Brexit : un divorce pénible - Une analyse et des perspectives pour limiter les effets négatifs - Feb
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Brexit : un divorce pénible Une analyse et des perspectives pour limiter les effets négatifs Bruxelles, le 21 juin 2018 Pieter Timmermans, CEO En collaboration avec Olivier Joris, Executive Manager, Europe & International Edward Roosens, Chief Economist et Executive Manager, Économie & Conjoncture Benoit Monteyne, Conseiller adjoint, Europe & International Thomas Julien, Attaché, Europe & International Anouar Boukamel, Attaché, Économie & Conjoncture
Table des matières Résumé ........................................................................................................................................................... 1 1 Comment en est-on arrivé là ? ................................................................................................................ 2 1.1 In or out ? Une perspective historique ............................................................................................. 2 1.2 Une promesse électorale ................................................................................................................. 3 1.3 La campagne ................................................................................................................................... 3 1.4 Résultat du referendum : un pays divisé ......................................................................................... 4 1.5 Les étapes du Brexit ........................................................................................................................ 5 2 Les liens économiques entre la Belgique et le Royaume-Uni................................................................. 6 2.1 Belgique - Royaume-Uni: une relation commerciale étroite ............................................................ 7 2.2 Belgique - Royaume-Uni : quels biens et services échangés ? ...................................................... 9 2.2.1 Biens ......................................................................................................................................... 9 2.2.2 Services .................................................................................................................................. 10 2.3 Balance des paiements avec le Royaume-Uni .............................................................................. 12 2.4 Investissements directs étrangers (FDI) ........................................................................................ 12 3 Quels impacts économiques potentiels du Brexit ? .............................................................................. 14 3.1 Aperçu des impacts macroéconomiques à court terme ................................................................ 14 3.2 Quel serait l’impact d’un « soft » ou « hard » Brexit à plus long terme? ....................................... 17 4 Où en est-on ? ....................................................................................................................................... 18 4.1 Droits des citoyens ......................................................................................................................... 19 4.2 Règlement financier ....................................................................................................................... 19 4.3 Frontière entre l’Irlande et l’Irlande du Nord .................................................................................. 20 5 Qu’en pense la FEB ?............................................................................................................................ 21 5.1 A ‘proper Brexit’.............................................................................................................................. 21 5.2 Position de la FEB au sujet de la phase de transition ................................................................... 21 5.3 Position de la FEB sur le cadre des relations futures .................................................................... 22 5.3.1 Principes généraux ................................................................................................................. 22 5.3.2 Priorités intersectorielles ........................................................................................................ 23 6 Quels impacts / leçons pour le futur ? ................................................................................................... 24 Conclusion ..................................................................................................................................................... 27
Résumé Deux ans après le référendum sur la participation du Royaume-Uni à l’Union européenne, lors duquel 52% de la population s'est prononcé en faveur du Brexit, la FEB présente un document qui explique comment on en est arrivé à organiser un référendum, dresse un état de la question des deux années écoulées et avance ses priorités pour l'avenir. Ce document évoque l'euroscepticisme au sein du Royaume-Uni, qui a finalement débouché sur ce référendum et le résultat que l’on connait. Ensuite, au moyen de chiffres et de graphiques, il souligne à quel point les relations économiques entre la Belgique et le Royaume-Uni - au niveau tant des exportations et des importations que des investissements - sont étroites et il aborde une série de conséquences macroéconomiques à court et à long terme et évalue l'impact économique d'un Brexit 'soft' et 'hard'. Cette étude examine ensuite plus en détail les négociations en cours et met en avant les priorités de la FEB en ce qui concerne la séparation, la phase transitoire et la relation future. Le document se termine par quelques leçons qui peuvent être tirées pour l’avenir. FEB| 1
