Le lien entre les compétences en numératie et les rendements sur le marché du travail au Québec

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Le lien entre les compétences en numératie et les rendements sur le marché du travail au Québec
Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations

 Le lien entre les compétences
 en numératie et les
 rendements sur le marché du
 travail au Québec

 RAQUEL FONSECA
 MARIE MÉLANIE FONTAINE
 CATHERINE HAECK

 Juin 2021
Le lien entre les compétences en numératie et les rendements sur le marché du travail au Québec
Le lien entre les compétences en numératie et les
 rendements sur le marché du travail au Québec
 Rapport préparé pour le CIRANO
 par
 Raquel Fonseca*, Marie Mélanie Fontaine et Catherine Haeck
 Université du Québec à Montréal, ESG UQAM
 Chaire de recherche sur les enjeux économiques intergénérationnels,
 Groupe de recherche sur le capital humain

 CIRANO
 Rapport : Juin 2021

Résumé
 L’objectif de cette étude est d’estimer la relation entre les compétences en numératie
mesurées à l’âge adulte et la rémunération des travailleurs au Québec. Pour ce faire, nous
utilisons les micros données confidentielles du Programme pour l’évaluation internationale
des compétences des adultes (PEICA) et celles de l’Enquête longitudinale et internationale
des adultes (ELIA). Cette recherche est principalement descriptive. Dans un premier temps,
nous dressons un portrait socioéconomique des individus selon leur niveau de compétences
en numératie. Dans un deuxième temps, nous mesurons les rendements salariaux des
compétences en numératie au Québec. Nos résultats suggèrent que pour les travailleurs actifs
de la population québécoise, une augmentation d’un écart-type des compétences en
numératie est associée à une augmentation moyenne de 21 % du salaire, un chiffre

∗ Auteure de correspondance. Courriel : fonseca.raquel@uqam.ca, téléphone : +1 514 987-3000, poste 6656.
Les auteures sont reconnaissantes envers le CIRANO pour avoir financé la réalisation de cette étude. Les
analyses contenues dans ce texte ont été réalisées au Centre interuniversitaire québécois de statistiques
sociales (CIQSS), membre du Réseau canadien des centres de données de recherche (RCCDR). Les activités du
CIQSS sont rendues possibles grâce à l’appui financier du Conseil de recherche en sciences humaines (CRSH),
des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI), de
Statistique Canada, du Fonds de recherche du Québec - Société et culture (FRQSC), du Fonds de recherche du
Québec – Santé (FRQS) ainsi que de l’ensemble des universités québécoises qui participent à leur financement.
Les idées exprimées dans ce texte sont celles des auteures et non celles des partenaires financiers.
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Fonseca, Fontaine, Haeck

légèrement supérieur à celui estimé pour le reste du Canada. Nous documentons également
en détail les variations dans ces rendements chez les adultes ayant des caractéristiques
sociodémographiques différentes. Concrètement, nous estimons les rendements salariaux
des compétences en numératie selon l’âge, le sexe, le pays de naissance, le niveau d’éducation
des parents, le secteur d’activité et le type de travailleurs. Finalement, dans un troisième
temps, nous évaluons à quel point les différentiels de compétences en numératie peuvent
expliquer les écarts salariaux entre les hommes et les femmes. Nos résultats suggèrent que
les disparités de compétences en numératie entre ces deux groupes peuvent expliquer une
part importante des écarts de salaire entre les sexes. En effet, près de la moitié de l’écart
salarial entre les hommes et les femmes est attribuable aux différences de compétences en
numératie. Comparativement aux hommes, seulement 7.1 % des femmes de 16 à 64 ans au
Québec ont un niveau de compétences en numératie élevé ou très élevé comparativement à
14.3 % des hommes.

Mots-clés
Compétences cognitives, compétences en numératie, mathématiques, PEICA, marché du
travail, revenu, salaire.

