L'ACTION ÉCONOMIQUE EN RÉSEAU(X) - COMMUNAUTÉS D'ENTREPRISES DOSSIER P.8 - ADCF
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Février 2014 • N° 186 • Mensuel édité par l’AdCF - www.adcf.org • 5,50 E DOSSIER P.8 Communautés d’entreprises L’ACTION ÉCONOMIQUE EN RÉSEAU(X) © ImageZoo / Corbis DANS L’ACTU P.3 • LOI D’AVENIR AGRICOLE ET DE LA FORÊT FOCUS P.4 • ACCESSIBILITÉ FINANCES P.16 • RÉVISION DES VALEURS LOCATIVES DES LOCAUX D’HABITATION DROIT P.17 • LES COMPÉTENCES DES COMMUNAUTÉS ISSUES DE FUSIONS TERRITOIRES P.18 • UNE ÉTUDE DE FAMILLES RURALES
8 DOSSIER COMMUNAUTÉS D’ENTREPRISES Communautés d’entreprises L’ACTION ÉCONOMIQUE EN RÉSEAU(X) © ImageZoo / Corbis Réseaux d’entreprises : dépasser les labels Se rapprocher entre entreprises d’un même secteur pour partager des connaissances ou faire ensemble : un phénomène ancien, mais porté ces dernières années par des politiques publiques spécifiques. Clusters, grappes d’entreprises, systèmes productifs locaux (SPL), autant d’appellations désignant des dynamiques coopératives ancrées dans les territoires et sur lesquelles se sont aujourd’hui portés les paris pour une économie d’avenir. Q u’on les intitule « grappes d’entre- l’instar des communautés intercommu- du Nord. Mais jusqu’il y a peu, beaucoup la flexibilité et la réactivité, mais aussi un prises », « clusters » ou « systèmes nales ou des nouvelles communautés hos- voyaient en eux des reliquats d’une his- « effet taille » obtenu non par l’intégration productifs locaux », les réseaux pitalières et communautés universitaires. toire proto-industrielle, inéluctablement au sein d’une grande entreprise fordiste interentreprises font l’objet d’un soutien condamnés soit à la disparition soit à mais par la spécialisation sur des marchés croissant des politiques publiques depuis Une histoire longue l’intégration dans des grands groupes de niches et des composants à forte valeur une quinzaine d’années. Malgré les Partageant des savoir-faire, se grou- multinationaux. À partir des années 1990, ajoutée. Derrière les grandes enseignes réserves initialement exprimées par le pant pour répondre à des commandes les succès de la « troisième Italie » (plaine qui contrôlent les accès au marché final ministère de l’Industrie, plus habitué à ou se porter à l’international, dévelop- du Pô, Émilie, Toscane…) mais aussi des (grande distribution, franchises, grandes soutenir des approches par grandes filières pant des « marques » de territoires… ces réseaux de PME flamands ou danois ont marques…), opère une multitude de four- verticalement intégrées, la Datar a expé- « grappes » ne sont certes pas un phéno- conduit à porter une attention particulière nisseurs et de sous-traitants sur laquelle rimenté au tournant des années 2000 les mène nouveau. Du textile choletais à la au phénomène. Une riche littérature de reposent la charge de l’innovation et une premiers appels à projets visant à conforter métallurgie du Vimeu, du décolletage de la socio-économistes (Piore, Sabel, Bagnasco, part de la prise de risque. ou initier des dynamiques Courlet…) a permis de Dans une économie très ouverte, éminem- coopératives entre PME, réhabiliter les analyses ment concurrentielle, le rôle d’accompa- voire grands groupes et Une évolution sémantique utile pourrait des « districts marshal- gnement des pouvoirs publics nationaux PME, au cœur des bassins d’emploi et des économies consister à les appeler de manière générique liens », de l’économiste du début du XXe siècle Alfred ou locaux ne doit pas tant viser à « piloter » par le haut ces nouvelles organisations en régionales. Fédérés par une « communautés d’entreprises » Marshall, avant que de réseau qu’à stimuler leur création et leur spécialisation productive nombreux rapports d’ins- essor. Au-delà des labels (et des aides) commune ou une orientation de marché, vallée de l’Arve à la plasturgie du Haut-Jura titutions publiques (OCDE, Commission accordés à des filières déjà très largement ces réseaux ne sont pas sans évoquer la (Oyonnax), de la verrerie de la vallée de la européenne, Datar, rapport Blanc…) pré- structurées, c’est également la détection coopération intercommunale. Une évolu- Bresle à la coutellerie du Pays de Thiers, conisent des politiques de « clusters ». des réseaux émergents, à fort potentiel, qui tion sémantique utile pourrait d’ailleurs des « districts industriels » à la française L’ouverture internationale et le renforce- devient un enjeu stratégique de l’anima- consister à les appeler de manière géné- existent depuis longtemps, sans présenter ment de la concurrence ont imposé de nou- tion économique locale. rique « communautés d’entreprises », à pour autant la même densité qu’en Italie velles organisations marquées à la fois par Nicolas Portier FÉVRIER 2014 • N° 186 • www.adcf.org
DOSSIER 9 Pôles de compétitivité et grappes d’entreprises : quand la Datar soutient les clusters Depuis la fin des années 1990, la Datar promeut les clusters, ces réseaux d’entreprises appartenant généralement à un même secteur d’activité, interconnectées, fortement compétitives, ouvertes à de multiples partenariats, avec un réel ancrage territorial et tournées vers l’innovation. Bilan de cette politique. I dentifiés dès la fin du XIXe siècle par et de manière directe ou indi- Les 126 grappes d’entreprises sélectionnées l’économiste anglais Alfred Marshall, recte par d’autres acteurs éco- les clusters sont devenus d’actualité nomiques. Le budget moyen dans les années 1980 grâce à l’économiste d’un pôle s’élève en 2011 à un américain Michael Porter. Convaincue million d’euros. qu’ils ne sont pas seulement un moyen de développement privilégié pour les entre- Un copilotage prises, mais qu’ils constituent également État-régions un atout fondamental pour l’essor ou la La nouvelle phase de la poli- revitalisation des territoires, la