L'Ukraine existe-t-elle ? L'histoire au secours de l'actualité - Union des Français de l'Étranger - 17 mars 2022

La page est créée Serge Jean
 
CONTINUER À LIRE
L'Ukraine existe-t-elle ? L'histoire au secours de l'actualité - Union des Français de l'Étranger - 17 mars 2022
Union des Français de l’Étranger - 17 mars 2022
     L’Ukraine existe-t-elle ?
L’histoire au secours de l’actualité
                       Franck Michelin
  Université Teikyô, Département d’Économie internationale

                             1                               © Franck Michelin 2022
L'Ukraine existe-t-elle ? L'histoire au secours de l'actualité - Union des Français de l'Étranger - 17 mars 2022
J’aimerais remercier M. Pierre Mustière et tous les
membres de l’Union des Français de l’Étranger pour
m’avoir donné cette occasion de donner cette
conférence.
Je tiens également à remercier l’Académie des
Sciences d’Outre-Mer, les Amies de la Langue
française, et toutes les personnes qui se sont inscrites
et ont fait connaître cette conférence.

                          2                      © Franck Michelin 2022
L'Ukraine existe-t-elle ? L'histoire au secours de l'actualité - Union des Français de l'Étranger - 17 mars 2022
Pourquoi cette conférence
C’est en tant qu’historien généraliste que je tente
aujourd’hui une synthèse sur la question de l’histoire de
l’Ukraine en relation avec l’invasion russe actuelle.
Il est essentiel de réfléchir aux deux principaux
arguments avancés par la propagande russe :
 l’Ukraine n’existe pas en tant que nation distincte de la
 Russie
 les Ukrainiens, et surtout leur dirigeants, sont des nazis.
                            3                        © Franck Michelin 2022
L'Ukraine existe-t-elle ? L'histoire au secours de l'actualité - Union des Français de l'Étranger - 17 mars 2022
Objet ou sujet ?

Une grande partir de ces erreurs sont en fait de
l’intox produite par la Russie elle-même.
Mais elles proviennent également de préjugés
nourris par les grandes puissances : comme pour la
plupart des pays n’appartenant pas au club des
grandes puissances, l’Ukraine a été — et reste pour
une large part — vue comme un enjeu d’intérêts.

                         4                     © Franck Michelin 2022
L'Ukraine existe-t-elle ? L'histoire au secours de l'actualité - Union des Français de l'Étranger - 17 mars 2022
Le discours poutinien et l’histoire
Le contrôle de l’histoire constitue un moyen mis en œuvre
par Vladimir Poutine pour justifier sa politique.
Homme de l’ex-KGB, son plus grand regret est la
disparition de l’URSS, pas en tant qu’état socialiste, mais en
tant qu’empire.
Poutine glorifie les tsars et, surtout, le plus terrible d’entre
eux : Staline !
L’interdiction de l’association Memorial est la conséquence
de la glorification de Staline.
                               5                          © Franck Michelin 2022
L'Ukraine existe-t-elle ? L'histoire au secours de l'actualité - Union des Français de l'Étranger - 17 mars 2022
Un projet impérial
Le projet impérial de Poutine ne fait guère de doute.
Il vise :
 le rétablissement des zones d’influence russes/
 soviétiques.
 un anschluss à la russe, visant à réunir tous les
 russophones dans un état russe : Ukraine, Biélorussie,
 une partie des états baltes, du Kazakhstan etc.
 peut-être la reconstitution de l’URSS
                          6                      © Franck Michelin 2022
L'Ukraine existe-t-elle ? L'histoire au secours de l'actualité - Union des Français de l'Étranger - 17 mars 2022
« La nation ukrainienne n’existe pas »
La raison principale avancée par Poutine pour tâcher de
satelliser, voire d’annexer l’Ukraine est qu’il ne croit pas à
l’existence d’une nation ukrainienne distincte.
C’est la raison principale des déconvenues russes : Poutine et
les Russes soumis à sa propagande croyaient que les
Ukrainiens russophones les auraient accueillis les bras
ouverts et les autres se seraient soumis sans grande difficulté.
Cependant, la résistance est forte, y-compris dans les régions
majoritairement russophones.
                               7                          © Franck Michelin 2022
L'Ukraine existe-t-elle ? L'histoire au secours de l'actualité - Union des Français de l'Étranger - 17 mars 2022
L’Ukraine
     en 1700
      (BNF)

