De droit comparé Belgique - ÉTUDE - European Union
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Le droit à la santé,
une perspective
de droit comparé
Belgique
ÉTUDE
EPRS | Service de recherche du Parlement européen
Unité Bibliothèque de droit comparé
Mars 2022 – PE 729.344 FRLE DROIT À LA SANTÉ,
UNE PERSPECTIVE DE DROIT COMPARÉ
Belgique
ÉTUDE
Mars 2022
Résumé
Ce document s’intègre dans une série d’études visant à présenter le droit à la santé dans
différents ordres juridiques, et ce dans une perspective de droit comparé. La présente étude
est pour sa part consacrée à la protection de la santé en Belgique.
Le droit à la protection de la santé a été introduit dans la Constitution belge en 1994 et, à
l’heure actuelle, ses contours ne sont pas encore précisément déterminés – à ceci près qu’il
est clair qu’il s’agit d’un droit à la protection de la santé, et non un droit à la santé à
proprement parler. Il revêt une dimension collective (c’est la protection de la santé publique)
ainsi qu’une dimension individuelle (chacun a droit à la protection de la meilleure santé
possible). Dans le contexte de la crise sanitaire lié au COVID-19, la protection de la santé (en
particulier dans sa dimension collective) a justifié des restrictions à d’autres droits.
Après une brève introduction consacrée aux premières occurrences de législations relatives
à la protection de la santé, sont analysées la législation et la jurisprudence actuelles en la
matière. Nous terminons cette étude par une présentation de certains conflits normatifs qui
peuvent surgir entre la protection de la santé et d’autres droits fondamentaux.
EPRS | Service de recherche du Parlement européenÉtude
AUTEUR
Ce document a été rédigé par le Prof. Dr Christian BEHRENDT, professeur ordinaire à
l’Université de Liège et à la Katholieke Universiteit Leuven, à la demande de l’Unité
« Bibliothèque de droit comparé », Direction générale des services de recherche parlementaire
(DG EPRS), Secrétariat général du Parlement européen.
EDITEUR
Prof. Dr Ignacio DÍEZ PARRA, chef de l’Unité « Bibliothèque de droit comparé »
Pour contacter l’Unité, veuillez écrire à l’adresse : EPRS-ComparativeLaw@europarl.europa.eu
VERSIONS LINGUISTIQUES
Original : FR
Ce document est disponible sur Internet à l'adresse suivante : http://www.europarl.europa.eu/thinktank
CLAUSE DE NON-RESPONSABILITÉ
L’auteur du présent document est seul responsable de son contenu ; les opinions exprimées
dans le présent document ne reflètent pas nécessairement la position du Parlement européen.
Ce document a été préparé à l’attention des députés et du personnel du Parlement européen
pour les aider dans leur travail parlementaire.
Reproduction et traduction autorisées, sauf à des fins commerciales, moyennant mention de
la source, information préalable à l’éditeur et transmission d’un exemplaire à celui-ci à
l’adresse indiquée ci-dessus.
Manuscrit achevé en mars 2022
Bruxelles © Union européenne, 2022.
Crédits photo : © polack / Adobe Stock
PE 729.344
Papier ISBN 978-92-846-9221-7 DOI:10.2861/68609 QA-05-22-087-FR-C
PDF ISBN 978-92-846-9220-0 DOI:10.2861/38931 QA-05-22-087-FR-N
IIDroit à la santé :
Belgique
Table des matières
Liste des abréviations ......................................................................................................... VII
Synthèse ............................................................................................................................... IX
I. Introduction .................................................................................................................... 1
II. Les dispositions constitutionnelles et infra-constitutionnelles .................................. 2
II.1. Les dispositions constitutionnelles relatives à la protection de la santé .........................2
II.1.1. L’article 12 de la Constitution ...........................................................................................2
II.1.2. L’article 22 de la Constitution ...........................................................................................3
II.1.3. L’article 23 de la Constitution ...........................................................................................3
II.1.3.1 Historique.................................................................................................................4
II.1.3.2 Ses principales caractéristiques .......................................................................4
II.1.3.3 Son contenu relatif à la santé............................................................................5
II.1.3.3.a) Le droit à la protection de la santé et à l’aide médicale ..5
II.1.3.3.b) Le droit à la protection d’un environnement sain .............6
II.1.3.4 Les facteurs qui ont fait évoluer les notions par la suite .........................7
II.1.3.4.a) La reconnaissance des « effets indirects » de l’article 23 de
la Constitution ................................................................................7
II.1.3.4.b) Le processus de fédéralisation de l’État belge et ses
conséquences .............................................................................. 14
II.2. Les dispositions législatives et réglementaires relatives à la protection de la santé 15
II.2.1. Les dispositions fédérales ............................................................................................... 16
II.2.1.1 Les compétences de l’État unitaire .............................................................. 16
II.2.1.2 Les compétences attribuées à l’autorité fédérale .................................. 16
II.2.1.2.a) La législation organique........................................................... 16
II.2.1.2.b) La sécurité sociale....................................................................... 17
II.2.1.2.c) Les mesures prophylactiques nationales........................... 19
II.2.1.2.d) La police des établissements dangereux, insalubres et
incommodes ................................................................................ 20
II.2.1.2.e) L’établissement des normes de produits ........................... 20
II.2.1.2.f) La protection contre les radiations ionisantes, en ce
compris les déchets radioactifs ............................................. 20
II.2.1.2.g) La chaîne alimentaire ................................................................ 21
II.2.1.2.h) Le transport de marchandises dangereuses et le
transport exceptionnel par route ......................................... 21
II.2.1.3 Les compétences résiduelles de l’autorité fédérale .............................. 22
II.2.1.3.a) Les interventions médicales ................................................... 22
II.2.1.3.b) Le sang d’origine humaine et ses dérivés, des organes
