La couverture santé universelle en Afrique : un cadre pour l'actioni - World Bank
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La couverture santé universelle en Afrique : un cadre pour l’action i Résumé analytique Pourquoi investir dans la couverture santé universelle (CSU) ? Les investissements dans les systèmes de santé en Afrique sont la clé d’une croissance inclusive et durable. La forte croissance économique de ces dernières années a contribué à abaisser le taux de pauvreté à 43 % de la population. Toutefois, avec l’augmentation de la population de l’Afrique – qui devrait atteindre 2,5 milliards d’ici 2050 – un des défis cruciaux pour la région est de créer les bases d’une croissance inclusive à long terme. De nombreux pays souffrent encore de taux élevés de mortalité infantile et maternelle, la malnutrition est encore trop répandue, et la plupart des systèmes de santé ne sont pas en mesure de gérer efficacement les épidémies ni le fardeau croissant des maladies chroniques telles que le diabète. Ces défis exigent un renouvellement des engagements et des progrès accélérés en vue de la couverture santé universelle (CSU) qui permettra à chacun de recevoir les soins de santé selon ses besoins, et sans difficultés financières. Investir dans la CSU est rentable. La première raison d’investir dans la CSU est d’ordre moral : il est inacceptable que certains membres de la société soient exposés à la mort, à l’invalidité, à la maladie et à l’appauvrissement pour des questions qui pourraient être réglées à peu de frais. Mais la CSU est également un bon investissement. La prévention de la malnutrition ainsi que de la mauvaise santé se traduira probablement par des effets bénéfiques considérables en termes de vies plus longues et productives, de niveaux de revenu plus élevé, et de frais médicaux épargnés. Une réponse efficace à la demande de planification familiale accélèrera la transition en matière de fécondité, qui entraînera à son tour des taux de croissance économique plus élevés ainsi qu’une réduction plus rapide de la pauvreté. De plus, l’amélioration des systèmes de surveillance épidémiologiques peut endiguer le coût humain et les conséquences économiques des épidémies. En 2015, la perte de croissance économique due au virus Ébola s’est chiffrée à plus d’un milliard de dollars USD dans les trois pays touchés par l’épidémie. La CSU en Afrique : progrès et défis Les dépenses de santé en Afrique ont fortement augmenté, mais les dépenses publiques domestiques marquent le pas. Dans l’ensemble, la dépense de santé a augmenté rapidement au cours des vingt dernières années, en particulier dans les pays à revenu intermédiaire. Mais cette augmentation est due principalement aux dépenses de santé payées directement par les ménages et à l’aide au développement, dont environ la moitié était destinée aux dépenses liées au VIH/sida. C’est ainsi que la part des dépenses de santé dans la dépense publique totale a diminué dans la moitié des pays de la région. En 2014, seuls quatre pays ont atteint l’objectif d’Abuja qui fixe à 15 % la part des dépenses publiques à consacrer à la santé. Le faible niveau des ressources domestiques engagées se traduit souvent par des pénuries d’intrants essentiels, tels que les ressources humaines pour la santé et les produits pharmaceutiques. Si la couverture des services de santé essentiels a augmenté, de graves lacunes subsistent. La couverture en matière de moustiquaires traitées à l’insecticide pour les enfants a rapidement augmenté en Afrique, ce qui explique partiellement la baisse de la mortalité infantile. D’autres indicateurs liés aux
services de santé maternelle et infantile, tels que les soins prénatals et l’accouchement assisté par du personnel qualifié, se sont également améliorés. De grandes disparités subsistent néanmoins à l’intérieur des pays et la couverture reste très incomplète pour de nombreux services essentiels. L’accès aux services de traitement du VIH/sida, de la tuberculose et du paludisme reste inégal et inférieur aux autres indicateurs de base de progrès de la CSU. Les progrès sont également lents quant à l’amélioration l’accès à l’eau et à l’assainissement, et la région est loin d’atteindre l’objectif de développement durable 2030 qui vise à assurer à 80 % de la population une couverture en matière de services de santé de base essentiels. Des millions d’Africains sombrent dans la pauvreté à cause du niveau élevé des paiements directs de santé. La protection contre les risques financiers est généralement faible en Afrique, obligeant la plupart des patients à puiser dans les revenus de leur ménage pour payer les services de santé, ce qui s’appelle paiements directs de santé. Dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire (tranche inférieure), les patients sont moins protégés contre les paiements directs élevés que ceux des pays à revenu intermédiaire (tranche supérieure). Les paiements directs de santé ont augmenté dans presque tous les pays, passant de 15 dollars USD par habitant en 1995 à 38 dollars USD en 2014. Ainsi, 11 millions d’Africains basculent chaque année dans la pauvreté à cause du niveau élevé des paiements directs de santé. Protéger les personnes de la paupérisation causée par les paiements de santé est une pierre angulaire de la CSU, et contribuera à empêcher la pauvreté en Afrique. Accélérer les progrès en vue de la CSU : opportunités, orientations et direction Accélérer les progrès en vue de la CSU en Afrique est à portée de main, mais exigera un leadership politique et une vision stratégique claire. La plupart des pays africains ont intégré la CSU parmi les objectifs de leur stratégie nationale de santé. Mais ces engagements sont lents à se traduire par un accroissement des ressources domestiques consacrées à la santé, par une aide efficace au développement avec pour résultat des services de santé équitables et de qualité et une protection financière accrue. Les pays qui atteindront leurs objectifs en matière de CSU d’ici 2030 pourront éviter un grand nombre de décès materno-infantiles, renforcer la résilience face aux crises sanitaires, réduire les difficultés financières liées à la maladie et consolider les bases d’une croissance économique à long terme. Il n’existe pas d’approche unique pour atteindre la CSU – les stratégies dépendront du contexte local et du dialogue national. Malgré la grande diversité des pays africains, beaucoup d’entre eux sont confrontés à des défis communs. Le présent cadre propose aux pays et aux acteurs impliqués dans la réalisation de la CSU un ensemble de mesures. Il a pour ambition de stimuler des activités en démontrant que les progrès en vue de la CSU sont non seulement possibles, mais également primordiaux.
