L'ENCEINTE MÉDIÉVALE DE CÉSARÉE

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                                        L’ENCEINTE MÉDIÉVALE DE CÉSARÉE
                                                                         Jean MESQUI
                                                       avec la collaboration de Nicolas FAUCHERRE 1

          L
                       ’enceinte urbaine de Césarée           César Auguste 5. Il y construisit un port        et la seconde enceinte. Le port intérieur,
                       est un ensemble monumental             tout à fait extraordinaire, qui fait depuis      comblé, avait laissé place à un quartier
                       majeur du Proche-Orient ; pour-        deux décennies l’objet de fouilles sub-          urbain, alors que l’ancien Temple majeur
                       tant, elle n’a guère attiré l’atten-   aquatiques – ainsi que de restitutions           avait été transformé en une église placée
              tion des archéologues Européens depuis          superbes et de nombreuses publications           sous l’invocation de saint Procope ; du
              l’étude que le baron Rey lui avait consa-       scientifiques tout à fait remarquables. La       port extérieur artificiel, il ne restait plus
              crée au XIXe siècle 2. Pourtant, les fouilles   cité romaine compta parmi les plus               rien.
              menées dans les années 1960 sous la             importantes de la Syrie ; et, même si les
                                                                                                                   À la fin de l’époque byzantine, au
              conduite de l’archéologue israélien             puissantes jetées célébrées par l’historien
                                                                                                               début du VIIe siècle, devant les menaces –
              Avraham Negev, récemment décédé, ont            Flavius Josèphe ne résistèrent pas à l’épreu-
                                                                                                               perse ou arabe, le théâtre, situé au sud, fut
              révélé dans toute son ampleur cette             ve du temps, elle demeura durant toute la
                                                                                                               transformé en une forteresse autonome ; il
              enceinte construite d’un seul jet par Saint     capitale de la Palestine première.
                                                                                                               en subsiste quelques vestiges constitués
              Louis, et anéantie à peine douze ans plus            Les fouilles menées depuis un demi-         par des restes de courtines et de tours cir-
              tard. Ces fouilles n’ont malheureusement        siècle sur le site permettent peu à peu de       culaires.
              pas été publiées par l’archéologue ; il a       restituer les étapes de croissance de cette
              néanmoins laissé des archives qu’il nous a                                                           Après l’invasion arabe, la ville perdit
                                                              ville ; on ne se hasardera pas ici à en retra-
              été possible de consulter partiellement,                                                         son statut de capitale, au profit de Ramla ;
                                                              cer les résultats, et il nous suffira de four-
              grâce à l’amabilité du Service des                                                               les géographes musulmans s’accordaient,
                                                              nir un plan (fig. 1) où sont figurés l’essen-
              Antiquités Israélien 3. Comme on le verra,                                                       au début du second millénaire, pour
                                                              tiel de ceux-ci, en renvoyant aux articles
              le présent article emprunte de façon                                                             considérer qu’elle n’était plus qu’une
                                                              scientifiques publiés sur la question 6. La
              considérable à un article inédit, daté de                                                        bourgade, dénuée de port, bien approvi-
                                                              ville romaine et hérodienne était délimitée
              1989, que l’archéologue avait rédigé 4 ;                                                         sionnée en eau et entourée de vergers,
                                                              par une enceinte dont demeurent trois
              qu’il nous soit permis de lui rendre hom-                                                        bien loin de son passé splendide. L’église
                                                              tours circulaires, au nord, qui laissait à
              mage en introduction.                                                                            byzantine fut, naturellement, remplacée
                                                              l’extérieur les trois grands monuments
                                                                                                               par la Grande mosquée du vendredi, qui
                   Cependant, les documents laissés par       publics destinés aux jeux de société – le
                                                                                                               trônait sur l’ancien podium Hérodien.
              l’archéologue ne permettent pas de              théâtre, au sud, l’hippodrome, à l’est,
              résoudre toutes les questions posées par        l’amphithéâtre, au nord-est. Elle venait se
              cette enceinte ; c’est donc seulement un        raccorder au sud-ouest au palais maritime
                                                                                                                     La prise de la ville en 1101
              état des lieux que nous proposons ici, en       établi sur une petite presqu’île.
                                                                                                                           par les Croisés
              attendant une mission archéologique                 Au centre géométrique de l’ensemble
              franco-israélienne prévue pour 2006.            se trouvait le Temple majeur, élevé sur un                                                       83
                                                              podium qui dominait le port intérieur pri-            En 1099, dans leur route vers
                                                              mitif ; celui-ci avait été notablement           Jérusalem, les Croisés évitèrent Césarée ;
                            HISTORIQUE                        agrandi par Hérode, comportant un port           mais, une fois la ville sainte prise, cette
                                                              intermédiaire naturel, et surtout un port        cité maritime, même dénuée d’un port de
                                                              extérieur artificiel considérable. Deux          haute mer comme le signalent les géo-
                    La ville avant les Croisades
                                                              aqueducs parallèles desservaient la ville,       graphes contemporains, ne pouvait les
                                                              l’un en élévation sur des arches dont sub-       laisser indifférents ; en 1101, le roi
                                                              sistent des vestiges impressionnants,            Baudouin Ier, assisté par une flotte
                  Césarée – Césarée Maritime pour la
                                                              l’autre sur des arches basses.                   génoise, vint assiéger la ville 7. Ce siège a
              distinguer de la Césarée de Philippe,
                                                                                                               fait l’objet de nombreux récits par les
              située dans la haute vallée du Jourdain             L’urbanisation atteignit son apogée à
                                                                                                               chroniqueurs du temps 8.
              (Paneas – Baniyas), est une ville aux ori-      l’époque byzantine ; une seconde enceinte
              gines très anciennes ; sa fondation est         fut édifiée, délimitant un vaste croissant           De ces récits, il ressort qu’en 1101, les
              attribuée aux Phéniciens, qui en firent un      incluant la ville antique, l’amphithéâtre, le    Croisés déployèrent leurs troupes autour
              comptoir florissant. Pompée reconstruisit       théâtre et l’hippodrome romains. D’impor-        de la seconde enceinte ; sans doute celle-ci
              la ville ; puis Hérode le Grand en fit une      tants restes de l’époque byzantine ont été       était-elle trop vaste pour être défendue
              « énorme et fastueuse cité » consacrée à        mis au jour entre l’enceinte primitive           sérieusement, puisque au bout de quinze

              Bulletin Monumental Tome 164-1 • 2006
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                                                                                                           Quatre ans plus tard, en 1191, après la
                                                                                                           prise d’Acre, le sultan fit détruire de fond
                                                                                                           en comble ses défenses, persuadé qu’il
                                                                                                           était que cette ville, comme les autres cités
                                                                                                           côtières, ne serait pas capable de résister à
                                                                                                           l’extraordinaire élan des Croisés sous la
                                                                                                           conduite de Richard Cœur de Lion 10. Il
                                                                                                           est probable que la destruction fut telle
                                                                                                           que la cité demeura ville morte : dans sa
                                                                                                           marche d’Acre à Jaffa, l’armée du roi
                                                                                                           d’Angleterre, constamment harcelée par
                                                                                                           les troupes de Saladin, campa à Césarée,
                                                                                                           sans rencontrer la moindre résistance, les
                                                                                                           chroniqueurs, tant francs qu’arabes, se
                                                                                                           contentant d’indiquer qu’il se retrancha
                                                                                                           ici – et, ajoute un chroniqueur arabe,
                                                                                                           Saladin ne cherchant pas à intervenir, la
                                                                                                           ville ne possédant plus rien qui soit à
                                                                                                           prendre 11. Julienne Grenier, arrière-petite
                                                                                                           fille d’Eustache, épouse de Guy de Brisebarre
                                                                                                           seigneur de Beyrouth, fut remise en
                                                                                                           possession de la seigneurie après la trêve
                                                                                                           de 1192 intervenue entre Francs et
                                                                                                           Musulmans.

