LA SÉCURITÉ DANS LES BALKANS OCCIDENTAUX - COMMISSION POLITIQUE - NATO Parliamentary Assembly
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PC 073 PCNP 18 F Original : anglais Assemblée parlementaire de l’OTAN COMMISSION POLITIQUE LA SÉCURITÉ DANS LES BALKANS OCCIDENTAUX PROJET DE RAPPORT* Raynell ANDREYCHUK (Canada) Rapporteure Sous-commission sur les partenariats de l’OTAN www.nato-pa.int 28 mars 2018 * Aussi longtemps que ce document n’a pas été adopté par la commission politique, il ne représente que le point de vue de la rapporteure.
073 PCNP 18 F TABLE DES MATIĖRES I. INTRODUCTION – LES BALKANS OCCIDENTAUX ET LA SÉCURITÉ EURO-ATLANTIQUE .................................................................................................1 II. DYNAMIQUE RÉGIONALE – L’HÉRITAGE DU DÉFI PASSÉ ET LES DÉFIS ACTUELS DANS LES BALKANS OCCIDENTAUX .......................................................1 A. ÉCONOMIE : ÉTAT DES LIEUX .........................................................................1 B. NATIONALISME ET DIFFÉRENDS BILATÉRAUX ...............................................3 C. VERS PLUS DE COOPÉRATION RÉGIONALE ...................................................3 D. GOUVERNANCE ET ÉTAT DE DROIT ...............................................................4 III. L'IMPACT D'UN ENVIRONNEMENT SÉCURITAIRE EN ÉVOLUTION SUR LES BALKANS OCCIDENTAUX ........................................................................................6 A. LA CHINE ET L'INITIATIVE « LA CEINTURE ET LA ROUTE » .............................6 B. RUSSIE : INFLUENCE HISTORIQUE, PRÉSENCE CONFLICTUELLE..................7 C. LES BALKANS OCCIDENTAUX ET LA CRISE DES RÉFUGIÉS ...........................8 D. L'ISLAMISME, LA RADICALISATION ET LES COMBATTANTS ÉTRANGERS ......9 IV. LES BALKANS OCCIDENTAUX ET L'INTÉGRATION EURO-ATLANTIQUE ................ 10 A. RȎLE DE L'OTAN DANS LES BALKANS OCCIDENTAUX : EFFORTS DE CONSOLIDATION DE LA PAIX ET D'ÉLARGISSEMENT ................................... 10 B. L’UE : UNE VOIE VERS L'ADHÉSION SEMÉE D’EMBÛCHES ........................... 11 V. CONCLUSIONS PRÉLIMINAIRES : L'OTAN ET LES BALKANS OCCIDENTAUX - LA VOIE À SUIVRE ................................................................................................. 13 BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................... 15
073 PCNP 18 F I. INTRODUCTION – LES BALKANS OCCIDENTAUX ET LA SÉCURITÉ EURO-ATLANTIQUE 1. Peu de régions au monde peuvent revendiquer un mélange de diversité culturelle, religieuse et démographique plus riche que les Balkans occidentaux. L'une des citations les plus célèbres de Josip Broz Tito, à l’époque président de la Yougoslavie, le dit très clairement : « Je suis le chef d'un pays qui a deux alphabets, trois langues, quatre religions, cinq nationalités, six républiques, entouré de sept voisins, un pays où vivent huit minorités ethniques » (cité dans Hunter, 2017). 2. Alors que les Alliés se sont focalisés sur l'Afghanistan, la lutte contre les groupes extrémistes et les défis émanant du Sud, la région des Balkans occidentaux est en quelque sorte tombée dans l’oubli. Cette situation est aggravée par le fait que l'UE est de plus en plus préoccupée par des questions internes, notamment le Brexit, une crise économique et financière persistante et les migrations. 3. Ce manque d'attention est dû également à la longue période de stabilité que la région a connue. Après les guerres en Yougoslavie dans les années 1990 et au début des années 2000, l'OTAN et l'UE sont intervenues pour assurer des moyens de maintien et de consolidation de la paix aux pays ravagés par la guerre et apporter leur contribution aux États post-yougoslaves. Le succès des actions menées et l'adhésion à l'une ou l'autre organisation par certains des États nouvellement indépendants ont laissé supposer que la réforme démocratique dans la région était devenue irréversible, mais c’était faire preuve d’un peu trop d’optimisme, en témoignent les événements de ces dernières années. 4. Ce bref document brosse un tableau général de la sécurité et de la stabilité dans les Balkans occidentaux. Il fait valoir que l'OTAN et l'Union européenne doivent maintenir leur engagement pour encourager les pays de la région à poursuivre leur processus de réforme, en leur prêtant assistance le cas échéant. II. DYNAMIQUE RÉGIONALE – L’HÉRITAGE DU PASSÉ ET LES DÉFIS ACTUELS DANS LES BALKANS OCCIDENTAUX A. ÉCONOMIE : ÉTAT DES LIEUX 5. Fin 2017, la Banque mondiale prévoyait que la croissance économique dans les Balkans occidentaux resterait supérieure à 3% pour 2018 et 2019, en raison d’une consommation en hausse, de faibles taux d'inflation et de l'amélioration de la situation économique mondiale. Néanmoins, même si ce taux de croissance pouvait être atteint, il faudrait 60 ans aux Balkans occidentaux pour atteindre un niveau de revenus équivalent à la moyenne de l'UE. En outre, plusieurs pays n'ont toujours pas surmonté la crise financière de 2008. La Serbie, la Bosnie-Herzégovine et le Monténégro n'ont toujours pas retrouvé un niveau de PIB équivalent à celui qui prévalait avant le démembrement de la Yougoslavie. Il n'est pas surprenant que la situation économique suscite un mécontentement important parmi les populations des Balkans occidentaux. 1
