La danse au Québec Patrick Schupp - Vie des arts - Érudit

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La danse au Québec Patrick Schupp - Vie des arts - Érudit
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Vie des arts

La danse au Québec
Patrick Schupp

Numéro 64, automne 1971

URI : https://id.erudit.org/iderudit/57957ac

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Éditeur(s)
La Société La Vie des Arts

ISSN
0042-5435 (imprimé)
1923-3183 (numérique)

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Citer cet article
Schupp, P. (1971). La danse au Québec. Vie des arts, (64), 21–25.

Tous droits réservés © La Société La Vie des Arts, 1971             Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des
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La danse au Québec Patrick Schupp - Vie des arts - Érudit
tommy, les grands ballets canadiens

l'art
 en             l'atelier de roger vilder

mouvement
La danse au Québec Patrick Schupp - Vie des arts - Érudit
ludmilla chiriaeff

                                          Québec veut danser ! Voici er
                                     qu'après un sommeil centenaire,
                                     belle province, comme l'autre
                                     bois dormant, se réveille sous
                                     baiser de Terpsichore et la nuit
                                     sormais, guidée par les trompet
                                     de la Renommée...
                                          Boutade? A peine! La dans*
                                     enfin conquis droit de cité et p
                                     manence au Québec, dans des
                                     maines très divers, et nous assisti
                                     à un bourgeonnement fantastique
                                     talents, humbles et spectaculaii
                                     au terme d'une lutte de tous
                                     i n s t a n t s c o n t r e les p r é j u g é s ,
                                     manque de culture, le puritanis
                                     et surtout la crainte. Aujourd'l
                                     plusieurs compagnies se partag
                                     les applaudissements du public,
                                     certaines ont même largement
                                     passé nos frontières pour aller
                                     montrer et expliquer la puisât
                                     canadienne-française d'un bout
                                     monde à l'autre.
                                          Mais commençons par le dét
                                     comme dans les histoires bien
                                     contées, c'est-à-dire la base, la f
carmina burana, les grands ballets   dation du mouvement de la da
canadiens.                           au Québec: les Grands Ballets
                                     nadiens.
La danse au Québec Patrick Schupp - Vie des arts - Érudit
par patrick schupp                la danse au québec
hier encore                                                                       et déjà demain
    La compagnie est née de la vo-       time internationale; Serge Lifar dé-          Le cadre restreint de cet article
lonté obstinée de Ludmilla Chiriœff,     cerne à la compagnie le premier prix      ne me permet pas d'approfondir,
fille du poète Serge Gorny et de la      de l'Université de la Danse pour le      côté danse moderne, l'historique de
princesse Radziwill, qui immigra au      ballet Catulli Carmina (second de         chaque groupe, encore que chacun
Québec en 1952. Née à Riga, pro-         la trilogie de Cari Orff). Aujourd'hui   ait quelque chose à nous apprendre.
tégée de Fokine et Nikolaevna (qui       enfin, c'est Tommy, joué à guichets      Je ne peux que dire le strict mi-
fréquentent la maison de ses pa-         fermés à New-York, tiré d'un opéra-      nimum, à savoir que Martine Epoque-
rents), après un entraînement dans       rock, et premier ballet vraiment          P o u l i n , Françoise G r a h a m , puis
la grande tradition, Ludmilla danse      engagé.                                  Jeanne Renaud, et d'autre part Hugo
dans les Ballets du Colonel de Basil,        La compagnie est avant tout dans      Romero, ont, chacun, selon leur sen-
