LA CLÉ DU SUCCÈS : un écosystème numérique de données de santé - Interpharma

 
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LA CLÉ DU SUCCÈS : un écosystème numérique de données de santé - Interpharma
FEUILLE DE ROUTE POUR UN SYSTÈME DE SANTÉ PÉRENNE

LA CLÉ DU SUCCÈS :
un écosystème
numérique de
données de santé

Une stratégie de numérisation cohérente
basée sur six champs d’action

Par le passé, la Suisse s’est toujours distinguée par sa faculté d’adaptation.
Actuellement, elle est en passe de manquer une transformation décisive. Tandis
que de nombreux pays ont reconnu les chances offertes par le passage au
numérique dans le système de santé, la Suisse arrive, dans ce domaine, en queue
de classement dans les comparaisons internationales. Pour rattraper son retard,
elle doit investir dans la mise en place d’un écosystème de données de santé en
réseau et élaborer pour cela un plan directeur cohérent. Six champs d’action
permettent d’esquisser ce plan.
LA CLÉ DU SUCCÈS : un écosystème numérique de données de santé - Interpharma
Sommaire

La pérennité du système de santé repose sur un écosystème de données en réseau                            4

Comment nous bénéficions tous d’un écosystème de données de santé !                                       4
   Pour les patient-e-s : prise en charge personnalisée et plus d’autodétermination                       4
   Pour la recherche : énorme acquisition de connaissances et nouveaux traitements                        5
   Pour l’ensemble du système de santé : plus d’efficience et de pérennité                                6

La Suisse est à la traîne                                                                                 7

Aperçu des objectifs et mesures dans les différents champs d’action                                      10

Comment la Suisse pourra-t-elle exploiter son potentiel dans l’avenir ?                                  11
   1. En coopération avec le secteur privé, l’État doit construire une infrastructure en réseau :
		 l’autoroute du système de santé                                                                       11
   2. Il faut des normes communes de responsabilité et de qualité :
		 un système de données de santé ouvert doit avoir des règles                                           12
   3. Il faut des talents et du personnel spécialisé : renforcer les compétences en matière de données   12
   4. Il faut l’acceptation et la participation : le don de données est le nouveau don de sang           13
   5. Il faut un cadre juridique constructif : favoriser les incitations et clarifier les droits         13
   6. Il faut un financement pérenne                                                                     13

À nous tous de jouer !                                                                                   14

Feuille de route pour un écosystème de données de santé                                                  15

Interpharma Écosystème numérique de données de santé           3
La pérennité du système de santé repose sur
un écosystème de données en réseau

« Les données insufflent vie au progrès        produit chaque année 300 millions de         entièrement modifié la situation. Les
médical », écrit Elgar Fleisch, profes-        feuilles de papier pour des données          nouvelles technologies permettent de
seur en gestion de l’information et des        de santé. Une transformation passerait       dépasser les frontières et de rappro-
technologies à l’EPF de Zurich et à            nécessairement par un écosystème de          cher directement les patient-e-s, les
l’Université de Saint-Gall. Les données        données de santé en réseau. Mais de          propriétaires de données et leurs utili-
rendent le système de santé non seule-         quoi s’agit-il ?                             sateurs. L’intelligence artificielle, l’ap-
ment plus efficace, mais aussi plus effi-             Un écosystème de données de           prentissage automatique et les dispo-
cient. Les patient-e-s bénéficient ainsi       santé permet à différents acteurs de         sitifs intelligents simplifient le relevé, le
de traitements personnalisés et d’offres       collecter, de partager et d’utiliser des     traitement et le partage des données.
médicales adaptées à leurs besoins             données. Sur la base d’un accès com-                Un écosystème de données de
pendant toute la durée du traitement.          mun aux données, ils peuvent relier et       santé a besoin d’un socle, d’une in-
Les données anonymisées ouvrent aux            harmoniser leurs prestations et so-          frastructure organisée. À partir de
chercheuses et chercheurs de nou-              lutions. Un tel système requiert une in-     ce socle, on peut ensuite développer
velles possibilités d’approfondir l’étude      frastructure et des règles communes          d’autres écosystèmes thématiques,
des maladies et de tester des solutions        pour la protection des données, la res-      qui ne sont pas forcément ouverts,
innovantes. Enfin, les données de santé        ponsabilité et la qualité. Les patient-e-s   mais peuvent être en concurrence, de
permettent de structurer la santé pu-          obtiennent ainsi des offres sanitaires       sorte que les meilleures solutions s’im-
blique de manière transparente, effi-          sans lacunes, efficientes et efficaces.      posent.
ciente et pérenne.                             Et d’autres acteurs du système voient
      Le problème est qu’en Suisse,            des formes de coopérations simplifiées
ces données sont en grande partie              et de nouvelles opportunités s’ouvrir à      Comment nous béné­
enfermées dans des silos, ne sont pas          eux sur le marché.
structurées et donc pas accessibles                   Si un tel système était techni-       ficions tous d’un
aux personnes qui pourraient s’en servir       quement inimaginable il y a quelques         écosystème de données
pour améliorer la prise en charge sa-          années, parce que les données étaient        de santé !
nitaire et en faire bénéficier la société.     géographiquement trop éloignées les
Un chiffre illustre l’ampleur de ce pro-       unes des autres ou parce qu’il sem-
blème : d’après une étude de Swisscom,         blait trop complexe de les saisir et de      La pérennité du système de santé
au lieu d’en disposer sous forme nu-           les classer de manière uniforme, le          repose sur un écosystème de don-
mérique, le système de santé suisse            passage au numérique a entre-temps           nées de santé dans lequel différents
                                                                                            acteurs peuvent partager et trouver
                                                                                            des données aussi librement que
   Que sont les données de santé ?                                                          possible. En effet, il permet (1) des
   Et quel rôle jouent les données en vie réelle ?                                          traitements sur mesure pour les
                                                                                            patient-e-s, (2) l’innovation en mé-
   On peut décrire et définir les données de santé de différentes manières. Fon-            decine et (3) des mesures efficaces
   damentalement, on entend par là toutes les informations qui jouent un rôle               en politique de santé. En d’autres
   pour la santé : poids, médicaments, symptômes tels que troubles du rythme                termes, on peut décrire trois do-
   cardiaque, etc. L’évolution technologique a tout particulièrement modifié le             maines dans lesquels les bénéfices
   rôle de l’origine des données. Autrefois, pour la recherche, il fallait presque          d’un écosystème de données de san-
   toujours obtenir ce type de données dans le cadre d’essais cliniques com-                té en réseau sont importants.
   plexes. À présent, la numérisation crée des conditions permettant de re-
   lever et d’enregistrer sous forme numérique de plus en plus de données                     Pour les patient-e-s : prise en
   précieuses des patient-e-s au quotidien, des données que les médecins                    charge personnalisée et plus d’au-
   relèvent lors d’examens de routine, ou que les patient-e-s recueillent eux-/                      todétermination
   elles-mêmes sur une montre connectée par exemple. Ces données sont ap-
   pelées « données en vie réelle », ou « Real World Data ». Les données en vie             Dans le système de santé actuel, le ou
   réelle peuvent être extrêmement utiles aux fournisseurs de prestations et                la patient-e n’est souvent pas au centre
   aux chercheurs et chercheuses. Mais elles ne sont souvent disponibles que                des considérations, et le traitement n’est
   sous une forme non structurée, par exemple sous forme de notes prises à                  pas axé sur ses besoins individuels. Tout
   la main, et non pas sous forme de fichier standardisé. Or seules des don-                d’abord, il n’y a pas en Suisse de dossier
   nées structurées peuvent être cryptées, anonymisées et agrégées. Ces dis-                électronique du patient opérationnel. Les
   tinctions sont importantes. Pour mettre en place un écosystème de                        données sont parfois relevées à plusieurs
   données de santé en réseau, il faut avoir accès à des données en vie                     reprises, par exemple lorsqu’un-e pa-
   réelle structurées, pouvant être anonymisées et agrégées.                                tient-e passe de son médecin de famille
                                                                                            à l’hôpital. En outre, on n’utilise que les