La CSU en Afrique : un cadre pour l’action Financement : dépenser plus et mieux, assurer une protection financière efficace Améliorer l’efficacité des dépenses de santé publiques et privées pour obtenir de meilleurs résultats et accroître les ressources ; Accroître les dépenses publiques de santé par le biais d’une réallocation budgétaire et d’une mobilisation accrue des ressources nationales ; Réduire les obstacles financiers à l’utilisation des soins de santé et rendre les services de santé abordables pour tous ; S’assurer que les personnes pauvres et les travailleurs du secteur informel bénéficient du prépaiement et que les prestataires bénéficient de conditions équitables ; Allouer des ressources budgétaires spécifiques pour réduire les obstacles financiers à l’utilisation des soins de santé ; Améliorer l’efficacité de l’aide au développement pour la santé, en améliorant la coordination et l’utilisation des systèmes de santé des pays. Services : centrage sur le patient, qualité des soins et action multisectorielle Mettre en place des services de santé centrés sur le patient afin d’améliorer la qualité des services et la sécurité des patients ; Donner la priorité aux investissements dans les services de soins communautaires et de santé primaires dans le cadre de systèmes viables de gouvernance au niveau local ; Créer des partenariats avec la société civile et les prestataires non gouvernementaux afin d’élargir l’accès aux services et aux interventions essentiels ; Investir dans la formation initiale, particulièrement dans les zones mal desservies ; Entreprendre une action multisectorielle pour établir les déterminants de la santé. Équité : cibler les pauvres et les groupes marginalisés, en ne laissant personne au bord du chemin Cibler les populations vulnérables et concevoir des programmes adaptés à leurs besoins ; Étendre les prestations de services aux groupes et lieux marginalisés ; Porter à l’échelle nationale les interventions favorables aux pauvres, telles que les incitations à la demande, notamment les bons et les transferts conditionnels en espèces ; Protéger les droits des femmes, des enfants et des minorités, en particulier durant les périodes de leur vie où ils sont vulnérables. État de préparation : renforcer la sécurité sanitaire Améliorer les plans de préparation nationale, notamment la structure organisationnelle du gouvernement ; Promouvoir l’adhésion au Règlement sanitaire international (RSI) ; Utiliser le cadre international pour le suivi et l’évaluation du RSI ; Améliorer la collaboration avec les partenaires concernés et entre les pays pour la préparation et la réponse aux crises sanitaires. Gouvernance : ancrages politiques et institutionnels de l’agenda de la CSU Mettre en place des plateformes et des processus pour encourager le dialogue sociétal ; Renforcer les mécanismes qui ont démontré leur efficacité dans le dialogue intersectoriel et l’action ; Établir un système de suivi et de rapports transparent sur les progrès en vue de la CSU ; Assurer à l’ensemble des citoyens l’accès aux données et aux informations relatives à la CSU, dans le cadre d’un dialogue sociétal et de processus participatifs ; Renforcer les institutions et les organisations nationales pour qu’elles puissent diriger la mise en œuvre des réformes nécessaires à la CSU.
La CSU en Afrique : un cadre pour l’action Texte complet A. Pourquoi investir dans la couverture santé universelle (CSU) ? 1. Au cours des quinze dernières années, de nombreuses parties de l’Afrique1 ont connu une croissance économique rapide et une réduction spectaculaire de la pauvreté. Entre 2001 et 2014, le produit intérieur brut (PIB) réel a augmenté de 5 % par an, contre à peine plus de 2 % dans les années 1980 et 1990 (Fonds monétaire international, 2016). La croissance économique a contribué à la réduction de la pauvreté dans l’Afrique subsaharienne : le pourcentage de la population vivant au-dessous du seuil de pauvreté est en effet tombé de 57 % en 1990 à 43 % en 2015 (Banque mondiale et Fonds monétaire international, 2016). Les progrès sont cependant inégaux, reflétant les conflits et l’instabilité de certaines parties du continent. Pourtant, en dépit d’une économie mondiale qui s’essouffle, la forte demande intérieure, l’amélioration de la gestion macroéconomique et le renforcement de l’environnement commercial ont contribué à maintenir vivante la promesse d’une renaissance africaine. 2. L’Afrique a également enregistré des progrès impressionnants en matière de santé. Entre 1990 et 2015, l’Afrique subsaharienne (ASS) et l’Afrique du Nord (AN) ont connu une baisse respective de la mortalité juvénile de 54 et 67 % (UNICEF, 2015) (Figure E-1 et E-2 en annexe). Pendant cette même période, le taux de mortalité maternelle a baissé de 45 % en ASS et de 59 % en AN. Le nombre des décès liés au sida a fortement baissé entre 2010 et 2015 en ASS, région la plus touchée (de 1,13 à 0,8 million) (ONUSIDA, 2016b). Ces progrès reflètent : a) une forte augmentation des interventions clés dans le domaine de la santé maternelle et juvénile ; b) des améliorations importantes dans les efforts de prévention ; c) l’accès au traitement du VIH/sida dans la plupart des pays africains (fiFigure E-3 et E-4). 