L'IRM cérébrale: un outil pour la compréhension de la dyslexie de développement
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Revue générale L’IRM cérébrale: un outil pour la compréhension de la dyslexie de développement Une revue sélective1 ■ E. Vinckenbosch, St. Eliez Ser vice de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Dépar tement de psychiatrie, Faculté de Médecine de l’Université de Genève, HUG Summary adolescents. The two goals of this review are (1) to demonstrate how MRI studies contribute to Vinckenbosch E, Eliez S. [Magnetic Resonance our understanding of the mechanisms underlying Imaging: a tool for the understanding of develop- developmental dyslexia and (2) to update clini- mental dyslexia.] Schweiz Arch Neurol Psychiatr cians on the methodological issues pertaining to 2002;153:361–71. image acquisition and analysis, promoting critical reading of future MRI studies. Developmental dyslexia is a frequently diagnosed Historically, neuropathological studies were the reading disorder, found in 4–10% of the popula- first to lay claim for a neurological basis of dys- tion, characterised by reading difficulty despite lexia. These postmortem analyses on a small num- normal intelligence and educational opportunities. ber of dyslexic subjects revealed microscopic A large and methodologically diverse body of lit- cortical anomalies as well as abnormal patterns erature suggests that the origins of developmental of hemispheric asymmetry. Their results, even if dyslexia are biological, but the exact nature of controversial, suggested a possible abnormality in the underlying mechanisms remains under debate. dyslexics’ prenatal brain development and inspired Several neurobehavioural studies support the view the subsequent in vivo imaging studies. Though that an impairment in phonological processing, initial studies pointed to a pathological rightward namely in segmenting and manipulating the lan- asymmetry or symmetry of the planum temporale guage constituents, is the core deficit of dyslexia. (superior surface of the temporal lobe, related Other studies focus on possible visual deficits in to language functions), recent findings suggest dyslexia, particularly on a subsystem of the visual more subtle differences regarding the tissue com- pathways (magnocellular theory of dyslexia). Fi- position of the temporal lobe as well as a more nally, it has been found that dyslexics present widespread variation in neuroanatomy. Several difficulties in processing brief stimuli in rapid tem- functional imaging studies provide converging poral sequences.This“temporal processing impair- evidence that a disruption in multiple cortical ment” theory of dyslexia encompasses several sys- regions impairs the dyslexics during reading. tems (visual, auditive, motor) and could account Specifically, underactivation of a left posterior for the phonological deficits, the visual deficits cortical region (temporo-parieto-occipital cortex) as well as other symptoms often associated with has been observed among different dyslexic popu- dyslexia. The relative contribution of the deficits lations during phonological tasks. Moreover, an underlined by these three principal hypotheses in overactivation of the homologous regions in the the aetiology of dyslexia remains unknown and right hemisphere and the inferior frontal gyrus needs further investigation. was attributed to a compensating strategy in the This paper reviews, in light of these cognitive dyslexic group. It has been hypothesised that a hypotheses, the neurobiological results provided deficit of connectivity between these cortical by selected structural and functional magnetic regions could be an additional neural basis for resonance imaging (MRI) studies. MRI offers a dyslexia.This hypothesis is supported by structural high spatial resolution and contrast, without the studies that found abnormalities in the corpus risk of radiation exposure. It has therefore become callosum and, using diffusion tensor magnetic the preferred imaging technique for children and resonance imaging, in the microstructure of the white matter. In the last years, functional Correspondance: Dr Stephan Eliez 1 Ce travail a bénéficié du support du Fonds National de 41, chemin des Crêts-de-Champel la Recherche en Suisse au Dr S. Eliez (32-63134.00), CH-1206 Genève ainsi que du soutien du Fonds Frutiger-Bickel au Dr e-mail: stephan.eliez@medicine.unige.ch E. Vinckenbosch. 361 SCHWEIZER ARCHIV FÜR NEUROLOGIE UND PSYCHIATRIE 153 ■ 8/2002
MRI studies investigated the more controversial tats d’imagerie et les principales hypothèses étio- magnocellular and temporal processing deficit logiques de cette affection. theories of dyslexia. Les études neurocomportementales conduites The combination of various neuroimaging tech- auprès de sujets dyslexiques ont résulté en dif- niques will allow future studies to specify the bio- férentes hypothèses cognitives de la dyslexie de logical markers underlying developmental dyslexia développement. Parmi elles, trois hypothèses do- and to better relate them to the different subtypes minent le champ de la recherche: (1) l’hypothèse of developmental dyslexia. An understanding of phonologique, (2) l’hypothèse magnocellulaire et, the neurological mechanisms of dyslexia will ulti- (3) l’hypothèse d’un déficit de traitement temporel mately promote more targeted treatments and de l’information. improve the life of affected individuals and their La première stipule que l’appréciation de la families. nature segmentée du langage («conscience phono- Keywords: dyslexia; brain; MRI; functional logique») a un rôle primordial dans l’apprentis- neuroimaging; reading disorder sage de la lecture. Le lecteur débutant doit dans un premier temps réaliser que les mots se décom- posent en petites unités sonores indépendantes, Introduction appelées