L'accès aux soins au coeur des attentes des gilets jaunes
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25 janvier 2019 • n°1317 Le journal de la L’accès aux soins au cœur des attentes des gilets jaunes Rencontre Portrait Jean Sibilia, Guy Ursule : président de la Conférence des médecin d’hier et de demain ! doyens de facultés de médecine page 4 page 6 ISSN : 0399-385X
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Un état providence à bout de souffle ! N otre état providence est sans aucun doute celui qui est le plus protecteur au monde, et pourtant notre pays traverse aujourd’hui une crise sociale inédite. En France nous avons le privilège d’être très protégés, ce qui est le résultat d’une longue histoire de luttes sociales. Pourtant cette protection ne nous empêche pas d’être en plein doute car nous pensons, contrairement à d’autres pays émergeants ou en pleine croissance, que nos enfants vivront moins bien que nous. Notre crise n’est pas seulement celle du pouvoir d’achat, elle est aussi celle de l’espérance ! À l’évidence notre modèle économique et démocratique doit être refondé. Il coûte cher pour son niveau de performance et il a oublié d’écouter le terrain et les corps intermédiaires, sources de bon sens. Les Français ne veulent plus de responsables politiques qui depuis des décennies ont privilégié un Etat qui pense et fait pour nous ; car c’est sans nous et souvent contre nous ! On peut faire la même analyse pour notre système de Santé : il ne peut plus attendre et se contenter de quelques ajustements. Il faut le recentrer sur la médecine de ville et remettre l’hôpital dans sa mission de référence, de 3ème recours. Les actuelles négociations conventionnelles en sont l’illustration car plus que jamais l’efficacité doit être privilégiée aux statistiques ; que penser aujourd’hui de l’objectif affiché de 1 000 CPTS coquilles vides ou encore des assistants médicaux financés par l’Etat à condition d’accepter des conditions contraires aux nécessités du terrain ou à la qualité des soins! Nous avons besoin d’une mise à plat de notre système de Santé, d’un échange sans violence et où chacun s’écoute. Profitons des débats organisés par le Président de la République pour faire entendre nos voix et faire évoluer notre beau pays. Et la nouvelle année 2019 pourrait être celle d’un nouveau contrat social avec les français, pour la santé pour tous et partout : c’est le vœu que je formule… Tous mes vœux et bonne santé. Dr Jean-Paul Ortiz, sommaire président de la CSMF 4. Rencontre Jean Sibilia, président de la Conférence des doyens de facultés de médecine 6. Portrait Guy Ursule : médecin d’hier et de demain ! 7. Évènement 4 Mouvement des Gilets Jaunes : L’accès aux soins au cœur des attentes 8. Dossier Loi de santé : Trois mois pour aboutir 14. Actu en bref Les actualités de la médecine 16. 18. Produits de santé Politique du médicament, génériques et cardiologie Portrait Antoine Guinoiseau : un entrepreneur de santé 6 20. Territoires 8 En direct des territoires 21. A la loupe Cumul emploi-retraite : un dispositif perfectible 22. Loisirs A lire, à voir Le Médecin de France • Bimensuel 79, rue de Tocqueville 75017 Paris Abonnez-vous ! 40 € par an, 20 numéros. Tél. 01 43 18 88 33 • Fax : 01 43 18 88 34 E-mail : med_france@csmf.org • Site : www.csmf.org ✃ Les articles originaux du Médecin de France peuvent être reproduits Dr ............................................................................................................................... par tout organisme affilié à la CSMF sans autorisation spéciale, à condition de faire figurer les mentions habituelles. Édité par la SEPMF, SARL au capital de 32 000 € • Durée : 50 ans Adresse : ................................................................................................................... à partir du 1er juin 1978 • Associés : CSMF et ACFM. Gérant : Jean-Paul Ortiz • Directeur de la publication : Code postal : ............................ Ville : .................................................................... Jean-Paul Ortiz • Rédacteur en chef : Laurent Verzaux Crédits photos : P. Chagnon - Cocktail Santé Colin Anderson - Gettyimages.fr o désire s’abonner à la revue Le Médecin de France pour un an. o désire une facture. Réalisation : Aliénor Consultants - Tél. 05 49 62 69 00 Impression : Megatop • Distribution : Info Routage Abonnement : 40,00 € par an. Prix du numéro : 2 € Chèque de 40 € à l’ordre de Médecin de France et à adresser à : Commission paritaire : 1219 G 82702. Le Médecin de France, Service abonnement • 79, rue de Tocqueville 75017 Paris Le Médecin de France 3 n°1317 • 25 janvier 2019
R « Réformer les études pour mieux préparer la médecine de demain » Ses trois idées fortes • « Le cadre actuel des études médicales ne permet plus de répondre aux enjeux de la médecine de demain. » Le président de la Conférence des doyens plaide pour une approche plus pro- fessionnalisante, une ouverture plus marquée à toutes les formes d’innovation et une sensibilisation des étudiants à la pertinence des soins et à l’interdisciplinarité. • « Même si le numerus clausus disparaît, il faudra conserver une sélectivité des études médicales par une régulation intel- ligente des flux de futurs médecins. » Les doyens de faculté se disent prêts à favoriser l’orientation d’une partie des étudiants en situation d’échec vers d’autres filières de santé. • « L’Université doit accueillir les libéraux qui souhaitent s’en- gager dans des activités d’enseignement. » Pour Jean Sibilia, ils pourraient apporter une précieuse expertise dans le domaine des soins premiers et sensibiliser les étudiants à la pertinence des soins et à la gestion du parcours patient. Jean Sibilia, président de la Conférence des doyens de facultés de médecine Le Médecin de France 4 n°1317 • 25 janvier 2019
