L'élevage de porcs en systèmes alternatifs : atouts et défis en termes de bien-être animal, biosécurité, santé animale et sécurité sanitaire ...

La page est créée Olivier Joubert
 
CONTINUER À LIRE
2022. Journées Recherche Porcine, 54, 327-338.

          L’élevage de porcs en systèmes alternatifs :
   atouts et défis en termes de bien-être animal, biosécurité,
               santé animale et sécurité sanitaire
            Maxime DELSART (1), Françoise POL (2,3), Barbara DUFOUR (1), Nicolas ROSE (3), Christelle FABLET (3)

  (1) Anses, Ecole nationale vétérinaire d’Alfort, Laboratoire de Santé Animale USC EPIMAI, F-94700, Maisons-Alfort, France
                                               (2) ONIRIS, 44300, Nantes, France
                    (3) Anses, Laboratoire de Ploufragan/Plouzané/Niort, BP 53, 22440 Ploufragan, France

                                                    maxime.delsart@vet-alfort.Fr

 L’élevage de porcs en systèmes alternatifs : atouts et défis en termes de bien-être animal, biosécurité, santé animale et sécurité
 sanitaire

 En production porcine, le système en bâtiment fermé avec un sol en caillebotis est largement dominant actuellement. Toutefois, ce
 type de production fait l’objet de controverse, une part croissante des citoyens exprimant par exemple le souhait d’un accès à
 l’extérieur pour les animaux d’élevage afin d’améliorer leur bien-être. Dans ce contexte se développent des systèmes de production
 alternatifs. S’ils sont plébiscités par les consommateurs et les citoyens, ces élevages alternatifs ne sont toutefois pas sans présenter
 de points critiques. Pour cet article, les auteurs ont passé en revue la littérature scientifique internationale afin de faire un point sur
 les connaissances actuelles concernant le bien-être, la biosécurité, la santé des animaux et la santé publique vétérinaire dans les
 élevages alternatifs. D’une façon générale, ces élevages donnent aux animaux la possibilité d’exprimer un éthogramme plus large
 qu’en bâtiment et les animaux élevés dans ces élevages semblent moins sensibles aux maladies respiratoires. Toutefois, la gestion
 de l’alimentation, de l’abreuvement, des températures et des prédateurs est souvent plus délicate en plein-air. De plus, les mesures
 de biosécurité semblent plus difficiles à appliquer et observer que dans les élevages conventionnels, notamment dans les élevages
 plein-air. La gestion des écrasements de porcelets en maternité est également un véritable défi, au même titre que la gestion du
 parasitisme. En outre, la prévalence plus élevée de nombreux agents pathogènes zoonotiques dans ces élevages peut représenter
 un risque pour la santé humaine. Malgré la richesse de la littérature, peu d’études abordent l’élevage alternatif dans sa globalité.
 Pour assurer la durabilité de ces élevages, il est encore nécessaire de produire des connaissances pour mieux cerner leurs atouts et
 leurs limites.

 Pig farming in alternative systems: strengths and challenges in terms of animal welfare, biosecurity, animal health and health
 safety

 In pig production, the conventional indoor system with a slatted floor currently dominates. However, this production system is
 becoming less socially acceptable, with a growing number of citizens expressing a desire for outdoor access for livestock to improve
 their welfare. In this context, alternative production systems are gaining ground. Although they are popular with consumers and
 citizens, these alternative systems have points of potential criticism. Here, we reviewed the international scientific literature on
 animal welfare, biosecurity, animal health and pork safety in alternative pig-production systems. In general, alternative farms give
 pigs the opportunity to express a wider ethogram (i.e. set of behaviors) than pigs on conventional farms, and pigs in these farming
 systems seem to have fewer respiratory diseases. However, management of feeding, watering, temperatures and predators is often
 more complicated in these outdoor systems. In addition, biosecurity measures seem to be more difficult to apply and observe than
 those on conventional farms, especially in free-range systems. Both parasitism and piglet crushing (in farrowing units) remain a real
 challenge. Furthermore, the higher prevalence of many zoonotic pathogens on these farms may represent a risk to human health.
 Despite the abundance of literature, few studies approach alternative farms in their entirety. To ensure the sustainability of these
 farms, there is still a need to generate knowledge to better understand their strengths and challenges.

                                                                   327
2022. Journées Recherche Porcine, 54, 328-338.