phonèmes [1]. Il doit ensuite comprendre que les constituants des mots écrits, les graphèmes, La dyslexie de développement affecte 4–10% de la possèdent une correspondance avec ces phonèmes. population. Elle est caractérisée par un déficit Le lecteur pourra ensuite effectuer les conversions sévère d’acquisition de la lecture, en dépit d’une grapho-phonologiques qui permettent le décodage intelligence normale, d’un accès adéquat aux pos- et l’acquisition de nouveaux mots. Un nombre sibilités éducatives et en l’absence de diagnostique important d’études neurocomportementales ont neurologique ou psychiatrique supplémentaire. montré qu’une incapacité à isoler et à manipuler Cette affection, par les difficultés d’adaptation les phonèmes est au cœur des difficultés rencon- et d’intégration sociale qu’elle suscite, représente trées par les sujets dyslexiques [2–4]. Les perfor- un problème de santé publique. Durant ces deux mances phonologiques semblent prédire chez des dernières décennies, les techniques de neuroima- enfants d’âge préscolaire leurs futures aptitudes gerie ont grandement contribué à améliorer notre à lire [5–7]. Ces déficits persistent en partie chez compréhension de la dyslexie. On assiste, depuis les adultes dyslexiques [2, 4]. De plus, un entraîne- la fin des années 1980, à l’emploi de plus en ment ciblé sur la conscience phonologique facilite plus fréquent de la résonance magnétique nu- l’acquisition de la lecture [8–11]. Cette explica- cléaire (IRM) en recherche. Cette technique offre tion phonologique de la dyslexie représente le l’avantage d’une haute résolution spatiale et contexte cognitif de plusieurs études de neuro- génère des images au contraste supérieur, analy- imagerie que nous présenterons dans cette revue. sables dans les trois plans de l’espace. Enfin, Certaines manifestations cliniques de la dys- l’absence d’exposition aux radiations fait de l’IRM lexie, comme la confusion entre des lettres symé- un outil de choix pour l’étude de jeunes sujets et triques (b/d) ou d’apparence similaire (m/n) pour- résout le dilemme éthique de soumettre des indi- raient résulter de déficits visuels plutôt que phono- vidus à des radiations à seule fin de recherche. logiques. La prédominance de ce type de déficits Notre objectif est de présenter une revue sélec- chez certains dyslexiques a conduit à les qualifier tive des études faites par IRM sur la dyslexie de de «dyseidétiques» par opposition aux dyslexiques développement. En effet, au vu du nombre d’étu- «dysphonétiques». Les premiers sont moins ha- des publiées à ce jour, nous avons préféré présen- biles dans la reconnaissance visuelle globale des ter les travaux qui présentent un caractère parti- mots, alors que les derniers sont avant tout affec- culier que ce soit par l’aspect novateur de l’étude, tés dans les processus d’assemblage phonologique. la qualité de la méthode utilisée ou la taille de Plusieurs travaux explorant l’hypothèse d’un défi- l’échantillon. Afin de promouvoir la capacité des cit visuel dans la dyslexie ont mis en évidence médecins et thérapeutes à juger de futures études des anomalies de la perception visuelle, impliquant de neuroimagerie dans les domaines de la psychia- spécifiquement la voie magnocellulaire. Le sys- trie ou de la neurologie, nous tenterons de montrer tème visuel est divisé fonctionnellement et anato- comment des qualités intrinsèques aux données miquement en deux voies parallèles: la voie (résolutions des images, plan d’acquisition des magnocellulaire et la voie parvocellulaire. La voie données, etc.) ou des méthodologies différentes parvocellulaire est responsable de la vision des peuvent influencer les résultats obtenus. Enfin, couleurs et de la perception des détails. La voie nous essayerons d’établir des liens entre les résul- magnocellulaire traite principalement les stimuli 362 SCHWEIZER ARCHIV FÜR NEUROLOGIE UND PSYCHIATRIE 153 ■ 8/2002
rapides, en mouvement et de faible contraste. Des planum temporal, due à une augmentation du études psychophysiologiques [12–14] et de poten- planum droit. Cette région, correspondant à la tiels évoqués [15–18] ont montré chez certains partie supéro-postérieure du gyrus temporal supé- sujets dyslexiques une diminution de la sensibilité rieur, fait partie du cortex auditif associatif. Il a à des stimuli spécifiques de la voie magnocellu- été estimé que 65 à 75% de la population générale laire. Lors des mouvements de saccades engendrés présente une asymétrie vers la gauche du planum par la lecture, ces déficits pourraient altérer la temporal et que cette asymétrie usuelle est asso- netteté avec laquelle sont perçus les graphèmes et ciée aux fonctions langagières [36–38]. Les auteurs par là même constituer un obstacle à la conversion ont attribué la symétrie observée chez les dys- des graphèmes en phonèmes. En dépit d’une vive lexiques à une insuffisance d’involution corticale controverse [19], cette théorie a l’attrait de pouvoir du lobe temporal droit et les anomalies micros- s’étendre au système auditif qui possèderait égale- copiques à des défauts de migration neuronale ment un sous-système composé de larges neurones durant le développement fœtal. Ces découvertes et responsable de l’analyse des stimuli acoustiques précoces ont d’emblée dirigé les recherches d’ima- transitoires [20]. Une anomalie de ces deux sys- gerie quantitative plus récentes sur l’étude des tèmes magnocelluaires permettrait d’expliquer les régions temporales, des symétries/asymétries céré- déficits phonologiques ainsi que les déficits visuels. brales ainsi que des voies de connections inter- La troisième hypothèse suggère qu’un déficit hémisphériques. plus global touchant différents systèmes neuro- Dans les sections qui suivent, nous allons dé- naux (visuel, auditif, moteur) affecte les sujets dys- crire les différences structurelles et fonctionnelles