073 PCNP 18 F Conseil de coopération régionale, baromètre des Balkans 2017 6. Le chômage reste la principale préoccupation économique dans l'ensemble des Balkans occidentaux. Selon la Banque mondiale, c'est l'un des principaux facteurs qui entravent le développement de la région ; la situation est particulièrement préoccupante pour les jeunes générations, le taux de chômage des jeunes dépassant les 50% en ex-République yougoslave de Macédoine*, en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo. Tandis que les jeunes les plus instruits parviennent plus facilement à trouver un emploi, l’absence de compétitivité des salaires les incite à migrer, entraînant une fuite des cerveaux qui ajoute un fardeau supplémentaire à une population déjà vieillissante et en déclin. Ce phénomène s’avère particulièrement néfaste pour les pays moins peuplés de la région. Un taux de chômage élevé et une migration massive rendent les ménages des Balkans occidentaux fortement tributaires d’envois de fonds. La Banque mondiale estime que les envois de fonds dans les Balkans occidentaux représentent environ 10% du PIB, jusqu’à un maximum de 17% pour le Kosovo. Si les envois de fonds sont jugés utiles à court terme, ils nuisent à la compétitivité nationale et augmentent le risque de corruption gouvernementale. (Taux de chômage des jeunes dans les Balkans occidentaux, 2016 * La Turquie reconnaît la République de Macédoine sous son nom constitutionnel. 2
073 PCNP 18 F B. NATIONALISME ET DIFFÉRENDS BILATÉRAUX 7. Les guerres en Yougoslavie sont encore à l’esprit de nombreuses personnes des nouveaux pays des Balkans occidentaux. Corriger les erreurs du passé n'a été que partiellement fait et la réconciliation entre les peuples des Balkans occidentaux se poursuit encore à l'heure actuelle. Dans une région où les conflits historiques, l'ethnicité et la religion sont encore bien enracinés et où les États façonnent encore une identité nationale, le nationalisme peut trop facilement être exploité par les populistes et ceux qui idéalisent le passé. Dans ce climat politique, les tensions sous-jacentes peuvent refaire surface et être manipulées à tout moment. L'assassinat d'Oliver Ivanovic, politicien serbe du Kosovo, qui a soutenu l'intégration des Serbes vivant dans le nord du Kosovo, nous rappelle ce risque (Gallucci, 2018). 8. En conséquence, instaurer la confiance entre les pays des Balkans occidentaux est un processus laborieux. Un climat de méfiance générale entre les pays des Balkans occidentaux a créé un environnement dans lequel les pays ont tendance à éviter toute coopération entre eux. C'est un obstacle évident à l'intégration euro-atlantique, car la coopération faciliterait et accélérerait les réformes nécessaires. En fait, chaque pays des Balkans occidentaux a encore au moins un litige territorial avec l'un de ses voisins. C'est un problème grave et la stratégie d'élargissement de l'UE de février 2018, par un changement de politique clair, insiste sur le fait qu'aucun pays ne pourra adhérer si des différends bilatéraux subsistent. 9. Si la plupart de ces conflits territoriaux semblent gérables à court ou à moyen terme, deux problèmes majeurs sont loin d'être résolus. a. La Serbie considère toujours le Kosovo comme faisant partie intégrante de son territoire ; les deux parties n'ont fait aucun progrès sur la question depuis l'accord de Bruxelles de 2013, sous l’égide de l'UE, qui a connu de sérieux problèmes de mise en œuvre (Phillips, 2017). b. Le litige avec la Grèce sur la dénomination du pays a bloqué la candidature de l'ex-République yougoslave de Macédoine à l'UE et à l'OTAN, mais un nouveau cycle de négociations au début de 2018 semble avoir abouti à un compromis ; toutefois, compte tenu des protestations nationalistes dans les deux pays, il reste à voir si la majorité des populations acceptera l'accord (Casule, 2018). 10. Les différends territoriaux dans les Balkans occidentaux reposent sur des divisions ethniques ou religieuses. En fait, ceci est à la fois la cause et le résultat de la scission de la Yougoslavie qui a formé des États aux limites territoriales correspondant aux frontières ethniques. Des observateurs ont suggéré que l'un des accords possibles entre la Serbie et le Kosovo serait d’envisager la concession de la province du nord du Kosovo, peuplée par des Serbes de souche, en échange de la reconnaissance de l'indépendance. Toutefois, aller dans ce sens ouvrirait une boîte de Pandore de revendications territoriales dont la plus préoccupante serait celle de la Republika Srpska (entité à majorité serbe de la Bosnie Herzégovine), qui risquerait de modifier la stabilité précaire actuelle de la région (The Economist, 2018). C. VERS PLUS DE COOPÉRATION RÉGIONALE 11. Trop longtemps, les pays des Balkans occidentaux ont appréhendé leurs relations avec leurs voisins comme un jeu à somme nulle, ce qui les a empêchés d'aborder les problèmes sous-jacents, tels qu’une situation économique désastreuse qui continue de freiner les progrès. À l'heure actuelle, tous les pays des Balkans occidentaux ont un PIB inférieur à celui de tout autre pays à son entrée dans l'UE (Peel & Buckley, 2018). 3
