La couverture santé universelle en Afrique : un cadre pour l'actioni - World Bank

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La couverture santé universelle en Afrique : un cadre pour l'actioni - World Bank
La couverture santé universelle en Afrique :
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                                       Résumé analytique
Pourquoi investir dans la couverture santé universelle (CSU) ?

Les investissements dans les systèmes de santé en Afrique sont la clé d’une croissance inclusive et
durable. La forte croissance économique de ces dernières années a contribué à abaisser le taux de
pauvreté à 43 % de la population. Toutefois, avec l’augmentation de la population de l’Afrique – qui
devrait atteindre 2,5 milliards d’ici 2050 – un des défis cruciaux pour la région est de créer les bases
d’une croissance inclusive à long terme. De nombreux pays souffrent encore de taux élevés de mortalité
infantile et maternelle, la malnutrition est encore trop répandue, et la plupart des systèmes de santé ne
sont pas en mesure de gérer efficacement les épidémies ni le fardeau croissant des maladies chroniques
telles que le diabète. Ces défis exigent un renouvellement des engagements et des progrès accélérés en
vue de la couverture santé universelle (CSU) qui permettra à chacun de recevoir les soins de santé selon
ses besoins, et sans difficultés financières.

Investir dans la CSU est rentable. La première raison d’investir dans la CSU est d’ordre moral : il est
inacceptable que certains membres de la société soient exposés à la mort, à l’invalidité, à la maladie et à
l’appauvrissement pour des questions qui pourraient être réglées à peu de frais. Mais la CSU est
également un bon investissement. La prévention de la malnutrition ainsi que de la mauvaise santé se
traduira probablement par des effets bénéfiques considérables en termes de vies plus longues et
productives, de niveaux de revenu plus élevé, et de frais médicaux épargnés. Une réponse efficace à la
demande de planification familiale accélèrera la transition en matière de fécondité, qui entraînera à son
tour des taux de croissance économique plus élevés ainsi qu’une réduction plus rapide de la pauvreté. De
plus, l’amélioration des systèmes de surveillance épidémiologiques peut endiguer le coût humain et les
conséquences économiques des épidémies. En 2015, la perte de croissance économique due au virus
Ébola s’est chiffrée à plus d’un milliard de dollars USD dans les trois pays touchés par l’épidémie.

La CSU en Afrique : progrès et défis

Les dépenses de santé en Afrique ont fortement augmenté, mais les dépenses publiques domestiques
marquent le pas. Dans l’ensemble, la dépense de santé a augmenté rapidement au cours des vingt
dernières années, en particulier dans les pays à revenu intermédiaire. Mais cette augmentation est due
principalement aux dépenses de santé payées directement par les ménages et à l’aide au développement,
dont environ la moitié était destinée aux dépenses liées au VIH/sida. C’est ainsi que la part des dépenses
de santé dans la dépense publique totale a diminué dans la moitié des pays de la région. En 2014, seuls
quatre pays ont atteint l’objectif d’Abuja qui fixe à 15 % la part des dépenses publiques à consacrer à la
santé. Le faible niveau des ressources domestiques engagées se traduit souvent par des pénuries d’intrants
essentiels, tels que les ressources humaines pour la santé et les produits pharmaceutiques.

Si la couverture des services de santé essentiels a augmenté, de graves lacunes subsistent. La
couverture en matière de moustiquaires traitées à l’insecticide pour les enfants a rapidement augmenté en
Afrique, ce qui explique partiellement la baisse de la mortalité infantile. D’autres indicateurs liés aux
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services de santé maternelle et infantile, tels que les soins prénatals et l’accouchement assisté par du
personnel qualifié, se sont également améliorés. De grandes disparités subsistent néanmoins à l’intérieur
des pays et la couverture reste très incomplète pour de nombreux services essentiels. L’accès aux services
de traitement du VIH/sida, de la tuberculose et du paludisme reste inégal et inférieur aux autres
indicateurs de base de progrès de la CSU. Les progrès sont également lents quant à l’amélioration l’accès
à l’eau et à l’assainissement, et la région est loin d’atteindre l’objectif de développement durable 2030 qui
vise à assurer à 80 % de la population une couverture en matière de services de santé de base essentiels.

Des millions d’Africains sombrent dans la pauvreté à cause du niveau élevé des paiements directs
de santé. La protection contre les risques financiers est généralement faible en Afrique, obligeant la
plupart des patients à puiser dans les revenus de leur ménage pour payer les services de santé, ce qui
s’appelle paiements directs de santé. Dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire (tranche
inférieure), les patients sont moins protégés contre les paiements directs élevés que ceux des pays à
revenu intermédiaire (tranche supérieure). Les paiements directs de santé ont augmenté dans presque tous
les pays, passant de 15 dollars USD par habitant en 1995 à 38 dollars USD en 2014. Ainsi, 11 millions
d’Africains basculent chaque année dans la pauvreté à cause du niveau élevé des paiements directs de
santé. Protéger les personnes de la paupérisation causée par les paiements de santé est une pierre
angulaire de la CSU, et contribuera à empêcher la pauvreté en Afrique.

Accélérer les progrès en vue de la CSU : opportunités, orientations et direction

Accélérer les progrès en vue de la CSU en Afrique est à portée de main, mais exigera un leadership
politique et une vision stratégique claire. La plupart des pays africains ont intégré la CSU parmi les
objectifs de leur stratégie nationale de santé. Mais ces engagements sont lents à se traduire par un
accroissement des ressources domestiques consacrées à la santé, par une aide efficace au développement
avec pour résultat des services de santé équitables et de qualité et une protection financière accrue. Les
pays qui atteindront leurs objectifs en matière de CSU d’ici 2030 pourront éviter un grand nombre de
décès materno-infantiles, renforcer la résilience face aux crises sanitaires, réduire les difficultés
financières liées à la maladie et consolider les bases d’une croissance économique à long terme.

