La communauté internationale - Hypotheses
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Lundi 27 juillet 2020 Numéro Hors-Série DE LA COMMUNAUTE EDUCATIVE INCLUSIVE LA GAZETTE DE L’ISP-FACULTE D’EDUCATION EN TEMPS D’EPIDEMIE La communauté internationale EDITORIAL DU COMITE DE REDACTION Après cinq numéros de la gazette, diffusés de mars à juillet 2020, initiée en plein confinement, il nous a paru naturel de sortir un numéro hors-série pour cet été. Pour ce numéro, nous avons demandé à trois collègues chercheures de témoigner de la situation pandémique dans leur propre pays. Nous avons choisi des collègues spécialistes de la santé et de l’éducation, avec lesquelles nous travaillons et dont les pays pouvaient avoir des difficultés à gérer la crise sanitaire et pouvaient proposer des solutions locales et culturelles spécifiques. Les trois femmes, que nous avons invitées, exercent plusieurs métiers en même temps. Elles sont chercheures-enseignantes-éducatrices, même soignantes, et font partie de ces personnes « invisibles » des médias, mais dont les actions d’écriture, de recherche, de prévention participent au réseau d’entraide, de solidarité et d’éducation. Nous avons donc convié pour le Brésil Denise De Santa’Anna pour tous ses travaux sur la santé et le corps, pour ses liens étroits avec la France et l’Europe et les problématiques vécues par son pays. Il nous paraissait important d’avoir des nouvelles et le regard de la chercheure Lucia Martinez-Moctezuma pour le Mexique et la manière de gérer la crise sanitaire, économique et sociale. Parce que nous avons eu peu d’informations concernant l’Afrique pendant cette période de pandémie, nous avons proposé à Corinne Oloa Tessier, de nous faire part de son témoignage et de ce qu’elle avait mis en place au Cameroun et au Congo et comment sa posture de chercheure en éducation et en santé lui permettait de développer des actions de solidarité et d’avoir un regard réflexif sur ces actions et la pandémie. Notre collègue scientifique Alain Schmitt s’est prêté à l’exercice de faire un état des lieux de la pandémie. Cet état des lieux vertigineux nous rappelle la présence persistante du coronavirus dans le monde. Pour cette période de détente, vous retrouverez les mots-croisés coronavirus de l’été, un roman-photo du confinement-déconfinement et une partie de la bibliographie de nos collègues pour vous documenter. Très bonne lecture estivale et rendez-vous à la rentrée pour d’autres aventures et d’autres thèmes d’actualités.
Table des matières EDITORIAL DU COMITE DE REDACTION ............................................................................................ 1 LA VEILLE SANITAIRE DU BIOLOGISTE ALAIN SCHMITT......................................................................... 3 État des lieux de la propagation du coronavirus dans le monde ............................... 3 L’ERE DU CORONAVIRUS AU BRESIL .............................................................................................. 13 L’autonomie à l’époque de la pandémie.................................................................... 13 L’ERE DU CORONAVIRUS AU MEXIQUE ......................................................................................... 16 L’écart social rejoint l’écart numérique ....................................................................... 16 L’ERE DU CORONAVIRUS AU CAMEROUN ET AU CONGO ................................................................. 21 Comment faire face en période de Coronavirus Desease 2019 (COVID-19) ? Prévention et entraide au Cameroun ........................................................................... 21 Annexes ........................................................................................................................... 30 MOTS-CROISES CORONAVIRUS .................................................................................................. N° 1 Comment faire communauté en temps d’épidémie 38 ? ROMAN-PHOTO DU CONFINEMENT-DECONFINEMENT ..................................................................... 39 REFERENCES DES AUTEURS .......................................................................................................... 41 Articles ............................................................................................................................. 41 Ouvrages ......................................................................................................................... 41 Dossier.............................................................................................................................. 41 Thèses .............................................................................................................................. 41 SOLUTION DES MOTS-CROISES CORONAVIRUS ............................................................................... 42 COMITE DE REDACTION DE LA GAZETTE......................................................................................... 42 POUR NOUS SUIVRE SUR TWITTER .................................................................................................. 42 27 juillet 2020 Page 2
LA VEILLE SANITAIRE DU BIOLOGISTE ALAIN SCHMITT Alain Schmitt est biologiste, docteur en hématologie, ingénieur de recherche à l’INSERM où il dirige un laboratoire de microscopie électronique. Il enseigne à l’ISP- Faculté d’éducation en sciences et technologies en Licence sciences de l’éducation. N° 1 Comment faire communauté en temps d’épidémie ? État des lieux de la propagation du coronavirus dans le monde “By this fall, the number of American dead as a result of COVID-19 will equal TWICE the number of Americans killed in the Vietnam War”1 Pour ce hors-série de la Gazette, nous allons faire un petit tour du monde de la pandémie. En cette fin juillet, on estime que plus de 14 millions de personnes auraient contracté le virus dans le monde. Plus de la moitié sont considérées comme rétablies, et il y a eu plus de 580 000 décès. Les confinements ont réussi dans l’ensemble à enrayer les contaminations, mais dans le même temps ont donné un coup d’arrêt à l’économie des États. Avant de lire les articles plus complets sur le Brésil, le Mexique et le Cameroun, voici en quelques instantanés, à l’aide de l’actualité diffusée sur internet, l’état du monde, alors que la pandémie continue depuis plusieurs mois. 1 Stephen King sur son compte twitter https://twitter.com/StephenKing, le vendredi 24 juillet 2020. 27 juillet 2020 Page 3