8   © Franck Michelin 2022
L'Ukraine existe-t-elle ? L'histoire au secours de l'actualité - Union des Français de l'Étranger - 17 mars 2022
« Les Ukrainiens sont des nazis »
Un argument répété sans relâche : les dirigeants ukrainiens,
voire le peuple ukrainien, serait nazi ou dominé par les nazis.
Cela s’appuie sur la mémoire de la « grande guerre
patriotique », car des Ukrainiens ont collaboré avec les nazis
pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment au sein
d’unités de supplétifs (Hiwis).
Or, ces collaborateurs n’étaient pas uniquement ukrainiens et
beaucoup d’entre eux étaient motivés par les massacres
commis par Staline.
                             9                         © Franck Michelin 2022
L'Ukraine existe-t-elle ? L'histoire au secours de l'actualité - Union des Français de l'Étranger - 17 mars 2022
Une contradiction totale et banale

Pour Poutine et son conseiller Vladimir Medinsky,
l’Ukraine :
 n’existe pas en tant que nation et État
 tout en ayant un projet génocidaire à l’encontre des
 Russes.

                        10                    © Franck Michelin 2022
Vieille nation, jeune État
L’Ukraine n’a pas eu d’État, hormis une courte période
au moment de la révolution de 1917, jusqu’en 1991.
L’Ukraine fait partie des vieilles nations qui n’ont pas
eu d’État pendant longtemps ou par intermittence
(Pologne, Italie, Allemagne,Norvège, états baltes et
d’Asie centrale, Biélorussie, Finlande, Slovénie et
Croatie, Irlande, Algérie…) ou n’en ont toujours pas à
ce jour (Kurdistan, peuples touaregs, minorités
birmanes etc.).
                           11                      © Franck Michelin 2022
Une longue histoire

À la différence de la Russie, l’Ukraine est entrée très
top dans la sphère d’influence des grandes
civilisations.
La longue histoire longue et riche est
malheureusement occultée par l’absence d’état
indépendant du XIII au XX s.
                     e     e

                         12                     © Franck Michelin 2022
Un peu de géographie
L’Ukraine peut être grossièrement divisée entre :
 la côte de la mer noire, en relation étroite depuis l’Antiquité
 avec les cités grecques : c’est de là que vient la civilisation
 méditerranéenne (écriture, christianisme, réseaux
 commerciaux…)
 l’intérieur qui est avant tout le monde de la steppe, avant
 de devenir plus tard celui des terres à blé
 les rives des fleuves, et notamment du Dniepr où les
 Varègues sont passés et ont fondé le premier état ukrainien.
                             13                         © Franck Michelin 2022
Carte
     topographique
      de l’Ukraine

14      © Franck Michelin 2022
La steppe

Une grande partie de l’Ukraine appartient à la
steppe, et relie ainsi la Mongolie, l’Asie centrale et la
Hongrie.
Cela lui a donné un rôle de voie de passage pour les
peuples nomades en direction de l’Europe.

                          15                      © Franck Michelin 2022
La
 steppe

16 © Franck Michelin 2022
Le pays du cheval
L’importance des étendues herbeuses en fait
l’environnement idéal du cheval.
On a longtemps pensé qu’il avait été domestiqué en
Ukraine, mais certaines découvertes archéologiques
récentes situerait cette domestication plus à l’est, au
Kazakhstan.
Pendant longtemps, l’Ukraine a été le domaine de
peuples nomades ou semi-nomades, par définition
difficiles à contrôler.
                            17                       © Franck Michelin 2022
Une frange et une route
Ainsi, l’Ukraine a constitué une frange du monde
« civilisé » et une route pour les migrations-
invasions en direction du Moyen-Orient et de
l’Europe.
L’Ukraine a vu des peuples et des royaumes se
former et disparaître sans que l’on ait d’information
précise sur eux en raison du manque de sources
écrites.
                         18                    © Franck Michelin 2022
Les Scythes
Le peuple qui historiquement a été associé le plus tôt au
territoire de l’actuelle Ukraine est celui des Scythes.
Ils sont mieux connus aujourd’hui grâce à l’archéologie, mais
ils n’ont été connus pendant longtemps que grâce aux récits
biaisés de leurs voisins perses, grecques etc.
Les Scythes et d’autres peuples, connus à l’origine grâce à
Hérodote, font partie de l’imaginaire de l’heroic fantasy : Conan
le Barbare est un Cimmérien, le méchant dans le film Highlander
porte le nom de Kurgan (nom des tumulii du sud de l’Ukraine).
                              19                         © Franck Michelin 2022
Cimmériens et Scythes