                                                                                                                 Les tentatives de fortification
                                                                                                                     du site en 1218-1228

                                                                                                               Pour autant, ni elle-même, ni sa des-
                                                                                                           cendance 12, ne paraissent avoir joué le
                                                                                                           moindre rôle par la suite dans la ville. En
        Fig. 1 - Plan de Césarée Maritime dans l’Antiquité (J. Mesqui).                                    1218, c’est Jean de Brienne, alors roi de
                                                                                                           Jérusalem, et Léopold, duc d’Autriche,
        jours, une fois l’assaut donné par échelade,       prise de la ville, et fut l’un des principaux   qui, avec l’aide des Hospitaliers, des
        les défenseurs se replièrent aussitôt vers         officiers de la couronne – il fut même          Templiers, des Teutoniques et de pèlerins,
        l’enceinte intermédiaire – l’existence de          nommé régent du royaume pendant la              s’en allèrent « fermer le chastel » de
        cette dernière étant indéniablement                captivité de Baudouin II. Bien que siège        Césarée et celui de Chastel-Pèlerin 13.
  84    prouvée par les récits du Génois Caffaro,          d’un diocèse et d’une cathédrale, qui prit      Selon toute probabilité, il s’agissait ici de
        témoin oculaire, et d’Albert d’Aix 9. Mais,        la place de la Grande mosquée, la ville         la « citadelle » (fig. 2) établie sur la pres-
        une fois l’assaut donné, la débandade fut          n’est ensuite mentionnée que de façon           qu’île formant jetée, au sud-ouest ; on
        telle que les défenseurs ne purent tenir que       anecdotique dans les récits des voyageurs       peut penser que la ville était totalement
        quelques heures cette seconde enceinte ;           et pèlerins – le plus souvent pour son          abandonnée. Des habitants chrétiens
        les habitants – les riches commerçants,            passé antique, ainsi que pour ses vergers et    s’étant, apparemment, réinstallés là, on se
        selon Caffaro, se replièrent à la Grande           ses jardins ; il ne semble pas qu’elle ait      préoccupa également de relever la cathé-
        mosquée, élisant refuge dans le minaret.           joué de rôle commercial particulier.            drale Saint-Pierre, et, au commencement
        Un rôle essentiel semble avoir été joué                                                            de février 1218, l’archevêque et d’autres
        dans cette prise par les Génois sous la                                                            évêques latins y célébrèrent la première
        conduite de Guillelmo Embriaco, futur                   Prise et destruction par Saladin           messe de re-consécration 14.
        seigneur de Giblet (Jbail, Liban).
                                                                                                               À la fin de l’année 1219 ou de 1220,
            Vers 1108, la ville et la seigneurie,                                                          alors que l’essentiel des Croisés se battait à
        jusque-là possessions royales, furent déta-            En 1187, la ville fut prise par l’armée     Damiette, le sultan de Damas al-
        chées du domaine au profit d’Eustache              de Saladin, apparemment sans le moindre         Mu’azzam alla assiéger le château –
        Grenier (ou Garnier), qui devint égale-            combat – il est vrai que le contexte était      considéré comme petit et mal défendu 15.
        ment en 1111 seigneur de Sidon après la            dramatique après la défaite de Hattin.          On apprend à cette occasion que le
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                                                                    L’ENCEINTE MÉDIÉVALE DE CÉSARÉE