073 PCNP 18 F (Pays européens en développement ayant bénéficié d’une adhésion à l’UE : les pays des Balkans occidentaux seraient plus pauvres que les autres membres) 12. Il est donc nécessaire d'encourager les pays à entreprendre et poursuivre des objectifs essentiels communs et à passer outre l’esprit de clocher. Un temps précieux a été perdu, mais un espoir se dessine. Par exemple, le sommet UE-Balkans occidentaux de juillet 2017 a établi une feuille de route visant à améliorer l'intégration régionale. Lors du sommet, les pays des Balkans occidentaux ont signé un traité instituant une communauté des transports, dans le but de construire de nouvelles infrastructures et d'améliorer celles existantes. L'UE financera en partie ce projet, dans l’objectif d'attirer de nouveaux investisseurs à moyen terme. Les pays des Balkans occidentaux ont également convenu de créer un espace économique régional (REA) pour faciliter la circulation des biens, des services, des capitaux et de la main-d'œuvre hautement qualifiée. Le projet ne sera pas mené par l'UE, sa mise en œuvre dépendra de la bonne volonté des parties. 13. La création de l’espace économique régional représente une avancée importante. Ce n'est pas une alternative à l'adhésion à l'UE, mais cela peut aider à faire avancer les réformes nécessaires dans le domaine économique, facilitant ainsi l'adhésion à l'UE. D. GOUVERNANCE ET ÉTAT DE DROIT 14. Depuis la dissolution de la Yougoslavie, la dynamique entre les États nouvellement formés dans la région a été marquée par des tensions régionales et intra-nationales. Les différences de langue, de religion et d'appartenance ethnique ont été exploitées par des dirigeants populistes et nationaux, qui les ont souvent alimentées à des fins politiques et personnelles. L'amplification et la distorsion des thèmes populistes et nationalistes, tels que les querelles avec les pays limitrophes et les minorités ethniques, ont conduit à marginaliser l'importance des réformes économiques dans le débat public. Par le passé, les élites politiques dans les Balkans occidentaux se sont attachées davantage à préserver le statu quo qui les maintenait au pouvoir plutôt que de préconiser des réformes (Less, 2016 ; Mujanovic, 2017). 15. En conséquence, les pays des Balkans occidentaux sont toujours aux prises avec des insuffisances structurelles datant de l'ère socialiste. Le secteur industriel reste peu compétitif et a un besoin urgent de modernisation, le système bancaire est faible et la mauvaise intégration économique régionale est encore affaiblie par des infrastructures sous-développées. La corruption, y compris au plus haut niveau institutionnel, reste largement répandue, au point que les analystes ont observé des symptômes de captation d'État (Fouéré et Blockmans, 2017). 4
073 PCNP 18 F 16. Dans les pays candidats à l'adhésion à l'OTAN et/ou à l'UE, l'adoption de mesures anticorruption encouragées et valorisées par l'UE, telles que la mise en place d'organes de prévention de la corruption, de stratégies nationales de lutte contre la corruption et de l'Initiative régionale de lutte contre la corruption (RAI), n'ont bien souvent pas été mises en œuvre et n’ont eu que très peu d'effet. Le système judiciaire souffre de sérieux problèmes structurels, tels que le manque de responsabilisation, d'intégrité, d'indépendance et de transparence. L'état de droit et l'application de la législation restent, au mieux, douteux, car les citoyens des Balkans occidentaux ne croient ni à l'indépendance du système judiciaire ni à l'égalité de tous devant la loi (Marovic, 2017). 17. En 2016, selon la communication de l'UE relative à l'élargissement, les pays des Balkans occidentaux ont peu, voire pas progressé sur la question de la corruption depuis leur candidature, un pays ayant même reculé. La Commission a indiqué que l’obstacle majeur à la réforme réside dans l'absence d’une volonté politique suffisante pour appliquer la législation dans la pratique, alors que les organes anti-corruption existants sont systématiquement et intentionnellement entravés par des ressources humaines et financières limitées. Le rapport de 2017 de Freedom House sur les États en transit souligne que la société civile dans les Balkans occidentaux vit sous menace permanente, alors que les élections sont constamment entachées par des irrégularités visibles. Si la stratégie d'élargissement de l'UE de 2018 ne fournit pas d'évaluation de l'état actuel de la lutte contre la corruption, son langage clair et franc ne laisse aucun doute sur le fait que la prospérité et la qualité de vie dans la région peuvent être atteintes uniquement par la lutte contre la corruption, qui devra être « éradiquée sans compromis ». 18. Comme il l’a été dit aux participants du 96e séminaire Rose-Roth de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, qui s'est tenu du 7 au 9 novembre 2017 à Ljubljana (Slovénie), les problèmes de mauvaise gouvernance et de corruption ont été facilités par la tolérance de ces pratiques par l’Occident. Des acteurs extérieurs comme la Russie et la Chine n'abordent jamais de telles questions ou, dans le cas de la Russie, encouragent ouvertement ces déviances. La région aurait tout intérêt à faire preuve de beaucoup plus de transparence et de responsabilité. Trop souvent, le népotisme et la corruption sont la base même de la répartition des richesses, car les élites politiques sont animées par la peur de perdre l'accès aux fonds publics, tandis que les électeurs sont motivés par de potentielles récompenses. La voie doit donc être ouverte à de nouveaux acteurs politiques. (Maîtrise de la corruption dans les Balkans occidentaux) 5
