L'université au coeur du projet du territoire - Agence de développement ...
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n°1 - novembre 2011 L’Université au cœur du projet du territoire Manchester : Knowledge Capital Synthèse de la conférence à la Maison d’Architecture et de la Ville de Lille - débat du 13 octobre 2011 Propos introductifs L’enseignement supérieur, la recherche et plus largement la société de la connais- sance, constituent des enjeux majeurs du développement des métropoles. C’est donc logiquement que le diagnostic du SCOT de Lille Métropole en souligne l’importance, comme c’est le cas des stratégies de nom- breuses grandes villes. On peut citer, par exemple, Barcelone, Lyon ou Manchester où, au tout premier rang des axes de déve- loppement, figure la société de la connais- sance, le développement de l’université et celui de l’innovation. Le thème de cette soi- rée est ainsi introduit par Nathan Starkman, directeur de l’Agence de développement et d’urbanisme de Lille Métropole. L’idée que cet enjeu revêt un caractère la connaissance, et plus particulièrement à l’uni- Cathy Garner a été, pendant 6 ans, res- stratégique et transversal est partagée au versité, placée au cœur du projet de territoire. ponsable du programme Manchester: sein de l’Atelier Campus, qui réunit notam- Knowledge Capital, jusqu’à la récente sup- ment l’Equipe Campus Grand Lille, Lille Manchester et Lille ont de nombreux points pression de ce programme suite au plan Métropole communauté urbaine, l’Agence communs ; elles partagent notamment la d’austérité lancé par le gouvernement de développement et d’urbanisme de Lille nécessité de gérer l’héritage d’un impor- Cameron. Elle a travaillé en lien avec la Métropole, les principales institutions d’en- tant passé industriel. Manchester a acquis ville de Manchester, la North West Regional seignement et les communes concernées. au Royaume Uni la réputation d’être une Development Agency1, les universités et les C’est dans cet atelier qu’est née l’idée des seules grandes villes, aux côtés de responsables économiques pour améliorer la d’inviter des personnalités qui ont contribué Londres, à avoir pleinement réussi sa muta- capacité du milieu local à innover. au projet d’autres territoires, en France ou tion vers la nouvelle économie. On la consi- ailleurs en Europe, à venir apporter témoi- dère souvent comme une ville pionnière en gnage de leur expérience. matière de partenariat et de développement intégré et le Greater Manchester a mis Manchester: Knowledge Capital inaugure ce depuis longtemps l’innovation au cœur de cycle de conférences consacré à la société de sa stratégie.
L’émergence de « turbines régionales » au Royaume-Uni Manchester: Knowledge Capital concerne un territoire de dix com- munes, celles constituant le Greater Manchester, soit 2,6 millions d’habitants. Supprimé en tant que collectivité locale par le gouverne- ment Thatcher, le Greater Manchester a subsisté sous forme d’une association volontaire nommée AGMA (association des autorités du Greater Manchester)2. Les dix communes sont des « autorités unitaires », c’est-à-dire qu’il n’existe pas de niveau de collectivité régionale entre elles et le gouvernement central. Celui-ci est repré- senté localement par le Government Office in the North West qui est chargé de coordonner les politiques des communes, notamment en matière d’urbanisme, et les activités de la North West Regional Development Agency3. Une agence, MIDAS4, assure la promotion commune de Manchester et de sa région. Il existe donc une culture locale de coopération. Rebondir face à la crise industrielle Manchester fait partie du Core cities group, le réseau des huit Sans renier son passé, Manchester a eu à cœur, depuis plus de 15 plus grandes villes anglaises après Londres, avec Birmingham, ans, de se donner une nouvelle image, celle d’une ville moderne et Liverpool, Nottingham, Bristol, Sheffield, Leeds et Newcastle. Ce innovante. Depuis les années 50, la ville était en plein déclin. Malgré réseau, impulsé par le gouvernement national, a réfléchi aux dyna- un léger rebond dans les années 80, grâce à l’industrie musicale, miques à mettre en œuvre pour une politique de développement la ville se portait mal au milieu des années 90 : désindustrialisa- plus équilibré en Angleterre, dans l’idée qu’un meilleur développe- tion, perte massive d’emplois… Le centre-ville était déserté : on n’y ment de leur ville et de leur région profitera à tout le pays. recensait plus que 500 habitants (contre 20 000 aujourd’hui)... L’atout universitaire de Manchester C’est sur l’atout de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation que la ville a souhaité baser sa stratégie de redres- sement. Le Greater Manchester comptait historiquement quatre universités. En 2004, deux d’entre elles, l’Université Victoria et l’UMIST5, ont fusionné, créant l’Université de Manchester, la plus grande université du Royaume-Uni. La vie universitaire, 