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Le lien entre les compétences en numératie et les rendements sur le marché du travail au Québec
Fonseca, Fontaine, Haeck

Table des matières
Résumé ...................................................................................................................................................................... 1

Mots-clés ................................................................................................................................................................... 2

Table des matières ................................................................................................................................................ 3

Liste des figures ..................................................................................................................................................... 5

Liste des tableaux .................................................................................................................................................. 6

1. Introduction ................................................................................................................................................... 8

2. Revue de la littérature.............................................................................................................................. 12

 2.1. Lien entre numératie et marché du travail ............................................................................ 12

 2.2. Choix du domaine d’études .......................................................................................................... 17

 2.3. Lien entre numératie et caractéristiques sociodémographiques .................................. 19

 2.4. Évaluation des changements dans les politiques d’éducation ........................................ 23

3. Présentation des données et faits stylisés........................................................................................ 25

 3.1. Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes ............ 26

 3.2. Enquête longitudinale et internationale des adultes.......................................................... 27

 3.3. Statistiques descriptives ................................................................................................................ 28

4. Trajectoires de revenus et niveaux de compétence en numératie ......................................... 37

5. Stratégie empirique pour identifier le lien entre les compétences et les revenus ........... 39

 5.1. Échantillonnage................................................................................................................................. 39

 5.2. Modèle pour l‘estimation des rendements salariaux des compétences ..................... 40

 5.3. Décomposition Blinder-Oaxaca .................................................................................................. 41

6. Résultats ........................................................................................................................................................ 44

 6.1. L’effet de la numératie sur les revenus d’emploi ................................................................. 44

 6.2. Décomposition de l’écart salarial entre les hommes et les femmes ............................. 53

7. Conclusion .................................................................................................................................................... 55

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Bibliographie ......................................................................................................................................................... 57

Annexes ................................................................................................................................................................... 63

 A. Tableaux ............................................................................................................................................. 64

 B. Figures ................................................................................................................................................. 79

 C. Exemples d’exercices en littératie, numératie et RP-ET ........................................... 85

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Liste des figures
Figure 1 Répartition du type d’occupation selon le niveau de compétences au Québec......... 32
Figure 2 Scores moyens selon la profession occupée, au Québec .................................................... 33
Figure 3 Répartition des scores en numératie selon l’âge et la province de résidence ........... 34
Figure 4 Évolution des trajectoires de revenus d’emploi au cours du temps selon le niveau de
compétences en numératie.............................................................................................................................. 38
Figure 5 Rendements des compétences en numératie par âge ......................................................... 46

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Liste des tableaux
Tableau 1 Corrélation entre les différents scores de compétences ................................................. 10
Tableau 2 Résumé des différents niveaux de compétence en numératie au Québec ............... 27
Tableau 3 Répartition des hommes et des femmes résidant au Québec selon le niveau de
compétence en numératie et l’âge ................................................................................................................ 29
Tableau 4 Caractéristiques sociodémographiques et professionnelles des individus résidant
au Québec selon le niveau de compétences en numératie .................................................................. 31
Tableau 5 Répartition des hommes et des femmes occupant un emploi dans le domaine des
STGM ou non, au Québec et dans le reste du Canada ............................................................................ 35
Tableau 6 Statistiques descriptives comparatives ................................................................................. 36
Tableau 7 Estimation des rendements des compétences en numératie selon la catégorie
d’âge, au Québec ................................................................................................................................................. 45
Tableau 8 Estimation des rendements des compétences en numératie des travailleurs âgés
de 35 à 54 ans, au Québec ................................................................................................................................ 47
Tableau 9 Estimations des rendements des compétences en numératie selon différentes
caractéristiques sociodémographiques, au Québec ............................................................................. 50
Tableau 10 Estimation des rendements des compétences en numératie selon des mesures
alternatives de revenus, au Québec ............................................................................................................ 52
Tableau 11 Décomposition Blinder-Oaxaca de l’écart salarial entre hommes et femmes, au
Québec ..................................................................................................................................................................... 54
Tableau A1 Niveaux de compétences et descripteurs des caractéristiques des tâches........... 64
Tableau A2 Description des variables utilisées dans le PEICA et l’ELIA ........................................ 65
Tableau A3 Résumé des différents niveaux de compétence (reste du Canada) ....................... 66
Tableau A4 Résumé des différents niveaux de compétence (Canada) .......................................... 66
Tableau A5 Répartition des hommes et des femmes résidant hors Québec selon le niveau de
compétence en numératie et l’âge ................................................................................................................ 67
Tableau A6 Répartition des hommes et des femmes résidant au Canada selon le niveau de
compétence en numératie et l’âge ................................................................................................................ 67
Tableau A7 Caractéristiques sociodémographiques et professionnelles des individus résidant
hors Québec selon le niveau de compétences en numératie ............................................................ 68