Datar a tique des pôles de compé- Réalisation : Datar - Observatoire des territoires - C. Métayer - 03.2011 lancé à la fin des années 1990 deux appels à titivité, engagée pour une projets pour favoriser l’essor de clusters de durée de six ans à compter PME/PMI axés sur la production. Une cen- de 2013 et dont le gouverne- Fonds cartographiques : Francièmes © Tous droits réservés taine de systèmes productifs locaux (SPL) ment a annoncé les objectifs le ont ainsi été sélectionnés et ont bénéficié 9 janvier 2013, prévoit que les d’un soutien de 3,6 millions d’euros via le pôles se tournent désormais Fonds national d’aménagement et de déve- davantage vers les débouchés loppement du territoire (FNADT). Dotés économiques et l’emploi pour d’une spécialisation poussée autour d’un créer une véritable « usine à métier et/ou d’un produit, ces réseaux produits d’avenir ». Ils auront d’entreprises se sont organisés sur la base un rôle renforcé en matière d’une stratégie collective en cherchant à d’accompagnement des PME mutualiser leurs investissements produc- et des entreprises de taille Source : Datar tifs et leurs approvisionnements, en parta- intermédiaire (ETI). geant des compétences et des formations, Cette nouvelle phase s’inscrit en développant des actions commerciales dans le cadre d’une gouver- communes, en favorisant l’innovation et nance renouvelée associant la veille technologique, etc. l’État, les régions et les autres collectivités territoriales. Le Secteurs d’activité : Des clusters axés sur la R&D : copilotage de la politique des Agriculture, agroalimentaire et pêche les pôles de compétitivité pôles de compétitivité par Construction et habitat Forte de cette première expérience, la l’État et les régions existe Industries diverses Économie numérique Industries de la santé Grappes d’entreprises lauréates Datar a impulsé en 2004 la structuration au quotidien depuis sept Mécanique et métallurgie de la 1re vague de l’appel à projets Écotechnologies, bio-ressources, de clusters principalement axés sur la ans. Le président du pôle et gestion de l’eau Services Grappes d’entreprises lauréates recherche et le développement : les pôles de l’ensemble des financeurs Industries créatives et culturelles Logistique de la 2e vague de l’appel à projets compétitivité. Ces derniers se définissent publics, État et collectivités comme la combinaison, sur un territoire territoriales signent ensemble le contrat de pôles de compétitivité, les 126 grappes conseils régionaux et les communautés d’entreprises, de centres de formation et performance de chacun des 71 pôles. État d’entreprises sont tournées vers le déve- d’agglomération), pour 21 % du FNADT d’unités de recherche engagés dans une et régions soutiennent également certains loppement de l’innovation sous toutes et pour 8 % de fonds européens. démarche partenariale. Copilotée avec projets collaboratifs de R&D des pôles. ses formes et sur des actions centrées sur la Direction générale de la compétitivité, le marché. Elles ont été soutenues par la Une politique soumise à évaluation de l’industrie et des services (DGCIS), Soutien aux grappes d’entreprises Datar jusqu’à fin 2012 ou 2013 selon leur La Datar a souhaité poursuivre son soutien cette politique a vu la création d’un Fonds La politique en faveur des grappes date de sélection, et ont bénéficié d’une à ces réseaux d’entreprises en lançant, unique interministériel (FUI) pour sou- d’entreprises, portée par la Datar sur enveloppe de 24 millions d’euros au titre début 2013, une animation nationale des tenir les projets de R&D portés par les la période 2011-2013 pour succéder et du FNADT, complétée par des soutiens grappes d’entreprises confiée à l’associa- 71 pôles de compétitivité. Entre d’autres ministères, de tion France Clusters. Celle-ci devrait per- 2005 et 2013, 1 307 projets de R&D la Caisse des dépôts et mettre la diffusion et la valorisation des collaboratifs des pôles de compé- Entre 2005 et 2013, 1 307 projets de consignations et d’Oséo. bonnes pratiques entre grappes d’entre- titivité ont été soutenus au titre R&D collaboratifs des pôles de compétitivité Une analyse des plans prises (production de guides de bonnes du FUI. Les ministères financeurs de financement des pratiques sur des problématiques com- de la politique (Industrie, Défense, ont été soutenus par l’État grappes d’entreprises munes aux clusters comme les modèles Agriculture) et la Datar ont contribué à rénover la politique des SPL, soutient des issues de la première vague de sélection de économiques, l’interclustering, l’innova- hauteur d’environ 1,4 milliard d’euros, un réseaux de TPE/PME qui sont soit d’an- l’appel à projets montre que sur la période tion par les usages, etc. ; constitution de soutien complémentaire étant apporté par ciens SPL, soit des clusters labellisés par 2010-2012, les grappes ont bénéficié pour groupes de travail ; communication sur les collectivités territoriales et les fonds des régions, soit des réseaux non encore 28 % de financements des collectivités ter- les grappes ; etc.) et l’accompagnement des européens (plus de 800 millions d’euros), labellisés jusque-là. Complémentaires des ritoriales (au premier rang desquelles les grappes d’entreprises dans l’appropriation de la stratégie « Europe 2020 ». La réalisation d’une étude d’évaluation Encourager la mise en réseau des clusters Dans le secteur de l’emballage, les partenariats développés par de la politique des grappes d’entreprises Plus de 15 ans après le lancement de la politique des SPL et la grappe Breizpack concernent à la fois les matériaux d’embal- mise en œuvre par la Datar vient d’être cinq ans après celui de la politique des grappes d’entreprises, lage (avec les pôles Plastipolis, Industries et Agro-Ressources) confiée au consortium BearingPoint- la Datar continue de promouvoir les clusters, l’un