3. Malgré les progrès réalisés, de nombreux pays sont confrontés à d'immenses besoins non satisfaits en matière de santé et la pression sur les systèmes de santé devrait s’accroître. Dans de nombreux pays africains, la réduction de la mortalité juvénile et maternelle est restée en deçà des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) ; quant aux objectifs de développement durable (ODD), leur réalisation représente un défi de taille (figure E-5). La prévalence du VIH/sida et de la malnutrition reste obstinément élevée. Sur le plan mondial, les nouvelles infections à VIH enregistrent une stagnation à 2,5 millions par an, dont 75 % en Afrique subsaharienne. Par ailleurs, en matière de santé, les disparités économiques, sociales, géographiques et ethniques ainsi que les disparités entre hommes et femmes restent d’une ampleur intolérable (Heaton et coll. 2016). D’autres questions importantes apparaissent également. Les récentes épidémies d’Ébola et de fièvre jaune en Afrique ont souligné la vulnérabilité des pays face aux crises sanitaires. Les maladies chroniques non transmissibles augmentent à un rythme alarmant et représentent un défi du double point de vue de la prévention et du traitement. Ces défis apparaissent dans un contexte de fécondité élevée et de forte croissance démographique. D’après les estimations actuelles des Nations Unies, la population de l’Afrique devrait passer de 1,2 milliard en 2015 à 2,5 milliards en 2050. 4. Les progrès en vue d'une couverture santé universelle (CSU) sont non seulement cruciaux pour la promotion de l’équité, des droits fondamentaux et de la sécurité humaine en matière de santé, mais sont aussi porteurs d'avantages économiques importants. De nombreux pays d’Afrique ont fait preuve d’un leadership impressionnant dans la conduite de leur programme de santé, soutenu par des engagements au titre des objectifs du millénaire pour le développement et, plus récemment, au titre des objectifs de 1
développement durable. L’engagement en faveur de la couverture santé universelle (CSU) – l’idée que chacun puisse accéder aux services de santé dont il a besoin sans encourir de difficultés financières – est fondé sur la reconnaissance de la valeur intrinsèque de la santé et du droit à la santé. En d’autres termes, il est inadmissible que certains membres de la société soient exposés à la mort, à l’invalidité, à des problèmes de santé et à l’appauvrissement pour des problèmes qui pourraient être résolus à peu de frais. La CSU est également un bon investissement économique. En effet, la prévention de la malnutrition et de la maladie aura vraisemblablement des effets bénéfiques considérables sur la longévité et la productivité des individus, le niveau des revenus, et les coûts de santé évités. Une protection contre la paupérisation provoquée par les dépenses en soins médicaux va également contribuer à la stabilité sociale, qui est un préalable à une croissance économique soutenue. Une réponse efficace à la demande de planification familiale accélèrera la transition de la fécondité, qui entraînera à son tour un relèvement des taux de croissance économique et une réduction plus rapide de la pauvreté. Des systèmes de santé renforcés, aptes à prévenir et détecter les pandémies et autres crises sanitaires, et à y répondre efficacement, peuvent réduire de façon spectaculaire les perturbations et les coûts économiques causés par de tels évènements. De plus, l’accès à des services de santé à un coût abordable aide à réduire les difficultés financières liées à la maladie, tout en contribuant à la cohésion sociale et à la réduction de la pauvreté. Enfin, le secteur de la santé contribue de plus en plus, et directement, à la croissance économique et à la création d’emplois. En résumé, la CSU est non seulement un facteur d’égalisation sociale, mais également un bon investissement dans le capital humain et la sécurité sanitaire, ainsi qu’un moteur pour la création d’emplois dans le secteur de la santé. 5. La CSU devient de plus en plus un impératif politique car les citoyens de la région attendent des services de santé plus accessibles et de meilleure qualité. Compte tenu de l’enjeu, il n’est pas surprenant que la santé soit au premier plan du débat politique dans différents pays du monde. L’Afrique ne fait pas exception. Le dernier sondage d’opinion Afrobaromètre, mené dans 36 pays d’Afrique, souligne l’importance accordée à la santé par la population africaine. De même que les sondages menés sur d’autres continents, cette enquête révèle un haut degré de frustration et de préoccupation face aux systèmes de santé de la région. Les personnes interrogées mentionnent la longueur des temps d’attente, les coûts élevés, le manque de respect de la part des prestataires et le fait qu’elles-mêmes, ou les membres de leur famille, renoncent souvent à se faire soigner en cas de maladie ou de blessure. La santé est systématiquement définie comme l’un des grands défis auxquels sont confrontés les pays africains ; dans 27 des 29 pays couverts par l’enquête Afrobaromètre 2014/2015, la santé est classée comme l’une des deux grandes priorités exigeant un accroissement des dépenses publiques. 6. Le présent document fournit un cadre pour l’action vers la CSU pour l’Afrique. Il souligne les progrès réalisés ces vingt dernières années dans l’extension de la couverture des services de santé clés, dans la protection contre les risques financiers causés par les paiements de soins de santé et dans le renforcement de la sécurité sanitaire. Malgré des progrès notables, il reste d'énormes défis. Il n’y a pas de modèle unique pour la façon de s’attaquer à ces défis ; les pays devront tracer leur propre trajectoire en fonction de stratégies définies par les pays, ou de feuilles de route, qui reflètent les besoins, les aspirations et les contraintes des divers pays de la région. Néanmoins, les leaders africains ont souscrit des engagements communs à la CSU par le biais du processus des ODD, et par le biais des déclarations et des organismes régionaux, et des politiques et des législations nationales. S’appuyant sur ces engagements, le présent cadre est destiné à stimuler l’action, en démontrant que la progression vers la CSU est non seulement possible, mais également essentielle.