lexiques dans leur rapidité à traiter l’information mises en évidences à l’aide de l’IRM et montrer temporelle. Un certain nombre d’études ont mon- comment ces différences s’articulent avec les hypo- tré que ces sujets présentaient des difficultés à thèses étiologiques actuelles de la dyslexie de discriminer et à se rappeler de la séquence de développement. stimuli brefs visuels ou auditifs [21]. De manière similaire, une incapacité à effectuer des mouve- ments en séquence rapide avec les mains ou avec Imagerie structurelle la bouche a été observée chez des dyslexiques, sans que ces mouvements n’aient de signification lin- Lobe temporal guistique [22, 23]. Au niveau langagier, ces déficits interviendraient dans la perception des transitions Pour des raisons soulignées plus haut, nombre brèves entre syllabes et voyelles. Ces transitions d’études ont porté leur intérêt sur le lobe tempo- auraient un rôle crucial pour la discrimination des ral et plus spécifiquement sur le planum temporal. phonèmes et donc pour le développement de la Leurs divergences rendent la considération des conscience phonologique [24–27]. Plusieurs études méthodes utilisées indispensable à l’appréciation ont montré qu’il était possible d’améliorer les per- de leurs conclusions. formances linguistiques de sujets atteints de trou- Les premières études ont en particulier étudié bles du langage ou de la lecture en manipulant les le degré de latéralisation du planum temporal. caractéristiques temporelles de stimuli auditifs En reconstruisant la surface du planum temporal [28–31]. Cette hypothèse, en impliquant plusieurs à partir de coupes coronales, Larsen et al. [39], par- systèmes (sensoriels et moteurs) intègre de façon mi les premiers, ont observé une symétrie du pla- intéressante la complexité des modalités cognitives num temporal chez 70% des 19 sujets dyslexiques impliquées dans la lecture. Elle a néanmoins été observés, alors que les contrôles (n = 17, appariés controversée, notamment par certains auteurs [32] pour l’âge, le sexe et le QI, non-appariés pour la qui attribuent ces différences à un problème de préférence manuelle) présentaient une asymétrie nature exclusivement linguistique et non à un en faveur de la gauche dans 70% des cas. Ces déficit perceptif plus général. résultats se heurtent cependant à de sérieuses Les premières indications qu’une cause neuro- limitations méthodologiques et statistiques. Un biologique puisse être à l’origine de la dyslexie intervalle entre les coupes d’acquisition coronales nous viennent des études post mortem. Des ob- rendait impossible toute analyse en 3 dimensions servations neuropathologiques [33–35] faites sur (3D), les données ont été traitées sans validation huit cerveaux de dyslexiques ont mis en évidence interjuge, enfin les auteurs, de façon surprenante, des altérations corticales microscopiques (polymi- ont catégorisé les résultats sous forme de planum crogyri, ectopies, foyers de dysplasie neuronale) symétrique versus planum G >D avant de procéder concentrées dans les aires du langage de l’hémi- aux analyses statistiques. Confrontés à une propor- sphère gauche ainsi qu’une symétrie atypique du tion plus importante de sujets gauchers au sein de 363 SCHWEIZER ARCHIV FÜR NEUROLOGIE UND PSYCHIATRIE 153 ■ 8/2002
leur groupe de dyslexiques, les auteurs ont souligné L’étude de Leonard et al. [44] est parmi les pre- le problème, encore débattu, de l’appariement des mières à avoir infirmé l’hypothèse d’une asymétrie groupes pour la préférence manuelle dans les pathologique chez les dyslexiques. Ces investiga- études sur la dyslexie. Il est en effet possible que le teurs ont comparé 9 dyslexiques, 5 contrôles ainsi degré d’asymétrie du planum temporal varie avec que 12 personnes non-affectées, parents au pre- la préférence manuelle et qu’il soit moins marqué mier degré d’un sujet dyslexique. L’inclusion dans chez les gauchers et les ambidextres [40]. Or il l’étude de ce dernier groupe avait pour but de dis- semble que globalement les dyslexiques aient une tinguer les particularités spécifiques de la dyslexie propension à être non-droitiers. La nature exacte de caractéristiques neuroanatomiques familiales. du rapport entre cette particularité et les déficits La mesure de la longueur du planum temporal, qui caractérisent la dyslexie est inconnue, mais subdivisé en une partie temporale et une partie une préférence manuelle mixte ou gauche est pro- pariétale (correspondant à la partie postérieure bablement un trait communément associé à ce ascendante de la scissure sylvienne) a montré trouble. Comme certains auteurs [41] l’ont relevé, qu’aucune différence de latéralité ne distinguait sélectionner un groupe de dyslexiques majoritai- les groupes pour ces régions: Ils présentaient tous rement droitiers occasionne un biais de sélection, une asymétrie vers la gauche de la subdivision tem- du fait que l’échantillon n’est plus représentatif porale du planum, ainsi qu’une asymétrie vers la de la pathologie étudiée. Bien que jamais effectué droite de la subdivision pariétale. Par ailleurs, les à ce jour, il serait possible, en utilisant des groupes dyslexiques présentaient à droite une subdivision contrôles appropriés, d’éviter ce biais. Par exemple, pariétale relativement plus longue que la sub- une telle étude effectuerait des comparaisons croi- division temporale, par rapport aux deux autres sées entre un échantillon représentatif de la popu- groupes. Les auteurs ont spéculé sur le fait que lation dyslexique (comportant donc une majorité cette différence pourrait représenter un «shift» du de gauchers ou d’ambidextres), un groupe contrôle tissu du planum vers le lobe pariétal, correspon- constitué de sujets droitiers et enfin un groupe dant à une compensation visuo-spatiale. contrôle apparié pour la préférence manuelle avec Ces premières études de