Interpharma Écosystème numérique de données de santé                  4
données relevées dans le bref laps de
temps passé sur place. Celles que le ou la         Traitements personnalisés en cas de cancer
patient-e pourrait relever lui-/elle-même          En coopération avec Roche Pharma (Suisse) SA et Foundation Medicine Inc.,
dans la durée, par exemple avec sa montre          Cambridge USA (FMI), l’Hôpital universitaire de Zurich (USZ) propose un
connectée, ne sont pas prises en consi-            test tumoral pour la médecine personnalisée du cancer. Cet instrument
dération. Il n’est pas difficile d’imaginer ce     diagnostique sert à déterminer le meilleur traitement pour chaque pa-
qu’un écosystème de données de santé               tient-e. En outre, avec FMI et l’Hôpital universitaire de Zurich, Roche a mis
commun pourrait apporter à cet égard :             en place à Schlieren un laboratoire spécialisé pour proposer ce test tu-
les données relevées par la personne               moral aux patient-e-s atteint-e-s d’un cancer en Suisse. Sur la base d’un
permettraient de détecter un diabète à un          échantillon tissulaire, le/la médecin traitant-e reçoit un profil tumoral gé-
stade précoce, et le traitement pourrait           nomique du/de la patient-e et un rapport individuel complet fondé sur les
être orienté en fonction de ses besoins            connaissances scientifiques actuelles. Ce rapport contient des infor-
spécifiques et contrôlé par cette dernière,        mations sur les modifications génomiques cliniquement pertinentes trou-
par exemple à l’aide d’une application             vées dans l’échantillon tissulaire et sur les options thérapeutiques qui en
dans laquelle elle saisit ses données et           découlent. Les résultats entrent également dans la banque de données et
reçoit en échange des recommandations              améliorent ainsi les connaissances disponibles. Chaque série de données
alimentaires personnalisées.                       contribue ainsi à améliorer la précision des diagnostics. Un exemple israé-
      Au bout du compte, les données               lien, qui aurait tout aussi bien pu se produire en Suisse, illustre ce que ce
pourraient aider à prévenir les maladies           test tumoral signifie concrètement pour les patient-e-s : Michael Negrin,
car les patient-e-s seraient informé-e-s           père de famille de 67 ans, reçut un diagnostic de cancer de la vessie agres-
précocement des dangers éventuels. Un              sif, avec un pronostic de survie d’un an. La chimiothérapie n’agissant pas
élément important est que, grâce à ce              comme escompté, les médecins réalisèrent le test tumoral. À leur grande
système, les patient-e-s reçoivent non             surprise, celui-ci fit apparaître que la forme spécifique de cancer de la
seulement de meilleures offres, mais ont           vessie de Michael Negrin était susceptible de réagir à un traitement visant
aussi un contrôle plus autonome de leur            normalement le cancer du sein. Le traitement fut efficace et, près de trois
santé.                                             ans après le diagnostic, le patient était toujours quasiment délivré de son
		                                                 cancer.
     Pour la recherche : énorme
   acquisition de connaissances et                 Sources : rapport annuel de Roche (2018) ; communiqué de presse de
         nouveaux traitements                      l’Hôpital universitaire de Zurich du 18 mars 2018.