1 Comment en est-on arrivé là ? 1.1 In or out ? Une perspective historique Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, Winston Churchill, ancien Premier ministre et homme d’Etat hors norme ayant conduit le Royaume-Uni à la victoire, détaille sa vision pour le futur de l’Europe lors d’un speech à Zurich. « Il faut construire une forme d’Etats-Unis d’Europe », entendu comme une « nouvelle famille européenne » structurée autour des « idéaux de paix, de sécurité et de liberté ». Le Royaume-Uni agira en tant qu’« amie et sponsor » de cette nouvelle Europe. Mais en fera-t-elle pleinement partie ? La création, en 1951, de la Communauté européenne de l’acier et du charbon (CECA), ancêtre de l’Union européenne, assure la mise en commun des capacités de production, dans deux secteurs industriels stratégiques, des deux ‘grands’ européens et anciens rivaux : la France et l’Allemagne. Le Bénélux et l’Italie se joignent à ce projet fédérateur sans le Royaume-Uni. Quelques années plus tard, aucun officiel britannique de haut rang ne sera présent en 1957 à la signature des Traités de Rome. La Communauté économique européenne (CEE) est ainsi instituée sans le Royaume-Uni. La question de la place fondamentale du Royaume-Uni au sein du projet européen est la source d’un clivage profond dans le paysage politique national, certainement depuis l’adhésion britannique aux Communautés européennes en 1973 sous le gouvernement du Premier ministre conservateur « pro- européen » Edward Heath. Une indication de la position européenne initiale des conservateurs britanniques (Tories) est apportée par le referendum de 1975, le premier portant sur l’adhésion aux Communautés. Le slogan des Tories est alors sans ambigüité : « Conservatives say yes to Europe ! ». Résultat ? 67% des votants au Royaume-Uni s’expriment en faveur de l’adhésion. Celle-ci divisera, par contre, profondément le parti travailliste. L’attitude pro-européenne des conservateurs se délite à partir de 1984, année de la demande de Londres en faveur d’une diminution de sa contribution au budget des institutions européennes. Peu après avoir signé l’Acte unique européen en 1986, qui consacre le Marché intérieur, la Première ministre Margaret Thatcher exprime sa frustration grandissante envers les ambitions politiques de l’intégration européenne. Dans son speech de 1988 donné à Bruges, la Dame de fer déplore la voie envisagée par l’Europe des 12 qui porte le projet européen au-delà d’une aire de libre-échange. Le quotidien ‘The Sun’ résume parfaitement le courant prévalent au Royaume-Uni sur le projet d’Union économique et monétaire du président de la Commission européenne de l’époque: « Up yours Delors » ! La signature du traité de Maastricht en 1992 aggrave encore les dissensions au sein des Tories et du Cabinet conservateur de John Major. La souveraineté du parlement britannique est dite menacée par le nouveau transfert de compétences. Sous la période des gouvernements travaillistes Blair et Brown, les sentiments anti-européens au sein des Tories s’accentuent davantage. Suivant d’importantes pressions des eurosceptiques en interne, David Cameron, alors leader des conservateurs, confirme le retrait de son parti du groupe politique PPE (démocrates-chrétiens) au Parlement européen en 2009, afin de créer une nouvelle fraction réformiste : ECR (European Conservatives & Reformists). Fait amusant : David Davis, conservateur, actuel négociateur britannique pour le Brexit et défenseur ardent d’un Brexit « dur », était opposé à l’idée de rompre les liens politiques formels avec la famille chrétienne-démocrate européenne. Au fil des différentes étapes de l’approfondissement de l’intégration européenne, la place spéciale du Royaume-Uni au sein de l’UE a été ponctuée de nombreuses clauses d’« opt-out », en dépit d’un FEB| 2
attachement fort au marché intérieur. Les gouvernements successifs outre-manche, plus ou moins eurosceptiques et de gauche ou de droite, ont ainsi émis des réserves qui dispensent le pays de l’adoption de la monnaie unique, de l’acquis de l’espace Schengen ou encore de choisir de participer ou non à la politique de liberté, de sécurité et de justice. 1.2 Une promesse électorale Face aux tensions anti-européennes persistantes au sein du parti conservateur, David Cameron, en pleine campagne électorale de 2015 pour sa réélection à la tête du gouvernement, s’engage à organiser un referendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne. Dans un courriel du 10 novembre 2015 à l’attention du Président du Conseil européen, le Premier ministre Cameron, réélu à la tête du gouvernement, plaide pour un « statut spécial » du Royaume-Uni. Quatre domaines clés, faisant l’objet de demandes de réforme, y sont identifiés par les autorités britanniques : la gouvernance économique (la reconnaissance des droits des pays non membres de la zone Euro), la compétitivité (la réduction de la charge règlementaire européenne), la souveraineté (le refus d’une Union sans cesse plus étroite) et l’immigration (le contrôle des flux entrants des autres États membres). Selon David Cameron, ces multiples réformes, ouvertes à la négociation, répondraient adéquatement aux inquiétudes du Royaume-Uni en vue d’assurer un règlement durable de la question du soutien au projet européen. Après plusieurs semaines de négociation, le Conseil européen de février 2016 entérine l’entente entre Londres et Bruxelles sur le projet de réforme. Les chefs d’État et de Gouvernement des 27 s’étant mis d’accord sur une série de demandes du Royaume-Uni. Plusieurs avancées sont engrangées par Cameron. Une référence claire sera intégrée dans les Traités européens