neuroimagerie sur les le groupe des sujets dyslexiques. Cette approche régions périsylviennes sont toutes limitées par la permettrait de définir les contributions respectives difficulté que représente la définition des régions de la préférence manuelle et des changements d’intérêt dans un seul plan. Ainsi, les limites du neuroanatomiques propres aux déficits cognitifs planum temporal sont difficiles à établir lorsqu’on associés à la dyslexie. les visualise uniquement dans un plan d’acquisition Kushch et al. [42] ont comparé 17 dyslexiques coronal. Le bord postérieur se visualise le plus à 21 contrôles avec une élaboration de la méthode facilement sur un plan sagittal, alors que le bord de Larsen. Une forte épaisseur de coupe lors de médian et le bord latéral se définissent sur un l’acquisition des images limitant leur possibilité plan coronal. Actuellement, même si la définition de définir avec précision le planum temporal, ils du planum temporal reste une tâche difficile qui ont mesuré la surface supérieure totale du lobe dépend fortement des investigateurs, les algo- temporal (SSLT), arbitrairement divisée en une rithmes informatiques récents, qui permettent une moitié antérieure et une moitié postérieure. La visualisation des images dans les trois plans de moitié postérieure représentait une approximation l’espace, ont largement optimisé ce problème. du planum temporal. Le calcul des indices de laté- Rumsey et al. [45] ont utilisé une technique de ralité (dérivé de l’équation commune [D–G]/ rendu de surface en 3-D et des coupes d’acquisi- [D+G]) montrait chez les contrôles une asymétrie tion fines pour mesurer le planum parietal et le pla- vers la gauche de la SSLT totale ainsi que des num temporal. Les 16 adultes dyslexiques étudiés parties antérieure et postérieure de la SSLT. A avaient présenté lors d’une étude précédente de l’opposé, les dyslexiques présentaient une symé- PET-scan des anomalies d’activation au niveau des trie de toutes ces surfaces, plus marquée au niveau régions temporales bilatérales et pariétales infé- de la partie postérieure de la SSTL. Un aspect rieures gauches au cours d’une tâche de recon- de cette étude important à relever est le défaut naissance de mots. Les mesures quantitatives ef- d’appariement des groupes pour le QI total, avec fectuées sur ces sujets ont révélé une asymétrie une infériorité significative chez les dyslexiques gauche du planum temporal et une asymétrie (P
le du planum temporal et du planum parietal, alors significative de la matière grise du lobe temporal qu’ils avaient présenté des anomalies fonction- gauche, a été observée chez les dyslexiques. Enfin, nelles en regard de ces mêmes régions, suggèrent l’analyse du gyrus temporal supérieur après une que les différences affectant ces structures sont délimitation manuelle n’a permis d’établir aucune probablement plus subtiles. Les mesures de latéra- différence ni de volume ni de composition tissu- lité du planum temporal d’Heiervang et al. [46] laire pour cette sous-région du lobe temporal. Ce rejoignent les résultats de Rumsey et al. [45] et dernier résultat suggère que les anomalies obser- de Leonard et al. [44]: une asymétrie gauche du vées au niveau du lobe temporal étaient générées planum temporal était présente chez 70% des 20 par une atteinte des gyrus temporaux moyens et garçons dyslexiques (âge moyen 11,8 ans) et chez inférieurs. Brown et al. [54] ont réanalysé ces 70% des 20 sujets contrôles correctement appa- données avec une méthode de comparaison voxel- riés. Concernant le planum parietal, à l’opposé des par-voxel (indépendante de toute définition résultats de Rumsey et al. [45], Heiervang et al. [46] neuroanatomique préalable) de la densité de ma- ont trouvé chez les dyslexiques une diminution de tière grise cérébrale. Les résultats ont confirmé l’asymétrie vers la droite de cette structure. Les l’étude d’Eliez et al. [53] en montrant des diffé- auteurs attribuent cette divergence entre les deux rences importantes de densité de matière grise au études aux règles appliquées dans la définition du niveau du lobe temporal gauche. Ces différences planum parietal ainsi qu’à la moyenne d’âge des étaient principalement localisées sur la partie pos- sujets, largement inférieure dans l’étude d’Heier- térieure du gyrus temporal supérieur gauche ainsi vang et al. Ils supposent que la position relative de qu’antérieurement sur la partie moyenne et infé- la partie postérieure de la scissure sylvienne varie rieure du lobe temporal. Les conclusions de ces avec l’âge, influençant ainsi les mesures. Cette re- études plus récentes semblent indiquer qu’une marque nous renvoie aux travaux qui ont souligné atteinte du lobe temporal est peut-être associée à l’influence de l’âge sur la morphologie cérébrale la dyslexie, mais qu’elle est, à défaut d’être liée à [47–49] ainsi que l’importance de ce facteur dans une anomalie de la latéralisation, causée par une l’appariement des sujets et dans la comparaison composition tissulaire différente de cette structure des études de neuroimagerie. chez les sujets dyslexiques.Par ailleurs Brown et al. Best et Demb [50] ont étudié un échantillon de [54] ont mis en évidence des différences neuro- 5 dyslexiques avec un déficit des voies magnocel- anatomiques diffuses touchant le gyrus frontal in- lulaires rapporté lors d’une étude précédente [51]. férieur gauche,le gyrus précentral droit,la jonction Trois méthodes de mesures différentes [33, 35, pariéto-occipitale droite, le pôle frontal bilatérale- 40, 45, 52] ont à chaque fois rapporté une asy- ment et de façon plus surprenante bilatéralement métrie gauche du planum temporal dans les deux la partie antérieure des noyaux caudés, le thalamus, groupes. Cependant, l’importance de l’asymétrie ainsi que les lobules semi-lunaires du cervelet. La était moindre lorsque les mesures excluaient le