         20   © Franck Michelin 2022
Le pays du blé
La Mer Noire est le Pont-Euxin de l’Antiquité.
Les Grecs y viennent pour s’y ravitailler en blé.
Les comptoirs de la Mer Noire tiennent une place
importante dans le réseau commercial grec, ce qui
explique la présence d’importantes communautés
grecques sur le littoral ukrainien jusqu’au XX s.
                                              e

Les terres noires de l’Ukraine restent aujourd’hui une
des principales régions exportatrices de céréales.
                         21                      © Franck Michelin 2022
La diaspora grecque dans l’Antiquité
                 22                    © Franck Michelin 2022
Les grandes invasions

La steppe est une zone de turbulence qui amène
plusieurs peuples à menacer les frontières romaines
ou à pousser d’autres peuples devant eux : Alains,
Sarmates, Goths, Huns…
Ces vagues de peuples continuent jusqu’au Moyen-
Âge : Avars, Khasars, Bulgars, Petchénègues,
Coumans, Magyars…

                        23                   © Franck Michelin 2022
Les grandes invasions
       (IV-V s)
            e

            24   © Franck Michelin 2022
Une matrice
Au début du Moyen-Âge se forme peu à peu un État par
la rencontre de plusieurs peuples venant de deux
contrées :
 les Khazars du sud-est, peuple nomade
 les Scandinaves, « Varègues » venus de l’actuelle Suède.
Un chef varègue semi-légendaire du nom de Riourik
fonde le 1er État autour de Novgorod, au nord de
l’actuelle Saint-Pétersbourg.
                          25                      © Franck Michelin 2022
La Rus de Kiev
La Rus de Kiev voit le jour vers 880, se développe peu à peu
en soumettant et unifiant un certains nombre de peuples
slaves et finnois.
Sous Oleg, l’État est assez fort pour menacer Constantinople.
La conversion au christianisme fait entrer l’État dans le
monde chrétien byzantin : l’Ukraine future sera orthodoxe et
utilisera l’alphabet cyrillique.
Plus ancien État russe, il est à l’origine de la civilisation
russe.
                               26                          © Franck Michelin 2022
La Russe de Kiev en 1054

           27    © Franck Michelin 2022
Anne de Kiev
Plus grand État d’Europe au   XIs, la Rus donne à la
                                 e

France une reine, Anne, épouse du roi capétien
Henri I en 1051.
       er

Fille du prince Iaroslav de Kiev et d’Ingigerd de
Suède, elle donne naissance au futur roi Philippe Ier.
C’est elle qui fait entrer le nom Philippe à la cour de
France, car elle était réputée descendante de
Philippe de Macédoine.
                         28                     © Franck Michelin 2022
Déclin

L’État kiévien se désagrège, se divise en de
nombreuses principautés.
La prise de Constantinople par les croisés en 1204
aurait accéléré ce déclin en coupant les routes
commerciales.
La principauté de Moscou ne naît qu’en 1276.

                         29                    © Franck Michelin 2022
L’invasion mongole

Les invasions mongoles accélèrent ce déclin, car
Kiev est sur leur route.
Centre du 1 er État russe, la région de Kiev subit un
déclin certain, alors que les rives de la Mer Noire,
liées au commerce méditerranéen, maintiennent leur
prospérité, mais sous tutelle mongole.

                        30                    © Franck Michelin 2022
Les invasions
mongoles et la
 Rus de Kiev

     31   © Franck Michelin 2022
Peste et Pax Mongolica

La Mer Noire, voie importante du commerce reliant
l’Europe du nord au Levant et à la Méditerranée
devient l’un des principaux piliers de la puissance
commerciale de Gênes.
C’est par là que la peste, probablement d’abord
active en Chine, est transmise à l’Europe.