Pour la recherche en particulier, l’accès
à de vastes ensembles de données de
haute qualité et en réseau est un avan-
tage considérable. Un écosystème de
                                                   CARE4CARDIO, le patient compétent a une
données de santé étendrait largement               influence positive sur l’évolution de sa maladie
l’éventail de possibilités d’obtenir des           En coopération avec Sanitas et Health Care Systems Sàrl, Novartis a élabo-
données. Aujourd’hui, les essais cli-              ré le programme de télésurveillance et de coaching CARE4CARDIO pour
niques constituent toujours la mé-                 les patient-e-s atteint-e-s d’insuffisance cardiaque. À l’aide d’un pèse-per-
thode de référence pour développer                 sonne électronique et d’un appareil de surveillance interactif, la personne
de nouveaux traitements. Mais les                  touchée relève quotidiennement des données pertinentes, comme par
données en vie réelle apportent un                 exemple son poids corporel ou son bien-être actuel. Du personnel soignant
complément non négligeable, et leur                formé analyse les données et contacte le/la patient-e en cas d’anomalie.
importance va augmenter rapidement                 Un entretien permet de déterminer si une consultation ou une autre me-
à l’avenir. Plus la recherche aura accès           sure est nécessaire. Ce programme de santé agit ainsi comme un système
aux données en vie réelle, plus le po-             d’alerte précoce, évitant des hospitalisations et déchargeant le système de
tentiel de ces données est grand. Des              santé. CARE4CARDIO ne remplace pas le travail du/de la médecin, mais le
ensembles structurés de données en vie             complète de manière judicieuse. Des séances de coaching virtuelles régu-
réelle permettent aux scientifiques de             lières permettent d’accroître les compétences des patient-e-s, de manière
détecter de nouvelles pistes ou des liens          à ce qu’ils/elles comprennent mieux leur traitement. On leur présente des
de cause à effet concernant des mala-              possibilités d’avoir une influence positive sur l’évolution de leur maladie
dies, d’en déduire et de tester de nou-            en vivant sainement. On peut comprendre ce programme comme un éco-
velles hypothèses. Au bout du compte,              système partiel, portant sur une thématique spécifique. D’autres étapes
ces écosystèmes ouvrent la voie à de               seraient nécessaires pour en exploiter pleinement le potentiel, par exemple
nouveaux traitements, disponibles plus             un remboursement simple par le biais du catalogue de l’AOS ou sa liaison
rapidement. En particulier dans des                au dossier électronique du patient, de manière à ce que les données de
domaines de recherche pour lesquels                CARE4CARDIO puissent y être aussi enregistrées.
les données sont fragmentées et peu
nombreuses, par exemple les maladies               Source : rapport de gestion de Sanitas (2016)
rares, un écosystème de données

Interpharma Écosystème numérique de données de santé                  5
commun permettrait aux chercheuses
et chercheurs des approches entière-               Coopération internationale avec Harmony
ment nouvelles. Au lieu de se limiter aux
données restreintes d’un hôpital, ils et           Le partenariat public-privé Harmony est un projet à l’échelle européenne
elles pourraient se servir d’une source            visant à utiliser de grandes quantités de données issues de différentes
d’informations beaucoup plus étendue               sources pour faire progresser la recherche sur le traitement des leucé-
et faire des découvertes de plus grande            mies. Cette plateforme fait partie du projet couvrant l’Innovative Medicines
portée. Cela montre bien qu’un tel sys-            Initiative (IMI) « Big Data for Better Outcomes ». Novartis est le partenaire
tème ne se limite dans l’idéal pas à un            leader d’Harmony et plusieurs douzaines d’entreprises pharmaceutiques
seul pays, mais offre aussi la possibilité         et d’universités sont de la partie. Les partenaires du réseau fournissent des
d’une mise en réseau internationale.               ensembles de données de leurs études, celles-ci sont cryptées, rendues
       L’accès aux données en vie réelle           interopérables, rassemblées, puis mises à la disposition des chercheuses
ne remplace pas les essais cliniques,              et chercheurs pour analyse.
mais les complète. Dans le cas des
maladies rares, il est extrêmement dif-            Source : www.Harmony-Alliance.eu
ficile de trouver des patient-e-s pour
un groupe témoin. Si on leur donne
la possibilité d’utiliser les données en        aller à l’hôpital pour des mesures, les        considérable pour un site de recherche
vie réelle de la pratique clinique, les         patient-e-s peuvent aujourd’hui, à l’aide      ainsi qu’un terreau fertile pour des start-
scientifiques peuvent former ce que             de leurs dispositifs intelligents, saisir et   up innovantes. Les petites entreprises
l’on appelle des « bras de contrôle syn-        transmettre leurs données de manière           n’ont pas le capital nécessaire pour réa-
thétiques. » Il y a encore une autre raison     décentralisée et autonome. Ces essais          liser de vastes essais cliniques et obte-
pour laquelle un écosystème de don-             cliniques décentralisés ont pris encore        nir ainsi les données dont elles auraient
nées de santé en réseau, dans lequel les        plus d’importance pendant la pandémie          besoin pour tester leurs idées et inno-
patient-e-s peuvent saisir et partager          (cf. encadré).                                 vations. Un tel système génèrerait
eux-/elles-mêmes leurs données, faci-                  Un écosystème de données en             donc en Suisse un accroissement des
lite les essais cliniques : au lieu de devoir   réseau représente donc un avantage             investissements dans la recherche et
                                                                                               de nouvelles créations d’entreprises
                                                                                               innovantes. Les patient-e-s en béné-
   Le rôle de la numérisation pendant la pandémie                                              ficieraient, car ils jouiraient d’un meilleur
   Pendant la pandémie, la numérisation et l’accès aux données structurées                     accès à une médecine de haute qualité.
   ont marqué fortement la qualité et la rapidité d’évolution du système de san-
   té. Alors que normalement, le développement et l’autorisation d’un vaccin                      Pour l’ensemble du système
   durent entre huit et dix ans, les chercheuses et chercheurs ont développé                     de santé : plus d’efficience et de
   un vaccin contre la COVID-19 en quelques mois, contribuant ainsi de ma-                                   pérennité
   nière décisive à la lutte contre la pandémie. Les vaccins n’ont pas été déve-
   loppés individuellement par les entreprises, celles-ci se sont regroupées et                Enfin, la pérennité de la santé publique
   ont échangé leurs données. Elles ont aussi collaboré étroitement avec les                   repose sur un écosystème de données
   autorités nationales d’homologation et partagé les données de leurs essais                  de santé ouvert. Cela commence par la
   cliniques pour garantir la sécurité et accélérer le processus d’autorisation. À             sécurité pharmaceutique, ce que l’on
   propos d’essais cliniques, pendant la pandémie, la valeur des infrastructures               appelle la pharmacovigilance. Plus on a
   numériques a fait ses preuves également dans d’autres domaines. Grâce à                     de données et meilleure est leur qualité,
   des méthodes décentralisées, les patient-e-s ont pu participer aux études                   plus il est facile et rapide d’évaluer les
   depuis leur domicile. Il a bien sûr fallu pour cela que les autorités d’homo-               médicaments et traitements déjà au-
   logation acceptent ces nouvelles conceptions numériques des études. Il                      torisés. Ce type d’écosystème accroît
   en va de même de l’utilisation de données en vie réelle. Si nous tournons                   la sécurité et la réactivité du système.
   notre regard vers l’avenir, les écosystèmes de données de santé numériques                  La pandémie a également montré que
   restent importants pour maîtriser la pandémie : les laboratoires qui ont dé-                les mesures sanitaires qui restreignent
   veloppé les vaccins ont besoin de données supplémentaires pour concevoir                    les libertés ne peuvent être propor-
   les prochaines générations de vaccins et assurer leur efficacité contre les                 tionnées que si elles sont prises sur la
   mutations. C’est pourquoi le monde entier bénéficie actuellement de l’appui                 base de données relatives aux conta-
   de pays qui disposent d’infrastructures de données modernes et intégrées,                   minations ou à la mobilité notamment,
   comme Israël, et qui sont capables de fournir ces données sous forme                        relevées par exemple à l’aide de l’appli-
   structurée. L’absence d’infrastructures en réseau a aussi montré quelles                    cation COVID-19.
   chances sont alors manquées, notamment en Suisse. La recherche aurait                             Un écosystème de données de
   eu des possibilités complètement différentes de développer de nouveaux                      santé opérationnel aurait un effet consi-
   traitements si elle avait pu, par exemple, relier systématiquement les don-                 dérable sur l’efficience des mesures
   nées sur les contaminations et l’évolution de la maladie avec les maladies                  de protection de la santé. Il assure la
   préexistantes des patient-e-s et leurs médicaments.                                         transparence des coûts, de la qualité et
                                                                                               des compétences clés. Actuellement, le

