuxième attente, la              A défaut, le risque est réel que les
CSMF estime que le bénéfice des             1000 CPTS ne soient, en 2022, que
assistants médicaux ne saurait se           des coquilles vides.
limiter aux seuls généralistes, que
toutes les spécialités, notamment
cliniques, doivent pouvoir y ac-                Assistants médico-techniques :
céder. Et elle conteste également
l’idée d’un ratio, par exemple
                                                une négociation à finaliser
un assistant médical pour deux,                 Menée depuis 2011 à l’initiative de
voire trois praticiens alors que les            la CSMF, l’ambition de créer un
exemples étrangers montrent que                 métier d’assistant médico-tech-
les médecins libéraux sont très en-             nique s’inspire de la fonction de
tourés par des personnels qui les               l’assistant dentaire, un profession-
soulagent de certaines tâches et                nel qui permet au chirurgien-den-
leur permettent de se consacrer                 tiste de se consacrer pleinement
à leur mission d’expertise auprès               à son expertise. Le projet est no-
des patients. Enfin, elle s’oppose-             toirement avancé chez les derma-
ra à des aides réservées exclusive-             tologues et les stomatologues, et
ment à des médecins regroupés,                  d’autres spécialités s’y intéressent.
alors que ce sont les médecins                  Le contenu d’un nouveau métier
isolés qui ont le plus besoin d’un              est aujourd’hui défini sous la forme
soutien. Et elle défendra par ail-              d’une « certification de qualifica-
leurs l’idée que ces aides ne sau-              tion professionnelle ». Il s’agirait
raient être conditionnées à une                 d’une formation de plus de 600
hausse du nombre de consulta-                   heures qui pourrait s’étaler sur 18
tions ou de patients suivis, quand              mois à 2 ans maximum, sur le prin-
les généralistes affichent 55 heures            cipe d’une formation en alternance
de travail hebdomadaire. Elle sera              ou de Validation des Acquis de l’Ex-
particulièrement vigilante sur le               périence (VAE). Elle serait financée
montant des aides, leur durée, les              par l’organisme paritaire collecteur
modalités éventuelles de dégressi-              des fonds de formation des person-
vité, quand le recrutement d’assis-             nels des cabinets médicaux, Acta-
tants médicaux peut poser de réels              lians. Outre un tronc commun, des
problèmes d’investissement, par                 modules complémentaires seraient
exemple sur le plan immobilier                  déployés en fonction des besoins de
                                                chaque spécialité, la maquette est
CPTS : non à l’obligation technocratique        donc prête. La DGOS doit accom-
                                                pagner ces travaux, qui aboutiront
Fidèle à ses principes, la confédé-             à l’ouverture de postes d’assistants
ration entend défendre l’ensemble               médicaux accessibles pour toutes
de ses confrères libéraux, quel que             les spécialités, avec des compé-
soit leur mode d’exercice. C’est                tences-clé pour une meilleure orga-
pourquoi elle s’opposera à ce que               nisation des soins : accueil et secré-
l’adhésion à une CPTS devienne                  tariat, aide au parcours du patient
la condition pour continuer à bé-               après la consultation, fonction soi-
néficier de certains modes de ré-               gnante dont le niveau de référence
munération forfaitaire, comme                   est celui d’une aide-soignante.

                                           Le   Médecin de France   11   n°1317 • 25 janvier 2019
D        ossier                      Loi de santé : trois mois pour aboutir