multitude des régions altérées dans l’étude de tissu des petits sillons, ce qui démontre comment la Brown et al. amène deux conclusions. D’une part, méthode de définition peut influencer les résul- il est probable que l’atteinte structurelle sous- tats. Malgré un nombre faible de sujets,10 au total, jacente à la dyslexie soit complexe et représente cette étude a entrepris une démarche innovatrice l’altération d’un réseau de structures plutôt que en s’intéressant à une sous-population de dys- d’une structure neuroanatomique unique. D’autre lexiques caractérisée par un déficit spécifique de part, il est également possible que l’hétérogénéité la perception visuelle. L’étude de tels groupes, des structures affectées reflète la diversité des probablement plus homogènes devrait permettre causes étiopathogéniques et des altérations résul- de mieux distinguer les sous-types de dyslexie et tant en une dyslexie. Ainsi, une subdivision de la les anomalies spécifiques qui s’y associent. population des sujets dyslexiques basée sur des Grâce à des outils informatiques récents qui marqueurs cognitifs discriminants permettrait permettent un traitement semi-automatisé des peut-être d’identifier des atteintes structurelles et données, Eliez et al. [53] ont mesuré les volumes et fonctionnelles distinctes, résultant toutes en une calculé les indexes de latéralité de tous les lobes symptomatologie pouvant être définie au sens cérébraux auprès des sujets dyslexiques étudiés large comme un trouble de la lecture. par Rumsey et al. [45]. Pour la première fois, Eliez et al. ont également déterminé la composition tis- sulaire en matière grise et en matière blanche de Corps calleux et matière blanche chaque région. Aucune différence de latéralisation ne distinguait les groupes. Une réduction des lobes Le corps calleux est une structure constituée temporaux, due principalement à une réduction exclusivement de matière blanche. Sa fonction est 365 SCHWEIZER ARCHIV FÜR NEUROLOGIE UND PSYCHIATRIE 153 ■ 8/2002
de connecter les régions corticales homologues al. [64] ont souligné une différence affectant uni- et de faciliter le transfert d’informations entre quement la forme du corps calleux. Les 20 enfants les deux hémisphères. L’analyse morphologique dyslexiques étudiés présentaient une réduction du corps calleux est intéressante, car ces fibres de la longueur de la partie moyenne adjacente à blanches possèdent une topographie lobaire. La l’isthme. Cette région du corps calleux se myélinise partie la plus antérieure du corps calleux connecte de manière importante entre 6 et 13 ans, période les lobes frontaux alors que la partie la plus pos- qui correspond à l’apprentissage de la lecture [65]. térieure connecte les lobes occipitaux. Plusieurs Elle contient des fibres issues de la jonction tem- travaux ont suggéré qu’un déficit de transfert poro-pariétale, responsables du transfert inter- interhémisphérique d’informations motrices et hémisphérique d’informations visuo-spatiales et sensorielles est associé à la dyslexie [55–57]. Bien auditives. Les informations visuelles et acoustiques que le corps calleux soit visualisé facilement sur interviennent dans l’élaboration des représenta- des coupes d’acquisition sagittale, la comparai- tions orthographiques et phonologiques néces- son des études, qui se sont intéressées spécifique- saires à l’acquisition de la lecture. Une anomalie de ment à la morphologie de cette structure dans la développement de l’isthme interférant avec ces dyslexie, est rendue difficile par la diversité des mécanismes est possiblement associée à la dyslexie méthodes de subdivision et par le nombre variable mais les publications parues à ce jour ne permet- de sous-régions étudiées. tent pas d’établir de relation de causalité précise. A l’aide d’une division en cinq segments du Une nouvelle technique, qui fournit des infor- corps calleux, Duara et al. [58] ont mis en évidence mations in vivo sur la structure microscopique une surface plus importante de la région du sple- de la matière blanche, pourrait répondre à cette nium chez 21 adultes dyslexiques comparés à 19 question. Cette technique, appelée imagerie de contrôles. A l’opposé, Hynd et al. [59] ont relevé diffusion par résonance magnétique nucléaire (en une différence significative concernant unique- anglais «diffusion tensor imaging»: DTI), mesure ment la partie antérieure du corps calleux (division l’amplitude et la direction de diffusion des molé- radiaire en cinq segments). Les 16 enfants dys- cules d’eau, déterminée en grande partie par lexiques étudiés (âge moyen 9,7 ± 2,1 ans) présen- l’orientation des structures hydrophobes (mem- taient une réduction de la surface du genu par com- branes cellulaires, myéline). Dans la matière blan- paraison à 16 contrôles. Une limitation commune che, ces molécules se déplacent essentiellement caractérise ces deux études. Certains sujets, inclus de manière parallèle aux axones. L’anisotropie est dans le groupe de dyslexiques, présentaient des une mesure qui décrit comment leur déplacement comorbidités psychiatriques, notamment des varie dans l’espace et qui augmente avec la pré- troubles de type déficits de l’attention avec hyper- sence de structures orientées, comme par exemple activité (ADHD). Plusieurs recherches ont relevé les tractus d’axones myélinisés. Klingberg et al. [66] des anomalies du corps calleux, en particulier du ont utilisé cette technique pour déterminer si une splenium et du genu, associées à l’ADHD [60–62]. organisation pathologique de la matière blanche Il est donc possible que l’inclusion dans ces études pouvait être associée à la dyslexie. Ils ont comparé de sujets affectés de cette comorbidité ait introduit l’anisotropie de la totalité du cerveau de 11 sujets un biais dans l’établissement d’un lien entre la contrôles à un groupe de 6 adultes dyslexiques. morphologie