Professeur de rhumatologie au CHU de Strasbourg, Jean Sibilia est président de la Conférence des doyens des encontre facultés de médecine depuis janvier 2018. 2019 s’annonce décisive pour la réforme des études de médecine, qui sera initiée par la loi de santé bientôt soumise à discussion au Parlement. Une grande réforme des études de en fonction des capacités de formation de Vous avez évoqué les stages. L’en- médecine va être engagée par les chaque université. Ce mode de contrôle semble des doyens sont-ils au- pouvoirs publics. Pourquoi ces des formations médicales générera cer- jourd’hui sur la même ligne pour grands travaux ? tainement des déceptions, car au-delà encourager l’essor des stages dans du nombre que nous pouvons former, le secteur libéral ? Les études médicales, telles qu’elles sont beaucoup d’étudiants souhaitent deve- organisées aujourd’hui, ne répondent C’est une critique récurrente, alors qu’il nir médecins. C’est pourquoi les doyens plus aux enjeux de la médecine de de- n’y a pas un seul doyen qui se positionne entendent s’engager, dans le cadre d’un contre les stages en exercice libéral, que main. Sous l’impulsion notamment du numérique, la médecine connait une contrat pédagogique, à faciliter l’orien- ce soit en médecine générale ou en mé- incroyable transformation, ce qui nous tation des étudiants qui ne pourront decine spécialisée. Cela étant, il n’est pas impose de revoir les modalités d’ensei- pas intégrer les études médicales vers toujours aisé de trouver des terrains de gnement et le contenu des connaissances d’autres filières de santé sur la base de stage respectant le standard de qualité et des compétences en privilégiant une leur motivation et de leurs compétences. pédagogique que nous voulons pour les pédagogie nouvelle. Il faut également Par ailleurs, nous souhaitons profiter de étudiants. Nous avons besoin de person- nous interroger sur les valeurs éthiques la réforme pour diversifier les profils de nels de scolarités formés et compétents et déontologiques, qui doivent nécessai- nos étudiants en favorisant le rôle d’as- pour concevoir et animer des parcours de censeur social joué par notre université… formation originaux. Pour cela, nous de- rement évoluer à l’heure où émergent la C’est un enjeu important pour nous. vons aussi investir dans une gestion dy- médecine algorithmique, affirmant l’im- namique et dématérialisée des dossiers portance de l’IA en santé, et de nouvelles La réforme entend-t-elle par ailleurs avec des outils informatiques dédiés. disciplines comme la génomique et la favoriser des carrières plus trans- multiomique prédictive. Plusieurs fac- versales, et en finir ainsi avec les Faut-il selon vous renforcer la place teurs liés à l’exercice médical exigent aus- des libéraux parmi le corps ensei- silos Ville/Hôpital et l’opposition si de revoir nos fondamentaux. D’abord, gnant des universités ? culturelle entre les deux univers ? la formation médicale doit enseigner Nous souhaitons délivrer un enseigne- la pertinence des soins et faciliter une En effet, c’est l’un des défis majeurs de la ment plus professionnalisant en phase pluri-professionnalité au service du par- nouvelle organisation des soins. Le temps avec les réalités quotidiennes de l’exer- cours-patient. Nous devons sensibiliser des études, dont on sait qu’il marque cice médical. L’Université doit être ca- souvent durablement les perceptions et pable d’accueillir et de former tous les nos étudiants au juste soin et à la néces- les représentations professionnelles, est MSU qui souhaitent s’impliquer dans saire optimisation des moyens financiers évidement un moment clé pour rompre la formation des étudiants en médecine engagés mais aussi à l’alliance thérapeu- avec ce cloisonnement. Je suis issu d’une générale mais aussi dans d’autres disci- tique avec des patients de plus en plus famille de médecins libéraux. Je veux plines médicales ou chirurgicales. Il faut impliqués dans leur prise en charge. En- m’engager pour faire disparaître ce fossé mener une réflexion de « gradation » des fin, la formation doit se faire tout au long culturel entre ces deux mondes car cela enseignements comportant un panel de des 40 ans de carrière, en moyenne, que n’a plus de sens aujourd’hui. Nous de- vivront nos étudiants. Pour nous, l’Uni- connaissances et de compétences néces- vons construire ensemble une organisa- saires à l’exercice de son métier. Les pra- versité a vocation, en partenariat avec les tion médicale au service de nos patients autres acteurs, à contribuer à l’actuali- ticiens hospitaliers (H et HU), qui contri- avec une vision moderne et éthique pour buent à l’innovation médicale, resteront sation des connaissances et des compé- répondre aux incroyables enjeux de de- les mieux placés pour la diffusion et l’ac- tences durant toute la vie professionnelle. main. Il faut donc ouvrir le champ de la tualisation de savoirs théoriques et l’en- Le projet de loi prévoit de suppri- formation à l’exercice libéral bien sûr seignement de compétences « pointues » mer le numerus clausus. Cela veut-il mais également à d’autres carrières, par mais l’on peut penser que les médecins dire qu’il n’y aura plus de sélection exemple celles de l’industrie pharmaceu- libéraux pourront être d’excellents coor- à l’entrée ni pendant les études ? tique ou de l’assurance-maladie. Cette donnateurs des enseignements de soins réforme doit promouvoir une formation premiers, en contribuant notamment à Non, une sélectivité de la formation mé- médicale plus professionnalisante, avec l’apprentissage de la pertinence des soins dicale reste nécessaire, d’autant plus que de nouveaux terrains de stage pour les et de l’accompagnement au long cours les filières médicales restent très attrac- étudiants. Cependant, le second cycle, des patients. Dans ce contexte, il faut faire tives. Néanmoins, il fallait en finir avec le qui ne dure que quatre ans, doit rester évoluer les statuts avec des postes de PU « couperet » du numerus