073 PCNP 18 F 19. La situation actuelle en matière de liberté des médias est également alarmante. La législation en vigueur visant à protéger la liberté des médias étant largement ignorée, la partialité des médias est gravement compromise par le népotisme, la politisation, la corruption et un manque de volonté politique pour promouvoir le pluralisme, désignés comme des failles majeures (Centre européen pour la liberté de la presse et des médias, 2017). Les radiodiffuseurs du service public présentent des défaillances structurelles, rendant leur actualité peu fiable : un mode de financement inopérant et opaque rend leur politique éditoriale très sensible aux pressions externes. En outre, les pays ne sont pas disposés à partager des informations précises sur la propriété des organes d’information, ni sur le niveau de financement public des médias privés, faisant ainsi planer le doute sur leur impartialité (Lilyanova, 2017b). Une étude publiée par le Liber Center for New Media en novembre 2017 montre qu'un certain type de « discours extrême », s’appuyant presque toujours sur des nouvelles complètement fausses ou à sensation, était relayé dans 9 436 des 36 960 articles publiés dans les médias serbes (Mejdini et al., 2017). 20. Le Balkan Investigative Reporting Network (BIRN), qui surveille les menaces et les attaques contre la liberté d'expression dans toute l'Europe du Sud-Est, rapporte que les journalistes indépendants sont souvent victimes d'intimidations physiques et verbales. Le classement international de la liberté de la presse par Reporters sans frontières montre que la liberté des médias n'a cessé de régresser dans la région au cours de la dernière décennie. (Index de la liberté de la presse 2002 – 2016 : tendances – Source : Reporters sans frontières) III. L'IMPACT D'UN ENVIRONNEMENT SÉCURITAIRE EN ÉVOLUTION SUR LES BALKANS OCCIDENTAUX 21. La situation complexe dans les Balkans occidentaux est encore aggravée par des facteurs et des acteurs extérieurs. A. LA CHINE ET L'INITIATIVE « LA CEINTURE ET LA ROUTE » 22. Bien que nouvel acteur dans les Balkans occidentaux, l'influence économique et financière de la Chine dans la région a considérablement augmenté ces dernières années. Reflétant ses activités et ses intérêts mondiaux croissants, l'initiative chinoise « La Ceinture et la route » (BRI), un projet ambitieux proposé par le président chinois Xi Jinping, prévoit d'investir environ 10 milliards d'euros en Europe du Sud-Est pour améliorer les infrastructures locales. À l'heure actuelle, la Chine est principalement impliquée en Serbie, où elle a investi massivement dans les infrastructures de transport. En outre, Beijing et Belgrade se sont alignées sur de nombreux dossiers de politique étrangère, notamment la non-reconnaissance du Kosovo, pour la Chine, à cause de ses propres régions séparatistes du Tibet et du Xinjiang. 6
073 PCNP 18 F 23. La Chine a également investi en Albanie, en Bosnie-Herzégovine, au Monténégro et dans l’ex-République yougoslave de Macédoine, cette dernière étant un tremplin pour relier le port du Pirée, pour lequel la Chine aurait investi plus d'1 milliard d'euros afin d’en faire sa tête de pont vers l’Europe. Les pays de la région qui en bénéficient, considèrent les investissements chinois, souvent sous forme de prêts, comme une bonne solution, voire même parfois comme une alternative préférable aux prêts de l'UE, qui sont assortis de conditions liées aux réformes. Cependant, les investissements chinois ont généralement un effet limité sur l'économie locale, car les prêts prévoient souvent que la plupart des ressources et des travailleurs employés aux projets doivent provenir de Chine. Pour l'heure, l'intérêt premier de la Chine pour les Balkans occidentaux semble économique et non politique. B. RUSSIE : INFLUENCE HISTORIQUE, PRÉSENCE CONFLICTUELLE 24. Contrairement à la Chine, la Russie a un lien historique fort avec les Balkans occidentaux. L'engagement de Moscou dans la région est également dû aux fortes similitudes culturelles, linguistiques et religieuses entre les Russes et les Slaves orthodoxes. Notamment, le lien avec la Serbie est assez fort sur le plan politique, car la Russie s'oppose fermement à l'indépendance du Kosovo et a opposé son veto à une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies qui aurait reconnu le massacre de Srebrenica comme génocide. Alors que l'engagement de la Russie dans les Balkans occidentaux a reculé au début des années 2000 sous la présidence de Vladimir Poutine, Moscou a réaffirmé sa présence au cours de la dernière décennie. Par des mesures incitatives, comme des prêts, des projets énergétiques, des échanges et autres investissements, la Russie a renforcé son engagement dans la région, essayant ainsi de retarder l'intégration des Balkans occidentaux dans l'UE. En outre, Moscou saisit chaque occasion, y compris par voie de corruption et de pots-de-vin si nécessaire, de promouvoir ses intérêts et de renforcer le sentiment antioccidental, notamment parmi les Serbes, et de saper l'influence occidentale dans toute la région. Les actions de la Russie dans la région sont facilitées par des élites autoritaires bien établies qui sont frustrées par le fait que le processus d'adhésion à l'UE ne progresse pas assez vite, et par les processus de réforme entravés. En même temps, la situation économique en Russie et la faiblesse du rouble limitent la capacité de Moscou à rivaliser avec l'UE au niveau régional. 25. La Russie est le principal (sinon le seul) exportateur de gaz, un des leviers traditionnels de la Russie, vers la Serbie, l'ex-République yougoslave de Macédoine et la Bosnie-Herzégovine, jouant un rôle important dans leur approvisionnement énergétique. La Russie exploite activement la dépendance des pays de la région envers la fourniture d'énergie. La Russie essaie non seulement de maintenir sa position dominante en matière d’énergie, mais aussi de l'étendre. Cependant, on ignore si la Russie pourra y parvenir, car certains des projets annoncés, tels que l’oléoduc Druzhba-Adria ou le gazoduc South Stream, sont retardés ou suspendus. Du reste, Moscou n'est pas vraiment un acteur économique de poids. Sur tout autre problème à caractère économique, allant de l'aide extérieure aux investissements directs étrangers, la présence de l'UE surpasse largement celle de la Russie. (Russie/UE : total des échanges / stock intérieur d’IED) 7