                        32                   © Franck Michelin 2022
La puissance commerciale
                     33
                         génoise (XIII-XVII e s)
                                                   © Franck Michelin 2022
Moscou et les Mongols
Alors que le sud du monde russe périclite et est soumis aux
Mongols, et notamment à la horde d’Or et ses héritiers que l’on
nommera sous le nom de « Tatars », Moscou, qui a l’intelligence
d’accepter leur domination, étend peu à peu sa puissance.
Les descendants d’Alexandre Nevski en fait une principauté
indépendante, protégée des cavaliers mongols par la forêt et sur
les routes commerciales.
Le côté autoritaire, voire tyrannique, de la plupart des régimes
russes est à relier à l’héritage mongol, dont la Moscovie est en
partie l’héritière.
                              34                         © Franck Michelin 2022
La Moscovie
Moscou qui a « collaboré » avec les Mongols pour soumettre sa rivale,
Tver, prend en suite la tête de la très longue lutte qui opposent Russes
et Mongols/Tatars.
L’ascension de Moscou s’appuie également sur la légitimité byzantine :
Ivan III revendique pour Moscou le rang de « 3e Rome » par son
mariage avec Zoé Paléologue, nièce du dernier empereur byzantin.
En 1547, Ivan IV « le terrible » prend pour la 1e fois le titre de tsar
(césar).
Moscou devient officiellement l’empire de Russie en 1721 : naît alors la
volonté hégémonique sur tous les peuples russes ou supposés tels.
                                    35                              © Franck Michelin 2022
Moscovie de 1300 à 1598
         (Larousse)

            36        © Franck Michelin 2022
Au carrefour des empires
L’Ukraine, victime de sa position stratégique au
carrefour des empires : Empire ottoman, Lituanie,
Pologne, Autriche, Suède, Russie.
Elle est notamment l’objet d’une rivalité aux XVI-XVII e y

s entre le royaume de Pologne-Lituanie et la Russie.
Elle est alors coupée en 2 entre la côte — le khanat de
Crimée, vassal des Ottomans — et l’intérieur polono-
lituanien.
                          37                      © Franck Michelin 2022
Le royaume de
   Pologne-
Lituanie à la fin
   du XVIIe s

 38   © Franck Michelin 2022
Les Zaporogues

Face aux Tatars de Crimée, la Pologne recrute des
supplétifs, les cosaques Zaporogues.
Afin de s’adapter au terrain de la steppe et de lutter
contre les cavaliers tatars, les cosaques adoptent les
techniques de ces derniers.

                         39                     © Franck Michelin 2022
Aux origines d’une conscience nationale
Ils jouent un rôle de résistance et constituent l’embryon
d’une conscience nationale ukrainienne à partir du XVII   e

s.
Leur assemblée, la rada, est à l’origine du nom que porte
le parlement ukrainien aujourd’hui.
Encore aujourd’hui, la mémoire cosaque joue un rôle
fondamentale dans la conscience historique ukrainienne,
notamment avec son importance accordée à la liberté.
                           40                      © Franck Michelin 2022
Les cosaques Zaporogues écrivant une lettre au sultan de Turquie (Répine, 1891)
                                      41                              © Franck Michelin 2022
De Carybde en Scylla
Face à la pression polonaise, l’hetman Bogdan
Khmelnitski demande l’aide de la Russie.
Sa révolte voit les   1 ers   massacres de Juifs de la région.
Par le traité de Pereïaslav, en 1654, la Russie place la
plus grande partie de l’Ukraine sous sa domination.
Par la suite, les Zaporogues se révolteront sans
succès.
                                42                     © Franck Michelin 2022
Les partages de la Pologne
Un autre tournant majeur est constitué par les 3
partages de la Pologne, de 1772 à 1795, qui voient :
 la plus grande partie de l’Ukraine polonaise
 annexée par la Russie
 une petite partie par l’empire d’Autriche (la région
 de Lviv) : cette partie a toujours été la plus rétive à
 la domination russe, car soumise à une régime plus
 libéral sous l’autorité des Habsbourg.
                         43                      © Franck Michelin 2022
Les partages de
   la Pologne
  (1772-1795)

