Le changement climatique en France illustré par la classification de Köppen
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La Météorologie - n° 116 - février 2022 Changement climatique 37 Le changement climatique en France illustré par la classification de Köppen Vincent Dubreuil Littoral, environnement, télédétection, géomatique (LETG), Université de Rennes 2, CNRS, Rennes vincent.dubreuil@univ-rennes2.fr (reçu le 20 août 2021 ; accepté le 17 décembre 2021) P résenter et illustrer le change- XXe siècle, le botaniste allemand ment climatique de manière Wladimir Köppen (1900, 1901) a cher- simple n’est pas toujours chose ché à faire correspondre les grandes aisée. Les valeurs utilisées (moyennes limites de végétation du monde à des annuelles ou mensuelles) sont des seuils climatiques simples s’appuyant constructions mathématiques qui ne sur les moyennes annuelles et men- sont pas toujours parlantes en de- suelles des températures et des pré- hors du cercle des scientifiques ; elles cipitations. Par la suite, la méthode a masquent, en outre, la variabilité des été perfectionnée, les seuils critiqués phénomènes (températures et préci- et améliorés, une synthèse désormais pitations notamment). Les classifica- largement utilisée étant la classifica- tions climatiques tentent de résoudre tion de Köppen-Geiger (Geiger, 1954 ; cette difficulté en simplifiant la pré- Kottek et al., 2006). C’est une adapta- sentation des éléments du climat par tion de cette méthode à l’échelle de la une typologie en climats « homo- France que nous proposons d’utiliser gènes ». Ces classifications se sont ici pour illustrer la manière dont le d’abord fondées sur des approches na- changement climatique se concrétise turalistes ou physionomiques, faisant sur la période récente et la manière correspondre des limites de végétation dont elle pourrait s’opérer dans le futur par exemple à des seuils thermiques sur la base des sorties de modèles glo- Résumé ou pluviométriques (Köppen, 1900, baux désagrégées, à l’image de ce qui 1901). Un deuxième type de classifi- a pu être réalisé à l’échelle du globe par L’objectif de cet article est de dé- cation a cherché davantage à mettre en Rubel et Kottek (2010). Cependant, il crire simplement la manière dont relation les climats régionaux avec les ne s’agit pas de représenter la nature s’opère le changement climatique en circulations synoptiques dominantes de ces changements uniquement sous France entre 1950 et 2100 au moyen (Pédelaborde, 1957). Des typologies forme de moyennes. La classification de la classification de Köppen. La reposant sur des approches statistiques de Köppen va donc être également méthode est utilisée pour caractéri- (de type classifications hiérarchiques, utilisée au pas de temps annuel pour ser les types moyens mais aussi cha- Durand-Dastés et Sanders, 1984) ont caractériser des types de climat annuel cune des années prises individuel- également été proposées, ainsi que dont l’évolution en fréquence au cours lement afin de tenir compte de la des méthodes plus complexes combi- du temps permet de mettre en évidence variabilité interannuelle du climat. nant données climatiques et facteurs des changements plus subtils. Les projections sont extraites du de milieu (topographie, occupation portail Drias en utilisant le modèle des sols ; voir par exemple Joly et Données et méthodes CNRM avec les scénarios RCP4.5 et al., 2010). Une fois la méthode défi- 8.5. Les résultats montrent la pour- nie, il est possible de la généraliser et suite au XXIe siècle de la tendance à de réaliser de manière homogène la diminution des climats tempérés une carte des climats sur un pays ou Deux jeux de données sont utilisés ici : frais au profit des climats chauds. sur l’ensemble de la planète (San- dans un premier temps, le changement Ces tendances sont exacerbées par le derson, 1999 ; Essenwanger, 2001). climatique passé est observé à partir scénario RCP8.5 en fin de siècle où le des séries mensuelles de températures type méditerranéen prédominerait La classification de Köppen corres- et de précipitations pour 40 stations largement au sud comme à l’ouest pond au premier type de ces classi- de la France métropolitaine. Il s’agit du pays ! fications climatiques. Au début du des données observées dans le réseau
