L'élevage de porcs en systèmes alternatifs : atouts et défis en termes de bien-être animal, biosécurité, santé animale et sécurité sanitaire ...
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2022. Journées Recherche Porcine, 54, 327-338. L’élevage de porcs en systèmes alternatifs : atouts et défis en termes de bien-être animal, biosécurité, santé animale et sécurité sanitaire Maxime DELSART (1), Françoise POL (2,3), Barbara DUFOUR (1), Nicolas ROSE (3), Christelle FABLET (3) (1) Anses, Ecole nationale vétérinaire d’Alfort, Laboratoire de Santé Animale USC EPIMAI, F-94700, Maisons-Alfort, France (2) ONIRIS, 44300, Nantes, France (3) Anses, Laboratoire de Ploufragan/Plouzané/Niort, BP 53, 22440 Ploufragan, France maxime.delsart@vet-alfort.Fr L’élevage de porcs en systèmes alternatifs : atouts et défis en termes de bien-être animal, biosécurité, santé animale et sécurité sanitaire En production porcine, le système en bâtiment fermé avec un sol en caillebotis est largement dominant actuellement. Toutefois, ce type de production fait l’objet de controverse, une part croissante des citoyens exprimant par exemple le souhait d’un accès à l’extérieur pour les animaux d’élevage afin d’améliorer leur bien-être. Dans ce contexte se développent des systèmes de production alternatifs. S’ils sont plébiscités par les consommateurs et les citoyens, ces élevages alternatifs ne sont toutefois pas sans présenter de points critiques. Pour cet article, les auteurs ont passé en revue la littérature scientifique internationale afin de faire un point sur les connaissances actuelles concernant le bien-être, la biosécurité, la santé des animaux et la santé publique vétérinaire dans les élevages alternatifs. D’une façon générale, ces élevages donnent aux animaux la possibilité d’exprimer un éthogramme plus large qu’en bâtiment et les animaux élevés dans ces élevages semblent moins sensibles aux maladies respiratoires. Toutefois, la gestion de l’alimentation, de l’abreuvement, des températures et des prédateurs est souvent plus délicate en plein-air. De plus, les mesures de biosécurité semblent plus difficiles à appliquer et observer que dans les élevages conventionnels, notamment dans les élevages plein-air. La gestion des écrasements de porcelets en maternité est également un véritable défi, au même titre que la gestion du parasitisme. En outre, la prévalence plus élevée de nombreux agents pathogènes zoonotiques dans ces élevages peut représenter un risque pour la santé humaine. Malgré la richesse de la littérature, peu d’études abordent l’élevage alternatif dans sa globalité. Pour assurer la durabilité de ces élevages, il est encore nécessaire de produire des connaissances pour mieux cerner leurs atouts et leurs limites. Pig farming in alternative systems: strengths and challenges in terms of animal welfare, biosecurity, animal health and health safety In pig production, the conventional indoor system with a slatted floor currently dominates. However, this production system is becoming less socially acceptable, with a growing number of citizens expressing a desire for outdoor access for livestock to improve their welfare. In this context, alternative production systems are gaining ground. Although they are popular with consumers and citizens, these alternative systems have points of potential criticism. Here, we reviewed the international scientific literature on animal welfare, biosecurity, animal health and pork safety in alternative pig-production systems. In general, alternative farms give pigs the opportunity to express a wider ethogram (i.e. set of behaviors) than pigs on conventional farms, and pigs in these farming systems seem to have fewer respiratory diseases. However, management of feeding, watering, temperatures and predators is often more complicated in these outdoor systems. In addition, biosecurity measures seem to be more difficult to apply and observe than those on conventional farms, especially in free-range systems. Both parasitism and piglet crushing (in farrowing units) remain a real challenge. Furthermore, the higher prevalence of many zoonotic pathogens on these farms may represent a risk to human health. Despite the abundance of literature, few studies approach alternative farms in their entirety. To ensure the sustainability of these farms, there is still a need to generate knowledge to better understand their strengths and challenges. 327
2022. Journées Recherche Porcine, 54, 328-338. INTRODUCTION négligeable aux besoins en énergie, en acides aminés, en minéraux et en micronutriments, en particulier pour les truies La production porcine présente une très grande diversité de ayant une grande capacité à ingérer des aliments volumineux modes d’élevage. La production conventionnelle en bâtiment (Edwards, 2005). fermé avec un sol en caillebotis, largement dominante L'appétence de l'aliment est importante pour la prise actuellement, coexiste avec d’autres systèmes de production alimentaire et pour la capacité du porc à couvrir ses besoins. dits alternatifs en regard du mode de logement, parmi lesquels Une contamination microbienne (par exemple, un niveau élevé on retrouve à la fois des élevages en plein-air mais aussi des de levures et de moisissures), des mycotoxines (en particulier la élevages sur litière, et qui incluent notamment les élevages en vomitoxine) ou des niveaux inadéquats d'acides aminés production biologique. La production porcine en plein-air est spécifiques (le tryptophane par exemple) peuvent entraîner définie comme un système qui permet aux porcs d’avoir un une diminution de la consommation d'aliment. Les paramètres accès à l’extérieur et d’être en contact avec le sol et les plantes. suivants requièrent une attention particulière dans les systèmes Dans ce type d’élevage, tous les animaux ou seulement une d'élevage alternatifs : (i) la conservation des aliments, en partie d’entre eux peuvent avoir accès à l’extérieur, l’accès particulier