des outils et l’emballage des produits finis (liens avec des grappes et des capables de favoriser l’innovation à l’échelle territoriale. Elle pôles de l’agroalimentaire, de la santé ou du textile). Le pôle Erdyn-Technopolis. Elle croisera une reste convaincue que l’innovation dans les territoires passe de compétitivité ViaMéca (mécanique) travaille par exemple en caractérisation des grappes d’entreprises, par une vision de l’ensemble des réseaux d’entreprises qui étroite collaboration avec la grappe des technologies médicales résultats intermédiaires et qualification participent au développement économique (grappes, pôles, située en Rhône-Alpes pour diversifier sa chaine de production des premières retombées économiques et clusters régionaux et autres clusters rassemblant acteurs de et accéder à de nouveaux usagers. La Datar considère que les territoriales d’une part, et l’évaluation de la l’enseignement supérieur, de la recherche, du développement clusters sont non seulement un moyen de développement privi- politique nationale en faveur des « grappes économique, etc.). Les clusters doivent travailler en réseau, dans légié pour les entreprises, mais également un atout fondamental le cadre d’une politique formalisée d’interclustering, incarnée pour l’essor ou la revitalisation des territoires. Outils de marke- d’entreprises » d’autre part. par des réseaux de clusters constitués. Ces réseaux peuvent être ting territorial et créateurs d’emplois, les clusters permettent Constance Arnaud, chargée de thématiques et/ou territoriaux (en termes de positionnement d’ancrer les activités sur le territoire, voire de freiner des délo- mission « pôles de compétitivité et sur la chaine de valeur, de complémentarités thématiques, etc.). calisations d’activités. grappes d’entreprises » à la Datar www.adcf.org • N° 186 • FÉVRIER 2014
10 DOSSIER COMMUNAUTÉS D’ENTREPRISES François-Xavier Level view Président d’Europa InterCluster « Les territoires qui fédèrent entreprises, universités et recherche disposent d’un potentiel considérable » © DR Président d’Europa InterCluster, une plateforme de mise en réseau de clusters à l’échelle européenne, François-Xavier Level nous livre son point de vue comparatif sur les différentes approches en matière de dynamiques d’entreprises. déjà important (villes, métropoles) et où Quel regard portez-vous à l’échelle le secteur universitaire mène une véritable européenne sur la dynamique des réseaux d’entreprises ? stratégie de « pontage » avec le monde Il est difficile de répondre à une telle économique. C’est le cas de Cambridge, question en peu de mots. Parce que le Stockholm, Barcelone, Grenoble et… sujet est vaste. Parce qu’aussi le concept Otaniemi. Pour les 1 000 autres clusters, de cluster est un concept protéiforme. qui sont plutôt des réseaux dont l’existence Et parce que les critères d’évaluation résulte souvent d’incitations des pouvoirs publics avec des objectifs différents – mutualisation, actions collectives, Le critère principal gestion des compétences, communi- des évaluations américaines cation, marketing… –, à l’exemple des grappes d’entreprises françaises, et canadiennes est le nombre la dynamique est peu importante au de start-up créées par an regard du critère start-up. sont très divers. Lequel mesure le mieux En quoi les approches scandinave et l’interactivité entre les membres d’un allemande sont-elles différentes ? L’université technologique d’Helsinki, dessinée par l’architecte Alvar Aalto, cluster – entreprises, centres de recherche, Une note récente1 de la Fabrique de l’In- dans le quartier d’Otaniemi. / © Boisvieux Christophe / Hemis universités ? dustrie (laboratoire d’idées présidé par Le critère principal mobilisé par les Louis Gallois), consacrée aux filières, évaluations américaines et canadiennes permet d’apporter des éléments de des micro-clusters apparaissent pour chaque ministère a sa politique et son est le nombre de start-up créées par an, réponse. L’approche française s’ins- répondre à des demandes d’usage puis réseau d’acteurs : la Datar et ses SPL, la y compris le nombre de joint-ventures crit plutôt dans une logique verticale se transforment ou disparaissent… Il y a DGCIS et ses pôles de compétitivité, le entre les membres du cluster. C’est de filière, initiée et soutenue par l’État, là une adaptation extrêmement souple et ministère de l’Enseignement supérieur et compréhensible, puisqu’une start-up est avec, comme variante, la politique des rapide aux besoins du marché. de la Recherche et ses réseaux Carnot ou l’aboutissement tangible d’un processus pôles de compétitivité. L’approche alle- les PRES… Une coordination à ce niveau qui commence par l’émergence d’une mande comme celle des pays nordiques Quelles seraient, selon vous, les pistes ne serait pas inutile. idée entre membres du cluster, sa trans- s’inscrivent plutôt dans une logique hori- de réforme à envisager en France ? Enfin, et c’est certainement le moins dif- formation en concept, puis en projet et zontale, avec un fort ancrage territorial Peut-être d’abord une clarification sur les ficile, une coordination par le bas. Les ensuite en produit, et enfin sa mise sur dans le but de dynamiser des écosystèmes termes : c’est dans les clusters que la dyna- villes, les agglomérations, les métropoles le marché. Si on isole ce critère et qu’on innovants. Les Kompetenznetze sont tous mique collaborative est la plus efficace. qui fédèrent de fait le triptyque constitu- l’applique aux pôles de compétitivité fran- très territorialisés. tif d’un cluster – entreprises, universités, çais, l’évaluation réalisée en 2012 indique Il y a là un facteur recherche – disposent d’un potentiel que sur la période 2008-2011, 93 start-up expl icat i f d ’u ne L’approche allemande comme celle considérable à dynamiser, comme le font ont été créées, soit