Le licenciement collectif pour motif économique
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Le licenciement collectif pour motif économique Le contrôle judiciaire 2009 - 2010 Marie GOURC ; Thibault JONQUET ; Vesselina KIRILOVA ; Elodie REYNES ; Julie TAUPIAC Introduction : C’est une question clef du droit du travail. Les restructurations, délocalisations, réorganisations, compressions d’effectif que connaissent les entreprises, posent directement la question de l’emploi. Le contrôle de l’emploi était un concept iconoclaste jusqu’en 1945. La France a été obligée de s’engager dans ce fameux contrôle de l’emploi. La raison principale était l’urgente nécessité de reconstruire un pays complètement dévasté, il fallait donc fixer l’emploi. En réalité, il a fallu contrôler les mouvements de main-d’œuvre pour satisfaire les besoins les plus vitaux de manière prioritaire. Ce contrôle de l’emploi a été confié à l’Inspection du Travail, qui a eu pour mission de contrôler les licenciements. Très vite, l’Inspection du Travail a recentré son travail sur les importants licenciements pour motif économique. Ce contrôle a été révisé en 1975, lors du premier grand choc pétrolier. Cette loi de 1975 avait mieux ciblé le contrôle administratif, mais il fallait toujours une autorisation administrative préalable de licenciement chaque fois qu’un licenciement économique était envisagé. Ce contrôle était jugé comme trop lourd et trop pesant par les entreprises et il était présenté par le CFDF (ancien MEDEF) comme un obstacle. L’argument a été entendu et depuis 1986, cette autorisation a été supprimée, sauf pour les salariés investis d’un mandat électif ou désignatif dans l’entreprise ou d’un mandat à caractère
Le licenciement collectif pour motif économique professionnel extérieur à l’entreprise (conseil des prud’hommes) et pour les médecins du travail. Les crises économiques exacerbent les esprits sur les licenciements économiques. Comment faire face à ces problèmes ? Les lois se sont succédées depuis 1986 et tous les textes ont essayé de prévenir les licenciements pour motif économique. Les derniers visent également à réduire les contentieux. UNE EVOLUTION EN DENTS DE SCIE Elle est le fruit d’interventions répétées et parfois contradictoires du législateur et des partenaires sociaux, heureusement contrebalancés par une jurisprudence créatrice relativement stable de la Cour de cassation. A. Une succession de lois Le licenciement pour motif économique occupe à l’heure actuelle l’avant-scène de l’actualité des relations de travail. Tel n’a pas été toujours le cas. Au plan communautaire, le rapprochement des législations nationales relatives aux licenciements collectifs a fait l’objet d’une directive le 17 février 1975, modifiée le 24 juin 1992 et remplacée par la directive n°98/59 CE du 20 juillet 1998. Elle fixe des règles d’encadrement de la procédure et d’accompagnement social du licenciement. Au plan du droit interne, ce n’est, en effet, qu’en 1945 que la cause économique a fait son apparition dans le cadre d’une politique de contrôle global de l’emploi. Embauche et licenciement sont alors soumis à l’ordonnance du 24 mai 1945 à un contrôle administratif. En réalité, le CE réduit le domaine de ce texte aux seuls licenciements pour motif économique et en limite considérablement la portée. Il faut attendre l’accord national interprofessionnel sur la sécurité de l’emploi de 1969 et son avenant du 21 octobre 1974 pour que soient encadrés les licenciements collectifs pour motif économique ; ils sont subordonnés à une procédure de consultation du comité d’entreprise. Mais c’est surtout la loi du 3 janvier 1975 « relative aux licenciements pour cause économique » qui opère un virage radical en la matière : au plan procédural, elle organise une consultation des représentants du personnel sur le projet de licenciement ; au plan du fond, elle adopte une définition du licenciement économique et subordonne ce dernier à l’autorisation préalable de l’administration. Parallèlement, l’indemnisation du chômage des salariés licenciés pour motif économique fait l’objet d’un traitement original. Le régime des licenciements économiques est dès lors très spécifique : il donne lieu à un contentieux judiciaire et ouvre droit à une indemnisation particulière. La qualification de motif économique est dès lors déterminante et suscite beaucoup de difficultés. M. Gourc; T.Jonquet; V.Kirilova; E.Reynes; J.Taupiac Page 2
Le licenciement collectif pour motif économique Très controversée par les milieux patronaux, l’autorisation administrative de licenciement est supprimée à l’occasion d’une alternance politique par la loi du 3 juillet 1986 et ne sera jamais rétablie. L’accord national interprofessionnel du 20 octobre 1986 et la loi du 30 décembre substituent à l’autorisation administrative préalable de licenciement un contrôle judiciaire a posteriori. L’administration doit être informée du déroulement de la procédure, mais son pouvoir de contrôle est incontestablement réduit. Le régime spécifique de l’indemnisation disparaît lui aussi. Dans l’esprit du législateur, le recul de l’administration devrait être compensé par un renforcement de la procédure de consultation des représentants du personnel et par un développement des mesures d’accompagnement. L’ANI du 20 octobre 1986 et la loi du 30 décembre de la même année complexifient la procédure de consultation. Ils prévoient également la présentation par l’employeur d’un plan social et l’obligation de proposer au salarié une convention de conversion de nature à faciliter le reclassement des salariés. L’aspect prévention du licenciement caractérise pour sa part la loi du 2 août 1989 qui introduit le concept de gestion prévisionnelle de l’emploi, met l’accent sur le droit à