humains, leur prélèvement et leur transplantation, et les
implants ......................................................................................... 23
II.2.1.3.c) Le contrôle et la mise sur le marché des médicaments et
produits de santé ainsi que de leur nomenclature ........ 23
II.2.1.3.d) Les services médicaux d’urgence ......................................... 23
II.2.1.3.e) Les professions de soins de santé et les ordres des
médecins et vétérinaires .......................................................... 24
II.2.1.3.f) Les honoraires des médecins et montants pris en charge
par les mutualités ....................................................................... 24
IIIÉtude
II.2.1.3.g)
Les officines pharmaceutiques et leur contrôle, la
profession de pharmacien et l’ordre des pharmaciens 24
II.2.1.3.h) La protection des malades mentaux ................................... 25
II.2.1.3.i) L’aide médicale urgente........................................................... 25
II.2.2. Les dispositions fédérées................................................................................................. 25
II.2.2.1 Les compétences des Communautés ......................................................... 25
II.2.2.1.a) La dispensation de soins dans et en dehors des
institutions de soins, des soins de santé mentale dans les
institutions de soins autres que les hôpitaux, dans les
institutions pour personnes âgées, en ce compris les
services de gériatrie isolés, les soins dans les services
spécialisés isolés de revalidation et de traitement, la
politique de revalidation long term care ........................... 26
II.2.2.1.b) L'organisation des soins de santé de première ligne et le
soutien aux professions des soins de santé de première
ligne ................................................................................................. 26
II.2.2.1.c) La médecine préventive........................................................... 27
II.2.2.2 Les compétences des Régions ...................................................................... 28
II.2.2.2.a) L’exercice des compétences de la Communauté française
........................................................................................................... 28
II.2.2.2.b) Les compétences propres ....................................................... 29
III. La jurisprudence en matière de droit à la protection de la santé ............................. 30
III.1. La jurisprudence de la Cour constitutionnelle ....................................................................... 30
III.1.1. Les contours de l’article 23 de la Constitution et de la protection de la santé
................................................................................................................................................... 30
III.1.1.1 L’effet de standstill............................................................................................. 30
III.1.1.2 Les obligations correspondantes ................................................................. 32
III.1.1.3 Le principe d’égalité et de non-discrimination ....................................... 32
III.1.1.4 La relativité des droits garantis par l’article .............................................. 32
III.1.1.5 Le principe de légalité ...................................................................................... 33
III.1.2. La protection de la santé, un droit lié à d’autres droits ........................................ 34
III.1.2.1 Rappel des fondamentaux.............................................................................. 34
III.1.2.1.a) La méthode combinatoire....................................................... 34
III.1.2.1.b) La théorie de l’ensemble indissociable............................... 34
III.1.2.2 La protection de la santé et le droit à la vie privée ................................ 35
III.1.2.3 La protection de la santé et le droit à l’intégrité physique ................. 36
III.1.2.4 La protection de la santé et le droit des personnes............................... 37
III.1.2.4.a) L’avortement ................................................................................ 37
III.1.2.4.b) L’euthanasie ................................................................................. 37
III.1.2.5 La protection de la santé et le droit de l’environnement .................... 38
III.1.2.6 La protection de la santé et le droit des étrangers ................................ 40
III.2. La jurisprudence et légisprudence du Conseil d’État dans le contexte de la crise
sanitaire ................................................................................................................................................ 42
III.2.1. La répartition des compétences dans un contexte de crise touchant à la santé
publique ................................................................................................................................ 42
III.2.2. Mise en balance de la protection de la santé et d’autres droits fondamentaux
................................................................................................................................................... 43
IVDroit à la santé :
Belgique
IV. La notion de « droit à la santé » et ses limites actuelles et prévisibles à l’avenir ..... 45
IV.1. La notion de droit à la santé .......................................................................................................... 45
IV.2. Un droit aux dimensions individuelle et collective............................................................... 45
IV.3. Les potentiels conflits avec d’autres droits fondamentaux ............................................... 46
IV.3.1. La liberté de circulation.................................................................................................... 46
IV.3.1.1 La liberté de circulation externe ................................................................... 46
IV.3.1.2 La liberté de circulation interne .................................................................... 47
IV.3.2. La liberté de commerce ................................................................................................... 47
IV.3.3. Le droit à la vie..................................................................................................................... 49
IV.3.4. Le droit au respect de la vie privée .............................................................................. 49
IV.3.5. Le droit à l’intégrité physique ........................................................................................ 51
IV.4. Les conditions de limitation des autres droits fondamentaux pour motif sanitaire et