Interpharma Écosystème numérique de données de santé                   6
Les sondages montrent qu’il faut de l’information et un leadership politique
   Mais si nous avions un écosystème de données de santé, les Suisses-ses accepteraient-ils/-elles de partager leurs
   données de santé ? Dans un sondage de l’Université de Zurich, 60 % des personnes interrogées se sont déclarées
   prêtes à partager leurs données pour des objectifs sociaux. À la question de savoir qui devrait mettre en place une
   plateforme pour ce don de données, 54 % ont répondu la Confédération/les autorités, 33 % les institutions de recherche
   et 3 % l’économie privée. Dans un sondage financé par le Fonds national, 53 % des personnes interrogées se sont décla-
   rées prêtes à mettre leurs données de santé à la disposition de la recherche. Une enquête de gfs a abouti à des résultats
   légèrement différents : là encore, 57 % sont d’accord avec l’enregistrement électronique de leurs données, les règles
   étant pour cela très importantes. Mais 44 % seulement sont d’accord pour partager leurs données avec la recherche,
   contre 61 % l’année précédente, soit un recul considérable. Cela s’explique par le fait que de plus en plus de sondé-e-s
   ne se sentent pas suffisamment qualifié-e-s pour juger avec qui partager quelles données. Ce résultat souligne l’im-
   portance énorme de l’information sur la valeur des écosystèmes de données et de l’amélioration des compétences
   numériques. L’institut de sondages d’opinion Sotomo a également réalisé une enquête sur ce sujet. Elle montre que
   de nombreuses personnes sont encore indécises quant à la valeur de la numérisation dans le système de santé : 47 %
   pensent qu’elle amène le progrès, avec une tendance à la hausse, mais 47 % hésitent. Pour 70 % des personnes interro-
   gées, la confiance est le facteur principal qui justifie le partage des données, 62 % mentionnent le bénéfice personnel,
   44 % le bénéfice pour la collectivité. La confiance dépend largement des compétences en matière de sécurité des
   données (60 % d’approbation) et de la transparence des règles de protection des données (54 %). Les raisons les plus
   courantes d’être sceptique vis-à-vis du partage de données sont le risque de transmission ou de vol des données (67 %)
   et le risque de recevoir des conseils indésirables pour sa santé (48 %). Les aspects positifs sont un diagnostic plus pré-
   coce de maladies (67 %) et la possibilité de recevoir des conseils sur mesure pour sa santé (42 %).

   Sources : moniteur « Datengesellschaft und Solidarität» de Sotomo (2021) ; baromètre cybersanté de gfs.bern (2020) ;
   étude « Public willingness to participate in personalized health research and biobanking » de Caroline Brall et al. (2021) ;
   étude préliminaire «Datenkooperation CH / COVID 19 » de la fondation Risiko-Dialog, de l’Université de Zurich et de
   Swiss Data Alliance (2020)

système est orienté vers la facturation,
on n’examine que les entrées (l’input).            Transformation numérique du système
Une meilleure gestion permettrait d’uti-           de santé: la Suisse distancée
liser comme critère les résultats concrets
des traitements, l’output. En d’autres             Estonie
termes, les patient-e-s ne recevraient             Canada
et ne financeraient plus que des presta-           Danemark
tions qui améliorent vraiment leur état de         Israël
santé.                                             Espagne
                                                   Angleterre
La Suisse est à la traîne                          Suède
                                                   Portugal
                                                   Pays-Bas
Le bénéfice pour la société d’un éco-              Autriche
système de données de santé en ré-                 Australie
seau est considérable, c’est pourquoi              Italie
de nombreux pays investissent depuis               Belgique
longtemps dans sa mise en place et en              Suisse
bénéficient à présent. D’autres suivent,           France
par exemple l’UE qui encourage actuel-             Allemagne
lement fortement le développement de               Pologne
l’Espace européen des données de san-
té. Il n’y a qu’en Suisse que les choses                           0         20         40          60         80         100
n’avancent pas. Nous n’avons pas d’in-
frastructure en réseau opérationnelle              Source : Fondation Bertelsmann                 (Digital Health Index 2018)
qui permette d’utiliser les données de
santé. Tandis que des pays comme Is-
raël, avec ses infrastructures en réseau,      a été obligée de fermer sa plateforme     sur les contamination s ont été trans-
ont pu relever des données précieuses          de vaccination en raison de problèmes     mises par fax. Bien qu’un dossier électro-
sur l’efficacité des vaccins, la Suisse        techniques. Des données importantes       nique du patient (DEP) soit prévu depuis