Il n’existe pas d’approche unique pour atteindre la CSU – les stratégies dépendront du contexte
local et du dialogue national. Malgré la grande diversité des pays africains, beaucoup d’entre eux sont
confrontés à des défis communs. Le présent cadre propose aux pays et aux acteurs impliqués dans la
réalisation de la CSU un ensemble de mesures. Il a pour ambition de stimuler des activités en démontrant
que les progrès en vue de la CSU sont non seulement possibles, mais également primordiaux.
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La CSU en Afrique : un cadre pour l’action
Financement : dépenser plus et mieux, assurer une protection financière efficace
Améliorer l’efficacité des dépenses de santé publiques et privées pour obtenir de meilleurs résultats et
    accroître les ressources ;
Accroître les dépenses publiques de santé par le biais d’une réallocation budgétaire et d’une
    mobilisation accrue des ressources nationales ;
Réduire les obstacles financiers à l’utilisation des soins de santé et rendre les services de santé
    abordables pour tous ;
S’assurer que les personnes pauvres et les travailleurs du secteur informel bénéficient du prépaiement et
    que les prestataires bénéficient de conditions équitables ;
Allouer des ressources budgétaires spécifiques pour réduire les obstacles financiers à l’utilisation des
    soins de santé ;
Améliorer l’efficacité de l’aide au développement pour la santé, en améliorant la coordination et
    l’utilisation des systèmes de santé des pays.

Services : centrage sur le patient, qualité des soins et action multisectorielle
Mettre en place des services de santé centrés sur le patient afin d’améliorer la qualité des services et la
   sécurité des patients ;
Donner la priorité aux investissements dans les services de soins communautaires et de santé
   primaires dans le cadre de systèmes viables de gouvernance au niveau local ;
Créer des partenariats avec la société civile et les prestataires non gouvernementaux afin d’élargir
   l’accès aux services et aux interventions essentiels ;
Investir dans la formation initiale, particulièrement dans les zones mal desservies ;
Entreprendre une action multisectorielle pour établir les déterminants de la santé.

Équité : cibler les pauvres et les groupes marginalisés, en ne laissant personne au bord du chemin
Cibler les populations vulnérables et concevoir des programmes adaptés à leurs besoins ;
Étendre les prestations de services aux groupes et lieux marginalisés ;
 Porter à l’échelle nationale les interventions favorables aux pauvres, telles que les incitations à la
    demande, notamment les bons et les transferts conditionnels en espèces ;
 Protéger les droits des femmes, des enfants et des minorités, en particulier durant les périodes de leur
   vie où ils sont vulnérables.

État de préparation : renforcer la sécurité sanitaire
Améliorer les plans de préparation nationale, notamment la structure organisationnelle du
    gouvernement ;
Promouvoir l’adhésion au Règlement sanitaire international (RSI) ;
Utiliser le cadre international pour le suivi et l’évaluation du RSI ;
Améliorer la collaboration avec les partenaires concernés et entre les pays pour la préparation et la
    réponse aux crises sanitaires.

Gouvernance : ancrages politiques et institutionnels de l’agenda de la CSU
Mettre en place des plateformes et des processus pour encourager le dialogue sociétal ;
Renforcer les mécanismes qui ont démontré leur efficacité dans le dialogue intersectoriel et l’action ;
Établir un système de suivi et de rapports transparent sur les progrès en vue de la CSU ;
 Assurer à l’ensemble des citoyens l’accès aux données et aux informations relatives à la CSU, dans le
     cadre d’un dialogue sociétal et de processus participatifs ;
 Renforcer les institutions et les organisations nationales pour qu’elles puissent diriger la mise en œuvre
des réformes nécessaires à la CSU.
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La CSU en Afrique : un cadre pour l’action

                                           Texte complet

A.      Pourquoi investir dans la couverture santé universelle (CSU) ?

1.       Au cours des quinze dernières années, de nombreuses parties de l’Afrique1 ont connu une
croissance économique rapide et une réduction spectaculaire de la pauvreté. Entre 2001 et 2014, le
produit intérieur brut (PIB) réel a augmenté de 5 % par an, contre à peine plus de 2 % dans les années
1980 et 1990 (Fonds monétaire international, 2016). La croissance économique a contribué à la réduction
de la pauvreté dans l’Afrique subsaharienne : le pourcentage de la population vivant au-dessous du seuil
de pauvreté est en effet tombé de 57 % en 1990 à 43 % en 2015 (Banque mondiale et Fonds monétaire
international, 2016). Les progrès sont cependant inégaux, reflétant les conflits et l’instabilité de certaines
parties du continent. Pourtant, en dépit d’une économie mondiale qui s’essouffle, la forte demande
intérieure, l’amélioration de la gestion macroéconomique et le renforcement de l’environnement
commercial ont contribué à maintenir vivante la promesse d’une renaissance africaine.

2.       L’Afrique a également enregistré des progrès impressionnants en matière de santé. Entre 1990 et
2015, l’Afrique subsaharienne (ASS) et l’Afrique du Nord (AN) ont connu une baisse respective de la
mortalité juvénile de 54 et 67 % (UNICEF, 2015) (Figure E-1 et E-2 en annexe). Pendant cette même
période, le taux de mortalité maternelle a baissé de 45 % en ASS et de 59 % en AN. Le nombre des décès
liés au sida a fortement baissé entre 2010 et 2015 en ASS, région la plus touchée (de 1,13 à 0,8 million)
(ONUSIDA, 2016b). Ces progrès reflètent : a) une forte augmentation des interventions clés dans le
domaine de la santé maternelle et juvénile ; b) des améliorations importantes dans les efforts de
prévention ; c) l’accès au traitement du VIH/sida dans la plupart des pays africains (fiFigure E-3 et E-4).

3.       Malgré les progrès réalisés, de nombreux pays sont confrontés à d'immenses besoins non
satisfaits en matière de santé et la pression sur les systèmes de santé devrait s’accroître. Dans de
nombreux pays africains, la réduction de la mortalité juvénile et maternelle est restée en deçà des objectifs
du millénaire pour le développement (OMD) ; quant aux objectifs de développement durable (ODD), leur
réalisation représente un défi de taille (figure E-5). La prévalence du VIH/sida et de la malnutrition reste
obstinément élevée. Sur le plan mondial, les nouvelles infections à VIH enregistrent une stagnation à
2,5 millions par an, dont 75 % en Afrique subsaharienne. Par ailleurs, en matière de santé, les disparités
économiques, sociales, géographiques et ethniques ainsi que les disparités entre hommes et femmes
restent d’une ampleur intolérable (Heaton et coll. 2016). D’autres questions importantes apparaissent
également. Les récentes épidémies d’Ébola et de fièvre jaune en Afrique ont souligné la vulnérabilité des
pays face aux crises sanitaires. Les maladies chroniques non transmissibles augmentent à un rythme
alarmant et représentent un défi du double point de vue de la prévention et du traitement. Ces défis
apparaissent dans un contexte de fécondité élevée et de forte croissance démographique. D’après les
estimations actuelles des Nations Unies, la population de l’Afrique devrait passer de 1,2 milliard en 2015
à 2,5 milliards en 2050.