B. La CSU en Afrique : progrès et défis 7. Les progrès réalisés vers la CSU sont mesurés par le degré de couverture des principaux services ou interventions de santé et le niveau de la protection financière. Le cadre de suivi de la CSU, développé par l'OMS et la Banque mondiale, se concentre sur les objectifs de couverture des services et de protection financière (OMS et GBM 2014). La mesure de la couverture des services tient compte d'un large spectre d'interventions incluant la promotion, la prévention, les traitements, la réadaptation et les soins palliatifs. Étant donné qu'en Afrique la charge de morbidité se concentre sur les maladies transmissibles, ainsi que sur les maladies maternelles, néonatales et nutritionnelles, les rapports sont généralement consacrés à ces domaines. Afin d'évaluer le niveau de protection des populations africaines contre les difficultés financières entraînées par d’importants paiements directs des services de santé par les patients, le cadre de suivi repose sur deux types standards d'indicateurs de protection financière : (i) l'incidence des dépenses catastrophiques de santé et (ii) l'incidence des dépenses entraînant un appauvrissementii. Pour cerner les progrès réalisés vers la CSU, il est également fréquent d'analyser l'état des ressources du système de santé. Cette analyse peut inclure des indicateurs sur la capacité du système de santé (par exemple les infrastructures, les ressources humaines ou la préparation aux pandémies) et le montant des ressources financières consacrées à la santé. Les dépenses de santé ont augmenté malgré la stagnation des financements du secteur public 8. Entre 1995 et 2014 (à PPA 2011), les dépenses totales de santé (DTS) par habitant ont augmenté, passant en moyenne de 113 USD à 306 USD. Le total des dépenses de santé en Afrique est comparable aujourd'hui à celui des pays à faible revenu à travers le monde. Cependant, les moyennes régionales cachent une importante hétérogénéité à travers le continent et le degré d'inégalité dans le total des dépenses de santé entre les pays a augmenté au fil du temps (Figure B-1). En moyenne, les DTS ont augmenté plus rapidement que le PIB, de 5 % par an au cours des deux dernières décennies, à comparer à une croissance de 2 % du PIB (Figure E-6). En conséquence, la part des DTS dans le PIB est passée de 5 % en 1995 à 6 % en 2014 (Figure E-7), avec des variations importantes entre les pays, de 2,6 % en RDC jusqu'à 11 % pour Djibouti, le Lesotho et la Sierra Leone.
Figure B-1 : Importante variation de la croissance et du niveau des dépenses totales de santé dans les pays africains Variation des DTS par habitant et par pays (à PPA) Afrique 1995 – 2014 DTS par habitant (USD, PPA 2011) Source : Analyse de la BM basée sur OMS - GHED Les cercles vides (pleins) représentent la part moyenne des DTS par habitant en 1995 (2014) du pays La ligne bleue pointillée représente la moyenne de l'échantillon des DTS par habitant en 1995 (113,5 USD) La ligne bleue continue représente la moyenne de l'échantillon des DTS par habitant en 2014 (306,1 USD) 9. Les dépenses publiques pour la santé ont progressé lentement et se situent loin des objectifs ambitieux de la Déclaration d'Abuja. En 2014, les recettes publiques en pourcentage du PIB variaient en Afrique de 0,9 % pour le Nigeria à 8,1 % pour le Lesotho. Le niveau relativement faible des recettes publiques dans de nombreux pays (Figure B-2) se traduit par un faible niveau des dépenses publiques de santé. Dans la Déclaration d'Abuja de 2001, la plupart des pays de la région s'étaient engagés à augmenter les dépenses publiques de santé jusqu'à au moins 15 % du budget du pays. Malgré cela, la part des dépenses publiques consacrée à la santé a diminué dans la moitié des pays africains entre 2002 et 2014. Seuls quatre pays ont dépassé en 2014 les objectifs d'Abuja, même si certaines aides au développement de la santé (ADS) étaient comptabilisées dans l'estimation des dépenses publiquesiii (Figure B-3). Aucun des cinq pays ayant atteint en 2002 l'objectif de 15 % n'a été en mesure de maintenir le niveau ciblé des dépenses nationales de santé.
Figure B-2 : Faible niveau des recettes Figure B-3 : Progrès limités dans l'atteinte des publiques dans de nombreux pays objectifs d'Abuja 20 60 LSO Government budget allocated to health (2014) SWZ MWI ETH 50 GMB 15 DJITUN CAF ZAF NAM BDI LSOKEN STP TZA LBR SDN CPV COG ZMB UGABFA SLE 40 10 DZA MUS RWA MDG LBYBWA SYC BEN COG GIN COM BWA TCD MOZ AGO NAM NGA SEN TGOGNB NER DZA GAB CIV MOZ GNQ GHA LBR SSD DJI 30 SWZ MAR EGY MRT MLI BDI MAR ZAF 5 AGO LBY ZWE STP MRT TUN GAB CMR MWI SEN ERI RWA COM EGY NERGMB GIN CPV BFA GNB CIV 20 MUS TGO KEN ZMB COD CMR TCD GHA BEN MLI 0 CAF ETH TZA ZARERIUGA SLE MDG 0 5 10 15 20 SDN Government budget allocated to health (2002) 10 NGA 0 5000 10000 15000 20000 GDP per capita in PPP (2014) Source : OMS GHED. Source : FMI PEM. Budget public alloué aux dépenses de santé (2014) Recettes en % du PIB (2014) Budget public alloué aux dépenses de santé (2002) PIB par habitant (à PPA) (2014) 10. Il faut noter une croissance significative de l'aide au développement en matière de santé mais une préoccupation croissante quant à la durabilité, l’efficacité et les variations du financement national des dépenses de santé. L'aide au développement de la santé (ADS) a rapidement augmenté en Afrique au cours des dernières décennies (Figure B-4). La croissance de l’ADS accordée à la région a été en grande partie consacrée aux dépenses liées au VIH/SIDA et au paludisme. La part de l’ADS allouée au VIH/SIDA est passée en 1990 de 7 % du total de l’ADS à un sommet de 54 % en 2010. De la même façon, l’ADS consacrée au paludisme a augmenté pour passer en 1990 de 1 % des DTS à 13 % en 2010 (Figure B-5). Cependant, et alors que l’ADS augmentait en Afrique, les dépenses nationales stagnaient, en particulier dans les pays à faible revenu (PFR). En conséquence, la part de l’ADS dans les dépenses totales de santé a augmenté dans les PFR, passant de 20 % en 2000 à 35 % en 2014iv (Figure B-6). Cette situation soulève différentes questions, par exemple savoir jusqu'à quel point l’ADS peut-elle se substituer aux ressources nationales (c.-à-d. quel est le degré de fongibilité ?), comme d'autres questions entre partenaires de développement relatives à l'efficacité et la viabilité à long terme des priorités financées par l’ADS. Le financement du renforcement des systèmes de santé n'a pas non plus augmenté au cours de cette période.