affirmant que le R-U n’est pas engagé dans la poursuite d’une intégration politique « sans cesse plus étroite des peuples d’Europe ». Sans controverse, l’UE s’engage à réduire la charge administrative et réglementaire pesant sur la compétitivité des entreprises dans des secteurs clés. Sur l’aspect social et la libre circulation des travailleurs, l’UE consent à un accès graduel aux avantages liés à la sécurité sociale sur une période de 4 ans. Londres obtient également la garantie que les contribuables n’ayant pas adopté la monnaie commune ne seront pas tenus de financer le fond de sauvetage établi pour la zone euro. Cette réforme de l’Union servira de base au plaidoyer pro-européen du Premier ministre face à la population britannique, appelée à s’exprimer par voie de référendum dans le courant de 2016 comme promis par David Cameron lors de la campagne électorale. L’incorporation de ces nouveaux acquis dans les Traités européens était logiquement liée à une issue positive de la consultation populaire. 1.3 La campagne La campagne précédant le référendum, fixé au 23 juin 2016, mis en exergue deux visions radicalement opposées tant sur le fond que sur la forme des messages. Pour le camp « Vote Leave», la profusion de législations européennes, notamment dans le domaine économique, est source d’insatisfaction. Ils y voient la mainmise de Bruxelles, limitant les forces vives et les capacités de déploiement de l’Ile. Par ailleurs, le maigre retour sur investissement de leur participation nette au budget européen - qui s’élève à plus de 10 milliards EUR annuellement - est décrié. On se rappellera les critiques similaires dans les années 1980. FEB| 3
L’aversion au cadre réglementaire européen se combine à une reconnaissance limitée de la légitimité du pouvoir décisionnel de la Commission, actant sur une base supranationale, et la compétence juridictionnelle de l’Union européenne dévolue à la Cour de justice, basée à Luxembourg. Les défenseurs de la sortie de l’UE plaident pour un retour de la prise de décision au niveau national, exemplifié par le slogan « Take back control ». Nigel Farage, figure de proue controversée des eurosceptiques et de la campagne « Vote Leave », s’est maintes fois exprimé en ce sens : « Leaving would mean that we would be taking back control. That those we elect as MPs would be the ones who make and decide our laws, rather than a bunch of unelected old men in Brussels who most people cannot name and who we cannot vote for or remove ».1 Le slogan du « Take back control », en référence aux frontières du pays, démontre aussi la place centrale accordée aux questions d’immigration. La réduction de l’afflux de personnes entrantes au Royaume-Uni, fondé ou non, dont les travailleurs issus des pays de l’Europe Centrale et de l’Est sont principalement visés, est un point crucial pour les « Brexiteers ». Plus généralement, la campagne prônant la sortie de l’UE dénonçait la notion d’une « Union sans cesse plus étroite », découlant d’une opposition farouche à l’idée des « Etats-Unis d’Europe ». L’argumentaire du camp « Britain Stronger in Europe » s’est lui focalisé sur les bienfaits économiques et commerciaux de l’accès au marché intérieur, rassemblant plus de 500 millions de consommateurs. La relation commerciale avec le continent représente 3 millions d’emplois sur le sol britannique. 200 000 entreprises commercent avec le reste de l’Union. En contradiction avec l’argument des ‘Brexiteers’, les ‘Remainers’ rappellent que 66 millions £ sont reversés quotidiennement dans des fonds ou projets participant au développement économique et social du pays. Les « Remainers » mettent également en garde contre le risque de perte de force de frappe du Royaume- Uni dans les relations internationales et donc d’un statut diplomatique diminué sur la scène mondiale. La coopération étroite en matière de sécurité au sein de l’Union, en réponse notamment aux menaces terroristes et à la criminalité organisée, est rappelée afin de sensibiliser l’électeur britannique. 1.4 Résultat du referendum : un pays divisé Le 23 juin 2016, date désormais (tristement) célèbre, plus de 30 millions de britanniques se sont prononcés sur la question du Brexit posée en ces termes : « Should the United Kingdom remain a member of the European Union ? ». La sortie de l’Union européenne fut approuvée par une courte majorité de 51.9% de vote en faveur pour un taux de participation exceptionnel de 72.2%. Deux principaux critères d’analyse permettent d’aborder ce résultat en détail : la localisation géographique et la tranche d’âge des répondants. Les résultats du vote décliné par nation (et région) donnent une image nuancée du soutien pour le « Brexit ». De fortes disparités régionales existent au sein du territoire du Royaume-Uni. L’Ecosse endossa le camp du « Remain » à 62% des voix exprimées. Idem pour l’Irlande du Nord ou 55.8% des votants souhaitent poursuivre l’adhésion au bloc européen. L’Angleterre, de loin la nation la plus peuplé du Royaume-Uni, a voté en faveur du Brexit à 53.4 % des voix. Le Pays de Galles soutient la sortie de l’Union à 52.5% des votes. La région londonienne obtient une claire majorité en faveur de l’adhésion à l’Union. 1 Read more at: https://inews.co.uk/opinion/comment/nigel-farage-vote-leave-control-destiny/ FEB| 4