4.       Les progrès en vue d'une couverture santé universelle (CSU) sont non seulement cruciaux pour la
promotion de l’équité, des droits fondamentaux et de la sécurité humaine en matière de santé, mais sont
aussi porteurs d'avantages économiques importants. De nombreux pays d’Afrique ont fait preuve d’un
leadership impressionnant dans la conduite de leur programme de santé, soutenu par des engagements au
titre des objectifs du millénaire pour le développement et, plus récemment, au titre des objectifs de

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développement durable. L’engagement en faveur de la couverture santé universelle (CSU) – l’idée que
chacun puisse accéder aux services de santé dont il a besoin sans encourir de difficultés financières – est
fondé sur la reconnaissance de la valeur intrinsèque de la santé et du droit à la santé. En d’autres termes, il
est inadmissible que certains membres de la société soient exposés à la mort, à l’invalidité, à des
problèmes de santé et à l’appauvrissement pour des problèmes qui pourraient être résolus à peu de frais.
La CSU est également un bon investissement économique. En effet, la prévention de la malnutrition et de
la maladie aura vraisemblablement des effets bénéfiques considérables sur la longévité et la productivité
des individus, le niveau des revenus, et les coûts de santé évités. Une protection contre la paupérisation
provoquée par les dépenses en soins médicaux va également contribuer à la stabilité sociale, qui est un
préalable à une croissance économique soutenue. Une réponse efficace à la demande de planification
familiale accélèrera la transition de la fécondité, qui entraînera à son tour un relèvement des taux de
croissance économique et une réduction plus rapide de la pauvreté. Des systèmes de santé renforcés, aptes
à prévenir et détecter les pandémies et autres crises sanitaires, et à y répondre efficacement, peuvent
réduire de façon spectaculaire les perturbations et les coûts économiques causés par de tels évènements.
De plus, l’accès à des services de santé à un coût abordable aide à réduire les difficultés financières liées à
la maladie, tout en contribuant à la cohésion sociale et à la réduction de la pauvreté. Enfin, le secteur de la
santé contribue de plus en plus, et directement, à la croissance économique et à la création d’emplois. En
résumé, la CSU est non seulement un facteur d’égalisation sociale, mais également un bon investissement
dans le capital humain et la sécurité sanitaire, ainsi qu’un moteur pour la création d’emplois dans le
secteur de la santé.

5.      La CSU devient de plus en plus un impératif politique car les citoyens de la région attendent des
services de santé plus accessibles et de meilleure qualité. Compte tenu de l’enjeu, il n’est pas surprenant
que la santé soit au premier plan du débat politique dans différents pays du monde. L’Afrique ne fait pas
exception. Le dernier sondage d’opinion Afrobaromètre, mené dans 36 pays d’Afrique, souligne
l’importance accordée à la santé par la population africaine. De même que les sondages menés sur
d’autres continents, cette enquête révèle un haut degré de frustration et de préoccupation face aux
systèmes de santé de la région. Les personnes interrogées mentionnent la longueur des temps d’attente,
les coûts élevés, le manque de respect de la part des prestataires et le fait qu’elles-mêmes, ou les membres
de leur famille, renoncent souvent à se faire soigner en cas de maladie ou de blessure. La santé est
systématiquement définie comme l’un des grands défis auxquels sont confrontés les pays africains ; dans
27 des 29 pays couverts par l’enquête Afrobaromètre 2014/2015, la santé est classée comme l’une des
deux grandes priorités exigeant un accroissement des dépenses publiques.

6.      Le présent document fournit un cadre pour l’action vers la CSU pour l’Afrique. Il souligne les
progrès réalisés ces vingt dernières années dans l’extension de la couverture des services de santé clés,
dans la protection contre les risques financiers causés par les paiements de soins de santé et dans le
renforcement de la sécurité sanitaire. Malgré des progrès notables, il reste d'énormes défis. Il n’y a pas de
modèle unique pour la façon de s’attaquer à ces défis ; les pays devront tracer leur propre trajectoire en
fonction de stratégies définies par les pays, ou de feuilles de route, qui reflètent les besoins, les aspirations
et les contraintes des divers pays de la région. Néanmoins, les leaders africains ont souscrit des
engagements communs à la CSU par le biais du processus des ODD, et par le biais des déclarations et des
organismes régionaux, et des politiques et des législations nationales. S’appuyant sur ces engagements, le
présent cadre est destiné à stimuler l’action, en démontrant que la progression vers la CSU est non
seulement possible, mais également essentielle.
B.      La CSU en Afrique : progrès et défis

7.       Les progrès réalisés vers la CSU sont mesurés par le degré de couverture des principaux services
ou interventions de santé et le niveau de la protection financière. Le cadre de suivi de la CSU, développé
par l'OMS et la Banque mondiale, se concentre sur les objectifs de couverture des services et de
protection financière (OMS et GBM 2014). La mesure de la couverture des services tient compte d'un
large spectre d'interventions incluant la promotion, la prévention, les traitements, la réadaptation et les
soins palliatifs. Étant donné qu'en Afrique la charge de morbidité se concentre sur les maladies
transmissibles, ainsi que sur les maladies maternelles, néonatales et nutritionnelles, les rapports sont
généralement consacrés à ces domaines. Afin d'évaluer le niveau de protection des populations africaines
contre les difficultés financières entraînées par d’importants paiements directs des services de santé par
les patients, le cadre de suivi repose sur deux types standards d'indicateurs de protection financière : (i)
l'incidence des dépenses catastrophiques de santé et (ii) l'incidence des dépenses entraînant un
appauvrissementii. Pour cerner les progrès réalisés vers la CSU, il est également fréquent d'analyser l'état
des ressources du système de santé. Cette analyse peut inclure des indicateurs sur la capacité du système
de santé (par exemple les infrastructures, les ressources humaines ou la préparation aux pandémies) et le
montant des ressources financières consacrées à la santé.