Interpharma Écosystème numérique de données de santé                7
15 ans, il n’est à ce jour toujours pas mis          En d’autres termes, la Suisse est    les classeurs des acteurs. Et même si la
en œuvre ni utilisé dans toute la Suisse.      encore loin d’avoir un socle solide pour   disposition à partager était là, les pos-
Le Conseil fédéral a récemment fait état       un écosystème de données de santé.         sibilités techniques ou le savoir-faire
des défis à relever : les dossiers sont              Mais un DEP est loin d’être suffi-   font défaut. Certes, la population est
élaborés par les cantons de manière            sant pour un tel écosystème. D’autres      réticente à partager ses données et la
décentralisée, en utilisant différentes        étapes et processus doivent être nu-       votation sur les services d’identification
solutions, il n’y a pas de financement pé-     mérisés et les questions en suspens        électronique a mis en lumière l’impor-
renne et les processus de certification        élucidées. Un obstacle important sont      tance du rôle de l’État dans ce domaine.
sont complexes. La loi correspondante          à cet égard le fédéralisme et la frag-     Mais d’autres enquêtes montrent aussi
(LDEP) ne crée pas les conditions dont         mentation du système de santé, avec        que les Suisses-ses seraient prêt-e-s
on a besoin pour un écosystème opé-            à la clé de nombreuses solutions indi-     à partager leurs données de santé si,
rationnel. Enfin, la conception tech-          viduelles, incompatibles entre elles. Il   d’une part, l’État orchestrait le tout et
nique actuelle du DEP en tant que              manque en particulier dans le système      d’autre part un bénéfice clair en ressor-
stock centralisé de fichiers PDF est tout      des incitations au relevé et au partage    tait (cf. encadré sur les sondages).
bonnement désuète. Les données qu’il           des données, de sorte que de nom-
contient doivent être structurées de           breuses données restent stockées
manière à pouvoir être utilisées.              dans des silos non structurés ou dans

     Le pôle de recherche qu’est la Suisse perd de son attrait
     Part de brevets pharmaceutiques contenant des éléments numériques, en %

     2010                 2018

     		                                          0         1          2          3           4          5           6

     Région de la baie de San Francisco

     Région du grand Boston

     Singapour

     Tokyo

     Suisse

     Séoul

     Source : NZZ 		                                                            (sur la base de l’étude de BAK Economics)

Des comparaisons internationales               accès à des traitements meilleurs et       prenant des éléments numériques.
montrent combien la Suisse est en              qui supportent des coûts trop élevés,      Ces brevets sont en effet de plus en
mauvaise position pour ce qui est de la        mais il est également dramatique pour      plus souvent déposés à l’étranger.
numérisation de son système de santé.          la place de recherche qu’est la Suisse.    Les conséquences sont claires : si la
Dans le Digital Health Index de la fon-              Une étude de BAK Economics           Suisse ne rattrape pas son retard, les
dation Bertelsmann, elle n’arrive qu’en        met le doigt sur la transformation qui     investissements dans la recherche et
14e position sur 17. Ses principaux            a lieu dans l’industrie pharmaceutique     le développement auront bientôt lieu
problèmes sont l’absence de DEP                pratiquant la recherche : là aussi, les    dans d’autres pays. La Suisse ne sera
opérationnel et intégré, le fait que la        technologies numériques prennent de        pas un acteur de la transformation et
numérisation ne soit pas appréhendée           plus en plus d’importance. Tandis que      nous perdrons à long terme des em-
dans sa globalité et que les données ne        la Suisse a toujours des entreprises       plois, de la prospérité et notre accès
sont pratiquement pas partagées. Cet           très compétitives en général, elle perd    privilégié à la médecine innovante.
état de fait est très regrettable pour         du terrain pour ce qui est des dépôts
les patient-e-s, qui n’ont de ce fait pas      de brevets pharmaceutiques com-

Interpharma Écosystème numérique de données de santé                 8
Interpharma Écosystème numérique de données de santé   9
Aperçu des objectifs et des mesures proposés pour les différents champs d’action

                         Objectifs                                                                  Mesures

                         1) Gouvernance robuste pour l’utilisation des données de santé,             Mise en place d’une infrastructure
                         permettant aux acteurs un accès équitable et complet.                       de données de base (État/PPP)

                         2) Systèmes ouverts interopérables pour l’utilisation des données,          Développement de l’infrastructure
                         compatibles à l’échelon international.                                      (acteurs privés)
   Technique et
  infrastructure         3) Infrastructure nationale destinée aux données, appelée à
                         croître, permettant une utilisation transparente des données par
                         la recherche, la santé publique et les soins de santé.

                         4) Normes techniques et qualitatives uniformes pour les données,            Définition de normes qualitatives
                         l’infrastructure et l’utilisation des données, permettant la réalisation    techniques et éthiques communes
                         de systèmes interopérables d’échange de données en Suisse.                  (État et acteurs privés)

                         5) Les systèmes et ensembles de données suisses sont                        Élaboration d’un processus de
    Qualité et
     normes              compatibles à l’échelon international.                                      certification pour les infrastructures
                                                                                                     (État et acteurs privés)
                         6) Transparence sur la qualité des données et des applications
                         numériques telles qu’intelligence artificielle, apprentissage en
                         profondeur, algorithmes.