    44   © Franck Michelin 2022
Une marge

La plus grande partie de l’Ukraine est alors russe.
Devenue l’une des grandes puissances, l’Ukraine
n’est plus qu’une marge, certes importante d’un
point de vue culturel, historique et agricole, de
l’empire.
Le nom « Ukraine » signifie d’ailleurs « marge »,
« pays frontalier ».
                        45                     © Franck Michelin 2022
Naissance d’une conscience nationale

Un début de conscience nationale ukrainienne (ou
« petite russe ») se développe dans le courant du
XIX s, comme dans la plupart des nations d’Europe
    e

non indépendantes.
Alors que la plupart des locuteurs ukrainiens sont
des paysans, une valorisation de la langue, de la
culture et de l’histoire ukrainiennes voit le jour.

                        46                    © Franck Michelin 2022
Gogol et Chevtchenko

Les deux principaux écrivains « nationaux
ukrainiens » en sont des vecteurs et des symboles :
 Taras Chevtchenko de langue ukrainienne
 Nicolas Gogol, d’expression russe mais qui met en
 avant l’héritage historique ukrainien des cosaques
 Zaporogues, notamment à travers Taras Boulba.

                        47                    © Franck Michelin 2022
Slavophilie et panslavisme
En Russie, l’empire reste partagé entre deux
tendances : une occidentaliste et une autre
« slavophile ».
La slavophilie mute en pan-slavisme à mesure que
les contestations intérieures et les tensions
extérieures alimentent un nationalisme
instrumentalisé par le pouvoir visant à placer tous
les Slaves sous la tutelle russe.
                        48                     © Franck Michelin 2022
La russification forcée
Les Ukrainiens sont la cible d’une politique de
russification culturelle, notamment par l’interdiction de la
publication d’ouvrages en ukrainien en 1863, en raison :
 de la volonté d’unifier le monde russe sous la houlette
 du tsar
 des soupçons de séparatisme nés des révoltes
 polonaises : l’Ukraine, proche de l’Europe occidentale,
 est suspecte de trahison, d’être le vecteur du
 séparatisme et de la division.
                            49                       © Franck Michelin 2022
Le monde ashkénaze
Chassés d’Europe occidentale à partir du XIVe s, les Juifs
migrent à travers l’Europe en direction d’une zone
géographique qui, au début du XXe s, va des pays baltes au sud
de l’Ukraine et englobe la Pologne, l’est de l’empire austro-
hongrois etc.
Une autre thèse, minoritaire, de leur origine serait la conversion
du peuple turc khazar au judaïsme (cf. Shlomo Sand) ou bien
d’un mélange.
Naît alors une culture originale fondée sur le rabinisme et la
langue yiddish.
                               50                         © Franck Michelin 2022
51   © Franck Michelin 2022
Les discriminations dans l’empire russe

Avec la conquête de l’Ukraine et de la Pologne, la
Russie hérite d’une grande population juive qui est
discriminée et interdite de séjour en Russie
proprement-dite.
Ce sont ces discriminations religieuses à l’origine
qui amènent de nombreux Juifs à rejoindre des
mouvements révolutionnaires.

                         52                    © Franck Michelin 2022
Le temps des pogroms
Le semi-échec des réformes du tsar Alexandre II et son
assassinat en 1881 poussent son fils, Alexandre III, dans une
politique de persécution sous la forme de « pogroms » : des
« incidents » supposés spontanés visant les Juifs sont montés
par la police politique (l’okhrana).
Plusieurs vagues de pogroms font des milliers de victimes, en
particulier en Ukraine :
 environ 60 000 morts
 plus de 600 000 Juifs émigrent, notamment aux États-Unis,
 mais également en France où ils sont mal accueillis.
                              53                         © Franck Michelin 2022
« Terres de sang »
Entre 1881, et surtout entre la période qui sépare la Première
Guerre mondiale et l’après Seconde-Guerre mondiale, la région de
l’est de l’Europe qui va des pays baltes à l’Ukraine en passant par
la Biélorussie, la Pologne, la Roumanie connaît une succession de
violences successives et sans aucun équivalent dans l’histoire :
 pogroms avant et pendant la révolution russe
 1e Guerre mondiale
 révolution russe et guerre civile
 dékoulakisation et purges staliniennes
 shoah
 reconquête soviétique et nouvelles purges…
                               54                          © Franck Michelin 2022
Timothy Snyder, Terres de sang