Les dépenses de santé ont augmenté malgré la stagnation des financements du secteur public

8.      Entre 1995 et 2014 (à PPA 2011), les dépenses totales de santé (DTS) par habitant ont
augmenté, passant en moyenne de 113 USD à 306 USD. Le total des dépenses de santé en Afrique est
comparable aujourd'hui à celui des pays à faible revenu à travers le monde. Cependant, les moyennes
régionales cachent une importante hétérogénéité à travers le continent et le degré d'inégalité dans le total
des dépenses de santé entre les pays a augmenté au fil du temps (Figure B-1). En moyenne, les DTS ont
augmenté plus rapidement que le PIB, de 5 % par an au cours des deux dernières décennies, à comparer à
une croissance de 2 % du PIB (Figure E-6). En conséquence, la part des DTS dans le PIB est passée de 5
% en 1995 à 6 % en 2014 (Figure E-7), avec des variations importantes entre les pays, de 2,6 % en RDC
jusqu'à 11 % pour Djibouti, le Lesotho et la Sierra Leone.
Figure B-1 : Importante variation de la croissance et du niveau des dépenses totales de santé dans
les pays africains

Variation des DTS par habitant et par pays (à PPA)
Afrique 1995 – 2014
DTS par habitant (USD, PPA 2011)
Source : Analyse de la BM basée sur OMS - GHED
Les cercles vides (pleins) représentent la part moyenne des DTS par habitant en 1995 (2014) du pays
La ligne bleue pointillée représente la moyenne de l'échantillon des DTS par habitant en 1995 (113,5 USD)
La ligne bleue continue représente la moyenne de l'échantillon des DTS par habitant en 2014 (306,1 USD)

9.       Les dépenses publiques pour la santé ont progressé lentement et se situent loin des objectifs
ambitieux de la Déclaration d'Abuja. En 2014, les recettes publiques en pourcentage du PIB variaient
en Afrique de 0,9 % pour le Nigeria à 8,1 % pour le Lesotho. Le niveau relativement faible des recettes
publiques dans de nombreux pays (Figure B-2) se traduit par un faible niveau des dépenses publiques de
santé. Dans la Déclaration d'Abuja de 2001, la plupart des pays de la région s'étaient engagés à augmenter
les dépenses publiques de santé jusqu'à au moins 15 % du budget du pays. Malgré cela, la part des
dépenses publiques consacrée à la santé a diminué dans la moitié des pays africains entre 2002 et 2014.
Seuls quatre pays ont dépassé en 2014 les objectifs d'Abuja, même si certaines aides au développement de
la santé (ADS) étaient comptabilisées dans l'estimation des dépenses publiquesiii (Figure B-3). Aucun des
cinq pays ayant atteint en 2002 l'objectif de 15 % n'a été en mesure de maintenir le niveau ciblé des
dépenses nationales de santé.
Figure B-2 : Faible niveau des recettes                                                                                              Figure B-3 : Progrès limités dans l'atteinte des
publiques dans de nombreux pays                                                                                                      objectifs d'Abuja

                                                                                                                                      20
  60

                    LSO

                            Government budget allocated to health (2014)
                                                                                                                                                                               SWZ            MWI
                                                                                                                                                                              ETH
  50

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                                                                                                                                      15
                                                                                                                                                                                   DJITUN CAF ZAF
                                                                                                                                                                                        NAM
                                                                                                                                                                         BDI
                                                                                                                                                                       LSOKEN
                                                                                                                                                                             STP                                  TZA
                                                                                                                                                                 LBR   SDN            CPV
                                                                              COG                                                                                                                    ZMB
                                                                                                                                                                                     UGABFA           SLE
   40

                                                                                                                                      10
                                                                                                                                                                          DZA MUS
                                                                                                                                                                                RWA                               MDG
                                                                                                                 LBYBWA                                            SYC         BEN
                                                                                                                                                       COG         GIN
                                                                                                                                                                   COM             BWA         TCD          MOZ
                                                                                  AGO       NAM                                                        NGA                     SEN
                                                                                                                                                                    TGOGNB      NER
                                                                                                           DZA                                               GAB       CIV
              MOZ                                                                                                                                                           GNQ
                                                                                                                                                                           GHA
             LBR SSD DJI
  30

                                                                                     SWZ                                                                   MAR
                                                                                                                                                                   EGY
                                                                                                                                                                            MRT
                                                                                                                                                                                 MLI
             BDI                                                                    MAR              ZAF

                                                                                                                                        5
                                                                                                                                                    AGO                LBY
                   ZWE STP MRT                                                                TUN                         GAB                                           CMR
              MWI SEN                                                                                                                              ERI
                 RWA
                COM                                                                            EGY
              NERGMB
               GIN                                                           CPV
                 BFA
                GNB CIV
   20

                                                                                                                            MUS
                TGO KEN  ZMB                                                                                                                     COD
                       CMR
                     TCD   GHA
                  BEN
                   MLI

                                                                                                                                        0
            CAF ETH TZA
            ZARERIUGA
                  SLE
                MDG                                                                                                                         0             5               10                  15                        20
                           SDN                                                                                                                         Government budget allocated to health (2002)
   10

                                                                            NGA

        0                 5000                                                       10000              15000               20000
                                                                           GDP per capita in PPP (2014)
                                                                                                                                    Source : OMS GHED.
Source : FMI PEM.
                                                                                                                                    Budget public alloué aux dépenses de santé (2014)
Recettes en % du PIB (2014)                                                                                                         Budget public alloué aux dépenses de santé (2002)
PIB par habitant (à PPA) (2014)

10.      Il faut noter une croissance significative de l'aide au développement en matière de santé
mais une préoccupation croissante quant à la durabilité, l’efficacité et les variations du financement
national des dépenses de santé. L'aide au développement de la santé (ADS) a rapidement augmenté en
Afrique au cours des dernières décennies (Figure B-4). La croissance de l’ADS accordée à la région a été
en grande partie consacrée aux dépenses liées au VIH/SIDA et au paludisme. La part de l’ADS allouée au
VIH/SIDA est passée en 1990 de 7 % du total de l’ADS à un sommet de 54 % en 2010. De la même
façon, l’ADS consacrée au paludisme a augmenté pour passer en 1990 de 1 % des DTS à 13 % en 2010
(Figure B-5). Cependant, et alors que l’ADS augmentait en Afrique, les dépenses nationales stagnaient, en
particulier dans les pays à faible revenu (PFR). En conséquence, la part de l’ADS dans les dépenses
totales de santé a augmenté dans les PFR, passant de 20 % en 2000 à 35 % en 2014iv (Figure B-6). Cette
situation soulève différentes questions, par exemple savoir jusqu'à quel point l’ADS peut-elle se
substituer aux ressources nationales (c.-à-d. quel est le degré de fongibilité ?), comme d'autres questions
entre partenaires de développement relatives à l'efficacité et la viabilité à long terme des priorités
financées par l’ADS. Le financement du renforcement des systèmes de santé n'a pas non plus augmenté
au cours de cette période.
Figure B-4 : Faible corrélation entre ADS                                                                              Figure B-5 : Croissance de l’ADS sous
et revenus                                                                                                             l'impulsion du VIH/SIDA et du paludisme
  50