INTRODUCTION                                                                 négligeable aux besoins en énergie, en acides aminés, en
                                                                             minéraux et en micronutriments, en particulier pour les truies
La production porcine présente une très grande diversité de                  ayant une grande capacité à ingérer des aliments volumineux
modes d’élevage. La production conventionnelle en bâtiment                   (Edwards, 2005).
fermé avec un sol en caillebotis, largement dominante                        L'appétence de l'aliment est importante pour la prise
actuellement, coexiste avec d’autres systèmes de production                  alimentaire et pour la capacité du porc à couvrir ses besoins.
dits alternatifs en regard du mode de logement, parmi lesquels               Une contamination microbienne (par exemple, un niveau élevé
on retrouve à la fois des élevages en plein-air mais aussi des               de levures et de moisissures), des mycotoxines (en particulier la
élevages sur litière, et qui incluent notamment les élevages en              vomitoxine) ou des niveaux inadéquats d'acides aminés
production biologique. La production porcine en plein-air est                spécifiques (le tryptophane par exemple) peuvent entraîner
définie comme un système qui permet aux porcs d’avoir un                     une diminution de la consommation d'aliment. Les paramètres
accès à l’extérieur et d’être en contact avec le sol et les plantes.         suivants requièrent une attention particulière dans les systèmes
Dans ce type d’élevage, tous les animaux ou seulement une                    d'élevage alternatifs : (i) la conservation des aliments, en
partie d’entre eux peuvent avoir accès à l’extérieur, l’accès                particulier lorsqu'ils sont distribués à l'extérieur ; (ii) l'équilibre
plein-air pouvant être réduit à une courette extérieure ouverte              des acides aminés, en particulier dans les exploitations
sur le bâtiment d’élevage. L’élevage sur litière présente le                 biologiques où l'incorporation d'acides aminés de synthèse
même type de diversité, tous les animaux n’étant pas                         n'est pas autorisée ; (iii) ou la présence de mycotoxines qui
forcément élevés sur litière au sein d’un élevage. Il existe en              semble être plus élevée dans les céréales biologiques que dans
outre une grande diversité dans les substrats utilisés (paille,              les céréales conventionnelles, notamment le blé (Malmauret et
sciure, foin…).                                                              al., 2002).
Même s’ils sont plébiscités par les consommateurs et les                     Afin d’objectiver l’absence de faim, des indicateurs peuvent
citoyens, ces élevages alternatifs ne sont pas sans présenter de             être utilisés, notamment les notes d’état corporel ou le taux
points critiques. L’objectif de cette revue est de faire le point            d’animaux maigres (Welfare Quality Consortium, 2009). Dans
sur les connaissances actuelles concernant le bien-être, la                  une enquête réalisée dans 101 élevages biologiques européens,
biosécurité, la santé des animaux et la santé publique                       Dippel et al. (2013) ont montré que 18,8 % des truies étaient
vétérinaire dans les élevages alternatifs.                                   maigres avec une forte variabilité entre élevages. Ce taux est
                                                                             important si on le compare à ceux avancés par Scott et al. (2009)
1. BIEN-ETRE ANIMAL                                                          dans 82 élevages anglais ou néerlandais de tout type, dans
                                                                             lesquels seulement 0,1 % des truies étaient très maigres, sans
Le citoyen méconnait le mode d’élevage des animaux de                        différence apparente entre les truies élevées en plein-air et les
production. Il idéalise souvent l’élevage fermier, alternatif, dans          autres. Ces résultats suggèrent que certains agriculteurs en
lequel les animaux ont un accès à un parcours extérieur ou à                 production biologique ont plus de difficultés à répondre aux
une zone paillée plutôt que l’élevage conventionnel sur                      besoins nutritionnels des truies. Dans une autre étude, Temple
caillebotis. Une des attentes du consommateur qui achète des                 et al. (2012) ont montré que les porcs en croissance élevés sur
aliments biologiques est que les normes de bien-être animal                  paille ou en système extensif à l’extérieur présentaient un
soient supérieures dans ces systèmes d’élevage (Courboulay et                risque plus élevé de mauvais état corporel que les porcs élevés
al., 2008). Mais la notion de bien-être animal est complexe.                 dans des élevages conventionnels. Cela est d’autant plus vrai
D’après l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de                          pour les porcs entièrement dépendants du pâturage.
l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), «le                L’absence de soif est assurée par l’apport d’une quantité d’eau
bien-être d’un animal est l’état mental et physique positif lié à            permettant de couvrir les besoins des animaux. La disponibilité
la satisfaction de ses besoins physiologiques et                             en eau potable peut être un problème, notamment dans les
comportementaux, ainsi que de ses attentes. Cet état varie en                systèmes extensifs. Dans ces systèmes totalement ouverts vers
fonction de la perception de la situation par l’animal» (Anses,              l’extérieur, les abreuvoirs sont souvent accessibles aux oiseaux
2018b). Dans cette partie, les connaissances actuelles relatives             sauvages et contaminés par la poussière. Une eau de mauvaise
au bien-être animal dans les élevages alternatifs de porcs sont              qualité peut impacter la consommation hydrique et être à
synthétisées en suivant l’approche des cinq libertés.                        l’origine de problèmes de santé chez les animaux. Il est
                                                                             également important de contrôler la température de l'eau.
1.1. Absence de faim et de soif                                              Dans les systèmes extérieurs, les tuyaux d’approvisionnement
Peu de différences existent dans les modes de distribution                   en eau doivent être de préférence enterrés pour limiter les
d’aliment en élevage conventionnel et en élevage alternatif ; les            effets du gel (l’eau n’est alors plus distribuée aux animaux en
causes de stress liées à des défauts d’alimentation sont les                 période hivernale). L’action du soleil sur les canalisations
mêmes, notamment l’insuffisance de longueur d’auge ou une                    favorise d’une part les proliférations bactériennes et d’autre
quantité insuffisante d’aliment distribuée aux animaux. À noter              part une augmentation importante de la température de l’eau
toutefois que les animaux élevés en plein-air consomment en                  diminuant sa consommation par les animaux.
moyenne plus d’aliment que les animaux élevés en bâtiment,
pour des performances de croissance équivalentes, en raison                  1.2. Absence d’inconfort
d’une activité plus importante et d’une dépense d’énergie                    L’absence d’inconfort est garantie par un environnement
accrue par des températures ambiantes plus basses                            approprié, avec suffisamment d’espace pour que les animaux
notamment l’hiver. À quantités d’aliment équivalent égales, les              soient libres de leurs mouvements, une zone de repos
besoins d’un porc élevé en plein-air peuvent ne pas être                     confortable et sans courant d'air, un éclairage suffisant et non
couverts et générer des stress notamment physiologiques et                   permanent pour que les porcs puissent voir et être soumis à un
comportementaux. Cependant, l'ingestion d'herbe et de terre                  rythme nycthéméral, et le confort thermique nécessaire. Une
par les porcs en plein-air peut apporter une contribution non                litière composée de paille a des propriétés similaires au type de

                                                                       328
2022. Journées Recherche Porcine, 54, 329-338.