              55        © Franck Michelin 2022
Une Ukraine tiraillée
La fin de l’empire russe voir une Ukraine tiraillée :
 sa partie ouest est annexée par la Pologne à la suite
 de la guerre polono-soviétique
 les armées blanches y combattent les rouges en
 commettant des pogroms
 les Allemands cherchent à détacher l’Ukraine
 rouges et anarchistes combattent le mouvement
 nationaliste ukrainien guidé par Simon Petlioura.
                         56                     © Franck Michelin 2022
L’Ukraine partagée
De 1919 à 1921, la Pologne et l’URSS s’affrontent.
La raison est que la Pologne refuse les limites de la « ligne
Curzon » de la SDN qui prennent pour critère les limites
linguistiques, car elle désire revenir aux frontière de la
« Grande Pologne » d’avant les partages.
La Pologne obtient la partie occidentale de la Biélorussie et
de l’Ukraine.
Au sein de l’URSS, l’Ukraine bénéficier pour la 1e fois d’une
certaine autonomie administrative et culturelle.
                             57                         © Franck Michelin 2022
La Pologne de
 1922 à 1938

   58   © Franck Michelin 2022
La dékoulakisation
Le grand tournant pour l’Ukraine est celui de la
collectivisation imposée par Staline aux paysans.
Pays de petits propriétaires, grenier à blé de l’Europe grâce
à ses fameuses « terres noires », l’Ukraine voit ses paysans
résister farouchement à la collectivisation.
Celle-ci, qui tourne à l’élimination des « koulaks » à partir
de 1929, c’est à dire des petits propriétaires.
Environ 2 millions sont déportés vers l’est, 600 000 au moins
disparaissent.
                             59                         © Franck Michelin 2022
Holodomor
La principale conséquence est une famine
provoquée sciemment par Staline de 1932 à 1933 qui
voit la mort de peut-être 5 millions de paysans, dont
une majorité d’Ukrainiens.
Ce crime de masse par la faim constitue un pilier de
la conscience nationale ukrainienne.
Le créateur du concept de génocide, le juriste
Raphael Lemkin, a qualifié l’holodomor de génocide.
                         60                    © Franck Michelin 2022
L’enfer stalinien
À la dékoulakisation, à la famine orchestrée par le
pouvoir et aux purges particulièrement sanglantes
s’ajoutent l’intégration de la totalité de l’Ukraine à l’URSS.
Avec l’invasion soviétique de la Pologne en 1939, la partie
occidentale de l’Ukraine autour de la ville de Lviv/Lvov/
Lvov/Lemberg qui n’avait jamais appartenu à la Russie.
La terreur stalinienne est tellement féroce à l’encontre des
Ukrainiens qu’on en est arrivé à se demander s’il n’y avait
pas un racisme particulier de Staline à leur encontre.
                             61                       © Franck Michelin 2022
Barbarossa
Le 22 juin 1941 commence l’opération Barbarossa :
l’Allemagne envahit l’URSS.
L’Ukraine devient l’un des principaux champs de bataille de
la Seconde Guerre mondiale.
Outre les combats, elle tient une place particulière pour 2
raisons :
 le nombre particulièrement important des Juifs
 le ralliement de certains Ukrainiens aux Allemands par
 anti-soviétisme.
                             62                        © Franck Michelin 2022
La shoah par balles
L’Ukraine, aux côtés de la Biélorussie, est le théâtre par
excellence de la « shoah par balles », l’élimination de millions de
Juifs par les einsatzgruppen : des unités spéciales chargées de
« nettoyer » l’arrière des lignes allemandes.
2 faits importants :
 une partie de ces massacres sont commis par des supplétifs,
 souvent ukrainiens
 les 2 plus grands massacres « par balles » de Juifs et de
 Tziganes ont lieu en Ukraine : Babi Yar (près de Kiev) et
 Odessa.
                               63                          © Franck Michelin 2022
Des collaborateurs ?
Les souffrances causées par les Soviétiques jouent
un rôle dans l’accueil par certains ukrainiens des
armées allemandes.
Les Allemands recrutent des Ukrainiens pour :
faire le sale boulot : ils confient souvent chasse aux
Juifs et aux résistants, la garde des camps de
concentration à des des supplétifs (Hiwis)
pour former de véritables unités combattantes.
                         64                      © Franck Michelin 2022
L’Ukraine unifiée sous le giron soviétique
La victoire soviétique voit de nouveau l’intégration
totale de l’Ukraine à l’URSS : pour cela, la Pologne
est déplacée vers l’ouest aux dépens de l’Allemagne.
En 1954, Khroutchev donne la Crimée à l’Ukraine :
c’est un symbole à l’occasion du 100 anniversaire de
                                     e