                                                                                                                         14
                                                                                      NAM

                                                                                                                         12
  40

                                                                                DAH in billion USD

                                                                                                                         10
                                                          LSO
                                                          STP             SWZ
                                                                                                     BWA

                                                                                                                          8
  30

                                                  ZWE

                                                                                                                          6
                                              RWA           ZMB           CPV
                                                                                                                 SYC

                                                                                                                          4
                                              UGA
  20

                                            SLE
                                           MOZ

                                                                                                                          2
                                    MWI
                                     LBR
                                                  TZA KEN
                                            GMB
                                             GNB                                                           MUS

                                                                                                                          0
                                               BFACOM
                                              MLI                                                    ZAF

                                                                                                                              1990
                                                                                                                                     1991
                                                                                                                                            1992
                                                                                                                                                   1993
                                                                                                                                                          1994
                                                                                                                                                                 1995
                                                                                                                                                                        1996
                                                                                                                                                                               1997
                                                                                                                                                                                      1998
                                                                                                                                                                                             1999
                                                                                                                                                                                                    2000
                                                                                                                                                                                                           2001
                                                                                                                                                                                                                  2002
                                                                                                                                                                                                                         2003
                                                                                                                                                                                                                                2004
                                                                                                                                                                                                                                       2005
                                                                                                                                                                                                                                              2006
                                                                                                                                                                                                                                                     2007
                                                                                                                                                                                                                                                            2008
                                                                                                                                                                                                                                                                   2009
                                                                                                                                                                                                                                                                          2010
                                                                                                                                                                                                                                                                                 2011
                                                                                                                                                                                                                                                                                        2012
                                                                                                                                                                                                                                                                                               2013
  10

                                                   BEN SEN                                                   GNQ
                              BDI                    SSD
                                     COD ETH              CIVGHA    COG
                                        ERITGO
                                       CAF                CMR      NGA
                                        MDG
                                        GIN          TCD MRT                                                                                                               HIV/AIDS                                                            Child Health
                                      NER                    SDN       MAR TUN                             GAB
                                                                      EGY                                  LBY                                                             Maternal Health                                                     Malaria
    0

                                                                              DZA
                                                                                                                                                                           Other
                      5               6              7                8                               9
                                             lnGNI per capita (2010-14)
                                                                                                                       Source : IHME.
Source : OMS - GHED et Banque mondiale.                                                                                Note : "Autres" comprend la tuberculose, d'autres
                                                                                                                       maladies infectieuses, les SWAP et le renforcement
                                                                                                                       des systèmes de santé, les maladies non
                                                                                                                       transmissibles et d'autres. En 2013, elles
                                                                                                                       représentaient respectivement 2 %, 1 %, 6 %, 1 %
                                                                                                                       et 8 % du total de l’ADS.
ADS par habitant (2010 – 2014)                                                                                         ADS en milliards USD
RNB par habitant (2010 – 2014)                                                                                         VIH/SIDA
                                                                                                                       Santé infantile
                                                                                                                       Santé maternelle
                                                                                                                       Paludisme
                                                                                                                       Autres

Figure B-6 : Part croissante de l’ADS dans les dépenses totales de santé
                      40

                      35

                      30
   DAH share of THE

                      25
                                                                                                                                                                                                           LIC
                      20
                                                                                                                                                                                                           LMIC
                      15
                                                                                                                                                                                                           HMIC
                      10

                          5

                          0

Source : Calculs des auteurs à partir de OMS - GHED.
Note : LIC = Pays à faible revenu (PFR)
       LMIC = Pays à revenu intermédiaire, tranche inférieure (PRII)
       HMIC = Pays à revenu intermédiaire, tranche supérieure (PRIS)
       Les PFR incluent le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, la République centrafricaine, le Tchad,
       les Comores, la République démocratique du Congo, l'Érythrée, l'Éthiopie, la Gambie, la Guinée,
       la Guinée-Bissau, le Libéria, Madagascar, le Malawi, le Mali, le Mozambique, le Niger, le
       Rwanda, la Sierra Leone, la Somalie, le Sud-Soudan, la Tanzanie, le Togo, l'Ouganda et le
       Zimbabwe.

La capacité des prestations de santé s'est améliorée, mais insuffisamment pour répondre aux
besoins actuels et futurs

11.     Le nombre de professionnels de la santé est le facteur le plus critique dans la fourniture des
services de santé. La densité du personnel de santé est un bon indicateur de la capacité d'un pays à
procurer à sa population des services de santé. La pénurie en personnel de santé qualifié a été un
important frein à l'atteinte de la CSU à travers le continent et celle-ci est particulièrement grave en
Afrique subsaharienne. L’Afrique subsaharienne enregistre 24 % de la charge des maladies à travers le
monde mais seulement 3 % de l'effectif mondial des personnels de santé (OMS, 2006). La pénurie en
médecins, infirmières et sages-femmes dans les pays AFRO de l'OMS est estimée à environ 2,7 millions
de travailleurs en 2013, bien en dessous du seuil de l'indice ODD (4,45 médecins, infirmières et sages-
femmes pour 1 000 habitants). Le déficit est estimé à 4,2 millions de travailleurs si toutes les catégories
de personnel de santé sont incluses et il est prévu que ce déficit total atteigne 6,1 millions en 2030. Une
étude a estimé que le financement des rémunérations aurait dû augmenter en 2015 d'environ 20 milliards
USD si le nombre requis d'agents de santé avaient été employés. La pénurie en personnel de santé au
niveau des pays est exacerbée par de graves déséquilibres dans la répartition géographique des
professionnels qualifiés : une estimation fixe à plus de 90 % le nombre de pharmaciens et dentistes
pratiquant dans les zones urbaines, d'autres professionnels de la santé enregistrant une distribution
similaire (OMS 2016a). De plus, une information exacte, à jour et cohérente à l'échelle nationale et
portant sur les effectifs de santé n'est pas toujours disponible, soulignant ainsi la nécessité de renforcer les
systèmes d'information nationaux essentiels.

