Le collectif et le collaboratif dans les pratiques curatoriales

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Appel à communication :
Le collectif et le collaboratif dans les pratiques curatoriales (vendredi 22 mai
2020, Cité internationale des arts, Paris)

Organisation : Marianne Derrien (C-e-a, association française des commissaires
d'exposition en résidence à la Cité internationale des arts ), Nathalie Desmet
(Université Paris 8 Vincennes- Saint Denis, Laboratoire AIAC)

Argumentaire

Le collectif et le collaboratif dans les pratiques curatoriales

La figure du curateur-auteur a en partie occulté la nécessaire dimension
collective du commissariat d’exposition. Faire des expositions implique de fait
une collaboration à auteurs multiples, que celle-ci se fasse avec les artistes,
considérés alors comme des co-auteurs, avec d’autres curateurs ou encore
d’autres producteurs culturels. La synergie de ces entités à dimensions
variables peut déboucher sur de nouvelles façons de considérer les pratiques
curatoriales. Le site privilégié du curateur-auteur, l’exposition, laisse alors place
à un site plus discursif dans lequel les espaces de négociation et la parole
prennent une place décisive, ceci dans un processus délibératif sans cesse
renouvelé. Les formes proposées vont au-delà des pratiques para-curatoriales,
telles que la production de textes d’accompagnement, la programmation de
performances, de projections ou de conférences. Ce que l’on pourrait voir
comme une rupture avec la figure du curateur-auteur1 se traduit par
l’apparition de pratiques se construisant hors de l’exposition et parfois sans
elle. Ces formes collectives peuvent prendre des contours divers, tels que des
lectures partagées, des séminaires, des groupes de recherches informels, des
académies, des écoles temporaires, des résidences… Elles sont souvent
assimilées à un tournant post-curatorial2 et sont apparues face au constat d’un
malaise institutionnel. Paul O’Neill les a décrites comme révélatrices d’un
tournant éducatif3, témoignant de la volonté d’un retrait hors des formats
éprouvés et d’une nouvelle dimension éducative privilégiant la co-production à
la transmission d’une vérité ou d’un savoir.
Cependant ces pratiques font également l’objet de critiques. On leur reproche
notamment de s’éloigner des œuvres d’art. Leur logique d’action consiste en
effet généralement à produire du potentiel dans une logique processuelle,

1        Vasif Kortun, “Post-Curatorial: Testing Site”, Springerin, n°1, hiver 2017
2        Springerin, n°1, hiver 2017 (dossier Post-Curatorial Turn)
3        Paul O'Neill et Mick Wilson, Curating and the Educational turn, Londres, Open editions, 2010,
342 p.

1
plutôt que du matériel4. Il s’agit souvent de mettre en place des objets sociaux
davantage que des œuvres5 et de créer des situations de co-productions qui
peuvent constituer des formes de résistance face à un système à la verticalité
de plus en plus affirmée. Ces critiques sont interprétées comme étant le reflet
d’un refus de démocratie de la part des pratiques dominantes et
institutionnelles reposant sur les privilèges de ceux qui y ont accès. Les
pratiques collectives et collaboratives accompagnent une nécessité politique :
celle de créer du commun. Dans un constat de crise post-capitaliste, elles
s’opposent aux acceptions libérales de la culture en cherchant à produire
d’autres types de ressources pour la société, susceptibles de dépasser la valeur
de la marchandise.

Cet appel à contribution a pour objectif de solliciter des chercheurs concernés
par les pratiques partagées du curating qui conduisent à la production d’un
territoire de travail commun (collectives ou émanant d’initiatives individuelles).

Trois axes principaux de développement seront à envisager :

Axe 1 : Auctorialité et autorité partagée

Si le terme curateur est largement adopté aujourd’hui pour désigner un auteur
qui opère des processus de sélection en vue de produire du contenu et du
savoir situé, nous pouvons nous demander ce qu’il en est de l’autorité
partagée dans les pratiques collectives et collaboratives. Comment construit-
on de nouvelles connaissances à plusieurs, comment gère-t-on les avis
divergents ? Comment penser la place des voix qui peuvent révéler des
différences socio-culturelles ou socio-économiques importantes ?
L’une des conditions de la réussite de ce genre de projet dans la construction
de nouveaux savoirs semble être liée à une ouverture absolue à toutes les
subjectivités, au recueil de la parole du non puissant, celui qu’on n’écoute
généralement pas. Peut-on encore parler d’auctorialité ? Quels seraient les
marqueurs d’une autorité à l’origine de ces projets ? Faut-il les abandonner au
nom d’une autorité partagée ou d’une communauté ?