lorsqu'ils sont distribués à l'extérieur ; (ii) l'équilibre plein-air pouvant être réduit à une courette extérieure ouverte des acides aminés, en particulier dans les exploitations sur le bâtiment d’élevage. L’élevage sur litière présente le biologiques où l'incorporation d'acides aminés de synthèse même type de diversité, tous les animaux n’étant pas n'est pas autorisée ; (iii) ou la présence de mycotoxines qui forcément élevés sur litière au sein d’un élevage. Il existe en semble être plus élevée dans les céréales biologiques que dans outre une grande diversité dans les substrats utilisés (paille, les céréales conventionnelles, notamment le blé (Malmauret et sciure, foin…). al., 2002). Même s’ils sont plébiscités par les consommateurs et les Afin d’objectiver l’absence de faim, des indicateurs peuvent citoyens, ces élevages alternatifs ne sont pas sans présenter de être utilisés, notamment les notes d’état corporel ou le taux points critiques. L’objectif de cette revue est de faire le point d’animaux maigres (Welfare Quality Consortium, 2009). Dans sur les connaissances actuelles concernant le bien-être, la une enquête réalisée dans 101 élevages biologiques européens, biosécurité, la santé des animaux et la santé publique Dippel et al. (2013) ont montré que 18,8 % des truies étaient vétérinaire dans les élevages alternatifs. maigres avec une forte variabilité entre élevages. Ce taux est important si on le compare à ceux avancés par Scott et al. (2009) 1. BIEN-ETRE ANIMAL dans 82 élevages anglais ou néerlandais de tout type, dans lesquels seulement 0,1 % des truies étaient très maigres, sans Le citoyen méconnait le mode d’élevage des animaux de différence apparente entre les truies élevées en plein-air et les production. Il idéalise souvent l’élevage fermier, alternatif, dans autres. Ces résultats suggèrent que certains agriculteurs en lequel les animaux ont un accès à un parcours extérieur ou à production biologique ont plus de difficultés à répondre aux une zone paillée plutôt que l’élevage conventionnel sur besoins nutritionnels des truies. Dans une autre étude, Temple caillebotis. Une des attentes du consommateur qui achète des et al. (2012) ont montré que les porcs en croissance élevés sur aliments biologiques est que les normes de bien-être animal paille ou en système extensif à l’extérieur présentaient un soient supérieures dans ces systèmes d’élevage (Courboulay et risque plus élevé de mauvais état corporel que les porcs élevés al., 2008). Mais la notion de bien-être animal est complexe. dans des élevages conventionnels. Cela est d’autant plus vrai D’après l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de pour les porcs entièrement dépendants du pâturage. l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), «le L’absence de soif est assurée par l’apport d’une quantité d’eau bien-être d’un animal est l’état mental et physique positif lié à permettant de couvrir les besoins des animaux. La disponibilité la satisfaction de ses besoins physiologiques et en eau potable peut être un problème, notamment dans les comportementaux, ainsi que de ses attentes. Cet état varie en systèmes extensifs. Dans ces systèmes totalement ouverts vers fonction de la perception de la situation par l’animal» (Anses, l’extérieur, les abreuvoirs sont souvent accessibles aux oiseaux 2018b). Dans cette partie, les connaissances actuelles relatives sauvages et contaminés par la poussière. Une eau de mauvaise au bien-être animal dans les élevages alternatifs de porcs sont qualité peut impacter la consommation hydrique et être à synthétisées en suivant l’approche des cinq libertés. l’origine de problèmes de santé chez les animaux. Il est également important de contrôler la température de l'eau. 1.1. Absence de faim et de soif Dans les systèmes extérieurs, les tuyaux d’approvisionnement Peu de différences existent dans les modes de distribution en eau doivent être de préférence enterrés pour limiter les d’aliment en élevage conventionnel et en élevage alternatif ; les effets du gel (l’eau n’est alors plus distribuée aux animaux en causes de stress liées à des défauts d’alimentation sont les période hivernale). L’action du soleil sur les canalisations mêmes, notamment l’insuffisance de longueur d’auge ou une favorise d’une part les proliférations bactériennes et d’autre quantité insuffisante d’aliment distribuée aux animaux. À noter part une augmentation importante de la température de l’eau toutefois que les animaux élevés en plein-air consomment en diminuant sa consommation par les animaux. moyenne plus d’aliment que les animaux élevés en bâtiment, pour des performances de croissance équivalentes, en raison 1.2. Absence d’inconfort d’une activité plus importante et d’une dépense d’énergie L’absence d’inconfort est garantie par un environnement accrue par des températures ambiantes plus basses approprié, avec suffisamment d’espace pour que les animaux notamment l’hiver. À quantités d’aliment équivalent égales, les soient libres de leurs mouvements, une zone de repos besoins d’un porc élevé en plein-air peuvent ne pas être confortable et sans courant d'air, un éclairage suffisant et non couverts et générer des stress notamment physiologiques et permanent pour que les porcs puissent voir et être soumis à un comportementaux. Cependant, l'ingestion d'herbe et de terre rythme nycthéméral, et le confort thermique nécessaire. Une par les porcs en plein-air peut apporter une contribution non litière composée de paille a des propriétés similaires au type de 328