12.      Différents groupes de prestataires privés de services de santé jouent un rôle actif dans
l'agenda de la CSU. Environ 40 % des paiements directs des services de santé sont consacrés aux
prestataires privés de services de santé, en particulier les organisations religieuses, les ONG, les
institutions sans but lucratif et les prestataires à but lucratif. Des expériences de plus en plus fréquentes
dans la prestation des soins de santé entre les services publics et les prestataires privés montrent des
synergies et des gains d'efficacité. Cependant, procurer l'intendance nécessaire pour multiplier et soutenir
de tels partenariats s'est souvent avéré difficile pour les gouvernements. Un nombre croissant d'exemples
de collaboration avec le secteur privé relevés à travers le continent montre que cette collaboration influe
également sur le marché des principales matières premières et matériel médical, ainsi que sur les secteurs
de la distribution et de la maintenance. Enfin, de nombreux pays commencent à recourir
contractuellement et avec succès au secteur privé pour des services spécifiques tels que le transport et
l'élimination des déchets médicaux.

13.      L'accès aux principaux médicaments et technologies sécuritaires, abordables et de qualité
reste un défi. Malgré les progrès réalisés en Afrique dans différents domaines, l'accès aux médicaments
reste faible. Dans certains pays africains, la disponibilité de différents médicaments sélectionnés ne
s'élève qu'à 21 % dans le secteur public et 22 % dans le secteur privév. Les défis communs incluent des
prix élevés, un financement inadapté, une faible réglementation pharmaceutique, des systèmes
d'approvisionnement et de distribution inadéquats, un accès limité à l'information et une utilisation
inappropriée. De plus, la région est le théâtre de la circulation de plus en plus importante de produits
médicaux contrefaits ou inférieurs aux normes en raison de la faible performance des autorités nationales
de réglementationvi. Lorsque les médicaments ne sont pas remboursés par l'assurance maladie ou délivrés
dans les établissements publics, les paiements directs peuvent être importants et les populations les plus
vulnérables sont exposées à des difficultés financières et à l'appauvrissement.

Couverture des principaux services et interventions de santé : progrès mitigés

14.      Des progrès mitigés ont été constatés dans la couverture des services. Malgré cela, des
progrès impressionnants dans la couverture et l'équité ont été enregistrés au cours des deux dernières
décennies pour certains services et interventions de santé critiques (Figure B-7). L'amélioration des
indicateurs de la couverture des services reste pour la plupart concentrée sur la population la plus aisée,
mais le degré d'inégalité a légèrement diminué. L'amélioration la plus rapide a été enregistrée dans la
protection des lits d'enfants par des moustiquaires imprégnées d'insecticide, qui a augmenté en moyenne
d'environ 15 % par an entre 2006 et 2014. Tous les indicateurs liés à la santé maternelle ont également
progressé au cours des 20 dernières années (Figure B-8). Les visites prénatales (au moins 4) et le suivi
qualifié avant accouchement ont également augmenté pour passer d'environ 40 % en 1990 à environ 60 %
en 2014. Mais de larges disparités subsistent entre pays, en particulier pour l'accès à des prestations et
interventions plus complexes telles que l'assistance de sages-femmes qualifiées et le traitement des
maladies graves. Très peu de pays atteignent la couverture sanitaire universelle, même pour des services
planifiables et routiniers tels que les vaccinations.

Figure B-7 : Progrès mitigés                 dans       la   Figure B-8: Principale amélioration pour
couverture des soins infantiles                              les indicateurs de santé maternelle

Source : DHS et MICS.

Tendances de la couverture sanitaire                          Tendances de la couverture sanitaire
Afrique, Indicateurs de santé infantile (1995 – 2030)         Afrique, Indicateurs de santé maternelle (1990 – 2014)

15.     Des lacunes dans l'accès aux services de santé essentiels consacrés au VIH/SIDA, la
tuberculose et le paludisme restent dans de nombreux pays d'importants obstacles à la réalisation
de la CSU. Une augmentation significative de la couverture des services de santé essentiels contre ces
maladies a été enregistrée depuis 2002. L'augmentation de la couverture de la prévention de la
transmission mère-enfant du VIH a entraîné une réduction de 60 % des nouvelles infections chez les
enfants. À fin 2015, les programmes soutenus par le Fonds mondial, l'OMS, l'ONUSIDA et d'autres
partenaires ont aidé les pays africains en fournissant à 7,7 millions de patients un traitement antirétroviral,
en détectant et traitant 4,2 millions cas de tuberculose et en fournissant plus de 550 millions de
moustiquaires imprégnées d'insecticide. L'amélioration de l'accès au traitement du SIDA a entraîné depuis
2010 en Afrique orientale et australe (AOA) une diminution de 36 % des décès liés au SIDA. Cependant,
l'accès aux services consacrés au VIH, la tuberculose et le paludisme reste inégal et inférieur à d'autres
indicateurs de base du progrès de la CSU (Figure E-8). Par exemple, 56 % environ des PVVIH ont été
diagnostiquées en AOA et 54 % d'entre elles sont sous traitement, à comparer à 36 % diagnostiquées et 28
% sous traitement en Afrique de l'Ouest et 36 % diagnostiquées et 17 % sous traitement en Afrique du
Nord (ONUSIDA 2016a).

16.     L'accès à un meilleur approvisionnement en eau et assainissement a progressé durant les
deux dernières décennies, mais à un rythme lent. L'évolution entre 1991 et 2014 de l'accès à un
meilleur approvisionnement en eau en Afrique n'enregistre qu'une légère amélioration (d'environ 0,9 %
par an en moyenne). L'indicateur de l'accès à l'eau et l'assainissement individuel a augmenté à un rythme
plus rapide, autour de 2,5 % par an (Figure E-9). Encore une fois, des tendances positives pour le
continent dans son ensemble cachent d'importantes différences entre les groupes économiques, les sous-
régions et les pays. Dans l'ensemble, la région est loin d'atteindre une couverture de 80 % de la
population, objectif ODD 2030 pour les principaux services de santé de base.