Figure B-4 : Faible corrélation entre ADS Figure B-5 : Croissance de l’ADS sous et revenus l'impulsion du VIH/SIDA et du paludisme 50 14 NAM 12 40 DAH in billion USD 10 LSO STP SWZ BWA 8 30 ZWE 6 RWA ZMB CPV SYC 4 UGA 20 SLE MOZ 2 MWI LBR TZA KEN GMB GNB MUS 0 BFACOM MLI ZAF 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 10 BEN SEN GNQ BDI SSD COD ETH CIVGHA COG ERITGO CAF CMR NGA MDG GIN TCD MRT HIV/AIDS Child Health NER SDN MAR TUN GAB EGY LBY Maternal Health Malaria 0 DZA Other 5 6 7 8 9 lnGNI per capita (2010-14) Source : IHME. Source : OMS - GHED et Banque mondiale. Note : "Autres" comprend la tuberculose, d'autres maladies infectieuses, les SWAP et le renforcement des systèmes de santé, les maladies non transmissibles et d'autres. En 2013, elles représentaient respectivement 2 %, 1 %, 6 %, 1 % et 8 % du total de l’ADS. ADS par habitant (2010 – 2014) ADS en milliards USD RNB par habitant (2010 – 2014) VIH/SIDA Santé infantile Santé maternelle Paludisme Autres Figure B-6 : Part croissante de l’ADS dans les dépenses totales de santé 40 35 30 DAH share of THE 25 LIC 20 LMIC 15 HMIC 10 5 0 Source : Calculs des auteurs à partir de OMS - GHED.
Note : LIC = Pays à faible revenu (PFR) LMIC = Pays à revenu intermédiaire, tranche inférieure (PRII) HMIC = Pays à revenu intermédiaire, tranche supérieure (PRIS) Les PFR incluent le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, la République centrafricaine, le Tchad, les Comores, la République démocratique du Congo, l'Érythrée, l'Éthiopie, la Gambie, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Libéria, Madagascar, le Malawi, le Mali, le Mozambique, le Niger, le Rwanda, la Sierra Leone, la Somalie, le Sud-Soudan, la Tanzanie, le Togo, l'Ouganda et le Zimbabwe. La capacité des prestations de santé s'est améliorée, mais insuffisamment pour répondre aux besoins actuels et futurs 11. Le nombre de professionnels de la santé est le facteur le plus critique dans la fourniture des services de santé. La densité du personnel de santé est un bon indicateur de la capacité d'un pays à procurer à sa population des services de santé. La pénurie en personnel de santé qualifié a été un important frein à l'atteinte de la CSU à travers le continent et celle-ci est particulièrement grave en Afrique subsaharienne. L’Afrique subsaharienne enregistre 24 % de la charge des maladies à travers le monde mais seulement 3 % de l'effectif mondial des personnels de santé (OMS, 2006). La pénurie en médecins, infirmières et sages-femmes dans les pays AFRO de l'OMS est estimée à environ 2,7 millions de travailleurs en 2013, bien en dessous du seuil de l'indice ODD (4,45 médecins, infirmières et sages- femmes pour 1 000 habitants). Le déficit est estimé à 4,2 millions de travailleurs si toutes les catégories de personnel de santé sont incluses et il est prévu que ce déficit total atteigne 6,1 millions en 2030. Une étude a estimé que le financement des rémunérations aurait dû augmenter en 2015 d'environ 20 milliards USD si le nombre requis d'agents de santé avaient été employés. La pénurie en personnel de santé au niveau des pays est exacerbée par de graves déséquilibres dans la répartition géographique des professionnels qualifiés : une estimation fixe à plus de 90 % le nombre de pharmaciens et dentistes pratiquant dans les zones urbaines, d'autres professionnels de la santé enregistrant une distribution similaire (OMS 2016a). De plus, une information exacte, à jour et cohérente à l'échelle nationale et portant sur les effectifs de santé n'est pas toujours disponible, soulignant ainsi la nécessité de renforcer les systèmes d'information nationaux essentiels. 12. Différents groupes de prestataires privés de services de santé jouent un rôle actif dans l'agenda de la CSU. Environ 40 % des paiements directs des services de santé sont consacrés aux prestataires privés de services de santé, en particulier les organisations religieuses, les ONG, les institutions sans but lucratif et les prestataires à but lucratif. Des expériences de plus en plus fréquentes dans la prestation des soins de santé entre les services publics et les prestataires privés montrent des synergies et des gains d'efficacité. Cependant, procurer l'intendance nécessaire pour multiplier et soutenir de tels partenariats s'est souvent avéré difficile pour les gouvernements. Un nombre croissant d'exemples de collaboration avec le secteur privé relevés à travers le continent montre que cette collaboration influe également sur le marché des principales matières premières et matériel médical, ainsi que sur les secteurs de la distribution et de la maintenance. Enfin, de nombreux pays commencent à recourir contractuellement et avec succès au secteur privé pour des services spécifiques tels que le transport et l'élimination des déchets médicaux. 13. L'accès aux principaux médicaments et technologies sécuritaires, abordables et de qualité reste un défi. Malgré les progrès réalisés en Afrique dans différents domaines, l'accès aux médicaments reste faible. Dans certains pays africains, la disponibilité de différents médicaments sélectionnés ne s'élève qu'à 21 % dans le secteur public et 22 % dans le secteur privév. Les défis communs incluent des prix élevés, un financement inadapté, une faible réglementation pharmaceutique, des systèmes