70 000 étudiants, dont plus de 10 000 étudiants étrangers, se concentre notamment autour d’Oxford Road, au sud du centre-ville. Directement ou indirectement, l’enseignement supé- rieur et la recherche créent un important volet d’activité et contri- buent fortement à la création d’emplois. En outre, l’implantation de nouveaux bâtiments, liée au développement universitaire, a contri- bué de façon décisive au renouvellement urbain, et donc a donné Manchester, une nouvelle image de la ville. Cela a d’ailleurs été aussi le cas avec une ville au rayonnement international l’université de Salford, deuxième commune du Greater Manchester. L’image de Manchester rayonne aujourd’hui fortement à l’internatio- nal. Son développement s’est opéré sans renier les valeurs inhé- rentes à l’histoire de la ville. Manchester est tout d’abord une ville où le sport est enraciné dans la culture locale mais aussi dans son économie. C’est également un centre industriel, où les anciennes manufactures marquent de leur empreinte le paysage urbain. Ce passé industriel est aussi indissociable des acquis des luttes sociales de l’époque. Mais une autre image existe de Manchester, moins répandue : celle d’une ville au caractère inventif et innovant, qui compte dans son histoire pas moins de 25 lauréats du Prix Nobel. Parmi les innovations liées à Manchester, on peut citer la théorie atomique développée par John Dalton, la pilule contraceptive, le premier ordinateur ou encore la première fécondation in vitro.
Créer des liens ancienne usine a été reconvertie en pépinière à destination des entre l’université et l’économie petites sociétés de production de cinéma, créant ainsi un deuxième pôle spécialisé dans les médias dans le Greater Manchester. Avec le soutien de Peter Mandelson, alors ministre de l’industrie, un livre blanc a été élaboré en 1998. Celui-ci visait à resserrer les liens entre université et vie économique afin de renforcer la capacité du tissu local, à « absorber » les innovations produites. L’ambition était de créer des lieux privilégiés de dialogue entre l’université et le monde économique, dans une démarche partenariale et un fonds d’innovation a été également créé au sein des universités. Ce par- tenariat Knowledge Capital6 a donné naissance à un programme à triple hélice alliant université, industrie, municipalité. Un partenariat a ainsi été mis en place entre responsables écono- miques, académiques et politiques sur la base de rencontres orga- nisées dans des lieux neutres, afin de débattre des attentes de chacun. Il s’agissait notamment de comprendre les stratégies des universités pour faire évoluer la ville vers une économie fondée sur la connaissance. Mais l’ambition ne se limitait pas au développe- ment de transferts de technologie ; il s’agissait aussi localement de faire tomber les murs entre universités et riverains, et plus largement de faire bénéficier l’ensemble des citoyens des progrès accomplis. La mobilisation d’un fonds de 10 millions de livres a permis de favo- riser l’investissement dans l’innovation des petites et moyennes entreprises (PME), majoritaires dans le tissu économique local. Permettre « l’absorption » par le tissu Impliquer ces PME a permis de faire émerger nombres d’opportuni- industriel des innovations locales tés à saisir, pour leur propre intérêt, mais aussi pour celui de la ville. Les rapprochements ainsi créés n’ont pas tous abouti à des projets concrets, la distance séparant les positions des partenaires poten- tiels s’avérant parfois trop grande. Ainsi, comme cela avait été fait pour les médias, la ville a souhaité impulser une dynamique de partenariat autour des tissus, en direc- tion des nouveaux matériaux. Or, les partenaires pressentis ont per- sisté à se percevoir d’abord comme des concurrents. De même, il est nécessaire que le milieu local soit réellement ouvert et réactif, ce qui n’est pas toujours le cas. Pour exemple, un nouveau matériau hyper résistant, le graphène, a été inventé à Manchester, mais le tissu industriel local n’a pas été en mesure d’absorber cette innovation. Les fonds mobilisés localement pour le développement de ce matériau ont été très limités comparés à ceux mobilisés au Japon ou en Australie. La Media City UK de Salford Le nouveau quartier Media City UK s’inscrit dans cette dynamique de la société de la connaissance et de la nouvelle économie. En 2004, la BBC a fait connaître son intention de délocaliser un nombre important d’emplois vers le nord du pays. La North West Regional Development Agency a alors proposé de mettre en concurrence Manchester et Salford pour l’attribution du projet. C’est finalement le site de Salford Quays qui a été choisi ; il s’agit de 36 ha de terrain des anciens docks du canal maritime de Manchester, ins- crits dans un secteur en pleine régénération urbaine. C’est tout un quartier qui a ainsi été créé, conçu autour des besoins spécifiques des médias et des industries créatives. Le site intègre également un campus de 1 500 étudiants. Manchester a développé, pour sa part, le Sharp Project. Cette