les raisons de l’éventuelle primauté du droit à la santé ...................................................... 53
V. En guise de conclusion ................................................................................................. 55
Liste de la législation citée ................................................................................................. 56
Liste de la jurisprudence citée............................................................................................ 61
Bibliographie ....................................................................................................................... 62
Liste des sites internet consultés ....................................................................................... 64
Liste des publications de la Bibliothèque de droit comparé ........................................... 65
Liste des encadrés
ENCADRÉ 1 ............................................................................................................................. 2
Actuel article 12 de la Constitution ......................................................................................................2
ENCADRÉ 2 ............................................................................................................................. 3
Actuel article 22 de la Constitution ......................................................................................................3
ENCADRÉ 3 ............................................................................................................................. 4
Actuel article 23 de la Constitution ......................................................................................................4
ENCADRÉ 4 ........................................................................................................................... 31
C.C., arrêt n° 135/2006 du 14 septembre 2006 ............................................................................. 31
ENCADRÉ 5 ........................................................................................................................... 31
C.C., arrêt n° 87/2007 du 20 juin 2007 .............................................................................................. 31
ENCADRÉ 6 ........................................................................................................................... 32
C.C., arrêt n° 023/2021 du 25 février 2021 ...................................................................................... 32
ENCADRÉ 7 ........................................................................................................................... 32
C.C., arrêt n° 066/2007 du 26 avril 2007........................................................................................... 32
ENCADRÉ 8 ........................................................................................................................... 32
C.C., arrêt n° 136/2000 du 21 décembre 2000, B.36. ................................................................... 32
ENCADRÉ 9 ........................................................................................................................... 33
C.C., arrêt n° 066/2007 du 26 avril 2007........................................................................................... 33
ENCADRÉ 10......................................................................................................................... 33
C.C., arrêt n° 147/2005 du 28 septembre 2005 ............................................................................. 33
ENCADRÉ 11......................................................................................................................... 34
C.C., arrêt n° 1/2019 du 23 janvier 2019 .......................................................................................... 34
VÉtude
ENCADRÉ 12......................................................................................................................... 35
C.C., arrêt n°136/2004 du 22 juillet 2004 ......................................................................................... 35
ENCADRÉ 13......................................................................................................................... 36
C.C., arrêt n°15/2008 du 14 février 2008 .......................................................................................... 36
ENCADRÉ 14......................................................................................................................... 36
C.C., arrêt n°166/2011 du 10 novembre 2011 ............................................................................... 36
ENCADRÉ 15......................................................................................................................... 37
C.C., arrêt n°122/2020 du 24 septembre 2020 .............................................................................. 37
ENCADRÉ 16......................................................................................................................... 38
C.C., arrêt n°4/2004 du 14 janvier 2004 ........................................................................................... 38
ENCADRÉ 17......................................................................................................................... 38
C.C., arrêt n°37/2019 du 28 février 2019 .......................................................................................... 38
ENCADRÉ 18......................................................................................................................... 39
C.C., arrêt n° 12/2016 du 27 janvier 2016 ........................................................................................ 39
ENCADRÉ 19......................................................................................................................... 40
C.C., arrêt n° 131/2001 du 30 octobre 2001 ................................................................................... 40
ENCADRÉ 20......................................................................................................................... 41
C.C., arrêt n° 43/2013 du 21 mars 2013 ............................................................................................ 41
ENCADRÉ 21......................................................................................................................... 42
C.C., arrêt n° 95/2014 du 30 juin 2014 .............................................................................................. 42
ENCADRÉ 22......................................................................................................................... 42