la bataille de Sébastopol et parce que la Crimée a
besoin de l’Ukraine pour son approvisionnement,
notamment en électricité.
                        65                   © Franck Michelin 2022
Atome et indépendance

L’Ukraine joue un rôle involontaire dans la chute de
l’URSS en raison de la catastrophe nucléaire de
Tchernobyl, en 1986.
En 1991, l’Ukraine devient indépendante à la chute
de l’URSS.
Se pose le problème des armes nucléaires qu’elle
possède en abondance.
                        66                    © Franck Michelin 2022
OTAN et armes nucléaires
Deux problèmes se posent à la Russie :
 le risque de voir l’Ukraine rejoindre le camp occidental, et
 notamment l’OTAN
 le statut des armes nucléaires basées en Ukraine.
Concernant l’OTAN, des promesses verbales auraient été faites
d’une non-extension aux frontières soviétiques, mais c’était avant
la chute de l’URSS et l’indépendance des républiques.
À Budapest, en 1994, l’Ukraine accepte de céder ses armes
nucléaires en échange d’une promesse de protection en cas
d’agression russe.
                               67                          © Franck Michelin 2022
UE, OTAN, irrédentisme
Comme les chercheurs sur la shoah ont pu le constater,
la mémoire de la Seconde Guerre mondiale et l’identité
séparent l’ouest ukrainophone — dont une partie
appartenait à la Pologne et à l’Autriche —, et l’est
russophone rattaché plus fortement à la Russie.
La question d’une adhésion à l’UE, voire à l’OTAN, a
divisé le pays et fait monter les pressions russes qui
craint peut-être pour sa sécurité militaire, mais surtout
politique : peur du modèle européen démocratique.
                           68                      © Franck Michelin 2022
Euro-Maïdan
En 2014, un mouvement populaire à Kiev provoque la
chute du président pro-russe Ianoukovitch, qui avait
décidé de renoncer à l’adhésion à l’UE.
Le mouvement est avant tout populaire, pacifique et
démocratique, mais la présence d’extrémistes de droite
est utilisée par la Russie pour réveiller en Russie le
spectre d’une Ukraine nazie.
Poutine peut compter sur la russophilie de certaines
populations à l’est (Dombass) et au sud (Crimée).
                          69                      © Franck Michelin 2022
La Crimée
Entre le 20 février et le 28 mars 2014, la Russie provoque
la séparation de la Crimée de l’Ukraine et son
rattachement à la Russie :
 par l’intervention de soldats russes sans signes
 distinctifs (les « petits hommes verts »)
 en lançant un référendum sous fond d’occupation
 militaire.
C’est la première annexion forcée depuis 1945 et le début
de sanctions économiques sévères contre la Russie.
                           70                       © Franck Michelin 2022
La Crimée est-elle russe ?
L’argument avancé par Poutine est l’histoire : donnée par
Khroutchev à l’Ukraine, la Crimée serait russe.
Or, il oublie de dire qu’elle est majoritairement peuplée
aujourd’hui de russophones parce que :
 elle a été prise aux Ottomans en 1792
 elle a été vidée de ses habitants tatars par Staline pendant la
 Seconde Guerre mondiale.
Les Tatars, dont seule une partie est revenue en Crimée à la suite
de la chute de l’URSS, s’opposent à l’annexion, mais ils sont
devenus minoritaires dans leur propre pays.
                               71                           © Franck Michelin 2022
Une ballade militaire qui tourne mal
L’invasion russe de l’Ukraine aurait dû être une ballade
militaire car :
 l’Ukraine n’existant pas, les Ukrainiens ne sauraient résister à
 leur grande sœur russe
 le pouvoir russe croyait que les russophones les accueilleraient
 à bras ouverts, or ils résistent comme les autres.
Bref, c’est dans la guerre que les Ukrainiens prouvent leur
existence en tant que nation, ainsi que leur préférence pour la
vie en démocratique.
                              72                           © Franck Michelin 2022
L’Ukraine existe-t-elle ?
L’Ukraine existe parce que les Ukrainiens croient en
leur existence en tant que nation distincte de la
Russie.
La conception de Poutine de la nation est celle de
Bismarck : tous les peuples russophone seraient russes
et devraient être réunis au sein d’un même État.
Or, les Alsaciens parlaient un dialecte allemand mais
se sentaient profondément français en 1870.
                         73                    © Franck Michelin 2022
Les Ukrainiens sont-ils des nazis ?

