L'action citoyenne, Commissariat général au développement durable

 
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L'action citoyenne, Commissariat général au développement durable
T          H
    Analyse
                    É
                  M A
Commissariat général au développement durable

L'action citoyenne,
accélératrice de transitions vers des
modes de vie plus durables
AVRIL 2019
L'action citoyenne, Commissariat général au développement durable
L'action citoyenne,
                                           accélératrice de transitions
                                           vers des modes de vie plus
         sommaire                          durables

          04 – Avant propos, par Laurence Monnoyer-Smith et
          Dominique Bourg
          06 – Introduction et carte des initiatives explorées
          09 – Partie I : Caractéristiques et état des lieux des Initiatives
          citoyennes: une transition sociétale en actions

          26 – Partie II : Les initiatives citoyennes : laboratoire d'un
          nouveau modèle de société plus durable et plus inclusive ?
          42 – Partie III : Les initiatives citoyennes, « perturbatrices
          institutionnelles » ou accélératrices d’innovation publique ?

          52 – Partie IV : Recommandations et propositions pour
          soutenir le développement des initiatives citoyennes

          68 – Conclusion

          70 – Annexes et remerciements

Document édité par :
Le Commissariat Général au Développement Durable – Direction de la
Recherche et de l’Innovation
Coordination scientifique et technique : Marion Gust, Cheffe de mission Réseaux, Mobilité et
Modes de vie
Remerciements à tous les membres du groupe de travail et aux porteurs d'initiative citoyenne pour leur
engagement et leurs contributions (voir la liste en annexe).
Ce document n'engage que ses auteurs et non les institutions auxquelles ils appartiennent. L'objet de cette diffusion est de
stimuler le débat et d'appeler des commentaires, critiques et enrichissements.

 2 - L'action citoyenne, accélératrice de transitions vers des modes de vie plus durables
L'action citoyenne, Commissariat général au développement durable
coordinateurs

                                      KL
                     Karine Lancement
                     Chef de projet
                     Participation citoyenne et
                     Transitions au Cerema

                                      SL
                     Stéphane Lévêque
                     Chef de projet
                     Planification territoriale
                     au Cerema

                     Contributeurs
                     Chercheurs
                     Dominique Bourg
                     Olivier Soubeyran
                     Luc Gwiazdzinski

                     Cerema
                     Régis Cadre
                     Marine Huet
                     Chloé Eyssartier

                     Voir également les
                     remerciements en annexe

                L'action citoyenne, accélératrice de transitions vers des modes de vie plus durables - 3 
L'action citoyenne, Commissariat général au développement durable
avant-propos

                             Chaque jour, un nombre croissant de personnes, soucieuses de l'état de

   LMS
                             monde qu'elles vont léguer aux générations futures, changent leur mode de
                             vie, adoptent des comportements plus respectueux de l'homme et de la
                             nature, se forment et s'engagent dans des collectifs citoyens, coopératives,
                             tiers lieux, pépinières ou associations au service des transitions.

                      Partant des expériences vécues par des porteurs d'initiatives de transition,
                      cette étude salue la richesse et l'inventivité de ces citoyennes et citoyens
engagés, en donnant à voir leur parcours, leurs besoins, leurs forces et fragilités. Elle explore le
rapport qu'ils entretiennent ou souhaiteraient entretenir avec l'institution et propose des pistes
pour renforcer les coopérations et le faire ensemble pour accélérer les transitions.

Comme le montre cette étude, les initiatives citoyennes sont à la fois des formes d'innovation
sociale et territoriale, des processus poussés de participation citoyenne et des projets concourant
à la défense de biens communs. Ancrées sur le terrain, elles sont l’expression d’une
encapacitation de communautés locales qui prennent en charge leur avenir au plus près des
besoins des habitants.

Dans son article 4, la Charte de la participation du public pour améliorer l'efficacité et la
citoyenneté des décisions ayant un impact sur le cadre de vie, stipule que la participation du
public doit permettre d'encourager le pouvoir d'initiative du citoyen. Agir en intelligence collective
et complémentarité, accompagner sans institutionnaliser, relier sans uniformiser, faire confiance
sans sous-traiter, laisser expérimenter sans créer d’inégalités, les enjeux sont nombreux pour les
institutions et passent principalement par un changement de regard et de posture.

La transition écologique et solidaire nécessite la mobilisation et la participation de tous, elle
nécessite, partout et pour tou(te)s, le renforcement du pouvoir d'agir. Habitants, salariés,
agriculteurs, industriels, fonctionnaires, élus... il est urgent d'apprendre et de développer
ensemble de nouveaux modes de faire en commun nos transitions, pour le bien être de tou(te)s
et des générations futures.

Que l'ensemble des participants et contributeurs à cette étude en soit pleinement remerciés.

Laurence Monnoyer-Smith
COMMISSAIRE GÉNÉRALE AU DÉVELOPPEMENT DURABLE

 4 - L'action citoyenne, accélératrice de transitions vers des modes de vie plus durables
L'action citoyenne, Commissariat général au développement durable
avant-propos