073 PCNP 18 F 26. En conséquence, la Russie est loin d'être apte à façonner de manière significative l'avenir de la région. Pour les Balkans occidentaux, la stratégie envisagée est plus subtile, liée, comme évoqué plus haut, à la « puissance douce » historico-culturelle russe. En ce sens, la Russie tente de se positionner comme un acteur incontournable dans le secteur de l'information : la tristement célèbre agence de presse Sputnik a ouvert ses portes à Belgrade en 2014 et délivre son discours antioccidental coutumier. Sputnik contribue à diviser l'opinion publique en présentant des versions déformées et biaisées des contributions de l'UE et de l'OTAN à la région (Byrne, 2017). En outre, la Russie apporte son soutien aux organisations de la société civile et aux partis politiques en adéquation avec son programme politique. 27. Si l'engagement actuel de la Russie dans la région peut certainement être considéré comme une ingérence dans l'intégration euro-atlantique, il est indirectement admis que l'influence du Kremlin dans la région ne peut aller au-delà du stade de « manœuvres de sabotage ». La Russie n'a pas d’hommes ni de femmes sur le terrain, les relations économiques sont à la baisse et il n'est pas prévu d'élargir l'Union économique eurasiatique ou l'Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC) aux Balkans occidentaux (Bechev, 2017). C. LES BALKANS OCCIDENTAUX ET LA CRISE DES RÉFUGIÉS 28. La crise liée à l'afflux de réfugiés en Europe a commencé en 2015 et a touché, même indirectement, les Balkans occidentaux. Les pays ont d’abord choisi de faciliter la circulation des demandeurs d'asile ; puis, les pressions exercées par les États voisins membres de l'UE ont entraîné un effet domino de la fermeture des frontières (Greider, 2017). Alice Greider, « Externalisation de la gestion des migrations : le rôle des Balkans occidentaux dans la crise européenne des réfugiés », Migration Policy Institute, 17 août 2017 29. Frontex, l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, estime à plus de 760 000 le nombre de passages illégaux de frontières sur la route des Balkans occidentaux en 2015, une augmentation spectaculaire par rapport aux 40 000 de l'année précédente (Frontex s.d.). Les Balkans occidentaux, eux-mêmes pays d'origine des migrations vers l'UE, étaient à la fois démunis et pris au dépourvu face à une crise de cette ampleur. C’est pourquoi ils ont seulement tenté d'accélérer le passage des personnes vers les pays de destination (Greider, 2017). 8
073 PCNP 18 F Frontex, Le franchissement illégal des frontières sur la route des Balkans occidentaux en chiffres, 2017 30. Dans ce contexte de crise, les pays de l'UE se sont mis à limiter le passage des réfugiés. À leur tour, la Serbie et la Croatie ont commencé à imposer des quotas de personnes autorisées à traverser chaque jour, tandis que la frontière entre l'ex-République yougoslave de Macédoine et la Grèce devenait le théâtre d'incidents violents, avec l’usage signalé de gaz lacrymogènes pour contrôler le flux des migrants. L'accord de l'UE avec la Turquie de mars 2016, pour lutter contre la migration illégale, a fermé efficacement la route migratoire vers l'UE en provenance de la Grèce. À son tour, l'ex-République yougoslave de Macédoine a fermé sa frontière avec la Grèce, piégeant ainsi tous les migrants restés dans les Balkans occidentaux. En fait, les pays des Balkans occidentaux ont été encouragés par l'exemple des pays de l'UE tels que la Bulgarie et la Hongrie à adopter une ligne dure, réprimant rudement toute tentative de poursuivre vers le nord. 31. Même si les accords UE-Turquie ont certainement contribué à alléger la pression sur la région en ce qui concerne l'afflux de migrants, ce ne peut être qu'une solution provisoire. En février 2018, la Bosnie-Herzégovine a signalé un afflux anormalement élevé de migrants se dirigeant vers l'UE, en provenance de l'Algérie, de l'Afghanistan, du Pakistan et de la Turquie, signes que la crise peut ressurgir à tout moment. D. L'ISLAMISME, LA RADICALISATION ET LES COMBATTANTS ÉTRANGERS 32. Les Balkans occidentaux comptent une population musulmane importante : l'islam est pratiqué par 28% de la population de l'ex-République yougoslave de Macédoine, par plus de 50% de la population en Albanie et en Bosnie-Herzégovine et par 95% au Kosovo. Cependant, le fondamentalisme islamique s'est sensiblement répandu pendant et après les guerres de Yougoslavie, en raison de l'afflux d'imams salafistes fondamentalistes venant de l'étranger. L'expert du terrorisme en Bosnie-Herzégovine, Vlado Azinovic, affirme que l'objectif de ces prédicateurs est de détourner l'identité ethnique des Bosniaques (musulmans) et des Albanais qui pratiquent un islam essentiellement modéré pour mettre en place un islamisme radical. Les États nouvellement formés n'ayant ni les moyens ni l'expertise nécessaires pour s'attaquer à ce phénomène, il s’est ensuivi plusieurs attaques terroristes, avec un nombre limité de victimes, et des enclaves islamistes comme le village bosniaque de Gornja Maoca. 33. L'émergence de Daech a eu un double effet sur les Balkans occidentaux. D'une part, cela a entraîné des problèmes de sécurité intérieure ; de l'autre, la Syrie et l'Iraq sont devenus la destination idéale pour les aspirants djihadistes de la région. 34. Concernant les questions de sécurité interne, la principale publication en ligne de Daech, Rumiyah (littéralement « Rome »), a explicitement menacé les Balkans dans un article intitulé « Les Balkans - Sang pour les ennemis et miel pour les amis » en juin 2017 (Trad, 2017). Jusqu'à 9