En Europe, malheureusement, après avoir assoupli les mesures sanitaires afin de permettre à l’activité économique de reprendre, de nombreux pays sont contraints de les rétablir. C’est le cas en Allemagne, où malgré sa bonne gestion de la maladie, vont apparaitre des mesures de confinement durcies au niveau local en cas d’apparition d’un pic de contamination. Gouvernement et Etats régionaux se sont entendus pour que des interdictions de sortie soient décrétées au niveau de zones géographiques limitées pour les habitants qui seraient reconfinés après l’apparition d’un foyer de Covid-19. La France a, tout comme ses partenaires européens, ouvert ses frontières aux ressortissants de l’Union européenne. Les gestes barrières ne sont cependant pas abandonnés : l’obligation de porter un masque dans tous les lieux clos ouverts au public, en particulier les commerces, devait être effective à partir du 1er août mais l’apparition de signaux de reprises de l’épidémie, notamment en Mayenne et en région parisienne, a fait avancer la date. En Espagne, pays très touché par la pandémie, la région de Catalogne avait ordonné samedi 3 juillet le confinement de quelques 200 000 habitants autour de la ville de Lerdia en raison d’un regain de contagion. Les regroupements de plus de dix personnes étaient interdits, etN°les 1 Comment faire visites dans lescommunauté maisons de en temps d’épidémie retraites ? suspendues. L’Italie, autre foyer important de la Covid19, n’est pas non plus hors de danger. À Mondragone, près de Naples, près de 700 personnes ont reçu l’ordre le 22 juin de se confiner sur leur lieu de résidence. Il s’agit pour la plupart de Bulgares employés dans le secteur agricole, qui ont été confinés après la découverte de 43 cas de contamination parmi eux. Occupant illégalement un complexe de cinq immeubles, ils ont reçu l’ordre de rester confinés sur place une quinzaine de jours, alors que des tests de dépistage sont en cours dans tout le quartier. Dernier des pays les plus atteints, la Belgique n’a pas vu les mesures de confinement totalement disparaitre. Aucun événement de masse ne pourra être organisé avant le 31 août, ce qui aura des conséquences sur le sport belge, à commencer par le football et le cyclisme. Les discothèques et boîtes de nuits ne peuvent pas encore rouvrir. Les grands événements (par exemple les festivals) ne sont pas encore autorisés. La Belgique est désormais dans la phase trois du déconfinement depuis le 8 juin qui consiste en un important assouplissement des règles jusqu’alors en vigueur puisque désormais, « la liberté devient la norme et les interdits, l’exception ». Voyons un peu pour les pays dont on a moins parlé en Europe : Le royaume du Danemark, dès le 25 juin avait autorisé ses ressortissants à voyager dans les pays ayant un taux de contamination inférieur à 20 pour 100 000 habitants. La Suède cependant reste interdite d’accès. Les matchs de football ont repris et les 27 juillet 2020 Page 4
supporters peuvent accéder aux stades s’ils conservent la distance de sécurité d’un mètre. La finale de la Coupe du Danemark a été interrompue près d’un quart d’heure mercredi 3 juillet pour cause de supporters rebelles refusant de respecter les règles de distanciation sociale imposées à l’intérieur du stade pour lutter contre la propagation du nouveau coronavirus, a indiqué la police. Le match a repris après 14 minutes. Depuis jeudi 7 juillet, le port du masque est à nouveau recommandé dans certaines circonstances, notamment en cas de soupçon de contamination au nouveau coronavirus. La Norvège a décidé d’ouvrir ses frontières le 15 juillet aux touristes de la plupart des pays européens où le niveau d’infection au Covid-19 est jugé « satisfaisant », et dont fait partie la France, a annoncé le gouvernement norvégien. L’entrée sur le territoire norvégien - hors de l’UE mais membre de l’espace Schengen de libre circulation des personnes - est actuellement limitée pour la plupart des non-résidents qui doivent observer une quarantaine de dix jours à leur arrivée. Et, s’ils ne sont pas formellement interdits, les voyages à l’étranger sont soumis à la même obligation de quarantaine, rédhibitoire, au retour. Seuls quelques nouveaux cas de coronavirus sont recensés chaque jour en Norvège, où l’épidémie a fait au total 254 morts (au 17 juillet). En Suède, qui a opté pour une approche plus souple, la Covid-19 connait des courbes de contamination journalière encore très élevées (et 5 593 morts au 17 juillet). N° 1 Comment faire communauté en temps d’épidémie ? La Suisse a amorcé le déconfinement le 22 juin. Mais depuis le 6 juillet, face à une recrudescence de contaminations, le port du masque est devenu obligatoire dans les manifestations et les transports publics. Les voyageurs en provenance de 27 pays considérés à risque (dont l’Afrique du Sud, l’Arménie, le Brésil ou la Russie) doivent se mettre en quarantaine. La Bulgarie, qui avait imposé un confinement dès le 8 mars, se félicitait d’être un des pays d’Europe les moins touchés par la pandémie. Avec la levée rapide des restrictions depuis la fin mai, la situation s’est cependant détériorée, plus de 100 nouvelles contaminations quotidiennes étant enregistrées en moyenne ces derniers temps (fin juin) contre 20 à 40 pendant le confinement. Le port du masque est redevenu obligatoire depuis le 10 juin. Très prudent dans sa gestion de la crise, le Portugal a quelque peu assoupli ses règles de confinement avant de décider l’interdiction des rassemblements de plus de dix personnes et la fermeture des cafés et commerces dès 20h00, à partir du 23 juin. Dans la région de Lisbonne, un nouveau confinement depuis le 1er juillet a fait rester chez soi 700.000 habitants d’une vingtaine de quartiers, pour au moins deux semaines. Le Royaume-Uni a eu une politique de confinement un peu tardive par rapport aux autres pays. Lundi 15 juin, tous les commerces, les centres commerciaux et 27 juillet 2020 Page 5