C.C., arrêt n° 131/2015 du 1er octobre 2015 .................................................................................. 42
ENCADRÉ 23......................................................................................................................... 42
C.C., arrêt n° 131/2015 du 1er octobre 2015 .................................................................................. 42
ENCADRÉ 24......................................................................................................................... 43
C.E., avis n° 47.062/1/V du 18 août 2009 ......................................................................................... 43
ENCADRÉ 25......................................................................................................................... 43
C.E., arrêt n° 248.819 du 30 octobre 2020, § 18. ........................................................................... 43
ENCADRÉ 26......................................................................................................................... 44
C.E., avis n° 70.160/VR du 23 septembre 2021 .............................................................................. 44
VIDroit à la santé :
Belgique
Liste des abréviations
A.P.T. Administration publique (trimestriel)
Amén. Env. Revue Aménagement-environnement
Ass. gén. sect. lég. Assemblée générale de la section de législation (du Conseil d’État)
Ass. gén. Assemblée générale
Ass. réun. Assemblée réunie
B.S.J. Bulletin social & juridique
C. trav. Cour du travail
C.A. Cour d’arbitrage
C.C. Cour constitutionnelle
C.D.P.K. Chroniques de droit public
C.E. Conseil d’État
Cass. Cour de cassation
ch. réun. chambre réunie
Ch. chambre
Chron. D.S. Chroniques de droit social
Civ. Tribunal civil
Cour E.D.H. Cour européenne des droits de l'homme
dir. publication dirigée par
Doc. parl. Document parlementaire
e.a. entre autres
EPRS Service de recherche du Parlement européen
éd., éds. éditeur, éditeurs
FUSL Facultés Universitaires Saint-Louis
ibidem dans le même passage
J.D.J. Journal du droit des jeunes
J.L.M.B. Revue Jurisprudence Liège, Mons, Bruxelles
J.T. Journal des Tribunaux
J.T.T. Journal des Tribunaux du Travail
L.G.D.J. Librairie générale de droit et de jurisprudence
M.B. Moniteur belge
op. cit. opus citatum (étude déjà citée)
Parl. wall. Parlement wallon
VIIÉtude
Pas. Pasicrisie (Recueil de jurisprudence belge, éditée annuellement et
dont la Partie I comprend les arrêts de la Cour de cassation)
R.D.C. Revue de droit commercial
Rev. dr. étr. Revue du droit des étrangers
Rev. dr. santé Revue de droit de la santé
s. ord. session ordinaire
S.E. session extraordinaire
sect. lég. section législation
Sén. Sénat
T.B.P. Tijdschrift voor Bestuurswetenschappen en Publiekrecht
T.R.O.S. Tijdschrift voor Ruimtelijke Ordening en Stedenbouw
voy. voyez
VIIIDroit à la santé :
Belgique
Synthèse
La santé, en ce qu’elle intéresse à la fois le particulier et la société dans son ensemble, revêt
une double dimension, l’une individuelle et l’autre collective. Les premières manifestations de
la protection de la santé ont concerné la santé publique dans des contextes épidémiques.
Ainsi, dès l’indépendance de l’État belge en 1831, un décret sanitaire est adopté dans un
contexte d’épidémie de choléra. Toutefois, la Constitution belge de l’époque – comme la
plupart des autres constitutions contemporaines – ne consacre pas un droit à la protection de
la santé. La consécration constitutionnelle n’en sera réalisée que plus tard, à savoir en 1994,
par l’ajout de l’article 23 de la Constitution. Sur le plan matériel, cette disposition protège la
santé de chaque individu, en garantissant un accès aux soins de santé et en prévoyant, le cas
échéant, une aide médicale. De manière plus générale, l’objectif est de garantir la meilleure
santé, physique et mentale qui soit. Le droit à la santé concerne également la société dans son
ensemble, en visant à améliorer la qualité de la santé publique et s’efforcer de prévenir sa
dégradation.
L’article 23 de la Constitution n’est cependant pas directement invocable par les citoyens –
pour le dire en termes techniques, il ne fait pas naître un droit subjectif – de sorte que sa
concrétisation dépend largement de l’action du législateur. Il n’est pourtant pas dénué
d’effectivité, car il consacre un effet dit de standstill qui empêche les régressions dans la
protection du droit à la santé qui ne seraient pas dûment justifiées. Les contours de cet effet
standstill ont été dessinés par la jurisprudence. Dans ce contexte il faut relever que le
législateur dispose d’une large marge d’appréciation et que le contrôle opéré par le juge, au
niveau du contenu du droit à la protection de la santé, demeure réduit. Dans le contexte
sanitaire lié à la pandémie de COVID-19, le juge a néanmoins été amené à contrôler la mise en
balance de la protection de la santé publique avec les restrictions d’autres droits
fondamentaux. La protection de la santé publique est alors apparue comme un droit qui a
justifié, le cas échéant, une restriction de l’exercice d’autres droits.
La présente étude débute par une brève description des premières occurrences de l’intérêt
des autorités publiques dans le domaine sanitaire (I). La règlementation actuelle qui régit le
droit à la protection de la santé est ensuite exposée (II), ainsi que la jurisprudence
constitutionnelle afférente à cette protection et la jurisprudence administrative sur la
protection dans un contexte de crise sanitaire (III). Enfin, les différents conflits que la protection
de la santé publique est susceptible de générer avec d’autres droits sont évoqués (IV).
Quelques développements conclusifs sont enfin proposés (V).
IXDroit à la santé :
Belgique
I. Introduction
La présente étude entend fournir un aperçu de l’ensemble normatif relatif à la protection de
la santé en droit belge.
La Belgique a une Constitution dont le texte initial a été édicté en 1831. Or, la plupart des
constitutions des XVIIIe et XIXe siècles consacrent principalement des droits civils et politiques ;
les droits socio-économiques comme par exemple le droit au logement, à un revenu minimal
de subsistance ou encore le droit à la santé, sont généralement absents des textes
fondamentaux de cette époque.
La Belgique s’inscrit également dans cette tendance. En effet, au moment de la création de
l’État belge en 1830-1831, le Pouvoir constituant ne consacre pas de droits socio-
économiques. Ceci s’explique par la philosophie libérale qui sous-tend la loi fondamentale du
nouvel État : le point de départ est la liberté individuelle et la non-immixtion de l’État dans la
conduite de la vie des citoyens, point de départ qui n’est pas favorable à l’interventionnisme
étatique qui est nécessaire pour l’effectivité des droits socio-économiques.