substrat qu’un porc trouverait naturellement, agissant comme                 Les porcelets élevés en plein-air présentent moins de
un coussin et réduisant ainsi l’inconfort et les blessures (Arey,            comportements agonistiques les uns envers les autres que ceux
1993). Plusieurs études ont montré que le risque de bursite                  élevés en bâtiment, que ce soit avant ou après le sevrage
était nettement inférieur dans les élevages alternatifs, avec                (Hötzel et al., 2004). Dans une étude réalisée au Royaume-Uni,
accès à l’extérieur ou sur paille, que dans les élevages en                  il y avait significativement moins de blessures sévères sur les
claustration (Kongsted et Sørensen, 2017). La gravité de la                  porcs en croissance élevés en plein-air que dans les élevages
bursite en effet est associée à un environnement dur et                      confinés (Pandolfi et al., 2017). Paradoxalement il y avait plus
inconfortable qui augmente la pression exercée sur la peau.                  d’animaux présentant des lésions dans les élevages dans
Les porcs présentent des possibilités de régulation thermique                lesquels les animaux élevés en bâtiment avaient un accès plein-
limitées, dépendantes, en milieu sauvage, de sa capacité à se                air, la différence avec les animaux élevés en plein-air intégral
rafraîchir grâce à des bains de boue (Mormede et al., 2006). Les             étant significative. Des observations équivalentes ont été
animaux réagissent à une température ambiante élevée en se                   constatées au niveau des queues et des lésions de
positionnant de préférence sur un sol favorisant les pertes de               cannibalisme. Les animaux élevés en bâtiment avec accès à
chaleur par conduction. Ducreux et al. (2002) ont montré que                 l’extérieur ont probablement plus de difficultés à contrôler leur
les porcs se reposent préférentiellement sur de la paille à 18°C             environnement thermique en passant d’un système protégé à
et sur des sols composés de caillebotis béton ou de béton nu à               un système plein-air, ce qui pourrait expliquer les
27°C. Cependant, en dehors des températures élevées, la paille               comportements agonistiques plus nombreux dans ce type
est nettement plus confortable pour les porcs que les sols en                d’élevage (Pandolfi et al., 2017). Des études réalisées en
béton nu. La paille apporte un confort thermique et peut                     abattoirs (Alban et al., 2015 ; Kongsted et Sørensen, 2017) ont
réduire les exigences en température d’ambiance des porcs en                 par ailleurs montré que des animaux élevés avec des parcours
croissance jusqu’à 6°C (Arey, 1993).                                         extérieurs présentaient plus de lésions de queues que des
Pour les porcs en plein-air, la principale difficulté est de                 animaux issus de systèmes conventionnels. A noter toutefois
maintenir les animaux propres et secs en conditions                          que la caudectomie est moins souvent pratiquée dans ce type
météorologiques humides (Brillouet et al., 2010). Le type et la              de production, contrairement aux productions convention-
gestion des cabanes doivent être adaptés. Elles doivent être                 nelles. Cette différence de pratique peut expliquer, au moins en
suffisamment grandes pour accueillir les animaux et                          partie, ces observations à l’abattoir. En revanche, les morsures
confortables. En maternité, il existe un effet saison sur la                 de queue sont moins fréquentes quand les animaux disposent
mortalité des porcelets en plein-air (Rangstrup-Christensen et               de paille (Brillouet et al., 2010), les animaux passant plus de
al., 2018). Cet effet est à rapprocher de la gestion du confort              temps à examiner le sol et à se déplacer, et significativement
lors de la mise-bas, et à la capacité de la truie à préparer                 moins de temps à mordre la queue de leurs congénères par
correctement son nid dans la cabane. Une mauvaise densité du                 rapport aux animaux élevés sur caillebotis.
couvert végétal du parc, accompagnée de la présence                          Les blessures et les douleurs peuvent être induites par le
permanente de boue, augmente l’humidité et l’inconfort dans                  système d’élevage en lui-même et par les pratiques de l’éleveur.
la cabane (Brillouet et al., 2010). Or le porcelet est très sensible         On pense bien entendu à la castration chirurgicale des animaux,
au froid et aux courants d’air à la naissance. Une température               encore très fréquente ou à l’épointage des dents, plus rare en
ambiante trop basse augmente la proximité des porcelets avec                 production biologique (Prunier, 2010a) et en plein-air. En
leur mère et favorise la mortalité par écrasement. Cela peut                 revanche, la pose d’anneau au niveau du groin des animaux
être corrigé par un paillage abondant des cabanes (Berger et al.,            élevés en plein-air est une pratique toujours utilisée aujourd’hui
1997). Le choix du type de cabane impacte également le taux de               (D’Eath et Turner, 2009), principalement sur les truies,
mortalité avant sevrage (Honeyman, 2005). Notons que les                     notamment en France, au Danemark et en Allemagne (Prunier,
porcelets peuvent aussi souffrir lorsqu’il fait très chaud. La               2010a). Le comportement actif de recherche de nourriture des
chaleur impacte les qualités laitières de la truie qui, en outre,            porcs peut conduire à la destruction des pâturages. Cette
passe plus de temps à l’extérieur de la cabane à se rafraîchir               activité devient douloureuse avec un anneau au niveau du
plutôt qu’à allaiter ses porcelets (Rangstrup-Christensen et al.,            groin. Cette douleur ainsi que celle engendrée par la pose de
2018). Pour limiter les effets de la chaleur en plein-air, il est            l’anneau, associée à l’inhibition de l’activité de fouissement,
nécessaire de mettre à la disposition des animaux des zones                  sont des éléments négatifs pour le bien-être de ces animaux
d’ombre ou des zones de rafraîchissement, comme des buses                    élevés en plein-air (Van der Mheen et Vermeer, 2005).
d’aspersion ou des bauges (EFSA, 2005). Les mares sont
également utilisées pour se rafraichir par temps chaud et se                 1.4. Liberté d’exprimer des comportements normaux
protéger des insectes (D’Eath et Turner, 2009).
                                                                             Parmi les critiques les plus fréquentes contre les systèmes de
1.3. Absence de douleur, de blessure (et de maladie)                         production conventionnels, on retrouve l’absence de liberté
                                                                             pour les animaux d’exprimer des comportements naturels. En
L’absence de maladie est développée dans la troisième partie                 milieu sauvage, les porcs sont actifs pendant la journée et
de cette revue.                                                              passent 75% de ce temps actifs à rechercher de la nourriture,
Blessures et douleurs peuvent être des conséquences de                       notamment à fouiller, à brouter, à mâchonner et à explorer
bagarres entre animaux. Dans l’étude de Dippel et al. (2013)                 avec leur groin (D’Eath et Turner, 2009). De nombreuses études
réalisée dans des élevages biologiques européens, les lésions                montrent que les animaux sont plus actifs, en position debout,
liées à des bagarres sur les truies, objectivées par la présence             dans les systèmes de production alternatifs que dans les
de blessures, concernaient 15,5 % et 7,9 % de l’ensemble des                 systèmes conventionnels et al., 2013). Sur paille, les porcs en
animaux observés, selon que ces blessures se trouvaient                      croissance passent plus de temps à être en interaction avec leur
respectivement sur la partie antérieure ou postérieure de                    environnement, à avoir un comportement exploratoire. Il existe
l’animal. Mais cela cachait une très grande variabilité entre                toutefois une variabilité inter-élevage élevée (Courboulay et al.,
élevages, indépendamment du système d’exploitation.                          2008).