un peu plus d’une start- différence d’inten- un certain nombre de villes en Europe : up par pôle en quatre ans. Avec le même sité collaborative des pays nordiques s’inscrivent plutôt Munich, Cambridge, Barcelone, le Grand critère, le cluster finlandais d’Otaniemi, entre les pôles de dans une logique horizontale Lyon, Nantes Métropole, Manchester, d’une surface de 4 km 2 , crée environ compétitivité et les Belfast… et Otaniemi qui a mis en place 50 start-up par an. Avec ce même critère, Kompetenznetze, et peut-être aussi un Or, un cluster à qui il manque l’une de ses une véritable chaîne de valeur de l’inno- si l’on prend en considération l’ensemble meilleur « positionnement marché ». composantes constitutives – entreprise, vation, avec les résultats que l’on sait… des 2 000 clusters européens, la dyna- L’exemple d’Otaniemi est ici à reprendre : université ou recherche – ne doit pas Propos recueillis par mique semble plus forte dans les 1 000 dans cet écosystème très dynamique, être appelé « cluster », comme un certain Olivier Crépin clusters qui se situent dans des espaces les technologies génériques cassent les nombre de « grappes d’entreprises ». 1- À quoi servent les filières ? restreints, où l’effet d’agglomération est frontières entre les filières industrielles, Ensuite, une coordination par le haut : La Fabrique de l’Industrie, mai 2013. Les régions invitées à se « spécialiser intelligemment » La spécialisation intelligente : un épineux problème : celui de l’écart du se voit doté d’une partie obligatoire sur et numérique en Île-de-France… Les concept clé pour toutes les régions qui niveau de compétitivité entre l’Europe l’innovation. Des incitations financières territoires ruraux planchent également souhaiteront bénéficier de soutiens et les États-Unis. Concrètement, la favoriseront également la spécialisation sur le sujet et apportent des réponses européens à l’innovation pour 2014- S3 a pour objectif une priorisation et intelligente dans le cadre des futurs pro- parfois davantage axées sur l’écologie 2020. Le 17 juin 2010, l’Union euro- une concentration des ressources de grammes opérationnels : la Commission et le social : c’est le cas en Limousin, qui péenne s’est en effet dotée d’« Europe chaque région sur un nombre restreint considère la S3 comme un moyen d’opti- soutiendra la « génétique animale », les 2020 », une stratégie de coordination de domaines d’activités et de secteurs miser l’impact des fonds structurels « technologies céramiques » ou encore à dix ans des politiques économiques technologiques. Cette stratégie s’appuie en faveur de l’innovation, du dévelop- la « silver économie » (innovation liée des différents pays, afin de créer les sur la loi économique des avantages pement économique, de la recherche aux besoins des personnes âgées). conditions d’une relance de la crois- comparatifs selon laquelle, dans un & développement… et souhaite la voir Les innovations peuvent aussi s’orga- sance. « Intelligente » (fondée sur la contexte d’économie ouverte, chaque portée au cœur des préparatifs de la niser autour de partenariats trans- recherche et l’innovation), « durable » pays a intérêt à se spécialiser dans une génération de programmes 2014-2020. frontaliers, tel le rapprochement entre (verte et compétitive) et favorisant la production pour laquelle il dispose de la Traduction : les régions qui ne disposent le pôle de compétitivité Industries et cohésion sociale et territoriale : telle productivité la plus intéressante compa- pas de stratégie de spécialisation ne Agro-Ressources (Picardie et Cham- doit être l’économie pensée par la Com- rativement à ses partenaires. pourront pas bénéficier de fonds Feder pagne-Ardenne) et Biobased Delta, aux mission européenne. Ces orientations pour financer des projets de recherche Pays-Bas, pour une spécialisation dans Plusieurs outils ont ainsi été mis en constituent le cadre de la programma- & développement. la bio-économie. Reste que ce soutien place. De nombreuses régions avaient tion des fonds pour 2014-2020 et ont été actif à l’innovation ne sera pas aisé à déjà élaboré des stratégies régionales Pour certaines régions, déjà en pointe notamment traduites en un concept clé : mettre en place dans les territoires les d’innovation (SRI) ; le second volet du dans des domaines précis, les secteurs la spécialisation intelligente, ou « S3 ». plus pauvres, où la priorité reste encore projet de loi de décentralisation les de spécialisation apparaissent de façon Cette notion a été avancée par des intègre au schéma régional de déve- assez évidente : santé et maladies infec- la construction d’infrastructures et experts économiques en réponse à un loppement économique, qui désormais tieuses en Rhône-Alpes, technologie d’équipements. AP FÉVRIER 2014 • N° 186 • www.adcf.org
DOSSIER 11 trib Vanessa Cordoba, manager chez CMI et enseignante à Sciences Po Paris une sur les politiques d’innovation, et Marc Desforges, directeur associé de CMI Bâtir des territoires innovants © DR © DR Qu’est-ce que l’innovation, ce concept suremployé et souvent présenté comme « recette miracle » d’une économie performante, voire porté au cœur des stratégies européennes (voir p. 10) ? Comment construire des territoires innovants ? Réponse de Vanessa Cordoba et Marc Desforges, consultants et co-auteurs avec Frédéric Gilli de Territoires et innovation1. L e 7 janvier 2014, le Grand Évreux (les agriculteurs pour la production de mais aussi de l’invention d’une nouvelle qui organise des rencontres trois fois Agglomération a décidé d’investir au matières premières naturelles) comme politique publique ou d’un nouveau par an entre les acteurs régionaux (chefs capital de deux sociétés coopératives en aval (industriels fabriquant des tubes service, porteurs d’un bien-être accru d’entreprise, experts, citoyens) et des d’intérêt