38 La Météorologie - n° 116 - février 2022 Abstract principal de Météo-France, des sta- tions dont on a cherché à ce que leur RCP8.5 sont également présentées afin d’illustrer la manière dont pourrait se localisation couvre de manière opti- traduire le changement climatique Climate change in France male le territoire et sa diversité clima- en cas de scénario « pessimiste » en illustrated by the Köppen tique. L’altitude des stations retenues termes d’émissions de gaz à effet de classification varie entre le niveau de la mer et un serre. peu plus de 1 000 mètres (Chamonix) : The aim of this paper is to simply les territoires de haute montagne ne Au total, ce sont donc six périodes describe how climate change takes sont donc pas couverts par cette ana- d’analyse sur lesquelles est appli- place in France between 1950 and lyse. Les deux périodes d’étude rete- quée la méthode de Köppen : ob- 2100 using the Köppen classification. nues couvrent chacune 30 années, la servations 1958-1987 et 1988-2017, The method is used to characterize première entre 1958 et 1987, la seconde modélisations RCP4.5 2021-2050, the average types but also each of entre 1988 et 2017. Le choix de la pé- 2041-2070, 2071-2100 et RCP8.5 2071- the years taken individually in or- riode de coupure à la fin de la décennie 2100. der to take into account the interan- 1980 correspond à une période de rup- nual variability of the climate. The ture bien documentée dans la littéra- La classification de Köppen est projections are extracted from the ture (Merot et al., 2012) : dans le nord construite à l’échelle de l’ensemble Drias portal using the CNRM model de la France, cela permet de clore la du globe en divisant cinq grandes fa- with the RCP4.5 and 8.5 scenarios. première période par les « grands » hi- milles de climats désignées par des The results show the continuation vers des années 1985-1987 et de débu- lettres majuscules : A, climats chauds ; in the 21st Century of the tendency ter la seconde par les années chaudes B, climats arides et semi-arides ; C, to decrease in cool temperate cli- et sèches de 1989-1990. climats tempérés sans hiver froid ; D, mates in favor of warm climates. climats tempérés à hiver froid (c’est- These trends are exacerbated by the à-dire comprenant au moins un mois Dans un deuxième temps, les données RCP8.5 scenario at the end of the dont la température moyenne est in- du climat futur ont été téléchargées sur century, where the Mediterranean férieure à –3 °C) et E, climats froids. le portail Drias-Les futurs du climat1 type would largely predominate in Les types A et E ne s’appliquent pas (Drias, 2021 ; Soubeyroux et al., 2020). the south and west of the country! à la France métropolitaine. La typolo- Comme les données de ce portail sont régionalisées et débiaisées à partir de gie de Köppen est complétée par des la grille Safran à 8 kilomètres, elles ont lettres minuscules qui viennent préci- été récupérées au point de grille le plus ser la répartition des précipitations : w, proche pour chacune des 40 stations : saison sèche l’hiver (régimes tropicaux cette règle a été adaptée pour les sta- ou continentaux) ; s, saison sèche esti- tions situées dans des contextes topo- vale (définie ici comme un mois d’été graphiques contrastés de manière à ce avec des précipitations inférieures à que l’altitude du point de grille Drias 2 fois la température moyenne) et f, n’ait pas plus de 100 mètres d’écart pas de saison sèche. Une dernière lettre avec l’altitude du poste afin d’éviter les permet de caractériser l’intensité du biais liés au relief. Comme il ne s’agit froid hivernal (pour les climats D) et pas ici de faire une analyse comparée de la chaleur estivale, un mois d’été de l’ensemble des modèles, seuls les étant considéré comme chaud lorsque résultats obtenus avec les données du sa moyenne dépasse 22 °C. Tous ces modèle CM5-CNRM-Aladin63 sont seuils sont évidemment discutables, présentés. Pour des raisons de simplici- mais ils ont l’avantage de leur simplicité té, le scénario RCP4.52 (souvent présen- té comme scénario « intermédiaire ») 1. http://www.drias-climat.fr/ a été privilégié. Les périodes de ré- 2. Representative Concentration Pathway ; les férences concernent le futur proche scénarios retenus ici sont le RCP4.5, représen- (2021-2050), moyen (2041-2070) et tant un forçage radiatif de 