073 PCNP 18 F présent, l'organisation terroriste n'a revendiqué aucune attaque dans la région. Cependant, en novembre 2016, le groupe avait planifié des attaques simultanées en Albanie, au Kosovo et dans l’ex-République yougoslave de Macédoine, la principale cible étant l'équipe nationale de football israélienne, qui devait jouer à Tirana, et ses supporters. Vingt-cinq personnes ont été arrêtées par les forces de police de l’ex-République yougoslave de Macédoine et de l’Albanie, dans une remarquable démonstration de coopération entre les services de sécurité des deux pays. 35. On estime qu'entre 900 et 1 000 combattants (souvent suivis par leur famille) sont partis des Balkans vers l'Iraq et la Syrie ; alors que certains d'entre eux avaient des antécédents criminels ou avaient combattu dans les guerres de Yougoslavie, la majorité n'avait aucune expérience du combat. Comme Daech a perdu des terres qu'il contrôlait en Iraq et en Syrie, il est vraisemblable que les Balkans occidentaux soient également confrontés au problème du retour des combattants étrangers. De graves problèmes se posent alors, allant des conséquences juridiques des actes commis en Syrie à la réinsertion et au retour à la société civile locale. Asya Metodieva, STRATPOL, janvier 2018, 36. Le problème de la radicalisation perdurera même après la chute de Daech. Alors que Daech ne revendiquait aucune attaque terroriste, la région était déjà un lieu de prédilection pour les islamistes, souvent affiliés à des mouvements nationalistes. Compte tenu de la situation instable dans la région, il est important que les pays confrontés à des problèmes similaires, et ayant plus d'expertise, continuent d'aider les Balkans occidentaux. Il s’agit là d’un intérêt commun car certains groupes dans les Balkans occidentaux sont associés à des individus radicalisés en Europe occidentale. IV. LES BALKANS OCCIDENTAUX ET L'INTÉGRATION EURO-ATLANTIQUE 37. L'OTAN et l'Union européenne ont joué un rôle de premier plan en apportant leur appui au développement post-conflit, à la transition économique et en facilitant l'intégration euro-atlantique des Balkans occidentaux ; alors que ce dernier objectif a été atteint pour certains pays, d'autres restent hors l'une, l'autre, voire les deux organisations. A. RȎLE DE L'OTAN DANS LES BALKANS OCCIDENTAUX : EFFORTS DE CONSOLIDATION DE LA PAIX ET D'ÉLARGISSEMENT 38. La présence de l'OTAN dans les Balkans occidentaux remonte au début des années 1990. Après l'intervention en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo en 1995 et 1999, l'OTAN est restée dans la région comme force stabilisatrice, notamment par le biais de l'opération « Allied Harmony », dans l’ex-République yougoslave de Macédoine. L'engagement de l'OTAN dans la région a permis 10
073 PCNP 18 F l'adhésion de l'Albanie, de la Croatie, de la Slovénie et, tout récemment (en 2017), du Monténégro, l'ex-République yougoslave de Macédoine ayant été bloquée seulement par la controverse sur sa dénomination. La Serbie et la Bosnie-Herzégovine, tout en étant de précieux partenaires de l'Alliance, n’envisagent pas pour l’heure d’adhérer à l'OTAN. 39. La Serbie, qui mène une politique de neutralité, est un pays partenaire de l'OTAN qui participe activement au programme du partenariat pour la paix (PPP). Les candidatures à l'adhésion à l'OTAN de la Bosnie-Herzégovine sont entravées par les divergences persistantes entre la Republika Srpska et Sarajevo. L'OTAN a présenté un plan d'action pour l'adhésion (MAP) en faveur de la Bosnie-Herzégovine en 2010, applicable à condition que les groupes politiques du pays transfèrent le contrôle de leurs installations militaires au gouvernement central. Les élites politiques en Republika Srpska s’y opposent farouchement. En octobre 2017, le parlement de la Republika Srpska a adopté une résolution proclamant sa neutralité militaire : un geste symbolique, mais qui proteste formellement contre tout nouveau pas vers une adhésion à l'OTAN. 40. Au moment de la rédaction du présent rapport, la Force pour le Kosovo (KFOR) est la seule mission militaire de l'OTAN aujourd’hui présente dans la région : après avoir sécurisé la zone, elle contribue au développement d'un secteur de la sécurité au Kosovo efficace, transférant progressivement ses compétences à la police du Kosovo et à d'autres organes internes. En outre, l'OTAN a un siège à Sarajevo et des bureaux de liaison militaires à Belgrade et à Skopje pour appuyer les réformes en matière de défense, favoriser le dialogue et faciliter la participation aux programmes du PPP. 41. Les activités de l'OTAN dans l'ex-Yougoslavie ont été le catalyseur de la coopération entre l'Alliance atlantique et l'Union européenne. L'OTAN a mené des opérations de maintien de la paix à partir de 1992, puis l'OTAN et l'UE ont apporté leur appui aux activités de consolidation et de maintien de la paix post-conflit dans la région. En mars 2003, l'UE a officiellement lancé sa première mission de politique de sécurité et de défense commune (PSDC) pleinement opérationnelle, l'opération EUFOR Concordia, dans l’ex-République yougoslave de Macédoine, prenant la relève de l'opération Allied Harmony de l'OTAN. Un an plus tard, l'UE a lancé l'opération EUFOR Althea en BiH, après que l'OTAN a officiellement mis fin à sa force de stabilisation opérationnelle en Bosnie-Herzégovine (SFOR). 