clausus, qui était axé sur l’apprentissage fondamental des (professeur des universités) de spécialités un dispositif injuste et absurde, non mo- connaissances et des compétences néces- à exercice libéral à l’image de ce qui est difiable et non négociable ce qui a décou- saires à un médecin. C’est une période fait en médecine générale. Et il faut dé- ragé des générations d’étudiants pourtant charnière pour permettre aux étudiants cloisonner et décomplexer notre système motivés et souvent brillants. La réforme de déterminer leur orientation avant de en rapprochant les professionnels de san- proposera une régulation avec un quota s’engager dans un 3eme cycle différencié té par une mission qui fait sens et consen- d’accès en deuxième année, défini avec qui doit « affiner » de façon progressive sus : la formation universitaire « tout au les ARS selon les besoins des territoires, cette formation professionnalisante. long de la vie ». Le Médecin de France 5 n°1317 • 25 janvier 2019
portrait Guy Ursule : médecin d’hier et de demain ! ture n’est plus, il a tout de même poursuivi son parcours dans le mi- lieu associatif. Il assure notamment la présidence d’une association de soutien aux personnes handicapées qui regroupe « plus de 200 usagers ». Autre temps fort de carrière : il aura été conseiller ordinal titulaire du- rant six ans. «Gardien du temple», il n’exercera pas de fonctions représentatives pen- dant de nombreuses années pour « défendre les intérêts de la CSMF » sur son territoire. Il sera néanmoins pro- pulsé à la présidence de l’URML de Guadeloupe en 2007. Dans la foulée, il sera élu puis réélu président de l’URPS ML de Guadeloupe, lors des deux dernières élections profession- nelles. Une vision collective de la médecine libérale Selon Guy Ursule, la médecine libé- rale subit les effets délétères d’une crise mal anticipée. « Les autorités po- litiques et sanitaires n’ont pas pris la me- sure des changements démographiques, culturels et sociétaux à l’œuvre», com- mente-t-il. « Le recul de la compo-santé Fervent défenseur de la médecine la gestion financière de son cabinet, masculine au sein de la profession et la il choisira d’implanter ses locaux libérale, Guy Ursule plébiscite toutes dans une zone franche urbaine en réduction du temps de travail ont pro- fondément modifié la pratique de la les formes de regroupement pos- 2005. Dernière évolution en date, il médecine. Le temps médical effectif est effectue actuellement les démarches sibles pour gagner du temps médi- nécessaires pour transformer sa moins important, du fait des lourdeurs cal et améliorer l’accès aux soins. structure en société d’exercice libé- administratives et de la saturation des cabinets médicaux », développe-t-il. P ral, afin de « valoriser justement son sychiatre de formation, Guy Ur- outil de travail ». Pour « gagner du temps médical et sule s’installe à Pointe-à-Pitre améliorer l’accès aux soins », Guy Ur- en novembre 1982. Il s’oriente Le «gardien du temple» sule plébiscite toutes les formes de quasi-instantanément vers un exer- cice mixte. Il partage son temps entre Guy Ursule est un «militant de la pre- regroupements possibles. Au-de- son activité libérale et son activité sa- mière heure». Observateur averti de là des regroupements physiques, lariée à l’hôpital, où il réalise quatre la cause syndicale à ses débuts, il les regroupements fonctionnels lui vacations d’une demi-journée par rejoint la Confédération au milieu semblent « tout aussi pertinents », semaine. Il œuvre également au sein des années 80. Il deviendra succes- d’autant qu’ils sont facilités par la d’un centre d’action médico-social sivement trésorier adjoint, trésorier, révolution numérique en cours. Un précoce en charge du dépistage, du président, puis de nouveau tréso- bémol toutefois : la profession devra diagnostic, du traitement, de la réé- rier du Syndicat unifié des méde- garder la main. « La télémédecine va ducation et du suivi des enfants âgés cins de la Guadeloupe/CSMF 971. favoriser l’accès à des expertises spé- de zéro à six ans. « C’est un sujet qui me Une fonction qu’il occupe encore cialisées, mais il faudra faire attention tient particulièrement à cœur», précise- aujourd’hui. En 1986, il participe à à la marchandisation et à l’ubérisation t-il. Il portera cette «triple casquette» la création de l’Union des jeunes de la médecine. Les médecins libéraux pendant trente-deux ans, avant de se médecins de Guadeloupe (UJMG), devront se prémunir des dérives mer- recentrer sur un exercice purement une association intergénérationnelle cantiles liées à l’arrivée de certains libéral. Depuis dix-huit ans, Guy Ur- à dominante libérale. « C’était une opérateurs qui s’inscrivent dans une dé- sule a appris à piloter seul son entre- école de responsabilité qui nous a per- marche de financiarisation de la santé », prise médicale, à la suite du départ mis d’approfondir notre réflexion et nos prévient-il. de son unique associé. Pour faciliter connaissances médicales ». Si la struc- Le Médecin de France 6 n°1317 • 25 janvier 2019