puis à l'Opéra de Berlin. En 1939,       la main de fer (mais sous un gant        timent et à leur manière, tenté, et
elle se réfugie à Lausanne pour fuir     de velours) de Madame. Si ses            souvent avec succès, de se faire une
le régime hitlérien, et devient la       danseurs se suivent et ne se res-         place au soleil : Martine Epoque di-
chorégraphe attitrée du Théâtre Mu-      semblent pas nécessairement. Elle         rige le groupe de la Nouvel' Aire,
nicipal. Elle fonde ensuite un école     demeure, veillant sur les jeunes          dont le spectacle d'inauguration offi-
et une compagnie. Mais, ayant épou-      talents qui éclosent et se forment       cielle, en juin dernier, au théâtre
sé le peintre Chiriœff et voulant        au sein de l'Académie qui, parallèle-     Port-Royal, a profondément boule-
donner à ses enfants un cadre de         ment à la compagnie, occupent jour       versé critiques et public. Aller si
vie plus sûr que celui de l'Europe       et nuit l'horaire de Mme Chiriœff.        loin en si peu de temps, voilà qui
d'après-guerre, elle décide d ' i m -        En fait, le rêve obstiné de Ma-      témoigne du sentiment qui anime la
migrer au Canada et s'installe à         dame est de réunir sous un même          troupe. Il y a vraiment loin de la
Montréal.                                toit tous les éléments de la danse:      haute tenue technique du spectacle
    Après un travail intensif (plus de    l'Ecole Supérieure des G.B.C. forme     et de l'intelligence de ses choré-
300 émissions de télévision et appa-      les professeurs et les futurs dan-      graphies (bien qu'on y sente les nom-
ritions sur la scène), et à la sugges-   seurs dans toutes les disciplines:       breuses influences dont elles se
tion du maire Drapeau, Mme Chiriœff      ballet classique (avec une méthode       r é c l a m e n t : B é j a r t d ' a b o r d , puis
fonde, par charte, en 1958, la com-      enseignée à travers toute la pro-        Graham, Robbins peut-être. Limon...)
pagnie des Grands Ballets Cana-          vince), options jazz, caractère et       aux modestes classes d'expression
diens, dont le but sera de «promou-      moderne. Ce système (dont l'expli-       corporelle de l'Université de Mont-
voir la culture et le développement      cation nécessiterait à elle seule tout   réal qui en furent l'origine!
de la danse au Canada». Et le reste      un article!) extrêmement vaste se            Jeanne Renaud, qui a présidé aux
appartient à l'histoire...               ramifie jusqu'en province où Mme         destinées du groupe de la Place
    Jacob's Pillow, au Festival de       Chiriœff a ouvert plus de trente         Royale pendant plusieurs années, est
Danse, l'un des plus importants en       écoles, en partant d'une philosophie     aujourd'hui un peu en retrait, et
Amérique du Nord, les provinces de       précise: réunir toutes les possibi-      laisse à son premier danseur. Peter
l'Atlantique, la Place des Arts de       lités, donner leur chance aux jeunes,    Boneham, le soin de continuer l'en-
plus en plus souvent... En 1964,         communiquer — entre soi, avec le         semble. Le groupe, en 1966-1968,
Fernand Nault devient chorégraphe        public — et aussi découvrir par la       a connu une fulgurante ascension
résident et Anton Dolin, directeur       psychothérapie du geste. Parallèle-      mais s'est essoufflé à vouloir aller
artistique adjoint. C'est le succès et   ment, la création artistique devra       trop vite. Un moment de pause et
la reconnaissance, par un public de      traduire la pulsation contemporaine,     une plus juste appréciation des va-
plus en plus nombreux et enthou-         dans un contexte résolument québé-       leurs redonneront certainement à la
siaste, des qualités exceptionnelles     cois, que ce soit dans le fonds {La      troupe l'énergie qui lui a momen-
de la compagnie : Carmina Burana,        Corriveau, La Fille mal gardée) ou       tanément fait défaut.
présenté à Expo 67 conjointement         dans la forme (Carmina, Tommy,               Hugo Romero, lui, transfuge de
avec Giselle (qui est dansée par          Villon, Mère Courage, etc.).            l'Amérique centrale, après une intel-
l'admirable Alicia Alonzo), et une                                                ligente carrière internationale (dont
tournée subséquente confirment l'es-                                              une partie avec le célèbre Ballet