La santé publique n’était toutefois pas totalement exclue du champ législatif. La Belgique est
en effet un pays maritime, ce qui veut dire qu’elle est, grâce à ses ports, en contact avec des
pays éloignés, pays dont des épidémies ou maladies contagieuses peuvent émaner. Pour cette
raison, le Congrès national – donc l’assemblée constituante – adopte dès 1831 un « décret
sanitaire » qui permet au Chef de l’État de déterminer « les mesures extraordinaires que
l'invasion ou la crainte d'une maladie pestilentielle rendrait nécessaires sur les frontières de terre
ou dans l'intérieur » 1 et qui consacre également un régime de quarantaine ou d’éloignement
pour les personnes qui proviennent de pays étrangers et qui entendent entrer sur le territoire 2.
On voit donc que ces préoccupations sont bien antérieures à la naissance de l’aviation civile
de masse.
Par la suite, les deux Guerres mondiales ont eu des conséquences sociales et économiques
significatives, rendant le paradigme étatique de non-immixtion de l’État dans la conduite de
la vie des citoyens insuffisant : les travaux de reconstruction ne pouvaient menés à bien que
grâce à l’intervention des pouvoirs publics. Dès ce moment, les droits socio-économiques ont
été davantage consacrés (essor de la notion d’État providence, welfare state en anglais ou
Sozialstaat en allemand) 3.
1
Article 1er du décret sanitaire du 18 juillet 1831.
2
Articles 3 et 4 du décret.
3
Pour plus de développements sur la genèse et l’historique des droits économiques et sociaux en Belgique, voy.
ERGEC, R. (dir.) : Les droits économiques, sociaux et culturels dans la Constitution, Actes du colloque tenu à l’Université
Libre de Bruxelles les 21 et 22 décembre 1994, Bruxelles, Bruylant, 1995, pp. 1-18.
1Étude
II. Les dispositions constitutionnelles et infra-
constitutionnelles
Dans le cadre de ce chapitre, nous consacrons un certain nombre de développements aux
dispositions constitutionnelles, législatives et règlementaires qui garantissent l’accès aux
soins de santé, ou qui consacrent le droit à une santé physique et mentale de qualité ainsi qu’à
celles, à portée collective, qui ont été adoptées en vue d’améliorer la qualité de la santé
publique ou prévenir sa dégradation.
Après un exposé des différentes dispositions constitutionnelles qui organisent la protection
de la santé (II.1), nous faisons état de la législation belge en matière de santé, tant fédérale que
fédérée (II.2).
II.1. Les dispositions constitutionnelles relatives à la protection de
la santé
En droit belge, il n’existe pas, en tant que tel, de « droit à la santé ». On trouve cependant un
droit à la protection de la santé, un droit à l’aide médicale et un droit à la protection d’un
environnement sain. Ces droits forment le socle constitutionnel de la protection de la santé.
Nous concentrerons dès lors le champ de notre étude sur ceux-ci.
Dans le cadre de cette section, notre nous concentrerons principalement sur l’article 23 (3) de
la Constitution, qui est la disposition constitutionnelle qui consacre explicitement le droit à la
protection de la santé. Avant de nous consacrer à cette disposition, il est utile de brièvement
évoquer les articles 12 (1) et 22 (2) de la Constitution.
II.1.1. L’article 12 de la Constitution
La Constitution belge de 1831 n’évoquait aucun « droit à la santé » dans son catalogue de
droits fondamentaux consacré en son Titre II « Des Belges et de leurs droits ». Tout au plus
pouvons-nous déduire, à l’instar d’autres auteurs, du droit à la liberté individuelle, garantie par
l’article 7 de la Constitution originelle (actuel article 12 4) un droit à la vie et au respect de
l’intégrité corporelle 5.
Comme l’écrit Francis DELPÉRÉE, « si je puis me déterminer librement à agir, c’est que je vis, que je
suis libre de mes mouvements, que je dispose à mon gré de ma personne, que je suis protégé dans
mon intégrité physique. La règle de la liberté individuelle implique que soient consacrés, au profit
de l’individu et dans les termes les plus larges, le droit à la vie et les libertés corporelles » 6. Dans cette
perspective, la santé est une condition essentielle à l’exercice effectif du droit à la vie et aux
libertés corporelles, si bien qu’on peut inférer de ces derniers un droit à la protection de la
santé.
ENCADRÉ 1
Actuel article 12 de la Constitution
« La liberté individuelle est garantie.
Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans la forme qu’elle prescrit.
4
La Constitution belge a en effet été coordonnée le 17 février 1994, M.B., 17 février.
5
DELPÉRÉE, F. : Le droit constitutionnel de la Belgique, Bruxelles et Paris, Bruylant et L.G.D.J., 2000, pp. 214 et s. et
VERDUSSEN, M. : Contours et enjeux du droit constitutionnel pénal, Bruxelles, Bruylant, 1995, p. 370.
6
DELPÉRÉE, F. : Le droit constitutionnel de la Belgique, op. cit., p. 215.