                         7) Élargissement des capacités de formation de scientifiques                Intégration systématique des
                         spécialisé-e-s dans les données de santé.                                   compétences numériques dans les cursus
                                                                                                     de formation initiale et continue (État)
                         8) Personnel spécialisé en nombre suffisant pour développer,
    Personnel            exploiter et utiliser les systèmes de manière productive.                   Formation de personnel spécialisé
    spécialisé                                                                                       dans les technologies de l’information
                                                                                                     appliquées à la santé (Health IT) et
                                                                                                     analyse des données (État et
                                                                                                     acteurs privés)

                         9) Les principaux acteurs participent activement à la fois à la             Assurer l’accès aux talents
                         mise en place d’une infrastructure commune de données de                    internationaux (État)
                         santé et à l’utilisation des données de santé.
                                                                                                     Favoriser l’évolution des mentalités :
                         10) La population a confiance dans le fait que les acteurs utilisent        le partage et l’utilisation des données
 Acceptation et
                         les données de santé de manière responsable et pertinente.                  deviennent la norme (État et acteurs privés)
  participation

                                                                                                     Impliquer les acteurs : entamer
                                                                                                     une discussion sur l’utilisation des
                                                                                                     données (État et acteurs privés)

                         11) Le cadre juridique favorise l’utilisation des données et protège        Investir dans des projets pilotes
                         les droits des personnes impliquées.                                        phares (acteurs privés)

                         12) La charge administrative liée à l’utilisation des données               Éliminer les obstacles juridiques qui
Règlementation           est minimale, et réduite ou automatisée par rapport à                       freinent l’utilisation des données (État)
 et incitations          aujourd’hui.
                                                                                                     Créer des incitations pour l’utilisation
                         13) Le remboursement et les incitations liés aux services de                des données (État)
                         santé numériques sont réglés dans le système de santé.

                         14) Le financement nécessaire à la mise en place d’une                      Assurer le financement initial (État)
                         infrastructure de données nationale est assuré.
                                                                                                     Investir dans l’innovation
                                                                                                     au service de l’écosystème de données
 Financement et                                                                                      de santé (acteurs privés)
investissements

Interpharma Écosystème numérique de données de santé                         10
Comment la Suisse
pourra-t-elle exploiter                            Ce que d’autres pays peuvent
son potentiel à l’avenir ?                         nous apprendre
La Suisse est certes nettement à la                Alors que la Suisse a pris du retard dans la numérisation du sys-
traîne dans la mise en place d’un éco-             tème de santé, d’autres pays ont accompli des progrès dans ce do-
système de données de santé, mais                  maine. Bien sûr, ils ne sont pas directement comparables à la Suisse :
son excellent système éducatif, ses                les pays centralisés comme le Danemark ont plus de facilité à prendre des
nombreux talents, sa recherche et son              décisions top-down qu’un pays fédéral comme la Confédération helvé-
industrie très compétitives lui offrent en         tique. Après la chute du rideau de fer, l’Estonie a par exemple pu mettre
réalité des conditions idéales pour en             en place son système de santé en partant quasiment de zéro. En Suisse en
assurer la mise en place. Peu d’autres             revanche, certaines structures du système de santé se sont développées
pays recueillent les données de san-               durant des dizaines d’années. En Scandinavie, une culture de confiance
té avec autant de soin et de détail. Mal           différente règne, dans laquelle les gens sont en général moins réticents à
structurées et reliées entre elles, elles          partager leurs données qu’en Suisse. Cependant, on peut citer quelques
ne peuvent toutefois actuellement pas              exemples intéressants.
être exploitées. Les pays en tête du
Digital Health Index montrent le potentiel         Finlande
que les données de santé offrent pour la           La Finlande dispose de l’un des écosystèmes de données de santé pourvu
société. Leur point commun est d’avoir             d’une infrastructure en réseau les plus développés au monde. Avec des
poursuivi cet objectif sous la direction           partenaires publics et privés, le ministère de la santé a mis en place une
des milieux politiques, en impliquant              plateforme de données centralisée (Kanta). Tous les acteurs concernés
systématiquement les acteurs concer-               ont accès par voie électronique aux registres de maladies, aux dossiers
nés, dans une stratégie globale et cohé-           de patients, aux ordonnances et à l’échange de données de laboratoires et
rente. Autrement dit, les mesures sont             d’imagerie. Cet accès est possible techniquement parce que les données
coordonnées entre elles et s’inscrivent            enregistrées sur Kanta ne sont pas une simple reproduction du dossier
dans les six champs d’action suivants.             du patient au format PDF, mais qu’elles sont analysées, mises en réseau
                                                   et reliées entre elles de manière à pouvoir être évaluées intelligemment.
 1. En coopération avec le secteur                 Pour éviter les abus, une autorité officielle appelée findata est chargée de
  privé, l’État doit construire une                surveiller l’accès au système. La Finlande dispose en outre non seulement
infrastructure en réseau : l’autoroute             d’une loi sur la protection des données, qui définit quelles données ne
        du système de santé                        doivent pas être partagées, mais aussi d’une loi sur l’utilisation des don-
                                                   nées. Celle-ci règle l’utilisation secondaire des données, ce qui est source
Un écosystème de données de santé est              de confiance et favorise en même temps l’innovation.
comparable à plus d’un titre au réseau
routier suisse. La valeur essentielle du           Canada
réseau routier est la mobilité, celle de           Le Canada ressemble à la Suisse par le fait qu’il s’agit d’un État fédéral. Les
l’écosystème de données est la santé.              autorités régionales de protection des données ont dégagé un consensus
L’écosystème de données a besoin lui               sur le traitement des données de santé par des tiers. Mais ce consensus
aussi d’une infrastructure de base, per-           est interprété de différentes manières dans les législations régionales. Les
mettant à chacun-e de saisir, de parta-            informations des dossiers régionaux des patients passent à l’échelon na-
ger et d’utiliser des données sous forme           tional dans plus de dix banques de données spécifiques à des maladies
numérique. Cette infrastructure de base            (par exemple le cancer ou le diabète). Toutefois, il n’existe pas de transfert
correspond à un bien public. Pour la               automatique à partir des systèmes régionaux.
construire, l’entretenir et la surveiller, il
faut une organisation qui orchestre le             Grande-Bretagne
tout. De même que la Confédération                 Le centre britannique Clinical Practice Research Datalink héberge, de l’avis
s’occupe des autoroutes et les cantons             des spécialistes, la plus grande banque de données de soins de santé pri-
des routes cantonales, il y a de nom-              maires au monde. C’est aussi la plus largement utilisée. Cette collecte de
breux arguments en faveur d’une res-               données remonte aux années 1980, lorsqu’une entreprise de logiciels pri-
ponsabilité de l’État pour l’infrastructure        vée mit gratuitement à la disposition des médecins de famille un système
de base de l’écosystème de données.                électronique de saisie des données de patient-e-s à condition que les
L’État jouit notamment de la confiance             médecins y saisissent les données anonymisées à des fins de recherche.
des usagers, comme l’a montré la vo-               Comme les coûts de cette initiative n’étaient pas couverts, une institution
tation sur les services d’identification           publique a repris la banque de données en 1990 et, depuis 2001, elle est
électronique.                                      rattachée à l’autorité du médicament.