d'approvisionnement et de distribution inadéquats, un accès limité à l'information et une utilisation inappropriée. De plus, la région est le théâtre de la circulation de plus en plus importante de produits médicaux contrefaits ou inférieurs aux normes en raison de la faible performance des autorités nationales de réglementationvi. Lorsque les médicaments ne sont pas remboursés par l'assurance maladie ou délivrés dans les établissements publics, les paiements directs peuvent être importants et les populations les plus vulnérables sont exposées à des difficultés financières et à l'appauvrissement. Couverture des principaux services et interventions de santé : progrès mitigés 14. Des progrès mitigés ont été constatés dans la couverture des services. Malgré cela, des progrès impressionnants dans la couverture et l'équité ont été enregistrés au cours des deux dernières décennies pour certains services et interventions de santé critiques (Figure B-7). L'amélioration des indicateurs de la couverture des services reste pour la plupart concentrée sur la population la plus aisée, mais le degré d'inégalité a légèrement diminué. L'amélioration la plus rapide a été enregistrée dans la protection des lits d'enfants par des moustiquaires imprégnées d'insecticide, qui a augmenté en moyenne d'environ 15 % par an entre 2006 et 2014. Tous les indicateurs liés à la santé maternelle ont également progressé au cours des 20 dernières années (Figure B-8). Les visites prénatales (au moins 4) et le suivi qualifié avant accouchement ont également augmenté pour passer d'environ 40 % en 1990 à environ 60 % en 2014. Mais de larges disparités subsistent entre pays, en particulier pour l'accès à des prestations et interventions plus complexes telles que l'assistance de sages-femmes qualifiées et le traitement des maladies graves. Très peu de pays atteignent la couverture sanitaire universelle, même pour des services planifiables et routiniers tels que les vaccinations. Figure B-7 : Progrès mitigés dans la Figure B-8: Principale amélioration pour couverture des soins infantiles les indicateurs de santé maternelle Source : DHS et MICS. Tendances de la couverture sanitaire Tendances de la couverture sanitaire Afrique, Indicateurs de santé infantile (1995 – 2030) Afrique, Indicateurs de santé maternelle (1990 – 2014) 15. Des lacunes dans l'accès aux services de santé essentiels consacrés au VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme restent dans de nombreux pays d'importants obstacles à la réalisation de la CSU. Une augmentation significative de la couverture des services de santé essentiels contre ces maladies a été enregistrée depuis 2002. L'augmentation de la couverture de la prévention de la transmission mère-enfant du VIH a entraîné une réduction de 60 % des nouvelles infections chez les enfants. À fin 2015, les programmes soutenus par le Fonds mondial, l'OMS, l'ONUSIDA et d'autres
partenaires ont aidé les pays africains en fournissant à 7,7 millions de patients un traitement antirétroviral, en détectant et traitant 4,2 millions cas de tuberculose et en fournissant plus de 550 millions de moustiquaires imprégnées d'insecticide. L'amélioration de l'accès au traitement du SIDA a entraîné depuis 2010 en Afrique orientale et australe (AOA) une diminution de 36 % des décès liés au SIDA. Cependant, l'accès aux services consacrés au VIH, la tuberculose et le paludisme reste inégal et inférieur à d'autres indicateurs de base du progrès de la CSU (Figure E-8). Par exemple, 56 % environ des PVVIH ont été diagnostiquées en AOA et 54 % d'entre elles sont sous traitement, à comparer à 36 % diagnostiquées et 28 % sous traitement en Afrique de l'Ouest et 36 % diagnostiquées et 17 % sous traitement en Afrique du Nord (ONUSIDA 2016a). 16. L'accès à un meilleur approvisionnement en eau et assainissement a progressé durant les deux dernières décennies, mais à un rythme lent. L'évolution entre 1991 et 2014 de l'accès à un meilleur approvisionnement en eau en Afrique n'enregistre qu'une légère amélioration (d'environ 0,9 % par an en moyenne). L'indicateur de l'accès à l'eau et l'assainissement individuel a augmenté à un rythme plus rapide, autour de 2,5 % par an (Figure E-9). Encore une fois, des tendances positives pour le continent dans son ensemble cachent d'importantes différences entre les groupes économiques, les sous- régions et les pays. Dans l'ensemble, la région est loin d'atteindre une couverture de 80 % de la population, objectif ODD 2030 pour les principaux services de santé de base. 17. Dans de nombreux pays, la mauvaise qualité des soins de santé compromet la CSU. La mauvaise qualitévii des soins coûte des vies et gaspille les rares ressources. Des déficits importants dans la disponibilité des principaux médicaments et des équipements médicaux, ainsi que dans les connaissances et les pratiques des agents de santé en première ligne ont été mis en évidence au cours des dernières enquêtes de l'initiative « Indicateurs de prestation de service » (IPS) (Error! Reference source not found.). Les objectifs de mortalité ODD ne seront pas atteints à moins que les défauts de qualité ne soient traités dans un plus large éventail d'interventions.