17.      Dans de nombreux pays, la mauvaise qualité des soins de santé compromet la CSU. La
mauvaise qualitévii des soins coûte des vies et gaspille les rares ressources. Des déficits importants dans la
disponibilité des principaux médicaments et des équipements médicaux, ainsi que dans les connaissances
et les pratiques des agents de santé en première ligne ont été mis en évidence au cours des dernières
enquêtes de l'initiative « Indicateurs de prestation de service » (IPS) (Error! Reference source not
found.). Les objectifs de mortalité ODD ne seront pas atteints à moins que les défauts de qualité ne soient
traités dans un plus large éventail d'interventions.
Encadré B-1 : Principales conclusions des enquêtes sur les indicateurs de prestation de service
 (IPS)
 Des données comparables sur la qualité des soins dans les pays africains sont extrêmement limitées. Pour aider
 à combler ce manque d'information, la Banque mondiale, la Banque africaine de Développement et le
 Consortium pour la Recherche économique en Afrique se sont associés dans l'Initiative IPS pour mettre en
 œuvre un programme d'enquêtes représentatives au niveau national destiné à mesurer trois facteurs susceptibles
 d'influer sur la qualité des soins en première ligne : (i) l'absentéisme et la charge de travail des agents de santé,
 (ii) la disponibilité des principales infrastructures et des intrants nécessaires aux agents de santé pour effectuer
 leurs principales tâches et (iii) le niveau de connaissance des agents de santé (mesuré par des vignettes
 cliniques). À fin juin 2016, les enquêtes IPS avaient été menées dans neuf pays africains et les données
 correspondantes sont actuellement disponibles pour sept pays (Error! Reference source not found.).

 Tableau B-1 : Indicateurs sélectionnés à partir de 7 enquêtes IPS
                                           Mozambique   Kenya     Sénégal   Ouganda    Tanzanie    Togo       Nigeria
                                             (2014)     (2013)     (2012)    (2013)     (2014)    (2014)      (2014)
        Absent de l'établissement               23,9       27,5        20       46,7       14,3     37,6       31,7
            (% fournisseurs)
            Charge de travail                   17,4       15,2         -       6,0         7,3     5,2         5,2
      (Par fournisseur et par jour)
       Disponibilité des principaux             42,7       54,2        78       47,2       60,3     49,2       49,2
              médicaments
            (% médicaments)
       Disponibilité des principaux             79,5       76,4        53       21,9       83,5     92,6       21,7
               équipements
            (% équipements)
      Disponibilité des installations           34,0       46,8        39       63,5       50,0     39,2       23,8
             (% installations)
   Précision du diagnostic dans 5 cas-          58,3       72,2        34       58,1       60,2     48,5       39,6
                 traceurs
            (% cas cliniques)
     Respect des lignes directrices de          37,4       43,7        22       41,4       43,8     35,6       31,9
  diagnostic clinique pour les cinq cas-
                 traceurs
         (% directives cliniques)
  Respect des directives de traitement          29,9       44,6         -       19,3       30,4     26,0       19,8
 clinique des complications maternelles
              et néonatales
         (% directives cliniques)

 Dans les pays étudiés, le niveau d'absentéisme des agents de santé est élevé, variant de 20 % (Sénégal) à près
 de 50 % (Ouganda). Pour les agents présents, la charge de travail moyenne est souvent faible, comprise entre
 cinq et sept patients par jour en Ouganda, Tanzanie, Togo et Nigeria. La capacité de fourniture des soins des
 agents de santé est également diminuée par le manque d'intrants tels que les principaux médicaments et
 les équipements médicaux essentiels. Dans tous les pays étudiés, à l'exception du Sénégal et de la Tanzanie,
 moins de la moitié des médicaments essentiels est disponible dans les établissements de santé. En Ouganda et
 au Nigeria, seul un cinquième des installations répondent aux critères minimaux de l'équipement médical. Au
 Nigeria, moins d'un établissement de santé sur quatre dispose simultanément de l'eau, d'un assainissement et de
 l'électricité. Enfin, les indicateurs révèlent que la connaissance clinique de base du personnel de santé est
 insuffisante dans de nombreux pays. Compte tenu du fait bien connu que les agents de santé mettent
 généralement en pratique beaucoup moins de connaissances qu'ils n'en ont apprises (l'écart du "savoir-faire"), la
 qualité des soins est très probablement encore plus basse que ne le reflètent les mauvais résultats obtenus
 lors des tests de connaissance.

 Source : www.sdindicators.org

Des frais élevés et croissants à la charge des patients contribuent à l'appauvrissement

18.     Les dépenses encourues par les ménages pour le paiement direct des services de santé
restent élevées en Afrique. Alors que la part des frais de santé à la charge des patients dans les DTS a
diminué dans la plupart des pays, le niveau des frais à la charge des patients a augmenté et la nécessité de
renforcer les mécanismes nationaux de financement du prépaiement reste une priorité pour les systèmes
de santé africains. La couverture par l'assurance sociale de santé (ASS) et les autres formes d'assurance
est relativement faible dans la plupart des pays d'Afrique. Les dépenses publiques pour la santé
constituent donc le plus important vecteur de mise en commun des ressources dédiées aux services de
santé et le principal moyen de promouvoir l'accès aux soins et la protection financière. En raison des
faibles niveaux de dépenses publiques, une part importante de la charge financière de la santé incombe
cependant aux patients sous la forme du paiement des services de santé à la charge des ménages. En
termes absolus, les paiements directs ont augmenté dans presque tous les pays de la région, passant de 15
USD en 1995 à 38 USD en 2014 (USD constant). Étant donné que le total des dépenses de santé a
augmenté à un rythme plus rapide au cours de la même période, dans la plupart des cas entraînées par la
hausse de l’ADS, la part des dépenses de paiement direct des services de santé dans le total des dépenses
de santé (DTS) a diminué, passant de 44 % à 34 % (Figure B-9).
Figure B-9 : Les dépenses de santé à la charge des patients (paiement direct des services de santé) restent
                                           élevées en Afrique

Dépenses de santé à la charge des patients par habitant (USD constant) 1995 – 2014
Variation de la part du paiement direct des services de santé dans le total des dépenses de santé (%) 1995 – 2014

19.     Le niveau élevé et croissant des dépenses pour le paiement direct des services de santé
exerce une forte pression sur les ménages en Afrique et est une cause majeure et croissante de
l'appauvrissement. Sur la base des enquêtes réalisées auprès des ménages des pays africains au cours des
25 dernières années (1990-2014), des millions de ménages ont rapporté des dépenses de santé d'un
montant catastrophique et entraînant la paupérisation, les ménages des PFR et PRII étant plus vulnérables
que ceux des PRIS. Environ 35 millions de personnes, soit de 0,8 à 5,4 % de la population pour
l'ensemble des pays et en moyenne 3,2 %, ont dû assurer le paiement de dépenses catastrophiques de
santé dans une année donnée (Figure B-10). De même, environ 11 millions de personnes dans les PFR et
les PRII, soit près de 1,4 % de la population, sont tombées dans la pauvretéviii en raison des dépenses de
santé engagées au cours de l'année de l'enquêteix (Figure B-11). La part de la population encourant des
dépenses de santé catastrophiques (seuil de 15 %) a augmenté de 1,2 à 5 % au cours des 25 dernières
années (Figure E-10), tandis que les données disponibles montrent que la part de la population poussée
dans la pauvreté en raison des dépenses de santé a également augmenté, passant de 0,6 % en 1990 à 1,5 %
en 2014 (Figure E-11).