l'événement Mouvement des Gilets Jaunes : l’accès aux soins au cœur des attentes Le Mouvement des Gilets Jaunes globale et structurée de ces revendi- se concentre principalement sur tif tente de reprendre la main. Après Attention aux Gilets blancs cations. Depuis le 15 janvier, l’exécu- le pouvoir d’achat et les inégalités un premier exercice de sept heures La santé est-elle un sujet de préoccu- en Normandie, le président pation pour cette France en colère ? liées à la transition écologique. Mais d’affilée de la République multiplie les ren- En fin d’année dernière, la ministre l’accès aux soins dans les territoires contres-marathon avec des maires de la Santé estimait que les questions périphériques fait également partie de communes rurales. Et les mairies de santé n’étaient au premier rang ont ouvert des cahiers de doléance… du débat. Un phénomène à prendre comme en 1789 à quelques mois de la des exigences formulées par les ma- nifestants. Et Emmanuel Macron ne en compte au moment où s’ouvrent prise de la Bastille. l’a pratiquement pas évoquée dans les négociations sur la transforma- Des syndicats méprisés sa lettre adressée à tous les Français. « Pourtant, si on écoute les messages dif- tion du système de santé. Comment en est-on arrivés là ? A fusés sur les ronds-points, l’accessibilité D l’occasion de ses vœux, le 16 janvier, aux soins fait partie des principaux mo- epuis trois mois, la France vit une Jean-Paul Ortiz a avancé quelques ex- tifs d’inquiétude, observe Jean-Paul Or- séquence inédite dans son his- toire politique et sociale. Tous les plications. « Cette situation n’est pas le tiz. La dénonciation de tel ou tel hôpital week-ends, les manifestations de gi- résultat de la politique récemment menée, qui va fermer, l’incompréhension de la lets jaunes ne faiblissent pas. Sur les mais bien l’expression d’une dégradation fermeture d’une maternité, mais aussi la ronds-points, à l’entrée des grandes qui s’est lentement installée depuis plu- difficulté d’accès à un médecin traitant, surfaces, à Paris les samedis, des ca- sieurs décennies, estime-t-il. La négli- à un médecin spécialiste dans des délais tégories sociales issues de la société gence, voire le mépris affiché par les po- raisonnables, ce sont autant de diffi- dite «périphérique» manifestent leur litiques responsables au plus haut niveau cultés que nos concitoyens ont dénoncé mécontentement, parfois violemment vis-à-vis des corps intermédiaires, et tout ces dernières semaines. » La tenue du lorsque les « casseurs » prennent le particulièrement des syndicats, l’absence Grand débat national, ainsi que les mouvement en otage. Ceux que les de prise en compte de la parole syndicale remontées des cahiers de doléances, sociologues baptisent aujourd’hui la par les énarques qui nous gouvernent, le permettront de mesurer l’ampleur du France invisible cumulent des reven- dogmatisme, la surdité voire la corruption phénomène, pour des populations de dications disparates : suppression des qui s’est installée chez certains politiques, plus en plus éloignées des services taxes écologiques, baisse des impôts, ont fait le lit de ces expressions violentes publics essentiels. « Le pays traverse suppression de la CSG pour les retrai- extrêmes que notre pays vit douloureu- des moments difficiles, les médecins libé- tés, hausse des salaires, instauration sement actuellement. » Face à cet état raux sont prêts à accompagner les muta- du Référendum d’initiative citoyenne, des lieux pessimiste, le président de tions nécessaires, conclut Jean-Paul Or- durcissement de la politique anti-mi- la CSMF appelle à un sursaut. « Il est tiz. Si leur volonté se heurte aux visions gratoire, rétablissement de l’ISF… temps de redonner toute leur place, toutes étatiques et bureaucratiques habituelles, difficile pour les pouvoirs publics de leurs responsabilités et tout le respect dû à les gilets blancs pourraient remplacer les répondre aux slogans, à défaut de lea- leur engagement aux corps intermédiaires, gilets jaunes, car le système de santé va ders représentatifs et de cohérence et particulièrement aux syndicats.» mal, et les Français le savent bien. » Le Médecin de France 7 n°1317 • 25 janvier 2019
D ossier L’actualité santé est chargée en ce après que le Parlement ait habilité le les niveaux : entre hôpital, ville et médi- gouvernement à le faire. Même s’ils co-social ; secteurs public et privé ; entre début d’année. Le gouvernement fait comprennent la nécessité de ne pas professionnels, de la formation initiale en effet circuler pour concertation perdre de temps sur certains points à l’exercice, celui-ci devant être plus ou- son avant-projet de loi de santé, (recertification, création du statut de vert, pluri-professionnel et coordonné. » avant présentation en conseil des PH et suppression de l’internat, label- lisation des hôpitaux de proximité…) Réparti en quatre chapitres, le texte de loi entend poser « comme première ministres courant février. Et l’assu- pour des raisons de calendrier, les ac- pierre de touche la structuration des soins rance-maladie et les syndicats de teurs de santé se méfient néanmoins de proximité et la constitution d’un col- professionnels de santé libéraux ont de la méthode. « Il n’est pas question que la procédure des ordonnances se tra- lectif de soins. » Le gouvernement sou- haite ainsi que « des ponts et des outils entamé le 16 janvier des négocia- duise par une absence de concertation, de coopération soient créés entre hôpital, tions sous tension sur deux thèmes prévenait Jean-Paul Ortiz, à l’occasion ville et secteur médico-social. L’exercice majeurs : l’ACI sur les CPTS et les de ses vœux. Certains sujets, comme ce- coordonné a vocation à se développer, la lui de la certification, appellent un débat gradation des soins à être clarifiée et as- assistants médicaux. approfondi et équilibré. De même, il est sumée, pour fluidifier le parcours des pa- Q uarante pages, 23 articles, deux essentiel que les médecins libéraux soient tients, et améliorer la qualité, la sécurité et mois pour conclure : à première pleinement associés à la gouvernance des la pertinence des soins dispensés. » Enfin, vue, la «loi Buzyn » sur la trans- futurs hôpitaux de proximité. » une profonde réforme des études mé- formation du système de santé ne dicales est engagée, avec la suppres- part pas sur les mêmes bases que Créer le collectif de soins sion du numerus clausus, la mise en le « monstre législatif » produit il y a Voilà donc pour la méthode et le ca- place d’un processus de sélection plus trois ans par la précédente ministre lendrier. Concernant le contenu du souple, l’adaptation du contenu pé- de la Santé, Marisol Touraine. Il faut texte, les annonces faites par le Pré- dagogique « afin qu’il soit mieux