4,5 W m –2 au niveau de stabilisation après 2100, et le RCP8.5 re- lointain (2071-2100) telles que préco- présentant un forçage radiatif de 8,5 W m –2 en nisées sur le site Drias. Pour la der- 2100 (scénario de poursuite de la croissance des nière période, les données du scénario émissions de gaz à effet de serre). Tableau 1. Principaux types de Köppen rencontrés en France. Les types en italique sont très faiblement représentés en France (d’après Viers, 1968). Type Nom (indicatif) Caractéristiques D Montagnard Tempéré à hiver froid (influences continentales) Cfb Breton Tempéré à été frais sans saison sèche Csb Charentais Tempéré à été frais et sec Cwb Mexicain Tempéré à été frais et saison sèche hivernale Cfa Danubien Tempéré à été chaud sans saison sèche Csa Méditerranéen Tempéré à été chaud et sec Cwa Subtropical Tempéré chaud et saison sèche hivernale BSk Sarde Semi-aride frais BSh Sicilien Semi-aride chaud BW Tunisien Aride et chaud
La Météorologie - n° 116 - février 2022 39 et d’être largement utilisés à travers le le plus représenté (43 % des années Les types moyens de Köppen calculés monde, ce qui permet des comparai- contre 57 % pour le type Csb). Il s’agit sur la période trentenaire de référence sons simples. Par exemple, le type Csa d’une situation assez classique dans montrent une très bonne relation entre correspond à un climat tempéré sans la moitié nord de la France (même en le modèle et les observations : en effet, hiver froid (C), à saison sèche estivale Bretagne !) : en effet, il est fréquent 38 des 40 stations sont classées dans (s) et été chaud (a), ce que l’on peut ré- que pour une année donnée un mois le même type de Köppen. Seules deux sumer comme un type méditerranéen. d’été soit considéré comme sec (bas- stations se trouvent dans un type dif- Le détail de la classification, ses limites culant donc dans le type Csb), alors férent : Poitiers classé Csb par le mo- et critiques peuvent être consultés dans que la moyenne pluriannuelle sur ce dèle CNRM alors que l’observation la Geiger (1954), Eveno et al. (2016) et même mois donne une moyenne des classe en Cfb et Rennes avec l’exacte Dubreuil et al. (2019). précipitations plus élevée du fait de réciproque (classée Cfb par le modèle l’occurrence d’autres mois plus arro- contre Csb pour l’observation). Dans L’application de cette classification va sés, d’où le type moyen Cfb. les deux cas, on est en fait à la limite donc être réalisée sur les moyennes du seuil de la sécheresse estivale, une mensuelles des températures et pré- Avant de détailler l’étude sur l’évo- différence de quelques millimètres cipitations des 40 villes et points de lution du climat entre le XXe et le dans les précipitations ou de quelques grilles pour les six périodes définies XXIe siècle, des tests ont été réa- dixièmes de degré pour les tempéra- plus haut : on définit ainsi le type lisés afin de vérifier que le modèle tures suffisant à faire basculer dans un moyen de Köppen. Pour simplifier utilisé reproduisait bien les types de type ou l’autre. la lecture, le tableau 1 rappelle les Köppen, en moyenne comme en fré- principaux types observés en France quence. Cette analyse a porté sur la Concernant les fréquences des types (parmi les 30 types de la classifica- période 1976-2005 commune au mo- de climats annuels, une très bonne tion mondiale) : en plus du code de dèle (scénario de référence historique correspondance entre modèle et ob- Köppen, on propose une appellation disponible sur Drias) et aux observa- servations peut aussi être notée. Si générique qui renvoie à une région tions. En effet, chaque modèle glo- on considère l’ensemble des années et française ou voisine de la France, où bal, même désagrégé puis corrigé par des stations françaises (tableau 2), les le type en question peut être observé des méthodes robustes et statistiques pourcentages sont très proches avec aujourd’hui (Viers, 1968) : là aussi, (Soubeyroux et al., 2020 ; Drias, une légère surestimation par le modèle ces choix sont arbitraires et visent 2021), peut comporter des biais spa- des types Csa (+6,4 %), D (+1,7 %) et simplement à rendre plus didactique tiaux et/ou saisonniers. Notons que le Cfb (+2 %) et une sous-estimation la présentation. Noter que tous les modèle retenu pour cette étude se situe plus faible encore des types Csb, BSk