2022. Journées Recherche Porcine, 54, 329-338. substrat qu’un porc trouverait naturellement, agissant comme Les porcelets élevés en plein-air présentent moins de un coussin et réduisant ainsi l’inconfort et les blessures (Arey, comportements agonistiques les uns envers les autres que ceux 1993). Plusieurs études ont montré que le risque de bursite élevés en bâtiment, que ce soit avant ou après le sevrage était nettement inférieur dans les élevages alternatifs, avec (Hötzel et al., 2004). Dans une étude réalisée au Royaume-Uni, accès à l’extérieur ou sur paille, que dans les élevages en il y avait significativement moins de blessures sévères sur les claustration (Kongsted et Sørensen, 2017). La gravité de la porcs en croissance élevés en plein-air que dans les élevages bursite en effet est associée à un environnement dur et confinés (Pandolfi et al., 2017). Paradoxalement il y avait plus inconfortable qui augmente la pression exercée sur la peau. d’animaux présentant des lésions dans les élevages dans Les porcs présentent des possibilités de régulation thermique lesquels les animaux élevés en bâtiment avaient un accès plein- limitées, dépendantes, en milieu sauvage, de sa capacité à se air, la différence avec les animaux élevés en plein-air intégral rafraîchir grâce à des bains de boue (Mormede et al., 2006). Les étant significative. Des observations équivalentes ont été animaux réagissent à une température ambiante élevée en se constatées au niveau des queues et des lésions de positionnant de préférence sur un sol favorisant les pertes de cannibalisme. Les animaux élevés en bâtiment avec accès à chaleur par conduction. Ducreux et al. (2002) ont montré que l’extérieur ont probablement plus de difficultés à contrôler leur les porcs se reposent préférentiellement sur de la paille à 18°C environnement thermique en passant d’un système protégé à et sur des sols composés de caillebotis béton ou de béton nu à un système plein-air, ce qui pourrait expliquer les 27°C. Cependant, en dehors des températures élevées, la paille comportements agonistiques plus nombreux dans ce type est nettement plus confortable pour les porcs que les sols en d’élevage (Pandolfi et al., 2017). Des études réalisées en béton nu. La paille apporte un confort thermique et peut abattoirs (Alban et al., 2015 ; Kongsted et Sørensen, 2017) ont réduire les exigences en température d’ambiance des porcs en par ailleurs montré que des animaux élevés avec des parcours croissance jusqu’à 6°C (Arey, 1993). extérieurs présentaient plus de lésions de queues que des Pour les porcs en plein-air, la principale difficulté est de animaux issus de systèmes conventionnels. A noter toutefois maintenir les animaux propres et secs en conditions que la caudectomie est moins souvent pratiquée dans ce type météorologiques humides (Brillouet et al., 2010). Le type et la de production, contrairement aux productions convention- gestion des cabanes doivent être adaptés. Elles doivent être nelles. Cette différence de pratique peut expliquer, au moins en suffisamment grandes pour accueillir les animaux et partie, ces observations à l’abattoir. En revanche, les morsures confortables. En maternité, il existe un effet saison sur la de queue sont moins fréquentes quand les animaux disposent mortalité des porcelets en plein-air (Rangstrup-Christensen et de paille (Brillouet et al., 2010), les animaux passant plus de al., 2018). Cet effet est à rapprocher de la gestion du confort temps à examiner le sol et à se déplacer, et significativement lors de la mise-bas, et à la capacité de la truie à préparer moins de temps à mordre la queue de leurs congénères par correctement son nid dans la cabane. Une mauvaise densité du rapport aux animaux élevés sur caillebotis. couvert végétal du parc, accompagnée de la présence Les blessures et les douleurs peuvent être induites par le permanente de boue, augmente l’humidité et l’inconfort dans système d’élevage en lui-même et par les pratiques de l’éleveur. la cabane (Brillouet et al., 2010). Or le porcelet est très sensible On pense bien entendu à la castration chirurgicale des animaux, au froid et aux courants d’air à la naissance. Une température encore très fréquente ou à l’épointage des dents, plus rare en ambiante trop basse augmente la proximité des porcelets avec production biologique (Prunier, 2010a) et en plein-air. En leur mère et favorise la mortalité par écrasement. Cela peut revanche, la pose d’anneau au niveau du groin des animaux être corrigé par un paillage abondant des cabanes (Berger et al., élevés en plein-air est une pratique toujours utilisée aujourd’hui 1997). Le choix du type de cabane impacte également le taux de (D’Eath et Turner, 2009), principalement sur les truies, mortalité avant sevrage (Honeyman, 2005). Notons que les notamment en France, au Danemark et en Allemagne (Prunier, porcelets peuvent aussi souffrir lorsqu’il fait très chaud. La 2010a). Le comportement actif de recherche de nourriture des chaleur impacte les qualités laitières de la truie qui, en outre, porcs peut conduire à la destruction des pâturages. Cette passe plus de temps à l’extérieur de la cabane à se rafraîchir activité devient douloureuse avec un anneau au niveau du plutôt qu’à allaiter ses porcelets (Rangstrup-Christensen et al., groin. Cette douleur ainsi que celle engendrée par la pose de 2018). Pour limiter les effets de la chaleur en plein-air, il est l’anneau, associée à l’inhibition de l’activité de fouissement, nécessaire de mettre à la disposition des animaux des zones sont des éléments négatifs pour le bien-être de ces animaux d’ombre ou des zones de rafraîchissement, comme des buses élevés en plein-air (Van der Mheen et Vermeer, 2005). d’aspersion ou des bauges (EFSA, 2005). Les mares sont également utilisées pour se rafraichir par temps chaud et se 1.4. Liberté d’exprimer des comportements normaux protéger des insectes (D’Eath et Turner, 2009). Parmi les critiques les plus fréquentes contre les systèmes de 1.3. Absence de douleur, de blessure (et de maladie) production conventionnels, on retrouve l’absence de liberté pour les animaux d’exprimer des comportements naturels. En L’absence de maladie est développée dans la troisième partie milieu sauvage, les porcs sont actifs pendant la journée et de cette revue. passent 75% de ce temps actifs à rechercher de la nourriture, Blessures et douleurs peuvent