" Le corps en représentation. Du corps premier au corps contemporain ". Laura Foulquier

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« Le corps en représentation. Du corps premier au corps contemporain ».
                             Laura Foulquier
Ce que l’on va montrer c’est, comment, en partant d’une anthropologie des corps, on en
arrive, par le jeu sur les représentations, à l’art contemporain.

Le corps est une glaise qu’on va modeler en vue de définir une identité. L’anthropologie a
bien montré que ce corps est l’expression d’une appartenance, d’un statut. D’où un système
de « marquage » qui consiste à distinguer, à mettre en valeur certains corps plus que d’autres.
D’où une exhibition savamment orchestrée et une mise en scène.

A cet égard, l’exemple le plus frappant est sans doute le tatouage, qu’on peut définir comme
une technique d’ornementation corporelle revêtant des significations multiples. Le tatouage a
une valeur symbolique, à la fois magique et rituelle. C’est une marque identitaire. Il s’agit
d’arborer et d’exhiber ces marques. Le propre du tatouage est de marquer le sujet. C’est une
sorte de sceau qui identifie et authentifie le sujet. Il y a une volonté d’arborer cette identité.
Ces marques sont autant de signes distinctifs permettant l’association sans équivoque à un
groupe, à une histoire, à une mémoire. Ces marques manifestent de façon péremptoire, et
difficilement contestable, une appartenance. Et cette appartenance fonde une identité. A
travers cette « exhibition », il y a la volonté de médiatiser une identité.
         http://www.austmus.gov.au/bodyart/

On peut évoquer aussi ce qu’on appelle communément les mutilations rituelles, qui consistent
à déformer une ou plusieurs parties du corps.
Là encore, c’est une pratique ostensible, ostentatoire.
Du point de vue des représentation, on peut s’interroger sur la notion d’embellissement.
On peut évoquer l’exemple de la Chine et la déformation des pieds des fillettes. Le but était
de réduire ces pieds par un système de bandages. C’est un processus extrêmement douloureux
bien évidemment, extrêmement contraignant… et à nos yeux, cela n’est pas forcément de
prime abord synonyme de beau. Et pourtant, en Chine, cette déformation était jugée belle. Et
elle était extrêmement prisée.

Tout ce vivier d’expressions a fortement influencé les tenants de l’Art Corporel, du Body
Art…, qu’on pourrait définir comme cette volonté de jouer et de se jouer du langage du corps
pour mieux interroger les codes en tous genres. Généralement les œuvres sont des remises en
cause de ce corps et des représentations de ce corps. Remises en cause plus ou moins
violentes.

Au début des années 1960, le corps devient lieu d’expression. On peut évoquer par exemple
Yves KLEIN et ses « anthropométries ». Yves KLEIN est l’un des protagonistes de ce que
l’on appelle, en France, le Nouveau Réalisme, un mouvement défini comme amenant de
« nvlles approches perceptives du réel ». En fait c’est un peu la fusion du Pop Art et de l’art
européen contemporain. Il y a cette volonté de s’ancrer dans le réel et de l’utiliser.
Ici les femmes sont enduites de couleurs et s’imprègnent sur la toile. Le corps devient outil.
         http://www.yveskleinarchives.org/

Evoquons également Carolee SCHNEEMAN, artiste américaine, qui réalise en 1976, à
Berlin, une performance intitulée « Up To And Including Her Limits ». Elle est attachée, nue,

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à un harnais, et se contorsionne sur une immense feuille. Le corps devient médiateur. Il trace,
maille et arpente le papier.
       http://www.caroleeschneemann.com/

Cette façon de faire de son corps un outil, cette façon de faire du mouvement un outil, cela
évoque, au-delà, la leçon de l’Expressionnisme abstrait qui apparaît aux USA après la
deuxième guerre mondiale. Et cela évoque notamment Jackson POLLOCK et ses
« drippings ». C’est un véritable corps à corps avec la matière : Jackson POLLOCK déambule
sur des toiles immenses, posées à même le sol, et laisse couler la peinture d’un pot percé ou la
projette parfois à l’aide du pinceau. C’est l’ « Action Painting » : le corps se meut et chaque
mouvement maille, cerne, zèbre la toile. On a souvent comparé ce corps à corps à des
corridas, avec cette idée de l’artiste seul dans la toile, comme l’est le torero dans l’arène.
Jackson POLLOCK se donne corps et âme et chaque trace retranscrit chaque mouvement, qui
retranscrit lui-même l’état d’esprit de l’artiste. Cet apparent hasard, cet apparent chaos sont
pleinement maîtrisés.