du corps calleux et la dyslexie. Une réduction bilatérale de l’anisotropie a été D’autres études ont obtenu des résultats impli- mise en évidence chez les dyslexiques au niveau de quant les régions postérieures du corps calleux. la matière blanche temporo-pariétale et reflétait Rumsey et al. [63] ont mis en évidence, après divi- (d’après l’indexe de cohérence) une anomalie de la sion du corps calleux en trois parties, que le tiers microstructure de la matière blanche plutôt qu’une postérieur, incluant l’isthme et le splenium, était différence dans la cohérence de la direction des plus important chez les dyslexiques (21 adultes axones. La direction des axones, indiquée par la masculins et droitiers). Robichon et Habib [41] ont direction des mouvements des molécules d’eau, comparé le corps calleux de 16 dyslexiques et de 12 était surtout antéro-postérieure, ce qui est com- contrôles masculins de la même tranche d’âge que patible avec l’existence de communications tem- les sujets de Rumsey et al. [63]. Après une division poro-frontales d’une part et temporo-pariétales radiaire en six segments, une augmentation de la d’autre part. Ces résultats suggèrent que la ma- surface totale du corps calleux a été rapportée chez tière blanche de la région temporo-pariétale les dyslexiques, particulièrement de la sous-région gauche joue un rôle important dans la lecture et correspondant à l’isthme chez les dyslexiques droi- qu’un trouble de communication entre les régions tiers. Dans une étude récente utilisant une division corticales antérieures et postérieures est peut-être en sept segments du corps calleux, von Plessen et associé à la dyslexie. Ces conclusions sont en ac- 366 SCHWEIZER ARCHIV FÜR NEUROLOGIE UND PSYCHIATRIE 153 ■ 8/2002
cord avec les résultats de Brown et al. qui suggè- identiques?); (3) une tâche d’analyse phono- rent des différences structurelles corticales dans logique simple (T et V riment?); (4) une tâche, plus les régions frontales et temporo-pariétales. Les complexe, nécessitant un assemblage phonolo- futures études développementales et histopatho- gique, de jugement de rime entre deux non-mots logiques auront à charge de déterminer si l’alté- («leat» et «jeat» riment?); et enfin, (5) une tâche de ration primaire responsable de la dyslexie de jugement sémantique faisant intervenir un assem- développement concerne la matière grise ou la blage phonologique ainsi que la connaissance de la matière blanche. En effet, l’altération de chacun signification du mot (blé et maïs font-ils partie de de ces compartiments est susceptible d’influencer la même famille?). En parallèle à la demande pho- le développement de l’autre compartiment. Enfin, nologique croissante des tâches, les contrôles mon- l’application à venir de nouvelles séquences traient une augmentation de l’activité de régions d’IRM ainsi que de nouveaux outils d’analyse per- corticales postérieures (gyrus temporal supérieur, mettant de suivre les fibres de matière blanche gyrus angulaire, jonction temporo-occipitale et («fiber tracking») d’une région cérébrale à une cortex strié). Les dyslexiques ne montraient pas autre [67–69] devrait considérablement faire pro- d’augmentation d’activité dans ces régions mais gresser notre compréhension de la potentielle alté- présentaient cependant une activation exagérée ration de matière blanche associée à la dyslexie. du gyrus frontal inférieur qui se renforçait avec la difficulté phonologique des tâches. Les auteurs ont attribué l’hypoactivation postérieure observée Imagerie fonctionnelle chez les dyslexiques à une dysfonction du système responsable de l’analyse phonologique et l’hyper- Les études de PET scan et d’IRM fonctionnelle ont activation antérieure à un mécanisme de compen- impliqué un certain nombre de régions corticales sation. Ces résultats concordent avec les consta- dans les processus de lecture. Deux problèmes tations d’études d’imagerie fonctionnelle qui ont principaux sont à l’origine des divergences obser- montré, avec d’autres techniques que l’IRM tel vées entre ces études: (1) Des différences subtiles que le PET et la magnétoencéphalographie, une au niveau des tâches et des conditions contrôles sous-activation des régions temporales posté- peuvent entraîner des différences significatives rieures gauches au cours de tâches phonologiques dans la localisation de l’activité cérébrale. (2) Des chez des adultes dyslexiques [71–73]. méthodes différentes de normalisation spatiale Il est difficile de déterminer, lorsque l’on étudie (déformation et superposition spatiale des don- des populations adultes, si les anomalies d’acti- nées permettant de comparer les sujets entre vation reflètent un déficit primaire de la dyslexie eux) et de traitement du signal peuvent générer des ou un mécanisme de compensation. Les études résultats apparemment incohérents. d’IRM fonctionnelle qui se sont intéressées à des populations d’enfants dyslexiques ont mis en lumière cette question. Temple et al. [74] ont Hypothèse phonologique employé un design expérimental simple pour tester des enfants âgés d’une dizaine d’années (24 Cette hypothèse de la dyslexie (voir introduction) dyslexiques, 15 contrôles). Par rapport à une tâche est celle qui a été investiguée le plus souvent en contrôlant la perception visuelle, les sujets effec- imagerie fonctionnelle. Des tâches simples comme tuaient une tâche orthographique d’appariement le jugement de rime et la lecture de pseudo-mots de lettres une à une (b et c sont-elles les mêmes permettent de tester les capacités d’analyse pho- lettres?) et une tâche phonologique de jugement nologique. A ce jour, quelques études d’IRM de rime entre deux lettres (b et d riment?). Par s’ajoutent aux études qui ont utilisé d’autres tech- rapport aux contrôles, les dyslexiques se caracté- niques. La possibilité d’étudier des enfants est un risaient par