Au niveau de la répartition démographique par le critère de l’âge, le résultat laisse peu de place à l’interprétation et signale un important fossé générationnel. 75% des jeunes entre 18 et 24 ans ont voté pour le maintien dans l’Union européenne. Ce chiffre est ramené à 56% pour les 24-49 ans. 1.5 Les étapes du Brexit L’issue du référendum précipite le départ du Premier Ministre David Cameron, annoncé seulement quelques heures après la diffusion des résultats. Cameron, ayant soutenu la campagne du « Remain » sur base du projet d’une UE reformée, présente sa démission officielle le 13 juillet. Teresa May, élue à la tête du parti conservateur le 11 juillet 2016, entre en fonction comme Première ministre deux jours plus tard. Après plusieurs mois de tergiversations, Theresa May soumet officiellement la lettre activant l’Article 50 du TUE (prévoyant le retrait volontaire d’un Etat membre) au président du Conseil européen, le 29 mars 2017. Le retrait du Royaume-Uni sera effectif après une période de deux ans c.à.d. le 30 mars 2019. En vue de garantir la sécurité et la continué politique des prochaines années dans le cadre des négociations du Brexit, Theresa May appelle à une élection générale le 8 juin 2017. Un pari risqué qui voit le parti conservateur, pourtant convaincu de sa popularité, perdre sa majorité absolue à la House of Commons. Contrainte de former un gouvernement de coalition, Theresa May finit par s’allier au Democratic Unionist Party (DUP), une formation politique de l’Irlande du Nord aux positions tranchées sur la question cruciale de la frontière irlandaise et du maintien dans le R.U. Le 19 juin 2017, Michel Barnier, négociateur en chef de l'UE, et David Davis, ministre britannique chargé de la sortie de l'Union européenne, ont lancé le premier cycle de négociations sur le Brexit. FEB| 5
2 Les liens économiques entre la Belgique et le Royaume-Uni Les liens économiques entre la Belgique et le Royaume-Uni ont une longue histoire, mais ont surtout pris leur essor à partir de la Révolution industrielle. Celle-ci a débuté au Royaume-Uni au cours de la deuxième moitié du 18ème siècle (impulsée surtout par l’invention de la machine à vapeur et des machines textiles) et a trouvé un terrain fertile au 19ème siècle en Wallonie et autour des grandes villes, grâce notamment aux liens économiques belgo-britanniques forts. L’impact qu’ont eu John Cockerill pour la sidérurgie à Liège et Lieven Bauwens pour le textile à Gand en sont de parfaits exemples. En effet, le premier était britannique de naissance alors que le second a énormément voyagé au Royaume-Uni, parvenant à rapporter en pièces détachées la mule-jenny, une machine à filer hydraulique. Depuis, la Belgique n’a jamais cessé d’être fortement orientée vers l’exportation. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, cette ouverture croissante s’inscrit surtout dans le contexte d’une intégration économique et politique européenne sans cesse renforcée. Le 1er janvier 1958, la Belgique fut, avec l’Allemagne, la France, les Pays-Bas, l’Italie et le Luxembourg, un des États fondateurs de la Communauté économique européenne qui abolit 10 ans plus tard, en 1968, les barrières douanières à l’importation et à l’exportation de marchandises entre ces pays. Ce n’est que le 1er janvier 1973 que le Royaume-Uni a rejoint la CEE en même temps que le Danemark et l’Irlande. L’union douanière avec ces 3 nouveaux pays s’est construite progressivement pour s’achever le 1er janvier 1977. Avant que le Royaume-Uni ne fasse partie de la CEE, entre 1968 et 1973, les exportations belges à destination de nos trois grands voisins européens, l’Allemagne, la France et les Pays-Bas, ont crû plus vite que celles à destination au Royaume-Uni (moyenne annuelle +22,3% contre +18,1%, voir graphique 1). Après l’adhésion du Royaume-Uni à l’union douanière, les exportations belges vers ce pays ont progressé sensiblement plus vite au cours des 15 années suivantes que celles à destination des 3 pays européens voisins (moyenne annuelle +15,1% contre +8,8%). Pendant la première moitié des années ’90, le Royaume-Uni est tombé en récession à cause de l’envolée de l’inflation à la fin des années ’80 et de l’explosion de la bulle des prix immobiliers (appelée Lawson- boom). En raison de cette évolution conjoncturelle asynchrone par rapport au reste de l’Europe, la livre britannique a aussi dû quitter le SME (serpent monétaire européen) le 24 septembre 1992 (mercredi noir), alors qu’elle ne l’avait rejoint que 2 ans auparavant. Dans un premier temps, cela n’a fait que prolonger et approfondir la récession britannique. Pendant la première moitié des années ’90, les exportations belges vers le Royaume-Uni ont donc crû sensiblement moins vite que vers les 3 pays voisins. Pendant la deuxième moitié des années ’90, l’économie britannique (soutenue notamment par une livre faible) s’est rétablie fermement de sorte que les exportations belges vers le Royaume-Uni ont crû plus vite que celles vers le continent européen (et surtout vers l’Allemagne qui a connu une période difficile à la fin des années ’90). FEB| 6
Depuis l’instauration de l’union monétaire européenne en 1999 (sans la participation du Royaume-Uni), les échanges commerciaux avec les 3 pays voisins de la zone euro ont de nouveau pris le dessus sur ceux avec le RU (+4,9% contre +3% vers le RU entre 2002 et 2007). Graphique 1 : Exportations de la Belgique vers le Royaume-Uni et l'Allemagne (1960-2017) 250 Source : OCDE* et BNB** En indice, base 100 = 2000 200 150 100 50 0 1960 1963 1966 1969 1972 1975 1978 1981 1984 1987 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 2014 2017 Avant l'adhésion de l'UK à l'UE UK All + FR + PB Au cours des dernières décennies, l’économie britannique a aussi connu une transition radicale qui l’a transformée d’un pays fortement industriel en un pays dominé par les services (financiers). Aujourd’hui, les industries manufacturières ne représentent que 10% du PIB britannique. Cependant, elle reste une économie de premier plan (3ème économie européenne en termes de PIB) et membre du G7. Du fait de la proximité géographique entre nos deux pays, il n’est donc pas étonnant que les liens économiques entre nos deux pays soient très forts. * Pour les données entre 1960 et 2013 ** Pour les données entre 2014 et 2017 2.1 Belgique - Royaume-Uni: une relation commerciale étroite On aperçoit bien sur le graphique ci-dessus l’importance du partenariat avec le Royaume-Uni pour les importations mais surtout pour les exportations de biens. Le Royaume-Uni est en effet notre 4ème client pour les exportations de biens (9% du total), derrière l’Allemagne (17%), la France (15%) et les Pays-Bas (11%), mais avant les USA (6%) et la Chine (2%). FEB| 7