Interpharma Écosystème numérique de données de santé                  11
Mais il n’est pas nécessaire que l’État
fasse tout, bien au contraire : pour les           L’infrastructure de données en tant que
technologies qui sous-tendent cette in-
                                                   coopérative
frastructure numérique de base de l’éco-
système de données de santé, il est sou-           La coopérative Midata a développé une plateforme sur laquelle les usa-
haitable qu’il coopère étroitement avec            gers peuvent télécharger et gérer eux-mêmes leurs données de santé. Les
des acteurs privés qui ont l’expérience et         exploitant-e-s de la plateforme garantissent la sécurité et proposent un
le savoir-faire dans la mise en place et la        consentement progressif à l’utilisation des données (dynamic and granular
gestion de plateformes de ce type. Les             consent management). Ainsi, les propriétaires des données peuvent
administrateurs de la plateforme Midata            décider librement de la mise à disposition de leurs données sous forme
disposent par exemple du savoir néces-             anonymisée. Pour ouvrir un compte sur Midata, on peut participer à l’un des
saire pour gérer les données de santé              projets thématiques, par exemple Ally Science, un projet sur les allergies aux
personnelles (cf. encadré).                        pollens qui indique aux allergiques de manière personnalisée, basée sur les
       Le DEP constitue une voie possible          données, dans quelles régions le risque est particulièrement élevé pour eux.
pour créer une infrastructure de base, les         Ou encore le projet Corona Science sur la pandémie actuelle.
registres de maladies en sont une autre.
Mais pour que le système fonctionne, il            Source : www.midata.coop
faut que ces voies puissent être systé-
matiquement reliées entre elles, faute de
quoi elles forment des sens uniques. Ce
point est important : la valeur de l’éco-          Le SPHN crée des normes communes
système de données de santé s’accroît              Le Swiss Personalized Health Network (SPHN) a pour but « le développe-
de manière exponentielle à mesure que              ment d’infrastructures pour faciliter l’utilisation et l’échange des données de
les voies qu’il contient sont connectées,          santé pour la recherche ». Il est soutenu financièrement par le Secrétariat
car les données peuvent chaque fois être           d’État à la formation à la recherche et à l’innovation SEFRI. Le SPHN met en
mieux agrégées. Nous posons ainsi le               place un réseau au sein duquel les acteurs (pour le moment, essentiellement
troisième critère de gouvernance solide            cinq hôpitaux universitaires) se mettent d’accord sur des normes de qualité et
de l’écosystème de données de santé,               de gouvernance communes, structurent les données en conséquence et les
qui s’ajoute à ceux de l’orchestration et          rendent ainsi accessibles à la recherche. Dans le cadre d’un nouveau projet en
de la technologie : il faut des règles et          partenariat avec les EPF, le SPHN vise désormais le développement d’une
des normes uniformes, qui dictent sous             infrastructure de données nationale.
quelle forme et à quel degré de qualité
les données doivent être structurées.              Source : www.SPHN.ch
Mais ces règles doivent aussi être des
règles éthiques, qui précisent les com-
portements à respecter dans la gestion         les usagers se conforment à des règles         communes soient respectées, des
des données sensibles.                         obligatoires et librement consenties ; là      certifications efficaces des différentes
       En même temps, il ne suffit pas         encore, on peut rappeler la métaphore          voies et systèmes sont nécessaires.
que les voies soient connectées uni-           de la circulation routière. Il faut des
quement en Suisse. Le but doit être            conditions communes à la gestion               3. Il faut des talents et du personnel
que l’écosystème suisse de données             responsable des données et aux                         spécialisé : renforcer les
de santé puisse être un jour relié à des       normes techniques et qualitatives                   compétences en matière de
initiatives internationales, comme par         applicables au recueil, à la struc-                            données
exemple l’Espace européen des don-             turation et à la saisie des données.
nées de santé, actuellement en cours           Le premier point est nécessaire pour la        Pour que le système fonctionne sans
de développement, et qu’il permette            confiance : les données de santé sont          heurts, il faut des gens disposant des
ainsi l’échange au-delà des frontières.        extrêmement sensibles, il faut donc            compétences nécessaires pour en-
       À partir de l’infrastructure de base,   qu’elles soient protégées et traitées en       tretenir et exploiter le système, et bien
des acteurs privés peuvent, eux aussi,         conséquence. Le cryptage des don-              sûr pour l’utiliser. Les compétences
développer leurs propres infrastruc-           nées de santé est un élément impor-            numériques et la capacité à traiter des
tures et voies qui complètent et vivifient     tant du système. Le deuxième point est         données sont des compétences clés
l’écosystème.                                  important pour l’interopérabilité. Si les      qui doivent faire partie intégrante de
                                               données ne sont pas recueillies selon          tous les programmes d’enseignement
2. Il faut des normes communes de              des normes minimales communes de               et de formation. De même, dans le sys-
     responsabilité et de qualité :            qualité et dans des formats compa-             tème de formation dual, les entreprises
 un système de données de santé                tibles, il n’est pas possible de les relier.   doivent continuer à s’investir et à offrir
      ouvert doit avoir des règles             Comme mentionné au premier point,              à leur personnel la possibilité d’acqué-
                                               il convient d’harmoniser ces normes à          rir et de renforcer des compétences
Un écosystème de données de santé              l’échelle internationale.                      numériques en cours d’emploi. Pour
commun ne peut fonctionner que si                    Pour assurer que les normes              qu’un écosystème de données de san-