types de climats D ont été rassemblés à peu près dans la moyenne des autres et Cwb. Un très léger biais chaud et dans une seule et même classe. modèles disponibles sur Drias avec un sec l’été peut donc être mis en avant et très faible biais pour les températures il se retrouve parfois quand on regarde La même méthode est ensuite utilisée et une légère sous-estimation des les données spécifiques à certaines pour caractériser chacune des années précipitations estivales. stations comme Paris ou Toulouse. prises individuellement afin de tenir compte de la variabilité interannuelle du climat et l’aborder en termes de fré- quences : on identifie ainsi des types de climat annuel (TCA, Brisse et al., 1982) pour les 30 années de chaque période, ce qui permet d’entrer plus fi- nement dans l’analyse du climat d’une région. Une telle approche a déjà été menée en Argentine (Planchon et Rosier, 2005), au Brésil (Dubreuil et al., 2019) et en France (Eveno et al., Figure 1. Fréquences des types de climat annuel à Nice (gauche), Brest (centre) et Lyon (droite) pour 2016). On peut ainsi distinguer les la période 1958-1987. stations dont les types de climat an- nuel sont peu différenciés de celles Tableau 2. Comparaison des fréquences observées (Obs.) et modélisées (CNRM) des types de Köppen qui connaissent des influences clima- sur la période 1976-2005. tiques multiples. Ainsi, à Nice, pour la Stations Données BSk Cfa Cfb Csa Csb Cwa Cwb D période 1958-1987, le type moyen Csa est effectivement observé dans 77 % Brest Obs. 0 0 33,3 0 66,7 0 0 0 des cas, mais 13 % correspondent à Brest CNRM 0 0 33,3 0 66,7 0 0 0 des années « fraîches » (Csb) et 10 % Nice Obs. 16,7 0 0 80,0 3,3 0 0 0 à des années semi-arides (BSk). À Nice CNRM 13,3 0 0 83,3 3,3 0 0 0 Lyon, en revanche, le type moyen Cfb Paris Obs. 3,3 6,7 30,0 3,3 56,7 0 0 0 n’est observé que dans 40 % des cas, Paris CNRM 0 3,3 33,3 16,7 46,7 0 0 0 presque autant que le type Csb (37 %), Strasbourg Obs. 0 6,7 36,7 6,7 33,3 0 6,7 10,0 avec une fréquence non négligeable Strasbourg CNRM 0 0 30,0 20,0 40,0 0 0 10,0 d’années méditerranéennes (13 % de Toulouse Obs/ 3,3 3,3 10,0 53,3 23,3 3,3 3,3 0 Csa), mais aussi des influences plus Toulouse CNRM 10,0 3,3 3,3 63,3 20,0 0 0 0 diverses (D, Cwb, Cfa) montrant la France Obs. 5,9 1,9 23,8 23,6 38,0 0,7 4,0 2,2 plus grande difficulté à classer le cli- France CNRM 2,8 2,0 26,5 30,0 32,9 0,2 1,5 3,9 mat lyonnais (figure 1) ! Dans le cas de Brest, le type moyen Cfb n’est pas France Différence –3,0 0,2 2,7 6,4 –5,0 –0,4 –2,4 1,7
40 La Météorologie - n° 116 - février 2022 (a) Pour la plupart des autres stations, les fréquences sont très proches, voire identiques (Brest, Nice). Le changement climatique passé : le recul du froid ! Les figures 2 et 3 permettent de mon- trer l’évolution des types moyens de Köppen, ainsi que la fréquence des types de climats annuels pour cha- cune des deux périodes d’observation. Le type moyen Cfb est largement do- minant en France : 30 stations sur 40 relèvent de ce type pour la première période et encore 28 (70 %) pour la seconde. Mais le type annuel le plus fréquent dans la moitié nord et ouest (b) Figure 2. Classification de Köppen en France pour la période 1958-1987. (a) Types moyens observés sur l’ensemble de la période. (b) Fréquence des types de climats annuels.
La Météorologie - n° 116 - février 2022 41 (a) est plutôt le type Csb qui est majori- taire de Toulouse à Bordeaux jusqu’au Bassin parisien et englobant le Nord- Ouest. Pour autant, le type moyen Csb ne concerne que deux stations : La Rochelle et Ajaccio pour 1958-1987 et La Rochelle et Rennes pour 1988-2017. Le type Cfb n’est majoritaire pour la première période que dans le Sud- Ouest (Biarritz, Tarbes) et le Nord-Est (de Château-Chinon à Strasbourg). Vers l’est, le type moyen D ne s’impose qu’à Mouthe et Chamonix, mais la fré- quence du type annuel D concerne 12 autres stations de Briançon à Lille, montrant la diminution progressive des influences continentales et mon- tagnardes quand on se dirige vers l’océan. Toujours pour la première période, le type moyen Csa est stric- tement limité à la Méditerranée, mais (b) Figure 3. Classification de Köppen en France pour la période 1988-2017. (a) Types moyens observés sur l’ensemble de la période. (b) Fréquence des types de climats annuels.