Graphique 2 : Exportations et importations de biens (2016) Pays déclarant : BE Source : OCDE En % des exportations (importations) totales 18% 16% 14% 12% 10% 8% 6% 4% 2% 0% Royaume-Uni Allemagne France Pays-Bas États-Unis Chine Exportations (%) Importations (%) Par contre, concernant les importations de biens en Belgique, le Royaume-Uni n’est que notre 5ème fournisseur (5% de nos importations de biens). Ainsi, comme mis en avant plus bas et détaillé au point 2.4, en termes de marchandises, nous sommes dans une situation de surplus commercial vis-à-vis du Royaume-Uni Graphique 3 : Exportations et importations de services (2016) En % des exportations (importations) 20% Pays déclarant : BE Source : OCDE 15% totales 10% 5% 0% Royaume-Uni Pays-Bas France États-Unis Allemagne Exportations (%) Importations (%) Pour les exportations de services, la situation est inversée. Le Royaume-Uni est notre 4ème fournisseur et notre 5ème client. Nos partenaires principaux pour les services sont désormais la France (dont nous importons le plus de services (e.a. le tourisme) suivie des Pays-Bas (1ère destination de nos exportations de services), avec l’Allemagne fermant le podium. FEB| 8
Mais c’est surtout en termes de balance commerciale que la situation est différente. Si pour les biens nous avons un surplus important vis-à-vis du RU, pour les services nous avons un léger déficit. En considérant maintenant les biens et les services ensemble, on voit que le résultat est un surplus considérable sur le bilan commercial avec le RU (3% du PIB Belge). Il n’y a qu’avec l’Allemagne et la France que notre surplus commercial est plus important. 2.2 Belgique – Royaume-Uni : quels biens et services échangés ? 2.2.1 Biens Il est intéressant de constater que parmi les cinq groupes de produits les plus importés du R.U., trois sont aussi les groupes de produits les plus exportés vers celui. Il n’y a que les produits minéraux (2ème groupe de produits le plus importé, dû aux livraisons de pétrole et de gaz naturel britanniques de la mer du Nord) et les produits alimentaires (5ème groupe de produits le plus exporté) qui ne se retrouvent pas aussi bien dans le top des importations que des exportations. Répartition des importations et exportations de la Belgique avec le Royaume-Uni en 2017 (en % du total) Importations de biens en provenance du Royaume-Uni Exportations de biens vers le Royaume-Uni Matériel de transport 21% Matériel de transport 29% Produits des industries chimiques ou Produits minéraux 20% 19% des industries connexes Machines et appareils, matériel électrique et leurs parties; appareils d'enregistrement ou de reproduction du Produits des industries chimiques ou 18% son, appareils d'enregistrement ou de 8% des industries connexes reproduction des images et du son en télévision, et parties et accessoires de ces appareils Machines et appareils, matériel électrique et leurs parties; appareils d'enregistrement ou de reproduction du Matières plastiques et ouvrages en ces son, appareils d'enregistrement ou de 11% matières; caoutchouc et ouvrages en 7% reproduction des images et du son en caoutchouc télévision, et parties et accessoires de ces appareils Produits des industries alimentaires; Matières plastiques et ouvrages en ces boissons, liquides alcooliques et matières; caoutchouc et ouvrages en 6% 7% vinaigres; tabacs et succédanés de caoutchouc tabac fabriqués Source : BNB FEB| 9
Tout ceci met en lumière à quel point les chaînes de valeur sont intégrées entre nos deux pays, par ex. dans les secteurs de la chimie et des plastics. Cela met aussi en évidence le rôle de plaque tournante de la Belgique vers d’autres pays européens et inversement en ce qui concerne les produits provenant du Royaume-Uni. A ce sujet, l’importance du tonnage en provenance et à direction du Royaume-Uni pour le port de Zeebrugge souligne davantage cet état de fait. Pas moins de 45% du tonnage total est en lien avec le Royaume-Uni. Graphique 4 : Répartition du tonnage du port de Zeebrugge Source : Port de Zeebrugge 6% 5% 10% 34% 45% Europe continentale UK Asie N & S America Autres Pour le secteur de l’alimentaire les trois produits les plus exportés vers le Royaume-Uni sont les fruits et légumes, le cacao et les céréales ainsi que les préparations basées sur ces produits. L’industrie textile est elle aussi fortement connectée au marché britannique. En effet, 10,2% des exportations totales de textile, bois et ameublement y sont exportées. Pour le textile d’intérieur, cette proportion est encore plus élevée avec 22% des exportations totales à direction du Royaume-Uni. 2.2.2 Services Nous avons déjà évoqué au point 2.1 que le solde concernant les services entre le Royaume-Uni et la Belgique est en faveur du Royaume-Uni. Entre 1999 et 2016, la situation s’est révélée plutôt stable puisqu’on est passé d’un solde équivalent à 0,35% du PIB à 0,37% du PIB FEB| 10