                                                                 seul Guillaume de Saint-Pathus indique                         L’histoire moderne
                                                                 que le roi fit fortifier le « faubourg » de
                                                                 Césarée, ce qui semble suggérer qu’il ne
                                                                 restait que de vagues ruines de la ville an-           Lorsque les archéologues la visitèrent
                                                                 tique, le statut de l’enceinte construite par      dans la dernière partie du XIXe siècle,
                                                                 le roi étant celui d’un « faubourg » du châ-       Césarée formait un ensemble de ruines
                                                                 teau 18. Le continuateur de Guillaume de           pleines de romantisme, que se plut à
                                                                 Tyr, pour sa part, indique que le roi fit          mettre en images Victor Guérin, alors que
                                                                 construire seize tours 19 ; l’enceinte actuel-     Emmanuel-Guillaume Rey en analysait,
                                                                 le en compte quinze, ce qui permet de              déjà, l’architecture 23. C’est à peu près au
                                                                 penser que la seizième était celle de la cita-     moment où le premier publiait son livre à
                                                                 delle.                                             Paris, que l’Empire ottoman se trouva
                                                                     Le roi resta à Césarée de mars 1251 à          obligé d’accueillir, après le Congrès de
                                                                 mai 1252 ; en août 1251, il écrivait à son         Berlin (1878) qui lui avait fait perdre la
                                                                 frère Alphonse de Poitiers faire travailler        possession de la Bosnie, des réfugiés
                                                                 continûment, sans aucune relâche, à cette          Musulmans provenant de ce pays ; une
              Fig. 2 - Césarée : la citadelle vue depuis le
                                                                 fortification 20, et on peut penser qu’il laissa   petite colonie de pêcheurs, Qisariya, fut
              sud-ouest dans les années 1870, par V. Guérin.
                                                                 une enceinte capable de défense derrière           fondée à Césarée, prenant place sur les
              seigneur légitime, Gauthier III de                 lui – même si rien ne permet d’exclure que         restes de courtines et de tours et y bâtis-
              Brisebarre, fils de Julienne Grenier et de         des travaux complémentaires aient pu               sant des maisons modernes. Ce village ne
              Guy, dernier seigneur de Beyrouth de cette         avoir lieu après son départ.                       tarda pas à accueillir également des habi-
              maison, eût aimé rentrer en possession de                                                             tants du crû, Arabes de Palestine.
              son château, mais que l’administration                                                                     En février 1948, pendant la première
              royale considérait qu’il devait d’abord rem-               La destruction de Césarée                  phase de la guerre d’indépendance israé-
              bourser les travaux effectués quelques mois                    à partir de 1265                       lienne, les habitants de Qisariya furent
              auparavant… Les Génois d’Acre, cher-                                                                  expulsés par la Hagana, et les maisons du
              chant à le soutenir, prétendirent pouvoir                                                             village furent démolies 24. À compter des
              défendre le château, et le bailli royal,                Le 27 février 1265, le sultan Baybars         années 1950, un programme de dégage-
              Garnier l’Allemand, le leur livra. Mais, à         vint mettre le siège devant la ville : selon       ment et de fouilles fut mis en place.
              peine quatre jours s’écoulèrent avant qu’ils       les chroniqueurs musulmans, il « serra la          Depuis, les équipes se sont multipliées sur
              n’appellent au secours leurs compatriotes          place si étroitement qu’au bout de six             le site ; l’enceinte médiévale a été dégagée
              d’Acre, les mineurs d’al-Mu’azzam étant            jours il s’en rendit maître » 21. La garnison      et fouillée sous la direction d’Abraham
              déjà sous les murs ! Exfiltrés de nuit par         franque, trop peu nombreuse, fut inca-             Negev, les fouilles s’intensifient, qu’il
              bateau, ils laissèrent aux Musulmans un            pable de couvrir la totalité des murs, et les      s’agisse de fouilles subaquatiques pour
              château vide, que le sultan s’empressa, à          Musulmans purent s’en rendre maîtres par           retrouver les traces du port hérodien, ou de
              nouveau, de faire abattre.                         échelade – un retour au siège de 1101…             fouilles terrestres pour retrouver les diffé-
                                                                 Ils se replièrent dans la citadelle, protégée      rentes étapes d’occupation de la ville 25.
                  À nouveau, en 1228, un certain
                                                                 par un fossé rempli d’eau de mer. Baybars
              nombre de Croisés, désœuvrés en atten-
                                                                 s’installa sur le podium de l’ancienne
              dant l’empereur, après avoir construit le
                                                                 cathédrale pour diriger le siège ; mais les             DESCRIPTION DE L’ENCEINTE                  85
              château de mer de Sagette, vinrent ici fer-
                                                                 efforts des sapeurs échouèrent, l’eau péné-
              mer le château ; mais le temps qu’ils y
                                                                 trant dans leurs galeries, et les murs ren-
              passèrent ne laisse pas penser qu’ils le
                                                                 forcés de colonnes ne pouvant s’effondrer.             L’enceinte médiévale de Césarée, d’un
              transformèrent profondément 16.
                                                                 Des assauts furent lancés du côté de la            développement total d’un peu plus de
                                                                 mer, sous un bombardement intensif et              1 km, ceinturait sur trois côtés, nord, est
                                                                 des tirs d’archers incessants. Finalement,         et sud, le cœur de ville et le port ; vers
                        Saint Louis à Césarée
                                                                 les Croisés renoncèrent, et, le 5 mars             l’ouest, elle venait aboutir à la mer en se
                           en 1251-1252
                                                                 1265, se replièrent par bateau sur Acre,           raccordant au tracé des deux jetées de
                                                                 laissant la place vide, comme en 1218 22.          l’avant-port Hérodien (fig. 3). Dès cette
                  Saint Louis partit d’Acre en mars                  Baybars fit alors détruire, de façon           époque, la jetée nord de cet avant-port
              1251, avec toute son armée, pour aller             systématique, l’enceinte et la citadelle, par      avait disparu, tout en laissant des vestiges
              fortifier Césarée 17. Que restait-il de la ville   peur que les Croisés ne s’y réinstallent.          formant des hauts-fonds submergés, et
              à cette époque ? Était-elle occupée encore         Sous al-Ashraf, en 1291, cette destruction         elle avait été remplacée par une jetée
              autrement que par quelques masures ?               fut renouvelée – est-ce à dire qu’une              délimitant le port médiéval, formée de
              Aucun des textes en notre disposition ne           population s’y était réinstallée ? La ville fut    colonnes prises dans les ruines antiques 26.
              permet de faire la moindre supposition ;           dès lors désertée.                                 La jetée sud demeurait et demeure encore
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        sur la partie rocheuse, naturelle, de son                Les destructeurs n’ont laissé en éléva-     constater qu’il y eut une totale indépen-
        extension ; elle portait une « citadelle »           tion que ce talus, et les bases des tours et    dance structurelle entre, d’une part, tours
        surveillant le port, sur laquelle venait se          courtines situées au revers du talus :          et courtines, d’autre part le talus. On s’en
        refermer le côté sud de l’enceinte.                  compte tenu de la hauteur de celui-ci, ceci     rend compte d’ailleurs de façon immé-
            Quinze tours rectangulaires flan-                a permis de conserver les bases des tours,      diate en examinant les ruines, puisque la
        quaient cette enceinte, espacées d’une               et surtout des tours-portes. Manifeste-         partie haute du talus venait simplement se
        quarantaine de mètres en moyenne ; deux              ment, la destruction a été menée de façon       coller contre le parement des tours et des
        d’entre elles, au nord et à l’est, contenaient       systématique jusqu’aux niveaux de défense       courtines : les destructeurs ont d’ailleurs,
        des portes d’accès à la ville, la troisième          les plus bas des tours, en veillant à           en de nombreux endroits, enlevés les
        porte, au sud, étant percée dans une cour-           « découronner » toutes les niches d’archère     assises hautes du talus, laissant apparente
        tine sous la surveillance directe d’une des          pour les rendre inefficaces ; cependant, il     la zone d’appui du talus et de son rem-
        tours. Mais l’originalité principale de              est possible encore de reconnaître une          plissage.
        l’enceinte réside dans son extraordinaire            grand nombre de ces niches, conservées
                                                                                                                  Mais cette indépendance structurelle
        talus formant l’escarpe du fossé. Celui-ci           jusqu’à un mètre de hauteur environ, avec
                                                                                                             ne se limite pas à ce simple collage : selon
        ceinture les trois faces de l’enceinte ; large       les bases des fentes d’archères qu’elles des-
                                                                                                             les dessins de Negev, la fondation des
        d’environ 12 m à la crête de l’escarpe, il           servaient.
                                                                                                             tours et des courtines fut seulement super-
        épouse le contour de l’enceinte, la contres-                                                         ficielle, c’est-à-dire avec un simple décais-
        carpe verticale dessinant une dentelure                                                              sement du sol naturel pour établir une
        autour de celle-ci. Sa profondeur est seu-                     Le système constructif                semelle. Ainsi, contrairement à l’usage
        lement de 4 à 5 m par rapport au terrain                                                             occidental qui était d’établir les maçonne-
        naturel ; mais le talus d’escarpe montait                                                            ries supérieures des tours et des courtines
        jusqu’à neuf mètres de haut, avec un                     Avant même d’entrer dans la descrip-        au-dessus du talus, lui-même fondé en
        angle de 58° par rapport à l’horizontale,            tion des ouvrages défensifs et de leur          dessous de l’assiette du fossé, les construc-
        conférant à cette véritable carapace un              conception, il est bon de dire un mot du        teurs de Césarée dissocièrent ces éléments.
        aspect d’extrême puissance – même si, on             système constructif qui semble avoir pré-
        le verra plus loin, celle-ci était quelque           valu pour ce chantier. Les plans et coupes          Enfin, Negev a constaté que le talus,
        peu factice.                                         dressés par Avraham Negev permettent de         qui paraît massif et faire bloc, n’est en fait
                                                                                                             constitué par une couche de maçonnerie
                                                                                                             de 50 cm d’épaisseur appliquée en revête-
                                                                                                             ment de l’escarpe en terre ; en certains
                                                                                                             endroits, le mur de fondation des cour-
                                                                                                             tines pouvait être plus bas, en particulier
                                                                                                             au sud, le glacis venant alors s’appuyer sur
                                                                                                             un remplissage qui a parfois disparu, lais-
                                                                                                             sant un vide structurel peu compatible
                                                                                                             avec la défense (fig. 11)... 27.
                                                                                                                 Ceci conduit à faire l’hypothèse d’un
                                                                                                             système de construction totalement
                                                                                                             déconnecté entre les tours et les courtines,
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                                                                                                             le sol naturel, et le creusement des fossés,
                                                                                                             avec la construction du talus postérieure-
                                                                                                             ment à l’achèvement de ceux-ci, venant
                                                                                                             seulement s’appuyer contre les maçonne-
                                                                                                             ries des tours et des courtines (fig. 4).
                                                                                                                  Cette présomption de deux chantiers
                                                                                                             indépendants constructivement vient se
                                                                                                             renforcer lorsque l’on constate la présence
                                                                                                             dans certaines courtines de poternes bou-
                                                                                                             chées par le talus (deux au moins ont été
                                                                                                             identifiées, l’une entre les tours 10 et 11,
                                                                                                             l’autre entre les tours 13 et 14). Ces
                                                                                                             poternes, ménagées au niveau du sol natu-
                                                                                                             rel intérieur, et donc du sol extérieur pri-
                                                                                                             mitif avant creusement du fossé, ont été
        Fig. 3 - Plan de la Césarée médiévale (J. Mesqui).                                                   murées et bouchées lorsque le talus a été
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                                                                  L’ENCEINTE MÉDIÉVALE DE CÉSARÉE