                        Les grands accords internationaux paraissent au rebours des initiatives

 DB
                        citoyennes de transition, tout du moins quand il s’agit de transition
                        écologique et non de facilitation du commerce international. Les premiers
                        visent le plus grand nombre mais sont laborieux, incertains dans leur mise
                        en œuvre et d’une efficacité lente et molle quant à leurs objectifs. Les
                        secondes, le plus souvent, touchent un petit nombre d’acteurs, atteignent
                        leurs objectifs et satisfont ceux qui y participent. L’action des Etats sur ces
                        mêmes sujets de durabilité ressemble à celle des grands traités. Seules des
collectivités territoriales semblent pouvoir faire mieux et avec généralement des relations de plus
grande proximité aux citoyens concernés. Et pourtant, il ne convient pas de les opposer, mais au
contraire de les mettre en relation. Il n’est de l’intérêt de personne de s’éloigner de la cible des 2
degrés d’augmentation de la température moyenne d’ici à la fin de ce siècle, par rapport à celle
du 19ème.
L’étude du Cerema propose de nombreuses pistes pour aller dans cette direction. Elle montre en
premier lieu que ces initiatives se multiplient et se diversifient ; en second lieu qu’elles constituent
un contrepoids puissant à l’individualisme impulsé par le marché, et tout particulièrement par
l’essor du numérique. Elles contribuent ainsi à maintenir le ciment social et national que l’Etat
semble parfois défaire en raison d’une grande proximité aux intérêts des grands acteurs de
l’économie et du marché. Ces initiatives manifestent encore un plaisir du collectif, le refus d’un
consumérisme destructeur, et semblent souvent pallier un Etat absent ou insuffisamment présent.
Mais ce ne me semble pas la meilleure lecture. Les initiatives en question me paraissent plutôt
faire renaître la sphère des activités autonomes et collectives – celle que les travaux d’Elinor
Ostrom ont remis en valeur, mais aussi celle prônée par l’écologie politique des années 1970 et
suivantes, André Gorz au premier chef –, sphère qui n’a nullement vocation à se substituer au
marché ou à l’Etat, mais en revanche à croître en importance. Elle donne sens à la vie des
citoyens et leur permet de s’orienter vers des objectifs communs exigeants, à commencer par
ceux attachés à la durabilité forte.
Le développement de cette sphère d’autonomie collective appelle d’évidence une évolution des
missions de l’Etat. Je me bornerai à rappeler les pistes qui figurent dans cet excellent rapport :
celles d’un Etat labellisateur et accompagnateur, sachant mettre en relation des expérimentations
voisines et convergentes, sachant s’inspirer de ces expérimentations pour faire évoluer la loi en
faveur d’une durabilité plus forte et partagée.

Dominique Bourg
PRÉSIDENT DES CONSEILS SCIENTIFIQUES DU PROGRAMME MOVIDA
ET DE LA FONDATION POUR LA NATURE ET L’HOMME, PROFESSEUR À L’UNIVERSITÉ DE LAUSANNE

                                   L'action citoyenne, accélératrice de transitions vers des modes de vie plus durables - 5 
L'action citoyenne, Commissariat général au développement durable
Introduction

Introduction
Le programme de recherche sur les modes de vie durables « Movida », coordonné par
Dominique Bourg, a souligné l’apport des démarches ascendantes – à l’initiative des citoyens –
dans l’évolution des modes de vie. A la suite de ce programme, le service de la recherche du
Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire (MTES) a confié au Cerema une étude
exploratoire « Deqlic : définir et questionner les initiatives citoyennes ». A partir d'un panorama
des initiatives citoyennes de transition qui se développent de façon accélérée en France depuis
quelques années, l'objet est d'interroger les origines et facteurs d'émergence de ces initiatives,
leurs grandes caractéristiques, leur parcours, mais aussi les facteurs de réussite, les besoins et
difficultés rencontrées par les porteurs de projets citoyens, et les relations entretenues (ou non)
avec les acteurs publics.

Le premier comité de pilotage de Deqlic, le 9 février 2016, a permis de préciser la problématique,
qui s’articule autour de la relation entre initiatives citoyennes et institutions, afin d'interroger la
capacité de ces dernières à intégrer l'innovation citoyenne dans leurs approches et
organisations. L’objectif de l’étude est quant à lui de proposer des pistes pour la recherche et
l'action publique :

         « Deqlic permet d’identifier les questionnements de recherche avec un objectif de
         transformation du logiciel des politiques publiques vers plus de droit à
         l’expérimentation et vers un système plus ouvert : comment aller au-delà du système
         « de la carotte et du bâton » pour promouvoir des démarches plus agiles, plus
         « bottom-up », et une logique de coopération ascendante ? Quand des initiatives
         citoyennes vont dans le sens du développement durable et sont positives, comment
         l’État peut ne pas mettre de bâton dans les roues, ne pas empêcher, et comment
         peut-il plutôt valoriser, légitimer et soutenir, accompagner et relier les initiatives ? »1

La méthode de travail de Deqlic a été la suivante :
   • un travail bibliographique et de veille sur les études, rapports et projets de recherche
       récents ;
   • un recensement des bases de données et plateformes en ligne recensant et capitalisant
       les initiatives citoyennes ;
   • l’analyse d’une quinzaine d’initiatives sélectionnées pour leur hétérogénéité (statuts,
       thèmes d'intervention, lieux, ancienneté...) pour dresser un premier panorama (cf. carte
       en page 8) ;
   • des entretiens d'approfondissement avec des chercheurs et personnes ressources (cf.
       liste des acteurs associés en annexe), dont Dominique Bourg, président des Conseils
       scientifiques du programme Movida et de la Fondation pour la Nature et l’Homme,
       professeur à l’Université de Lausanne ; Olivier Soubeyran et Luc Gwiazdzinski,
       professeurs à l'Institut de Géographie Alpine ;

1 Extrait du compte-rendu du Comité de pilotage Deqlic

 6 - L'action citoyenne, accélératrice de transitions vers des modes de vie plus durables
L'action citoyenne, Commissariat général au développement durable
Introduction

    •   la tenue d’ateliers participatifs pour déterminer, avec les porteurs d'initiatives citoyennes,
        les enjeux, besoins et difficultés rencontrées et des pistes d’action (cf. liste des
        participants en annexe).

Pendant toute la durée de l’étude qui s'est déroulée de février 2016 à juin 2018, la volonté a été
de s'ancrer au plus près des problématiques quotidiennes des initiatives citoyennes, en partant
du vécu, de la parole et des expériences de ceux qui les imaginent et les portent au quotidien.
Nous tenons à les remercier pour le temps précieux qu'ils nous ont accordé lors des ateliers ou
des entretiens (cf. liste en annexe).

Le présent rapport rend compte des éléments produits au cours de ce travail exploratoire. Son
objectif est de restituer les enjeux et les propositions capitalisées tout au long des échanges, en
les reliant à des travaux déjà réalisés et à des références bibliographiques.