42. La coopération en cours entre les deux organisations demeure d'une importance cruciale pour la stabilité régionale et celle de la région euro-atlantique. Dans les Balkans occidentaux, l'UE a commencé à développer ses capacités en matière de force de stabilisation d'après-crise, menant des opérations tant civiles que militaires, tandis que l'OTAN restait la garante ultime de la sécurité en cas d'escalade des hostilités. Outre les missions déjà mentionnées, l'UE est toujours présente dans les Balkans occidentaux, menant des missions plus centrées sur le civil, comme EUPOL Proxima, qui a remplacé EUFOR Concordia et qui vise à développer le système policier de l'ex-République yougoslave de Macédoine, et EULEX Kosovo, la mission tellement décriée, pour aider à réformer le système judiciaire du pays. B. L’UE : UNE VOIE VERS L'ADHÉSION SEMÉE D’EMBÛCHES 43. Sur le plan institutionnel, l'UE a créé 16 organes qui s’emploient à l'intégration transnationale des Balkans occidentaux. Ces initiatives sont étayées par d'innombrables efforts financiers et diplomatiques comme, pour n'en citer que quelques-uns : - L'accord de stabilité et d'association (ASA). Tous les pays des Balkans occidentaux, y compris le Kosovo, ont signé un ASA avec l'UE ; grâce à cet instrument, l'UE fixe des obligations et des devoirs contractuels adaptés à chaque pays, dans le but de stabiliser la zone et de préparer l'adhésion à l'UE (DG NEAR). 11
073 PCNP 18 F - L'instrument d'aide de préadhésion (IAP). Offrant une aide financière et technique, l'UE s'assure que les pays sont en mesure de mettre en œuvre leurs réformes dans des secteurs clés. Pour la période comprise entre 2014-2020, l'UE a consacré 11,7 milliards d'euros à l'IAP, ce qui en fait de loin le principal donateur de la région (DG NEAR). - Le processus de Berlin. Depuis 2014, l'UE a tenu des réunions ministérielles annuelles dans le cadre du processus de Berlin, créé en 2014 pour favoriser l'intégration des Balkans occidentaux dans l'UE. Chacune des réunions tenues dans le cadre du processus de Berlin portait sur un thème, celui de juillet 2018 étant sur la sécurité (Balkans occidentaux européens, 2018) 44. D'après la stratégie d'élargissement de l'Union européenne, annoncée en février, l'année 2018 est généralement considérée comme cruciale pour l'avenir de l'intégration euro-atlantique des Balkans occidentaux. En outre, jusqu'en juillet, le Conseil de l'Union européenne sera présidé par la Bulgarie, qui a fait des Balkans occidentaux une de ses priorités : en mai 2018, Sofia accueillera le premier sommet des chefs d'États UE-Balkans occidentaux depuis celui de Thessalonique en 2003. 45. L'UE a fixé 2025 comme date d’adhésion potentielle de la Serbie et du Monténégro, qui sont désormais considérés comme les premiers candidats. Cela dit, la stratégie d'élargissement de l'UE constate qu'aucun des pays actuels des Balkans occidentaux ne remplit les critères d’une économie de marché fonctionnelle, avec des éléments non équivoques de capture étatique et de collusion entre l’État et le crime organisé. En outre, la stratégie souligne également qu'il doit y avoir une adhésion totale aux valeurs de l'UE et que tous les différends bilatéraux doivent être résolus avant l'adhésion. 46. Cependant, la démarche de l'UE est sans doute dictée non seulement par la situation dans les pays candidats à l’adhésion, mais aussi par sa propre situation interne. À peine dix ans se sont écoulés depuis que les États membres de l'UE ont décidé à l'unanimité l’admission de la Roumanie et de la Bulgarie, même si leur processus de réformes, dans certains domaines clés comme la corruption et l'état de droit, était loin d'être terminé. En outre, l'UE est confrontée à des défis internes considérables, dont le Brexit et la détérioration des principes démocratiques dans certains États membres. Dans ce contexte, il reste à voir si l'UE peut mettre en œuvre une politique d'élargissement ambitieuse et comment elle peut y parvenir. 47. Le succès mitigé de la démarche de l'UE à l’égard des Balkans occidentaux s'explique peut-être aussi par le fait que le programme démocratique et le modèle de coopération régionale menés par l'UE semblaient parfois oublier la réalité du terrain. En effet, les conflits ouverts et persistants sur les frontières, associés à des tensions ethniques, sociales et religieuses, restent importants. La nouvelle stratégie d'élargissement engage désormais l'UE à mettre en place six « initiatives phares », dont l'une est destinée à soutenir la réconciliation et les relations de bon voisinage. 48. La position officielle de la DG NEAR (Direction générale du voisinage et des négociations d’élargissement) consiste à dire que l'UE ne veut, ni ne peut, rien imposer aux Balkans occidentaux : l'adhésion et l'intégration euro-atlantique, comme les moyens pour y parvenir, restent un libre choix. Pourtant, dans une région qui reste marquée par des problèmes de frontières 12