La seconde question est celle d’un État ukrainien
dominé par des nazis.
Il est certain que ces gens existent, mais il en est de
même presque partout dans le monde.
N’étant même plus représentés à la Rada, ils sont
moins influents que l’extrême-droite en France.

                          74                      © Franck Michelin 2022
L’histoire est une arme de destruction massive

 Depuis l’Antiquité, l’histoire a toujours joué un rôle
 de légitimation des États et de leurs politiques.
 Au  XIX es, les historiens russes insistent sur la
 continuité entre la Rus de Kiev et l’empire russe,
 tout en niant les particularismes locaux.
 Les historiens ukrainiens qui vivent dans la partie
 austro-hongroise voient les choses différemment.
                          75                     © Franck Michelin 2022
Poutine et l’histoire
Poutine lui accorde une importance primordiale : il
exerce une pression directe sur l’enseignement et la
recherche, utilise l’histoire pour en faire une arme
projetant des arguments irréfutables comme autant de
missiles.
 Ainsi, les bolchéviques auraient créé l’Ukraine, Staline
et les Russes auraient sauvé le monde des nazis, les
nazis ukrainiens menaceraient l’existence de la Russie,
justifiant ainsi une guerre d’auto-défense !
                           76                      © Franck Michelin 2022
Et l’avenir ?
Il est impossible à prévoir, comme le montrent 2 faits qui nous
surprennent :
 Poutine a pris le risque d’une invasion de grande envergure
 l’Ukraine résiste depuis plusieurs semaines et ce dans
 l’ensemble du pays, prouvant son existence en tant que nation
Une chose est sûre : l’Europe et le monde ne seront plus jamais les
mêmes, quelle que soit l’issue du conflit.
Outre l’Ukraine, c’est l’UE qui prend conscience d’elle-même et
du monde, ses pays membres comprennent enfin que leur destin
est lié.
                               77                          © Franck Michelin 2022
Pour en savoir plus
Le cours de l’histoire sur France Culture : 4 émissions
sur l’histoire de l’Ukraine : https://
www.franceculture.fr/emissions/le-cours-de-l-
histoire/l-histoire-ukrainienne-vue-du-kremlin
On peut conseiller les ouvrages d’Hélène Carrère
d’Encausse, mais son statut de spécialiste
médiatique l’amène souvent sur une pente
dangereuses pour tout historien : la prévision…
                          78                     © Franck Michelin 2022
D’autres auteurs
La plupart des travaux en français portent sur la
Russie et incidemment sur l’Ukraine.
Des historiens à suivre :
 Pierre Gonneau sur la Rus de Kiev
 Sophie Cœuré, Thomas Chopard sur l’Ukraine et
 l’URSS
 sur les questions contemporaines, les ouvrages
 d’Alexandra Goujon, Anne de Tinguy
                            79                © Franck Michelin 2022
Le cinéma
Films et séries :
 Le Cuirassé Potemkine de Sergueï Eisenstein (1925)
 Taras Bulba de J. Lee Thompson (1962) pour le
 divertissement
 Vent d’Est de Robert Enrico (1993) sur l’armée du
 général blanc Boris Smyslovski qui a fui au
 Liechtenstein en 1945
 la série Tchernobyl (2019).
                        80                    © Franck Michelin 2022
Je vous remercie de votre attention

Vous pouvez me suivre :
 sur mon site : franckmichelin.com
 sur Facebook : franck.michelin.9
 sur Twitter : @michelinfranck

                       81            © Franck Michelin 2022
Vous pouvez aussi lire