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Tableau A8 Caractéristiques sociodémographiques et professionnelles des individus résidant
au Canada selon le niveau de compétences en numératie ................................................................. 69
Tableau A9 Estimation des rendements des compétences en numératie selon la catégorie
d’âge, hors Québec ............................................................................................................................................ 70
Tableau A10 Estimation des rendements des compétences en numératie selon la catégorie
d’âge, au Canada ................................................................................................................................................. 70
Tableau A11 Estimation des rendements des compétences en numératie des travailleurs âgés
de 35 à 54 ans, hors Québec .......................................................................................................................... 71
Tableau A12 Estimation des rendements des compétences en numératie des travailleurs âgés
de 35 à 54 ans, au Canada ............................................................................................................................... 72
Tableau A13 Estimations des rendements des compétences en numératie selon différentes
caractéristiques sociodémographiques, hors Québec......................................................................... 73
Tableau A14 Estimations des rendements des compétences en numératie selon différentes
caractéristiques sociodémographiques, au Canada ............................................................................ 74
Tableau A15 Estimation des rendements des compétences en numératie selon des mesures
alternatives de revenus, hors Québec........................................................................................................ 75
Tableau A16 Estimation des rendements des compétences en numératie selon des mesures
alternatives de revenus, au Canada ............................................................................................................ 76
Tableau A17 Décomposition Blinder-Oaxaca de l’écart salaire entre hommes et femmes, hors
Québec .................................................................................................................................................................... 77
Tableau A18 Décomposition Blinder-Oaxaca de l’écart salaire entre hommes et femmes, au
Canada ..................................................................................................................................................................... 78

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 1. Introduction
 La numé ratie est dé finie dans le Programme pour l’évaluation internationale des
compétences des adultes (PEICA) comme « la capacité de localiser, d’utiliser, d’interpré ter et
de communiquer de l’information et des concepts mathé matiques afin de s’engager et de
gé rer les demandes mathé matiques de tout un é ventail de situations de la vie adulte » (OCDE,
2014 : p. 27). Acquérir un niveau de compétence fonctionnel dans ce domaine est donc
essentiel pour le bien-être des individus, de l’économie et de la société. En effet, un niveau de
compétences élevé en numératie est généralement associé à des salaires plus élevés.
Plusieurs études ont abordé cette question en Europe (Currie & Thomas, 2001 ; McIntosh &
Vignoles, 2001 ; Joensen & Nielsen, 2009) et aux États-Unis (Murnane et al., 2000 ; Rose &
Betts, 2004 ; Lin et al., 2018 ; Wolcott, 2018), en revanche, il existe peu d’évidences récentes
portant sur des données canadiennes (Charette & Meng, 1998 ; Finnie & Meng, 2001 ; Green
& Riddell, 2002).
 Des études nord-américaines ont par ailleurs observé une hausse marquée des inégalités
de revenus (voir Card & Dinardo (2002) pour les États-Unis et Lemieux (2008) pour le
Canada), et ces inégalités de revenus sont d’autant plus importantes, dans les pays où on
observe de fortes inégalités de compétences (Juhn et al., 1993 ; Leuven et al., 2004 ; Jovicic,
2016 ; Broeck et al., 2017).
 Une des hypothèses avancées est que la demande pour les travailleurs hautement
qualifiés a crû plus rapidement que l’offre, ce qui a provoqué une hausse relative des salaires
des travailleurs qualifiés par rapport aux travailleurs moins qualifiés, où les auteurs
définissent la qualification à partir de l’éducation (Katz & Murphy, 1992 ; Lemieux, 2009). Les
principaux facteurs étant la révolution technologique amorcée dans les années 90 et la
croissance rapide des technologies numériques (Acemoglu & Autor, 2011 ; Katz & Autor,
1999).
 Dans cette étude, on analyse le lien entre la numératie et les revenus sur le marché du
travail. Au Canada, le score moyen des adultes en numératie, mesuré au moyen du PEICA,
était de 265 points en 2012 1. Ce résultat se situe 4 points en dessous de la moyenne des pays

1 Les compétences en numératie mesurées à l’aide du test PEICA sont rapportées sur une échelle de valeurs
allant de 0 à 500 points et concernent la population adulte âgée de 16 à 65 ans.