On a souvent insisté sur le fait que l’Expressionnisme abstrait, c’était la liberté. La liberté des
formats, l’émancipation vis-à-vis du figuratif et d’une façon générale de tous les codes de la
vieille Europe. Mais c’est aussi une formidable liberté des corps qui participent, autant que
l’esprit, à la réalisation de l’œuvre.

On peut également évoquer, au Japon, le Gutaï. Ce sont des artistes rassemblées par la volonté
de faire de leur corps le matériau essentiel de leur art.
        Jiro YOSHIHARA, « Manifeste de l’Art Gutaï » (1956) :
        « Désormais, l’art du passé apparaît à nos yeux, sous couvert d’apparences soi-disant
        signifiantes, comme une supercherie.
        Finissons en avec le tas de simulacres qui encombrent les autels, palais, salons et
        magasins de brocanteurs.
        Ce sont tous des fantômes trompeurs qui ont pris les apparences d’une autre matière :
        magie des matériaux - pigments, toile, métaux, terre ou marbre - et rôle insensé que
        l’homme leur inflige. Ainsi occultée par les productions spirituelles, la matière
        complètement massacrée n’a pas droit à la parole.
        Jetons tous ces cadavres au cimetière !
        L'art Gutaï ne transforme pas, ne détourne pas la matière; il lui donne vie. Il participe
        à la réconciliation de l’esprit humain et de la matière, qui ne lui est ni assimilée ni
        soumise et qui, une fois révélée en tant que telle se mettra à parler et même à crier .
        L’esprit la vivifie pleinement et, réciproquement, l’introduction de la matière dans le
        domaine spirituel contribue à l’élévation de celui-ci ».

Dans les années 1970, le Body Art en vient à s’imposer pour décrire ce processus. Le corps,
et toutes les matières qui en découlent, deviennent outils. L’expression privilégiée est la
performance. La performance est un terme vague puisqu’il englobe une kyrielle de
préoccupations artistiques. L’une des caractéristiques, c’est la provocation ; provocation à
l’égard des spectateurs (qui sont mis à contribution, bon an, mal an), mais aussi à l’égard des
disciplines traditionnelles. Le but, c’est l’action. C’est une mise en scène. Une mise en acte.

L’un des mouvements les plus emblématiques, c’est l’Actionnisme viennois, qui met en
scène, dans des performances particulièrement percutantes, une débauche de matières
corporelles, de fluides et de chairs vivantes ou mortes… C’est un mouvement

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particulièrement cru, qui met à mal les tabous en tous genres via ces rituels artistiques que
deviennent les performances.
        Hermann NITSCH :
        « Mon but est de créer de l’intensité. Je veux faire de l’art intense, de l’art qui secoue
        les esprits et qui les réveille ».
        http://www.nitsch.org/