partiellement les lieux de cultes ont été autorisés à rouvrir en Angleterre. Mais alors que les pubs, les salons de coiffure avaient été autorisés à accueillir à nouveau la clientèle, le 29 juin, le gouvernement a annoncé un durcissement du confinement à Leicester, avec notamment la fermeture des magasins non essentiels. Les pubs, bars, restaurants, hôtels, musées et coiffeurs, d’Angleterre, ont rouvert le 4 juillet et la distance recommandée entre deux personnes est réduite de deux mètres à un mètre. Le port du masque devient obligatoire dans tous les magasins en Angleterre à compter du 24 juillet. C’était déjà le cas en Ecosse. Voici pour l’Europe en ce mois de juillet, entre soulagement, reprise timide, et peur de la deuxième vague. Une peur qui imprègne encore la vie de tous les jours. Comment cela se passe-t-il dans les pays les plus proches du début de l’épidémie ? Allons faire un petit voyage en Asie. Depuis janvier, la Thaïlande n’a enregistré que 3 239 cas et 58 décès (au 17 juillet) et se félicitait d’avoir contenu la pandémie. Le royaume, qui n’a enregistré aucun cas de contamination locale depuis 50 jours, avait rouvert timidement son espace aérien début juillet et laissé entrer certains groupes de visiteurs étrangers, triés sur le volet, dans l’espoir de relancer une économie exsangue après 3 mois de bouclage total. Mais tous les vols entrants sont désormais suspendus, N° 1 Comment après l’entrée faire communauté le 10 en temps juillet d’un d’épidémie ? groupe de soldats égyptiens à l’aéroport militaire de U-Tapao, à 150 km au sud de Bangkok, sans avoir subi de test à leur arrivée. Ils étaient censés rester en quarantaine dans un hôtel, mais l’un d’eux est sorti pour aller faire du shopping, avant d’apprendre plus tard qu’il était porteur du virus. Dans les Philippines, la pandémie a été l’occasion de favoriser l’autoritarisme du président, qui a demandé aux forces de l’ordre d’abattre toute personne à l’origine de troubles dans les régions placées en confinement en raison de la pandémie de coronavirus. Des propos qui ont ensuite été tempérés par des responsables philippins. Depuis la mi-mars, des mesures de confinement avaient été imposées sur l’Ile de Luzon, où se situe Manille. Au total, 60 millions de Philippins ont été confinés. Après six semaines de déconfinement, le pays a constaté une accélération de l’épidémie. À la suite d’un réajustement statistique, le pays est passé d’une moyenne de 10 morts par jour à 267 morts le lundi 13 juillet. Plusieurs villes ont été remises en quarantaine, dont les 250.000 habitants de Navotas, dans la banlieue de Manille. En Chine, la province chinoise de Hubei et sa capitale Wuhan, berceaux de l’épidémie de Covid-19, ont été coupées du monde depuis fin janvier. Le confinement a été levé le 7 avril. Mais début juillet, la mairie a immédiatement réimposé un confinement à 70 quartiers résidentiels parmi les 7000 de la ville. Les restrictions aux déplacements ont été allégées le 14 mars pour les plus de 50 millions 27 juillet 2020 Page 6
d’habitants. Un nouveau foyer a été découvert au Xinjiang, vaste région du nord- ouest du pays où vit notamment la minorité musulmane ouïghoure. Au moins cinq nouveaux cas de nouveau coronavirus ont été découverts à Urumqi, la capitale régionale, le 15 juillet. Résultat, la métropole de 3,5 millions d’habitants a fait fermer son métro, tandis que les liaisons aériennes ont été drastiquement réduites le 10 juillet. Hong Kong a à nouveau fermé les bars, les salles de sport et les salons de coiffure depuis le 15 juillet. Les rassemblements de plus de quatre personnes ont été interdits. L’Inde compte depuis vendredi plus d’un million de cas déclarés de Covid-19 et plus de 25 000 morts de la maladie. Les autorités locales multiplient les reconfinements dans plusieurs États, du nord au sud du pays, pour tenter de contenir la propagation du virus. L’État indien du Tamil Nadu, région du Sud de l’Inde, a ordonné lundi 15 juin le reconfinement de l’agglomération de Chennai en raison de la virulence de l’épidémie du coronavirus. Depuis le 15 juillet c’est au tour de la province du Bihar, dans le nord-est de l’Inde de se reconfiner. A Patna, la capitale de cet état de 125 millions d’habitants, des milliers de personnes se sont rués dans les magasins la veille de la proclamation de ce reconfinement, faisant fi des règles de distanciation sociale. Le 14 juillet, c’était au tour de la capitale du Karnataka au sud de l’Inde, Bangalore avec ses 8 millions d’habitants, N° 1 Commentd’être reconfinée pour faire communauté uned’épidémie en temps semaine au? moins. Après plusieurs mois d’arrêt, en raison de l’épidémie de Covid-19, les activités sportives reprennent prudemment au Japon, avec, en ligne de mire, les Jeux olympiques de Tokyo en 2021. Il n’est plus question d’annuler des compétitions. A Tokyo, le tournoi estival de sumo a été maintenu. Programmé du 19 juillet au 2 août, il se déroule au stade Kokugikan, avec un public limité au quart de la jauge habituelle. Le championnat professionnel de base-ball, sport le plus populaire du Japon, a repris le 16 juin. Pour ce qui est du football, le championnat a commencé le 4 juillet. La résurgence