En premier lieu, la définition et la caractérisation des initiatives citoyennes permettent de préciser
le périmètre de l’étude et d’en identifier l’objet. La deuxième partie analyse l'apport des initiatives
citoyennes dans une logique de transition, puis la troisième décrit leur rapport avec les
institutions et les besoins exprimés par les porteurs d'initiatives. Enfin, des propositions sont
faites sur le changement de posture nécessaire au développement des initiatives citoyennes
pour accélérer les transitions, et sur les suites à donner à Deqlic, ainsi que les pistes de
recherche à approfondir.

                                    L'action citoyenne, accélératrice de transitions vers des modes de vie plus durables - 7 
L'action citoyenne, Commissariat général au développement durable
Introduction

 8 - L'action citoyenne, accélératrice de transitions vers des modes de vie plus durables
L'action citoyenne, Commissariat général au développement durable
Partie 1

Caractéristiques et
état des lieux des
initiatives citoyennes :
une transition sociétale en
actions

                        >
L'action citoyenne, Commissariat général au développement durable
Partie 1 : Etat des lieux des initiatives citoyennes : une transition sociétale en actions

Si les résultats de recherche nous conduisent à nous interroger sur les initiatives citoyennes, il
est en premier lieu nécessaire de définir le périmètre de notre exploration. Qu’est-ce qu’une
initiative citoyenne ? Comment repérer ces initiatives ? Où sont-elles et comment émergent-
elles ? Lesquelles analyser ?
Cette première partie donne des éléments de définition, ainsi que quelques caractéristiques
communes aux initiatives citoyennes, dans l’acception que nous en avons. Loin d’être une
définition unique, ces éléments permettront cependant de circonscrire le domaine de travail.

Initiatives citoyennes : des habitants moteurs au cœur de
l’action
Pour approcher l’objet « initiative citoyenne » et en comprendre le contour, voici deux récits de
création.

La Ressourcerie verte

L’association « la Ressourcerie Verte » est née d’un collectif d’habitants de Romans-sur-Isère,
motivés pour agir dans le domaine de la réduction des déchets et de la sensibilisation du grand
public au gaspillage. Ce collectif a organisé un premier événement, « Faites de la récup' », en
novembre 2009 qui a rassemblé plus de 800 personnes.
Après une formation auprès du réseau national des ressourceries en 2010, le collectif d'habitants
a réalisé une étude de faisabilité et un diagnostic de territoire en 2011, avec la participation
active d'une trentaine de bénévoles et des partenaires locaux. Ils ont mobilisé tous les
partenaires du réemploi sur Romans en 2012 (Emmaüs, la régie de quartier Monnaie Services,
la Plateforme d'insertion par l'humanitaire et la coopération, l'ex-communauté d'agglomération du
pays de Romans) et ont collectivement défini un projet associatif.
C’est ainsi qu’est née la Ressourcerie verte qui a ensuite constitué un groupement solidaire des
acteurs du réemploi, la recyclerie coopérative Nouvelle R, pour développer des actions visant la
réduction des déchets et le développement de la réutilisation des objets.
Composée aujourd’hui de 400 habitants adhérents, l'association fonctionne selon une
gouvernance sociocratique2 très partagée avec des cercles participatifs, des techniques
d'animation mobilisant l'intelligence collective et des prises de décision par consentement.
Pour l'animatrice du projet, « la participation est un axe majeur et fondateur du projet : il est
essentiel de prendre le temps de rencontrer tous les acteurs existants pour faire avec tous et
faire mieux tous ensemble »3.

> En savoir plus : http://www.recyclerie-nouvelle-r.fr/ et http://laressourcerieverte.com
2    La sociocratie est « un mode de prise de décision et de gouvernance qui permet à une organisation de se comporter
     comme un organisme vivant, de s’auto-organiser », cf. John A. Buck, Gérard Endenburg, La sociocratie – les forces
     créatives de l'auto-organisation, 2004. « Fondée sur la cybernétique et la théorie des systèmes, la sociocratie est une
     approche qui mobilise l'intelligence collective de tous les membres d'une organisation et assure une prise de décision
     sans objection garantissant une efficacité optimale », cf. http://www.sociocratie.net/
3    Entretien avec Karine Charles – coordonnatrice du projet- Mai 2016

 10 - L'action citoyenne, accélératrice de transitions vers des modes de vie plus durables
Partie 1 : Etat des lieux des initiatives citoyennes : une transition sociétale en actions

Les Incroyables comestibles

C’est à Todmorden en 2008 qu’est né le mouvement des « Incroyables comestibles ». Dans
cette ville de Grande-Bretagne touchée par la crise, le poids et les effets négatifs du système
économique se font fortement ressentir. « Soucieux de l'état du monde que nous allions léguer
aux générations futures, nous savions qu'il fallait trouver rapidement un nouveau mode de vie. »4

Pamela Warhurst et Mary Clear, deux habitantes, ont souhaité recréer du lien entre les habitants
de la ville, avec la volonté d'agir concrètement pour changer les modes de vie. « Alors nous
nous sommes demandé s'il était possible de trouver un langage universel, un langage qui
transcenderait les différences (…) Un tel langage existe : la nourriture »5. Si la nourriture
constitue le lien potentiel entre les habitants, c'est l'action, le faire-ensemble, qui devient le
moyen de créer et développer ce lien : « finis les discours, finie l'inertie (…) il est temps d'agir »6.
Le projet est alors de permettre à tous de jardiner collectivement les espaces de la ville : au
départ, un simple jardin dont les murs écroulés invitent au partage, et, petit à petit, même la
police jardine l'espace public.

                            Les policiers-jardiniers de Todmorden
                            (source : Flickr - Incroyables Comestibles Poissy, consulté en septembre 2016)

Si la prise de conscience individuelle, le regroupement des bonnes personnes et des bonnes
compétences au bon moment, ainsi que la démonstration par l'action ont permis de transformer
Todmorden, les difficultés ne sont pas absentes. C’est en particulier le cas du lien difficile avec
les institutions, et des craintes des habitants qu’il faut convaincre.

