L'islam d'Asie centrale et les minorités religieuses - Cours n 3 - A. CARIOU Paris IV
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Cours n° 3 L’islam d’Asie centrale et les minorités religieuses Le Registan, Samarcande, Ouzbékistan Problématique Quelle spécificité pour l’islam centrasiatique? A. CARIOU Paris IV
I. Islam périphérique ou islam central ? 1. Un visage atypique de l’islam Famille kirghize madrasa Sir Dor, Samarcande Ouïgour madrasa Divan begih aux deux Simourgh (Boukhara). Les portails monumentaux des mosquées s’ornent de représentations figuratives humaines et animalières normalement prohibées dans l’islam moyen-oriental
Ouvrage d’al-Bîrûnî, al-Âthâr al-bâqiya, Iran, XVIe siècle (Paris, BNF) Les miniaturistes persans et turcs représentent Mahomet et les prophètes Manuscrit persan, BNF, Paris
La prégnance de cultes préislamiques turco-mongol Sanctuaire dans la vallée Femmes-médecine du Piandj (Tadjikistan) (bakhshi) qui marie pratiques chamaniques et mystique islamique Vénération d’un arbre antique à Kasri Arifon, lieu de pèlerinage soufi (environs de Boukhara)
Expansion de l’islam qui se superpose et efface lentement le bouddhisme, le christianisme nestorien et le chamanisme Vestige de stupa dans la vallée du Piandj (Tadjikistan)
Versions du droit hanafite sunnite nées dans les écoles de Boukhara au XIIe siècle. Rite hanafite, écoles juridiques du droit musulman qui se fonde sur le jugement personnel et sur l’interprétation de la Loi divine, la charia, et non sur une lecture littéraliste
Dans les villes de Boukhara, Samarcande, Kokand ou Merv se développe une brillante culture de sciences religieuses et savantes (astronomie, mathématiques, médecine). Avicenne ou Ibn Sina1: célèbre médecin et scientifique médiéval, né en 980 près de Boukhara. Madrassa Ulugh Beg Samarcande Les arcs du quadrant de l'observatoire astronomique du prince-astronome Ulugh Beg, début du XVe siècle, Samarcande
3. L’islam au quotidien Un islam généralement peu rigoriste, peu contraignant au regard du dogme et des rites. Les cinq piliers de l’islam sont plus ou moins suivis selon les groupes sociaux et les classes d’âge. Paysan Tadjik Repas de mariage (Tadjikistan) Un islam plus rigoriste: Kachgar, vallée du Ferghana
Une production et une consommation d’alcool Vin d’Ouzbékistan Fabrication traditionnelle du Kumis, lait de jument fermenté
Ferveur de Norouz, fête du printemps supra-confessionnelle du monde turco-iranien qui célèbre le début de l’année solaire (21 mars). Norouz est « la victoire de la lumière sur les ténèbres, du printemps sur l'hiver, du renouveau et de la fécondité ».
Une faible observance des préceptes religieux qui s’explique par des décennies de sécularisation exercée par les régimes athées de Chine et d’URSS et perpétuée par les Etats nouvellement indépendants. « Nous allons construire un nouveau monde » « Mao Zedong est un Soleil rouge dans nos cœur, 1964 »
II. La pluralité de l’islam centrasiatique 1. L’islam sous contrôle étatique Mufti de Tachkent Les Etats d’Asie centrale sont des Etats Mosquée de Boukhara musulmans du point de vue de la tradition et de la culture mais ils sont laïcs sur le plan constitutionnel Dans chaque Etat une direction religieuse nationale (le muftiat) est chargée de superviser et de contrôler le culte musulman et son enseignement Tachkent
2. La revitalisation de l’islam - La réislamisation de l’Asie centrale La fin du XXe siècle marque une nouvelle ère pour les communautés musulmanes d’Asie centrale. La perestroïka de Gorbatchev et les réformes de Deng Xiaoping ont provoqué une revitalisation de l’islam. Le retour du hidjab (foulard islamique) dans la société
- Les nouveaux courants : fondamentalisme et islam politique La réislamisation de la société par le bas : Essor de courants fondamentalistes qui tentent de diffuser un islam littéraliste influencé par le wahhabisme saoudien et le deobandisme des écoles indo-pakistanaises Les salafistes du Jamaat-al Tabligh pakistanais
Une réislamisation par le haut: essor de partis politiques islamo-nationalistes ayant pour objectif de renverser les pouvoirs en place afin d’instaurer des Etats islamiques. Le Parti islamique du Turkestan, un groupe séparatiste ouïgour
III. Les minorités religieuses 1. Les minorités chiites A la fois conservatoire et refuge, les hautes vallées du Pamir (Tadjikistan, Xinjiang) permettent encore aujourd’hui de perpétuer le particularisme culturel et religieux des chiites ismaéliens Le chef spirituel des Ismaéliens, Imam Shah Karim al-Husayni Aga Khan IV en visite au Tadjikistan, 2008
2. Les minorités chrétiennes La présence en Asie centrale d’Eglises orthodoxe, catholique et protestante relève de l’histoire du peuplement par les communautés d’origine européenne durant la période russo-soviétique Eglise orthodoxe d'Almaty Eglise orthodoxe de Karakol (Kirghizstan)
3 . Les minorités juives Présence de très petites communautés de Juifs iranophones (judéo-tadjik) de rite sépharade implantées dans les principales cités des Routes de la soie à la faveur de l’épanouissement du commerce Tamerlan, manuscrit persan, Chiraz, vers 1600 Synagogue à Boukhara
Conclusion A l’instar des évolutions qui affectent le reste du monde musulman, l’islam d’Asie centrale se recompose sous l’effet du jeu complexe des régimes politiques et des mutations des sociétés de plus en plus confrontées à la crise des systèmes économiques, politiques et sociaux. Ces bouleversements produisent un impact considérable sur les mentalités et un regain d’attentes religieuses de la part des populations. Cela contribue à expliquer le retour de l’islam traditionnel soutenu par l’Etat et l’essor de mouvements islamistes alternatifs qui sont en compétition pour le contrôle des âmes et du pouvoir
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