2Droit à la santé :
Belgique
Hors le cas de flagrant délit, nul ne peut être arrêté qu’en vertu d’une ordonnance motivée du juge qui doit
être signifiée au plus tard dans les quarante-huit heures de la privation de liberté et ne peut emporter qu’une
mise en détention préventive ».
II.1.2. L’article 22 de la Constitution
L’article 22 de la Constitution, assise constitutionnelle de la protection de la vie privée datant
de 1994, peut être mis en lien avec le domaine de la santé. D’une part, la protection des
données privées englobe les données relatives à l’état de santé 7 et, d’autre part, la protection
de l’intégrité physique comprend un droit de recevoir des soins. C’est en ce sens que se
positionne la jurisprudence 8.
Le droit à la vie privée comprend le droit à l’intégrité physique 9. Selon la Cour
constitutionnelle, « le droit à l’intégrité physique (…) constitue un aspect fondamental du
droit au respect de la vie privée » 10. La Cour de cassation a également déduit du droit à la vie
privée consacré par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme un droit au
respect de l’intégrité physique 11. Or, le droit au respect de l’intégrité physique englobe un droit
de recevoir des soins12, ce qui touche au cœur du domaine de la santé. Ainsi, le droit à
l’intégrité physique peut être valablement invoqué pour revendiquer un droit d’accès aux
soins de santé.
ENCADRÉ 2
Actuel article 22 de la Constitution
« Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.
La loi, le décret ou la règle visée à l’article 134 garantissent la protection de ce droit ».
S’il est vrai qu’on peut valablement inférer de ces articles la reconnaissance de diverses
protections dans le domaine de la santé, il reste qu’aucune de ces deux dispositions
constitutionnelles ne consacre explicitement une protection de la santé. L’article 23, ci-après
étudié, offre quant à lui plus de perspectives et constitue l’objet principal de la présente étude.
II.1.3. L’article 23 de la Constitution
L’article 23 de la Constitution fait son apparition en droit belge en 1994. Après une brève mise
en situation historique (II.1.3.1) relative à ce dernier, nous abordons ses principales
caractéristiques (II.1.3.2), son contenu qui a trait à la santé (II.1.3.3), ainsi que les facteurs ayant
permis son évolution (II.1.3.4).
7
Voy. infra, partie III.1.2.2.
8
Cass., 20 juin 1990, Pas., 1990, I, p. 1189 ; Bruxelles, 17 janvier 1990, inédit ; C.E., arrêt Commune de Woluwe-Saint-
Pierre e.a., n° 126.669, du 19 décembre 2003 et arrêt Van Doren e.a., n° 144.320, du 11 mai 2005 ; C.C., arrêt n°
15/2008, du 14 février 2008, B.20.
9
Cass., 25 février 1997, Pas., 1997, I, p. 287 ; Cass., 31 janvier 2001, Pas., 2001, p. 196 ; Cass., 17 décembre 1998 [I],
Pas., 1998, p. 1234 ; Cass., 17 décembre 1998 [II], Pas., 1998, p. 1240 et C.C., arrêt n° 49/2008, du 13 mars 2008,
B.16.4.
10
C.C., arrêt n° 49/2008, du 13 mars 2008, B. 16. 4.
11
Cass., 25 février 1997, Pas., 1997, I, p. 287 ; Cass., 31 janvier 2001, Pas., 2001, p. 196 ; Cass., 17 décembre 1998 [I],
Pas., 1998, p. 1234 ; Cass., 17 décembre 1998 [II], Pas., 1998, p. 1240.
12
Bruxelles, 13 juin 1997, Rev. dr. étr., 1997, p. 278 ; Civ. Bruxelles (réf.), 17 avril 1996, Rev. dr. étr., 1996, p. 765 ; Civ.
Bruxelles (réf.), 11 août 2005, J.D.J., 2005, liv. 249, p. 67 ; C.E., arrêt Commune de Woluwe-Saint-Pierre e.a., n°
126.669, du 19 décembre 2003 et arrêt Van Doren e.a., n° 144.320, du 11 mai 2005.
3Étude
II.1.3.1 Historique
Sous l’impulsion du droit international 13 et européen ainsi que du droit comparé 14, plusieurs
propositions parlementaires en vue d’inscrire les droits économiques, sociaux et culturels ont
vu le jour dès 1965 15. C’est finalement par la révision constitutionnelle du 31 janvier 1994 que
se concrétise l’adoption de l’article 24bis de la Constitution, actuel article 23 16. La philosophie
de cet article est « une confirmation constitutionnelle des fondements du modèle socio-
économique de la société érigé dans les années de l’après-guerre » 17. L’on pourrait également
parler « d’un ancrage constitutionnel de l’économie sociale de marché qui a aussi été dotée à
l’époque d’une dimension écologique » 18.
II.1.3.2 Ses principales caractéristiques
L’article 23 est disposé comme suit :
ENCADRÉ 3
Actuel article 23 de la Constitution
« Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.
À cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l’article 134 garantissent, en tenant compte des obligations
correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.