Le mouvement est aujourd'hui international : des collectifs locaux des incroyables comestibles
installent des bacs de « nourriture à partager » un peu partout dans le monde.

4   cf. Pam Warhurst, Les Incroyables Comestibles, Mai 2015, Actes Sud – Colibris.
5   cf. Pam Warhurst, Les Incroyables Comestibles, Mai 2015, Actes Sud – Colibris.
6   cf. Pam Warhurst, Les Incroyables Comestibles, Mai 2015, Actes Sud – Colibris.

                                            L'action citoyenne, accélératrice de transitions vers des modes de vie plus durables - 11 
Partie 1 : Etat des lieux des initiatives citoyennes : une transition sociétale en actions

Définition et origines des initiatives citoyennes : le besoin
    d’agir et d’innover à son échelle
Ces deux premiers exemples nous permettent de cerner un peu plus l'objet de l'étude
notamment en indentifiant des points communs : la présence d'habitants moteurs, le besoin de
changement, l’importance de l’action et du collectif.
Les différents exemples cités, et mis en regard avec des réflexions théoriques, nous permettent
à présent de proposer une définition et un périmètre pour l'objet de nos travaux.

Point d’entrée : l’innovation par et pour les citoyens dans un but de transition

Les initiatives citoyennes seront donc entendues comme des démarches ascendantes portées
par des individus en dehors de l'action institutionnelle et des politiques publiques. Plus
précisément, dans cette étude, on s'intéresse aux initiatives qui :
    • témoignent d'une évolution des modes de vie vers plus de durabilité (agriculture urbaine,
         habitat participatif, monnaies locales…) ;
    • portent une visée transformatrice de la société (lien avec les transitions écologique,
         énergétique, et solidaire) ;
    • sont plutôt en construction d'une alternative qu’en opposition à un projet institutionnel ;
    • permettent aux citoyens de faire, d'agir directement.

Les initiatives citoyennes ainsi caractérisées constituent alors des formes d'innovation sociale
et territoriale, définie comme suit par le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire
(CSESS) :
« L’innovation sociale consiste à élaborer des réponses nouvelles à des besoins sociaux
nouveaux ou mal satisfaits dans les conditions actuelles du marché et des politiques sociales, en
impliquant la participation et la coopération des acteurs concernés, notamment des utilisateurs et
usagers. Ces innovations concernent aussi bien le produit ou le service, que le mode
d’organisation, de distribution, dans des domaines comme le vieillissement, la petite enfance, le
logement, la santé, la lutte contre la pauvreté, l’exclusion, les discriminations… »7.

Dans son rapport intitulé L’innovation au pouvoir, Akim Oural insiste sur sa visée transformatrice,
son ancrage et son adaptation au contexte local, ainsi que sur sa dimension participative ; il
définit l’innovation territoriale comme une « réponse nouvelle à une problématique et/ou un
besoin identifiés collectivement dans un territoire, en vue d’apporter une amélioration du bien-
être et un développement local durable », « l'innovation pour et par le territoire »8.

Lydie Laigle et Nathalie Racineux, dans une précédente étude sur le sujet, retiennent la notion
« d'initiatives citoyennes de transition socio-écologique » qui « relèvent d’une mise en
capacité d’agir collective et locale d’une diversité d’acteurs (citoyens, milieux associatifs et
économiques…) partageant des compétences, savoir-faire et expérimentations, afin de mettre en

7    Rapport de synthèse du groupe de travail Innovation sociale, CSESS, décembre 2011
8    Akim Oural, Rapport « L'innovation au pouvoir ! Pour une action publique réinventée au service des territoires », Avril 2015

 12 - L'action citoyenne, accélératrice de transitions vers des modes de vie plus durables
Partie 1 : Etat des lieux des initiatives citoyennes : une transition sociétale en actions

lien leurs manières de vivre et de produire sur leur territoire (leurs manières d’habiter, de se
déplacer, de se nourrir…) »9 ; elles impliquent aussi un véritable changement social, « une
dynamique d’action collective (…) et des formes de coopération plus soutenues entre l’État, les
collectivités locales et les acteurs de la transition ». Selon les auteures, « Insister sur le lien
entre le social et l’écologie consiste à reconnaître que ces initiateurs de transition
s’appuient sur le lien social et une économie plus coopérative pour poursuivre des visées
écologiques. Cela consiste aussi à veiller à ce que la transition ne soit pas inégalitaire, c’est-à-
dire qu’elle n’évince pas les plus pauvres et les plus précaires, ni ne mette à l’écart de la
transition certains territoires »10.

Les initiatives citoyennes au cours du temps

Historiquement, l'origine des initiatives citoyennes concourant à la transition remonte au début
du 20ème siècle, avec le Mouvement des « castors » autoconstructeurs. Leur développement
s'accélère depuis les années 1970 et 1980, avec notamment :
    • le développement des mouvements prônant le retour à la terre : émergence de la
        permaculture, et 1er écovillage créé en 1976 en Australie ;
    • la création des premières sociétés anonymes à participation ouvrière en 1981 ;
    • le mouvement altermondialiste pour une autre économie en 1984 ;
    • les mouvements de l’Économie sociale et solidaire ;
    • les Slow Food en 1989 ;
    • la naissance des premiers SEL (Systèmes d’échange locaux) en France en 1994.

En 2008, la publication du Manuel de la Transition par Rob Hopkins11 engendre une deuxième
accélération de ces initiatives citoyennes, avec notamment la création du Mouvement des villes
en transition en 2009, et les premières monnaies locales en Grande-Bretagne en 2010 12.

En 2007, la création du Mouvement Colibris, fondé par Pierre Rabhi et Cyril Dion, donne une
nouvelle dimension aux initiatives citoyennes en proposant de les relier. Sa mission est en effet
d’« inspirer, relier et soutenir les citoyens qui font le choix d’un autre mode de vie »13. On retrouve
dans cette expression la notion de changement et de transition.