collectif (SCIC), qui associeront et bouchons préservant la qualité des pour les citoyens ou de cohésion sociale. intervenants de haut niveau, afin d’iden- également trois leaders industriels, une produits), au service du développement On peut penser par exemple à la plate- tifier collectivement de nouveaux relais de PME, un centre de ressources technolo- du territoire. forme VoisinAge, qui permet aux habi- croissance pour le territoire. giques, un hôpital, un entrepreneur de tants d’un même immeuble de s’organiser Il s’agit ensuite d’accompagner la forma- l’économie sociale et solidaire, des agri- Organiser les forces vives pour veiller ensemble sur les séniors de tion d’alliances durables entre habitants, culteurs et, à terme, de simples citoyens. du territoire l’immeuble, coordonner leurs actions, entreprises, chercheurs et financiers Ce rassemblement a pour but la conquête Construire un territoire innovant, ce n’est échanger des impressions ou des conseils. locaux autour de ces défis et relais de collective d’un nouveau marché – les donc pas prioritairement investir dans la croissance. À cet égard, la collectivité cosmétiques sans conservateur – autour recherche ou la technologie. Un territoire Comment devient-on un territoire peut jouer un rôle clé, par exemple en co- duquel la collectivité a su organiser la mise innovant est d’abord une organisation innovant ? investissant au capital de nouvelles socié- en mouvement des acteurs du territoire. collective innovante des acteurs locaux, Le rôle des élus de terrain, notamment tés coopératives d’intérêt collectif, sur le orientée vers la conquête des maires ou des présidents d’intercom- modèle d’Évreux. De simple « guichet à de nouveaux marchés et munalité, est décisif pour rassembler les subventions », la collectivité devient alors Un territoire innovant est le bien-être des citoyens. acteurs et organiser cet écosystème local un co-développeur de solutions inno- d’abord une organisation collective Concrètement, il s’agit de dynamique et collaboratif. vantes pour le territoire. mobiliser et organiser les Il s’agit tout d’abord de mobiliser et de Il n’y a donc pas de recettes toutes faites, innovante des acteurs locaux forces vives du territoire – créer la confiance, en multipliant les mais seulement des contextes spécifiques habitants, entrepreneurs, espaces de rencontre et de débats. Cela et un modèle organisationnel innovant Cette démarche va notamment permettre élus, chercheurs et acteurs financiers permet aux acteurs d’apprendre à mieux devant être adapté à chaque fois par les à une entreprise du territoire de trouver locaux – pour imaginer collectivement se connaître, de comprendre leurs intérêts acteurs locaux. Tous les territoires ont des des débouchés pour un procédé techno- des réponses innovantes aux défis éco- respectifs et de converger autour des défis atouts et peuvent identifier des relais de logique innovant (procédé de traitement nomiques et sociétaux. Il peut s’agir de à relever ensemble. On peut citer comme croissance. permettant d’éviter les conservateurs), la conquête d’un nouveau marché, géné- exemples la démarche Nantes 2030, ou 1- Territoires et innovation, étude produite grâce à une mobilisation des acteurs rateur d’emplois et de richesses pour le encore l’Observatoire des marchés du pour la Datar et publiée à la Documentation locaux en amont de la chaîne de valeur territoire, comme dans le cas d’Évreux ; futur de la région Nord-Pas-de-Calais française, in « Travaux n° 17 », juillet 2013. BREIZPACK, RÉSEAU DES INDUSTRIELS DE L’EMBALLAGE (BRETAGNE) « Le lien permet de générer l’innovation » Service d’intelligence économique, de veille voire de conseil externalisé aux entreprises, Breizpack réunit les acteurs bretons de l’emballage, terreau particulièrement favorable à l’innovation. Recueil d’expériences. Q uand, à la fin des années 1990, le tech- façon dont on fait de la veille. Nous devons être également relai d’informa- nopôle de Quimper s’oriente vers une constamment à l’affut de ce qui se dit, ce qui se tions entre les entreprises spécialisation, le domaine de l’embal- fait, ce qui va se faire. » Trois niveaux d’inter- et les formations en embal- lage – thème phare pour la région bretonne vention sont ainsi assurés par le réseau : veille lages. Cette dernière fonction – s’impose. Breizpack nait officiellement en généraliste, proposition d’un service adapté à permet une mise en adéqua- 1997 sous forme de système productif local un segment de marché, et parfois accompagne- tion des enseignements pro- (SPL). Le réseau se structure progressivement ment d’entreprises sur un sujet précis. posés avec les besoins des autour de l’idée de mutualisation de savoirs et Des projets de recherche de procédés innovants entreprises. Un dialogue au d’informations, avec le soutien des collectivi- sont également menés par des entreprises en service de l’insertion profes- tés, qui souhaitent encourager une dynamique lien avec des unités de recherche privées et sionnelle et de la performance de développement économique et d’innova- publiques : projet européen sur l’intégration économique. tion sur le territoire. En 2010, la structure est de fibres végétales dans des matières plas- labellisée « grappe d’entreprises » par la Datar. tiques, production de bioplastiques (issus Promoteur de services Les membres de ce réseau d’entreprises sont d’une ressource renouvelable) par fermentation mutualisés aux des PME, et présentent ainsi des besoins spé- bactérienne… entreprises cifiques. L’action de Breizpack s’articule donc « Mais l’innovation, c’est parfois tout simple- Breizpack assure un service autour de deux axes : une veille réglementaire, ment créer l’interface entre ce que savent faire « d’intérêt général ». « Nous afin de mettre des informations à la dispo- certains et ce que ne savent