Interpharma Écosystème numérique de données de santé                   12
té florissant puisse naître en Suisse,
il faut que notre pays continue à être             Les données de santé doivent être et sont
aussi ouvert que possible aux talents
                                                   particulièrement bien protégées :
internationaux.
                                                   le/la patient-e doit en garder le contrôle
  4. Il faut une acceptation et une                Les données de santé sont particulièrement sensibles et doivent donc être
 participation : le don de données                 traitées avec la plus grande prudence au sein d’un écosystème de don-
     est le nouveau don de sang                    nées de santé en réseau. Si les données sont structurées, la technique per-
                                                   met aussi de les crypter et de les protéger correctement. L’important est
Un écosystème de données de santé en               la confiance de la population dans le système. Pour cela, il faut, outre les
réseau a besoin de la participation de             règles de protection des données rigoureuses de la Suisse, reconnaître
chacun-e pour pouvoir déployer plei-               que, pour les chercheuses et chercheurs, et donc aussi pour les entreprises
nement ses avantages. Il faut qu’une               pharmaceutiques, l’accès à des données anonymisées de haute qualité est
culture du partage des données se                  un point essentiel de ce système. En effet, cela permet de les regrouper en
développe chez les détenteurs et les               ensembles analysables. Peu importe de qui les données proviennent, il faut
utilisateurs de données. Les données               donc empêcher toute possibilité de retraçage. Pour que les individus fassent
insufflent vie au progrès médical, af-             confiance au système, il est aussi important qu’il assure leur autonomie,
firme le professeur Elgar Fleisch de               c’est-à-dire qu’il leur permette de décider ce qu’il advient de leurs données.
l’EPF de Zurich. Selon lui, le partage             Cela aussi est déjà techniquement possible, comme le montrent des plate-
des données est aussi indispensable au             formes modernes comme la coopérative suisse Midata, où chacun-e peut
système que le don de sang. Plus nom-              partager ses données, mais personne n’y est obligé.
breuses seront les personnes qui en ont
conscience et qui mettent leurs don-
nées de santé à disposition sous une               5. Il faut un cadre juridique                    Enfin, des accords internationaux
forme anonymisée et agrégée, plus les           constructif : favoriser les incitations       doivent assurer que les systèmes soient
bénéfices seront nombreux pour la so-                   et clarifier les droits               compatibles au-delà des frontières,
ciété. Pour que cette attitude s’impose,                                                      de manière à permettre l’échange de
il faut largement informer sur la valeur       L’utilisation de données a besoin d’un         données et la collaboration des cher-
et les limites du partage de données.          cadre juridique qui la favorise. Il faut sa-   cheuses et chercheurs à l’échelle
Les citoyen-ne-s et les patient-e-s            voir clairement quelles données peuvent        internationale, dans le respect des
doivent être informé-e-s activement,           être partagées et dans quelles con-            normes suisses relatives à la protection
et de manière précise, du fait qu’ils et       ditions. Il faut donc d’une part éliminer      des données.
elles peuvent partager leurs données           les blocages juridiques inutiles et clari-
en signant un consentement général et          fier l’utilisation autorisée des données.       6. Il faut un financement pérenne
des avantages qui en résultent pour eux        Par exemple, la LDEP n’interdit pas ex-
et pour la société. Cette évolution des        plicitement l’utilisation des données par      La mise en place d’un socle pour un
mentalités doit avoir lieu chez tous les       la recherche, mais elle ne la règle pas        écosystème de données de santé im-
acteurs impliqués, pas seulement les           non plus. Ce flou juridique empêche            plique des coûts initiaux et des coûts
patient-e-s. D’autres organisations qui        de partager les données. Il faut aussi         d’entretien. Comme exposé au pre-
collectent des données, par exemple            vérifier comment modifier les respon-          mier point, ce socle ressemble à plus
les hôpitaux, les universités et les en-       sabilités dans la LDEP pour permettre          d’un titre à un bien public, comparable
treprises, doivent être prêtes à aban-         le fonctionnement d’un écosystème              aux autoroutes. C’est pourquoi il est
donner leur pensée cloisonnée, pour            de données de santé. Mais un élément           important que les pouvoirs publics ap-
accorder plus d’importance au bien             encore plus important est qu’il faut des       portent les ressources nécessaires à la
commun et, pour ce qui est des don-            incitations juridiques à la saisie et à la     construction de ce socle. De même que
nées, pour accorder la primauté à la           gestion structurées des données de             pour l’autoroute, cela ne veut pas dire
qualité avant la quantité.                     santé. En effet, cela représente un travail    qu’il doive ensuite être fourni gratuite-
        Pour cette évolution des mentali-      considérable. Il faut donc de nouvelles        ment. On peut imaginer de prélever des
tés, il faut, dès le départ, un vaste débat    incitations au niveau de la rétribution        taxes d’utilisation de l’infrastructure de
sur la structure et la valeur du système.      des prestations des hôpitaux et des mé-        base. Mais le financement pérenne de
Cette démarche est indispensable pour          decins qui ne peuvent actuellement pas         l’écosystème de données de santé re-
obtenir le soutien des groupes d’intérêts      facturer ce travail. En outre, il convient     couvre plus : structurer et gérer les don-
concernés. De plus, il faut des exemples       de compenser de manière adéquate               nées est une lourde tâche. Les acteurs
de projets pilotes phares entre ac-            les investissements des acteurs privés         de l’écosystème de données de santé
teurs du système de santé qui illustrent       dans la structure et la gestion des don-       doivent donc investir dans la techno-
concrètement le bénéfice apporté par           nées. De manière générale, on peut se          logie, ainsi que dans la formation et
un écosystème de données de santé.             demander si une gouvernance robuste            l’emploi de personnel spécialisé. S’il
                                               des données de santé ne demanderait            s’agit d’organisations publiques, la
                                               pas en Suisse une loi sur l’utilisation des    balle est, là encore, dans le camp de
                                               données bien conçue.                           l’État. L’Allemagne, par exemple, a

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