42 La Météorologie - n° 116 - février 2022 (a) s’étend jusqu’à Montélimar, où ce type annuel est aussi majoritaire. Les types « méditerranéens » sont cepen- dant présents en proportion significa- tive du Sud-Ouest (27 % à Toulouse) jusqu’en Alsace (7 % à Strasbourg, comme à Bordeaux) en passant par le Centre-Est (13 % à Lyon, 17 % à Dijon). Entre ces deux périodes, seulement six stations changent de type moyen : les types moyens D à Mouthe et Chamonix basculent en Cfb et, effec- tivement, la proportion des types de climats annuels correspondant passe des trois quarts à moins de la moitié. Les climats annuels de type D dispa- raissent d’ailleurs de toutes les autres stations, illustrant l’absence d’hivers rigoureux sur la dernière période de (b) Figure 4. Classification de Köppen en France pour la période 2021-2050, RCP4.5. (a) Types moyens sur l’ensemble de la période. (b) Fréquence des types de climats annuels.
La Météorologie - n° 116 - février 2022 43 (a) mesures. Deux autres changements correspondent à des effets de seuils : Ajaccio passe de Csb à Csa car, si la moyenne du mois le plus chaud l’été était déjà très proche de 22 °C avant 1957, elle devient systématiquement supérieure à ce seuil ensuite. Pour Rennes, qui passe de Cfb à Csb, c’est la faiblesse chronique des pluies d’été (qui évoluent peu entre les deux pé- riodes) qui fait passer dans le seuil de sécheresse du fait de températures de- venues un peu plus élevées. Les autres changements concernent Toulouse dont le type majoritaire devient Csa et qui passe donc en moyenne également dans cette catégorie. Enfin, Lyon et Montélimar basculent en type moyen Cfa, dans les deux cas avec une pro- portion de ce type largement mino- ritaire et une proportion croissante (b) Figure 5. Classification de Köppen en France pour la période 2041-2070, RCP4.5. (a) Types moyens sur l’ensemble de la période. (b) Fréquence des types de climats annuels.
44 La Météorologie - n° 116 - février 2022 (a) des types Csa qui représentent désor- mais nettement plus de la moitié des occurrences. Si la grande majorité des stations ne changent pas de type moyen, cela ne signifie pas que le climat n’a pas chan- gé, et c’est là aussi tout l’intérêt de l’étude des types de climats annuels : ainsi, l’augmentation de la fréquence des types Csa aux dépens des types Csb dans l’Ouest et le Nord témoigne bien d’un réchauffement généralisé du climat. Dans les stations médi- terranéennes dont le type moyen ne change pas non plus, la fréquence des types de climats annuels montre la disparition des types Csb au profit des types Csa ou BSk : de manière géné- rale, c’est bien à un réchauffement du climat auquel on a assisté en France (b) Figure 6. Classification de Köppen en France pour la période 2071-2100, RCP4.5. (a) Types moyens sur l’ensemble de la période. (b) Fréquence des types de climats annuels.
La Météorologie - n° 116 - février 2022 45 (a) depuis la fin des années 1950, ce qui se traduit par quelques (rares) bascu- lements de type de climat moyen, mais une modification bien plus significa- tive des fréquences des types de cli- mats annuels au profit des classes les plus « chaudes » (Csa et secondaire- ment Cfa) et au détriment des classes « froides » (D surtout). Vers une « méditerranéisation » du climat ? Les figures 4, 5 et 6 montrent comment se manifesterait le changement clima- tique au cours du XXIe siècle dans le (b) Figure 7. Classification de Köppen en France pour la période 2071-2100, RCP8.5. (a) Types moyens sur l’ensemble de la période. (b) Fréquence des types de climats annuels.