une absence d’activation du cortex apport essentiel de l’IRM. temporo-pariétal gauche et une activation exagé- Shaywitz et al. [70] ont conduit une étude au- rée du gyrus frontal inférieur gauche. Ces résultats près d’un échantillon important de 29 adultes dys- confirment les conclusions de Shaywitz et al. lexiques (âge 16–54 ans) comparés à 32 contrôles. [70] obtenues sur des adultes et suggèrent que ces Les cinq tâches effectuées successivement par les déficits sont des mécanismes pathologiques intrin- sujets impliquaient un degré croissant de décodage sèques de la dyslexie plutôt que des mécanismes de phonologique. Elles comportaient dans l’ordre: compensation. Une différence importante et inat- (1) une tâche contrôle pour la perception visuo- tendue entre les groupes a de plus été observée spatiale (//\ et \\/ identiques?); (2) une tâche de pour la tâche orthographique. Les contrôles pré- reconnaissance orthographique (bbBb et bbBb sentaient une activation étendue des gyrus occipi- 367 SCHWEIZER ARCHIV FÜR NEUROLOGIE UND PSYCHIATRIE 153 ■ 8/2002
taux moyens et supérieurs ainsi que du gyrus pa- catégories sémantiques), les contrôles se différen- riétal supérieur, absente chez les sujets dys- ciaient par une forte corrélation, absente chez les lexiques. Cette différence d’activation lors de la dyslexiques, entre l’activité du gyrus angulaire et tâche orthographique reflète potentiellement une des régions postérieures de l’hémisphère gauche. faiblesse dans la reconnaissance unitaire, globale Par contre, pour la tâche d’appariement de lettres des mots. Cette procédure, moins laborieuse que (analyse visuo-orthographique) et la tâche de rime les processus d’assemblage phonologique, prend de lettres (analyse phonologique mais sans assem- de l’importance au fil de l’acquisition de la lecture blage phonologique) les dyslexiques possédaient et accélère la vitesse de lecture. une corrélation normale entre les régions étudiées. Dans une publication récente, Shaywitz et al. Ces résultats parlent en faveur d’une déficience [75] communiquent les résultats obtenus sur une spécifique dans les processus d’assemblage phono- population exceptionnellement large pour une logique et, répliquant les observations d’une étude étude d’IRM fonctionnelle de 144 enfants, dont 70 de PET-scan [77], soulignent la présence chez des dyslexiques. Les sujets effectuaient la même série sujets dyslexiques d’une anomalie de la connec- de tâches que dans leur étude précédante [70]. Les tivité entre des régions cérébrales postérieures dyslexiques étaient à nouveau caractérisés par une et le gyrus angulaire gauche. Une autre étude de diminution de l’activité des régions temporo- PET-scan [78] a également rapporté un défaut pariétale et temporo-occipitale gauches, ainsi que de connectivité impliquant cependant la jonction par une diminution d’activité moins étendue de la temporo-pariétale et les régions antérieures du jonction temporo-occipitale droite. Les contrôles langage. Ces résultats obtenus en imagerie fonc- montraient une activation bilatérale du gyrus fron- tionnelle trouvent un substrat neuroanatomique tal inférieur plus importante que les dyslexiques, dans l’étude de Klingberg et al. [66] qui a mis contrairement aux adultes impliqués dans l’étude en évidence une atteinte des fibres de matière précédente de Shaywitz et al. [70]. Dans le but blanche temporo-pariétale gauche qui connectent d’expliquer cette divergence, les auteurs ont intro- les régions antérieures avec les régions posté- duit l’âge des sujets comme covariable. Ces calculs rieures. ont mis en évidence chez les dyslexiques une cor- rélation positive, absente chez les contrôles, entre l’âge des sujets et le degré d’activité des régions Hypothèse d’un déficit de traitement temporel corticales antérieures. Ce résultat a amené les de l’information auteurs à supposer que l’activation des régions cérébrales antérieures correspondait chez les dys- Temple et al. [79] sont les premiers à avoir utilisé lexiques à un mécanisme de compensation mis en l’IRM fonctionnelle et une tâche de discrimination place progressivement jusqu’à l’âge adulte. Pour de stimuli acoustiques pour tester cette hypothèse. la totalité des sujets, les performances de lecture Les sujets devaient distinguer des stimuli par leur étaient corrélées positivement avec le degré d’ac- fréquence, haute ou basse, alors que ces stimuli se tivité de la région temporo-occipitale gauche, mais succédaient plus ou moins rapidement. Pour les négativement avec le degré d’activité à droite de stimuli rapides versus les stimuli lents, les contrôles cette même région. Ces résultats signifient que les (n = 10) montraient une activation plus importante lecteurs faibles activaient davantage leur cerveau d’une région préfrontale gauche, située entre le droit que les bons lecteurs. Shaywitz et al. ont gyrus frontal moyen et le gyrus frontal supérieur interprété cette corrélation comme un deuxième (BA 46/10/9), alors que les dyslexiques (n = 8) ne mécanisme de compensation reposant sur l’activa- montraient pas de réponse différentielle aux deux tion auxiliaire des régions postérieures de l’hémi- types de stimuli dans cette région. D’autre part sphère droit. les dyslexiques présentaient également une acti- Supposant que les anomalies d’activation des vation différentielle du cervelet. Ce dernier résul- régions postérieures gauches résultaient d’une tat mérite d’être approfondi dans de futures connectivité fonctionnelle insuffisante plutôt que études. En effet, Brown et al. [54] ont montré que d’atteintes régionales indépendantes, Pugh et al. le cervelet était altéré chez les dyslexiques et ont [76] ont repris les données obtenues par Shaywitz suggéré, au regard des travaux de Ivry [80–82] sur et al. [70] et effectué des analyses de corrélation le rôle du cervelet dans la perception temporelle, entre le degré d’activité du gyrus angulaire et que ce déficit viendrait supporter l’hypothèse d’un de quatre régions fonctionnellement connectées déficit de traitement temporel chez les dyslexiques (gyrus temporal supérieur, gyrus lingual, aire promue par Tallal et al. [83]. L’étude de Temple et visuelle primaire, aire extrastriée). Lors des tâches al. [79] nous donne des résultats d’IRM fonction- d’assemblage phonologique (rimes de non-mots et nelle préliminaires sur le traitement des stimuli 368 SCHWEIZER ARCHIV FÜR NEUROLOGIE UND PSYCHIATRIE 153 ■ 8/2002