adapté aller vite, éviter de s’égarer dans les sident de la République, le 18 sep- aux connaissances, compétences et aptitu- méandres des navettes parlemen- tembre dernier, sont clairement dé- des attendues des futurs professionnels », taires et de la profusion d’amende- clinées. Selon l’exposé des motifs, « il une diversification des profils de re- ments, lesquels avaient, à l’époque, convient de partir des besoins des patients crutement, la suppression de l’ECN étiré la discussion de la loi Touraine et des professionnels de santé, qui sont les et la réforme de l’accès au troisième sur près de quinze mois. Cette fois, meilleurs experts de leur situation. L’as- cycle. le gouvernement prévient : un cer- tain nombre des articles du projet de souplissement des contraintes et l’éclosion des initiatives locales doivent inspirer la La certification sur ordonnance loi seront soumis à la procédure des transformation profonde du système de Sujet majeur pour l’avenir de la pro- ordonnances, soit l’adoption automa- santé. Il s’agit également de poursuivre fession de médecin, la certification est tique du texte rédigé par le ministère, une dynamique de décloisonnement à tous traitée par l’article 4 de la loi. « Il ha- Le Médecin de France 8 n°1317 • 25 janvier 2019
bilite le Gouvernement à prendre par voie CSMF. Quoi qu’il en soit, le syndicat public (CESP) en prévoyant l’élargis- d’ordonnances des mesures de re-certifica- entend être largement associé à la ré- sement du dispositif aux praticiens à tion des compétences des médecins, afin de daction des ordonnances prévues par diplômes étrangers hors Union Eu- maintenir un haut niveau de compétences la loi. ropéenne et sa sécurisation en cas tout au long de la carrière professionnelle, d’évolution du zonage établi les ARS peut-on lire dans l’exposé des motifs. Le médecin-adjoint étendu pour permettre de prioriser les aides Ces mesures s’inspireront des modèles mis financières à l’installation des méde- en œuvre dans plusieurs pays étrangers et Outre ce pan important de la réforme, cins. Et l’article 5 traite du recours au des propositions formulées dans le rapport d’autres sont donc également pro- statut de médecin adjoint, qui permet remis par le Pr Uzan au mois de novembre grammés par voie d’ordonnance (et à un interne en médecine d’assister 2018. » Rappelons que la certification notamment la création d’un statut un médecin en cas d’afflux saisonnier fait plutôt l’objet d’un consensus, mais unique de praticien hospitalier, pré- ou exceptionnel de population, et ré- que certaines modalités doivent être vu à l’article 6). Deux dispositifs du servé à ce jour aux zones touristiques. discutées, comme les 15 à 30 heures deuxième chapitre du premier titre de Il étend ce dispositif aux zones carac- qui devraient être obligatoirement la loi concerneront par ailleurs direc- térisées par des difficultés dans l’accès consacrées à la certification, un volume tement les libéraux. L’article 4 révise aux soins, ou lorsqu’il est constaté une considéré comme chronophage par la les contrats d’engagement de service carence particulière par l’Ordre. Loi de santé : trois mois pour aboutir Les hôpitaux de proximité se pro- établit en effet que les CME à l’échelle « parmi les pays en pointe en termes de des GHT devient une obligation. Et il structuration des données de santé, tout filent mutualise également la compétence en préservant un haut niveau de sécurité En ce qui concerne le « collectif de de gestion des ressources humaines de la vie privée ». L’article 12 vise à per- soin », le titre II vise à favoriser la médicales, odontologiques, pharma- mettre à chaque citoyen de créer son coopération et à encourager le déve- ceutiques et maïeutiques. Il ouvre par Espace numérique de santé d’ici au loppement de projets de santé de ter- ailleurs, par le biais d’un droit d’op- 1er janvier, pour accéder à son DMP, ritoire. L’article 7 crée donc le projet tion, la possibilité de mutualiser des échanger de façon sécurisée avec des territorial de santé et prévoit égale- fonctions supplémentaires par dé- professionnels, évaluer son parcours ment l’approbation des CPTS par les rogation aux règles en vigueur, pour de santé, s’informer en matière de ARS « afin d’assurer leur coordination les groupements volontaires, qui sou- prévention. L’article 13 entend définir avec les autres acteurs de santé du terri- haitent aller plus loin dans l’intégra- « le télésoin », c’est-à-dire l’exercice toire ». L’article 9 est consacré aux hô- tion, notamment en termes de trésore- à distance de certaines pratiques de pitaux de proximité, habilitant le gou- rie, d’investissement, de financements soins (gestion de la chimiothérapie par vernement à décider par ordonnance pluriannuels communs, ou même de l’infirmier, orthophonie à distance…) des mesures permettant d’établir les fusion des instances représentatives en dehors des actes de télémédecine. missions et la gouvernance de ces éta- ou consultatives. Enfin, l’article 14 modernise le cadre blissements. L’objectif est de pouvoir de la prescription dématérialisée. Il labelliser les premiers d’entre eux Consolider la numérisation habilite le Gouvernement à prendre «dès 2020 ». Quant à l’article 9, il dé- Le troisième titre de la loi est centré par voie d’ordonnances des mesures ploie également la procédure de l’or- sur un autre axe stratégique de Ma visant à encourager le développement donnance pour « moderniser le régime Santé 2022 : la numérisation du sys- de la e-prescription, avec pour objectif des autorisations des activités de soins et tème de santé. L’article 11 prépare la « d’améliorer la qualité des prescriptions, des équipements matériels lourds ». L’in- création d’une Plate-forme de données en diminuant notamment les incompati- tention est notamment de mettre en de santé, le futur Health Data Hub que bilités et interactions médicamenteuses, œuvre la gradation des soins prévue Jean-Marc Aubert est chargé de pré- tout en représentant un gain en termes de par le plan Ma Santé 2022. parer pour le printemps prochain. Cet temps et de coordination pour les profes- outil se substituera à l’INDS et a pour sionnels de santé ». Le GHT prend du galon objectif d’élargir les sources de don- Avec l’article 10, c’est la poursuite de nées, notamment à celles produites la structuration des logiques hospi- par l’assurance-maladie. L’ambition talières territoriales qui est visée. Il affichée est de positionner la France Le Médecin de France 9 n°1317 • 25 janvier 2019