la conversion et tente d’améliorer le plan social. L’importance du plan est accentuée par la loi du 27 janvier 1993 qui le complète d’un plan de reclassement des salariés. Dans un contexte de mondialisation et de restructurations internationales est adoptée la loi dite de modernisation sociale du 17 janvier 2002 comportant un volet relatif aux licenciements économiques. Ce texte tente de proposer une nouvelle définition du licenciement pour motif économique qui confère au comité d’entreprise des pouvoirs plus vastes et, en amont de la décision de licenciement, transforme le plan social en plan de sauvegarde de l’entreprise. Mais le système mis en œuvre est d’une grande lourdeur et d’une réelle complexité. Cette loi a à peine eu le temps d’être adoptée qu’elle a fait l’objet, à la faveur d’une nouvelle alternance politique, d’une suspension législative de certaines de ses dispositions pendant une durée de 18 mois. La loi Fillon du 3 janvier 2003 invite les partenaires sociaux à conclure un accord interprofessionnel, dans ce délai, sur ces différents points. Cette loi « portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques » officialise également la pratique des « accords de méthode » permettant aux négociateurs dans un but de simplification, de déroger à la procédure légale. La loi du 18 janvier 2005 abroge définitivement les articles de la loi de modernisation sociale objets de la suspension, crée une convention de reclassement personnalisé, promeut la négociation collective sur la gestion prévisionnelle de l’emploi et instaure de nouveaux délais de prescription en matière de licenciements collectifs. L’évolution n’est pas achevée. Au plan communautaire, la Commission européenne attentive à la démarche de « flexisécurité » adoptée par certains pays d’Europe du Nord a préconisé une évolution du droit du licenciement. L’ANI du 11 janvier 2008 et la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail ne M. Gourc; T.Jonquet; V.Kirilova; E.Reynes; J.Taupiac Page 3
Le licenciement collectif pour motif économique s’en sont inspirées qu’avec prudence. Ils comportent peu de dispositions relatives au licenciement pour motif économique. B. Une jurisprudence constante Malgré ou à cause de cette succession de textes d’inspirations différents, les magistrats de la Cour de cassation ont fixé en la matière un certain nombre de principes- clés. Le législateur s’en est abondamment inspiré. Il en est ainsi de la définition même du motif économique, de l’obligation de reclassement, reprise et développée par la loi, du déroulement de la procédure de consultation du comité d’entreprise, de la sanction attachée à l’inexistence ou de l’insuffisance du plan social. Des caractéristiques ressortent de cette jurisprudence créatrice : • une approche du motif économique assez stable • une procéduralisation très forte doublée d’une volonté d’anticipation • un rôle plus effacé de l’administration • une importance majeure des mesures d’accompagnement social. Sommaire : SECTION 1 : LA DEFINITION §1 : Le motif du licenciement ...................................................................................................................... 5 §2 : Les éléments constitutifs de la cause économique ................................................................. 12 SECTION 2: LES GARANTIES PROCEDURALES §1 : Un préalable : l’ordre des licenciements ..................................................................................... 20 §2 : L’intervention des représentants du personnel....................................................................... 21 §3 : Les conditions de détermination de la procédure .................................................................. 25 §4 : Le plan de sauvegarde de l’emploi ................................................................................................ 27 SECTION 3: L'ISSUE DE LA PROCEDURE §1 Les suites du licenciement sec........................................................................................................... 32 §2 Les alternatives au licenciement sec............................................................................................... 33 §3 : La priorité de réembauche ............................................................................................................... 41 SECTION 4: LE ROLE DE LA NEGOCIATION COLLECTIVE 1§ Accords de méthodes : De quoi s’agit-il ? ...................................................................................... 43 2§ Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ........................................ 48 Conclusion : un bilan assez mitigé ......................................................................................................... 53 M. Gourc; T.Jonquet; V.Kirilova; E.Reynes; J.Taupiac Page 4
Le licenciement collectif pour motif économique SECTION 1 : La définition de « licenciement pour motif économique » Il faut préalablement distinguer le motif économique du motif personnel (§1). Puis, nous étudierons les éléments constitutifs de la cause économique (§2). § 1 : LE MOTIF DU LICENCIEMENT La loi du 13 juillet 1973 fait du droit de licencier un droit "causé". L'employeur ne peut plus rompre le contrat de travail pour n'importe quel motif. Il doit invoquer une cause réelle et sérieuse. La légitimité du motif La loi de 1973 ne donne aucune définition des notions de "cause réelle" et de "cause sérieuse". La jurisprudence est venue en préciser les contours. Le motif doit être réel, c'est-à-dire existant, exact, précis et objectif. Ainsi pour être objective, la cause du licenciement doit se traduire par des manifestations extérieures susceptibles de vérifications. De fait, "la mésentente" d'un salarié avec les autres membres du personnel est une cause