de l’épidémie de Covid-19 a cependant conduit le gouvernement à reporter au 31 août la suppression, initialement fixée au 1er août, de la limite à 5 000 du nombre de spectateurs. Confirmant l’inquiétude croissante, le gouverneur de Tokyo, a publiquement exhorté les habitants de la capitale à éviter toute sortie inutile, après avoir porté le niveau d’alerte sanitaire au plus haut niveau. L’alarme intervient en même temps que le lancement d’une série massive d’incitations pour augmenter le tourisme intérieur, sévèrement critiquée par la population pour la possibilité de devenir un vecteur supplémentaire de contagion dans tout le pays. Enfin, pour terminer ce tour de l’Asie, le cas de la Corée du Sud. Pays le plus touché par l’épidémie après la Chine, où elle était apparue, la Corée du Sud était parvenue à l’endiguer pour affronter maintenant une hausse des contaminations. Il 27 juillet 2020 Page 7
faut dire que les autorités sud-coréennes étaient parvenues à maîtriser la situation au travers d’une stratégie très poussée de tests et de traçage des contacts des personnes infectées, sans même imposer de confinement obligatoire. Les consignes de distanciation sociale avaient cependant été assouplies après les vacances de début mai et le pays avait globalement retrouvé un fonctionnement normal. Pourtant, le pays a reconnu mardi qu’il luttait depuis mi-mai contre « une deuxième vague » de coronavirus, avec entre 35 et 50 nouveaux cas répertoriés chaque jour, essentiellement à Séoul et ses environs, une zone qui concentre la moitié de la population du pays. Des mesures de distanciation sociale ont été réimposées fin mai après l’apparition de ces nouveaux foyers de contamination. Le maire de Séoul a averti lundi que des mesures beaucoup plus strictes seraient prises dans sa ville si le nombre de contaminations y était supérieur à 30 trois jours de suite. Mardi, six ont été dénombrés. Car si la capitale ne parvenait pas à endiguer la vague actuelle, le total de nouveaux cas journaliers pourrait être de 800 d’ici un mois, a-t-il dit. Le Moyen-Orient souffre particulièrement de l’épidémie Israël a instauré le confinement à partir du 17 mars et fermé ses frontières à tous les étrangers, à l’exception des résidents. Tousfaire N° 1 Comment lescommunauté voyageurs en entemps provenance d’épidémiede ? l’étranger doivent effectuer une quarantaine à leur domicile. Le port du masque et la distanciation sociale de 2 mètres sont également obligatoires. Depuis le 17 juillet, Israël rétablit un confinement partiel. Les salles de sport sont à nouveau fermées. Les restaurants devront se limiter aux livraisons. Si aucune restriction de mouvement n’est prévue pour les personnes qui souhaitent sortir de chez elle, selon le communiqué, les plages seront toutefois fermées tous les week- ends à partir du 24 juillet. À partir de vendredi, les rassemblements sont également limités à dix personnes dans les lieux clos et vingt dans les lieux en plein air, à l’exception des lieux de travail qui ont reçu une autorisation et des familles. Les déplacements sont interdits en Irak, selon une décision de la cellule de crise chapeautée par le ministère de la Santé prise mi-mars. Les autorités ont aussi fermé aéroports, frontières, universités, centres commerciaux, restaurants et chantiers. C’est surtout la situation du système de santé, exsangue, qui met en péril le pays. Les personnels soignants et les médecins ne sont pas payés et sont à bout de force. L’Irak connait 86 148 cas confirmés de Covid-19 dont 3 522 morts au 17 juillet 2020. Le 21 juin l’Arabie Saoudite avait amorcé un déconfinement. Outre la levée totale du couvre-feu et la réouverture des commerces décidées par les autorités, la Commission générale dédiée aux médias audiovisuels a de son côté annoncé la réouverture des cinémas, à condition que les règles de distanciation sociale soient respectées. Le 3 juillet le ministre saoudien de la Santé annonçait que le royaume 27 juillet 2020 Page 8
avait franchi le cap des 200.000 contaminés au nouveau coronavirus, à quelques semaines du début du hajj, le grand pèlerinage de La Mecque. Par conséquent, l’Arabie Saoudite a annoncé qu’elle n’accepterait que 1 000 fidèles vivant sur son territoire pour le hajj prévu fin juillet. Les vols internationaux de et vers le pays sont suspendus. Le Liban a été reconfiné quatre jours, entre les 13 et 17 mai, après une augmentation des cas de Covid-19. Le ministre de la Santé avait recommandé en début de semaine de nouvelles règles pour contenir la propagation du coronavirus, comme l’isolement de toute personne contaminée dans des centres équipés à cet effet, si elle ne respectait pas les mesures de quarantaine à domicile. Après avoir imposé à la mi-mars des mesures de confinement et annoncé la fermeture de son aéroport, le Liban a progressivement allégé ce dispositif. Restaurants, bars, salles de sport et piscines ont été autorisés à rouvrir, tout comme l’aéroport début juillet. Mais confronté à un relâchement généralisé, le gouvernement appelle régulièrement les Libanais à la prudence, alors qu’avec l’été, plages et bars sont de nouveau bondés. Curieusement, les pays d’Afrique semblent avoir été relativement épargnés en nombre de mort. Mais ce n’est pas pour cela que cela se passe bien. Le Maroc a accéléré son déconfinement avec la réouverture des cafés, restaurants, hôtels et salles de sport ainsi quefaire N° 1 Comment la reprise du tourisme communauté intérieur en temps et des d’épidémie ? déplacements interurbains. Mais depuis le 13 juillet Tanger est à nouveau reconfinée suite à une recrudescence des contaminations. Les transports publics sont suspendus, les cafés, centres commerciaux, marchés et espaces publics fermés, et les contrôles renforcés, afin que les habitants ne quittent leurs domiciles qu’en cas de nécessité extrême, a indiqué le ministère de l’Intérieur