073 PCNP 18 F persistants et où le tribalisme est toujours ancré, l'UE aurait pu accorder une plus grande priorité au processus de réconciliation. Au sujet de la stratégie d'élargissement de l'UE, l'ONG Impunity Watch affirme que sans un engagement plus ferme envers l'UE pour assurer la réconciliation, les divisions ethniques de la région l’emporteront sur les efforts en faveur de la coopération régionale (Stappers et Unger, 2018). 49. Les cinq autres initiatives phares mentionnées dans la stratégie d'élargissement de l'UE visent à renforcer l'État de droit, à réaffirmer l'engagement en matière de sécurité et de migration, à améliorer l’appui au développement socioéconomique, à accroître la connectivité en matière d'énergie et de transports et à concevoir une stratégie numérique. Ce sont des domaines jugés à la fois dans l'intérêt de l'UE et des Balkans occidentaux ; les politiques concrètes élaborées par l'UE à ce jour ne couvrent que la période 2018-2019. On peut se demander si certaines mesures (comme contribuer à réduire les frais d'itinérance, sans toutefois les supprimer) toucheraient de toute manière le citoyen ordinaire des Balkans occidentaux. D'un autre côté, des engagements, comme celui de faciliter la candidature de la Serbie et de la Bosnie-Herzégovine à l'OMC, encourageraient et rassureraient les investisseurs privés étrangers et auraient un impact sur l'économie des deux pays. 50. Peut-être que le plus grand défaut de l’approche adoptée par l'UE et l'OTAN à l’égard des Balkans occidentaux est de les avoir maintenus en « mode pilote automatique ». La nouvelle orientation de l'UE et de l'OTAN sur les Balkans occidentaux est donc tardive. L'implication de l'UE et de l'OTAN devrait rester inébranlable et s'adapter aux nouveaux défis, car la région reste d'une importance cruciale, en raison de la proximité géographique, de l'identité culturelle et des liens économiques avec le reste de l'Europe. V. CONCLUSIONS PRÉLIMINAIRES : L'OTAN ET LES BALKANS OCCIDENTAUX - LA VOIE À SUIVRE 51. La sécurité des Balkans occidentaux est cruciale pour la sécurité européenne et euro-atlantique. Ce qu’il s’y passe nous concerne tous. Alors que cette région a déjà parcouru un long chemin pour surmonter le lourd héritage du passé, les pays des Balkans occidentaux sont toujours confrontés à de multiples problèmes internes et externes. Au nombre de ces problèmes figurent un progrès socio-économique limité, la tentation du nationalisme et du populisme, les formes anciennes et nouvelles de corruption, la désinformation et le manque d'information sur l'OTAN et l'UE, l'influence de l'islam radical, la tentative d’ingérence de la Russie dans la politique locale et dans les processus démocratiques, ainsi que les flux migratoires à partir et dans toute la région. 52. Les événements de ces dernières années ont montré que l'UE et l'OTAN ne peuvent pas tenir pour acquis l'évolution positive de la démocratie dans les Balkans occidentaux : le risque de retour en arrière est toujours présent. Des signes inquiétants montrent qu'une sorte de vide qui a été créé dans la région, se voit comblé par des forces au programme résolument antidémocratique et antioccidental. On partait de l’hypothèse que la réforme démocratique dans la région était inévitable, mais c'était exagérément optimiste. Une implication internationale plus active est essentielle pour galvaniser ce processus. Alors que l'Alliance est confrontée à de multiples défis, elle ne doit pas laisser les Balkans occidentaux disparaître de l’écran radar. Les Balkans occidentaux sont d'une importance primordiale pour l'Europe mais aussi pour la sécurité euro- atlantique. La région n'est pas seulement à notre porte, mais quatre pays (l'Albanie, la Croatie, le Monténégro et la Slovénie) sont déjà membres de l'OTAN, tandis que l'ex-République yougoslave de Macédoine rejoindra l'Alliance une fois que sera réglé le litige avec la Grèce sur la dénomination du pays. 53. Il ne doit pas y avoir de vide sécuritaire. La présence militaire continue de l'OTAN et son engagement politique avec les pays partenaires des Balkans occidentaux sont d'une importance 13
073 PCNP 18 F cruciale pour la stabilité régionale. L'UE devrait afficher son soutien politique et affirmer que la porte de l'UE sera ouverte à l'adhésion des pays des Balkans occidentaux lorsqu'ils seront prêts. L'UE doit encourager et promouvoir la poursuite, voire l'approfondissement, des processus de réforme. Pour qu’il en soit ainsi, il est important de s’impliquer sur le plan politique et pas seulement de régler la note. Le processus d'intégration européenne et euro-atlantique peut avoir un effet transformateur en contribuant à renforcer les institutions démocratiques et à consolider le respect des droits humains et de l’État de droit qui constituent le socle du progrès économique et de la stabilité politique. 54. En conséquence, les chefs d'État et de gouvernement alliés devraient réaffirmer leur engagement en faveur de la stabilité et de la sécurité dans les Balkans occidentaux lors du prochain sommet de l'OTAN qui se tiendra à Bruxelles, en juillet 2018. Nous ne devons pas permettre à Moscou d'utiliser ses ressources énergétiques comme une arme politique. 55. Les relations entre nations dans les Balkans occidentaux ne doivent pas être considérées comme un jeu à somme nulle. Les pays de la région doivent comprendre qu'ils sont en bien meilleure posture lorsqu'ils coopèrent entre eux. Nulle part ailleurs que dans les Balkans occidentaux, une coopération étroite entre l'OTAN et l'UE n'a été aussi déterminante pour la stabilité et la sécurité. Ces deux organisations peuvent encourager davantage les pays de la région à travailler ensemble et non les uns contre les autres. Ce projet de rapport sera mis à jour pour la session d'automne de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN. 14
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