objective lorsque l'employeur fait état de "faits précis". La cause doit aussi exister Les faits présentés comme motif de rupture doivent exister réellement. Ainsi des fautes commises postérieurement au licenciement ne sauraient justifier celui-ci (Cass. Soc. 16.03.1989). La cause doit enfin être exacte Il faut distinguer ici l'exactitude de l'existence de la cause. Ainsi un salarié peut ne pas contester l'existence d'un motif mais considérer que celui-ci ne constitue pas la cause exacte du licenciement. Derrière le "prétexte" invoqué par l'employeur et dont l'existence n'est pas contestée, le juge relèvera des motifs extérieurs au rapport de travail (vie privée,...) qui ne pourraient justifier d'un licenciement mais qui apparaissent clairement comme étant à l'origine de la décision prise. Le motif doit être sérieux. La cause du licenciement doit être d'une gravité suffisante pour rendre impossible la continuation du travail. Il ne s'agit pas uniquement d'une faute du salarié car des motifs non fautifs comme "la maladie de longue durée" seront admis. 1. LE LICENCIEMENT POUR MOTIF PERSONNEL A. Le motif portant sur la personne du salarié Le Code du Travail précise que le licenciement doit avoir pour origine des causes tenant à la personne du salarié. M. Gourc; T.Jonquet; V.Kirilova; E.Reynes; J.Taupiac Page 5
Le licenciement collectif pour motif économique La Cour veille cependant à ce que les faits reprochés lui soient personnellement imputables (Cass. Soc. du 7.12.1993) et qu'ils aient eu lieu à l'occasion de l'exécution de son contrat de travail (Cass. Soc du 18.04.1991). A l'inverse certains choix individuels du salarié peuvent justifier un motif de licenciement comme, par exemple, le choix de porter des tenues vestimentaires de nature à perturber "le bon fonctionnement de l'entreprise". Ce type de motif personnel n’est pas forcément lié à une faute. La Cour reconnaît que ce motif est légitime s’il porte : • Sur l'état de santé du salarié • Sur son insuffisance professionnelle • Sur le refus d'une modification du contrat de travail que celle-ci soit substantielle ou non substantielle • Sur la perte de confiance à condition qu'elle repose sur des éléments objectifs B. La faute du salarié Il peut y avoir faute du salarié. La jurisprudence a été amenée à classifier les fautes en différentes catégories, le juge appréciant librement leur gravité. Ainsi il y aura la faute légère, la faute sérieuse, la faute grave et la faute lourde. ¤ La faute légère ne suffit pas pour justifier une procédure de licenciement (Cass. Soc. 8.10.19811). ¤ La faute sérieuse est une faute que l'on peut qualifier d'intermédiaire entre la faute légère et la faute grave. Si le départ de l'entreprise par le salarié apparaît nécessaire, la faute commise n'entraîne pas véritablement de bouleversement dans l'entreprise. ¤ La faute grave résulte, selon la jurisprudence, d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié et qui constituent une violation des obligations découlant du contrat ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise pendant la durée du préavis. ¤ La faute lourde enfin débouche sur des conséquences souvent équivalentes à la faute grave pour l'entreprise. Le juge relève cependant à l'encontre du salarié une intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise. (Cass. Soc. du 29.01.19922). ¤ La Cour de cassation a défini «la faute inexcusable » du salarié. En effet, dans un arrêt du 27/01/2004, la Cour précise que cette faute du salarié est «une faute volontaire, d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait du avoir conscience » (Cass. soc. du 27.01.2004, Szczepaniak / Favrat et autres3). 1 Droit ouvrier 1982, p.191 2 in cahiers sociaux du barreau de Paris 1992, n°38, B.38 3 RJS N° 4 / 04 M. Gourc; T.Jonquet; V.Kirilova; E.Reynes; J.Taupiac Page 6
Le licenciement collectif pour motif économique 2. LE LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE Depuis la loi du 2 août 1989, la jurisprudence relative aux licenciements de cette nature est venue apporter de très nombreuses précisions concernant notamment la définition et la justification du licenciement économique. Avec la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, le droit du travail organise la réforme des procédures de licenciement en organisant l'obligation simultanée imposée aux entreprises de prendre des engagements en matière d'embauche. La loi du 3 janvier 2003 portant «relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques» modifie et suspend plusieurs dispositions de la loi de 2002 pour une durée de 18 mois. La loi du 18 janvier 2005 dite « loi de cohésion sociale » abroge un certain nombre de dispositions de la loi de 2002 tout en créant une possibilité d'anticiper les mutations économiques. Le texte instaure un droit au reclassement personnalisé et modifie certains points de la procédure de licenciement. De nouvelles contraintes portent du l’obligation de ré industrialisation des bassins d’emploi. La loi du 23 mars 2006 pour « Le retour à l’emploi » a pour objet de remplacer la convention de reclassement personnalisé (CRP) par un contrat de transition professionnelle. On constate cependant le maintien, dans le temps de la Convention de Reclassement Personnalisé, un Accord National Interprofessionnel du 23 décembre 2008 en assurant l’évolution en augmentant la durée et le montant de l’allocation. Une Convention du 19 février 2009 reprise dans un arrêté du 30.03.2009 modifie le dispositif des CRP sur le délai de réflexion, la durée de la Convention de Reclassement Personnalisé et les règles d’indemnisation. 3. LA NOTION DE MOTIF ECONOMIQUE Le rôle du juge sera ici determinant : Il devra apprécier la réalité des difficultés économiques. Cette notion est précisée par l'article L. 1233-3 nouveau (L. 321-1 ancien) du Code du Travail : Celui-ci indique, en effet, que "constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié". Celui-ci peut résulter d'une "suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques". Jurisprudence La Cour va ainsi écarter de cette qualification les licenciements fondés sur des motifs liés à la personne du salarié comme : l'âge (Cass. Soc. du 24.4.1990) ou le refus d'appliquer dans l'entreprise de nouvelles méthodes de travail (Cass. Soc. du 19.12.1991). On peut ainsi considérer que même si le contexte de la rupture du contrat est économique, le licenciement est réputé personnel dès lors que le motif est bien inhérent au salarié. M. Gourc; T.Jonquet; V.Kirilova; E.Reynes; J.Taupiac Page 7