Après les films d’alerte et catastrophistes sur le changement climatique, le cinéma change
d’approche et s’empare du sujet des initiatives citoyennes de transition. Dès 2010, le film
Solutions locales pour un désordre global de Coline Serreau témoigne des alternatives déjà
mises en œuvre dans le monde. En 2015, le film Demain, de Cyril Dion et Mélanie Laurent,
sous-titré « parcourir le monde des solutions », donne à voir de nombreuses initiatives, dans une
vision systémique. A travers le prisme de l'énergie, de l'alimentation et de la finance, le scénario
du documentaire permet en effet de lier les différentes initiatives.

9  L. Laigle, N. Racineux, Rapport Théma « Initiatives citoyennes et transition écologique : quels enjeux pour l'action
   publique ? » - CGDD Juin 2017
10 Ibid.
11 Rob Hopkins, Manuel de transition – De la dépendance au pétrole à la résilience locale, 2010
12 O. Galibert, F. Dubois, Rapport final Villes en Transition –- Movida, Juillet 2014
13 cf. https://www.colibris-lemouvement.org/mouvement (consulté le 20/09/2016)

                                            L'action citoyenne, accélératrice de transitions vers des modes de vie plus durables - 13 
Partie 1 : Etat des lieux des initiatives citoyennes : une transition sociétale en actions

Les raisons de l’émergence des initiatives citoyennes

Selon plusieurs experts, les initiatives citoyennes naissent et se nourrissent d'un contexte
paradoxal qui voit grandir un rejet et une crise des institutions, qui engendrent, dans le même
temps, le développement de l'auto-organisation des citoyens et un regain d'initiatives citoyennes.
Plus précisément, certaines initiatives peuvent émerger dans le but de répondre à des enjeux qui
semblent non pris en compte par les institutions. « Pourquoi l’innovation sociale a-t-elle pris
autant d’importance depuis une décennie ? En premier lieu, parce que les structures et les
politiques existantes se sont montrées incapables de répondre à certains des principaux défis de
notre époque, tels que le changement climatique, l’épidémie mondiale de maladies chroniques,
et l’accroissement des inégalités. »14

Ces initiatives correspondent à une prise de conscience éco-citoyenne, au développement d'une
société plus collaborative, accélérée par le numérique et à une volonté d'agir autrement face à la
crise. Pour le journaliste Pierre-Henri Allain, nous sommes face à « l'émergence, dans nos
sociétés contemporaines, d'une envie de consommer autrement : moins, mais mieux et en
partageant ou en échangeant avec d'autres. Ce temps du partage a pris largement racine dans
la violente crise économique de ces dernières années, qui a poussé nombre de consommateurs
à trouver d’autres moyens de satisfaire leurs besoins. Mais ses racines vont beaucoup plus loin,
dans une prise de conscience des abus de la surconsommation et surtout de ses méfaits sur nos
organismes et sur la planète. »15

Pour Robin Murray, l'essor des initiatives citoyennes date de mai 1968 et subit une accélération
ces dernières années avec un aspect nouveau : la reprise en main par des habitants de
politiques publiques jugées inefficaces ou non durables :
« Nés sur les brûlis de Mai 68, les essais de prise en charge par des groupes de citoyens de
fonctions jusque-là dévolues à l’État se sont multipliés ces dernières années. Les exemples
foisonnent : là où le ministère de l’agriculture organisait la production, le contrôle qualité et la
distribution, les AMAP16 cherchent le circuit court du paysan aux consommateurs. Il en va de
même pour le ministère du budget vis-à-vis des SEL 17. Les innombrables associations
humanitaires d’aide aux nécessiteux font le travail naguère dévolu au ministère des affaires
sociales ; les associations de lutte contre l’illettrisme ou de soutien scolaire celui du ministère de
l’Education Nationale ; les fêtes des voisins ou les flashmobs n’attendent pas que le ministère de
la culture organise les choses ; le covoiturage s’organise sans l’appui du ministère des
transports ; le crowdfunding se substitue à l’action du ministère du développement industriel…
Les exemples pourraient ainsi être multipliés. Même dans les domaines les plus régaliens, les
plus consubstantiels à l’action de l’État, les citoyens s’auto-organisent. »18

14 Robin Murray, Julie Caulier-Grice, Geoff Mulgan, The Open Book of Social Innovation, Nesta / Young Foundation, 2010
15 cf. Article de Pierre-Henri Allain, « le non marchand des possibles », paru dans Libération du 27/12/2015 :
   http://www.liberation.fr/planete/2015/12/27/le-non-marchand-des-possibles_1423142 (consulté le 20/09/2016)
16 AMAP : Association pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne
17 SEL : Système d'Echanges Local
18 Robin Murray, Julie Caulier-Grice et Geoff Mulgan, The Open Book of Social Innovation, Nesta / Young Foundation,2010

 14 - L'action citoyenne, accélératrice de transitions vers des modes de vie plus durables
Partie 1 : Etat des lieux des initiatives citoyennes : une transition sociétale en actions

Un autre moteur de l’initiative réside dans la déception du politique : l’initiative citoyenne peut
alors émerger pour faire (re)vivre la démocratie.

Le chercheur Clément Mabi, dans le rapport du Think tank Renaissance numérique, dresse ce
constat :
« Nos démocraties se retrouvent aujourd’hui dans une situation paradoxale : le niveau de
défiance des citoyens grandit comme l’attestent les niveaux records d’abstention atteints lors des
dernières élections. Dans le même temps, ce rejet des institutions cohabite avec une exigence
toujours plus forte de démocratie. Les initiatives citoyennes se multiplient à travers l’Europe
(Podemos en Espagne, Syriza en Grèce) ou en France, à l’exemple du village de Saillans qui a
entièrement repensé sa gouvernance grâce à l’implication de citoyens profanes. »19 Selon lui, les
initiatives citoyennes se développent dans un contexte de quintuple crise de notre système
politique : « crise de la participation symbolisée par la montée de l’abstention ; [crise] de la
représentation rendue visible par la montée des extrêmes ; [crise] de la légitimité des
mandataires qui se voient constamment remise en cause ; [crise] des institutions devenues
illisibles et [crise] du résultat, dans la mesure où les citoyens considéreraient de moins en moins
la politique comme un levier de transformation de nos sociétés »20.