pas faire d’autres, sommes dans une capacité sition de structures qui ne disposent pas de ajoute Thierry Varlet. On se positionne comme collective. C’est fondamen- service juridique ou d’activité de lobbying, des gens de lien. C’est le lien qui permet souvent tal. Quand on travaille avec et une veille technologique. Avec un enjeu de générer l’innovation. » une part d’argent public pour constant : celui de l’innovation, marqueur des entreprises, le service doit fort de l’ADN du réseau. Jouer collectif être collectif. » Et à l’heure Créer du lien : l’objectif et la valeur ajoutée d’une raréfaction des aides Collaborer pour innover du réseau. Breizpack a d’ailleurs été l’un des publiques, faire connaître Comme l’indique Thierry Varlet, chef de membres fondateurs de France Emballage, l’action des clusters, leur projet, « le secteur industriel breton est très réseau des fabricants d’emballages français. travail d’équipe et leur valeur fortement marqué par l’agroalimentaire, qui Parmi les services développés : échanges de ajoutée est, selon Thierry tire toute l’innovation dans le monde de l’em- bonnes pratiques, mutualisation de la veille, Varlet, essentiel. Otor Papeterie, usine de fabrication de carton ondulé Apolline Prêtre membre du réseau Breizpack. / © Benoit Decout / REA ballage. Cela donne une teinte spécifique à la présence commune sur des évènements, mais www.adcf.org • N° 186 • FÉVRIER 2014
12 DOSSIER COMMUNAUTÉS D’ENTREPRISES Jean-Christophe Fromantin trib une Député des Hauts-de-Seine Export : il y a urgence à changer de cap Jean-Christophe Fromantin a co-écrit, avec le député Patrice Prat, un rapport parlementaire d’évaluation sur les soutiens publics aux exportations, qui dresse un diagnostic des dispositifs existants et met en évidence la nécessaire © DR clarification à opérer sur la doctrine d’intervention de l’État à l’international. L’ enjeu de l’exportation est fonda- paradoxalement, le monde actuel offre grands ports maritimes. Dans un monde Il est urgent que notre politique de mental et la France a pris beaucoup des opportunités très intéressantes pour global où les chaines de valeur sont de promotion investisse ce nouveau monde de retard dans ce domaine. Nos la France. Avec l’arrivée d’une nouvelle plus en plus fragmentées, les containers et propose à nos entrepreneurs les outils parts de marché ont fortement diminué, classe moyenne issue des pays émergents deviennent un vecteur de développement individuels ou collectifs qui les aideront y compris sur des secteurs qui corres- – qui représentera en 2020 près de 30 % incontournable. Cette intégration de nos à porter l’offre française sur le marché pondent à des avantages comparatifs très des classes moyennes dans le monde –, territoires dans les corridors logistiquesmondial. significatifs dans notre pays. Je pense à nous disposons d’un relai de croissance internationaux est un enjeu considérable La troisième orientation concerne le exceptionnel. qui doit être une des toutes premières rayonnement français. Il y a deux ans, Certes, des mesures doivent être prises inspirations de nos réformes territoriales. j’ai proposé que la France soit à nouveau L’intégration dans l’organisation de notre dispositif de La deuxième orientation est celle candidate à l’accueil d’une grande expo- des territoires dans les promotion du commerce extérieur. Elles des technologies et de l’intelligence sition universelle. Ce projet, déjà soutenu concernent l’engagement des régions, la économique. Notre commerce extérieur par de nombreuses grandes entreprises corridors logistiques doit révision de nos systèmes de garanties ou dépend directement de la visibilité de françaises, va faire l’objet d’une mission être une des premières la réforme de nos outils institutionnels notre offre et de notre influence sur les d’information parlementaire. En 1900, d’accompagnement. l’exposition universelle organi- inspirations de nos sée à Paris a attiré 53 millions de réformes territoriales Prendre des orientations Des mesures doivent visiteurs (80 millions à Shanghai structurantes en 2010). Ces grands événements l’agroalimentaire, les transports, les ser- Mais au-delà de ces dispositions tech- être prises sur l’engagement ont qualifié une partie de notre vices ou même le tourisme. Cette réalité niques, je pense que plusieurs orientations des régions ou la réforme économie du XXe siècle car ils ont n’est que le reflet d’un manque d’ambi- structurantes doivent être prises, qui relè stimulé l’audace créatrice de nos tion, d’une perte de rayonnement et d’un vent de choix politiques fondamentaux. de nos outils institutionnels entreprises. Il est essentiel que la problème de compétitivité qui méritent La première concerne l’aménagement d’accompagnement France retrouve cette dynamique d’être très sérieusement traités. Notre du territoire. À l’heure où l’on parle du collective de développement et chômage structurel très important est renforcement et de la taille des régions, il nouveaux vecteurs d’information. L’achat qu’elle y associe les jeunes générations. la conséquence directe d’une politique est essentiel de comprendre que nos ter- en ligne touche un nombre croissant de C’est une des principales conditions de économique qui, depuis trop longtemps, ritoires n’auront d’avenir industriel que produits et de services et transcende notre croissance dans le nouveau para- a ignoré les évolutions du monde. Or, s’ils sont irrigués par l’hinterland des largement nos frontières traditionnelles. digme mondial. Fusion d’Ubifrance et de l’AFII : une agence Les régions parties au service de la compétitivité du territoire ? prenantes Le rapport sur l’évaluation des disposi- tifs de soutien à l’internationalisation Rationaliser les outils de soutien à l’exportation et d’attractivité du territoire français : une évolution des entreprises, remis