Axe 2 : La création du commun et ses méthodes

Comment s’organisent ces structures collectives et collaboratives ? Comment
travaillent-elles ? Motivées par la nécessité politique de créer en commun,

4          Irit Rogoff, “From criticism to critique to criticality”, 2003, European Institute for Progressive
cultural policies. [en ligne] http://eipcp. net/ transversal/0806/rogoff1/en
5          Paul O’Neill, “The Curatorial Constellation and the Paracuratorial Paradox”, The Exhibitionnist,
n°6, 2013, p. 55-60.

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elles construisent de nouvelles méthodes, de nouveaux outils de travail et de
nouvelles procédures. Quels sont-ils ?
Le collaboratif apparaît également comme étant le nouveau mot d’ordre
d’organisations plus instituées, mais à quelles conditions travailler en commun
signifie-t-il produire de l’action commune ? Créer du commun implique un
décloisonnement, une nécessaire sortie hors du milieu de l’art. Quelle zone
partagée est-il alors possible de construire ?
Vanessa Joan Müller note que la collaboration étroite qui est parfois faite avec
des communautés locales fait surtout apparaître la disparition des forums qui
existaient autrefois6. Ces pratiques donnent en effet une place importante au
discursif et à la parole et permet d’associer des contributeurs nouveaux dont
l’activité principale n’est pas forcément liée au monde de l’art. Leurs formes,
en donnant une place plus importante au collectif, permet de s’inscrire dans un
projet démocratique. On peut également s’interroger sur les similitudes que
ces formats ont avec les méthodes et les objectifs de l’éducation populaire.

Axe 3 : Critique institutionnelle, contre-pouvoir ou absorptions de la critique

Ces pratiques curatoriales sont souvent considérées comme des moyens de
contrer l’instrumentalisation des politiques culturelles. Elles constituent
également parfois, dans des endroits où les institutions ou les universités sont
inexistantes ou assujetties à des systèmes politiques conservateurs, les seuls
espaces de discussions et de transmissions ouverts.
La question de savoir si ce type de pratique est le seul moyen de maintenir un
discours curatorial indépendant, hors de l’institution, ou si son existence dans
l’institution permet d’exercer un contre-pouvoir, est à discuter.
Certaines pratiques d’actions collectives et collaboratives s’insèrent en effet
dans des manifestations plus établies ou plus institutionnelles, comme la
Documenta ou certaines éditions de la Biennale de Venise ont pu le montrer.
Elles sont parfois considérées comme étant le résultat d’une absorption de la
critique institutionnelle, la critique de l’institution si bien intégrée par elle-
même que son ouverture devait nécessairement donner lieu à des espaces de
débats et de discussions plus adaptés que l’exposition. Cette critique peut
même devenir pour certains l’espace commun à construire dans l’institution.
L’exemple de Charles Esche avec la programmation du Rooseum montre cette
volonté de collusion de la critique et de l’institution en cherchant à faire de son
espace un lieu de « déviation démocratique ». Il encourage cette dernière à
développer ses « acteurs sociaux » et à inventer de nouvelles formes
d’échanges avec la communauté, ceci en promouvant l’hospitalité, en
s’inscrivant dans un contexte local plutôt qu’international et en cultivant une

6       Vanessa Joan Müller, « Relays », The Exhibitionist n°4, 2011, p. 66-70

3
liberté qui encourage la « diversité d'opinions, l'incohérence, l'incertitude et
des résultats imprévisibles7 ».
Ces initiatives, décrites sous le terme de nouvel institutionnalisme, sont
cependant rares, elles doivent être mises en regard d’une possible
instrumentalisation. Comme Claire Bishop le mentionnait déjà en 2007, l’effet
social peut même devenir un critère de performance permettant à certains
politiques de juger de la qualité des projets8 et par conséquent de ventiler les
subventions en fonction de l’utilité politique de ceux-ci.

À quelles conditions ces pratiques peuvent-elles encore constituer un contre-
pouvoir ? Dans un contexte d’utilité sociale, la dimension artistique peut-elle
être maintenue ?