être des conséquences de notamment à fouiller, à brouter, à mâchonner et à explorer bagarres entre animaux. Dans l’étude de Dippel et al. (2013) avec leur groin (D’Eath et Turner, 2009). De nombreuses études réalisée dans des élevages biologiques européens, les lésions montrent que les animaux sont plus actifs, en position debout, liées à des bagarres sur les truies, objectivées par la présence dans les systèmes de production alternatifs que dans les de blessures, concernaient 15,5 % et 7,9 % de l’ensemble des systèmes conventionnels et al., 2013). Sur paille, les porcs en animaux observés, selon que ces blessures se trouvaient croissance passent plus de temps à être en interaction avec leur respectivement sur la partie antérieure ou postérieure de environnement, à avoir un comportement exploratoire. Il existe l’animal. Mais cela cachait une très grande variabilité entre toutefois une variabilité inter-élevage élevée (Courboulay et al., élevages, indépendamment du système d’exploitation. 2008). 329
2022. Journées Recherche Porcine, 54, 330-338. La paille réduit également les comportements sociaux nuisibles, renards et même les blaireaux (Prunier et al., 2014). Dans une comme les morsures d’oreilles ou de queues (Van de Weerd et étude visant à analyser les causes de mortalité de porcelets en al., 2006). Lorsqu’il n’est pas possible de fournir de la paille, il plein-air, Edwards et al. (1994) ont montré que 6 % des cadavres est possible d’apporter des objets d’enrichissement. Toutefois de porcelets présentaient des traces d’attaques d’oiseaux. de nombreuses études (Temple et al., 2012 ; Pandolfi et al., 2017) montrent que la paille ou tout autre substrat organique 1.6. Bilan utilisés en tant que litière, restent les matériaux les plus Les systèmes extensifs donnent aux animaux la possibilité efficaces pour réduire les comportements inappropriés. d’exprimer un panel comportemental plus large qu’en Les porcelets non sevrés ont moins de comportements bâtiment, comprenant la plupart de leurs comportements agonistiques et passent moins de temps à interagir avec leur naturels, mais le contrôle de l’environnement y est plus difficile, mère lorsqu’ils sont en plein-air. Ils passent plus de temps à notamment la gestion de l’alimentation, de l’abreuvement, des explorer le milieu, à se nourrir, à marcher et à jouer (Hötzel et températures et des prédateurs. Les systèmes sur litières al., 2004). Ils bénéficient d’un grand espace et d’un permettent également l’expression d’un éthogramme plus enrichissement de leur milieu qui leur permettent d’exprimer large et procure aux animaux une source de confort, sous leur comportement naturel dans de bonnes conditions (Prunier réserve que la litière soit saine et sèche. Les systèmes et al., 2014). La possibilité d'avoir des interactions sociales entre alternatifs, avec un environnement enrichi, offrent de les porcelets de différentes portées pendant la lactation est un nombreuses solutions pour contrôler les points critiques du autre facteur qui peut induire des différences bien-être animal, contrairement à l'élevage conventionnel, où comportementales. Au sevrage, les porcelets ayant eu des les porcs ont plus de difficultés à exprimer leur comportement interactions avec ceux d’autres portées pendant la lactation naturel, malgré l'ajout de matériaux d'enrichissement, voire sont moins agressifs après avoir été mélangés avec des une augmentation des surfaces par animal. Si les points porcelets inconnus, que les porcelets dont le groupe social est critiques sont sous contrôle, les systèmes alternatifs sont plus resté limité à celui de la portée (Verdon et al., 2019). Leurs adaptés que les systèmes conventionnels pour garantir un mères ont aussi un comportement différent lorsqu'elles sont en niveau plus élevé de bien-être. plein-air : elles passent plus de temps débout à explorer le milieu que les truies confinées (Hötzel et al., 2004). Les truies et 2. BIOSECURITÉ les porcelets en plein-air montrent un répertoire comportemental plus riche (Johnson et al., 2001). La biosécurité englobe toutes les mesures à mettre en place La paille et les matériaux trouvés en plein-air permettent aux pour limiter le risque d'introduction d’agents pathogènes dans truies de construire un nid et peuvent influencer leur les élevages (bio-exclusion), pour limiter la dissémination du comportement maternel. En milieu sauvage, les truies pathogène au sein de l’exploitation (bio-compartimentation), préparent un nid en creusant le sol avec leur groin et en faisant pour limiter la dissémination de l'agent infectieux en dehors de des allers et retours pour aller chercher des longues herbes, des l'exploitation, afin de prévenir le risque de contamination des feuilles et des petites brindilles (Mormede et al. ; 2006; D’Eath animaux, des humains et de l’environnement. et Turner, 2009), supports que la paille peut simuler sans difficulté. 2.1. Bio-exclusion 1.5. Absence de peur, de stress et d’anxiété Les mesures de biosécurité ont pour objectif d’éviter que des agents pathogènes ne pénètrent puis ne contaminent les Les travaux sur la relation homme-animal décrivent une élevages. Les élevages alternatifs, proposant aux animaux un aptitude des porcs à développer des réactions de peur, accès extérieur, ont plus de difficultés à mettre en place des d’anxiété à l’approche de l’homme (Hemsworth, 2003). Cette mesures de biosécurité strictes. La probabilité d’exposition de peur, que l’on peut notamment évaluer par les comportements ces élevages à certains agents pathogènes circulant dans la de retrait des animaux au contact d’un homme (Welfare Quality faune sauvage comme le virus de la peste porcine africaine par Consortium, 2009), semble comparable selon que les truies sont exemple, est beaucoup plus élevée (Anses, 2018a). C’est logées en groupe en bâtiment ou en plein-air (Scott et al., 2009). d’autant plus le cas dans les systèmes très extensifs, La domestication des animaux