Graphique 5 : Solde extérieur des services de la Belgique vis-à-vis du Royaume-Uni 0,0% Source : Office for National Statistics -0,1% -0,2% En % du PIB belge -0,3% -0,4% -0,5% -0,6% -0,7% Solde extérieur des services, balance… Plus précisément, le solde s’est creusé en faveur des Britanniques jusqu’en 2008, représentant alors 0,6% du PIB. Par la suite, l’écart s’est amoindri jusqu’en 2013, atteignant alors 0,19% du PIB. Le solde s’est ensuite de nouveau creusé. Malgré tout, les variations restent mesurées et l’évolution du solde s’est plutôt révélée stationnaire autour d’une moyenne de 0,4% du PIB. Graphique 6 : Répartition des exportations par types de services (2016) Source : Office for National Statistics 20% 40% 17% 1% 1% 9% 3% 9% Financial Transport Travel Telecommunications, computer and Information Intellectual Property Insurance and Pension Personnal, government, cultural and recreational Other business services Concernant la répartition de ces services, il n’est pas étonnant de constater la part belle que se font les services financiers (20%). Au vu de l’importance de Londres au niveau de la finance internationale, le contraire eut été étonnant. FEB| 11
Viennent ensuite les transports avec 17% et le tourisme avec 9%. Les services ICT représentent aussi 9% des échanges de services. En queue de peloton on retrouve les échanges en propriété intellectuelle (3%), les assurances et pensions (1%) et enfin les services culturels et récréatifs, aux personnes et au gouvernement (1%). La plus grande catégorie des échanges en services est néanmoins celle relative à tous les autres services aux entreprises (e.a. les services de consultances, les services immobilier, etc.).. 2.3 Balance des paiements avec le Royaume-Uni Graphique 7 : Balance des paiements entre la Belgique et le Royaume-Uni Source : Office for National Statistics 3,5% 3,0% 2,5% En % du PIB belge 2,0% 1,5% 1,0% 0,5% 0,0% -0,5% -1,0% 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 Solde des services Solde des biens Solde des biens et services A partir de 2012, la balance commerciale entre la Belgique et le Royaume-Uni s’est fortement améliorée en faveur de la Belgique, le solde positif passant de 0,87% du PIB en 2012 à 2,99% en 2016. Cette progression est essentiellement imputable aux marchandises, dont la croissance des exportations vers le Royaume-Uni a été de près de 10% entre 2012 et 2016, les importations ayant quant à elles diminué de près de 30%. La dépréciation de l’euro par rapport à la livre de 18% au cours de cette période n’y a certainement pas été étrangère. 2.4 Investissements directs étrangers (FDI) L’importance du Royaume-Uni via Londres dans le secteur de la finance est indéniable. Londres est le plus grand centre d’affaires en Europe, la ville qui abrite le plus de banques au monde et, selon une étude de Mastercard, elle surpasse même New York au niveau de la facilité de faire des affaires et le volume des flux financiers. En pourcentage du PIB, les stocks de FDI entrants représentent 57,1% du PIB du Royaume-Uni, contre 29,7% pour la France et 23,7% pour l’Allemagne. Concernant les stocks sortants, ceux-ci représentent 57,1% du PIB pour le Royaume-Uni, 53,6% pour la France et 40,3% pour l’Allemagne. On voit sur le graphique ci-dessus l’évolution de stock et de flux de ces investissements. Les actifs (assets) sont les FEB| 12
capitaux détenus par le Royaume-Uni à l’étranger alors que les passifs (liabilities) représentent les capitaux détenus au Royaume-Uni par des étrangers. Entre 1997 et 2007, les stocks d’actifs et de passifs ont connu une croissance impressionnante. En effet, les actifs ont cru de 296% et les passifs de 243%, soit 13% par an pour les premiers contre 12% pour les seconds. Par la suite, le rythme de croissance s’est fortement ralenti. La croissance des actifs s’est même révélée (+0,93% par an) plus faible que celle des passifs (5,67% par an). Graphique 8 : Stocks et flux annuels de FDI du Royaume-Uni Source : Office for National Statistics 1800 200 1600 150 1400 1200 100 En milliards de GBP En milliards de GBP 1000 50 800 600 0 400 -50 200 0 -100 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 Actifs, échelle de gauche Passifs, échelle de droite Flux sortants, échelle de droite Flux entrants, échelle de droite En termes de flux, on peut s’étonner de l’important écart entre flux entrants et sortants en faveur du Royaume-Uni lors de l’année d’annonce du Brexit, mais ce résultat est le fruit d’une année particulièrement fructueuse en matière de fusions et acquisitions. Domestiquement, il y a eu 400 fusions et acquisitions pour un total de 23,9 milliards de £, nombre et montant le plus élevé depuis 2008. En termes de flux, il y a eu 227 fusions entrantes (inward) pour une valeur de 187 milliards de £. Du point de vue belge vis-à-vis du Royaume-Uni, on voit que les stocks d’actifs détenus par la Belgique au Royaume-Uni suivent une tendance haussière depuis 2008, avec une hausse spectaculaire en 2016 suite au rachat de SABMIller par ABInBev finalisé en octobre 2016. Après avoir augmenté jusque 2012, les stocks de passifs ont quant à eux plutôt suivi une tendance légèrement baissière depuis lors. FEB| 13
Graphique 9 : FDI entre BE et UK, point de vue BE 50% Source : BNB 6% 5% 40% 4% En % du PIB BE En % du PIB BE 30% 3% 2% 20% 1% 0% 10% -1% 0% -2% 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 Stocks d'actif, échelle de gauche Stocks de passif, échelle de gauche Flux d'actif, échelle de droite Flux de passif, échelle de droite 3 Quels impacts économiques potentiels du Brexit ? 3.1 Aperçu des impacts macroéconomiques à court terme Graphique 10 : Inflation et cours de change EUR/GBP Source : OCDE 3,5 0,95 Variation annuelle, en % 3,0 0,9 2,5 GBP par EUR 2,0 0,85 1,5 0,8 1,0 0,75 0,5 0,0 0,7 2016M1 2016M2 2016M3 2016M4 2016M5 2016M6 2016M7 2016M8 2016M9 2016M10 2016M11 2016M12 2017M1 2017M2 2017M3 2017M4 2017M5 2017M6 2017M7 2017M8 2017M9 2017M10 2017M11 2017M12 2018M1 2018M2 Inflation, échelle de gauche EUR vs GBP, échelle de droite Déjà avant que les résultats du référendum n’entérinent la décision de sortie de l’UE du RU, les incertitudes entourant ces résultats avaient engendré un début d’affaiblissement de la livre vis-à-vis de l’euro. Suite aux résultats confirmant le démarrage d’une procédure de sortie de l’UE, cet affaiblissement s’est accentué, l’euro s’appréciant par rapport à la livre de 18% entre janvier et octobre 2016. Ainsi, cet affaiblissement de la livre a généré avec quelques mois de retard une accélération de l’inflation au Royaume-Uni, comme on peut le voir sur le graphique ci-dessus. En effet, l’inflation était presque FEB| 14