                                                               Saint Louis à son frère Alphonse, comte           de vantaux ; la porte donnant vers l’inté-
                                                               de Poitiers : « …Et comme les travaux des         rieur, ménagée à la perpendiculaire, était
                                                               murs sont désormais achevés pour l’essen-         protégée par un assommoir et une paire de
                                                               tiel, nous faisons maintenant travailler à        vantaux (fig. 5).
                                                               l’achèvement du chantier par un travail
                                                                                                                      Cette tour-porte possédait au moins
                                                               assidu et sans discontinuer, tant aux murs
                                                                                                                 deux niveaux. Le passage d’entrée, après le
                                                               qu’aux fossés… » 28.
                                                                                                                 passage de la première porte regardant
                                                                   Un autre détail remarqué par Negev            l’ouest, pénétrait dans une salle carrée,
                                                               ne manque pas d’attirer l’attention : au          voûtée sur ogives retombant sur des piliers
                                                               moins une base de courtine située à l’ouest       aux chapiteaux richement sculptés – sans
                                                               de la tour-porte nord, présente une struc-        qu’il puisse y avoir le moindre doute sur
                                                               ture « feuilletée » composée de trois voiles      l’attribution à Saint-Louis. Un escalier
                                                               verticaux d’épaisseur collés les uns aux          ménagé dans l’épaisseur du mur ouest,
                                                               autres, en allant de l’intérieur vers l’exté-     coudé pour suivre l’angle, permettait
                                                               rieur, de 99, 127 et 158 cm 29. Ceci nous         d’accéder depuis la salle voûtée à une
                                                               apprend, de façon anecdotique, que le             galerie d’entresol ou gaine, qui surveillait
                                                               pied utilisé pour la construction mesurait        l’extérieur par des archères à niches ; la
                                                               environ 31,5 cm ; mais, au-delà, pourquoi         galerie était également accessible par un
                                                               avoir choisi cette méthode constructive ?         escalier extérieur situé à l’ouest, desservant
                                                               Ne doit-on pas voir, ici encore, un mode          aussi le chemin de ronde de la courtine
                                                               d’organisation du chantier privilégiant la        est.
                                                               rapidité d’exécution de la ceinture exté-
                                                                                                                     Par analogie aux dispositions de la
                                                               rieure ?
                                                                                                                 tour-porte est, on peut estimer que cette
                                                                                                                 galerie à archères pouvait aussi surveiller la
                                                                                                                 salle basse de la tour par des baies prati-
                                                                     Les portes d’entrée de la ville
                                                                                                                 quées dans le mur de séparation.

                                                                    Les trois portes d’entrée de la ville sont
                                                                                                                 La porte est
                                                               conservées – plus ou moins ; deux d’entre
                                                               elles sont pratiquées dans des tours-portes.          Elle était située sur l’ancien decumanus
              Fig. 4 - Césarée, restitution du système         La moins défendue, percée en flanc droit          maximus de la cité Hérodienne et byzanti-
              constructif de l’enceinte (J. Mesqui).           d’une tour, est celle qui donnait au sud ;        ne, et constituait l’accès majeur à ce qui
                                                               mais ceci s’explique par sa position très         restait de la ville au temps de Saint Louis.
              collé contre la muraille. On ne peut les         protégée dans un rentrant de l’enceinte,          Nul étonnement si ses dimensions l’em-
              expliquer qu’en les mettant en relation          sous la protection de la citadelle située à       portent largement sur la précédente, puis-
              avec une phase constructive antérieure à         l’ouest, et surtout derrière le masque d’une      qu’elle ne mesurait pas moins de 22 m
              cette création des fossés et collage du          grande tour rectangulaire qui l’abritait vers     de longueur pour plus de 14 de large.
              talus : il se serait agi de poternes utilisées   l’est et le sud-est. Cette porte est sur-         Comme la précédente, elle était basée sur
              justement lors du creusement des fossés,         montée d’un arc brisé reconstruit à l’épo-        l’usage d’un passage coudé deux fois : de        87
              pour permettre aux équipes d’ouvriers            que moderne ; son passage est défendu par         l’extérieur, on franchissait un pont mo-
              d’accéder au chantier, et de rentrer en ville    un assommoir et une paire de vantaux              bile, on passait sur un pont médiéval à
              facilement.                                      dont subsistent les crapaudines de pierre.        tablier de bois sur quatre arcs de pierre
                                                                                                                 (reconstruits sur les fondations mises au
                   On peut, à ce stade, faire l’hypothèse
                                                                                                                 jour lors des fouilles), pour aboutir sur
              de deux chantiers indépendants structu-
                                                               La porte nord                                     une plate-forme de près de 4 m de large
              rellement. Dans le premier aurait été
                                                                                                                 longeant le flanc gauche de la tour (fig. 6).
              élevée l’enceinte avec ses tours, ses cour-           Cette porte en chicane est ménagée
              tines et ses portes, au moins sur leur pre-      dans une tour dont les dimensions, à                  Cette plate-forme était protégée vers
              mier niveau, de la façon la plus rapide          l’intérieur du talus, sont de 15 m par 15         le nord et l’est par un mur bas qui évitait
              possible pour mettre à l’abri les popula-        extérieurement ; elle prenait place sur une       que la porte, située dans le flanc nord,
              tions ; dans le second, on aurait creusé         plate-forme plus large de 3,3 m vers              puisse être prise pour cible de machines
              les fossés au-devant de ces ouvrages, de         l’ouest servant d’accès par un pont dont la       implantées dans ce secteur. On devait
              façon indépendante, et on en aurait revê-        pile demeure, à l’état de substruction,           alors tourner à angle droit vers la gauche,
              tu l’escarpe par ce talus exceptionnel par       dans le fossé. Au niveau inférieur, le passa-     passer sous un assommoir, franchir une
              son élévation. Ceci confirme les termes          ge coudé était protégé vers l’ouest par la        herse et des vantaux, pour déboucher dans
              d’une lettre écrite le 11 août 1251 par          succession d’un assommoir, d’une herse et         une longue et étroite salle voûtée, d’une
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                                                                            Jean MESQUI

        Fig. 5 - Césarée, plan de la porte nord, d’après A. Negev.                     Fig. 6 - Césarée, plan de la porte est, d’après A. Negev.
        quinzaine de mètres de longueur pour                 Les trois poternes                                   jouxtant la tour 8 au sud ; enfin la troisième
        moins de cinq en largeur ; puis, à nou-                                                                   se situe au sud, jouxtant la tour d’angle 12
                                                                  On a vu plus haut qu’il a existé deux
        veau, il fallait tourner, cette fois sur la                                                               à l’est.
                                                             poternes « hautes » bouchées lors de la
        droite, passer sous un nouvel assommoir
                                                             construction du glacis. Mais il demeure                   Chacune d’entre elles est constituée
        et franchir une nouvelle paire de vantaux            également trois autres poternes cohérentes           par un tunnel voûté en pente, dans lequel
        – on était enfin dans la ville.                      avec celui-ci, qui permettaient une circu-           prend place un escalier ; elles débouchent
            La salle intérieure, voûtée de trois             lation de l’intérieur de la place vers le            dans le fossé par des portes dont les seules
        travées d’ogives retombant sur des                   fossé, et réciproquement. La première se             défenses étaient constituées par un van-
        consoles aux chapiteaux feuillagés, était            situe au nord, jouxtant la tour d’angle 3            tail de bois. Pour autant, Avraham Negev
        placée sous surveillance d’une galerie               à l’est (fig. 8) ; la seconde se trouve à l’est,     a constaté, lors des dégagements et des
        haute à archères, servant tant à la défense
        externe qu’au contrôle interne, grâce à
        quatre baies couvertes d’arcs brisés. Ces
        trois travées ont été remontées depuis les
        dégagements des années 1950-1960.
             Cette galerie voûtée n’était pas directe-
        ment accessible depuis l’intérieur de la
  88
        salle, contrairement à la porte nord (fig. 7) ;
        de plus, elle ne ceinturait pas totalement
        la salle, son niveau ne lui permettant pas
        de passer au-dessus du passage nord. On y
        accédait, en fait, depuis une plate-forme
        située au sud-ouest, en communication
        avec la courtine voisine au sud.
            Sans doute existait-il un, voire deux
        niveaux défensifs au-dessus de cette salle ;
        l’un d’entre eux au moins était nécessaire
        pour desservir herse et assommoirs au-des-
        sus des deux passages successifs, et on peut
        faire l’hypothèse d’un niveau de chemin de
        ronde au-dessus – comme il s’en pratiquait
        de façon courante dans la fortification
        franque ou musulmane de l’époque 30.                Fig. 7 - Césarée, axonométrie en écorché de la porte est (J. Mesqui).
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                                                                                                                     (poternes des tours de l’enceinte
                                                                                                                     Théodosienne à Byzance, de l’enceinte de
                                                                                                                     Nicée). Il reste à faire une étude exhaus-
                                                                                                                     tive de ce genre de dispositifs : étaient-ils
                                                                                                                     déterminés par une théorie de la défense
                                                                                                                     des places, ou plus prosaïquement par une
                                                                                                                     nécessité de desservir et d’entretenir les
                                                                                                                     fossés ? Il est probable que les deux moti-
                                                                                                                     vations purent exister, de façon concur-
                                                                                                                     rente ou de façon conjointe 33.