est aussi importante en élevage notamment le système sylvopastoral largement répandu dans alternatif qu’en élevage confiné (Sutherland et al., 2013). certains pays du sud de l’Europe (par exemple en Espagne), Dans les conditions naturelles ou semi-naturelles, le sevrage des dans lequel les porcs pâturent dans des zones de forêts porcelets est un processus progressif, qui commence vers la naturelles (Sørensen et al., 2006). La biosécurité est presque 4ème semaine et se termine entre la 9ème et la 17ème semaine de impossible à appliquer lorsque les animaux ont accès à des vie. L'âge au sevrage a une influence sur l'adaptation des parcours partagés par différents troupeaux, comme on peut le porcelets élevés en plein-air, en réduisant les comportements rencontrer en Sardaigne, en Corse ou dans les forêts publiques de détresse et en améliorant le comportement alimentaire en Géorgie ou en Arménie (Bellini et al., 2016). (Hötzel et al., 2010). Dans les élevages en agriculture C’est bien entendu le contact avec la faune sauvage, et biologique, les porcelets sont sevrés plus tard qu’en production principalement les sangliers, qui pose le plus de problème conventionnelle, après l'âge de 6 semaines. Plusieurs études lorsque les porcs sont élevés en plein-air. Le contact avec la montrent que l'augmentation de l'âge au sevrage peut avoir un faune sauvage est considéré comme une source d’infection, par impact positif sur les taux de cortisol salivaire ou plasmatique exemple de brucellose, de peste porcine classique, de peste au sevrage (Van der Meulen et al., 2010). porcine africaine ou de maladie d’Aujeszky. Le nombre croissant Le stress, la peur et l’anxiété peuvent aussi être induits par la de sangliers sauvages dans certaines régions, notamment en présence de prédateurs. Les jeunes porcelets élevés en plein-air Europe, et leur capacité à coloniser de nouveaux espaces, sont exposés à la prédation, notamment par des corvidés, les constituent des menaces pour les élevages plein-air. Les sangliers s’approchent d’autant plus près de la clôture du parc 330
2022. Journées Recherche Porcine, 54, 331-338. où sont élevés les porcs que la distance entre le parc et la ferme des élevages avec courettes extérieures, ou pour des animaux est importante (Wu et al., 2012). élevés en bâtiment sur litière avec un ou plusieurs pans de murs Les porcs peuvent être aussi en contact avec d’autres espèces ajourés sur l’extérieur. Ces clôtures sont souvent coûteuses et vectrices de maladies, comme le lièvre par exemple qui peut difficiles à mettre en place, mais aussi à entretenir sur le long véhiculer la brucellose. Les porcs élevés en plein-air sont terme (Bellini et al., 2016). Leur entretien est primordial, inévitablement exposés à certains sérovars de leptospires notamment lorsqu’il s’agit de systèmes électrifiés. Tout contact provenant de diverses espèces sauvages dont le hérisson, le entre les fils et le sol diminue l’efficacité de la clôture (fuite de renard et les rats (Roman et al., 2006). Les rongeurs peuvent courant vers le sol). Un désherbage autour de la clôture est donc être des réservoirs de multiples pathogènes pouvant affecter nécessaire mais peut rapidement être fastidieux, notamment les porcs comme Erysipelothrix rhusiopathiae (Leirs et al., 2004), dans les élevages biologiques où l’utilisation de désherbants de Brachyspira hyodysenteriae, Lawsonia intracellularis (Roman et synthèse est en général interdite. al., 2006), plusieurs sérovars de Salmonella enterica subsp enterica et de Yersinia, des parasites comme Toxoplasma 2.2. Bio-compartimentation gondii, Trichinella spp. et Echinococcus multilocularis (Leirs et Le maintien d’une infection au sein d’une population peut être al., 2004). Le contrôle des rats dans les élevages alternatifs est favorisé dans les élevages alternatifs par la présence de litière particulièrement compliqué, les lieux de protection ou de augmentant la probabilité de contact des animaux avec leurs nidification étant plus nombreux et la lutte chimique moins déjections. À la différence des élevages en bâtiment sur aisée qu’en bâtiment fermé. Il a été mis en évidence une caillebotis, les types de sol rencontrés dans ces élevages ne corrélation positive entre la présence de rats et le stockage de permettent pas toujours un drainage correct de l'urine et une paille dans les porcheries (Leirs et al., 2004). évacuation suffisante des matières fécales. Le contact Les oiseaux constituent un autre vecteur qu’il est très difficile permanent ou répété du porc avec les excréments augmente le de contrôler dans les systèmes alternatifs. Ils peuvent être risque de contamination (notamment de troubles entériques), impliqués par exemple dans la propagation de la gastro-entérite entre les porcs d’un même enclos (EFSA, 2005). Le type de sol transmissible, de salmonelloses, ou de tuberculoses aviaires et de bâtiment a également un impact sur la capacité à (Roman et al., 2006). décontaminer l’environnement après le passage des animaux. Parmi les autres vecteurs on peut aussi citer certaines tiques, Le nettoyage et la désinfection suivis du vide sanitaire comme Ornithodoros moubata et O. erraticus qui ont contribué représentent les éléments principaux de la bio- à la transmission du virus de la peste porcine africaine (PPA) compartimentation. Il va sans dire que ces techniques sont dans les élevages plein-air en péninsule ibérique. difficilement applicables en élevage plein-air et restent Enfin, les animaux élevés en plein-air sont plus accessibles pour compliquées dans les élevages sur litière où il est difficile de des visiteurs curieux, ce qui facilite la transmission d’agents retirer l’ensemble des matières organiques. À cela s’ajoute le zoonotiques (Sørensen et al., 2006) ou encore la distribution de nombre limité de produits désinfectants utilisables dans les restes d’aliments contaminés par des agents infectieux comme élevages biologiques, notamment en Europe. les