Les thématiques suivantes pourront entrer dans la problématique :

Les collectifs de curateurs et d’artistes-curateurs
Place de l’action collective dans le travail des curateurs.trices
Coopération et collaboratif dans le curating
Outils, dispositifs et méthodes
Le droit et l’œuvre collective
L’exposition ou la production curatoriale pensée comme un commun
Dimension politique du curating collectif
Histoire des pratiques collectives du commissariat d’exposition
Communautés de pratique des curateurs.trices (mise en réseau et en commun
des expériences)

Organisation de l’évènement :
Marianne Derrien (C-e-a, association française des commissaires d'exposition
    en résidence à la Cité internationale des arts )
Nathalie Desmet (Laboratoire des Arts des images et arts contemporains
    (AIAC), équipe d’accueil Esthétique, Pratique et Histoire des arts (EPHA),
    université Paris 8 Vincennes - Saint Denis)

7         Charles Esche, “Possibilité, art et déviation démocratique. Le Rooseum comme Kunsthalle
régionale dans une petite ville suédoise » (Traduit par Yasemin Vaudable), “What’s the Point of Art
Centres Anyway? Possibility, Art, and Democratic Deviance,” republicart, Avril 2004, [en ligne]
http://www.republicart.net/disc/ institution/esche01_en.htm
8         Claire Bishop, “The Social Turn: Collaboration and Its Discontents”, dans Margriet Schavemaker
et Mischa Rakier, Right About Now: Art and Theory Since the 1990s, Amsterdam, Valiz, 2007, p. 58-68.

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L’appel à communication a un double objectif :

    -   contribuer à une journée de recherche avec interventions de
        chercheurs issus de champs divers et de collectifs de curateurs, en
        partenariat avec l’association française des commissaires d’exposition
        (C-e-a) dans le cadre de la préfiguration d’un réseau européen de
        commissaires d’exposition.
    -   contribuer à une publication sur le site internet de C-e-a

         La journée est prévue le vendredi 22 mai, dans l’auditorium de la Cité
         internationale des arts (Pont Marie), résidence d'artistes qui
         rassemble, au cœur de Paris, des artistes et qui leur permet de mettre
         en œuvre un projet de création ou de recherche dans toutes les
         disciplines.

Modalités de contribution
Les propositions de communication et de publication devront comporter un
résumé de l’intervention (2000-3000 caractères) suivi d’une courte
présentation de l’auteur.e. Les interventions seront de 20 minutes.
Elles devront être adressées avant le 5 avril 2020 aux adresses suivantes :
nathalie.gm.desmet@gmail.com et paris8iscuratorial@gmail.com
Elles seront étudiées par le comité de sélection des propositions qui donnera
son avis le 10 avril 2020.
Les frais de transport des intervenants seront pris en charge par l’université
Paris 8, la rémunération des contributions sélectionnées sera prise en charge
par C-e-a.

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Comité de sélection des propositions :
    • Damien Airault, commissaire d’exposition, doctorant en arts plastiques,
      à l’université Paris 8 – Vincennes-Saint-Denis
    • Fabienne Bideaud, commissaire d’exposition, chargée de cours invitée à
      l’université Paris 8 – Vincennes-Saint-Denis dans le cadre d’un
      partenariat avec C-e-a
    • Théo-Mario Coppola, curateur et écrivain d’arts, vice-président de C-e-a
    • Jérôme Cotinet-Alphaize, commissaire d’exposition, président de C-e-a
    • Fabien Danesi, maître de conférences en arts plastiques à l’université
      Picardie Jules Verne à Amiens et curateur associé au Palais de Tokyo
    • Marianne Derrien, commissaire d’exposition, vice-présidente de C-e-a,
      chargée de cours à l'École des arts de la Sorbonne – Université Paris 1
      Panthéon-Sorbonne
    • Nathalie Desmet, maîtresse de conférences en théorie et pratique de
      l’art contemporain, université Paris 8 – Vincennes-Saint-Denis
    • Sasha Pevak, curateur, doctorant en arts plastiques, université Paris 8
      Vincennes-Saint-Denis.
    • Caroline Sebilleau, docteure en Arts et sciences de l’Art, École des Arts
      de la Sorbonne - Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
    • Marion Zilio, critique d’art et commissaire d’exposition, docteure en
      esthétique, Université Paris 8 – Vincennes-Saint-Denis

                             en résidence à la Cité internationale des arts

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