Selon un sondage de mars 2016 (Sondage réalisé par Harris Interactive pour le mouvement
citoyen « Le Réveil de la France »)21, deux Français sur trois considèrent que les politiques sont
« incapables d’apporter des solutions efficaces » et pour y remédier plus de huit sondés sur dix
se disent en outre favorables à une démocratie « collaborative ».

19 C. Mabi, « Démocratie : mise à jour - 13 propositions pour une version améliorée de l’État, sa posture et son équilibre
   démocratique » – Rapport de Renaissance numérique, Avril 2016,
   http://www.lagazettedescommunes.com/telechargements/LB_DEMOCRATIE_MAJ.pdf (consulté le 15 septembre 2016)
20 Ibid.
21 Ibid.

                                           L'action citoyenne, accélératrice de transitions vers des modes de vie plus durables - 15 
Partie 1 : Etat des lieux des initiatives citoyennes : une transition sociétale en actions

        FOCUS SUR... des initiatives qui répondent aux enjeux des politiques
        publiques de transition

         Se saisir du changement climatique pour construire un projet de territoire
        avec les habitants : l’exemple d’ECOLOCAL
        L’association d’habitants ECOLOCAL s’est créée à Narbonne, territoire en prise à
        des transitions multiples entre risques inondations, submersions marines et très
        paradoxalement des sécheresses tout aussi sévères qu’inattendues, ainsi que des
        grands projets comme la ligne à grande vitesse Montpellier-Barcelone ou les parcs
        éoliens. ECOLOCAL a décidé de s’emparer de ces questions à partir de la
        problématique suivante : « et si le changement climatique était l’opportunité de
        repenser nos lieux de vie ensemble ? ». L’objectif visé est l’écriture de nouveaux
        récits du territoire et de la ville, par les habitants eux-mêmes. Cela pourrait se
        traduire par un SCOT-CH, c’est-à-dire le « schéma de cohérence territorial dit
        création des habitants » qui pourra alimenter le SCoT institutionnel.
        En savoir plus : http://www.narbona.org/

         Reconquérir le              foncier pour une agriculture respectueuse de
        l’environnement : Terres de Liens
        Accès au foncier agricole pour les petites exploitations, promotion de l’agriculture
        biologique : l’action de Terres de Liens se situe clairement dans les politiques
        publiques de l’État et des collectivités. L’association a trois moyens d’action et
        intervient dans toute la France - une foncière dans laquelle les citoyens peuvent
        épargner, la fondation ouverte aux dons, et l’association – ce qui lui permet de
        racheter des fermes pour permettre l’installation d’agriculteurs, en maintenant ainsi
        l’activité agricole là où elle est menacée.
        En savoir plus : https://www.terredeliens.org/

         La pension de famille Les Thermopyles
        La prise en charge de la construction d'une pension de famille par une association de
        citoyens d’un quartier de Paris créée des difficultés de compréhension et de dialogue
        avec les institutions (notamment l’OPAC). Le projet développé a plusieurs aspects
        « décalés » : travail avec un café associatif, bénévolat des habitants du quartier qui le
        souhaitent, activités associatives ouvertes aux pensionnaires...
        En savoir plus : http://maisondesthermopyles.fr/

 16 - L'action citoyenne, accélératrice de transitions vers des modes de vie plus durables
Partie 1 : Etat des lieux des initiatives citoyennes : une transition sociétale en actions

Les initiatives citoyennes : des individus engagés ;                                                                           un
processus d'empowerment en plusieurs étapes
Répondre à un besoin ou à un manque de la société « en faisant », c’est ce qui semble
constituer le moteur des initiatives citoyennes. Mais au-delà de l’action même, l’initiative
citoyenne apporte aussi au citoyen en tant qu’individu.

Porteuses de sens et de transformation positive, les initiatives citoyennes sont portées par des
individus très impliqués, militants, bénévoles, éducateurs, animateurs … qui cherchent un
nouveau sens à leur action et souhaitent contribuer personnellement, par leur implication, à un
projet collectif de transformation. Dans la majorité des initiatives rencontrées, équivalence des
acteurs et points de vue, écoute et bienveillance, intelligence collective et travail collaboratif
fondent les règles du jeu collectif : chaque personne est considérée avec respect, pour ce qu'elle
est et pour ce qu'elle fait. Cette expérience collective implique souvent un parcours préalable de
transformation personnelle, un travail sur soi, et dans tous les cas, un fort engagement
personnel, voire intime, de chacun : « Sois le changement que tu veux voir dans le monde » est
l'un des principes de Gandhi le plus cité et appliqué par les porteurs d'initiatives citoyennes.

Du citoyen « consommateur » au citoyen « faiseur »

Pour Robin Murray, les habitants ne se contentent plus d’attendre de l'Etat qu'il fasse tout : ils
s'auto-organisent pour pallier les manques des politiques publiques ou accélérer leur évolution.
« Ce phénomène est nouveau. Il correspond à des sociétés dans lesquelles le niveau
d’instruction est élevé, et où les individus ne souhaitent plus subir mais prétendent, à leur niveau
et avec leurs proches, bâtir leur propre destin. Il est puissamment appuyé, dans son passage à
la réalisation concrète, par les moyens nouveaux de communication (internet, mails, réseaux
sociaux, smartphones, etc. »22
Le Mouvement Do it yourself avec l’explosion du nombre de tiers lieux (« fablabs », « repair
café », ateliers de coworking ou autres) en est une illustration.