                                                                                                                                 Tours et courtines

                                                                                                                         Il est curieux, dans une enceinte qui
                                                                                                                     paraît aussi homogène, et qui fut construi-
                                                                                                                     te en un espace de temps exceptionnelle-
                                                                                                                     ment bref, de constater que les treize tours
                                                                                                                     rectangulaires flanquant les courtines
                                                                                                                     n’ont pas des dimensions normalisées. Si
                                                                                                                     la tour moyenne se caractérise par une
                                                                                                                     largeur en capitale d’environ 10 m, en fait
                                                                                                                     cette largeur peut aller jusqu’à 17 m
                                                                                                                     comme à la tour nord-est, la plus impor-
                                                                                                                     tante de tout l’ensemble par ses dimen-
                                                                                                                     sions. Leur saillie par rapport aux cour-
                                                                                                                     tines était tout aussi variable, cependant,
                                                                                                                     elle se situe entre 4 et 5 m en moyenne.
                                                                                                                          La structuration intérieure de ces tours
                                                                                                                     est, comme dans les deux portes, com-
              Fig. 8 - Césarée, plan de la tour nord-est et de la poterne attenante, avec coupe de cette dernière,   mandée par l’élévation du talus extérieur
              d’après A. Negev.                                                                                      dont la crête était, on l’a vu, plus haute
                                                                                                                     que le sol intérieur de la ville de trois à
              fouilles, que chacune de ces poternes avait         postérieurement à la construction de la            quatre mètres. Dès lors, le premier niveau
              été fermée dès le Moyen Âge, préalable-             base des murs en première phase, telle             de défense pourvu d’archères ne pouvait
              ment au siège final, par un bouchage de             qu’imaginée plus haut ; elle serait cohé-          se trouver qu’en forte surélévation par rap-
              maçonnerie ; la poterne nord a conservé             rente avec la réalisation du glacis de façon       port au sol intérieur. Ces archères étaient
              ce bouchage, réalisé dans le même type              légèrement postérieure aux tours et cour-          ménagées au fond de niches en arc brisé ;
              d’appareil que les courtines 31. L’archéo-          tines.                                             les fentes étaient pourvues d’une plongée       89
              logue interprétait ce bouchage comme                                                                   dont la base, souvent plus basse que la
                                                                       L’existence de telles poternes desser-
              une fermeture préalable au siège de 1265                                                               crête du talus, obligea à réserver au som-
                                                                  vant le fond des fossés n’a rien que d’assez
              – c’est extrêmement probable ; l’intervalle                                                            met de celui-ci des échancrures pour ne
                                                                  habituel dans la fortification. On rappelle-
              d’une dizaine d’années entre la construc-                                                              pas les boucher (fig. 10).
                                                                  ra ainsi qu’on trouve de telles poternes à
              tion de l’enceinte et le siège explique la
                                                                  Belvoir (Kokhav Ha-Yarden, Israël) dans                Les dispositions intérieures de ce
              similitude des maçonneries. Pour Nicolas
                                                                  les années 1170-1180, ménagées dans les            niveau de défense semblent, dans la majo-
              Faucherre, qui les a étudiées de près, le
                                                                  flancs de certaines tours d’angle de l’en-         rité des cas, avoir reposé sur de simples
              murage est même contemporain de leur
                                                                  ceinte principale 32. De la même façon, les        salles rectangulaires pourvues sur leurs
              percement.
                                                                  tours de flanquement du château de                 flancs d’une archère prenant la courtine
                   Le débouché de la poterne est côté             Giblet (Jbail, Liban) étaient munies de            voisine en enfilade, et de deux archères en
              ville, en partie conservé, semble prouver           telles poternes de fond de fossé ; au Crac         capitale. Suivant les dimensions, ces
              que la porte couverte d’un arc brisé a été          des Chevaliers, une des tours semi-                nombres purent être ajustés : ainsi, à la
              insérée dans la maçonnerie préexistante ;           circulaires de l’enceinte externe possédait        tour nord-est, on comptait quatre archères
              ceci demande cependant à être vérifié atten-        également une poterne. Plus généra-                frontales au nord et trois autres, également
              tivement. Cet indice pourrait accréditer            lement, on en trouve dans la fortification         frontales, à l’est. À la tour sud-est exis-
              l’hypothèse d’un percement de ces tunnels           antique de façon quasi systématique                taient trois archères sur les deux faces.
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                                                          Cl. N. Faucherre-G. Séraphin.                                                   Cl. N. Faucherre-G. Séraphin.

        Fig. 9 - Césarée, vue des tours de l’enceinte dans la section située au sud       Fig. 10 - Césarée, vue d’une salle et de l’archère latérale d’une tour
        de la porte est.                                                                  flanquant une courtine. Au fond, une autre tour de flanquement.

            La tour nord-est présente, en outre,              de courtine. Elle montre, en partie supé-            hauteur, contenant en son niveau infé-
        une disposition particulière – peut-être              rieure, le talus appuyé sur la muraille              rieur des salles voûtées en cours de
        utilisée dans d’autres cas, mais la ruine             verticale, séparé d’elle par un vide                 déblayement 35.
        empêche de le savoir précisément (fig. 8).            constructif qui devait être, primitivement,
                                                                                                                       Les ruines actuelles présentent des élé-
        Une galerie délimitée intérieurement par              empli de terre (fig. 11). Dans le parement
                                                                                                                   ments de courtines aux parements à bos-
        un mur mince desservait les archères –                du talus est percée une fente d’archère qui
        une gaine, pour reprendre le terme consa-                                                                  sages tabulaires (fig. 12), qui ne sauraient
                                                              était desservie depuis la courtine elle-
        cré : on retrouve ici une caractéristique                                                                  être assimilés aux parements de « kurkar »
                                                              même ; ceci prouve qu’en certaines zones,
        déjà rencontrée dans les deux portes nord                                                                  tout juste dressés des courtines et tours de
                                                              il a existé un niveau défensif à archères au
        et est. Selon toute vraisemblance, il a                                                                    l’enceinte. Les colonnes de marbre vert
                                                              niveau de la crête du talus.
        existé dans cette tour une salle dont le sol                                                               prises dans les anciens bâtiments antiques,
        était au niveau du sol intérieur ; elle était                                                              qui donnèrent leur nom arabe à la cita-
        ceinturée à mi-hauteur par cette gaine à                                                                   delle (« al Khadra », c’est-à-dire « la Verte »)
                                                                                LA CITADELLE
        archères.                                                                                                  continuent d’assurer une armature indes-
                                                                                                                   tructible pour ces murailles, malgré les
            On ne sait rien de l’élévation de ces                                                                  assauts de la mer, après ceux des sapeurs
        tours. On peut faire la supposition                        La citadelle se présente aujourd’hui
                                                                                                                   de Baybars.
        qu’était prévu un autre niveau de défense,            comme un énorme « pâté » approxima-
        éventuellement avec un double chemin de               tivement trapézoïdal, constitué de maçon-                On ne peut exclure, à la suite de
        ronde.                                                neries d’épaisseurs considérables, pour la           Meron Benvenisti, que les restes visibles
  90                                                          plupart ruinées, supportant des bâti-                actuellement soient ceux de la forteresse
            Concernant les courtines, la grande               ments modernes, le tout établi sur le                bâtie en 1218 par Jean de Brienne et les
        majorité d’entre elles est totalement arasée          départ rocheux de la jetée sud du port               pèlerins qui l’assistaient, et qu’elle ait été
        au niveau de la crête du talus, voire légè-           Hérodien. Les archéologues israéliens ont            renforcée en 1228 par les pèlerins qui
        rement plus bas, de telle sorte qu’il est             reconnu le tracé de l’ancien fossé, large            avaient bâti le château de mer de Sagette.
        impossible d’en connaître les dispositions            de 20 m, qui séparait cette citadelle de la          Cependant, il convient de conserver la
        primitives. Seul un fragment de courtine              ville, fossé autrefois en eau ; on a vu qu’il        plus grande prudence, sans l’appui de
        demeure en élévation à l’angle nord-ouest             posa des problèmes considérables aux                 relevés idoines.
        de la tour-porte orientale, faisant peut-             sapeurs de Baybars. Le front d’attaque,
        être partie d’une construction accolée. On            côté est, c’est-à-dire côté ville, était
        y voit encore une belle archère ménagée               flanqué par deux tours carrées renforcées                    UNE ENCEINTE DÉCALÉE
        au fond d’une profonde niche, à un                    de colonnes de marbre et de porphyre
        niveau plus haut que les archères de la               couchées en boutisse ; A. Negev a reconnu
        porte voisine ; cette courtine possédait un
                                                              l’accès primitif, qui se pratiquait par un               Le premier bilan que l’on peut tirer
        niveau supplémentaire.
                                                              escalier de marbre débouchant sur une                de cette étude, encore superficielle, de
           À l’angle sud-est de la tour 15 demeure,           porte au nord-est 34. La citadelle aurait            l’enceinte de Césarée, est son caractère
        par ailleurs, une très intéressante section           possédé en outre une tour de grande                  absolument atypique par rapport à ce
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                                                               Cl. N. Faucherre-G. Séraphin.                                                        Cl. N. Faucherre-G. Séraphin.