virus de la PPA ou de la peste porcine classique. La litière utilisée dans les élevages alternatifs représente un 2.3. Bilan autre danger en termes de biosécurité. Plusieurs études ont La biosécurité est probablement le plus grand défi pour montré que lorsque les systèmes de production comprennent l’élevage de porcs alternatif. Au cours des dernières décennies, de la sciure, des copeaux de bois ou de la paille, l'incidence de de grandes épizooties sont apparues dans les exploitations la tuberculose causée par Mycobacterium avium augmente agricoles conventionnelles. Toutefois, ces exploitations ont la (Álvarez et al., 2011). La litière peut avoir été exposée à d’autres possibilité de les contrôler, au moins à long terme, en mettant animaux, et avoir été contaminée (Roman et al., 2006). La litière en place des mesures strictes de biosécurité internes et doit donc être protégée et entreposée de sorte à empêcher les externes. D’une façon générale, les élevages alternatifs contacts avec des suidés domestiques autres que ceux détenus appliquent les mesures de biosécurité de façon moins sur l’exploitation, ou des suidés sauvages. Elle doit en outre être rigoureuse, notamment les élevages plein-air, dans lesquels protégée d’éventuelles contaminations par des nuisibles. Il en elles sont plus difficiles à mettre en œuvre, et pour lesquels les est de même pour les aliments distribués aux animaux (Bellini investissements de clôtures sont importants. Le et al., 2016). développement des élevages de production alternatifs peut Afin de réduire les contacts entre la faune sauvage et les porcs représenter une difficulté dans la lutte contre les agents domestiques élevés avec un accès extérieur, la mise en place de pathogènes, en particulier ceux circulant dans la faune sauvage. clôtures est fortement recommandée, voire obligatoire selon les pays. La succession des crises sanitaires, et notamment la 3. SANTE ANIMALE diffusion de la peste porcine africaine, pousse les filières porcines et les Etats à prendre conscience de l’importance de la La plus grande difficulté à appliquer des mesures de biosécurité biosécurité. En France, le Ministère de l'Agriculture et de et la diversité biologique du milieu dans lequel évoluent les l'Alimentation a signé en 2018 un arrêté relatif aux mesures de porcs en systèmes alternatifs peuvent augmenter les biosécurité applicables dans les exploitations détenant des probabilités d’exposition à des agents infectieux pathogènes. suidés (Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, 2018). De plus, la conduite des animaux liée à ces systèmes d’élevage Les mesures les plus importantes pour les élevages alternatifs peut également être à l’origine de troubles de la santé. concernent les clôtures devant interdire d’une part l’intrusion de suidés sauvages au sein de la zone d’élevage et d’autre part, 3.1. Mortalités les contacts groins à groins entre les suidés de l’élevage et les suidés sauvages. Ces mesures ne concernent pas seulement les La mortalité des porcelets dans les jours qui suivent la naissance élevages plein-air car ce type de contact est aussi possible dans concerne tous les élevages de porcs mais plus particulièrement 331
2022. Journées Recherche Porcine, 54, 332-338. les élevages en systèmes alternatifs. En effet de nombreuses 3.3. Maladies respiratoires études montrent que la mortalité périnatale est plus Bien que l’élevage en système ouvert semble offrir de importante dans ces types de production. Robledo et al. (2007) nombreux facteurs protecteurs vis-à-vis des maladies ont comparé trois systèmes pour les mise-bas. Le taux de survie respiratoires, notamment en raison d’une meilleure qualité de des porcelets nés dans un système où les truies sont bloquées l’air, les troubles respiratoires même si moins fréquents, ne sont durant la lactation est nettement meilleur que ceux obtenus pas totalement absents en système alternatif (Früh et al., 2018). soit en plein-air, soit dans une case sur sol plein avec de la paille Leeb et al. (2019) ont réalisé des comptages d’éternuements et et un accès extérieur pour les porcelets. Cette mortalité de toux dans 74 élevages biologiques dans huit pays européens. intervient principalement dans les 4 premiers jours de vie du Ils ont mis en évidence qu’il y avait moins de troubles porcelet. Elle est d’autant plus élevée en production biologique respiratoires quand les animaux sont élevés avec un parcours que la taille de la portée est importante et que la truie est grasse plein-air durant toute leur vie. Mais il est plus difficile de et âgée (Rangstrup-Christensen et al., 2018). dénombrer les toux et les éternuements en plein-air, ce qui Les écrasements constituent de loin la première cause de peut induire un biais dans ces résultats. Pour limiter ce biais, il mortalité avant sevrage. La surmortalité par écrasement peut est possible d’objectiver et de comparer les lésions du système en partie s’expliquer par le fait qu’il est plus difficile de surveiller respiratoire au moment de l’abattage des animaux. D’après une les mise-bas et d’intervenir en toute sécurité lorsqu’une truie étude réalisée au Danemark, la prévalence réelle des lésions est en liberté que lorsqu’elle est bloquée (Kilbride et al., 2012). respiratoires serait de 42 % en production porcine Mais cela ne signifie pas pour autant que l’éleveur doit être plus conventionnelle contre 16,5 % en production biologique (Bonde présent. En effet, en système plein-air, les interventions des et al., 2010). Dans une autre étude réalisée en Suède, 7,4 % des éleveurs lors de la mise-bas semblent avoir un effet défavorable porcs conventionnels observés à l’abattoir présentaient des sur les taux de mortalité avant sevrage (Berger et al., 1997). lésions de pleurésie contre seulement 1,8 % des porcs Dans une étude réalisée dans 112 élevages en Angleterre, biologiques (Hansson et al., 2000). Mais il existe des études aucune différence en termes de mortalité