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de l’OCDE, classant le pays en 14e position sur 23 (OCDE, 2013 : Figure 2.6a, p. 85). Ce portrait
global cache toutefois des différences importantes entre les générations. En effet, puisque les
systèmes éducatifs ont évolué à travers le temps, on constate que le niveau de compétence
en numératie varie fortement avec l’âge, et ceci est observé dans la plupart des pays. Au
Canada, l’écart de score entre les individus les plus jeunes (16-24 ans) et les plus âgés (55-64
ans) est de 17 points (les scores moyens sont respectivement de 268 et 251 points) et cet
écart passe à 26 points en ce qui concerne les jeunes de 25 à 34 ans et les plus de 55 ans 2 (le
score moyen des jeunes de 25 à 34 ans est de 277 points). En comparaison, l’écart moyen de
tous les pays est de, respectivement, 19 et 27 points. En revanche, l’écart intergénérationnel
est faible aux États-Unis (2,3), en Norvège (6,2) et au Danemark (7,7) et en faveur des plus
âgés en Angleterre (-0,7) (OCDE, 2013 : Tableau A3.2, p. 290). À l’égard de la distribution des
scores, au Canada, 180 points séparent les 5e et les 95e centiles en numératie. Le score moyen
des individus situés dans le 5e centile est de 169 points et celui des individus situés dans le
95e centile est de 349, ce qui indique un écart de compétence important entre les adultes les
plus qualifiés et les moins qualifiés. En comparaison, cet écart est de 192 points aux États-
Unis, ce qui représente l’écart le plus grand parmi les pays de l’OCDE. Par contre, les pays
nordiques, souvent cités en exemple en matière d’égalité sociale, affichent quant à eux une
distribution des scores plus étroite : des écarts, respectivement, de 165 et 167 points sont
recensés au Danemark et en Finlande (OCDE, 2013 : Figure 2.8, p. 89).
 Dans le cadre de cette étude, nous nous intéressons spécifiquement à l’effet des
compétences en numératie et la rémunération sur le marché du travail au Québec 3. Toutefois,
les compétences des individus en mathématiques sont fortement corrélées à d’autres
domaines de compétences tels que la littératie générale et la littératie financière
(Skagerlunda et al., 2018). Le Tableau 1 montre par ailleurs la corrélation qui existe entre la
numératie, la littératie générale et la résolution de problème dans des environnements

2 Les jeunes canadiens de 16 à 24 ans et 35 à 44 ans se positionnent au niveau international respectivement à

la 16e et 14e position sur 22 (excluant Chypre) (OCDE, 2013 : Tableau A3.2, p. 290).

3 L’ensemble des résultats présenté pour le Québec est également présenté pour le reste du Canada et
l’ensemble du Canada en annexe.

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Fonseca, Fontaine, Haeck

technologiques. La numératie est fortement corrélée à la littératie 4 (0,86) ainsi qu’à la
résolution de problème dans des environnements technologiques 5 (RP-ET) (0,75) 6. Les
individus ayant de faibles capacités en mathématiques ont moins de chance de réussir dans
les autres domaines tels que la lecture. De plus, un niveau minimal dans les compétences de
base est requis pour s’insérer dans la vie professionnelle et sociale.

 Tableau 1 Corrélation entre les différents scores de compétences

 Numératie Littératie RP-ET
 Numératie 1,00
 Littératie 0,86 1,00
 RP-ET 0,75 0,80 1,00
Source : calculs des auteures à partir des données du PEICA (2012).
Note : l’échantillon comprend toute la population âgée de 16 à 64 ans et résidant au Québec en 2012. Les
corrélations sont calculées à partir de la première valeur plausible et sont pondérées avec les poids
d’échantillonnage fourni par Statistique Canada.

 Les compétences financières sont d’autant plus importantes. En effet, Lusardi et al. (2015)
ont montré que les individus avec un faible niveau de littératie financière ont tendance à
effectuer plus de transactions coûteuses. De même, ceux-là sont également moins aptes à
juger de leur état d’endettement. De leur côté, Christelis et al. (2010) ont montré qu’il existe
une forte relation entre la propension à investir et les capacités cognitives. Banks et al.
(2007) montrent quant à eux que le niveau de numératie est fortement corrélé aux choix de
portefeuilles d’épargne-retraite et de placement.
 Alors que de nombreuses études ont abordé la question du lien entre l’éducation et les
revenus, peu d’études ont abordé la question du lien entre les compétences et les salaires au