                                                                       329
2022. Journées Recherche Porcine, 54, 330-338.

La paille réduit également les comportements sociaux nuisibles,               renards et même les blaireaux (Prunier et al., 2014). Dans une
comme les morsures d’oreilles ou de queues (Van de Weerd et                   étude visant à analyser les causes de mortalité de porcelets en
al., 2006). Lorsqu’il n’est pas possible de fournir de la paille, il          plein-air, Edwards et al. (1994) ont montré que 6 % des cadavres
est possible d’apporter des objets d’enrichissement. Toutefois                de porcelets présentaient des traces d’attaques d’oiseaux.
de nombreuses études (Temple et al., 2012 ; Pandolfi et al.,
2017) montrent que la paille ou tout autre substrat organique                 1.6. Bilan
utilisés en tant que litière, restent les matériaux les plus
                                                                              Les systèmes extensifs donnent aux animaux la possibilité
efficaces pour réduire les comportements inappropriés.
                                                                              d’exprimer un panel comportemental plus large qu’en
Les porcelets non sevrés ont moins de comportements                           bâtiment, comprenant la plupart de leurs comportements
agonistiques et passent moins de temps à interagir avec leur                  naturels, mais le contrôle de l’environnement y est plus difficile,
mère lorsqu’ils sont en plein-air. Ils passent plus de temps à                notamment la gestion de l’alimentation, de l’abreuvement, des
explorer le milieu, à se nourrir, à marcher et à jouer (Hötzel et             températures et des prédateurs. Les systèmes sur litières
al., 2004). Ils bénéficient d’un grand espace et d’un                         permettent également l’expression d’un éthogramme plus
enrichissement de leur milieu qui leur permettent d’exprimer                  large et procure aux animaux une source de confort, sous
leur comportement naturel dans de bonnes conditions (Prunier                  réserve que la litière soit saine et sèche. Les systèmes
et al., 2014). La possibilité d'avoir des interactions sociales entre         alternatifs, avec un environnement enrichi, offrent de
les porcelets de différentes portées pendant la lactation est un              nombreuses solutions pour contrôler les points critiques du
autre facteur qui peut induire des différences                                bien-être animal, contrairement à l'élevage conventionnel, où
comportementales. Au sevrage, les porcelets ayant eu des                      les porcs ont plus de difficultés à exprimer leur comportement
interactions avec ceux d’autres portées pendant la lactation                  naturel, malgré l'ajout de matériaux d'enrichissement, voire
sont moins agressifs après avoir été mélangés avec des                        une augmentation des surfaces par animal. Si les points
porcelets inconnus, que les porcelets dont le groupe social est               critiques sont sous contrôle, les systèmes alternatifs sont plus
resté limité à celui de la portée (Verdon et al., 2019). Leurs                adaptés que les systèmes conventionnels pour garantir un
mères ont aussi un comportement différent lorsqu'elles sont en                niveau plus élevé de bien-être.
plein-air : elles passent plus de temps débout à explorer le
milieu que les truies confinées (Hötzel et al., 2004). Les truies et
                                                                              2. BIOSECURITÉ
les porcelets en plein-air montrent un répertoire
comportemental plus riche (Johnson et al., 2001).
                                                                              La biosécurité englobe toutes les mesures à mettre en place
La paille et les matériaux trouvés en plein-air permettent aux                pour limiter le risque d'introduction d’agents pathogènes dans
truies de construire un nid et peuvent influencer leur                        les élevages (bio-exclusion), pour limiter la dissémination du
comportement maternel. En milieu sauvage, les truies                          pathogène au sein de l’exploitation (bio-compartimentation),
préparent un nid en creusant le sol avec leur groin et en faisant             pour limiter la dissémination de l'agent infectieux en dehors de
des allers et retours pour aller chercher des longues herbes, des             l'exploitation, afin de prévenir le risque de contamination des
feuilles et des petites brindilles (Mormede et al. ; 2006; D’Eath             animaux, des humains et de l’environnement.
et Turner, 2009), supports que la paille peut simuler sans
difficulté.                                                                   2.1. Bio-exclusion

1.5. Absence de peur, de stress et d’anxiété                                  Les mesures de biosécurité ont pour objectif d’éviter que des
                                                                              agents pathogènes ne pénètrent puis ne contaminent les
Les travaux sur la relation homme-animal décrivent une                        élevages. Les élevages alternatifs, proposant aux animaux un
aptitude des porcs à développer des réactions de peur,                        accès extérieur, ont plus de difficultés à mettre en place des
d’anxiété à l’approche de l’homme (Hemsworth, 2003). Cette                    mesures de biosécurité strictes. La probabilité d’exposition de
peur, que l’on peut notamment évaluer par les comportements                   ces élevages à certains agents pathogènes circulant dans la
de retrait des animaux au contact d’un homme (Welfare Quality                 faune sauvage comme le virus de la peste porcine africaine par
Consortium, 2009), semble comparable selon que les truies sont                exemple, est beaucoup plus élevée (Anses, 2018a). C’est
logées en groupe en bâtiment ou en plein-air (Scott et al., 2009).            d’autant plus le cas dans les systèmes très extensifs,
La domestication des animaux est aussi importante en élevage                  notamment le système sylvopastoral largement répandu dans
alternatif qu’en élevage confiné (Sutherland et al., 2013).                   certains pays du sud de l’Europe (par exemple en Espagne),
Dans les conditions naturelles ou semi-naturelles, le sevrage des             dans lequel les porcs pâturent dans des zones de forêts
porcelets est un processus progressif, qui commence vers la                   naturelles (Sørensen et al., 2006). La biosécurité est presque
4ème semaine et se termine entre la 9ème et la 17ème semaine de               impossible à appliquer lorsque les animaux ont accès à des
vie. L'âge au sevrage a une influence sur l'adaptation des                    parcours partagés par différents troupeaux, comme on peut le
porcelets élevés en plein-air, en réduisant les comportements                 rencontrer en Sardaigne, en Corse ou dans les forêts publiques
de détresse et en améliorant le comportement alimentaire                      en Géorgie ou en Arménie (Bellini et al., 2016).
(Hötzel et al., 2010). Dans les élevages en agriculture                       C’est bien entendu le contact avec la faune sauvage, et
biologique, les porcelets sont sevrés plus tard qu’en production              principalement les sangliers, qui pose le plus de problème
conventionnelle, après l'âge de 6 semaines. Plusieurs études                  lorsque les porcs sont élevés en plein-air. Le contact avec la
montrent que l'augmentation de l'âge au sevrage peut avoir un                 faune sauvage est considéré comme une source d’infection, par
impact positif sur les taux de cortisol salivaire ou plasmatique              exemple de brucellose, de peste porcine classique, de peste
au sevrage (Van der Meulen et al., 2010).                                     porcine africaine ou de maladie d’Aujeszky. Le nombre croissant
Le stress, la peur et l’anxiété peuvent aussi être induits par la             de sangliers sauvages dans certaines régions, notamment en
présence de prédateurs. Les jeunes porcelets élevés en plein-air              Europe, et leur capacité à coloniser de nouveaux espaces,
sont exposés à la prédation, notamment par des corvidés, les                  constituent des menaces pour les élevages plein-air. Les
                                                                              sangliers s’approchent d’autant plus près de la clôture du parc