dans un communiqué : les frontières du Royaume demeurent cependant fermées « jusqu’à nouvel ordre », sauf pour les Marocains bloqués à travers le monde et les résidents étrangers au Maroc, autorisés à revenir dans le royaume à partir du 14 juillet. Une demi-douzaine de villes restent soumises à des restrictions en raison de l’apparition épisodique de foyers épidémiques, principalement en milieu professionnel. Le port du masque est obligatoire partout, sous peine de sanctions. En Algérie, le gouvernement a prolongé ses strictes mesures de confinement jusqu’au 13 juin dans 44 des 48 wilayas (préfectures) du pays. Le confinement est totalement levé dans les quatre autres préfectures, dont trois dans l’extrême sud désertique. Ces mesures se traduisent par un couvre-feu de 17h00 à 07h00 (16h00- 06h00 GMT) dans les neuf wilayas les plus touchées, dont Alger et Oran, et de 14h00 à 07h00 dans les autres. Un couvre-feu est en place désormais dans 29 des 48 préfectures du pays. 27 juillet 2020 Page 9
L’Afrique du Sud a commencé le 1er mai à alléger avec précautions le confinement qui a permis depuis cinq semaines de ralentir la progression de la pandémie de coronavirus. Un million et demi de personnes ont été autorisées à reprendre le travail, sous stricte protection sanitaire, dans des secteurs comme le bâtiment, le textile ou la maintenance. Mais l’essentiel des restrictions est resté en place. Face à l’augmentation des cas, un couvre-feu entre 21h00 et 4h00 est à nouveau instauré dans tout le pays depuis le 13 juillet. Le président de la République du Congo a annoncé jeudi 30 avril la prolongation jusqu’au 15 mai du confinement pour enrayer la propagation du coronavirus. La fermeture des frontières et l’isolement des deux principales villes, Brazzaville et Pointe-Noire, du reste du pays sont maintenues. L’état d’urgence sanitaire a été prolongé de 20 jours le 20 juin. Afin de limiter la propagation du virus, le gouvernement a annoncé une suspension de tous les vols en provenance des pays à haut risque, ordonnant également la « fermeture des lieux de culte », des établissements scolaires ou encore des boîtes de nuit. Le Kenya n’a pas imposé de confinement total, mais a instauré un couvre-feu du crépuscule à l’aube et a bloqué les mouvements à l’entrée et à la sortie de Nairobi, de trois villes côtières et du comté de Mandera, dans le nord-est. Les écoles ont été totalement fermées. Le président Uhuru Kenyatta a annoncé lundi 6 juillet une réouverture graduelle du pays, avec la reprise des vols internationaux à partir du 1er août et la levée de l’interdictionN° 1 Comment d’entrer faire ou de communauté sortir des deuxen temps plus d’épidémie grandes ? villes du pays et principaux foyers de l’épidémie, Nairobi et Mombasa, ainsi que du comté de Mandera (nord-est). Le couvre-feu est cependant reconduit pour 30 jours. En Mauritanie, le pays a amorcé un déconfinement, le couvre-feu a été levé depuis le 10 juillet et la circulation entre les régions a été rétablie ainsi que les vols intérieurs. Les frontières terrestres, aériennes et maritimes restent fermées. Le port du masque dans les lieux publics reste obligatoire et tous les rassemblements sont interdits. En suivant les chemins habituels des épidémies de grippe, le SARS-COV-2 a suivi son chemin de l’orient à l’occident. Nous terminerons comme lui dans les Amériques, où il fait encore des ravages, parfois favorisé par l’aveuglement des dirigeants de certains pays. Le confinement imposé en Colombie depuis mars contre la pandémie de coronavirus va être à nouveau prolongé jusqu’au 1er août, avec toutefois quelques assouplissements, a annoncé mercredi 8 juillet le Président. Les communes sans nouveau coronavirus ou avec peu de cas confirmés pourront demander l’ouverture de restaurants, d’espaces comme les théâtres, les gymnases avec protocoles de bio-sécurité et de distanciation. Cependant Bogota, principal foyer de la pandémie en Colombie, a augmenté depuis le 13 juillet son niveau d’alerte face à la propagation du virus, qui surcharge 27 juillet 2020 Page 10
les unités de soins intensifs. La mairie va renforcer le confinement de la population. Elle va instaurer une circulation alternée de la population de la capitale par périodes de 14 jours jusqu’au 23 août. Sous pression en raison de l’effondrement économique dû à la crise sanitaire, le gouvernement de droite a assoupli le confinement, imposé le 25 mars aux 50 millions d’habitants du pays. Mais cela s’est traduit pas une accélération de la contagion dans la capitale de la Colombie Le Panama a réintroduit le confinement dans la capitale et dans une province voisine. L’état d’urgence sanitaire a été décrété le 15 mars au Pérou, deuxième pays le plus affecté de la région derrière le Brésil. Le 14 juillet, les élections primaires qui devaient être organisées cette année pour la première fois par les partis politiques pour choisir leurs candidats aux élections de 2021, ont été annulées en raison de la pandémie de coronavirus. Le président a limogé le ministre de la Santé le 15 juillet et a nommé Pilar Mazzetti, qui est la troisième personne à occuper ce poste depuis que la pandémie a frappé le Pérou en mars. Neurologue de renom et ancien ministre, elle a jusqu’à présent dirigé le commandement Covid-19 qui conseille le gouvernement dans la lutte contre cette épidémie. Je laisserai de côté le Mexique et le Brésil, qui vont vous être contés plus dans le N° 1 Comment détail, pour quitter l’Amérique Latine fairelacommunauté et traverser en tempsUSA. frontière jusqu’aux d’épidémie ? Face à une crise économique majeure, de nombreux États ont annoncé l’assouplissement des mesures de confinement et la réouverture de certains commerces et entreprises. Mais face à la recrudescence de cas, 30 États sur 50 voient une explosion des cas de contamination, certains ont décidé de sursoir à leur déconfinement. La Californie, le Texas et la Floride sont toujours les plus touchés. Le fait est que les contagions s’accélèrent presque partout. Le pays a enregistré un nouveau record de contaminations sur 24 heures mercredi 15 juillet, avec plus de 67.000 cas recensés. Le Texas y a largement contribué, avec un nouveau record sur une journée pour cet État, de quelque 10.790 nouveaux cas, ont rapporté les autorités sanitaires locales. L’Alabama a rendu le masque obligatoire depuis la mi-juillet. Plus de la moitié des États l’avaient déjà décrété comme une ultime mesure afin d’éviter un reconfinement. La chaîne de grands magasins Walmart l’a rendu obligatoire, comme Apple et Starbucks La Floride a décidé de refermer ses bars fin juin après un nouveau pic de contamination, mais tous les commerces, les restaurants et les plages sont accessibles depuis le 4 mai. 27 juillet 2020 Page 11