par Alain Bente- au menu de l’entreprise de modernisation de l’action publique, mais dont les contours restent à définir. jac et Jacques Desponts à la ministre du Commerce extérieur Nicole Bricq, L e 26 juin dernier, Alain Bentejac et aborde également la question du rôle Jacques Desponts ont remis à Nicole des régions dans la compétitivité de la France à l’international. Celles-ci se Bricq, ministre du Commerce exté- voyaient en effet confier le rôle de chef rieur, un rapport sur l’évaluation des dis- de file de « l’internationalisation » dans positifs de soutien à l’internationalisation les territoires par les premières moutures des entreprises. Y sont consignées 21 pro- des projets de loi de décentralisation, au positions visant à « mobiliser les acteurs, travers notamment du nouveau schéma de développement économique, appelé renforcer la lisibilité et l’accessibilité du à devenir le schéma régional de déve- dispositif pour les entreprises, simplifier loppement économique, d’innovation et améliorer l’offre de service ». Avec, au et d’intern ationalisation (SRDE2I). Le premier rang de ces propositions, la fusion rapport préconise ainsi le « rapproche- d’Ubifrance et de l’Agence française ment entre France International et les pour les investissements internationaux agences régionales de développement économique (…). L’agence France Inter- (AFII) sous une marque commune, France national pourrait devenir l’opérateur pri- International. Objectif de l’opération : vilégié des régions, dans le cadre d’un Ubifrance, un réseau mondial au service de l’export. rationaliser les dispositifs de soutien à © Stéphane Audras / REA mécanisme de contractualisation de leurs l’internationalisation de l’économie fran- relations. Enfin, les régions pourraient çaise et leur donner davantage de lisibi- rapprochement le plus complet possible, du 15 janvier 2014. Toutefois, la nature entrer au capital de la nouvelle agence. » lité. La méthode proposée consistait en au service d’une cohérence de fond entre de l’évolution de ces deux agences, entre 160 la transformation d’Ubifrance en société les activités d’exportation et d’attractivité, « rapprochement » et « fusion », n’a pas anonyme, à laquelle serait intégrée l’AFII. le Quai d’Orsay y reste peu favorable au été tranchée. Pour rappel, Ubifrance assure un soutien nom d’une différence trop importante À noter que, dans un même souci de AFII : collaborateurs aux entreprises exportatrices, tandis que l’AFII promeut le territoire français afin entre ces deux structures et les métiers qui y sont pratiqués. rationalisation, plusieurs pays européens ont uni leurs actions de soutien à l’export et 27 bureaux à l’étranger d’attirer les investissements étrangers La création du label France International et d’attractivité sous les labels Germany Ubifrance : directs. La première agence se trouve sous la cotutelle du ministère de l’Économie reste donc au menu de la modernisation de l’action publique, a fortiori après le « choc Trade & Invest en Allemagne, UKTI au Royaume-Uni et Enterprise Ireland en 1 400 collaborateurs et du ministère du Commerce extérieur, tandis que la seconde est pilotée par Bercy de simplification » demandé par François Hollande lors de sa conférence de presse Irlande. AP dans 70 pays et le ministère de l’Aménagement du ter- ritoire. Une gouvernance partagée qui ne Nous apprenons au moment du bouclage de ce numéro que la fusion complète Selon les Douanes, la France Ubifrance-AFII au sein d’une même entité aura bien lieu. La nouvelle agence compte 119 203 entreprises favorise pas la fusion. En effet, si Nicole exportatrices en 2012, sur Bricq s’est positionnée en faveur d’un sera toutefois placée sous cotutelle de Bercy et du Quai d’Orsay. 3 millions d’entreprises recensées. FÉVRIER 2014 • N° 186 • www.adcf.org
DOSSIER 13 Professionnaliser l’action économique territoriale Depuis l’accélération des mutations économiques, les territoires sont contraints de redéfinir des modes coopératifs d’analyse, d’anticipation et d’action à des échelles de bassins d’emploi. Pour Aradel, la logique des flux modifie les limites de l’action économique territoriale et conduit les développeurs à se positionner sur de nouvelles expertises et des compétences multiples. D’ un statut de réceptacle passif entrepreneurs : la captation des flux de territoriaux, les stratégies économiques d’investissements sur des zones revenus et leurs effets d’entraînement gagneront à privilégier des logiques de d’activités, les territoires doivent sur l’emploi local (aller trouver des entre- diversification, de spécialisation ou de passer à un rôle plus actif d’incubateurs de preneurs qui investissent ou des business spécification. projets collaboratifs. Animateur, facilita- angels fortement ancrés localement, par Ce dernier registre d’intervention ne teur, le développeur économique territo- exemple). Cette échelle du bassin d’emploi consiste pas à exceller dans une tech- rial ne peut se passer de l’implication des permet de dépasser les périmètres institu- nologie donnée, mais à assembler des chefs d’entreprise dans les territoires. Pour tionnels des intercommunalités. compétences complémentaires à celles Claudine Pilton, directrice d’Aradel, l’as- localisées dans son territoire. Passer d’une sociation des professionnels du développe- Stratégies de spécification filière à un marché, s’insérer dans des ment économique local de Rhône-Alpes, Pour apporter aux élus locaux une aide à dynamiques de filières interterritoriales « il faut faire en sorte que les entrepre- la décision politique, les développeurs sont pour trouver de nouvelles complémen- neurs aient une vision du territoire pour invités à constituer des équipes aux com- tarités et de nouveaux débouchés : voici qu’ils puissent s’impliquer dans le déve- pétences polyvalentes. Multipartenariales, le