inexistante en 2015 (0%) et n’a redémarré qu’à partir du dernier trimestre de 20162. Ce décollage de l’inflation, alimenté par la faiblesse de la livre, s’est d’ailleurs poursuivi tout au long de l’année 2017, année au cours de laquelle l’inflation a été de 2,7%. Graphique 11 : Consommation privée et confiance des ménages au Royaume-Uni Source : OCDE 3,5% 6 3,0% 4 2,5% 2 Indice 2,0% 0 En % 1,5% -2 1,0% -4 0,5% -6 0,0% -8 Croissance (YoY) de la consommation privée, échelle de gauche Confiance des ménages, échelle de droite Cette « import-lead »-inflation a comprimé le pouvoir d’achat des ménages, résultant dans un affaiblissement de la croissance de la consommation. Même si la confiance des ménages a diminué assez rapidement et que l’affaiblissement de la livre a très rapidement généré une accélération de l’inflation, on constate cependant que la croissance de la consommation n’a pas de suite chuté. En effet, les habitudes de consommation ne changent pas du jour au lendemain et ne sont pas corrélées parfaitement avec le revenu. On voit ici tout simplement le lissage de la consommation des ménages qui ont utilisé leur épargne pour alimenter leur consommation. Cependant, cette situation ne pouvait perdurer vu le niveau historiquement bas du taux d’épargne des ménages, qui est passé de 9% en 2015 à 7% en 2016 puis 5% en 2017. Au final, on constate un ralentissement de la croissance de la consommation privée de plus en plus net. De 3,15% au deuxième trimestre 2016, celle-ci n’était plus que de 1,31% au dernier trimestre 2017. Concernant les importations, la force de l’euro et la forte croissance des investissements des entreprises en Belgique (très intense en importations) ont certainement contribué à les doper jusqu’à février 2017, pour ensuite globalement osciller autour des 12%. 2 Inflation annuelle en 2016 restant au final très faible, à seulement 0,7% (source: OCDE). FEB| 15
Graphique 12 : Exportations et importations de biens entre la Belgique et le RU, moyenne mobile à 3 mois, point de vue belge 25% Source : BNB 0,95 20% Croissance annuelle, en % 15% 0,9 10% GBP par EUR 0,85 5% 0% 0,8 -5% -10% 0,75 -15% -20% 0,7 Importations, échelle de gauche Exportations, échelle de gauche EUR vs GBP, échelle de droite Au final, l’année 2017 a vu l’entame d’un changement de composition de la demande au Royaume-Uni. La consommation et l’investissement se sont révélés moins importants alors que les exportations de biens ont légèrement augmenté. La forte demande suite à la reprise en UE et la faiblesse de la livre ayant contribué à ce dernier élément. Les services ainsi que le secteur de la construction ont globalement stagné au Royaume-Uni en 2017, alors que l’industrie manufacturière s’est mieux portée suite aux éléments décrits plus haut. Cependant, les éléments positifs n’ont pas permis de contrebalancer les éléments négatifs et la croissance au Royaume-Uni3 a été inférieure à ce qu’elle aurait sans doute été si les résultats du référendum avaient été autres. En résumé, le Brexit a causé un affaiblissement de la livre qui a mené à une inflation générée par la hausse des prix des biens d’importations. Dès lors, la demande intérieure a été plus faible alors que les exportations se sont mieux comportées. Cependant, cette hausse des exportations n’a pas été d’une ampleur équivalente à la baisse de la demande intérieure, résultant donc dans un ralentissement de la croissance en 2016. Au final, les exportations belges ont clairement pâti de ces éléments (affaiblissement de la livre et baisse de la demande). Les points suivants vont traiter d’impact à moyen et long terme. 3 1,7% selon le FMI, 1,5% selon la CE, 1,6% selon la BoE et 1,5% selon l’OCDE. FEB| 16
3.2 Quel serait l’impact d’un « soft » ou « hard » Brexit à plus long terme? D’un point de vue plus théorique, les professeurs Vandenbussche et al. (2017) de la KU Leuven ont développé un modèle pour expliciter l’impact sur l’emploi et la valeur ajoutée de chocs sur les conditions d’échange, dans un contexte de chaînes de valeur très intégrées internationalement. Leur approche se distingue d’une simple considération bilatérale entre origine et destination finale de l’échange. Ainsi, cela permet de considérer les impacts directs et indirects tout en spécifiant les secteurs qui seront le plus affectés. Concernant le Brexit, deux scénarii sont considérés : un « soft » Brexit et un « hard » Brexit. Le premier se caractérise par le maintien du RU au sein du marché commun avec des tarifs nuls alors que les barrières non tarifaires seraient en hausse, générant l’équivalent d’un tarif de 2,77%. Quant au second scénario, le RU quitterait le marché commun et les échanges avec l’UE se feraient selon les règles de l’OMC4, basés sur le principe de MFN5. Ces tarifs varieraient d’un secteur à l’autre, pouvant aller de 0% à 9,1%. Concernant les barrières non tarifaires, les auteurs tablent dans ce cas sur un équivalent tarifaire de 8,31%. L’imposition de tarif ou de barrière non tarifaire engendrerait une baisse de consommation de produits en provenance de l’UE de la part du Royaume-Uni. Mais aussi, la valeur ajoutée de produits