Il faut s’attarder à ce stade de notre présentation sur une artiste française, ORLAN.
         http://www.orlan.net/
Dans les années 1960, elle est le modèle d’une série d’une série de photographies où elle se
met en scène, nue, dans différentes postures. Sur certaines de ces photographies, elle est
masquée. Dès le départ, il y a cette volonté de brouiller les repères, de malmener l’identité et
de se jouer des représentations.
Les années 1990 sont une décennie pivot. Le travestissement va plus loin encore. ORLAN va
transgresser les limites de son propre corps en le modifiant par une série d’opérations
chirurgicales : c’est « La Réincarnation de sainte Orlan ». Ces opérations sont
photographiées. En fait, tout est pensé, réfléchi, orchestré. Le maître d’œuvre n’est pas le
chirurgien, mais l’artiste elle-même, qui reste consciente, et qui lit des textes, auréolée de ses
œuvres. Bref la salle d’opération est avant tout atelier. ORLAN définit ces opérations comme
des « rites de passage » : on retrouve donc cette dimension symbolique, rituelle, religieuse de
la métamorphose.
ORLAN se fait poser un certain nombre d’implants. Il y a cette volonté, a priori paradoxale,
de brouiller les repères de l’esthétique, remettre en cause les normes de la beauté que cette
chirurgie dite « esthétique » est censée d’habitude entretenir.
Tout est conservé. Tout est prétexte à l’œuvre. Les résidus des opérations sont soigneusement
isolés, valorisés… jusqu’à devenir à leur tour œuvres d’art. C’est la série « Les petits
reliquaires » : de petites boîtes contenant du sang ou d’autres matières organiques sont
apposées à des toiles noires. Ces résidus, ces « reliques » font partie intégrante de « La
Réincarnation de sainte Orlan » et en les sélectionnant ainsi, en choisissant de les dénommer
« reliques » (ce qui n’est pas anodin), elle fait de ces résidus des restes propices à la
vénération et orchestre ainsi son propre culte.

Evoquons également les « Self-hybridations ». Elle s’attaque ici aux normes de la beauté
telles qu’elles sont imposées par les différentes cultures et fusionne art charnel et art
numérique.
        « L’Art charnel est un travail d’autoportrait au sens classique, mais avec des moyens
        technologiques qui sont ceux de son temps. Il oscille entre défiguration et
        refiguration ».
Le corps devient alors un « ready made modifié ». Ce terme choisi à dessein renvoie bien sûr
à Marcel DUCHAMP. Le ready made est un objet manufacturé que l’artiste détourne et de ce
détournement radical, évident, quasi « magique », surgit… l’œuvre d’art. Le corps d’ORLAN,
comme ready made ? Oui dans le sens où c’est un corps fini qui va être reconfiguré et cette
épopée corporelle, qu’ORLAN compose, performances après performances, est un éternel
recommencement.

De telles performances peuvent déranger, choquer… Et effectivement, les opérations filmées
peuvent indisposer de prime abord. Mais il n’y a aucune douleur et cette absence de douleur,
ORLAN la revendique :
   « Contrairement au Body Art dont il se distingue, l’Art charnel ne désire pas la douleur,
   ne la recherche pas comme source de purification, ne la conçoit pas comme Rédemption.

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L’Art charnel ne s’intéresse pas au résultat plastique final, mais à l’opération
   chirurgicale-performance et au corps modifié, devenu lieu de débat public ».

A travers ORLAN, on a envisagé des métamorphoses visant à sublimer le corps… mais il y a
aussi des métamorphoses qui visent à l’enlaidir, du moins le dévaster, le soumettre à de
multiples blessures (de multiples tortures ?) pour aboutir à une sorte de déliquescence plus ou
moins brutale. Songeons notamment à David NEBREDA.

Le corps fascine. Plus exactement ce qui fascine, c’est le corps comme corps vivant et soumis
à une évolution qui va en toute logique de la vie… à la mort. Parce que c’est aussi bien la
mort que la vie qui fascine. Et le succès de l’exposition organisée à La Sucrière, « Our
Body », le montre bien. Les objectifs « pédagogiques » n’ont visiblement pas convaincu La
Villette où l’exposition devait avoir lieu initialement. L’objet de cette exposition, c’est quoi ?
C’est la présentation, la mise en scène de véritables corps humains, écorchés pour que l’on
puisse observer os, muscles et organes. Les corps ont été « plastinés » selon une technique
mise au point en 1977 par un Allemand, GUNTHER VON HAGENS, grand amateur de ce
genre de mises en scène. Evidemment ce genre de mises en scène dérangent car elles
malmènent violemment l’éthique.
        http://www.bodiestheexhibition.com/
        http://www.ourbodyacorpsouvert.com/