Le licenciement collectif pour motif économique Jurisprudence : Il est ainsi, par exemple, lorsque le juge constate que l'insuffisance professionnelle prétendue du salarié, en l'espèce un cadre de haut niveau, est le motif essentiel de son licenciement... bien que l'entreprise fasse également état des mauvais résultats de l'exercice comptable de l'entreprise. (Cass. Soc. du 6 novembre 1991, SA Saint-Gué coopérative maritime contre Hubert) Dans cette décision il était reproché au salarié de ne pas avoir proposé, au vu de l'évolution du marché, de nouvelles orientations pour le secteur d'activité dont il avait la charge, comme cela lui avait été demandé. Le licenciement n'était donc pas économique. Par suite, on considérera que ce type de licenciement doit résulter d'une "suppression ou d'une transformation d'emploi voire même d'une modification substantielle du contrat de travail". Jurisprudence Cass. Soc. du 15 mars 1994, Mme BOULANGER C. SARL Moulinages Galaure, admettant le motif économique en cas de refus d'une salariée d'accepter une modification horaire destinée à améliorer la productivité. Le juge ne va pas se baser uniquement sur "une diminution globale" de l'effectif pour admettre ou non la qualification d'économique. Jurisprudence Cass. Soc. du 19.12.19794: "Certains licenciements peuvent être compensés par des créations d'emplois sur des qualifications différentes" (Voir aussi Cass. Soc. du 16.03.1992) Par ailleurs, une modification substantielle du contrat de travail refusée par le salarié peut constituer une cause économique de licenciement si elle est décidée dans l'intérêt (Cass. Soc. du 1.06.1983, Bull. V, n° 1020.) de l'entreprise. La modification du contrat de travail Ces évolutions du contrat de travail doivent être consécutives, notamment, à des difficultés économiques ou à de mutations technologiques". Le terme "notamment" suppose que la liste donnée par le code du travail n'est pas exhaustive. • De fait une réorganisation de l'entreprise dès lorsqu'elle est décidée dans l'intérêt de cette dernière peut également constituer une cause économique. Ainsi même si, le plus souvent, les licenciements sont envisagés en raison des difficultés économiques de l'entreprise... les juges acceptent ce type de qualification lorsque la rupture a pour but une simple "amélioration" de la gestion. Des entreprises bénéficiaires peuvent donc organiser des licenciements pour motif économique même sans difficulté économique. • La simple référence à l'intérêt général de l'entreprise" ne suffit cependant pas à justifier un licenciement économique. La référence à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise est nécessaire (Cass. soc. du 13.05.2003, société Lee Cooper/Colomb). • Le motif de la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise participe à cette ouverture de la jurisprudence. La Cour admet, en effet, ces licenciements y 4 in Bull. V n° 1020 M. Gourc; T.Jonquet; V.Kirilova; E.Reynes; J.Taupiac Page 8
Le licenciement collectif pour motif économique compris lorsque les motifs utilisés sont certes prévisibles mais non existant au moment de la décision de licenciement (Cass. Soc.11.01.2006, SA Les Pages jaunes5). Jurisprudence Cass. Soc. du 5.04.1995, Sté Thomson Tubes / Steenhoute sur un licenciement effectué pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité concerne. On retrouve, ici encore, l'importance du rôle joué par le juge du fond dans l'appréciation des difficultés économiques invoquées. On constate que la Cour de Cassation (arrêt de la Chambre Sociale du 2 mars 1999) juge suffisamment motivé la lettre de licenciement pour motif économique faisant état d'une suppression d'emploi consécutive à une restructuration sans préciser que cette dernière est destinée à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise. Jurisprudence Cass.soc. du 15.10.2002, Amarouyache / Sté Hôtel Elysées Magellan6. : La fermeture d'une entreprise pour travaux ne constitue pas, à elle seule, un licenciement pour motif économique. La simple mention d'une fermeture de plus de 6 mois ne peut permettre, à elle seule, de motiver le licenciement. Ajoutons que la Cour de Cassation n'admet pas un tel motif lorsque le reclassement du salarié dans l'entreprise reste possible, au besoin en lui assurant une formation complémentaire. Jurisprudence Cass. Soc. du 21.09.1993 ou Cass. Soc. du 8 avril 1992, Mme Jardin/Sté FAXTEXLOR. : Le juge sera ici à même de relever des difficultés économiques suspectes liées à la mauvaise gestion des dirigeants (Cass. Soc. du 9.10.19917) ou à des difficultés intentionnellement créées (Cass. Soc. du 12.01.1994, Sté commerciale des produits résineux C. Mme Gomez). En outre ce sera à l'employeur d'établir, le cas échéant, s'il y a impossibilité de reclassement (Cass. Soc. du 21.09.1993, Sté Presta tertiaire C. Mme PICARD). Le juge analysera, enfin, la réalité des reclassements: Jurisprudence Dans l'affaire IBM portée devant la Cour d'appel de Montpellier le 1er avril 1999, les juges considèrent que le fait de reclasser des salariés dans une entreprise sans activité constitue un dol devant entraîner la réintégration des salariés. Le cas particulier des licenciements pour fin de chantier a fait l'objet de controverses doctrinales et jurisprudentielles. Doit-on parler ici véritablement de motif économique alors que la rupture de contrat est prévisible et habituelle ? L’offre de reclassement doit être formulée par écrit et avec précision (Cass. soc. du 20.09.2006, Ass. Revivre). 5 RJS 3/06 6 Cour de cassation, chambre sociale du 15/10/2002 publié au RJS 12 /02 7 Bull. Cass. V, n° 402 p. 252 M. Gourc; T.Jonquet; V.Kirilova; E.Reynes; J.Taupiac Page 9