                             Le gouvernement soumet à                           leure coordination des professionnels.
                             concertation son avant-projet de                   Plutôt que de s’attarder sur la composition
                             loi. Est-il conforme à vos attentes ?              et le nombre des CPTS, il faut encourager
                                                                                et soutenir toutes les formes de regroupe-
                             On nous avait promis un texte court, il fait       ment et de coopération, sans ostracisme
                             déjà 42 pages, peut-être finirons-nous une         ni dispositifs pénalisants. Nous, médecins
                             fois de plus avec une centaine de pages,           libéraux, sommes les mieux placés pour
                             comme pour les textes précédents. En               bâtir, avec les autres professionnels, les
                             tout état de cause, cette loi veut promou-         modalités d’organisation adaptées aux
                             voir des réformes fondamentales, dont              spécificités des territoires. Le gouverne-
                             nous partageons le principe. Mais, comme           ment doit respecter notre volonté entre-
                             toujours, il faudra être attentif à leur tra-      preneuriale, que nous souhaitons traduire
                             duction opérationnelle, avec le risque que         sous la forme de contrats d’objectifs avec
                             des dispositifs contraignants et venus d’en        les pouvoirs publics. Et les directeurs
                             haut nous soient imposés par la technos-           d’ARS doivent être dans l’écoute et l’ac-
                             tructure. Si nous comprenons le méca-              compagnement plutôt que dans la norme
                             nisme des ordonnances pour des raisons             et l’obligation.
                             de calendrier légal, il n’est pas question
                             qu’un tel processus se fasse au détriment
                                                                                Quelles    positions  allez-vous
                             de la concertation. Sur la certification, par      défendre dans le dossier des
                             exemple, nous voulons être associés à sa           assistants médicaux ?
                             mise en place. Nous nous opposerons à              Il faut séparer deux processus qui vont se
                             tout dispositif contraignant, mais nous            dérouler en parallèle. D’abord, il convient
                             sommes favorables à la valorisation finan-         de poursuivre la négociation de branche,
                             cière de la démarche, y compris dans un            destinée à définir le contour et les mis-
                             cadre tarifaire. Par ailleurs, il est impéra-      sions de ces professionnels, et qui doit
                             tif que les futurs hôpitaux de proximité           être soutenue par la DGOS. De l’autre, la
                             échappent à la tutelle des GHT, soient             négociation avec l’assurance-maladie doit
                             pleinement ouverts aux médecins de ville           être centrée sur l’accompagnement finan-
                             sous la forme de prestations payées en             cier. Nous le disons clairement : toutes les
                             honoraires, et que ces derniers soient as-         spécialités doivent pouvoir accéder à ces
                             sociés à la gouvernance et à la gestion de         aides. Et nous sommes opposés à ce que
                             ces établissements. A défaut, le système           ces aides soient réservées uniquement à
        Jean-Paul Ortiz      de santé restera plus que jamais enfermé           de médecins regroupés, ni qu’elles soient
                             dans les dérives de l’hospitalo-centrisme.         conditionnées à une hausse d’activité ou
      président de la CSMF
                                                                                du nombre de patients traités. Pour nous,
                             Vous venez d’entamer la négociation                chaque médecin devrait pouvoir disposer
                             conventionnelle sur l’ACI. Que                     d’un assistant médical, à l’instar de ce qui

« Attentifs,                 faut-il en attendre ?                              se passe dans des pays comparables aux
                                                                                nôtres. Enfin, il n’est pas question d’ex-

  vigilants...               Avant de chercher à définir les droits et
                             les devoirs des CPTS, entendons-nous
                                                                                clure le secteur 2. La négociation s’an-
                                                                                nonce difficile, alors nous rappelons une

  exigeants »                d’abord sur les objectifs à atteindre ! Il
                             s’agit de mieux répondre à la demande de
                                                                                des propositions de la CSMF : pourquoi
                                                                                ne pas mettre en place une aide par défis-
                             soins des populations grâce à une meil-            calisation accessible à tous ?

                             Déconnecter les fonds conventionnels               vrai rôle dans notre pays. » Dans le
                             de la signature                                    domaine médical, le président de la
                                                                                CSMF formule alors une proposi-
                             A l’heure où le pays traverse une
                                                                                tion inédite : déconnecter le verse-
                             crise sociale et politique inédite, où
                             toute une partie de la population                  ment des fonds conventionnels de
                             n’a plus confiance ni dans la classe               la signature de la convention. « Les
                             politique ni dans les corps intermé-               syndicats représentatifs doivent être ac-
                             diaires, il devient urgent de changer              compagnés pour leurs travaux, mais ils
                             les règles du jeu. C’est le constat                ne doivent pas négocier le pistolet sur
                             posé par Jean-Paul Ortiz à l’occasion              la tempe pour obtenir ces fonds. Cette
                             de ses vœux. « Il est temps de redonner
                                                                                mesure simple permettrait de garantir
                             toute leur place, toutes leurs responsabi-
                             lités et tout le respect dû à leur engage-         l’indépendance professionnelle et de
                             ment aux corps intermédiaires, estime-             restaurer la confiance entre les méde-
                             t-il. Il faut redonner aux syndicats un            cins et leurs syndicats. »

                                Le   Médecin de France   12   n°1317 • 25 janvier 2019
D         ossier
                    Luc Duquesnel,
                                                  Loi de santé : trois mois pour aboutir