                                                                        330
2022. Journées Recherche Porcine, 54, 331-338.

où sont élevés les porcs que la distance entre le parc et la ferme           des élevages avec courettes extérieures, ou pour des animaux
est importante (Wu et al., 2012).                                            élevés en bâtiment sur litière avec un ou plusieurs pans de murs
Les porcs peuvent être aussi en contact avec d’autres espèces                ajourés sur l’extérieur. Ces clôtures sont souvent coûteuses et
vectrices de maladies, comme le lièvre par exemple qui peut                  difficiles à mettre en place, mais aussi à entretenir sur le long
véhiculer la brucellose. Les porcs élevés en plein-air sont                  terme (Bellini et al., 2016). Leur entretien est primordial,
inévitablement exposés à certains sérovars de leptospires                    notamment lorsqu’il s’agit de systèmes électrifiés. Tout contact
provenant de diverses espèces sauvages dont le hérisson, le                  entre les fils et le sol diminue l’efficacité de la clôture (fuite de
renard et les rats (Roman et al., 2006). Les rongeurs peuvent                courant vers le sol). Un désherbage autour de la clôture est donc
être des réservoirs de multiples pathogènes pouvant affecter                 nécessaire mais peut rapidement être fastidieux, notamment
les porcs comme Erysipelothrix rhusiopathiae (Leirs et al., 2004),           dans les élevages biologiques où l’utilisation de désherbants de
Brachyspira hyodysenteriae, Lawsonia intracellularis (Roman et               synthèse est en général interdite.
al., 2006), plusieurs sérovars de Salmonella enterica subsp
enterica et de Yersinia, des parasites comme Toxoplasma                      2.2. Bio-compartimentation
gondii, Trichinella spp. et Echinococcus multilocularis (Leirs et            Le maintien d’une infection au sein d’une population peut être
al., 2004). Le contrôle des rats dans les élevages alternatifs est           favorisé dans les élevages alternatifs par la présence de litière
particulièrement compliqué, les lieux de protection ou de                    augmentant la probabilité de contact des animaux avec leurs
nidification étant plus nombreux et la lutte chimique moins                  déjections. À la différence des élevages en bâtiment sur
aisée qu’en bâtiment fermé. Il a été mis en évidence une                     caillebotis, les types de sol rencontrés dans ces élevages ne
corrélation positive entre la présence de rats et le stockage de             permettent pas toujours un drainage correct de l'urine et une
paille dans les porcheries (Leirs et al., 2004).                             évacuation suffisante des matières fécales. Le contact
Les oiseaux constituent un autre vecteur qu’il est très difficile            permanent ou répété du porc avec les excréments augmente le
de contrôler dans les systèmes alternatifs. Ils peuvent être                 risque de contamination (notamment de troubles entériques),
impliqués par exemple dans la propagation de la gastro-entérite              entre les porcs d’un même enclos (EFSA, 2005). Le type de sol
transmissible, de salmonelloses, ou de tuberculoses aviaires                 et de bâtiment a également un impact sur la capacité à
(Roman et al., 2006).                                                        décontaminer l’environnement après le passage des animaux.
Parmi les autres vecteurs on peut aussi citer certaines tiques,              Le nettoyage et la désinfection suivis du vide sanitaire
comme Ornithodoros moubata et O. erraticus qui ont contribué                 représentent les éléments principaux de la bio-
à la transmission du virus de la peste porcine africaine (PPA)               compartimentation. Il va sans dire que ces techniques sont
dans les élevages plein-air en péninsule ibérique.                           difficilement applicables en élevage plein-air et restent
Enfin, les animaux élevés en plein-air sont plus accessibles pour            compliquées dans les élevages sur litière où il est difficile de
des visiteurs curieux, ce qui facilite la transmission d’agents              retirer l’ensemble des matières organiques. À cela s’ajoute le
zoonotiques (Sørensen et al., 2006) ou encore la distribution de             nombre limité de produits désinfectants utilisables dans les
restes d’aliments contaminés par des agents infectieux comme                 élevages biologiques, notamment en Europe.
les virus de la PPA ou de la peste porcine classique.
La litière utilisée dans les élevages alternatifs représente un              2.3. Bilan
autre danger en termes de biosécurité. Plusieurs études ont                  La biosécurité est probablement le plus grand défi pour
montré que lorsque les systèmes de production comprennent                    l’élevage de porcs alternatif. Au cours des dernières décennies,
de la sciure, des copeaux de bois ou de la paille, l'incidence de            de grandes épizooties sont apparues dans les exploitations
la tuberculose causée par Mycobacterium avium augmente                       agricoles conventionnelles. Toutefois, ces exploitations ont la
(Álvarez et al., 2011). La litière peut avoir été exposée à d’autres         possibilité de les contrôler, au moins à long terme, en mettant
animaux, et avoir été contaminée (Roman et al., 2006). La litière            en place des mesures strictes de biosécurité internes et
doit donc être protégée et entreposée de sorte à empêcher les                externes. D’une façon générale, les élevages alternatifs
contacts avec des suidés domestiques autres que ceux détenus                 appliquent les mesures de biosécurité de façon moins
sur l’exploitation, ou des suidés sauvages. Elle doit en outre être          rigoureuse, notamment les élevages plein-air, dans lesquels
protégée d’éventuelles contaminations par des nuisibles. Il en               elles sont plus difficiles à mettre en œuvre, et pour lesquels les
est de même pour les aliments distribués aux animaux (Bellini                investissements de clôtures sont importants. Le
et al., 2016).                                                               développement des élevages de production alternatifs peut
Afin de réduire les contacts entre la faune sauvage et les porcs             représenter une difficulté dans la lutte contre les agents
domestiques élevés avec un accès extérieur, la mise en place de              pathogènes, en particulier ceux circulant dans la faune sauvage.
clôtures est fortement recommandée, voire obligatoire selon
les pays. La succession des crises sanitaires, et notamment la
                                                                             3. SANTE ANIMALE
diffusion de la peste porcine africaine, pousse les filières
porcines et les Etats à prendre conscience de l’importance de la
                                                                             La plus grande difficulté à appliquer des mesures de biosécurité
biosécurité. En France, le Ministère de l'Agriculture et de
                                                                             et la diversité biologique du milieu dans lequel évoluent les
l'Alimentation a signé en 2018 un arrêté relatif aux mesures de
                                                                             porcs en systèmes alternatifs peuvent augmenter les
biosécurité applicables dans les exploitations détenant des
                                                                             probabilités d’exposition à des agents infectieux pathogènes.
suidés (Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, 2018).
                                                                             De plus, la conduite des animaux liée à ces systèmes d’élevage
Les mesures les plus importantes pour les élevages alternatifs
                                                                             peut également être à l’origine de troubles de la santé.
concernent les clôtures devant interdire d’une part l’intrusion
de suidés sauvages au sein de la zone d’élevage et d’autre part,
                                                                             3.1. Mortalités
les contacts groins à groins entre les suidés de l’élevage et les
suidés sauvages. Ces mesures ne concernent pas seulement les                 La mortalité des porcelets dans les jours qui suivent la naissance
élevages plein-air car ce type de contact est aussi possible dans            concerne tous les élevages de porcs mais plus particulièrement