de porcelets n’a été discordantes, plus récentes, réalisées au Danemark, qui ne mise en évidence au cours de la phase de lactation selon le mettent pas en évidence de différence significative au niveau mode d’élevage des truies. Cette absence de différence peut des lésions du système respiratoire en fonction du système s’expliquer par des causes de mortalité différentes selon les d’élevage (Alban et al., 2015 ; Kongsted et Sørensen, 2017). types d’élevage : par écrasement en alternatif et pour des Seules les pleurésies sont plus fréquentes dans l’étude d’Alban raisons infectieuses en bâtiment (Kilbride et al., 2012). Dans et al. (2015) dans les élevages conventionnels. cette même étude il a été constaté une réduction du risque de mort-nés dans les systèmes plein-air, liée, d’après les auteurs, à 3.4. Pathologie digestive une plus grande liberté de mouvements des truies induisant des La pathologie digestive est une autre grande dominante en mise-bas plus rapides. production porcine et concerne aussi les systèmes de En post-sevrage et d’engraissement, les taux de mortalité production alternatifs, et notamment la production biologique semblent être moins élevés en systèmes alternatifs qu’en (Leeb et al., 2019). Mais peu d’études comparant les troubles élevage confiné (Lahrmann et al., 2004). Par contre, le taux de digestifs en fonction des systèmes d’élevage existent. Leeb et mortalités des truies semble plus important sur les truies al. (2019) observent une fréquence plus élevée de diarrhées élevées en plein-air, avec moins de mammites-métrites- dans les élevages biologiques lorsque les porcs ne sont pas agalactie (MMA) et de torsions ou de distensions intestinales, élevés en plein-air. Toutefois, ces résultats sont à relativiser, au mais plus d’infections urogénitales, d’insuffisances cardiaques regard de la difficulté à observer ce type de symptômes sur des et de problèmes locomoteurs (Karg et Bilkei, 2002). animaux à l’extérieur. Au-delà des désordres digestifs per se, aucune différence n’a été mise en évidence au niveau de la flore 3.2. Troubles de la reproduction fécale, dans une étude réalisée sur des porcs en fin de période Plusieurs études suggèrent que les truies élevées en plein-air d’engraissement, selon que les animaux proviennent d’élevages présentent moins de MMA que celles élevées en bâtiment (Karg conventionnels ou biologiques (Gerzova et al., 2015). et Bilkei, 2002 ; Leeb et al., 2019). Notons toutefois qu’il est L’observation de lésions digestives à l’abattoir montre qu’il y probablement plus difficile pour un éleveur d’observer une aurait plus de lésions d’entérite ou de péritonite en production MMA sur une truie élevée en plein-air. biologique qu’en production conventionnelle (Bonde et al., Parmi les principaux agents infectieux auxquels les animaux 2010). Il y aurait cependant des niveaux moins élevés de ayant un accès plein-air sont plus exposés, il y a bien entendu parakératose ou d’ulcération au niveau de la pars oesophagia Brucella suis, dont la séroprévalence est élevée chez les dans les élevages en systèmes alternatifs (plein-air ou sur paille) sangliers, notamment en Europe. Dans une étude réalisée en que dans les élevages conventionnels (Guy et al., 2002). Croatie, 67 des 1 997 troupeaux testés ont présenté des Au-delà du système d’élevage à proprement parler, il existe une anticorps contre la brucellose (3,3%). Parmi eux, seuls deux grande variabilité d’expression des troubles digestifs entre n’étaient pas conduits en plein-air (Cvetnić et al., 2009). élevages qui peut s’expliquer par des différences de gestion des Les performances de reproduction sont souvent plus faibles en facteurs de risque, comme le confort, la conduite d’élevage, élevage biologique (Brillouet et al., 2010 ; Lindgren et al., 2013), l’alimentation ou l’hygiène. En l’absence de certaines matières mais cela ne signifie pas forcément que la santé des truies est premières, et notamment les acides aminés de synthèse, moins bonne. Les problèmes de reproduction peuvent aussi l’alimentation des porcs biologiques peut être délicate. Cela être liés au système d’élevage. On sait par exemple que des impose une attention particulière quant au choix des matières truies élevées en groupe durant la lactation ont plus de risque premières composant l’aliment distribué aux animaux, afin de d’ovuler durant leur lactation (Hultén et al., 1995) avec une prévenir notamment les troubles digestifs. L’hygiène tient une diminution de la fertilité après le sevrage. place primordiale dans la gestion des troubles digestifs. D’après 332
2022. Journées Recherche Porcine, 54, 333-338. Vannucci et al. (2019), les entérites nécrotiques induites par Le contrôle des parasitoses est fondé sur la rupture du cycle de Lawsonia intracellularis sont plus fréquentes dans des vie du parasite, ce qui est compliqué dans les élevages conditions qui facilitent le cycle oro-fécal, comme l’utilisation alternatifs de par la nature de l’environnement. Lindgren et al. d’une litière de paille ou d’un sol plein. (2019) ont mis en évidence des œufs d’A. suum et de T. suis dans respectivement 79 % et 57 % des 28 prélèvements de sol 3.5. Parasitisme effectués dans des élevages biologiques en Suède. Les élevages hébergeant des porcs en plein-air depuis longtemps semblent La présence de parasites internes (endoparasites) ainsi que plus infestés, en lien probablement avec la résistance des œufs, l’intensité des infestations sont fortement influencées par le notamment d’A. suum qui peuvent rester viables jusqu’à 10 ans système de production. Le parasitisme interne reste une dans l’environnement (Roepstorff et Nansen, 1994). préoccupation majeure dans les systèmes alternatifs, Les principaux ectoparasites (externes) chez le porc sont la gale notamment ceux avec un accès plein-air (Früh et al., 2018). Ces (Sarcoptes scabiei var. suis) et les poux (Haematopinus suis), conditions d’élevage sont en effet plus favorables au