Le licenciement collectif pour motif économique La jurisprudence administrative (CE du 8 juillet 19818) comme la jurisprudence judiciaire (Cass. Soc du 14.10.19709) considèrent aujourd'hui qu'il est nécessaire de distinguer la pratique habituelle de la profession - le licenciement ne sera pas économique - de ce qui n'est point - le licenciement est économique. Cette distinction a été reprise par la loi du 30 décembre 1986 (art. L. 1236-8 nouveau, art. L. 321-12 ancien du C. du T.). Ainsi la fin des travaux d'un chantier ne constitue pas, à elle seule, une cause réelle et sérieuse de licenciement10 Une circulaire du 1.10.1990 est venue préciser ce que peuvent être des licenciements normaux pour la profession non soumis à la procédure de licenciement pour motif économique : • licenciement de personnes ayant travaillé sur des chantiers différents et dont l'ancienneté est inférieure à 2 ans. • licenciements de salariés engagés pour la réalisation d'un chantier de longue durée • licenciements de personnes refusant de changer de chantier du fait de leur éloignement. Il en ira différemment lorsque les licenciements auront une ampleur exceptionnelle et qu'il sera possible de les rattacher à un élément objectif comme, par exemple, la conjoncture économique. Il peut aussi exister des hypothèses de coexistence de motifs personnels et économiques. Jurisprudence Selon la jurisprudence, il faudra rechercher la cause première et déterminante de la rupture. Ainsi a été jugé non économique, le licenciement d'une salariée en longue maladie, qui avait été prononcé dans le cadre d'une réorganisation du service où elle travaillait et qui avait été décidé en raison de son absence prolongée (Cass. Soc. du 21 juillet198611). La personne de l'employeur peut aussi être prise en compte et la Cour de Cassation a été amenée à considérer que les difficultés financières de l'entreprise ayant été aggravées par l'état de santé de l'employeur, la réorganisation de l'entreprise justifie un licenciement pour motif économique (Cass. Soc. du 3 mai 1995, SÉOUDIC. CAUJOLLE). Dans le cas particulier des groupes de sociétés le motif économique du licenciement peut être apprécié par le juge au regard du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise concernée. 4. LA DISTINCTION ENTRE MOTIF ECONOMIQUE DU MOTIF PERSONNEL De la qualification de la cause dépendront des obligations différentes pour les employeurs, mais aussi des droits différents pour les salariés. Les différences les plus notables vont porter sur la procédure. 8 in Dt. 1982; I.R. p. 394, obs. Ph. LANGLOIS 9 in Bull. V n° 685 10 (cf. CE 25.03.83 ou Cass. Soc. 18.12.1986) 11 Juri Social 1986, SJ 251 (Cf. J. PELISSIER, RJS Lefebvre 1992 n0 8-9, pp. 527 et s) M. Gourc; T.Jonquet; V.Kirilova; E.Reynes; J.Taupiac Page 10
Le licenciement collectif pour motif économique La procédure de licenciement pour motif économique est plus lourde en termes de temps et d’argent pour l’entreprise. Les obligations de l’employeur seront plus contraignantes sur le plan financier en raison des obligations de formation, d’adaptation ou de reclassement qui sont imposées par les textes. L’employeur motive un licenciement en se fondant sur un motif qui n’est pas la cause réelle, s’expose à une condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ainsi selon l'ancien article L. 122-4 du Code du Travail reprenant l'article 1780 du Code Civil : "Le contrat de travail conclu sans détermination de durée peut toujours cesser sur l'initiative de l'une des parties contractantes." 5. LA PLURALITE DE MOTIFS L’employeur invoque parfois le motif économique et le motif personnel. La Cassation, dans un arrêt de principe « Matéo » du 3 avril 200212 dit « en cas de coexistence d’un motif personnel et d’un motif économique, le juge devra rechercher celui qui a été la cause première et déterminante du licenciement pour apprécier le bien fondé de celui-ci ». Le problème peut être perçu différemment si un événement a rompu la chaîne des causes et le juge n’aura plus à rechercher la cause première. Il lui appartiendra seulement de vérifier l’existence de la cause plus récente qui a déterminé ce licenciement. Par exemple, une entreprise réorganise ses services, un salarié accepte un changement de fonctions. Quelque mois plus tard, ce salarié s’avère inapte de remplir ses nouvelles fonctions. C’est un licenciement pour motif personnel. 6. LES SANCTIONS DU LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE, IRREGULIER OU ABUSIF. A. Le licenciement abusif Le juge judiciaire va vérifier si le motif économique est réel et sérieux et si le reclassement du salarié a bien été recherché. Si ce n'est pas le cas il peut qualifier le licenciement d'abusif. Cette solution sera retenue lorsque l'employeur aura volontairement aggravé la situation économique de l'entreprise (Cass. Soc. 9 octobre 1991). En outre, le licenciement économique d'un salarié ne peut intervenir, en cas de suppression d'emploi, que si le reclassement de l'intéressé dans l'entreprise n'est pas possible (Cass. Soc. 1er avril 199213). L'employeur a ainsi le devoir d'assurer l'adaptation des salariés (Cass. Soc. 25 février 199214) à l'évolution de leurs emplois. Ces obligations, consacrées par la jurisprudence, trouvent leurs sources dans le Code du Travail lui-même. 12 RJS Juin 2002, n°697 13 Bull. Cass. V, n°228 p. 141 14 Bull. Cass. V n° 122 p.74 M. Gourc; T.Jonquet; V.Kirilova; E.Reynes; J.Taupiac Page 11