Encadré B-1 : Principales conclusions des enquêtes sur les indicateurs de prestation de service (IPS) Des données comparables sur la qualité des soins dans les pays africains sont extrêmement limitées. Pour aider à combler ce manque d'information, la Banque mondiale, la Banque africaine de Développement et le Consortium pour la Recherche économique en Afrique se sont associés dans l'Initiative IPS pour mettre en œuvre un programme d'enquêtes représentatives au niveau national destiné à mesurer trois facteurs susceptibles d'influer sur la qualité des soins en première ligne : (i) l'absentéisme et la charge de travail des agents de santé, (ii) la disponibilité des principales infrastructures et des intrants nécessaires aux agents de santé pour effectuer leurs principales tâches et (iii) le niveau de connaissance des agents de santé (mesuré par des vignettes cliniques). À fin juin 2016, les enquêtes IPS avaient été menées dans neuf pays africains et les données correspondantes sont actuellement disponibles pour sept pays (Error! Reference source not found.). Tableau B-1 : Indicateurs sélectionnés à partir de 7 enquêtes IPS Mozambique Kenya Sénégal Ouganda Tanzanie Togo Nigeria (2014) (2013) (2012) (2013) (2014) (2014) (2014) Absent de l'établissement 23,9 27,5 20 46,7 14,3 37,6 31,7 (% fournisseurs) Charge de travail 17,4 15,2 - 6,0 7,3 5,2 5,2 (Par fournisseur et par jour) Disponibilité des principaux 42,7 54,2 78 47,2 60,3 49,2 49,2 médicaments (% médicaments) Disponibilité des principaux 79,5 76,4 53 21,9 83,5 92,6 21,7 équipements (% équipements) Disponibilité des installations 34,0 46,8 39 63,5 50,0 39,2 23,8 (% installations) Précision du diagnostic dans 5 cas- 58,3 72,2 34 58,1 60,2 48,5 39,6 traceurs (% cas cliniques) Respect des lignes directrices de 37,4 43,7 22 41,4 43,8 35,6 31,9 diagnostic clinique pour les cinq cas- traceurs (% directives cliniques) Respect des directives de traitement 29,9 44,6 - 19,3 30,4 26,0 19,8 clinique des complications maternelles et néonatales (% directives cliniques) Dans les pays étudiés, le niveau d'absentéisme des agents de santé est élevé, variant de 20 % (Sénégal) à près de 50 % (Ouganda). Pour les agents présents, la charge de travail moyenne est souvent faible, comprise entre cinq et sept patients par jour en Ouganda, Tanzanie, Togo et Nigeria. La capacité de fourniture des soins des agents de santé est également diminuée par le manque d'intrants tels que les principaux médicaments et les équipements médicaux essentiels. Dans tous les pays étudiés, à l'exception du Sénégal et de la Tanzanie, moins de la moitié des médicaments essentiels est disponible dans les établissements de santé. En Ouganda et au Nigeria, seul un cinquième des installations répondent aux critères minimaux de l'équipement médical. Au Nigeria, moins d'un établissement de santé sur quatre dispose simultanément de l'eau, d'un assainissement et de l'électricité. Enfin, les indicateurs révèlent que la connaissance clinique de base du personnel de santé est insuffisante dans de nombreux pays. Compte tenu du fait bien connu que les agents de santé mettent généralement en pratique beaucoup moins de connaissances qu'ils n'en ont apprises (l'écart du "savoir-faire"), la qualité des soins est très probablement encore plus basse que ne le reflètent les mauvais résultats obtenus lors des tests de connaissance. Source : www.sdindicators.org Des frais élevés et croissants à la charge des patients contribuent à l'appauvrissement 18. Les dépenses encourues par les ménages pour le paiement direct des services de santé restent élevées en Afrique. Alors que la part des frais de santé à la charge des patients dans les DTS a diminué dans la plupart des pays, le niveau des frais à la charge des patients a augmenté et la nécessité de
renforcer les mécanismes nationaux de financement du prépaiement reste une priorité pour les systèmes de santé africains. La couverture par l'assurance sociale de santé (ASS) et les autres formes d'assurance est relativement faible dans la plupart des pays d'Afrique. Les dépenses publiques pour la santé constituent donc le plus important vecteur de mise en commun des ressources dédiées aux services de santé et le principal moyen de promouvoir l'accès aux soins et la protection financière. En raison des faibles niveaux de dépenses publiques, une part importante de la charge financière de la santé incombe cependant aux patients sous la forme du paiement des services de santé à la charge des ménages. En termes absolus, les paiements directs ont augmenté dans presque tous les pays de la région, passant de 15 USD en 1995 à 38 USD en 2014 (USD constant). Étant donné que le total des dépenses de santé a augmenté à un rythme plus rapide au cours de la même période, dans la plupart des cas entraînées par la hausse de l’ADS, la part des dépenses de paiement direct des services de santé dans le total des dépenses de santé (DTS) a diminué, passant de 44 % à 34 % (Figure B-9).