La Californie a prévu d’assouplir ses mesures de confinement la semaine du 4 mai. Cet État avait été le premier à décréter un confinement total le 19 mars. Pour le moment, il n’a pas été décidé de mettre en œuvre la phase 4 du déconfinement, qui autorise les rassemblements de plus de 300 personnes, les concerts, les matchs de sport... Depuis le 14 juillet, le gouverneur a instauré l’élargissement à tout l’État de la fermeture des bars, salles de restaurant en intérieur, cinémas, zoos et aquariums. Le gouverneur de l’Etat de New York, Cuomo a décrété l’entrée dans la phase 3 du déconfinement le 24 juin sauf pour la ville de New York. Ce qui signifie que désormais les rassemblements de plus de 25 personnes sont autorisés. Mais dîner au restaurant n’est pas encore possible. Un premier gouverneur, chef de l’exécutif de l’Oklahoma, a été contaminé, et l’État a enregistré son plus haut niveau de contaminations en une journée avec 1.075 cas supplémentaires. Certains modèles prédisent encore près de 100.000 nouveaux décès d’ici novembre aux États-Unis, contre 137.000 aujourd’hui. Au moment où cet article est écrit, il y a plus de 640 000 morts de la Covid19 dans le monde. Plus de 15 millions de cas. La bonne nouvelle est que plus de 9 millions de personnes sont guéries. Cependant, la courbe mondiale des cas et des décès continue de monter, même moins N° 1vite Comment et pasfaire communauté de la en temps même façon selond’épidémie ? les endroits. Pour suivre les détails, allez sur l’excellent site : https://www.worldometers.info/coronavirus/ Une dernière chose, parlons de Taiwan. L’archipel revendiqué par la Chine compte moins de 500 cas pour 23 millions d’habitants sans qu’il ait été rendu nécessaire de confiner sa population. Ses recettes, une réaction rapide, un commandement unifié et un suivi rigoureux de toutes les personnes infectées. La société taïwanaise a su tirer les leçons de l’épidémie du Sras de 2003. Jusqu’à ce jour, il n’y a pas eu de reconfinement à Taïwan. 27 juillet 2020 Page 12
L’ère du coronavirus au Brésil Denise Bernuzzi de Sant’Anna Professeure à l’Université pontificale catholique de Sao Paulo (Faculté des sciences sociales) et chercheure en histoire du corps et de la santé. N° 1 Comment faire communauté en temps d’épidémie ? L’autonomie à l’époque de la pandémie1 « On espère aussi que ne soit pas nécessaire une covid-21 pour qu’on apprenne à vivre avec soi-même, pour être meilleur avec les autres ». La covid-19 est apparue à une époque où la santé tend à devenir une « gestion personnelle », une responsabilité et un investissement individuels, avec un prix et une valeur marchande. Le nombre croissant d’applications mobiles de santé, avec des rappels quotidiens sur les performances physiques et mentales de chaque utilisateur, n’est qu’un exemple parmi d’autres de la banalisation de l’autodiagnostic et de l’auto-évaluation permanents. Cependant, la covid-19 a profondément secoué l’idéal du chacun pour soi. Tout d’abord parce que l’autonomie qui semblait facile et gagnante, prêchée par les experts de la confiance en soi, ne peut être maintenue sans le travail collectif : approvisionnement des villes, fabrication des équipements de sécurité et d’hygiène, nettoyage des rues, etc. En plus, l’idéal concurrentiel ne peut pas 1 Une version longue de ce texte a été publiée par la Maison d’édition N-1 (São Paulo) https://n- 1edicoes.org/006 ; voir aussi: https://www.publico.pt/2020/04/08/mundo/opiniao/autonomia- tempos-pandemia-1911396 27 juillet 2020 Page 13
supporter la covid-19, dont les effets appellent à la science mais aussi à l’empathie, un sentiment impossible à compter dans une feuille de calcul et de coûts. Avec la pandémie, la situation des hôpitaux, publics et privés, n’aide pas à améliorer la réalité. Microcosme des limites de la condition humaine, l’hôpital maximise et rend évident tout ce que, hors de ses limites, on ne veut pas voir. Lieu du test final, du démontage des vanités des patients, notamment en UTI, lorsqu’ils sont sans leurs vêtements, loin de leurs domiciles, éloignés de leurs routines, de leurs proches et de leurs professions, réduits à la condition d’organismes, « éléments inertes ». Les travailleurs hospitaliers sont témoins de cette sorte de déshumanisation, jour et nuit. Ils doivent doubler leurs efforts et respecter des protocoles stricts et, avec la covid-19, les niveaux d’anxiété et de stress se multiplient : il faut faire face aux patients très contagieux et, à la limite, décider qui vit et qui décède. Cependant, ce qui se passe à l’intérieur de l’hôpital n’est qu’un concentré de ce qui se passe à l’extérieur. En fait, avec la covid-19, la société est appelée à vivre selon les risques et les précautions typiques de l’espace hospitalier. On apprend que personne ne savait se laver les mains et que l’asepsie permanente du corps et des objets doit être routinière. Dans certains pays, l’utilisation de masques et de gants chirurgicaux s’est généralisée. La covid-19 a largement