                                                                       331
2022. Journées Recherche Porcine, 54, 332-338.

les élevages en systèmes alternatifs. En effet de nombreuses                     3.3. Maladies respiratoires
études montrent que la mortalité périnatale est plus
                                                                                 Bien que l’élevage en système ouvert semble offrir de
importante dans ces types de production. Robledo et al. (2007)
                                                                                 nombreux facteurs protecteurs vis-à-vis des maladies
ont comparé trois systèmes pour les mise-bas. Le taux de survie
                                                                                 respiratoires, notamment en raison d’une meilleure qualité de
des porcelets nés dans un système où les truies sont bloquées
                                                                                 l’air, les troubles respiratoires même si moins fréquents, ne sont
durant la lactation est nettement meilleur que ceux obtenus
                                                                                 pas totalement absents en système alternatif (Früh et al., 2018).
soit en plein-air, soit dans une case sur sol plein avec de la paille
                                                                                 Leeb et al. (2019) ont réalisé des comptages d’éternuements et
et un accès extérieur pour les porcelets. Cette mortalité
                                                                                 de toux dans 74 élevages biologiques dans huit pays européens.
intervient principalement dans les 4 premiers jours de vie du
                                                                                 Ils ont mis en évidence qu’il y avait moins de troubles
porcelet. Elle est d’autant plus élevée en production biologique
                                                                                 respiratoires quand les animaux sont élevés avec un parcours
que la taille de la portée est importante et que la truie est grasse
                                                                                 plein-air durant toute leur vie. Mais il est plus difficile de
et âgée (Rangstrup-Christensen et al., 2018).
                                                                                 dénombrer les toux et les éternuements en plein-air, ce qui
Les écrasements constituent de loin la première cause de                         peut induire un biais dans ces résultats. Pour limiter ce biais, il
mortalité avant sevrage. La surmortalité par écrasement peut                     est possible d’objectiver et de comparer les lésions du système
en partie s’expliquer par le fait qu’il est plus difficile de surveiller         respiratoire au moment de l’abattage des animaux. D’après une
les mise-bas et d’intervenir en toute sécurité lorsqu’une truie                  étude réalisée au Danemark, la prévalence réelle des lésions
est en liberté que lorsqu’elle est bloquée (Kilbride et al., 2012).              respiratoires serait de 42 % en production porcine
Mais cela ne signifie pas pour autant que l’éleveur doit être plus               conventionnelle contre 16,5 % en production biologique (Bonde
présent. En effet, en système plein-air, les interventions des                   et al., 2010). Dans une autre étude réalisée en Suède, 7,4 % des
éleveurs lors de la mise-bas semblent avoir un effet défavorable                 porcs conventionnels observés à l’abattoir présentaient des
sur les taux de mortalité avant sevrage (Berger et al., 1997).                   lésions de pleurésie contre seulement 1,8 % des porcs
Dans une étude réalisée dans 112 élevages en Angleterre,                         biologiques (Hansson et al., 2000). Mais il existe des études
aucune différence en termes de mortalité de porcelets n’a été                    discordantes, plus récentes, réalisées au Danemark, qui ne
mise en évidence au cours de la phase de lactation selon le                      mettent pas en évidence de différence significative au niveau
mode d’élevage des truies. Cette absence de différence peut                      des lésions du système respiratoire en fonction du système
s’expliquer par des causes de mortalité différentes selon les                    d’élevage (Alban et al., 2015 ; Kongsted et Sørensen, 2017).
types d’élevage : par écrasement en alternatif et pour des                       Seules les pleurésies sont plus fréquentes dans l’étude d’Alban
raisons infectieuses en bâtiment (Kilbride et al., 2012). Dans                   et al. (2015) dans les élevages conventionnels.
cette même étude il a été constaté une réduction du risque de
mort-nés dans les systèmes plein-air, liée, d’après les auteurs, à               3.4. Pathologie digestive
une plus grande liberté de mouvements des truies induisant des
                                                                                 La pathologie digestive est une autre grande dominante en
mise-bas plus rapides.
                                                                                 production porcine et concerne aussi les systèmes de
En post-sevrage et d’engraissement, les taux de mortalité                        production alternatifs, et notamment la production biologique
semblent être moins élevés en systèmes alternatifs qu’en                         (Leeb et al., 2019). Mais peu d’études comparant les troubles
élevage confiné (Lahrmann et al., 2004). Par contre, le taux de                  digestifs en fonction des systèmes d’élevage existent. Leeb et
mortalités des truies semble plus important sur les truies                       al. (2019) observent une fréquence plus élevée de diarrhées
élevées en plein-air, avec moins de mammites-métrites-                           dans les élevages biologiques lorsque les porcs ne sont pas
agalactie (MMA) et de torsions ou de distensions intestinales,                   élevés en plein-air. Toutefois, ces résultats sont à relativiser, au
mais plus d’infections urogénitales, d’insuffisances cardiaques                  regard de la difficulté à observer ce type de symptômes sur des
et de problèmes locomoteurs (Karg et Bilkei, 2002).                              animaux à l’extérieur. Au-delà des désordres digestifs per se,
                                                                                 aucune différence n’a été mise en évidence au niveau de la flore
3.2. Troubles de la reproduction                                                 fécale, dans une étude réalisée sur des porcs en fin de période
Plusieurs études suggèrent que les truies élevées en plein-air                   d’engraissement, selon que les animaux proviennent d’élevages
présentent moins de MMA que celles élevées en bâtiment (Karg                     conventionnels ou biologiques (Gerzova et al., 2015).
et Bilkei, 2002 ; Leeb et al., 2019). Notons toutefois qu’il est                 L’observation de lésions digestives à l’abattoir montre qu’il y
probablement plus difficile pour un éleveur d’observer une                       aurait plus de lésions d’entérite ou de péritonite en production
MMA sur une truie élevée en plein-air.                                           biologique qu’en production conventionnelle (Bonde et al.,
Parmi les principaux agents infectieux auxquels les animaux                      2010). Il y aurait cependant des niveaux moins élevés de
ayant un accès plein-air sont plus exposés, il y a bien entendu                  parakératose ou d’ulcération au niveau de la pars oesophagia
Brucella suis, dont la séroprévalence est élevée chez les                        dans les élevages en systèmes alternatifs (plein-air ou sur paille)
sangliers, notamment en Europe. Dans une étude réalisée en                       que dans les élevages conventionnels (Guy et al., 2002).
Croatie, 67 des 1 997 troupeaux testés ont présenté des                          Au-delà du système d’élevage à proprement parler, il existe une
anticorps contre la brucellose (3,3%). Parmi eux, seuls deux                     grande variabilité d’expression des troubles digestifs entre
n’étaient pas conduits en plein-air (Cvetnić et al., 2009).                      élevages qui peut s’expliquer par des différences de gestion des
Les performances de reproduction sont souvent plus faibles en                    facteurs de risque, comme le confort, la conduite d’élevage,
élevage biologique (Brillouet et al., 2010 ; Lindgren et al., 2013),             l’alimentation ou l’hygiène. En l’absence de certaines matières
mais cela ne signifie pas forcément que la santé des truies est                  premières, et notamment les acides aminés de synthèse,
moins bonne. Les problèmes de reproduction peuvent aussi                         l’alimentation des porcs biologiques peut être délicate. Cela
être liés au système d’élevage. On sait par exemple que des                      impose une attention particulière quant au choix des matières
truies élevées en groupe durant la lactation ont plus de risque                  premières composant l’aliment distribué aux animaux, afin de
d’ovuler durant leur lactation (Hultén et al., 1995) avec une                    prévenir notamment les troubles digestifs. L’hygiène tient une
diminution de la fertilité après le sevrage.                                     place primordiale dans la gestion des troubles digestifs. D’après

                                                                           332
2022. Journées Recherche Porcine, 54, 333-338.