4La littératie est définie dans le PEICA comme « la capacité de comprendre, d’évaluer, d’utiliser et de s’engager
dans des textes écrits pour participer à la société, pour accomplir ses objectifs et pour développer ses
connaissances et son potentiel » (OCDE, 2014 : p. 98).
5 Larésolution de problèmes dans des environnements technologiques (RP-ET) est définie dans le PEICA
comme « la capacité d’utiliser la technologie numérique, les outils de communication et les réseaux
pour acquérir et évaluer de l’information, communiquer avec les autres et effectuer des tâches
pratiques».
6 On voit également à l’aide de la Figure A1 en annexe que ces compétences sont très corrélées à travers les
différents niveaux et entre les sexes.

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Fonseca, Fontaine, Haeck

Canada. Les évidences concernant le Canada ou le Québec sont limitées et remontent à
plusieurs années. Ce rapport vise à combler cette lacune en examinant le lien entre le niveau
de compétences en numératie des individus évaluée à l’âge adulte et les rendements sur le
marché du travail. Cette analyse est centrée sur la province du Québec. Pour cela, nous
exploitons les volets canadiens de deux bases de données internationales administrées par
Statistique Canada : le Programme pour l’évaluation internationale des compétences des
adultes (PEICA) et l’Enquête longitudinale et internationale des adultes (ELIA). Le PEICA est
une riche enquête contenant notamment les données sur l’évaluation dans les trois
compétences de base, soit la numératie, la littératie et la résolution de problème dans des
environnements technologiques (RP-ET) réalisée en 2012. L’ELIA, dont la première vague
contient un sous-échantillon représentatif du PEICA, est une enquête couplée à des fichiers
administratifs historiques nous permettant de tracer les trajectoires de revenus des
individus depuis 1982.
 Nous explorons l’association entre la maîtrise de ces compétences et un éventail de
caractéristiques sociodémographiques telles que l’âge, le genre et le niveau de scolarité. Nous
étudions également la relation entre ces compétences et les perspectives en matière d’emploi
et d’ascension professionnelle, à travers l’analyse des trajectoires de revenus individuels. Nos
résultats principaux montrent que les rendements salariaux des compétences en numératie
des travailleurs actifs âgés de 35 à 54 ans sont estimés à 21 % au Québec. À niveau de
compétences égales, nous trouvons peu de différences dans les rendements des compétences
entre les hommes et les femmes. Nous trouvons également peu de différences entre les
immigrants et les natifs du Canada. Toutefois, nous trouvons des différences significatives et
plus importantes entre les employés du secteur privé et ceux du secteur public et entre ceux
occupant un emploi à temps plein et ceux occupant un emploi à temps partiel.
 La seconde partie de l’analyse se penche sur les causes des disparités de salaire entre les
hommes et les femmes. En effet, nous trouvons un écart salarial de l’ordre de 9 % entre les
hommes et les femmes et il s’avère que 48 % de cet écart salarial est attribuable aux
différences de compétences entre les sexes. En effet, le pourcentage de femmes ayant des
compétences élevées est plus faible que celui des hommes.
 La suite de ce rapport est structurée comme suit. La section 2 présente une revue de
littérature ciblée sur la question. La section 3 décrit les données utilisées. La section 4

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Fonseca, Fontaine, Haeck

présente les méthodologies utilisées pour analyser la relation entre les compétences et la
rémunération sur le marché du travail, ainsi que la décomposition des écarts salariaux entre
les hommes et les femmes par rapport aux compétences en numératie. La section 5 présente
les résultats de l’analyse empirique et, enfin, la section 6 conclut.

 2. Revue de la littérature
 Dans cette section, nous présentons, en premier lieu, le lien entre les compétences en
numératie et le marché du travail. Nous explorons, en deuxième lieu, le lien entre ces
compétences et plusieurs caractéristiques sociodémographiques telles que le genre, l’âge, et
l’environnement familial, ainsi que d’autres domaines de compétence. Enfin, nous
présentons, en troisième lieu, les politiques éducatives visant l’acquisition de ces
compétences, en milieu scolaire et sur le marché du travail.