46 La Météorologie - n° 116 - février 2022 cadre du scénario RCP4.5. Le phé- dehors des régions de montagne dans du scénario RCP8.5 de la figure 7. nomène de réchauffement du climat l’horizon médian et ne restent signifi- Les types BSh représenteraient plus français se poursuit en faisant basculer catives que dans le Jura et les Alpes. du quart des années (un peu moins en progressivement un nombre croissant Dans ces dernières régions, même en Corse) sur le littoral méditerranéen de stations dans les types chauds (Csa fin de siècle, leur fréquence devient et plus de la moitié des observations ou Cfa) : elles étaient au nombre de 9 très secondaire : 23 % à Chamonix, à Marseille : cette ville serait même pour la période 1988-2017, elles passent 10 % à Mouthe ! la seule à basculer en type moyen à 12 pour la période 2021-2050 (toutes BSh ! Dans ce scénario pessimiste, la dans la moitié sud du pays), puis à 21 Deuxième tendance significative, le carte de France a viré à l’orange : 24 pour l’horizon médian (plutôt à l’est du développement d’années à été chaud stations ont basculé en type Csa et la pays de Bourges à Strasbourg) et à 24 et humide (type Cfa, un type de cli- fréquence des types de climats an- pour l’horizon lointain, incluant désor- mat observé aujourd’hui en Europe nuels correspondants prédomine très mais des stations occidentales (Nantes, de la plaine du Pô aux régions danu- largement sur plus des trois quarts du Le Mans et même Paris) éloignées des biennes). Très rare dans la période pays. Seuls échappent au type médi- côtes. Dans le Sud-Ouest, les types historique, ce type de climat annuel terranéen les régions du littoral de la moyens à été chaud passent souvent monte en puissance dans la France Manche (passées en Csb), le Jura, les vers le type Cfa avant de passer en de l’Est : 13 % à Strasbourg et 30 % Alpes (Abbeville, Mouthe (Jura) et type Csa (Bordeaux), mais ailleurs, à Lyon dans le futur proche, ce type Chamonix (Alpes) sont les trois seules le passage est plus rapide du type Cfb représente entre 10 et 25 % des années stations à rester en Cfb), tandis que vers le type Csa (Poitiers, Paris), alors de Lille au Puy et jusque dans le Sud- le quart nord-est se classe désormais que dans le Nord-Ouest, le type moyen Ouest (16 % à Tarbes) dans le futur entièrement en Cfa ; dans ces régions, Csb s’intercale entre les types Cfb médian et seules les régions méditerra- cependant, le type Csa est nettement et Csa (Nantes, Le Mans). En fin de néennes et du Nord-Ouest ne sont pas majoritaire (sauf à Luxeuil). Ces cartes siècle, 16 stations (40 %) ont basculé concernées. Certaines le sont margi- montrent une image du futur du climat en type méditerranéen dans le cadre de nalement dans le futur lointain (moins de la France à la fois très différente ce scénario contre 14 qui sont en type de 10 % de Caen à La Rochelle), mais de l’actuelle et moins diversifiée en Cfb et 8 en Cfa (tableau 3). c’est surtout à l’est que les proportions termes de fréquences de types de cli- deviennent significatives : 30 % à mats annuels. L’évolution de la fréquence des types Dijon ou Luxeuil. Plus qu’une humidi- de climats annuels fait ressortir encore fication du climat estival, il faut plutôt plus nettement l’extension des types voir ici le réchauffement de l’été qui Csa vers l’ouest et le nord du pays : ils fait basculer des années classées Cfb Discussion et conclusion représentent plus du quart des années en début de siècle dans le type Cfa en dans toutes les stations au sud d’une fin de siècle. ligne Rennes-Strasbourg (montagnes exclues) pour l’horizon proche ; en mi- La dernière évolution concerne les ré- Rappelons ici pour commencer que ces lieu de siècle (horizon médian), c’est gions méditerranéennes qui, si elles ne cartes ne sont que des futurs possibles plus de la moitié au sud d’une ligne changent toujours pas de type moyen, dans le cadre limité d’un article es- Nantes-Paris-Strasbourg ; en fin de voient une augmentation significa- sayant d’illustrer le changement clima- siècle, seules les régions proches de la tive des types de climats annuels se- tique. Seulement deux scénarios sont Manche et de montagne n’ont pas un mi-arides : jusqu’à l’horizon médian, présentés ici et seul un modèle (celui type majoritaire Csa. La fréquence ce sont surtout les types BSk qui aug- du CNRM) a été utilisé : or, on sait que des années à été chaud et sec devien- mentent, mais ceci est très variable la variabilité entre modèles peut être drait donc largement prédominante sur d’une station à l’autre. En fin de siècle, importante, surtout quant au volume