Ces droits comprennent notamment :
1° le droit au travail et au libre choix d’une activité professionnelle dans le cadre d’une politique générale de
l’emploi, visant entre autres à assurer un niveau d’emploi aussi stable et élevé que possible, le droit à des
conditions de travail et à une rémunération équitable, ainsi que le droit d’information, de consultation et de
négociation collective ;
2° le droit à la sécurité sociale, à la protection de la santé et à l’aide sociale, médicale et juridique ;
3° le droit à un logement décent ;
4° le droit à la protection d’un environnement sain ;
5°le droit à l’épanouissement culturel et social ;
6° le droit aux prestations familiales ».
Tout d’abord, cet article consacre, en son premier alinéa, le droit de mener une vie conforme
à la dignité humaine 19.
13
Le 40e anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme semble avoir inspiré le Parlement belge
dans sa proposition de loi du 19 décembre 1988, qui débouchera quelques années plus tard sur l’article 24bis
de la Constitution.
14
ERGEC, R. (dir.) : Les droits économiques, sociaux et culturels dans la Constitution. Actes du colloque tenu à
l’Université Libre de Bruxelles les 21 et 22 décembre 1994, op. cit., pp. 9 et s. et Doc. Parl., Sénat, S.E., 1991-1992,
n° 100-2/3°, pp. 2-3.
15
M.B., 17 avril 1965 ; M.B., 2 mars 1968 ; M.B., 15 novembre 1978 ; M.B., 6 octobre 1981 et M.B., 9 novembre 1987.
16
Révision constitutionnelle du 31 janvier 1994, M.B., 12 février 1994.
17
DEHAENE, J-L. : « Avant-propos », in STROOBANT, M. et RAUWS, W. (éds.) : Sociale en economische grondrechten.
Artikel 23 Gw.: een stand van zaken na twee decennia - Les droits économiques et sociaux. Article 23 Const. :
état des lieux après deux décennies, Antwerpen et Louvain-la-Neuve, Intersentia et Anthemis, 2010, vii.
18
Ibidem.
19
Pour plus de développements sur ce que cette notion recouvre, voy. not. VANDEBURIE, A. : L’article 23 de la
Constitution. Coquille vide ou boîte aux trésors ?, Bruxelles, La Charte, 2008, pp. 145-172 et COPPENS, P. : « La dignité
humaine : droit constitutionnel ou principe matriciel ? » in VERDUSSEN, M. et BONBLED, N. (dir.) : Les droits
4Droit à la santé :
Belgique
Par ailleurs, dans la perspective de matérialiser ce droit, le second alinéa prescrit aux différents
législateurs – fédéral, régionaux et communautaires – de garantir les droits économiques,
sociaux et culturels, en tenant compte des obligations correspondantes et en déterminant les
conditions de leur exercice.
Il ressort de ce libellé que les citoyens ne peuvent revendiquer un droit à des prestations
concrètes sans une intervention préalable du législateur. En effet, les travaux préparatoires
sont explicites à ce sujet : « un citoyen individuel ou une personne morale seront titulaires des
droits sociaux et économiques en question, mais ne pourront pas en réclamer le bénéfice sur la
seule base de leur inscription dans la Constitution » 20. Ainsi, « il appartient au pouvoir législatif ou
décrétal de mettre en œuvre, concrètement, les droits fondamentaux » 21. Autrement dit, les droits
relatifs à la santé font partie du droit positif belge, sans toutefois être directement « exigibles »,
invocables22. Plutôt qu’accorder des droits subjectifs, cette constitutionnalisation a une valeur
directive : elle a la « faculté à la fois d’orienter la politique des pouvoirs publics et de donner des
directives aux législateurs » 23.
En outre, le Constituant fait référence à la notion « d’obligations correspondantes ». En effet, à
ces droits, s’attachent des obligations corrélatives de collaboration au progrès social et
économique de la société 24. L’individu a dès lors un devoir et une responsabilité de coopérer
à la réalisation de ceux-ci 25.
Enfin, le troisième alinéa de l’article explicite une liste exemplative 26 de droits économiques,
sociaux et culturels, dont font notamment partie le droit à la protection de la santé et à l’aide
médicale (article 23, 2°) et le droit à un environnement sain (article 23, 4°). Autrement dit, ces
droits sont considérés comme élémentaires au droit fondamental à la dignité humaine.
II.1.3.3 Son contenu relatif à la santé
L’article 23 recouvre notamment, d’une part, la protection de la santé et le droit à l’aide
médicale (a), et d’autre part, le droit à la protection d’un environnement sain (b).
Le droit à la protection de la santé et à l’aide médicale
La notion de « droit à la protection de la santé » n’a pas été définie par le Constituant de 1993,
pas plus d’ailleurs que les autres droits. Celui-ci estimait que ces droits bénéficiaient déjà d’une
certaine reconnaissance et qu’il convenait de préserver la clarté et la concision du Titre II de la
Constitution 27. Il peut être défini comme le « droit que possède toute personne de vivre en
constitutionnels en Belgique (volume 1 et 2), 1e édition, Bruxelles, Bruylant, 2011, pp. 1511-1530.