acoustiques dans la dyslexie et mériterait d’être base d’un phénotype cognitif précis (déficit pho- répétée avec un nombre plus important de sujets. nologique, déficit de traitement visuel, etc.), allant au delà du simple diagnostic de trouble de la lecture, devrait également faciliter l’identification Hypothèse magnocellulaire de différentes sous-populations de sujets dys- lexiques. A terme, une meilleure définition des Deux études d’IRM fonctionnelle ont testé l’hypo- sous-groupes de dyslexie ainsi que des circuits thèse magnocellulaire de la dyslexie. Eden et al. neuronaux impliqués dans les différents types [84] ont montré chez 6 sujets dyslexiques comparés de déficits conduisant à un trouble de la lecture, à 8 contrôles une absence d’activation bilatérale permettra de mieux comprendre la dyslexie de des aires visuelles extrastriées (V5/MT) en réponse développement et, ainsi, de mieux traiter et à des stimuli mobiles de faible contraste conçus prendre en charge les sujets affectés ainsi que pour stimuler spécifiquement la voie magnocellu- leurs familles. laire. Les deux groupes montraient en revanche une réponse identique au niveau de l’aire visuelle Remerciements: Les auteurs remercient Semeli Arditi et Bronwyn Glaser pour leur lecture attentive et leurs sug- primaire (V1) aux stimuli de la voie parvocellu- gestions éditoriales. laire. Demb et al. [85] ont obtenu des résultats convergents et ont de plus mis en évidence une corrélation entre la vitesse de lecture et l’activité Références corticale provoquée par le stimulus de la voie ma- gnocellulaire. Ces deux études sont pénalisées par 1 Shaywitz SE. Dyslexia. N Engl J Med 1998;338:307–12. leur faible puissance statistique.A l’avenir, il serait 2 Bruck M. Persistence of dyslexics’ phonological aware- ness deficits. Dev Psychol 1992;28:874–86. intéressant de mieux caractériser les sujets dys- lexiques, soit en dyseidétiques (difficultés dans 3 Shankweiler D. Cognitive profiles of reading-disabled children: comparison of language skills in phonology, l’appréhension globale des mots), soit en dyspho- morphology and syntax. Psychol Sci 1995;6:149–56. nétiques (difficultés prépondérantes dans l’assem- 4 Shaywitz SE, Fletcher JM, Holahan JM, Shneider AE, blage phonologique) et de voir si ces déficits de la Marchione KE, Stuebing KK, et al. Persistence of dyslexia: voie magnocellulaire s’associent préférentielle- the Connecticut Longitudinal Study at Adolescence. ment au sous-type dyseidétique de la dyslexie ou Pediatrics 1999;104:1351–9. s’ils s’associent aux difficultés phonologiques pré- 5 Bradley L, Br yant P. Categorizing sounds and learning to read – a causal connection. Nature 1983;301:419–21. sentes chez les dyslexiques dysphonétiques. 6 Torgesen JK, Wagner RK, Rashotte CA. Longitudinal studies of phonological processing and reading. J Learn Disabil 1994;27:276–86; discussion 287–91. Conclusion 7 Hatcher PJ, Hulme C. Phonemes, rhymes, and intelligence as predictors of children’s responsiveness to remedial La lecture est un processus complexe impliquant reading instruction: evidence from a longitudinal interven- tion study. J Exp Child Psychol 1999;72:130–53. de multiples modalités cognitives. Les études de neuroimagerie sur la dyslexie de développement 8 Torgesen JK, Morgan S, Davis C. Effects of two types of phonological awareness training on word learning in reflètent cette complexité et soulignent l’hétéro- kindergar ten children. Ed Psychol 1992;83:364–70. généité, déjà suggérée par les différentes hypo- 9 Wise B, Olson R. Computer-based phonological aware- thèses étiologiques cognitives, des déficits associés ness and reading instruction. à ce trouble de la lecture. Ces études rapportent Ann Dyslexia 1995;45:99–122. des anomalies affectant plusieurs régions corti- 10 Gillon G, Dodd B. Enhancing the phonological processing cales impliquées dans des circuits neuronaux dis- skills of children with specific reading disability. Eur J Disord Commun 1997;32:67–90. tincts. Il est possible, grâce à l’évolution des tech- niques d’IRM, d’établir des liens entre les déficits 11 Foormann B, Francis D, Fletcher JM. The role of instruc- tion in learning to read: preventing reading failure in structurels observés et les anomalies de patterns at-risk-children. J Ed Psychol 1998;90:37–55. d’activité cérébrale chez des sujets dyslexiques. 12 Evans BJ, Drasdo N, Richards IL. An investigation of Les futures études devront approfondir notre some sensor y and refractive visual factors in dyslexia. compréhension des changements structurels ob- Vision Res 1994;34:1913–26. servés et clairement établir le lien avec les déficits 13 Felmingham KL, Jakobson LS. Visual and visuomotor de lecture. Pour cela, les populations étudiées per formance in dyslexic children. Exp Brain Res 1995;106:467–74. devront faire l’objet de modalités d’analyse com- 14 Borsting E, Ridder WH 3rd, Dudeck K, Kelley C, Matsui L, binées d’imagerie structurelle (volumétrique et Motoyama J. The presence of a magnocellular defect diffusion de tenseur) et fonctionnelle. L’étude de depends on the type of dyslexia. populations plus homogènes, sélectionnées sur la Vision Res 1996;36:1047–53. 369 SCHWEIZER ARCHIV FÜR NEUROLOGIE UND PSYCHIATRIE 153 ■ 8/2002
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