Beaucoup se délectent. Beaucoup s’insurgent également contre cette déchéance. Citons ainsi
l’intervention de Jean CLAIR lors de la XXVIIIe Journée de Psychiatrie de Fontevraud, en
juin 2003 :
    « L’art s'est longtemps donné pour fin de réjouir les sens. Pourtant, il semble que ce soit
    d’un tout autre registre que joue l’œuvre contemporaine. Comme l'indique le titre d’une
    exposition récente, « L’art de la répulsion », le temps du dégoût a remplacé l’ère du goût.
    Exhibition du corps, désacralisation, vilification de ses fonctions et de ses apparences,
    mutilations et automutilations, fascination pour le sang et les humeurs corporelles […] :
    de Beuys à Louise Bourgeois, de Jeff Koons à Orlan, l’art actuel est engagé dans une
    cérémonie où le sordide et l’abjection écrivent un chapitre inattendu de l’histoire du
    goût ».

Cette fascination pour le corps malmené est ancienne :
        REMBRANDT, « La leçon d’anatomie du professeur Tulp », 1632, Mauritshuis,
        La Haye.
        Voici une leçon d’anatomie sur le cadavre d’un voleur. Le professeur Tulp était l’un
        des grands chirurgiens d’Amsterdam et l’œuvre, qui est une œuvre de commande, était
        destinée à l’une des salles de la confrérie des médecins. Le personnage qui attire
        l’attention n’est pas forcément le professeur que tous écoutent d’un air attentif,
        déférent, mais bel et bien le cadavre, baigné de lumière, sublimé par la lumière.
        http://www.mauritshuis.nl/

       JUSEPE DE RIBEIRA, « Le supplice de Marsyas », 1637, Musées Royaux des
       Beaux-Arts, Bruxelles.
       Jusepe DE RIBEIRA est un peintre espagnol qui a passé la majeure partie de sa vie en
       Italie, et plus précisément à Naples. Il est profondément marqué par le Caravagisme. Il
       peint ici le supplice de Marsyas. C’est une figure malheureuse de la mythologie
       grecque : muni de la flûte d’Athéna, il osa défié Apollon. Victorieux et impavide,
       Apollon écorche ici Marsyas en guise de représailles.

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http://www.fine-arts-museum.be/site/fr/default.asp

Dans l’Art contemporain, il y a tout de même une différence de taille. Ce qui choque, c’est à
la fois l’action « contre nature » de l’artiste, mais aussi la participation bon an mal an du
spectateur. Et cette participation est aussi « contre nature », parce qu’elle s’apparente à une
curiosité malsaine, morbide, à une forme de voyeurisme.
Il y a une forme de désacralisation parce que ces représentations semblent gratuites.

Toujours du point de vue des pratiques corporelles subversives, on peut enfin évoquer la
mécanique du corps, qui a longtemps été un tabou, et qui depuis quelques décennies, est
complaisamment investie.

       Louise BOURGEOIS, « Precious Liquids », 1992, Centre Pompidou, Musée national
       d’art moderne, Paris.
       Louise Bourgeois est née en France en 1911 et vit à New York depuis 1938.
       Son œuvre est basée sur la mémoire, l’émotion, la réactivation des souvenirs
       d’enfance.
       Dans les années 1990, elle se consacre à la mise en scène d’espaces intimes dans
       lesquels elle rassemble des objets qui lui sont chers. La mise en scène convoque des
       souvenirs qu’elle invite à partager.
       « Liquides précieux » est une imposante installation cylindrique, destiné à recueillir
       les « liquides précieux », liquides divers que produit le corps humain lorsqu’il est
       soumis                      à                    diverses                  émotions.
        http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-bourgeois/ENS-
       bourgeois.html

       WIM DELVOYE, « Cloaca Maxima ».
       Historiquement, le terme désigne les grands égouts de l’Antiquité romaine. « Cloaca
       Maxima » est une machine qui reproduit le système digestif, cette sorte de vaste
       « égout » organique.
       http://www.wimdelvoye.be/
       http://www.cloaca.be/