Figure B-9 : Les dépenses de santé à la charge des patients (paiement direct des services de santé) restent élevées en Afrique Dépenses de santé à la charge des patients par habitant (USD constant) 1995 – 2014 Variation de la part du paiement direct des services de santé dans le total des dépenses de santé (%) 1995 – 2014 19. Le niveau élevé et croissant des dépenses pour le paiement direct des services de santé exerce une forte pression sur les ménages en Afrique et est une cause majeure et croissante de l'appauvrissement. Sur la base des enquêtes réalisées auprès des ménages des pays africains au cours des 25 dernières années (1990-2014), des millions de ménages ont rapporté des dépenses de santé d'un montant catastrophique et entraînant la paupérisation, les ménages des PFR et PRII étant plus vulnérables que ceux des PRIS. Environ 35 millions de personnes, soit de 0,8 à 5,4 % de la population pour l'ensemble des pays et en moyenne 3,2 %, ont dû assurer le paiement de dépenses catastrophiques de santé dans une année donnée (Figure B-10). De même, environ 11 millions de personnes dans les PFR et les PRII, soit près de 1,4 % de la population, sont tombées dans la pauvretéviii en raison des dépenses de santé engagées au cours de l'année de l'enquêteix (Figure B-11). La part de la population encourant des
dépenses de santé catastrophiques (seuil de 15 %) a augmenté de 1,2 à 5 % au cours des 25 dernières années (Figure E-10), tandis que les données disponibles montrent que la part de la population poussée dans la pauvreté en raison des dépenses de santé a également augmenté, passant de 0,6 % en 1990 à 1,5 % en 2014 (Figure E-11). Figure B-10 : 35 millions d'Africains doivent Figure B-11 : 11 millions d'Africains supporter chaque année des dépenses doivent supporter chaque année des catastrophiques dépenses entraînant leur appauvrissement Dépenses catastrophiques, par groupe de revenu, Afrique 1990 – 2014 Dépenses entraînant un appauvrissement, par groupe de revenu, Afrique 1990 - 2014 Lacunes dans la préparation aux urgences de santé publique 20. Le risque de ne pas avoir la capacité suffisante pour répondre aux pandémies a pris une importance capitale pour la sécurité des personnes. Comme en témoignent ces dernières années, les flambées d'Ébola, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS), la grippe aviaire et le virus Zika peuvent dévaster les communautés par des pertes humaines et de graves impacts sociaux et économiques. La récente épidémie d'Ébola en Afrique occidentale a montré comment une épidémie peut rapidement proliférer en l'absence d'un solide système de santé offrant une couverture efficace des services non seulement pour les groupes les plus aisés, mais aussi pour les populations rurales et les groupes marginalisés. Les récentes épidémies ont également souligné l'importance des fonctions essentielles de santé publique (FESP), c'est-à-dire la responsabilité de l'état dans l'amélioration, la promotion, la protection et le rétablissement de la santé de la population par une action collective, comme le moyen le plus rentable d'améliorer la santé de la population et des individus (OMS 2016b). La capacité de traitement des déterminants sociaux et environnementaux de la santé contribue également à la prévention des urgences de santé publique. 21. La préparation du système de santé aux urgences de santé publique en est encore à ses balbutiements. À ce jour, le seul pays du continent ayant réalisé une évaluation des FESP (Martin- Moreno et coll. 2016) est le Maroc, ce qui montre le manque sérieux d'attention portée à la santé publique sur le continent. En complément, la réglementation sanitaire internationale (RSI) joue un rôle important pour réduire les risques de situations d'urgence et minimiser les dommages potentiels, mais les évaluations récentes réalisées dans les pays africains mettent en évidence d'importantes lacunes dans l'application des principales RSIx. Par exemple, une évaluation externe conjointe (JEE) récemment
achevée en Éthiopie a identifié des problèmes critiques dans l'engagement multisectoriel, l'intégration des fonctions de surveillance dans les systèmes de santé humaine et animale et le renforcement des capacités de laboratoire. C. Accélérer les progrès en vue de la CSU : opportunités et directions 22. L’élimination des décès évitables chez la mère et l’enfant, dus au SIDA, à la tuberculose et à d’autres maladies en Afrique est à portée de main. De récentes analyses réalisées par la Commission du « Lancet » sur la santé mondiale montrent que les pays qui atteindront les objectifs de la CSU d’ici 2035 élimineront les décès maternels et infantiles évitables - sauvant ainsi la vie a plus de 10 millions de mères et d’enfants (Jamison et coll. 2013). L’analyse de la Commission montre également que quelques pays à revenu faible ou intermédiaire possèdent déjà la technologie, l’expérience et le savoir-faire pour faire de la CSU un objectif réaliste pour l’Afrique. Parallèlement, des évènements récents, tels que l’épidémie de la maladie à virus Ébola, ont mis en évidence le coût plus élevé que jamais d’un échec. La perte de production économique et les coûts directs encourus par la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone se sont élevés à 1,6 milliard USD pour la seule année 2015 (Banque mondiale 2014). Financement : une dépense en faveur de la santé plus importante et de meilleure qualité, et une protection financière efficace Améliorer l’efficacité des dépenses publiques et privées en matière de santé pour améliorer les résultats de santé et accroître les ressources du secteur Augmenter la dépense publique de santé par le biais de réaffectations budgétaires et d’une mobilisation accrue des ressources nationales Utiliser les ressources budgétaires pour réduire les obstacles financiers aux soins de santé et rendre les services de santé plus abordables à tout un chacun Assurer aux personnes pauvres et aux travailleurs du secteur informel les avantages procurés par le prépaiement et aux prestataires de santé une compensation équitable pour leurs prestations Améliorer l’efficacité de l’aide au développement consacrée à la santé grâce à une meilleure coordination et à l’utilisation des systèmes nationaux 23. Des gains en efficacité des dépenses publiques et privées de santé seront essentiels pour améliorer les résultats de santé et avec le temps accroître les ressources dont dispose le secteur. Dans nombre de pays africains, les secteurs de santé souffrent d'une inefficacité notoire.xi Dans un espace fiscal en constant rétrécissement, le secteur de la santé devra se développer, démontrer son efficacité et améliorer ses résultats pour que son plaidoyer en faveur de ressources supplémentaires reçoive l’attention voulue. Les principales approches destinées à améliorer l’efficacité technique et allocative sont bien connues. Elles comprennent l’allocation de ressources à des services et des intrants qui génèrent les résultats les meilleurs et à moindre coût, la mise en commun des fonds, une plus grande transparence et une plus grande redevabilité, des achats stratégiques et le renforcement des capacités de gestion tant au niveau des pouvoirs publics que des institutions de santé. Dans certaines circonstances, il pourrait être possible d’accroître le niveau des ressources allouées à la santé ou à d’autres secteurs prioritaires en identifiant des postes budgétaires dont l’équité est sujette à caution comme des subventions aux carburants et aux produits alimentaires. 24. Les progrès soutenus en vue de la CSU sont tributaires de la mobilisation de ressources intérieures. Dans un contexte d’augmentation démographique dans la plupart des pays, les dépenses de santé et la demande pour les services de santé vont probablement s'accroître. De plus, les systèmes de santé devront faire face à des évolutions dans les besoins de santé, comme les maladies non transmissibles chroniques. La Conférence des Nations Unies sur le financement du développement à Addis-Abeba en juillet 2015 avait appelé à la mobilisation des ressources comme élément central du programme des
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