Le licenciement collectif pour motif économique Ainsi la loi impose à l'employeur d'établir un plan d'adaptation lorsqu'il envisage de mettre en œuvre des mutations technologiques importantes et rapides susceptibles d'avoir des conséquences sur l'emploi, la qualification, la rémunération (art. L. 2323-13 nouveau, L. 432-2 ancien du Code du Travail) et l'employeur doit adresser aux représentants du personnel les mesures ou le plan de sauvegarde de l’emploi (plan social) qu'il envisage de mettre en œuvre pour éviter les licenciements lorsque leur nombre est au moins égal à 10 dans une même période de 30 jours (art. L. 1233-32 nouveau, art. L. 321-4 ancien du Code du Travail). B. Le licenciement irrégulier Lorsque la procédure de licenciement pour motif économique n'est pas respectée, le salarié peut obtenir une indemnité, au plus, égale à un mois de salaire. En outre, pour les licenciements d'au moins 10 personnes, des sanctions pénales seront prononcées à l'encontre des employeurs qui : • ne consultent pas les représentants des personnels, • ne notifient pas le licenciement à l'autorité administrative • et n'observent pas les délais d'envoi des lettres de licenciement. Remarque : Les organisations syndicales représentatives peuvent exercer en justice toutes actions qui naissent des dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles régissant le licenciement pour motif économique (art. L. 1235-8 nouveau, art. L. 321-15 ancien du C. du T.) §2 : LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DE LA CAUSE ECONOMIQUE Ils se traduisent par les effets induits sur le contrat (A) et par les causes qui ont présidé à ces effets (B). Les effets induits sur le contrat Ce sont les suppressions d’emploi (1) ou encore les transformations d’emploi (2), et notamment la modification du contrat de travail (fonctions, lieu) portant sur un élément essentiel de celui-ci. A. La suppression d’emploi Elle peut prendre deux formes : • La suppression pure et simple se manifestera par le fait que le salarié ne sera pas remplacé dans ces tâches, • Une nouvelle répartition des tâches entre les salariés. En réalité, là on emploie 5 personnes, on n’en emploiera que 3. La suppression de l’emploi ne justifie le licenciement du salarié que lorsque son reclassement est impossible. Alors même qu’il résulte d’une suppression d’emploi procédant d’une cause économique, le licenciement pour motif économique n’a une cause réelle et sérieuse que si l’employeur s’est trouvé dans l’impossibilité de reclasser le salarié et il appartient au juge, saisi d’une demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rechercher si l’employeur a satisfait à son obligation de reclassement. M. Gourc; T.Jonquet; V.Kirilova; E.Reynes; J.Taupiac Page 12
Le licenciement collectif pour motif économique Doit donc être cassé l’arrêt qui, pour débouter un salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, s’est borné à relever que les directeurs régionaux avaient été remplacés par un chef des ventes, et que leurs taches avaient été regroupées et confiées à une seule personne, en sorte que l’emploi de l’intéressé avait été supprimé, sans rechercher si l’employeur s’était trouvé dans l’impossibilité de reclasser. Jurisprudence Cass. Soc. 17 mars 1999 (n° 9740515, Stenger contre Société Massimi) La réalité d’une suppression d’emploi s’apprécie dans l’entreprise. Si les difficultés économiques s’apprécient dans le secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise concernée, la réalité des suppressions ou transformations d’emplois ou des modifications du contrat de travail doit être examinée au niveau de l’entreprise. Ayant constaté qu’aucun emploi n’avait été supprimé par la société, une cour d’appel a pu décider que le licenciement du salarié n’avait pas de cause économique et condamner la société à payer à l’intéressé une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Jurisprudence Cass. Soc. 8 janvier 1998 (n°95-43606, Société Fuji magnétics France contre de Butler). Constitue une suppression d’emploi le fait de redistribuer les taches du salarié à un autre salarié déjà en fonction. La suppression d’un poste, dont les taches sont dévolues à un autre salarié déjà employé dans l’entreprise, correspond à une suppression d’emploi. Dès lors, doit être cassé l’arrêt qui, pour conclure à l’absence de suppression d’emploi. Dès lors, doit être cassé l’arrêt qui, pour conclure à l’absence de suppression d’emploi, énonce que le salarié a été remplacé dans ses fonctions par un contremaître exerçant les mêmes attributions, avec une rémunération moindre, alors que la suppression d’emploi était effective. Jurisprudence Cass. Soc. 21 juillet 1994 (n°92-44870), SA Raab Cartonnages de l’Yonne c/ Bonneau En revanche l’affectation d’un autre salarié au poste du salarié licencié exclut la suppression d’emploi. Un salarié ayant été immédiatement remplacé après son licenciement, une cour d’appel a pu justement en déduire que le poste de ce dernier n’avait pas été supprimé, peu important que le salarié nouvellement affecté sur ce poste soit un salarié de la société mère. Jurisprudence Cass. Soc. 16 janvier 2001, n°98-44461, Sarl Olymp C/ Kleiber Peut entraîner une suppression d’emploi le recours à la sous-traitance… La suppression d’emploi d’un gardien peut résulter du transfert de l’activité de gardiennage à une autre société. Le recours à la sous-traitance ayant permis à une société de réaliser des économies de gestion et de réduire son déficit d’exploitation, et ayant entraîné la suppression effective des postes de gardiennage, une CA a pu décider que le licenciement prononcé suite à cette opération reposait sur un motif économique, la suppression d’emploi étant consécutive aux difficultés financières rencontrées par l’employeur. M. Gourc; T.Jonquet; V.Kirilova; E.Reynes; J.Taupiac Page 13