Cela témoigne du passage de l’État providence à « l'âge du faire citoyen » selon la formule
d'Alexandre Jardin, créateur du mouvement Bleu Blanc Zèbre. La charte du mouvement
interpelle notamment les politiques en revendiquant le pouvoir d’agir citoyen : « Laissez-nous
faire, nous les Faizeux, celles et ceux qui agissent au quotidien pour trouver des solutions
performantes aux maux qui rongent notre société. »23 De même, la co-fondatrice des Incroyables
Comestibles décrit les principes de son mouvement avec les expressions suivantes : « de
l'action, pas des discours », « nous ne sommes pas des victimes » et « ne pas se refiler la patate
chaude »24.

22 R. Murray, J. Caulier-Grice, G. Mulgan, The Open Book of Social Innovation, Nesta / Young Foundation (2010)
23 cf. http://www.bleublanczebre.fr/bbz-c-est-quoi/l-appel-des-zebres (consulté en mars 2017)
24 Pam Warhurst, Les Incroyables Comestibles, Mai 2015, co-édition Actes Sud – Colibris.

                                          L'action citoyenne, accélératrice de transitions vers des modes de vie plus durables - 17 
Partie 1 : Etat des lieux des initiatives citoyennes : une transition sociétale en actions

Plusieurs facteurs expliquent ainsi cette dynamique d'émergence d'initiatives citoyennes qui
semble fonder un nouveau rapport entre l’individu et la société 25 :
    • la perte de confiance entre le citoyen et les politiques, la défiance envers les institutions,
    • le développement du partage et de la société collaborative comme alternative et
       complément à la consommation individuelle,
    • une revendication grandissante de citoyenneté plus active et de démocratie plus
       participative,
    • les opportunités offertes par le numérique : réseaux sociaux, espaces collaboratifs, open
       source, big data, open data, MOOC…

FOCUS SUR... des citoyens qui accompagnent et qui « font »

Si les exemples précédents sont également caractérisés par l’action et la production par les
citoyens, les trois suivants montrent des initiatives citoyennes qui en accompagnent d’autres via
des actions concrètes, et jouent ainsi un rôle de facilitateur et de mise en réseau que pourrait
tenir une collectivité.

 Le guide « Agir à Lyon » par Anciela
L’association Anciela a pour but d’accompagner
gratuitement les initiatives citoyennes écologiques et
solidaires, notamment via une pépinière d’initiatives. En
2015, Anciela a réalisé un guide recensant 400 façons d’agir
à Lyon et ses alentours. De la participation au Conseil de
développement à l’action de collectifs comme Les
Incroyables Comestibles, toutes les dimensions de la
participation et de l’action citoyennes sont présentes.
En savoir plus : http://www.anciela.info/guide/

 L'association « La marmite » du pays de
Questembert en Bretagne
Centre d'échange et de ressources associatif co-géré par 16
habitants co-présidents réunis en bureau collégial, il
accompagne les porteurs de projets, d'idées et d'initiatives
individuelles ou collectives, qui peuvent être des personnes
en recherche d'emploi, en reconversion ou en situation Extrait du guide Anciela, les façons d'agir
précaire, des nouveaux arrivants, des agriculteurs futurs cartographiées- www.anciela.org
cédants de leur exploitation en milieu rural. Il met également
en place un programme de sensibilisation des habitants du territoire aux transitions écologiques
et sociétales26.
En savoir plus : http://www.association-la-marmite.fr/

 Rues du développement durable (RDD)
25 cf. Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, « Penser autrement les modes de vie en 2030,
   Cahier des signaux faibles », Décembre 2014

 18 - L'action citoyenne, accélératrice de transitions vers des modes de vie plus durables
Partie 1 : Etat des lieux des initiatives citoyennes : une transition sociétale en actions

L’association RDD a pour objet la dynamisation du quartier du Crêt de Roch à Saint-Étienne via
l’accompagnement de projet solidaires, artistiques, etc. Espace de co-working, garage à vélo
partagé, installation d’activités : l’action de RDD revitalise les rez-de-chaussées du quartier.
En savoir plus : http://www.ruesdudeveloppementdurable.fr/

Le pouvoir d’agir, un processus

Les initiatives citoyennes font écho à une expérience vécue par les individus qui les conduisent
et les mettent en œuvre. Le résultat de l’initiative n’est alors que la partie visible d’un processus
d’émancipation des individus, de questionnement individuel et de dynamique collective.

Ce processus a été décrit par un travail de recherche mené par l’association Anciela 27, qui définit
différentes « trajectoires d’engagement citoyen ». Que ce soit pour porter un projet propre,
décliner dans la vie citoyenne des compétences professionnelles, agir dans le sens de ses
convictions, chaque participant à une initiative citoyenne inscrit son action dans son histoire
personnelle.
Le travail d’Anciela permet aussi de distinguer deux étapes dans l’engagement citoyen :
     • les déclics ou les ruptures de vie qui amorcent l’engagement (tel un ciné-débat qui donne
        envie d’agir) ;
     • l’intégration d’un groupe (qui permet d’agir).

EXEMPLES AVEC...

Les Incroyables Comestibles, une aventure humaine avant tout
Si le mouvement des Incroyables Comestibles est connu pour proposer des bacs à jardiner et de
la nourriture à partager, sa naissance dans la ville de Todmorden est issu d’un processus qui
n’est pas – au départ – axé sur l’agriculture urbaine. Pam Warhurst – co-fondatrice du
mouvement – explique en effet que, dans un contexte de crise industrielle, sa volonté était de
retisser du lien social et de la solidarité, l’alimentation étant utilisée comme un « langage
commun ».
En savoir plus : http://lesincroyablescomestibles.fr/causes/livres/

La SCOP Les Amanins : tout un parcours de formation à la transition
Les Amanins est un centre agroécologique qui regroupe une ferme, un centre d'accueil éco-
construit et une école primaire, créé par Pierre Rahbi et Michel Valentin. Plusieurs stages
d'accompagnement des transitions individuelles vers la transition collective sont proposés :
« Ecole de la nature et des savoirs – stage piloter sa transition », « Atelier école du colibri et
pédagogie de la coopération », etc.
En savoir plus : http://www.lesamanins.com/