et l’Hexagone ! c’est l’apparition du type semi-aride à la répartition saisonnière des précipi- chaud (BSh, soit avec une moyenne tations. Des tests de sensibilité de ces Trois autres évolutions sont à observer annuelle supérieure à 18 °C) qui est résultats avec d’autres modèles restent en parallèle à cette « méditerranéisa- remarquable : près de 10 % des années à faire. De plus, la classification de tion » du climat français. de Perpignan à Nice et jusqu’à 17 % à Köppen, de par sa nature universelle, Bastia. Le maintien des stations méri- est forcément plus facile à critiquer D’abord, la disparition progressive dionales en type Csa ne doit donc pas (ses seuils notamment) quand on l’ap- des années à hiver froid : encore cacher un réchauffement qui se mani- plique à un territoire réduit comme ce- bien présentes en futur proche (43 % feste par une plus forte aridité. lui de la France ; elle n’utilise en outre à Chamonix, 13 % au Puy, 7 % de que des données de températures et de Château-Chinon à Strasbourg), elles Cette aridification se matérialise en- précipitations mensuelles, occultant disparaissent de toutes les stations en core plus si on observe les résultats les autres éléments du climat (vent, Tableau 3. Nombre de stations par types moyens de climat de Köppen et par périodes. Type de Köppen Observations Observations RCP4.5 RCP4.5 RCP4.5 RCP8.5 1958-1987 1988-2017 2021-2050 2041-2070 2071-2100 2071-2100 D 2 0 0 0 0 0 Cfb 30 29 24 16 14 3 Csb 2 2 4 3 2 3 Cfa 0 2 4 10 8 9 Csa 6 7 8 11 16 24 BSh 0 0 0 0 0 1
La Météorologie - n° 116 - février 2022 47 nébulosité) et les événements infra- Ces précautions rappelées, la classifi- annuels nuance ce tableau, car une clas- mensuels (jours de gel, par exemple). cation de Köppen permet tout de même sification reposant sur des moyennes Pour ces raisons, si en 2100 Nice et d’illustrer très simplement et claire- trentenaires peut cacher des évolutions Paris se retrouvent dans le même type ment le changement climatique passé plus subtiles sans changement de type. moyen Csa (méditerranéen), le climat et à venir en France. Si on compare la Cette méthode illustre bien comment de Paris ne sera pas celui de Nice tel situation 1958-1987 avec le climat de l’augmentation progressive des types qu’il sera dans le futur ou tel qu’il est la fin du XXIe siècle dans le scénario annuels Csa fait basculer les stations actuellement : c’est une limite des mé- RCP8.5, seules six stations sur 40 ne du sud au nord dans ce climat de type thodes des analogues qui tient aussi au changeraient pas de type moyen de méditerranéen. L’uniformisation des fait que les contextes géographiques Köppen (essentiellement les stations fréquences de types de climats an- (latitude, situation topographique no- méditerranéennes plus Abbeville). Le nuels du sud-ouest au centre de la tamment) resteront différents entre ces changement serait moins spectacu- France semble indiquer une variabili- deux régions et que la combinaison laire avec le scénario RCP4.5 avec té plus faible des climats à la fin de ce des types de temps et de circulation se 16 stations restant dans le même type siècle par rapport au siècle précédent. matérialisera de manière différente… moyen entre ces deux périodes. Toutes La disparition progressive des climats même si, au bout du compte, les deux les analyses montrent une augmenta- annuels de type D ainsi que la montée villes seront dans la même classe de tion des types chauds (Csa, Cfa) au des types Cfa à l’est et BSh au sud-est Köppen ! Enfin, même si le choix des détriment des types frais (D et Cfb) est également très claire. Ces cartes 40 villes a essayé de respecter une illustrant clairement le réchauffement des climats de la France de la fin du certaine diversité des climats de la climatique et le caractère de plus en XXIe siècle et la fréquence des années France, cette étude ne permet pas de plus « méditerranéen » du climat de caractéristiques associées (notamment tenir compte ici de toutes les nuances la façade ouest de l’Europe, déjà bien pour le scénario RCP8.5) n’auraient qui peuvent s’exprimer en fonction documenté (Rubel et Kottek, 2010 ; plus grand-chose à voir avec la situa- du relief, de l’occupation des sols, Merot et al., 2012 ; IPCC, 2014). tion que nous avons connue jusqu’à etc. La fréquence des types de climats maintenant. Bibliographie Brisse H., Grandjouan R., De Ruffray P., 1982. Les types de climats annuels, un mode d’expression des gradients climatiques intégrant les variations interannuelles. La Météorologie, 31, 39-81. Drias, 2021. 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