Le licenciement collectif pour motif économique Jurisprudence C.cass. Soc. 12 janvier 1994, n°92-41687, Lusan Morillas c/ SARL LTC Francy … ou le recours à du personnel bénévole S’agissant d’une préparatrice licenciée pour motif économique, c’est à tort que, pour condamner l’employeur au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une CA a, après avoir reconnu que l’employeur éprouvait de graves difficultés économiques, énoncé qu’il n’était pas contesté que, postérieurement au licenciement de la salariée, le poste de celle- ci occupé par l’époux de l’employeur qui était lui-même pharmacien et apportait une collaboration bénévole et que, l’emploi n’ayant pas été supprimé, le licenciement n’avait pas de caractère économique, alors qu’en supprimant le poste de préparatrice salariée et en faisant assumer cette fonction par son mari travaillant comme collaborateur bénévole, l’employeur avait procédé à la suppression d’un emploi salarié. Jurisprudence Cass. Soc. 20 janvier 1998 Bigot-Donadieu contre Lévy En revanche, le fait de recruter un autre salarié à un poste similaire permet de conclure à l’absence de suppression d’emploi. Jurisprudence (Cass. Soc. 27 février 1997, sté Groupe Expansion magazines contre Fontanieu) Une salariée engagée en qualité de rédactrice par une société de presse, avait été licenciée pour suppression de poste en raison de la conjoncture économique et des mesures de réduction des coûts qui s’imposaient. Après avoir constaté que dans les mois ayant suivi le licenciement, 25 journalistes avaient rejoint le groupe de presse et qu’une journaliste avait été recrutée au sein de l’équipe dont le salaire avait fait partie, une CA a pu condamner l’employeur au paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les difficultés économiques de l’entreprise n’étant pas la cause déterminante du licenciement. Jurisprudence Cass. Soc. 20 février 1996 Laboratoire d’analyses biologiques des Récollets contre Pons et a. N’est pas justifié par un motif économique le licenciement de deux salariées laborantines pour suppression d’emplois, dès lors que l’employeur avait recruté d’autres laborantines après le départ des salariées et qu’il n’avait assuré ni l’adaptation ni l’évolution des intéressées à leur emploi. Jurisprudence Cass. Soc. 17 mars 1998 Astor contre Maouchi Le fait de licencier un salarié pour motif économique tout en lui proposant de poursuivre son activité pendant 4 mois exclut une suppression de poste. Jurisprudence Cass. Soc 16 octobre 1997, Chantiers Louis Recla contre Tachon Le fait pour l’employeur de remplacer des contrats à DI par des contrats à DD ne caractérise pas une suppression d’emploi. M. Gourc; T.Jonquet; V.Kirilova; E.Reynes; J.Taupiac Page 14
Le licenciement collectif pour motif économique Jurisprudence Cass. Soc. 2 mars 1999 SARL Maria Galland contre Nicolas. Le juge peut déduire l’absence de difficultés économiques du seul refus de l’administration de faire bénéficier à la société d’une convention du FNE. Jurisprudence Cass soc 26 mars 2002 Bardonneau contre SA FMC Europe Le juge peut tenir compte d’éléments postérieurs au licenciement pour apprécier si la réorganisation de l’entreprise est indispensable à la sauvegarde de sa compétitivité. Jurisprudence Cass soc 11 décembre 2001, Ass. Conservatoire municipal Francis Poulec contre Magne. La réorganisation peut aussi être justifiée par l’obligation de se conformer aux exigences du service public. B. La transformation d’emploi ou la modification d’un élément essentiel du contrat de travail Ces deux questions méritent d’être envisagées assez globalement. Les transformations d’emploi vont souvent jouer sur la modification du contrat. Les transformations d’emploi qui n’emporteraient aucune conséquence sur un des éléments essentiels du contrat de travail, qui ne toucheraient qu’aux conditions de travail, ne sont pas susceptibles d’entrer dans le champ d’application de la loi sur les licenciements pour motif économique. Un simple changement des conditions de travail ne peut pas provoquer la rupture du contrat à la charge de l’employeur. En revanche, une modification du contrat qui affecte un élément essentiel de celui-ci ne peut pas être imposée unilatéralement par l’employeur au salarié. Si tel est le cas, la modification peut être refusée par le salarié, puisque pour modifier l’un des éléments essentiels du contrat, il faut obtenir le consentement exprès du salarié en ce sens. Ces éléments essentiels concernent la rémunération, les fonctions (qualification), le lieu de travail et la durée du travail. Le lieu de travail est discuté. Concernant la durée du travail, la loi (L1222-7 et L1222-8) énonce que la seule diminution du nombre d’heures stipulées au contrat de travail en application d’un accord de réduction du temps du travail ne constitue pas une modification du contrat. Quand il y a une modification sur un élément essentiel du contrat, on ne se situera pas forcément sur le terrain du licenciement pour motif économique, car il peut y avoir des modifications d’éléments essentiels pour d’autres raisons comme une raison disciplinaire (on doit remonter à la cause de la rupture du contrat). M. Gourc; T.Jonquet; V.Kirilova; E.Reynes; J.Taupiac Page 15