 2.1. Lien entre numératie et marché du travail
 La littérature existante a démontré que les individus ayant des compétences élevées en
mathématiques réussissent mieux sur le marché du travail (par exemple, leur taux d’emploi
et leurs salaires sont plus élevés) que ceux ayant acquis peu de ces compétences (Acemoglu
& Autor, 2011 ; Green & Riddell, 2001 ; Hanushek & Woessmann, 2008 ; Joensen & Nielsen,
2009 ; McIntosh & Vignoles, 2001 ; Rose & Betts, 2004). Notamment, cette littérature met en
lumière les différents obstacles auxquels font face les individus possédant peu de
compétences en mathématiques sur le marché du travail.
 Tout d’abord, ces derniers sont plus susceptibles d’être au chômage ou inactifs (OCDE,
Statistique Canada, 2011). De plus, McIntosh & Vignoles (2001) démontrent, en explorant les
données britanniques issues de l’International Adult Numeracy (IAL) pour l’année 1995, que
de meilleures compétences en numératie sont associées à un taux d’emploi plus élevé. Selon
cette étude, le taux d’emploi des femmes possédant un niveau de compétence élevé en
numératie est supérieur de 18 points de pourcentage à celui des femmes possédant un faible
niveau de compétence (cet écart passe à 12 points de pourcentage lorsque les auteurs
prennent en compte l’éducation et l’environnement familial). L’effet est moins marqué chez
leurs homologues masculins : le taux d’emploi estimé étant supérieur de seulement 5 points

 12
Fonseca, Fontaine, Haeck

de pourcentage à celui des hommes peu qualifiés (3 points de pourcentage avec l’ajout des
contrôles pour l’éducation et l’environnement familial). Ces résultats sont concordants avec
ceux trouvés par Finnie & Meng (2006) pour le Canada avec les données de l’Enquête sur les
capacités de lecture et d’écriture utilisées quotidiennement de 1989. Dans une étude plus
récente portant sur des données américaines, Wolcott (2018) a décrit l’évolution des écarts
entre le taux d’emploi des hommes les plus qualifiés et celui des hommes les moins qualifiés
à travers le temps 7. Il note que le taux d’emploi de ces deux groupes était similaire et proche
de 90 % dans les années 1950. Cependant, à partir des années 60, un écart s’est dessiné : 5
points de pourcentage étaient estimés en 1960 contre 13 points de pourcentage en 2010. Ces
résultats sont supérieurs à ceux estimés par McIntosh & Vignoles (2001), cependant la
définition des groupes d’hommes qualifiés est différente. Wolcott (2018) utilise le niveau
d’éducation comme indicateur du niveau de compétences alors que McIntosh & Vignoles
(2001) utilisent les évaluations en numératie de l'Enquête internationale sur
l'alphabétisation des adultes (le prédécesseur du PEICA). Or, l’utilisation des mesures de
compétences directes est jugée plus adéquate que les mesures indirectes, comme le niveau
d’éducation, pour évaluer l’impact des compétences sur le marché du travail (Leuven et al.,
2004). Et comme le montre McIntosh & Vignoles (2001), les compétences jouent un rôle
même à éducation constante.
 D’autres études antérieures ont également montré que les inégalités de revenus ont
fortement augmenté dans les années 80, coïncidant avec la révolution technologique
observée au cours des dernières décennies (Bound & Johnson, 1992). Plusieurs hypothèses
sont avancées dans la littérature pour expliquer les plus faibles taux d’emploi et de
participation au travail des individus peu qualifiés. Selon la première hypothèse, il y a eu un
changement du côté de l’offre de ces travailleurs. En effet, les facteurs augmentant la valeur
du loisir comme les prestations sociales (Barnichon & Figura, 2015) et l’utilisation récréative
des ordinateurs (Aguiar et al., 2017) ont entraîné une baisse des heures travaillées des
personnes peu qualifiées. La deuxième hypothèse repose sur un changement au niveau de la
demande de ces travailleurs. Il y a eu un effet de substitution entre le capital et la main-
d’œuvre généré par l’automatisation, réduisant la demande des travailleurs les moins