              Fig. 11 - Césarée, vue du sommet du talus à l’angle de la tour 15.                   Fig. 12 - Césarée, vue du parement d’un élément de courtine de la
                                                                                                   citadelle.

              que l’on connaît de la fortification de              concept du « sas » qui fut introduit par les                peuvent être mises en avant, la première
              Saint Louis en Occident. Que l’on exa-               architectes royaux, en revanche le principe                 d’entre elles étant très certainement les
              mine les travaux réalisés par l’adminis-             de la double herse est absent.                              délais extrêmement courts que le roi
              tration royale à Aigues-Mortes, Angers,                                                                          avait imposés au chantier ; elle explique
                                                                       - les talus sont indépendants des cour-
              Carcassonne, Peyrepertuse, Monségur, la                                                                          au moins la curiosité constructive résul-
                                                                   tines, et leur hauteur est quasi équivalente
              symbolique dominante est celle de la tour                                                                        tant des deux systèmes indépendants des
                                                                   à celle des tours et des courtines.
              circulaire, et plus précisément encore de                                                                        tours et des talus. Elle explique, peut-être,
              la tour circulaire à archères flanquante,                - les archères sont ménagées de façon                   le recours exclusif au plan rectangulaire, si
              disposée à intervalles réguliers sur le tracé        systématique dans des niches – solution                     l’on admet que la taille de pierres à pare-
              d’enceintes géométriques. Ce type de                 connue par les architectes de Saint Louis,                  ment plat permettait de gagner en pro-
              tour résulte du modèle « philippien » :              mais extrêmement peu pratiquée dans                         ductivité sur celle de pierres à parement
              tour à murs épais percé d’archères à ébra-           leurs réalisations.                                         incurvé.
              sements simples (sans niches) reposant
                                                                       À vrai dire, en définitive, si les deux                     Mais ce ne saurait être la seule explica-
              sur un glacis subvertical. Les portes sont
                                                                   tours-portes n’avaient pas conservé leurs                   tion : l’usage du plan coudé pour les
              universellement dessinées sur le modèle
                                                                   superbes chapiteaux gothiques feuillagés,                   portes, celui d’archères à niches, indique
              « philippien », constitué par un passage
                                                                   œuvre de sculpteurs accoutumés au                           sans grand risque de se tromper que la
              frontal entre deux tours ; les architectes
                                                                   gothique d’Île-de-France du milieu du                       conception générale fut réalisée par des
              de Saint Louis y ont apporté leur
                                                                   XIIIe siècle, ainsi que les restes de leurs                 maîtres d’œuvre locaux, habitués aux
              touche d’innovation, en développant des
                                                                   voûtes d’ogives, on en viendrait à douter                   usages architecturaux de la région. On ne
              formules à deux herses, sans pour autant                                                                                                                              91
                                                                   que l’enceinte de Césarée soit une œuvre                    peut, de ce point de vue, exclure totale-
              bouleverser le schéma de base.
                                                                   du roi de France (fig. 13).                                 ment que le système constructif ait répon-
                  À Césarée, rien de tout cela ; mieux,                                                                        du, lui aussi, à une exigence ou à une
                                                                      Comment peut-on expliquer ce
              tout est différent de ce qui fut réalisé outre                                                                   volonté d’innovation pour augmenter la
                                                                   décalage extraordinaire ? Plusieurs raisons
              Méditerranée. Seul, peut-être, le concept                                                                        capacité de résistance à la mine – redou-
              d’ensemble d’une enceinte régulièrement                                                                          table dans les armées musulmanes.
              flanquée régulière et homogène vient-il
              rappeler, de très loin, le concept de l’en-
              ceinte d’Angers. Tentons de recenser ces                                                                             L’ensemble de ces traits fait de Césarée
              différences :                                                                                                    un monument très atypique et décon-
                                                                                                                               certant, représentatif d’un croisement de
                  - les tours sont systématiquement
                                                                                                                               cultures tout à fait intéressant.
              rectangulaires, contrairement à tous les
              usages ;
                 - les portes sont ménagées dans des
              tours-portes rectangulaires, sur le principe                                     Cl. N. Faucherre-G. Séraphin.

              du passage coudé. Si l’on retrouve le                Fig. 13 - Césarée, porte nord, chapiteau.
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                                                                                    Jean MESQUI

                                                                                BIBLIOGRAPHIE
            Cette bibliographie ne vise pas à                      Eydoux 1982                                               Lyons 1971
        fournir l’ensemble des sources concernant                  H.-P. Eydoux, Les châteaux du Soleil, Paris,              U. Lyons, M.-C. Lyons, Ayyubids,
        Césarée, mais seulement les plus impor-                    1982.                                                     Mamlukes and Crusaders. Selections from
        tantes au stade de cette étude prélimi-                                                                              the Tarikh al-Duwal wa’l Muluk of Ibn Al-
        naire.                                                     Grousset 1936                                             Furat, Cambridge, 2 vol., 1971.
                                                                   R. Grousset, Histoire des Croisades et du
        Alberti Aquensis historia hierosolymi-                     royaume Franc de Jérusalem, 3 vol., Paris,                Negev 1989
        tana                                                       1936.                                                     A. Negev, The Crusader fortifications at
        « Alberti Aquensis historia hierosolymita-                                                                           Caesarea Maritima », manuscrit dacty-
        na », publié dans Recueil des Historiens des               Guérin 1884                                               lographié daté de 1989, conservé aux
        Croisades, Historiens Occidentaux, t. IV,                  V. Guérin, La Terre Sainte, 2 vol., Paris,                Archives de l’Office des Antiquités
        Paris, 1879.                                               1884.                                                     d’Israël.