Le licenciement collectif pour motif économique Notion de transformation d’emploi : Jurisprudence Cass. Soc. 15 octobre 1992 Largeron contre Société commerciale Citroën. La transformation d’emploi peut résulter de l’entreprise ou du service. Suite à l’informatisation de la société, une salariée avait fait l’objet de plusieurs mutations avant d’être licenciée. Une CA a pu décider que l’emploi de la salariée avait fait l’objet d’une transformation et que son licenciement reposait sur un motif économique dans la mesure où elle n’avait pas su s’adapter aux nouvelles exigences technologiques afférentes à cet emploi n aux autres postes qui lui étaient proposés. Cass. Soc. 9 juillet 1997 Boitel contre SARL SECRL Elle peut également résulter de la prise en charge de nouveaux secteurs d’activité par la société… Une secrétaire dactylographe avait été licenciée pour motif économique. A légalement justifié sa décision la CA qui l’a déboutée de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En constatant que l’évolution de la société l’avait conduite à prendre en charge de nouveaux secteurs d’activités techniques, en plus de ses activités classiques d’agent immobilier, et que ces activités nouvelles exigeaient la transformation de l’emploi occupé par l’intéressée en un emploi de secrétaire de direction chargée notamment de la rédaction de devis et du suivi financier des chantiers, la cour a caractérisé la transformation de cet emploi consécutive à des mutations technologiques mentionnées à l’article L. 321-1 du CT. La CA a ensuite retenue que la salariée n’avait pas la qualification requise pour occuper cet emploi, malgré l’effort d’adaptation tenté par l’employeur au cours de l’année précédent le licenciement. Jurisprudence Cass. Soc. 16 décembre 1997, Vallée contre sté Adequat Système …. Ou d’une recentrage d’activité. Ayant relevé qu’à la suite de pertes importantes une société avait décidé de reporter son activité de ventes de produits informatiques finis à laquelle le salarié était affecté vers la programmation informatique à la demande du client dans ses propres locaux, ce qui l’avait mis dans l’obligation de se séparer du salarié, dont les compétences n’étaient plus adaptées à ce nouveau type d’emploi, et d’embaucher des techniciens possédant une formation de base compatible avec l’exploitation tet le développement de ce nouveau créneau, une CA a pu décider, après avoir fait ressortir que le licenciement du salarié résultait d’une transformation de son emploi consécutive à des difficultés économiques qu’il avait une cause économique. Le refus de modification du contrat de travail : La rupture résultant du refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail, imposée par l’employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement économique. Cass. Soc. 14 mai 1997 Dumoulin contre SNC Normabarre Cass. Soc. 26 novembre 1996 Sté Marquis Hôtels Ltd Partnerships c/ Alia et a. M. Gourc; T.Jonquet; V.Kirilova; E.Reynes; J.Taupiac Page 16
Le licenciement collectif pour motif économique Les éléments qualificatifs de la cause économique La loi donne deux cas : les difficultés économiques d’une part et les mutations technologiques d’autre part (1). En ce qui concerne les mutations économiques, il a été jugé que faire état d’une progression de la science n’était pas suffisant. La jurisprudence a admis une troisième cause de licenciement économique, certains disent qu’elle est autonome. Cette cause est la réorganisation de l’entreprise (2). A. L’appréciation de difficultés économiques Très souvent, les difficultés économiques se confondent avec des difficultés financières. Une simple baisse des résultats ou pas très significative n’est pas suffisante. La première difficulté est que des difficultés économiques peuvent expliquer un licenciement pour motif économique. Pour autant, elles ne suffisent pas nécessairement à le justifier. La grande distinction est à faire entre la cause qualificative et la cause justificative. La cause qualificative permettra de qualifier le licenciement alors que la cause justificative permettra de le justifier. Le juge devra donc apprécier l’existence de ces difficultés telles qu’elles étaient au moment où l’employeur a pris la décision de licencier. Par exemple, une entreprise a des difficultés économiques, sa situation se redresse. Si la situation se redresse, elle ne peut pas licencier. En cas de contestation sur le caractère sérieux de la cause économique invoquée, le juge va replacer le débat dans un contexte économique global. Il va donc tenir compte de la configuration économique et financière de l’entreprise. En réalité, il faut se replacer au niveau de l’entreprise toute entière. Autrement dit, si un seul établissement est concerné par les difficultés économiques, il faut rapporter la situation au niveau global, donc à celui de l’entreprise. Si l’entreprise appartient à un groupe, c’est au niveau du secteur d’activité du groupe que devront être appréciées les difficultés économiques. La Cassation a retenu cela dans l’arrêt de principe « Vidéocolor » du 5 avril 1995 (Bulletin n°123). Le 12 juin 2001, la Cassation a élargi le champ de prospection du juge par deux arrêts (Bulletin n°214), où elle dit que « l’appréciation du juge ne peut pas être réduite au seul territoire national donc elle va déborder au niveau européen, voire international ». Une cessation d’activité peut aussi être admise comme une cause de licenciement économique, mais à condition qu’elle concerne l’activité toute entière de l’entreprise. Autrement dit, la fermeture d’un seul établissement d’une entreprise ne constitue pas en elle-même la justification d’un licenciement économique. Les mutations technologiques sont les cas d’introduction de nouvelles manières de travailler (informatique, machines…). M. Gourc; T.Jonquet; V.Kirilova; E.Reynes; J.Taupiac Page 17
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