26 cf. http://www.bastamag.net/Produits-bios-librairie-brasserie-theatre-ebullition-d-alternatives-en-milieu
27 cf. Article « L’engagement des citoyens en faveur de la transition écologique et citoyenne et des alternatives sociales »,
   Anciela, 2014 : http://www.millenaire3.com/ressources/l-engagement-des-citoyens-en-faveur-de-la-transition-ecologique-
   et-citoyenne-et-des-alternatives-sociales (consulté en juin 2017)

                                            L'action citoyenne, accélératrice de transitions vers des modes de vie plus durables - 19 
Partie 1 : Etat des lieux des initiatives citoyennes : une transition sociétale en actions

L’action collective, l'ancrage territorial et la mutualisation comme points communs

Ancrées au territoire (quartier, hameau, village …), les initiatives citoyennes mobilisent l'expertise
d'usage des habitants, et répondent ainsi à des enjeux qui sont bien identifiés par les personnes
qui s’intéressent à la vie de leur quartier ou territoire : enjeux d'animation, de développement du
lien social, de promotion de la capacité des habitants à s’impliquer. Elles revendiquent une vision
positive de la participation des habitants et défendent l'intérêt du renforcement du pouvoir d'agir
citoyen.

Ce qui les caractérise, « c’est leur dimension collective, et une organisation portée par des
habitants, avec ou pour d’autres habitants :
• Organisation d’actions conviviales, permettant la rencontre et l’échange dans les quartiers :
carnaval, repas des voisins, apéritifs de bas d’immeuble, ateliers manuels, fêtes d’îlot, animation
de jardins partagés, groupes d’échanges de savoirs … sont les actions les plus fréquemment
soutenues ;
• Réponse à des besoins considérés comme insuffisamment pris en compte par ailleurs : gardes
d’enfants, covoiturage, épicerie sociale … ;
• Interpellation des responsables politiques ou des professionnels pour faire entendre une parole
citoyenne, faire remonter des mécontentements ou des propositions ... »28

Ces initiatives réhabilitent l'habitant en tant qu'acteur et auteur d'un nouveau service ; ce dernier
n'est plus considéré comme un simple usager, bénéficiaire ou client-consommateur d'un bien ou
service mais comme co-créateur de celui-ci : elles partent de l'habitant-expert d'usage, le place
au centre de l'action et le mettent en mouvement en activant son pouvoir d'agir. C’est bien
l’action qui est au cœur de fonctionnement collectif de l’initiative.

Basées et fécondées par l'intelligence collective, la coopération entre habitants, la mutualisation
des savoirs et savoirs faire de chacun, elles se nourrissent de l’énergie et de l’inventivité des
citoyens.

28 « Le soutien aux initiatives d'habitants- Etat des lieux et perspectives » - Actes de la Rencontre du 1er juillet 2014
   organisée par l'APRAS à Rennes

 20 - L'action citoyenne, accélératrice de transitions vers des modes de vie plus durables
Partie 1 : Etat des lieux des initiatives citoyennes : une transition sociétale en actions

FOCUS SUR... initiatives citoyennes et intelligence collective pour agir

Anciela donne des formations sur les outils pour les porteurs d’initiatives citoyennes, comme
« Remue-méninges et imagination d’idées » ou encore « Animer les débats, les réunions et les
dispositifs participatifs ».
Les Dialogues en humanité témoignent également d'un esprit d'échange et de partage :
« Dans un cercle, sur un thème, chacun ôte sa "casquette", écoute, parle vrai, témoigne et
propose, dans le respect mutuel et l'ouverture. »
La Fabrik à Déclik, événement qui vise à donner des perspectives d'actions aux jeunes, utilise
aussi fortement les outils de l'intelligence collective : ateliers d'inspiration et d'introspection,
méthode SPIRAL, etc. En savoir plus : fabrikadeclik.fr
Dans le supermarché coopératif La cagette, chaque coopérateur s’engage à participer au
fonctionnement du magasin, à hauteur de 3 heures par mois, ce qui lui donne accès aux produits
du magasin et au droit de vote (une personne = une voix) à l'AG de la coopérative de
consommation. En savoir plus : http://lacagette-coop.fr/
L’habitat partagé Habiterre a choisi une gouvernance participative. La création de la SCI a été
complétée par une « charte coopérative » qui promeut notamment le principe « une personne =
une voix ».

Une montée en compétence dans l’empowerment

Au-delà d’une trajectoire personnelle qui trouve à s’incarner dans une action collective, c’est
aussi une prise de confiance et une montée en compétence qu’acquièrent les participants à une
initiative citoyenne.

L'initiative citoyenne, comme la capacité d'agir individuelle, constituent en effet un processus
d'apprentissage en plusieurs étapes touchant à différentes dimensions. Selon l'étude réalisée
par Marie-Hélène Bacqué et Carole Biewener 29, ce processus peut être modélisé comme suit :
     • Tout d’abord le développement de « compétences et des savoir-être individuels (…) : la
          prise de parole en public, l’argumentation et les capacités d’organisation et de gestion du
          temps ».
     • Ces premières compétences permettent au citoyen de prendre confiance en lui, et de
          développer ensuite « la capacité (...) à « agir sur » ou « agir avec » et in fine à s’inscrire
          dans une démarche collective. (…) Les citoyens apprennent de manière progressive à
          s’organiser entre eux (…). » ce qui leur permet de dialoguer avec les institutions.
     • « La dernière dimension du pouvoir d’agir citoyen est politique. Elle renvoie à la capacité
          des individus et des groupes à penser et à mener des actions destinées à changer la
          société. »

29 BACQUE Marie-Hélène et BIEWENER Carole, L’empowerment. Une pratique émancipatrice, Paris, La Découverte, 2013,
   pp.21-31

                                       L'action citoyenne, accélératrice de transitions vers des modes de vie plus durables - 21 
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