même si des puces ou des tiques peuvent aussi être détectées, développement et à la survie des différents stades des parasites notamment chez les porcs ayant accès à des pâturages extensifs dans l’environnement (Salajpal et al., 2013). ou aux bois (Salajpal et al., 2013). Dans une enquête réalisée Dans une étude réalisée aux Pays-Bas dans neuf élevages dans 110 élevages allemands, respectivement 2,5 % et 19,1 % conventionnels, 11 élevages biologiques et 16 élevages non des truies observées étaient infestées par Haematopinus suis et biologiques avec un accès plein-air, la prévalence des Sarcoptes scabiei var. suis (Damriyasa et al., 2004). Les auteurs infestations par les helminthes était plus importante quand les ont observé que les truies logées sur paille en maternité avaient animaux étaient élevés à l’extérieur, indépendamment du significativement plus de risque d’être infestées par S. scabiei statut biologique de l’élevage (Eijck et Borgsteede, 2005). La (OR=15,0 [2,9 ; 77,6]95 %) que les truies non logées sur paille. diversité des parasites reste toutefois faible. Dans cette étude, Pour H. suis, c’est l’accès des truies au plein air qui constituait seuls trois helminthes (Ascaris suum, Oesophagostomum spp et un important facteur de risque (OR=12,7 [4,0 ; 40,7]95 %). Trichuris suis) et des coccidies ont été identifiés. D’autres espèces comme Hyostrongylus rubidus, Metastrongylus spp, 3.6. Pathologie cutanée Strongyloïdes ransomi ou Stephanurus dendatus sont moins souvent observées (Carstensen et al., 2002 ;Prunier, 2010b). Au-delà des lésions induites par les bagarres (griffures, blessures) ou des parasitoses, les troubles cutanés sur les porcs La coccidiose peut être une cause importante de diarrhées chez élevés en production biologique semblent rares (Brillouet et al., les porcelets non sevrés de plus de 7 jours d’âge. Elle est en 2010). Toutefois, dans l’étude de Kongsted et Sørensen (2017) général due à Cystoisospora suis. Dans l’étude précédemment réalisée à l’abattoir, les porcs ayant un accès plein-air mentionnée (Eijck et Borgsteede, 2005), il y avait présentaient trois fois plus de lésions cutanées que les porcs systématiquement plus d’oocystes présents dans les déjections issus d’élevage conventionnels. Cependant il n’y a pas de des truies en système alternatif. Mais il s’agissait d’Eimeria spp. différenciation dans cette étude du type de lésions, constituées dont l’impact sur les animaux reste à évaluer. Cystoisospora suis principalement de blessures, dermatites, eczéma et piqûres a été isolé dans des déjections de porcelets, sans différence d'insectes. Il parait toutefois probable que certaines lésions, significative selon le système de production. comme les coups de soleil, soient plus importantes sur les Les helminthes représentent une problématique très animaux élevés à l’extérieur. importante dans les élevages alternatifs. Dans l’étude néerlandaise (Eijck et Borgsteede, 2005), il n’y avait pas de 3.7. Troubles locomoteurs différence entre les niveaux d’infestation par Oesophagostomum spp entre les systèmes d’élevage. Environ Les troubles locomoteurs, objectivés en premier lieu par la 25 % des élevages présentaient des Oesophagostomes, présence de boiteries sur les animaux, sont des affections confirmant les observations d’autres études (Carstensen et al., souvent observées en élevages, notamment en production 2002 ; Prunier, 2010b). Concernant Trichuris suis, le niveau biologique (Früh et al., 2018). Elles touchent tous les stades, y d’infestation était nettement supérieur (37 %) dans les élevages compris les reproducteurs. Plusieurs études montrent que les plein-air que dans les élevages conventionnels (11 %). T. suis truies élevées dans des systèmes alternatifs présentent moins était le deuxième endoparasite le plus souvent mis en évidence, de risque de boiteries. Dans l’étude de Knage-Rasmussen et al. loin derrière Ascaris suum isolé dans 60 % des élevages (2014), 24,4 % des truies conventionnelles présentaient une alternatifs, contre seulement 11 % des élevages conventionnels boiterie, contre seulement 5,4 % des truies biologiques, avec (Eijck et Borgsteede, 2005). Lors de sa migration larvaire, A. toutefois un effet saison (plus de boiteries en été et en suum traverse le foie, ce qui entraine la formation de taches automne). La qualité du sol semble avoir une importance. Leeb blanches (milk spots) facilement observables à l’abattoir si la et al. (2019) ont observé moins de boiteries lorsque les truies migration s’est produite dans le mois précédent l’abattage des ne sont pas élevées en bâtiment, en lien, d’après les auteurs, animaux. De nombreuses études ont comparé les niveaux de avec un revêtement plus souple, une exposition moindre au prévalence de foies présentant des « milk spots » selon le fumier et une activité accrue. Un sol sur caillebotis béton est un système d’élevage. Dans quasiment toutes les études la facteur de risque important de boiterie par rapport à un sol sur fréquence de foies atteints est plus élevée quand les porcs paille (OR = 9,9 [4,4 ; 34,5]95 %) (Cador et al., 2014). proviennent de systèmes d’élevage avec un accès plein-air Des observations menées à l’abattoir montrent que les arthrites (Alban et al, 2015 ; Kongsted et Sørensen, 2017). Une étude seraient plus fréquentes lorsque les animaux sont élevés en britannique a en outre montré que la présence de litière sur sol plein-air (Alban et al., 2015 ; Kongsted et Sørensen, 2017). Une plein (de la paille par exemple) représentait un facteur de risque des explications serait la difficulté de traiter les animaux (Odds ratio (OR)=1,5 [1,26 ; 1,85]95 %) d’une prévalence élevée malades dans ces systèmes de production. Dans une étude de « milk spots » (Sanchez-Vazquez et al., 2010). réalisée à l’abattoir, la fréquence d’arthrites était plus élevée sur les porcs biologiques que non biologiques (respectivement 333
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