institué une comptabilisation et une surveillance de gestes similaires à ceux des soldats et des chirurgiens : l’imposition d’une alerte permanente, comme en temps de guerre, sauf lorsque chacun est seul, dans sa propre maison laquelle, dans ces conditions, s’éloigne d’un domicile et ressemble à une caserne. La pandémie a avalé différentes préoccupations pour imposer les siennes : combien de jours d’incubation, combien de mois il reste pour abaisser la courbe du cas, combien de semaines de confinement, combien d’heures le virus reste à l’extérieur du corps, combien de morts. Au Brésil, la covid-19 a révélé à quel point la stupidité et la négligence, existants depuis des siècles, sont coûteuses au pays. La ville de São Paulo, la plus grande de l’Amérique Latine, constituée par le mythe d’un productivisme exacerbé, où « personne ne peut s’arrêter », fait pâle figure devant, par exemple, les fossoyeurs qui menacent d’arrêter leur boulot parce qu’ils ne disposent pas des moyens pour nettoyer leurs mains pendant la journée. Le régime d’esclavage est mis à jour chez les Brésiliens à chaque fois que les travailleuses domestiques - il y en a plus de six millions dans le pays - n’ont pas le droit à la quarantaine rémunérée. L’exclusion sociale apparaît sans masque lorsque les sans-abri se plaignent: « ils ont demandé l’isolement. Où allons-nous nous isoler ? ». Dans les sociétés où la quarantaine est le privilège d’une minorité, la majorité n’a aucun moyen de prévenir la contagion. Les livreurs de nourriture, avec leurs vélos et motos, ont du mal à trouver une salle de bain ou un lieu pour se laver les mains. Ce qui est évident a sauté aux yeux : des milliers de brésiliens ne peuvent pas échapper à l’agglomération des transports publics et ils ne vivent pas dans des 14
maisons bien construites et bien approvisionnées. De plus, les risques ne se limitent pas aux personnes âgées, surtout dans un pays où le diabète et l’hypertension affectent une partie importante de la population. La pandémie a finalement révélé que le Brésil a un président qui ne gouverne que pour sa faction. Bolsonaro a commencé par dire que la covid-19 était un fantasme, une hystérie collective ; puis, une petite grippe, une « pluie » qui mouille mais ne tue pas. Bolsonaro a fini par révéler qu’il ne craignait pas de laisser une partie de la population mourir maintenant, tant que son clan survivrait mieux à l’avenir. Il exprime la pensée de ceux qui souhaitent coloniser l’avenir avec des « maîtres et des esclaves ». Il s’agit d’une logique d’anticipation du retard. Heureusement, il y a des milliers de Brésiliens qui travaillent à anticiper ce qui est effectivement moderne dans le pays : l’inventivité et les initiatives communautaires, telles que les comités de crise, les collectifs et les associations de résidents qui cartographient les régions les plus à risque et qui se mobilisent pour aider leurs communautés. Les efforts conjoints pour éviter la faim et la contagion venus des « favelas » dévoilent ce qui est une de leurs caractéristiques : au milieu de la pauvreté, souvent la plus extrême, il y a ceux qui trouvent des moyens pour mettre en marche l’aide collective et la solidarité. Ils savent que le changement qui peut être fait n’est pas pour le temps d’après la pandémie. Le moment est maintenant. On espère que la classe moyenne brésilienne ne se contente pas de regarder cette terrible dispute sur les écrans, entre ceux qui veulent anticiper un demain réservé à un gang privilégié et ceux qui veulent décoloniser l’avenir de l’ancienne tendance à le diviser entre « maîtres et esclaves ». On espère aussi que ne soit pas nécessaire une covid-21 pour qu’on apprenne à vivre avec soi-même, pour être meilleur avec les autres. Lavez les mains pour éliminer les microbes et non pas pour se débarrasser de plus de la moitié de la population d’un pays. Et, enfin, on souhaite que les conditions soient créées pour qu’au moins les plus jeunes apprennent qu’aimer n’est pas perdre du temps et que s’occuper des autres ne sert à gagner ni à réduire des points à personne. 15
L’ère du coronavirus au Mexique Lucía Martínez Moctezuma Professeure à l’Institut des Sciences de l’Éducation de l’Université Autonome de l’État de Morelos, docteur en histoire de l’Université de Paris - X Nanterre et membre du Système National de Chercheurs au Mexique (CNRS). Ses dernières recherches ont été orientées vers l’étude du corps de l´enfant, l’enseignement de l’hygiène, des soins de santé et la pratique de l’éducation physique à l’école mexicaine. Elle a collaboré avec des équipes de recherche internationales telles que le réseau PATRE-MANES (Patrimoine Educatif et Manuels Scolaires) de l’Université de l’Enseignement à Distance (UNED) en Espagne. Elle a été professeure invitée au Centre International pour la Culture Scolaire dirigé par Agustín Escolano en Espagne, au Service d’Histoire de l’Éducation de l’Institut de la Recherche Pédagogique en France et aux universités de Minas Gerais et Campinas au Brésil. L’écart social rejoint l’écart numérique « Ainsi, les résultats sont incontestables : une éducation sans école ; un apprentissage sans socialisation, une fin d´année scolaire et universitaire achevée sans avoir acquis les connaissances ». Le mois de mars 2020 a changé nos vies pour le meilleur et pour le pire. Mexico était pleine de jacaranda. Cet arbre fleuri mauve, qui a donné de la couleur à la marche des femmes le dimanche 8 mars et, le lendemain, le lundi 9, a une journée sans femmes, celles qui avaient décidé de montrer à quel point elles étaient importantes dans la vie quotidienne ; si le féminicide continuait, le pays serait 16