D ossier Loi de santé : trois mois pour aboutir Conventions : Des négociations sous tension Deux rounds de négociation ont été lancés mi-janvier, le premier sur l’Accord-Cadre Interprofessionnel concernant les CPTS et le second sur les futurs assistants médicaux. La question financière est au cœur des enjeux. O utre le projet de loi de de ces soins et la continuité des caux d’ici à 2022 et prévoit que la santé, des négociations parcours de santé des patients, formation et la rémunération de déterminantes pour permettre l’accès à la prévention, ces professionnels seront en partie la médecine libérale garantir l’inscription d’un patient financés par l’assurance-maladie. viennent de s’ouvrir avec l’assu- chez un médecin traitant, assurer Depuis le 24 janvier, les négocia- rance-maladie. Inaugurée le 16 la prise en charge des demandes tions sont ouvertes avec l’UNCAM. janvier, avec l’ensemble des or- de soins non programmés, favo- Plusieurs points de discussion ganisations représentatives des riser le maintien à domicile ou en sont sur la table : quelles missions professions libérales, la première EHPAD des personnes âgées… Si (administratives, soignantes…) porte sur la conclusion d’un Ac- une rémunération des activités pour eux ? Quels critères d’éligi- cord-Cadre Interprofessionnel liées aux CPTS est actée, le point bilité en termes de densité médi- (ACI), destiné à déterminer les délicat sera de s’entendre sur les cale pour les cabinets concernés ? conditions de valorisation de l’or- contreparties que les profession- Quels montants pour les aides fi- ganisation territoriale des soins, nels devront fournir, de même nancières et pour quelle durée ? et notamment à travers les Com- qu’il sera difficile d’établir les clés D’ores et déjà, les pouvoirs publics munautés professionnelles ter- de répartition entre catégories de ont posé des conditions préalables ritoriales de santé (CPTS). Dans professionnels. Si la négociation qui font débat pour les syndicats. le cadre du plan Ma Santé 2022, échoue, un règlement arbitral sera Les médecins candidats devront puis à travers la lettre de cadrage imposé par les pouvoirs publics, exercer en cabinet de groupe, ils adressée à l’UNCAM, le gouver- comme ce fut le cas il y a deux ans devront s’engager sur des « bé- nement a rappelé ses intentions. avec le financement des MSP. néfices mesurables» en termes de Il annonce la création de « 1000 CPTS » d’ici à 2022 et indique les Assistants médicaux : qui, avec qui, nombre de patients et de délais d’accès aux soins, seul le secteur 1 missions dévolues à ces structures. pour faire quoi ? et l’OPTAM pourraient prétendre Les CPTS doivent ainsi concréti- Annoncée le 18 septembre par à ce type d’aide et le soutien de ser l’émergence d’une « responsa- Emmanuel Macron et votée dans l’assurance-maladie serait limité bilité populationnelle » commune à le cadre de l’article 42 de la LFSS dans le temps et dégressif. toutes les professions, garantissant 2019, la fonction d’assistant médi- la qualité et l’équité d’accès aux cal vise à « libérer du temps médical, La CSMF restera ferme soins à l’ensemble des habitants améliorer la prise en charge, dévelop- d’un territoire donné. L’ACI doit per la prévention, permettre le suivi Le cadre -déjà contraint- de la né- notamment définir les moyens à de plus de patients par chaque prati- gociation préoccupe la CSMF. A employer pour améliorer l’accès cien». Le gouvernement propose la l’occasion de son conseil confé- aux soins, consolider la qualité formation de 4000 assistants médi- déral, réuni le 12 janvier, elle a Le Médecin de France 10 n°1317 • 25 janvier 2019
D ossier Loi de santé : trois mois pour aboutir posé ses conditions. Elle souhaite le souhaite le gouvernement. Les d’abord que la négociation du fi- éventuels aides financières déci- nancement des assistants médi- dées dans le cadre de l’ACI devront caux soit traitée séparément de s’ajouter aux revenus des prati- celle sur la définition du métier ciens engagés dans des formes di- et des missions que devront as- verses de regroupements profes- sumer ces professionnels. Cette sionnels, et non simplement dans démarche est déjà menée depuis les CPTS. Et ces aides devront être 2011, à l’initiative de la CSMF, dans établies par contrat, en fonction de le cadre de la convention collec- l’atteinte d’objectifs concrets, et tive des personnels des cabinets non versées a priori aux structures. médicaux. Deuxième attente, la A défaut, le risque est réel que les CSMF estime que le bénéfice des 1000 CPTS ne soient, en 2022, que assistants médicaux ne saurait se des coquilles vides. limiter aux seuls généralistes, que toutes les spécialités, notamment cliniques, doivent pouvoir y ac- Assistants médico-techniques : céder. Et elle conteste également l’idée d’un ratio, par exemple une négociation à finaliser un assistant médical pour deux, Menée depuis 2011 à l’initiative de voire trois praticiens alors que les la CSMF, l’ambition de créer un exemples étrangers montrent que métier d’assistant médico-tech- les médecins libéraux sont très en- nique s’inspire de la fonction de tourés par des personnels qui les l’assistant dentaire, un profession- soulagent de certaines tâches et nel qui permet au chirurgien-den- leur permettent de se consacrer tiste de se consacrer pleinement