Vannucci et al. (2019), les entérites nécrotiques induites par              Le contrôle des parasitoses est fondé sur la rupture du cycle de
Lawsonia intracellularis sont plus fréquentes dans des                      vie du parasite, ce qui est compliqué dans les élevages
conditions qui facilitent le cycle oro-fécal, comme l’utilisation           alternatifs de par la nature de l’environnement. Lindgren et al.
d’une litière de paille ou d’un sol plein.                                  (2019) ont mis en évidence des œufs d’A. suum et de T. suis dans
                                                                            respectivement 79 % et 57 % des 28 prélèvements de sol
3.5. Parasitisme                                                            effectués dans des élevages biologiques en Suède. Les élevages
                                                                            hébergeant des porcs en plein-air depuis longtemps semblent
La présence de parasites internes (endoparasites) ainsi que
                                                                            plus infestés, en lien probablement avec la résistance des œufs,
l’intensité des infestations sont fortement influencées par le
                                                                            notamment d’A. suum qui peuvent rester viables jusqu’à 10 ans
système de production. Le parasitisme interne reste une
                                                                            dans l’environnement (Roepstorff et Nansen, 1994).
préoccupation majeure dans les systèmes alternatifs,
                                                                            Les principaux ectoparasites (externes) chez le porc sont la gale
notamment ceux avec un accès plein-air (Früh et al., 2018). Ces
                                                                            (Sarcoptes scabiei var. suis) et les poux (Haematopinus suis),
conditions d’élevage sont en effet plus favorables au
                                                                            même si des puces ou des tiques peuvent aussi être détectées,
développement et à la survie des différents stades des parasites
                                                                            notamment chez les porcs ayant accès à des pâturages extensifs
dans l’environnement (Salajpal et al., 2013).
                                                                            ou aux bois (Salajpal et al., 2013). Dans une enquête réalisée
Dans une étude réalisée aux Pays-Bas dans neuf élevages                     dans 110 élevages allemands, respectivement 2,5 % et 19,1 %
conventionnels, 11 élevages biologiques et 16 élevages non                  des truies observées étaient infestées par Haematopinus suis et
biologiques avec un accès plein-air, la prévalence des                      Sarcoptes scabiei var. suis (Damriyasa et al., 2004). Les auteurs
infestations par les helminthes était plus importante quand les             ont observé que les truies logées sur paille en maternité avaient
animaux étaient élevés à l’extérieur, indépendamment du                     significativement plus de risque d’être infestées par S. scabiei
statut biologique de l’élevage (Eijck et Borgsteede, 2005). La              (OR=15,0 [2,9 ; 77,6]95 %) que les truies non logées sur paille.
diversité des parasites reste toutefois faible. Dans cette étude,           Pour H. suis, c’est l’accès des truies au plein air qui constituait
seuls trois helminthes (Ascaris suum, Oesophagostomum spp et                un important facteur de risque (OR=12,7 [4,0 ; 40,7]95 %).
Trichuris suis) et des coccidies ont été identifiés. D’autres
espèces comme Hyostrongylus rubidus, Metastrongylus spp,                    3.6. Pathologie cutanée
Strongyloïdes ransomi ou Stephanurus dendatus sont moins
souvent observées (Carstensen et al., 2002 ;Prunier, 2010b).                Au-delà des lésions induites par les bagarres (griffures,
                                                                            blessures) ou des parasitoses, les troubles cutanés sur les porcs
La coccidiose peut être une cause importante de diarrhées chez
                                                                            élevés en production biologique semblent rares (Brillouet et al.,
les porcelets non sevrés de plus de 7 jours d’âge. Elle est en
                                                                            2010). Toutefois, dans l’étude de Kongsted et Sørensen (2017)
général due à Cystoisospora suis. Dans l’étude précédemment
                                                                            réalisée à l’abattoir, les porcs ayant un accès plein-air
mentionnée (Eijck et Borgsteede, 2005), il y avait