défi posé à certains clusters. C’est par loppement économique local ». L’analyse elles gagnent à associer élus, chefs d’en- exemple le cas de la « vallée du bijou » La vallée du bijou, 2e pôle industriel de l’Ardèche. / © Laurent Cerino / REA par les moteurs du développement terri- treprise, professionnels du tourisme, (communautés des Boutières et du Pays torial (développée par Laurent Davezies) créateurs, universitaires. « Beaucoup de de Cheylard en Ardèche) qui s’allie avec le offre ainsi une grille de lecture compré- développeurs passent 80 % de leur temps Pays de Romans (Drôme) pour « monter développeurs économiques doivent donc hensible à la fois pour les élus et pour les sur des procédures et 20 % sur de avoir « une capacité à sortir du territoire », l’animation. Si l’on veut faire insiste Claudine Pilton. Aradel a ainsi évoluer le métier, ce rapport Le développeur engagé en 2012 une réflexion pour élabo- devrait être inversé », plaide économique territorial ne peut © CLED12 / Aradel rer une « nouvelle connectique de l’action Claudine Pilton. économique des territoires » de Rhône- L’étude conduite en 2012 par se passer de l’implication Alpes, région connue pour ses contrats Denis Carré et Nadine Levratto des chefs d’entreprise de développement à l’échelle des bassins pour l’AdCF et la Caisse des d’emploi. « Le métier va bouger, mais il dépôts, intitulée Les entreprises du en gamme » (cuir et bijou) au sein du ter- faut laisser la place à l’expérimentation secteur compétitif dans les territoires, ritoire Valence Drôme Ardèche Centre locale plutôt qu’à des visions descendantes avait mis en évidence les détermi- (Valdac). schématiques. » C’est tout l’enjeu de la nants territoriaux de la croissance nouvelle génération des schémas régio- des entreprises, indépendamment Pour une nouvelle connectique naux de développement économique, des effets structurels liés au porte- des territoires d’innovation et d’internationalisation : feuille d’activité. Le « local » est un De telles stratégies de « spécification » assurer une coproduction et une territo- niveau d’intervention à part entière : nécessitent indéniablement une pro- rialisation des stratégies de développement c’est une « variable » de décision et fessionnalisation des acteurs du déve- économique. d’action. Mais selon les contextes loppement économique territorial. Les Olivier Crépin Intercommunalités et clusters : Fin 2012, France Clusters a mené une enquête rapide auprès de ses 150 membres (pôles de compétitivité, grappes d’entreprises et clusters régionaux) sur le pour un accompagnement gagnant type de soutien qu’ils reçoivent de leur communauté. Crise économique et financière, nouvelles contraintes budgétaires et réglementaires nationales… autant de paramètres qui ont contraint les clusters à diversifier, depuis 79 % des répondants déclarent recevoir un soutien financier annuel direct de l’intercommunalité plusieurs années, leurs stratégies partenariales publiques. Dans le même temps, pour leur structure ou leurs projets. 74 les agglomérations sont de plus en plus motivées pour se positionner sur une image d’excellence productive et sur des filières d’avenir, afin de pérenniser les activités sur leur territoire, faire de l’attractivité territoriale et développer l’implantation d’entreprises. % déclarent recevoir un soutien logistique de l’intercommunalité L es politiques publiques natio- ces réseaux en adoptant des poli- clusters. Ces participations prennent (soutien humain : 21 %, nales et européennes de soutien tiques affirmées de soutien (clusters des formes diverses : financière (coti- soutien matériel : 33 %, autres : 21 %). aux clusters ont connu, ces der- économiques rhônalpins, PRIDES sations ou subventions au dévelop- nières années, des évolutions. On en PACA, pôles d’excellence éco- pement des réseaux d’entreprises et Types de contributions des intercommunalités observe ainsi une diminution du nomique régionaux dans le Nord- à leurs projets de filières), logistique 100 % soutien direct au fonctionnement Pas-de-Calais, clusters d’excellence et humaine (mise à disposition de et à la structuration des organi- auvergnats…). personnel, mutualisation ou prêt de sations de clusters. Dans le même Dans la même lignée, on observe matériels, prêt de locaux…) ou autres temps, l’appui public passe de plus également l’engagement renforcé (aide à la communication, mise en 75 % en plus par le financement de projets des intercommunalités. place de relation conseil, lobbying et basés sur des thématiques clés pour soutien politique des élus de l’inter- les entreprises (design, commercia- Les intercommunalités communalité au développement de 50 % lisation, export, business et groupe- en soutien aux clusters la filière et aux projets du cluster…). ment de PME…), incitant les clusters Avant 2010, le soutien des intercom- Ponctuellement, les intercommu- à se positionner sur ces opérations munalités était plus diffus : celles-ci nalités proposent également un ciblées. intervenaient sur l’environnement nouveau type d’appui : la mutualisa- 25 % Face à la nécessité de réviser leur des filières structurées en clusters, à tion de services et moyens humains stratégie partenariale, les clusters travers une politique d’aménagement entre clusters (postes, locaux et fonc- trouvent donc les leviers d’accom- de l’espace. Depuis trois ans, une tions supports partagés…). 0% pagnement de leur structuration à montée en puissance de leurs contri- Xavier Roy, délégué général Sou tien Sou tien Sou tien Aut re l’échelle des territoires. Les régions butions directes s’est manifestée de France Clusters fina nci er hum ain ma téri el sou tien renforcent leur position d’appui de dans l’appui et le développement des www.adcf.org • N° 186 • FÉVRIER 2014
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