                                                                    Patrick Gasser,
                    président des Généralistes-CSMF                 président des Spés-CSMF
                    « La concertation doit être préservée »         « Nous voulons assumer une responsabilité
                    Que pensez-vous de l’avant-projet de loi        populationnelle »
                    de santé soumis actuellement à concerta-
                                                                    Comment les Spé-CSMF abordent-ils les
                    tion ?
                                                                    négociations qui s’ouvrent ?
                    Il était attendu, nous avions eu plusieurs
                                                                    Sur le papier, c’est une opportunité pour
                    réunions d’échange en amont avec le ca-
                                                                    changer de logique, sortir des chemins
                    binet de la ministre. Il est conforme aux
                                                                    descendants imposés d’en haut et donner
                    grands principes posés par la Stratégie
                                                                    enfin aux médecins la possibilité de s’or-
                    nationale de santé, avec lesquels nous
                                                                    ganiser comme ils l’entendent. Mais, une
                    sommes plutôt en accord. Mais, bien
                                                                    fois de plus, il faut constater que la place
                    sûr, c’est sur l’évolution du texte, au mo-
                                                                    des spécialistes est peu évoquée dans les
                    ment où il sera présenté en Conseil des
                                                                    textes proposés à la concertation. L’exten-
                    ministres puis discuté au Parlement,
                                                                    sion du statut d’adjoint à toutes les zones
                    que nous devrons être particulièrement
                                                                    défavorisées est une bonne chose, sauf
                    vigilants. Le gouvernement souhaite
                                                                    que les spécialistes ne sont pas concernés
 Luc Duquesnel      adopter certaines mesures par voie d’or-
                    donnances, par souci d’efficacité, mais il
                                                                    par le zonage, alors que les besoins s’ac-      Patrick Gasser
    président des   n’est pas question que cette décision se
                                                                    croissent dans de nombreux territoires en       président des
Généralistes CSMF   traduise par une absence de concertation.
                                                                    termes de soins de spécialité. Les discus-
                                                                    sions qui s’ouvrent sont l’occasion, pour       Spés-CSMF
                    Certaines mesures, comme l’extension du
                                                                    nous, de rappeler nos convictions. Il faut
                    statut d’adjoint à toutes les zones sous-do-
                                                                    donner aux praticiens une responsabilité
                    tées, vont dans le bon sens, mais il faudra
                                                                    populationnelle, en les engageant dans
                    retravailler sur le zonage. Par ailleurs,
                                                                    une logique de contrat basée sur la per-
                    nous attendons que tout soit fait pour que
                                                                    tinence et la continuité des soins. Nous
                    les médecins libéraux soient pleinement
                                                                    revendiquons un rôle d’entrepreneurs
                    associés au fonctionnement et à la gou-
                                                                    de santé à l’échelle des territoires, il faut
                    vernance des hôpitaux de proximité.
                                                                    nous en donner les moyens.
                    Quelles sont les attentes des Généra-
                                                                    Les spécialistes seront-ils concernés par
                    listes-CSMF par rapport aux négociations
                                                                    les négociations sur l’ACI et les assistants
                    ouvertes avec l’assurance-maladie ?
                                                                    médicaux ?
                    La volonté affichée de créer à tout prix
                                                                    Bien entendu, et il faut que le rôle majeur
                    1000 CPTS n’est pas la bonne façon
                                                                    des spécialistes, en premier et en second
                    d’aborder le problème. Les CPTS ne
                                                                    recours selon les situations, soit recon-
                    doivent pas être un but en soi, mais de
                                                                    nu dans l’organisation et la valorisation
                    simples outils, parmi d’autres, destinés
                                                                    des CPTS et dans la structuration des
                    à favoriser la coopération interprofes-
                                                                    parcours de soins. Les CPTS ne doivent
                    sionnelle et l’élaboration de parcours de
                                                                    d’ailleurs pas être les seuls modes de re-
                    soins efficients. L’exercice coordonné doit
                                                                    groupement soutenus par les pouvoirs
                    être le leitmotiv de cette négociation, sans
                                                                    publics. Encore une fois, c’est aux acteurs
                    oublier le rôle majeur que joue la coordi-
                                                                    de terrain de concevoir les outils les plus
                    nation de proximité au sein des équipes
                                                                    adaptés à leur territoire. Quant aux assis-
                    de soins primaires. Les généralistes juge-
                                                                    tants médicaux, j’estime que les spéciali-
                    ront l’ACI en fonction de la valeur ajoutée
                                                                    tés, notamment cliniques, doivent y avoir
                    qu’il peut leur apporter dans leur exercice
                                                                    accès. Mais il faut rappeler également
                    quotidien. Les mesures doivent donc être
                                                                    que la CSMF développe actuellement le
                    incitatives et non coercitives, sur le plan
                                                                    concept d’assistant médico-technique, via
                    financier mais également en termes d’ac-
                                                                    une négociation à l’échelle de la branche
                    compagnement des projets portés par les
                                                                    professionnelle. Il faudra définir plus tard
                    praticiens. Sur la question des assistants
                                                                    le modèle économique, qui sera peut-
                    médicaux, il faut prévoir un poste par mé-
                                                                    être différent. En tout état de cause, les
                    decin, et non pour deux ou trois comme
                                                                    pouvoirs publics doivent soutenir cette
                    le propose l’UNCAM. Et il n’est pas ques-
                                                                    démarche, car c’est une solution pour
                    tion que la création du métier d’assistant
                                                                    dégager du temps médical et renforcer la
                    médical ne vienne dégrader nos condi-
                                                                    fonction d’expert du médecin spécialiste.
                    tions de travail, en imposant des contre-
                    parties irréalisables en termes de volume
                    de travail. Nous ne devons pas travailler
                    plus pour payer des assistants médicaux,
                    mais travailler autrement pour permettre
                    à chaque patient qui le souhaite d’avoir
                    un médecin traitant, véritable chef d’or-
                    chestre du parcours de santé.

                                           Le   Médecin de France   13   n°1317 • 25 janvier 2019
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