        Anecdotes et beaux traits de la vie du                     Historia Gotfridi                                         Negev 1993
        sultan Youssof                                             « Anonymi Rhenani. Historia et gesta                      A. Negev, « Caesarea. Excavations en the
        « Anecdotes et beaux traits de la vie du                   ducis Gotfridi », publié dans Recueil des                 1950s and 1960s », dans E. Stern (éd.),
        sultan Youssof (Salah ed-dïn) », publié                    Historiens des Croisades, Historiens                      The New Encyclopedia of Archaelogical
        dans Recueil des Historiens des Croisades,                 Occidentaux, t. V, Paris, 1895.                           Excavations in the Holy Land, Jérusalem,
        Historiens Orientaux, t.III, Paris, 1884.                                                                            1993, p. 272-278.
                                                                   Joinville 1874
        Benvenisti 1970                                            Jean, sire de Joinville, Histoire de Saint                New Encyclopedia 1993
        M. Benvenisti, The Crusaders in the Holy                   Louis, publiée par N. de Wailly, Paris,                   E. Stern et al. (ed.), The New Encyclopedia
        Land, Jerusalem, 1970, p. 135-145.                         1874.                                                     of Archaelogical Excavations in the Holy
                                                                                                                             Land, Jérusalem, 1993, 4 vol.
        Biller 1989                                                Le Monde de la Bible 1988
        Th. Biller, « Die Johanniterburg Belvoir                   Dossier « Césarée maritime », Le Monde de                 Prawer 1975
        am Jordan », Architectura, Zeitschrift für                 la Bible, nov-déc. 1988, n° 56, p. 5-33.                  J. Prawer, Histoire du royaume latin de
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        136.                                                       Holum, A. Raban, J.-P. Lemonon).                          Nahon, 2 vol., Paris, 1975.

        Cafari Genuensis                                           L’estoire de Éracles Empereur                             Pringle 1985
        « Cafari Genuensis De liberatione civita-                  « L’estoire de Éracles Empereur et la                     D. Pringle, « Medieval Pottery from
        tum Orientis », publié dans Recueil des                    conqueste de la Terre dOutremer », publié                 Caesarea : The Crusader Period », Levant,
        Historiens des Croisades, Historiens                       dans Recueil des Historiens des Croisades,                vol. XVII, 1985, p.171-202.
        Occidentaux, t. V, Paris, 1895.                            Historiens Occidentaux, t. I, Paris, 1874 ;
                                                                   t. II, Paris, 1874.                                       Rey 1871
        Continuation de Guillaume de Tyr                                                                                     G. Rey, Étude sur les monuments de l’archi-
        « Continuation de Guillaume de Tyr                         Historia Belli Sacri Fuclherii Carnotensis                tecture militaire des Croisés, Paris, 1871.
  92    de 1229 à 1261, dite du Manuscrit de                       « Historia Belli Sacri Fuclherii
        Rothelin », publié dans Recueil des                        Carnotensis », publié dans Recueil des                    Saint-Pathus 1899
        Historiens des Croisades, Historiens                       Historiens des Croisades, Historiens                      G. de Saint-Pathus, Vie de Saint Louis,
        Occidentaux, t. II, Paris, 1875.                           Occidentaux, t. III, Paris, 1876.                         publiée par H.-F. Delaborde, Paris, 1899.