                                                                                                                       2.Î
La danse au Québec Patrick Schupp - Vie des arts - Érudit
Folklorico de Mexico), a fondé ses            tenir à flot dans le courant artistique
Ballets Modernes du Canada, en                mondial; d'où l'importance de l'ex-
1965, et a donnée des spectacles un           pression contemporaine. En fait, le
peu partout. La critique a loué ses           ballet moderne se fonde sur le prin-
qualités techniques, comme celles             cipe de la liberté totale. C'est l'évo-
de sa partenaire d'un temps, Birouté          lution logique de la danse dite
Nagys, ainsi que sa sensibilité et            classique et la création, à partir
l'audace de ses c h o r é g r a p h i e s .   d'impulsions personnelles, d'un
Pionnier de la danse moderne à                monde qui veut projeter le contem-
Montréal, Hugo Romero est proba-              porain dans une dimension scénique,
blement celui qui a, dans ce do-              donc de communication. Et ceci
maine, le plus à dire...                      marque bien ce jaillissement qué-
   Après cette longue enquête, avec           bécois qui, en prenant conscience
une connaissance approfondie de la            de lui-même, découvre tout natu-
danse, et le visionnement de la plu-          rellement les avenues qu'il doit em-
part des spectacles donnés par les            prunter pour réussir. D'autre part,
groupes ou compagnies dont il vient           «avant le Québec, c'est la personne
d'être question, on s'aperçoit que            humaine qui est en jeu, et il importe
certaines lignes de forces, toujours          avant tout de traduire ce qu'elle
les mêmes, encadrent les philo-               ressent, face à ce qui l'entoure au-
sophies individuelles: la liberté dans        jourd'hui». (Martine Epoque dixit,
l'acte de création et la nécessité de         mais c'est aussi la conviction pro-
correspondre avec la réalité qué-             fonde de Mmes Chiriœff, Renaud,
bécoise tout d'abord. D'autre part,           Zaré, et M M . Romero, Boneham
besoin d'aller de l'avant, de se main-        etc.).
groupe de la nouvel'aire.

      Le danseur québécois fait la dé-                 Terpsichore dans l'anti-lieu par ex-
couverte de son corps, de ses pos-                     cellence: l'Oratoire Saint-Joseph, où
s i b i l i t é s i n d i v i d u e l l e s et de sa   la danse a fait une entrée triomphale
personnalité. Qu'il commence ou                        à la suite de Stravinsky lors de la
continue l'expression qu'il a choisie,                 présentation par la compagnie des
il a conscience qu'il EST. Ses choré-                  Symphonies des Psaumes du grand
graphies le tirent des limbes ar-                      compositeur.
t i s t i q u e s et l u i d o n n e n t d r o i t        Oui, la danse au Québec se porte
d'expression et de cité. Que son                       bien, et les danseurs aussi. Ils
option soit classique, moderne, f o l -                dansent non seulement l'épanouisse-
klorique, ou même ethnique — et                        ment de leur personnalité, mais ils
pourquoi pas? Le travail de Michel                     ont désormais une dette de cœur
Cartier, fondateur et animateur des                    avec le monde, auquel ils ont montré
Feux-Follets est là pour en té-                        qu'ils existaient, et finalement, celui-
moigner — il faut qu'il danse, et                      ci le leur a bien rendu !
bien. Il se trompe, il est maladroit,
il veut aller trop vite? L'impatience
de la jeunesse. Il force les portes,
c r i e , s ' e m p o r t e , se d é c h i r e et
saigne? Il grandit. Il engendre déjà
ses enfants, comme cette meute
des Compagnons de la Danse que
Ludmilla Chiriœff lance à l'assaut
de la jeunesse québécoise. Elle,
toujours elle, a planté le fanion de

                                                                                                     2S
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