lier excellence et développement social En 2007, un fonds a été créé par la North West Regional Development Agency et les municipalités pour mieux étudier les freins au développe- ment de l’innovation. Les travaux conduits pendant quatre ans ont permis de mettre en évidence des réalités parfois difficiles à accepter : ont été soulevées des questions telles que la performance des écoles, le différen- tiel de salaires entre les habitants historiques de la ville et les nouveaux arrivants, etc. Ces réflexions ont permis de construire une vision straté- gique plus large et partagée du développement économique. S’est notam- ment posée la question des moyens à mettre en œuvre pour mobiliser la population ou stimuler la culture d’innovation, comme c’est le cas, toute proportion gardée, dans la Silicon Valley par exemple. Favoriser la poursuite d’études supérieures et sensibiliser la population à la science a donc été identifiés comme des enjeux majeurs et des « acadé- mies » spécialisées ont été créées à cette fin. Des évènements populaires La ville tente aussi de redéployer l’appareil productif local et de développer l’envie d’innover. Des initiatives comme les Fablab contribuent à sensibili- Manchester: Knowledge Capital a créé des évènements festifs et popu- ser le grand public aux processus de recherce et de fabrication de produits. laires, visant à associer l’ensemble de la population. Manchester is my planet est un programme mené conjointement par les universités, les col- lectivités locales, et les milieux économiques de 2005 à 2011 ; il visait à faire changer les comportements individuels afin de réduire les bilans car- bone. 25 000 personnes ont souscrits à ce programme et cet évènement fait dorénavant véritablement partie de l’identité de la ville. De même, la Fête de la Science, organisée depuis cinq ans, permet la rencontre de personnalités du monde de la recherche avec le grand public. La Fête des Arts contribue également, par ses spectacles inédits et sa popularité, à créer une nouvelle image de la ville et de nouvelles pratiques sociales et culturelles. Propos conclusifs Cathy Garner a conclu en précisant que Manchester, ville d’industrie et de tégique de Campus Grand Lille, ces derniers ne se réunissent que ponc- sport, souhaite être un lieu authentique. Le travail engagé par Manchester: tuellement pour aborder ces sujets. Faisant suite aux interrogations de Knowledge Capital fut de mettre en relation les acteurs, à l’échelon local, Didier Paris, président du Conseil de développement de Lille Métropole, mais aussi à l’international. Il ressort de cette expérience que les villes, ou sur la question du financement de la recherche, il met davantage l’accent les groupements de villes, peuvent encourager efficacement l’innovation sur l’importance de disposer d’une stratégie identifiée et identifiable. La en mettant en contact les « sources d’innovation » avec l’économie locale. Stratégie Régionale d’Innovation (SRI) a apporté ce cadre de cohérence Pour cela il faut réussir à faire sortir les acteurs des limites de leur propre en matière d’innovation. organisation. Dans le cas de Manchester, il a fallu mettre en œuvre une intermédiation active, qui a été possible grâce à Manchester: Knowledge Manchester, qui a réussi sa reconversion et qui est reconnue en cela sur Capital. la scène internationale, constitue un exemple à suivre. Cette présentation nous montre le chemin qu’il nous reste à parcourir localement pour que Jean Louis Picqué, responsable de Campus Grand Lille, mettant en regard des partenariats fructueux se mettent en place et impulsent cette dyna- les situations lilloise et mancunienne, constate que, malgré l’existence mique afin que Lille soit elle aussi reconnue comme une métropole de la d’organes de dialogues tels que le Comité Grand Lille ou le conseil stra- société de la connaissance. 1- Forme d’Etablissement public régional. 2- Les dix communes ont décidé récemment de renforcer leurs liens et de créer avec l’appui du gouvernement le GMCA, Greater Manchester Combined Authority, pour gérer ensemble certains services. 3- Les « Regional Development Agencies » ont été supprimées par le gouvernement actuel et cesseront leur activité au plus tard en avril 2012. 4- MIDAS : Manchester Investment Development Agency Service. 5- UMIST : University of Manchester Institute of Science and Technology. 6- Manchester Knowledge Capital peut se traduire par la capitale de la connaissance ou le capital de la connaissance. En partenariat avec 299, Boulevard de Leeds - 59777 EURALILLE T. : (33) 03 20 63 33 50 - F. : (33) 03 20 63 73 99 agence@adu-lille-metropole.org - www.adu-lille-metropole.org Directeur de publication : Nathan Starkman Rédaction : Thierry Baert, Cécile Féru Maquette : Jean-François Breitenbach Impression : AD Concept
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