                                                                                        NOTES

        1. Je remercie Benjamin Z. Kedar d’avoir bien voulu        Cette mission va conduire à une première mission          gratitude à Hervé Barbé, archéologue français
        m’apporter toute sa connaissance de l’historiographie      archéologique à Césarée dans l’été 2006.                  détaché à l’Office des Antiquités d’Israël, d’avoir
        de la Terre sainte, en corrigeant cet article ; celui-ci                                                             bien voulu nous faciliter considérablement cette
        demeure cependant imparfait, tant au plan archéo-          4. Negev 1989. Nous remercions ici, en premier lieu,      recherche. Voir aussi Negev 1993.
        logique qu’historique, et méritera d’être corrigé et       à titre posthume, Abraham Negev lui-même, qui
        amélioré dans le futur.                                    avait bien voulu donner accès à ses archives à Nicolas    5. Eydoux 1982, p. 207-209.
                                                                   Faucherre. Nos remerciements vont aussi à l’Office        6. Sur un plan documentaire général, voir l’excel-
        2. Rey 1871, p. 221-226.
                                                                   des Antiquités d’Israël, qui a accepté la consultation    lente synthèse en langue française donnée dans
        3. Mission Faucherre-Séraphin en novembre 2003,            et la reproduction de certaines pièces de ces archives.   Le monde de la Bible 1988. Voir également l’incon-
        financée par le Ministère des Affaires Étrangères.         Qu’il nous soit permis également d’adresser notre         tournable encyclopédie des fouilles archéologiques
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              en Terre sainte, publiée en 1993, articles « Caesarea »        au fermer, distrent à Garnier l’Alemant que si il le         Palestine, avec l’armée des Chrétiens, poursuivant la
              et « Caesarea Maritima » : New Encyclopedia 1993.              lor voloit livrer que il le garniroient et le deffen-        construction de l’enceinte de cette ville. Et comme
              Il convient de consulter aussi, parmi d’autres                 droient ; il le lor bailla. Il y envoièrent gens et          les travaux des murs sont désormais achevés pour
              sites internet passionnants : « Combined Caesarea              armeures et viandes et autres choses, qui mestier y          l’essentiel, nous faisons maintenant travailler à
              Expeditions », http://www.digcaeasarea.org, site               avoient. Quant il furent là venus, ils reçurent le           l’achèvement du chantier par un travail assidu et sans
              officiel des fouilles de Césarée, et, pour l’amuse-            chastel, et en firent partir touz ceauz qui y estoient,      discontinuer, tant aux murs qu’aux fossés (… Donné
              ment, « Virtual Caesarea Maritima », http://autra-             et i furent IIII jorz ; et au quint mandèrent à Acre que     au camp près de Césarée de Palestine, l’an 1251 du
              lis.www2.50megs.com/caesarea/caesarea.html.                    l’en les en venist oster, car il ne le poeent plus rete-     seigneur, le lendemain de la Saint-Laurent martyr.
                                                                             nir, que li ronpeor des Turs estoient dedens le              [11 août 1251] ».
              7. Sur l’histoire de Césarée au Moyen Âge, voir l’ex-          mur.Lor gens lor envoièrent vaisseauz et les en firent
              cellent chapitre consacré à la ville par Benvenisti            oster une nuit. Lendemain li Turc orent faussé le            21. « Résumé de l’Histoire des Croisades », publié
              1970 ; voir aussi la synthèse de Pringle 1985. Negev           mur, et entrèrent enz et n’i trovrent nului. Le soutan       dans Recueil des Historiens des Croisades, Historiens
              1989, I, donne de nombreux extraits des textes, mais           fist abatre le chastel ».                                    orientaux, t. I, Paris, 1872, p. 150.
              commet de nombreuses erreurs dans la chronologie
              et dans l’interprétation. Le mieux est encore de reve-         La chronologie fournie par le chroniqueur semblerait         22. Benvenisti 1970, p. 139-140. Description
              nir aux sources, publiées dans les Historiens des              indiquer l’année 1218, mais l’ensemble des histo-            détaillée du siège, à partir du récit de Ibn al-Furat,
              Croisades.                                                     riens place cet événement à la fin 1220, après la prise      dans Prawer 1975, II, p. 463-464. Il est intéressant
                                                                             de Damiette par les Francs. Voir Grousset 1936, III          de donner ici une traduction française de celle
              8. Historia Belli Sacri Fuclherii Carnotensis, p. 388-         p. 212 ; Pringle 1985, p. 171 ; Prawer 1975, II,             qu’a faite Lyons 1971, t. II, p. 70-71 à partir du
              390. Alberti Aquensis Historia Hyerosolimitana,                p. 162-164.                                                  texte de Ibn al-Furat. « Cette citadelle était appelée
              p. 543-544. Cafari Genuensis, p. 62-65.                                                                                     al-Khadra’ (la Verte) ; elle était parmi ses paires la
                                                                             16. L’Estoire de Éracles Empereur, I, p. 365 :               mieux fortifiée, et la plus achevée, car le roi de
              9. Negev 1989, I, p. 5-6, se livre à une étude des             « Quant li pèlerin orent parfait celui labor, si se par-     France y avait fait apporter des colonnes de granit
              sources pour tenter de comprendre l’état de la défense         tirent et retornèrent à Acre, et d’iluec s’en alèrent        assemblées avec talent. Il n’existait pas de plus beau
              de Césarée à l’époque, dans le but de montrer que les          herberger en la Paumerée de lez Cayfas, por doner            monument dans le pays d’al-Sahil, aucun n’était plus
              défenseurs se retranchèrent dans la citadelle du               herbe à lor chevaux. Et furent tres que après la             puissant ni mieux aménagé, car il était encerclé par
              théâtre. Il néglige, en cela, le récit tout à fait limpide     Pasque un mois, et d’ilec s’en alèrent à Césaire et          la mer qui emplissait ses fossés. Il ne pouvait être
              de Caffaro, qui mentionne l’enceinte intermédiaire             refermèrent le chastel que Coradin avoit abatu (...) ».      détruit par la mine, car les colonnes de granit for-
              « Civitas enim per medium murata erat, et Sarraceni                                                                         maient une armature orthogonale qui ne pouvait
              omnes ad medium murum fugiebant, et intus se recol-            17. Joinville 1874, p. 256-259, n° 470 : « À l’entrée        s’effondrer. Cependant, les Musulmans poursuivi-
              ligebant. » ; « Illico namque omnes unanimiter super           de quaresme, s’atira li roys, atout ce qu’il ot de gent,     rent l’attaque, la bombardant avec leurs mangon-
              murum ascenderunt, et Sarracenos ad murum medium               pour aler fermer Sezaire, que li Sarrazin avoient aba-       neaux. On pouvait voir le Sultan, tantôt tirant des
              fugientes sequendo, eos interfecerunt multos. Alii vero        tue, qui estoit à douze lieues d’Acre par devers             flèches du haut d’une église située en face de la cita-
              Sarraceni postquam intra alium murum civitates recol-          Jérusalem. Mes sires Raous de Soissons, qui estoit           delle, tantôt à cheval, se lançant dans les vagues pour
              lecti fuerunt, Macometum vocando in eorum auxilio,             demourez en Acre malades, fu avec le roy fermer              combattre. Des engins de siège et des tours furent
              ne civitatem introirent, ensibus et telis christianis resis-   Cesaire. Je ne sai comment ce fu, ne mais que par la         construits ; on apporta de la citadelle d’Ajlun une
              tere coeperunt» (Cafari Genuensis, p. 62-65).                  volontei de Dieu, que onques ne nous firent li               livraison de flèches pour les troupes, chaque chef
                                                                             Sarrazin nul doumaige toute l’année. Tandis que li           d’escadron de cent hommes à cheval en reçut quatre
              10. La destruction par Saladin est mentionnée dans             roys femoit Cesaire, nous revindrent li messagier des
              les sources arabes ; elle fut considérée, comme celle                                                                       milliers.(…). Le Sultan demeurait de pied ferme sur
                                                                             Taratarins (...) ».                                          le front d’attaque. Il ne le quitta pas pour son dihliz,
              des autres villes côtières, comme une véritable catas-
              trophe.                                                        18. Saint-Pathus 1899, p. 109 : « Et en son premier          mais resta dans l’église avec une compagnie d’arbalé-
                                                                             passage, puis que il fu delivrez de la prison des            triers, décochant des carreaux et empêchant les
              11. Parmi d’autres, voir Anecdotes et baux traits de           Sarrasins, il fist pour la défense des Crestiens et pour     Francs de monter au sommet de la citadelle. De
              la vie du Sultan Youssof, p. 34.                               la garde et pour l’enneur de la foi crestienne, fermer       temps en temps il se faisait tirer sur des engins de
                                                                             à ses propres despens une cité qui a non Césaire, à          siège équipés de roues le long des murs, afin d’exa-
              12. Julienne se maria en premières noces avec Guy
                                                                             murs si hauz et si lez que l’en peust par desus mener        miner les travaux de sape par lui-même. Un jour, il
              de Brisebarre, seigneur de Beyrouth, qui décéda en
                                                                             un char ; et fist fère les murs à tors et à bretèches,       alla même au combat avec un bouclier en main, et
              1193 (la seigneurie de Beyrouth fut donnée, en
                                                                             défenses mout espesses ».                                    lorsqu’il revint, le bouclier était constellé de flèches
              1197, à Jean d’Ibelin par Henri de Champagne). Elle
                                                                                                                                          décochées par les défenseurs. »
              en eut un fils, Gauthier III, époux de Marguerite              19. Continuation de Guillaume de Tyr, p. 627-628 :
              d’Ibelin, qui décéda en 1223 ; lui succéda Jean Ier,           « Aprez ces choses, quant li yverz fu passez, et ce vint     23. Voir Guérin 1884, Rey 1871.
              comte de Césarée, puis sa fille Marguerite, épouse de                                                                                                                                  93
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              Jean l’Allemand. Le dernier seigneur connu fut leur            son ost à Césaire en Palestine, qui siet seur mer, et se
              fils Nicolas l’Allemand, mais on chercherait en vain                                                                        Refugee Problem Revisited, Cambridge, 2004, p. 77,
                                                                             loja et fist fermer le forborc de murz et de fossez et       130. Référence aimablement fournie par Benjamin
              la moindre trace de leur activité à Césarée.                   de XVI torz ».                                               Z. Kedar.
              13. L’Estoire de Éracles Empereur, I, p. 331.                  20. Arch. nat., Layettes du Trésor des Chartes, J303,        25. Programme de fouilles dirigé par Yosef Porath, se
              14. Prawer 1975, p. 145.                                       n° I, pièce 17, publié par J. de Laborde, Layettes du        concentrant sur l’amphithéâtre, l’urbanisme romain
                                                                             Trésor des Chartes, t. III, Paris, 1875, p. 139b-140b,       et byzantin. Voir « The Caesarea Excavation
              15. L’Estoire de Éracles Empereur, I, p. 331-334 :             n° 3956 : « De statu nostro nosse vos volumus, per Dei       Project », Excavations and Survey In Israel, vol. 17,
              « En celui esté, ainz que li Crestien passassent le            gratiam, sanos et incolumes apud Cesaream Palestine          1998, p. 39-79.
              flum, li Coradins, por voir se il porroit doner enten-         morari in castris, una cum exercitu christiano, circa fir-
              te as Crestienz, ala asséger le chastel de Césaire, et         maturam fortericie civitatis ejusdem insistentes. Et cum     26. Cette interprétation de la « jetée des colonnes »
              fist drecer devant III perrières, qui getoient de jor          jam pro magna parte processum sit in operibus muro-          comme jetée construite par les Francs pour délimiter
              et de nuit. Li chasteauz estoit petit et mau garni,            rum, nunc etiam ad confirmacionem operis, assidue            le port médiéval, bien que présente dans la majorité
              su fu moult gregé en poi de tens. Garnier l’Alemant,           laborando, de die in diem operari facimus ad muros           des articles concernant la ville, a été remise en cause
              qui estoit à Acre en lue dou roi, assembla et les              pariter et fossata (...). Datum in castris juxta Cesaream    par Negev 1989, II, p. 9. L’auteur estimait que ces
              comunes et les autres gens et lor requist aye por aider        Palestine, anno domini MCC quinquagesimo primo, in           colonnes ont été placées à cet endroit au XIXe siècle
              le chastel. Li Genoeis, qui moult amoient Gautier              crastino Sancti Laurenti martyris ». Traduction Jean         seulement, dans le but d’être emportées par des
              le seignor de Césaire, et qui savoient que il avoit            Mesqui : « Quant à notre situation, nous voulons             bateaux vers des villes telles que Jaffa ou Acre, pour
              requis au roi que il li rendist, et li rois ne li voloit       que vous sachiez que, par la grâce de Dieu, nous rési-       servir dans la construction de maisons ou d’édifices
              rendre, se il ne li paeit ce que il y avoit despendu           dons sain et sauf au camp près de Césarée de                 ottomans.
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