à leur mission d’expertise auprès à son expertise. Le projet est no- des patients. Enfin, elle s’oppose- toirement avancé chez les derma- ra à des aides réservées exclusive- tologues et les stomatologues, et ment à des médecins regroupés, d’autres spécialités s’y intéressent. alors que ce sont les médecins Le contenu d’un nouveau métier isolés qui ont le plus besoin d’un est aujourd’hui défini sous la forme soutien. Et elle défendra par ail- d’une « certification de qualifica- leurs l’idée que ces aides ne sau- tion professionnelle ». Il s’agirait raient être conditionnées à une d’une formation de plus de 600 hausse du nombre de consulta- heures qui pourrait s’étaler sur 18 tions ou de patients suivis, quand mois à 2 ans maximum, sur le prin- les généralistes affichent 55 heures cipe d’une formation en alternance de travail hebdomadaire. Elle sera ou de Validation des Acquis de l’Ex- particulièrement vigilante sur le périence (VAE). Elle serait financée montant des aides, leur durée, les par l’organisme paritaire collecteur modalités éventuelles de dégressi- des fonds de formation des person- vité, quand le recrutement d’assis- nels des cabinets médicaux, Acta- tants médicaux peut poser de réels lians. Outre un tronc commun, des problèmes d’investissement, par modules complémentaires seraient exemple sur le plan immobilier déployés en fonction des besoins de chaque spécialité, la maquette est CPTS : non à l’obligation technocratique donc prête. La DGOS doit accom- pagner ces travaux, qui aboutiront Fidèle à ses principes, la confédé- à l’ouverture de postes d’assistants ration entend défendre l’ensemble médicaux accessibles pour toutes de ses confrères libéraux, quel que les spécialités, avec des compé- soit leur mode d’exercice. C’est tences-clé pour une meilleure orga- pourquoi elle s’opposera à ce que nisation des soins : accueil et secré- l’adhésion à une CPTS devienne tariat, aide au parcours du patient la condition pour continuer à bé- après la consultation, fonction soi- néficier de certains modes de ré- gnante dont le niveau de référence munération forfaitaire, comme est celui d’une aide-soignante. Le Médecin de France 11 n°1317 • 25 janvier 2019
D ossier Loi de santé : trois mois pour aboutir Le gouvernement soumet à leure coordination des professionnels. concertation son avant-projet de Plutôt que de s’attarder sur la composition loi. Est-il conforme à vos attentes ? et le nombre des CPTS, il faut encourager et soutenir toutes les formes de regroupe- On nous avait promis un texte court, il fait ment et de coopération, sans ostracisme déjà 42 pages, peut-être finirons-nous une ni dispositifs pénalisants. Nous, médecins fois de plus avec une centaine de pages, libéraux, sommes les mieux placés pour comme pour les textes précédents. En bâtir, avec les autres professionnels, les tout état de cause, cette loi veut promou- modalités d’organisation adaptées aux voir des réformes fondamentales, dont spécificités des territoires. Le gouverne- nous partageons le principe. Mais, comme ment doit respecter notre volonté entre- toujours, il faudra être attentif à leur tra- preneuriale, que nous souhaitons traduire duction opérationnelle, avec le risque que sous la forme de contrats d’objectifs avec des dispositifs contraignants et venus d’en les pouvoirs publics. Et les directeurs haut nous soient imposés par la technos- d’ARS doivent être dans l’écoute et l’ac- tructure. Si nous comprenons le méca- compagnement plutôt que dans la norme nisme des ordonnances pour des raisons et l’obligation. de calendrier légal, il n’est pas question qu’un tel processus se fasse au détriment Quelles positions allez-vous de la concertation. Sur la certification, par défendre dans le dossier des exemple, nous voulons être associés à sa assistants médicaux ? mise en place. Nous nous opposerons à Il faut séparer deux processus qui vont se tout dispositif contraignant, mais nous dérouler en parallèle. D’abord, il convient sommes favorables à la valorisation finan- de poursuivre la négociation de branche, cière de la démarche, y compris dans un destinée à définir le contour et les mis- cadre tarifaire. Par ailleurs, il est impéra- sions de ces professionnels, et qui doit tif que les futurs hôpitaux de proximité être soutenue par la DGOS. De l’autre, la échappent à la tutelle des GHT, soient négociation avec l’assurance-maladie doit pleinement ouverts aux médecins de ville être centrée sur l’accompagnement finan- sous la forme de prestations payées en cier. Nous le disons clairement : toutes les honoraires, et que ces derniers soient as- spécialités doivent pouvoir accéder à ces sociés à la gouvernance et à la gestion de aides. Et nous sommes opposés à ce que ces établissements. A défaut, le système ces aides soient réservées uniquement à Jean-Paul Ortiz de santé restera plus que jamais enfermé de médecins regroupés, ni qu’elles soient dans les dérives de l’hospitalo-centrisme. conditionnées à une hausse d’activité ou président de la CSMF du nombre de patients traités. Pour nous, Vous venez d’entamer la négociation chaque médecin devrait pouvoir disposer conventionnelle sur l’ACI. Que d’un assistant médical, à l’instar de ce qui « Attentifs, faut-il en attendre ? se passe dans des pays comparables aux nôtres. Enfin, il n’est pas question d’ex- vigilants... Avant de chercher à définir les droits et les devoirs des CPTS, entendons-nous clure le secteur 2. La négociation s’an- nonce difficile, alors nous rappelons une exigeants » d’abord sur les objectifs à atteindre ! Il s’agit de mieux répondre à la demande de des propositions de la CSMF : pourquoi ne pas mettre en place une aide par défis- soins des populations grâce à une meil- calisation accessible à tous ? Déconnecter les fonds conventionnels vrai rôle dans notre pays. » Dans le de la signature domaine médical, le président de la CSMF formule alors une proposi- A l’heure où