20
Doc. Parl., Sénat, S.E., 1991-1992, n° 100-2/30, p. 11. Ceci se voit confirmé par la jurisprudence des cours et
tribunaux, voy. not. Civ. Bruxelles, 27 septembre 1996, RG 96/23 ; Bruxelles, 24 janvier 1997, J.L.M.B., 1997, p.
332 ; Civ. Namur, réf., 27 mars 1998, Amén. Env., 1998, p. 329.
21
Ibidem.
22
Ibidem, p. 9.
23
Ibidem, p. 13.
24
Ibidem, p. 11.
25
BOSSUYT, M. : « Artikel 23 van de Grondwet in de rechtspraak van het Grondwettelijk Hof » in STROOBANT, M. et
RAUWS, W. (éds.) : Sociale en economische grondrechten. Artikel 23 Gw.: een stand van zaken na twee decennia
- Les droits économiques et sociaux. Article 23 Const. : état des lieux après deux décennies, op. cit., pp. 59-68,
ici p. 65.
26
Le législateur a en effet recours à l’adverbe « notamment ».
27
Ibidem, p. 14.
5Étude
mettant sa personne à l’abri de la maladie » 28, étant entendu que la santé englobe « tant
l’absence de maladie ou d’infirmité qu’un état de complet bien-être physique, mental et social » 29.
D’un point de vue substantiel, le droit fondamental à la protection de la santé tel que proclamé
par le Constituant peut être décortiqué en une protection à deux niveaux.
Dans une perspective individuelle, il garantit à tout citoyen l’accès aux soins en cas de maladie,
étant entendu que les pouvoirs publics organisent à cet effet une aide médicale équitable, de
sorte que les personnes indigentes ne sont pas exclues de ce droit 30. En plus de la protection
accordée à la personne en état de détresse, cette aide vise également à assurer un bien-être.
Elle est donc plus large qu’une assistance purement financière 31. Partant, le droit à la
protection de la santé et le droit à l’aide médicale se rejoignent nécessairement, si bien que
« celui-ci, en tant qu’il trouve sa concrétisation dans l’organisation d’une assistance médicale
équitable, participe à la réalisation d’un des objectifs que poursuit celui-là » 32. Ensuite, les travaux
parlementaires décrivent le prescrit constitutionnel comme garant d’« un droit à la santé
physique et mentale la meilleure possible », et ce « compte tenu de l’état de santé de l’individu et
de la disponibilité de thérapies reconnues » 33.
Dans une perspective collective, la disposition enjoint aux pouvoirs publics de prendre « des
mesures collectives visant à améliorer la qualité de la santé publique ou à prévenir sa
dégradation » 34. On pense notamment aux mesures relatives à l’hygiène, au tabagisme, aux
déchets nucléaires, à la gestion de crises sanitaires, etc.
Du point de vue de l’intervention étatique, l’article 23, 2°, de la Constitution ne consacre non
un « droit à la santé », mais bien un « droit à la protection de la santé ». Ceci circonscrit la tâche
assignée aux législateurs dans ce domaine : protéger la santé, c’est d’une part ne pas porter
atteinte au niveau de protection déjà acquis, et, d’autre part, tout mettre en œuvre pour
atteindre un meilleur seuil de protection 35.
Le droit à la protection d’un environnement sain
Le droit à la protection d’un environnement sain, contenu dans l’article 23, alinéa 3, 4°, de la
Constitution, est un droit dit de « troisième génération » qui a été intégré parmi les droits
économiques, sociaux et culturels de « seconde génération » 36. Au cours des travaux
préparatoires, les sénateurs ont constaté que les progrès économiques et techniques ont
conduit à une expansion des droits socio-économiques, mais ce au détriment de notre
environnement. Ils entendaient dès lors rééquilibrer la donne : certes, les droits économiques,
28
Ibidem.
29
VANDEBURIE, A. : L’article 23 de la Constitution. Coquille vide ou boîte aux trésors ?, op. cit., p. 199.
30
Doc. Parl., Sénat, S.E. 1991-1992, n° 100-2/3°, p. 18.
31
Ibidem, p. 19.
32
VANDEBURIE, A. : L’article 23 de la Constitution. Coquille vide ou boîte aux trésors ?, op. cit., p. 200.
33
Doc. Parl., Sénat, S.E., 1991-1992, n° 100-2/3°, p. 18.
34
Ibidem.
35
VANDEBURIE, A. : L’article 23 de la Constitution. Coquille vide ou boîte aux trésors ?, op. cit., p. 200.
36
GERARD, PH. : L’esprit des droits. Philosophie des droits de l’homme, Bruxelles, FUSL, 2007, p. 60 ; THEUNIS, J. et HUBEAU,
B. : « Het grondwettelijk recht op de bescherming van een gezond leefmilieu. Artikel 23, derde lid, 4°, van de
Grondwet: draagwijdte en belang voor een goede ordening van de ruimt », T.R.O.S., 1997-1998, p. 331 ; JADOT,
B. : « Pour une meilleure prise en compte de l’environnement et des enjeux environnementaux dans la
Constitution », dans : En hommage à Francis Delpérée. Itinéraires d’un constitutionnaliste, Bruxelles et Paris,
Bruylant et L.G.D.J., 2007, p. 662.
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