                                                                            présentaient trois fois plus de lésions cutanées que les porcs
systématiquement plus d’oocystes présents dans les déjections
                                                                            issus d’élevage conventionnels. Cependant il n’y a pas de
des truies en système alternatif. Mais il s’agissait d’Eimeria spp.
                                                                            différenciation dans cette étude du type de lésions, constituées
dont l’impact sur les animaux reste à évaluer. Cystoisospora suis
                                                                            principalement de blessures, dermatites, eczéma et piqûres
a été isolé dans des déjections de porcelets, sans différence
                                                                            d'insectes. Il parait toutefois probable que certaines lésions,
significative selon le système de production.
                                                                            comme les coups de soleil, soient plus importantes sur les
Les helminthes représentent une problématique très                          animaux élevés à l’extérieur.
importante dans les élevages alternatifs. Dans l’étude
néerlandaise (Eijck et Borgsteede, 2005), il n’y avait pas de               3.7. Troubles locomoteurs
différence      entre      les    niveaux    d’infestation     par
Oesophagostomum spp entre les systèmes d’élevage. Environ                   Les troubles locomoteurs, objectivés en premier lieu par la
25 % des élevages présentaient des Oesophagostomes,                         présence de boiteries sur les animaux, sont des affections
confirmant les observations d’autres études (Carstensen et al.,             souvent observées en élevages, notamment en production
2002 ; Prunier, 2010b). Concernant Trichuris suis, le niveau                biologique (Früh et al., 2018). Elles touchent tous les stades, y
d’infestation était nettement supérieur (37 %) dans les élevages            compris les reproducteurs. Plusieurs études montrent que les
plein-air que dans les élevages conventionnels (11 %). T. suis              truies élevées dans des systèmes alternatifs présentent moins
était le deuxième endoparasite le plus souvent mis en évidence,             de risque de boiteries. Dans l’étude de Knage-Rasmussen et al.
loin derrière Ascaris suum isolé dans 60 % des élevages                     (2014), 24,4 % des truies conventionnelles présentaient une
alternatifs, contre seulement 11 % des élevages conventionnels              boiterie, contre seulement 5,4 % des truies biologiques, avec
(Eijck et Borgsteede, 2005). Lors de sa migration larvaire, A.              toutefois un effet saison (plus de boiteries en été et en
suum traverse le foie, ce qui entraine la formation de taches               automne). La qualité du sol semble avoir une importance. Leeb
blanches (milk spots) facilement observables à l’abattoir si la             et al. (2019) ont observé moins de boiteries lorsque les truies
migration s’est produite dans le mois précédent l’abattage des              ne sont pas élevées en bâtiment, en lien, d’après les auteurs,
animaux. De nombreuses études ont comparé les niveaux de                    avec un revêtement plus souple, une exposition moindre au
prévalence de foies présentant des « milk spots » selon le                  fumier et une activité accrue. Un sol sur caillebotis béton est un
système d’élevage. Dans quasiment toutes les études la                      facteur de risque important de boiterie par rapport à un sol sur
fréquence de foies atteints est plus élevée quand les porcs                 paille (OR = 9,9 [4,4 ; 34,5]95 %) (Cador et al., 2014).
proviennent de systèmes d’élevage avec un accès plein-air                   Des observations menées à l’abattoir montrent que les arthrites
(Alban et al, 2015 ; Kongsted et Sørensen, 2017). Une étude                 seraient plus fréquentes lorsque les animaux sont élevés en
britannique a en outre montré que la présence de litière sur sol            plein-air (Alban et al., 2015 ; Kongsted et Sørensen, 2017). Une
plein (de la paille par exemple) représentait un facteur de risque          des explications serait la difficulté de traiter les animaux
(Odds ratio (OR)=1,5 [1,26 ; 1,85]95 %) d’une prévalence élevée             malades dans ces systèmes de production. Dans une étude
de « milk spots » (Sanchez-Vazquez et al., 2010).                           réalisée à l’abattoir, la fréquence d’arthrites était plus élevée
                                                                            sur les porcs biologiques que non biologiques (respectivement

                                                                      333
Vous pouvez aussi lire