       Evoquons également Piero MANZONI, qui réalise en 1961 la « Merda d’Artista »,
       série de boîtes de conserves, numérotées et étiquetées, renfermant ses excréments.
       http://www.pieromanzoni.org/index_it.htm

       Evoquons encore Andy WARHOL et ses « Oxydations », toiles recouvertes de
       pigments de cuivre qui s’oxydent sous l’effet de l’urine.
       http://www.warhol.org/

       Michel JOURNIAC « Messe pour un corps », 1969.
       Après des études de philosophie et de théologie, Michel JOURNIAC s’oriente vers
       l’art et élabore une réflexion sur le corps.
       « Messe pour un corps » est le simulacre d’une messe et plus précisément de
       l’Eucharistie, cette remémoration solennelle et sacrée du sacrifice du Christ à travers
       l’ingestion du vin et du pain, substances symboliques se référant bien sûr au sang et au
       corps du Christ. Sauf que là, le vin n’est pas du vin… et le pain n’est pas du pain…

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mais bel et bien du sang… et en l’occurrence du sang de l’artiste. A travers ce ready
       made subversif des rituels catholiques, Michel JOURNIAC inaugurait l’Art corporel.
       http://www.journiac.com/

       Enfin GILBERT & GEORGES.
       « Nous sommes faits de merde : tout pourrit en nous, et un beau jour, c’est fini ! La
       merde donne une dimension cosmologique à nos œuvres ».
       http://www.tate.org.uk/modern/exhibitions/gilbertandgeorge/

Qu’est-ce qui choque ici, finalement ? L’humain, le trop humain, ravalé au rang du misérable,
du miséreux, du vil et de l’abject ? La finitude que toutes ces mises en scène laissent
présager ? La vulnérabilité, l’aspect éphémère et précaire ? L’idée, finalement, que l’homme
est un être de peu ? Sans doute, tout cela.
Ce qui choque également, c’est la transgression des interdit. On flirte avec la bestialité.
L’interdit, c’est ce qui établit le refus de satisfaire une pulsion. Or ici, toutes les pulsions ont
droit de cité.
On n’est plus du tout dans la tradition des chantres du corps parfait. Il faut pourtant bien avoir
en tête cette tradition anthropocentrique de l’histoire de l’art et de l’esthétique qui fait de
l’homme le synonyme de perfection, et plus encore de mesures, de proportions parfaites.

   MICHEL ANGE, « La Création d’Adam », 1510-1511, Chapelle Sixtine, Rome.
   http://mv.vatican.va/5_FR/pages/MV_Home.html

   On peut aussi évoquer le « Modulor », système de mesure basée sur les proportions du
   corps humain mis au point par LE CORBUSIER. Ce système permet de gérer idéalement
   l’espace pour en faire précisément un espacé à la mesure de l’homme.
   http://www.fondationlecorbusier.asso.fr/

Les artistes qui ont été tentés de mettre à mal cette « perfection », cette harmonie, ont souvent
attirés les foudres de la critique. Et ont souvent suscité l’incompréhension, le rejet, le dégoût.
En fait, ce qui choque, c’est la façon capricieuse et mouvante de jouer et de se jouer de
l’éthique. Jusqu’où peut-on aller dans ces représentations ?
Le corps, motif fondamental de l’Anthropologie, mais aussi de l’Histoire de l’Art, est ici
progressivement anéanti. Ou plutôt déconstruit. Il y a une inversion totale des valeurs et des
représentations. Pourtant, ce détournement, ce renversement brutal n’est jamais gratuit, aussi
choquantes que puissent paraître ces œuvres. On a parlé ici de déconstruction. Certes. Mais il
s’agit ici bel et bien de reconstruire. Ce relatif anéantissement du corps n’est pas destruction.
Il faut l’envisager au contraire à travers un prisme positif et incroyablement fécond, celui de
la construction/ déconstruction/ reconstruction. Un triptyque subversif sans doute,
déstabilisant souvent, fertile toujours.

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