 Figure B-10 : 35 millions d'Africains doivent          Figure B-11 : 11 millions d'Africains
    supporter chaque année des dépenses                  doivent supporter chaque année des
               catastrophiques                        dépenses entraînant leur appauvrissement

Dépenses catastrophiques, par groupe de revenu, Afrique 1990 – 2014
Dépenses entraînant un appauvrissement, par groupe de revenu, Afrique 1990 - 2014

Lacunes dans la préparation aux urgences de santé publique

20.      Le risque de ne pas avoir la capacité suffisante pour répondre aux pandémies a pris une
importance capitale pour la sécurité des personnes. Comme en témoignent ces dernières années, les
flambées d'Ébola, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS), la grippe aviaire et le virus Zika
peuvent dévaster les communautés par des pertes humaines et de graves impacts sociaux et économiques.
La récente épidémie d'Ébola en Afrique occidentale a montré comment une épidémie peut rapidement
proliférer en l'absence d'un solide système de santé offrant une couverture efficace des services non
seulement pour les groupes les plus aisés, mais aussi pour les populations rurales et les groupes
marginalisés. Les récentes épidémies ont également souligné l'importance des fonctions essentielles de
santé publique (FESP), c'est-à-dire la responsabilité de l'état dans l'amélioration, la promotion, la
protection et le rétablissement de la santé de la population par une action collective, comme le moyen le
plus rentable d'améliorer la santé de la population et des individus (OMS 2016b). La capacité de
traitement des déterminants sociaux et environnementaux de la santé contribue également à la prévention
des urgences de santé publique.

21.       La préparation du système de santé aux urgences de santé publique en est encore à ses
balbutiements. À ce jour, le seul pays du continent ayant réalisé une évaluation des FESP (Martin-
Moreno et coll. 2016) est le Maroc, ce qui montre le manque sérieux d'attention portée à la santé publique
sur le continent. En complément, la réglementation sanitaire internationale (RSI) joue un rôle important
pour réduire les risques de situations d'urgence et minimiser les dommages potentiels, mais les
évaluations récentes réalisées dans les pays africains mettent en évidence d'importantes lacunes dans
l'application des principales RSIx. Par exemple, une évaluation externe conjointe (JEE) récemment
achevée en Éthiopie a identifié des problèmes critiques dans l'engagement multisectoriel, l'intégration des
fonctions de surveillance dans les systèmes de santé humaine et animale et le renforcement des capacités
de laboratoire.

C.      Accélérer les progrès en vue de la CSU : opportunités et directions

22.      L’élimination des décès évitables chez la mère et l’enfant, dus au SIDA, à la tuberculose et à
d’autres maladies en Afrique est à portée de main. De récentes analyses réalisées par la Commission
du « Lancet » sur la santé mondiale montrent que les pays qui atteindront les objectifs de la CSU d’ici
2035 élimineront les décès maternels et infantiles évitables - sauvant ainsi la vie a plus de 10 millions de
mères et d’enfants (Jamison et coll. 2013). L’analyse de la Commission montre également que quelques
pays à revenu faible ou intermédiaire possèdent déjà la technologie, l’expérience et le savoir-faire pour
faire de la CSU un objectif réaliste pour l’Afrique. Parallèlement, des évènements récents, tels que
l’épidémie de la maladie à virus Ébola, ont mis en évidence le coût plus élevé que jamais d’un échec. La
perte de production économique et les coûts directs encourus par la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone
se sont élevés à 1,6 milliard USD pour la seule année 2015 (Banque mondiale 2014).

Financement : une dépense en faveur de la santé plus importante et de meilleure qualité, et une
protection financière efficace
 Améliorer l’efficacité des dépenses publiques et privées en matière de santé pour améliorer les
    résultats de santé et accroître les ressources du secteur
 Augmenter la dépense publique de santé par le biais de réaffectations budgétaires et d’une
    mobilisation accrue des ressources nationales
 Utiliser les ressources budgétaires pour réduire les obstacles financiers aux soins de santé et rendre
    les services de santé plus abordables à tout un chacun
 Assurer aux personnes pauvres et aux travailleurs du secteur informel les avantages procurés par le
    prépaiement et aux prestataires de santé une compensation équitable pour leurs prestations
 Améliorer l’efficacité de l’aide au développement consacrée à la santé grâce à une meilleure
    coordination et à l’utilisation des systèmes nationaux

23.      Des gains en efficacité des dépenses publiques et privées de santé seront essentiels pour
améliorer les résultats de santé et avec le temps accroître les ressources dont dispose le secteur.
Dans nombre de pays africains, les secteurs de santé souffrent d'une inefficacité notoire.xi Dans un espace
fiscal en constant rétrécissement, le secteur de la santé devra se développer, démontrer son efficacité et
améliorer ses résultats pour que son plaidoyer en faveur de ressources supplémentaires reçoive l’attention
voulue. Les principales approches destinées à améliorer l’efficacité technique et allocative sont bien
connues. Elles comprennent l’allocation de ressources à des services et des intrants qui génèrent les
résultats les meilleurs et à moindre coût, la mise en commun des fonds, une plus grande transparence et
une plus grande redevabilité, des achats stratégiques et le renforcement des capacités de gestion tant au
niveau des pouvoirs publics que des institutions de santé. Dans certaines circonstances, il pourrait être
possible d’accroître le niveau des ressources allouées à la santé ou à d’autres secteurs prioritaires en
identifiant des postes budgétaires dont l’équité est sujette à caution comme des subventions aux
carburants et aux produits alimentaires.

24.      Les progrès soutenus en vue de la CSU sont tributaires de la mobilisation de ressources
intérieures. Dans un contexte d’augmentation démographique dans la plupart des pays, les dépenses de
santé et la demande pour les services de santé vont probablement s'accroître. De plus, les systèmes de
santé devront faire face à des évolutions dans les besoins de santé, comme les maladies non transmissibles
chroniques. La Conférence des Nations Unies sur le financement du développement à Addis-Abeba en
juillet 2015 avait appelé à la mobilisation des ressources comme élément central du programme des
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