ou services en provenance du Royaume-Uni mais intégrée dans la production d’un pays membre de l’UE sera aussi perdue. Dans les deux cas, le RU est impacté plus fortement en termes relatifs que l’UE. Au sein de l’UE, les pays plus fortement liés au RU seront impactés plus fortement que la moyenne de l’UE. Il en va de même pour les économies plus ouvertes et dépendantes du commerce extérieur ; de fait, la Belgique remplit toutes ces conditions. La perte totale en valeur ajoutée dans le cas d’un « soft Brexit » serait selon les auteurs de 0,58%. Parmi ces 0,58%, l’essentiel de l’impact proviendrait de l’imposition de mesures de protection de la part du RU. En effet, la mise en place de mesures protectionnistes engendrerait une perte de valeur ajoutée de 0,54% suite aux mesures britanniques et de 0,04 % pour celles provenant de l’UE. En termes d’emplois, on aurait une perte de 10 060 emplois. Dans le cas d’un « hard Brexit », la facture est évidemment plus salée, avec un impact total de 2,35% en termes de valeur ajoutée et une perte de 42 390 emplois. Une fois de plus, les mesures britanniques engendreraient la majorité des dommages, avec 2,18% de pertes de valeur ajoutée sur les 2,35% qui en seraient issues. Enfin, les secteurs belges les plus affectés varient en fonction de l’origine des mesures. Ainsi, aussi bien en terme d’emplois que de valeur ajoutée, c’est l’industrie alimentaire qui est le secteur le plus durement touché par des mesures protectionnistes britanniques vis-à-vis de l’UE. Fevia (la Fédération de l’industrie alimentaire belge) a par ailleurs déjà constaté un effet après les résultats du referendum sur le Brexit. Bien qu’en terme global, les exportations ont augmenté de 4,3% au cours de l’année 2016, celles à direction du Royaume-Uni ont baissé de 1,7% en valeur. 4 Organisation Mondiale du Commerce 5 Most Favored Nation FEB| 17
En cas de mesures européennes, c’est l’industrie chimique qui souffre le plus au niveau de la valeur ajoutée alors que ce sont les activités de support administratif dont l’emploi est le plus impacté. On vient de discuter d’une approche ayant plus un impact au niveau des coûts, en quelque sorte l’impact sur les prix relatifs. Outre ces effets sur les échanges directs et indirects, d’autres éléments encore difficiles à évaluer découleraient de la réintroduction de droits de douane et d’une différenciation entre les normes européennes et celles du Royaume-Uni. Selon le Rapport annuel 2016 de la BNB, non seulement les entreprises devraient supporter des coûts supplémentaires à cause de ces éléments mais l’entrave à la circulation des biens, services, personnes et capitaux freineraient les investissements, déprimant un des vecteurs majeurs de diffusion de l’innovation. Or, la facilité de circulation de ces actifs intangibles est primordiale pour une économie tellement orientée vers les services mais aussi ses principaux partenaires commerciaux. A cet égard, il paraît particulièrement compliqué d’évaluer actuellement l’impact d’une hausse de ces entraves et leur impact sur le potentiel futur de croissance. Plus précisément, l’impact sera forcément négatif, ce qui est plus compliqué à déterminer c’est l’ampleur de cet impact ainsi que de savoir quels seront les secteurs les plus touchés. En résumé, aussi bien l’UE que le Royaume-Uni sont impactés négativement par le Brexit, mais le Royaume-Uni ainsi que ses plus proches partenaires commerciaux dont la Belgique sont plus touchés en termes relatifs. Les secteurs belges les plus touchés étant l’industrie chimique et alimentaire. 4 Où en est-on ? Le 23 juin 2016, la population britannique s’est prononcée lors d’un référendum pour la sortie de l’Union européenne. Neuf mois plus tard, le 29 mars 2017, le Royaume-Uni a notifié officiellement sa décision de sortir de l’UE. Celle-ci a marqué le point de départ de la procédure prévue à l’article 50 du traité de l’Union européenne. En vertu de cet article 50, le RU dispose de deux ans, c’est-à-dire jusqu’au 29 mars 2019, pour négocier "un accord de retrait fixant le cadre des relations futures entre le RU et l’UE". À la suite de la notification du RU, le Conseil européen a élaboré des lignes directrices qui constituent la base de la stratégie de négociation des États membres européens (UE27). La principale stratégie de négociation de l’UE27 est l’approche par étapes. L’objectif est d’aborder, dans une première phase, tous les domaines qui poseraient de grands problèmes sans accords précis en cas de sortie du RU de l’UE. Trois priorités ont été mises en avant : les droits des citoyens, le règlement financier et la frontière entre l’Irlande et l’Irlande du Nord. Dès que des ‘progrès suffisants’ sont enregistrés dans la première phase, on peut passer à la deuxième phase des négociations qui portera sur les domaines précités de l’accord de sortie, ainsi que sur la phase transitoire et le cadre de la relation future entre le RU et l’UE. Sur la base de ces lignes directrices, la Commission européenne a élaboré pour la première phase un mandat de négociation plus détaillé qui a été approuvé par le Conseil des Affaires générales (CAG) le 22 mai 2017. La Commission européenne a été désignée comme négociateur pour l’Union et une Task Force Art. 50 (TF50) a été constituée à cet effet sous la présidence de Michel Barnier. Sur la base des lignes directrices et du mandat, la TF50 a rédigé 14 position papers qui approfondissent les différents aspects de l’accord de sortie. Si les négociations échouent, les Britanniques quitteront l'UE le 29 mars 2019 sans aucun accord de séparation et probablement sans perspective d'une relation future durable. C'est ce qu'on appelle le ‘cliff- FEB| 18
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