le pays traverse une tion inédite : déconnecter le verse- crise sociale et politique inédite, où toute une partie de la population ment des fonds conventionnels de n’a plus confiance ni dans la classe la signature de la convention. « Les politique ni dans les corps intermé- syndicats représentatifs doivent être ac- diaires, il devient urgent de changer compagnés pour leurs travaux, mais ils les règles du jeu. C’est le constat ne doivent pas négocier le pistolet sur posé par Jean-Paul Ortiz à l’occasion la tempe pour obtenir ces fonds. Cette de ses vœux. « Il est temps de redonner mesure simple permettrait de garantir toute leur place, toutes leurs responsabi- lités et tout le respect dû à leur engage- l’indépendance professionnelle et de ment aux corps intermédiaires, estime- restaurer la confiance entre les méde- t-il. Il faut redonner aux syndicats un cins et leurs syndicats. » Le Médecin de France 12 n°1317 • 25 janvier 2019
D ossier Luc Duquesnel, Loi de santé : trois mois pour aboutir Patrick Gasser, président des Généralistes-CSMF président des Spés-CSMF « La concertation doit être préservée » « Nous voulons assumer une responsabilité Que pensez-vous de l’avant-projet de loi populationnelle » de santé soumis actuellement à concerta- Comment les Spé-CSMF abordent-ils les tion ? négociations qui s’ouvrent ? Il était attendu, nous avions eu plusieurs Sur le papier, c’est une opportunité pour réunions d’échange en amont avec le ca- changer de logique, sortir des chemins binet de la ministre. Il est conforme aux descendants imposés d’en haut et donner grands principes posés par la Stratégie enfin aux médecins la possibilité de s’or- nationale de santé, avec lesquels nous ganiser comme ils l’entendent. Mais, une sommes plutôt en accord. Mais, bien fois de plus, il faut constater que la place sûr, c’est sur l’évolution du texte, au mo- des spécialistes est peu évoquée dans les ment où il sera présenté en Conseil des textes proposés à la concertation. L’exten- ministres puis discuté au Parlement, sion du statut d’adjoint à toutes les zones que nous devrons être particulièrement défavorisées est une bonne chose, sauf vigilants. Le gouvernement souhaite que les spécialistes ne sont pas concernés Luc Duquesnel adopter certaines mesures par voie d’or- donnances, par souci d’efficacité, mais il par le zonage, alors que les besoins s’ac- Patrick Gasser président des n’est pas question que cette décision se croissent dans de nombreux territoires en président des Généralistes CSMF traduise par une absence de concertation. termes de soins de spécialité. Les discus- sions qui s’ouvrent sont l’occasion, pour Spés-CSMF Certaines mesures, comme l’extension du nous, de rappeler nos convictions. Il faut statut d’adjoint à toutes les zones sous-do- donner aux praticiens une responsabilité tées, vont dans le bon sens, mais il faudra populationnelle, en les engageant dans retravailler sur le zonage. Par ailleurs, une logique de contrat basée sur la per- nous attendons que tout soit fait pour que tinence et la continuité des soins. Nous les médecins libéraux soient pleinement revendiquons un rôle d’entrepreneurs associés au fonctionnement et à la gou- de santé à l’échelle des territoires, il faut vernance des hôpitaux de proximité. nous en donner les moyens. Quelles sont les attentes des Généra- Les spécialistes seront-ils concernés par listes-CSMF par rapport aux négociations les négociations sur l’ACI et les assistants ouvertes avec l’assurance-maladie ? médicaux ? La volonté affichée de créer à tout prix Bien entendu, et il faut que le rôle majeur 1000 CPTS n’est pas la bonne façon des spécialistes, en premier et en second d’aborder le problème. Les CPTS ne recours selon les situations, soit recon- doivent pas être un but en soi, mais de nu dans l’organisation et la valorisation simples outils, parmi d’autres, destinés des CPTS et dans la structuration des à favoriser la coopération interprofes- parcours de soins. Les CPTS ne doivent sionnelle et l’élaboration de parcours de d’ailleurs pas être les seuls modes de re- soins efficients. L’exercice coordonné doit groupement soutenus par les pouvoirs être le leitmotiv de cette négociation, sans publics. Encore une fois, c’est aux acteurs oublier le rôle majeur que joue la coordi- de terrain de concevoir les outils les plus nation de proximité au sein des équipes adaptés à leur territoire. Quant aux assis- de soins primaires. Les généralistes juge- tants médicaux, j’estime que les spéciali- ront l’ACI en fonction de la valeur ajoutée tés, notamment cliniques, doivent y avoir qu’il peut leur apporter dans leur exercice accès. Mais il faut rappeler également quotidien. Les mesures doivent donc être que la CSMF développe actuellement le incitatives et non coercitives, sur le plan concept d’assistant médico-technique, via financier mais également en termes d’ac- une négociation à l’échelle de la branche compagnement des projets portés par les professionnelle. Il faudra définir plus tard praticiens. Sur la question des assistants le modèle économique, qui sera peut- médicaux, il faut prévoir un poste par mé- être différent. En tout état de cause, les decin, et non pour deux ou trois comme pouvoirs publics doivent soutenir cette le propose l’UNCAM. Et il n’est pas ques- démarche, car c’est une solution pour tion que la création du métier d’assistant dégager du temps médical et renforcer la médical ne vienne dégrader nos condi- fonction d’expert du médecin spécialiste. tions de travail, en imposant des contre- parties irréalisables en termes de volume de travail. Nous ne devons pas travailler plus pour payer des assistants médicaux, mais travailler autrement pour permettre à chaque patient qui le souhaite d’avoir un médecin traitant, véritable chef d’or- chestre du parcours de santé. Le Médecin de France 13 n°1317 • 25 janvier 2019
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