comme ça, à moitié vide1. Ce fut un succès, car on a finalement discuté sur la transformation d’un pays en participant aux décisions, oui, ce fut un succès, mais temporaire, qui a été éclipsé lorsque nous avons commencé à recevoir les premières nouvelles de l’étranger, sur Wuhan et la Corée, des endroits qui semblaient si loin et dont les images nous rappelaient des catastrophes que nous n’avions jamais connues. Dans la confusion des premiers jours, le gouvernement n’a pas su comment agir. Il n’a pas informé la population mais il a minimisé la pandémie. Les messages étaient limités et toujours optimistes car selon leur version, nous, Mexicains, avions des traits particuliers : l’expérience d’avoir mené la bataille de l’épidémie H1N1, de savoir agir de manière coordonnée face à un tremblement de terre comme celui de 2017 et, la générosité climatique d’un pays dont les températures peuvent dépasser 40 degrés en cette saison qui diminuent les effets de la pandémie. Si ces arguments sont discutables, nous savons maintenant qu’il était imprudent d’autoriser le concert massif dans lequel a joué le groupe suédois Ghost, auquel ont assisté 12500 personnes parce que la première mort de COVID-19 survenue au Mexique était celle d’un homme diabétique dont les symptômes sont apparus après avoir assisté à ce concert le 3 mars. Sans direction et recevant de nombreux informations venus d´ailleurs, nous avons connu en quelques semaines tous les cas européens : l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne et la France et très bientôt celui des États-Unis. Les connaître nous a révélé nos propres carences et un des problèmes impossibles à résoudre dans cette pandémie : le manque de matériel sanitaire, le caractère erroné des politiques de santé publique depuis 2019 et la politique d’immigration d’un pays comme le nôtre qui borde les États-Unis2; un pôle d’attraction pour des milliers de Centraméricains qui font le voyage du sud au nord, en train, en bus ou à pied, à détenir aux frontières et confinés dans des centres de soins sans mesures d’hygiène ou respect de leurs droits minimaux en tant qu’êtres humains. Au cours de ces semaines, de nombreux analystes considèrent que nous abordons dangereusement le cas italien parce que le gouvernement vient de déclarer que cette semaine, le 3 avril seulement, il embauchera du personnel médical, achètera des matériaux tels que des masques et des respirateurs d’autres pays et fermera une série de centres commerciaux, industriel et sportifs, faisant valoir que l’économie informelle atteint plus de 50%. Une situation qui a conduit les gens à ne pas rester chez eux et à continuer de circuler dans les marchés et les 1 Selon le Ministère National de la Sécurité Publique, au cours du mois de janvier 2020, 320 femmes ont été assassinées, soit une moyenne de dix femmes par jour. En 2019, ils étaient classés ainsi : 247 homicides, 73 féminicides et 4 588 cas de blessures intentionnelles contre les femmes. 2 Les mauvaises politiques de santé sont si évidentes qu'il n'y a aucune explication sur la différence de statistique dans les données qui montrent le comportement du pays au-delà de la frontière. Par exemple, en Californie, il y a 10 701 cas de coronavirus, au Texas 5 330 tandis que du côté mexicain, il n'y a que 52 cas en Basse-Californie et à Tamaulipas 16. Les spécialistes soulignent le fait que le Mexique n'a pas effectué les tests correspondants pour détecter les porteurs du virus. 17
restaurants, augmentant la contagion3. Et ici, un autre problème se pose pour nous. Comment apprendre aux autres à prendre soin d’eux-mêmes et donc à prendre soin de la société dans laquelle ils vivent ? Dans le cas mexicain, il faut commencer par éduquer les politiques. C’est la santé, un terrain propice à cela. Peut-on acheter des votes lorsque l’accès aux services de santé minimum en dépend? 4 . C’est cette situation qui a révélé que l’attitude individuelle d’enfermement a également un manque de conscience que notre action affecte la santé des autres : en tant que membre de la communauté je dois prendre soin de moi pour prendre soin des autres. Une idée à laquelle nous devrons très bientôt faire face dans les universités qui travaillent dans ce domaine de l’éducation et de la santé. Bien que parmi les mesures adoptées par le gouvernement figure une campagne lancée par le ministère de la Santé qui nous rappelle les gestes minimums que nous avons appris depuis l’épidémie H1N1 : se laver les mains, éternuer avec protection et porter des masques faciaux, il y a encore beaucoup de travail à faire également en ce qui concerne les campagnes de diffusion, comme on le voit dans le personnage qui a été créé au Mexique5. Comme le montre le comportement des autres pays, les chiffres augmentent aujourd´hui. Il y a 2 439 cas confirmés, 6 295 suspects et 125 décès. Chaque jour, à 8 heures du matin et à 7 heures du soir, le sous-secrétaire à la santé apparaît à la télévision pour signaler que nous contrôlons la pandémie et que, voilà, enfin, le Mexique a ouvert une voie avec la Chine qui va nous munir de tout le matériel qu´il faut ainsi que l´arrivée des médecins cubains. Comme les chiffres ne sont pas 3 Le Ministère de l'Éducation Nationale a pris la décision d´arrêter les activités depuis le vendredi 27 mars mais de nombreuses écoles privées ont fermé quelques jours auparavant. L'Université Autonome de l'État de Morelos (à 60 km de la ville de Mexico), n´a pas fermé immédiatement mais elle a signalé que les enseignants âgés de plus de 60 ans et souffrant d'une maladie dégénérative telle que l'hypertension, le diabète ou le cancer, puissent être absents à partir du mercredi 18 mars. 4 Le journal américain The Economist a évalué l'action des présidents latino-américains face à la pandémie : Martín Vizcarra du Pérou et Alberto Fernández de l'Argentine au premier, Jair Bolsonaro du Brésil et Andrés Manuel López Obrador du Mexique, en dernier. 5 Il s´agit d´un jeu de mots : Suzanne loin. En espagnol Susana distancia – Su sanadistancia 18
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