7 Wolcott (2018) a exploité les données de la Current Population Survey (CPS) entre 1980 et 2010.

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Fonseca, Fontaine, Haeck

qualifiés (Acemoglu & Restrepo, 2019 ; D. Autor & Dorn, 2009 ; Autor, 2014 ; Fort et al., 2018
; Goux & Maurin, 2000). La mondialisation a également eu un impact négatif sur la situation
des travailleurs peu qualifiés aux États-Unis par le transfert de l’activité manufacturière en
Chine (Autor et al., 2016) et le Canada n’a pas été épargné (Anderson, 2005 ; Bigsten &
Munshi, 2014 ; Grenier & Tavakoli, 2009). Une autre hypothèse s’appuie sur le fait que la
révolution technologique et la croissance rapide des technologies de l’information et de la
communication (TIC) ont été en défaveur des travailleurs peu qualifiés (Lemieux, 2009).
Ceux-ci ont été particulièrement frappés par les changements numériques déployés dans la
recherche d’emploi tels que la diffusion des offres d’emploi en ligne, ceci a pu contribuer à
augmenter les frictions sur le marché du travail pour les employés peu qualifiés (Wolcott,
2018), augmentant ainsi les difficultés à chercher et trouver un emploi pour ceux-ci. Enfin,
de manière générale, on observe que les employeurs ont tendance à favoriser les candidats
possédant de solides compétences en mathématiques. Koedel & Tyhurst (2012) ont réalisé
une expérience de terrain en envoyant des CV fictifs pour lesquels des compétences
mathématiques 8 ont été attribuées au hasard à des employeurs potentiels. Les auteurs ont
constaté que les candidats ayant de meilleures compétences mathématiques ont davantage
suscité l’intérêt des employeurs, alors que les postes visés n’exigeaient pas particulièrement
de hautes qualifications mathématiques. Une des hypothèses soulevées par les auteurs est
que les employeurs perçoivent ces compétences comme des habiletés observables.
Finalement, une autre hypothèse mentionnée dans la littérature est les inégalités dues à la
mondialisation. La mondialisation a également eu un impact négatif sur la situation des
travailleurs peu qualifiés et le Canada n’a pas été épargné (Anderson, 2005 ; Bigsten &
Munshi, 2014 ; Grenier & Tavakoli, 2009).
 Le niveau de compétence en numératie affecte également d’autres déterminants du
marché du travail comme le statut d’emploi (temps plein vs temps partiel), les semaines et
les heures travaillées (Charette & Meng, 2016 ; Finnie & Meng, 2006). Les travailleurs peu
qualifiés se retrouvent également concentrés dans les emplois les plus précaires (DiPrete et

8 Koedel & Tyhurst (2012) ont ajouté des qualifications supplémentaires liées aux mathématiques dans les CV,
telles que les domaines étudiés des mineurs et des majeurs à l’université ainsi que des informations sur les
activités des candidats comme la participation à un groupe d’intérêt (par exemple : un club de mathématiques).

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Fonseca, Fontaine, Haeck

al., 2006), rendant les conditions de travail de ces travailleurs moins favorables. Ces
travailleurs se retrouvent donc désavantagés économiquement, et avec des revenus
moindres. Ils sont aussi moins susceptibles que les travailleurs occupant des emplois
qualifiés de suivre des formations leur permettant d’obtenir des promotions (Booth et al.,
2002) 9. Le manque de compétences en numératie apparaît donc comme le facteur principal
à l’origine de la situation peu favorable des individus possédant peu de compétences en
mathématiques sur le marché du travail. Le manque d’opportunités professionnelles et de
possibilités d’avancement les rend plus vulnérables à la pauvreté et à l’exclusion sociale.
 Par ailleurs, au chapitre de la rémunération, on constate que les individus possédant des
compétences élevées en mathématiques gagnent généralement des salaires supérieurs à
ceux possédant peu de ces compétences (Charette & Meng, 2016 ; Currie & Thomas, 2001 ;
Hanushek & Woessmann, 2008 ; Hastings et al., 2013 ; Joensen & Nielsen, 2009 ; McIntosh &
Vignoles, 2001 ; Rose & Betts, 2004 ; Wolcott, 2018). De ce fait, plusieurs études ont mis en
lumière le rôle majeur des compétences mathématiques dans la détermination du salaire, à
travers l’utilisation d’analyses crédibles prouvant le caractère causal de cette relation. Les
mécanismes principaux identifiés par plusieurs auteurs sont que les diplômés du secondaire
ayant une formation avancée en mathématiques sont plus susceptibles d’obtenir leur
diplôme du secondaire, de poursuivre des études universitaires et d’occuper des professions
nécessitant des exigences plus élevées en matière de compétences, et par conséquent, de
gagner des revenus supérieurs (Cortes et al., 2015 ; Goodman, 2017 ; Joensen & Nielsen,
2009 ; Rose & Betts, 2004).
 Cette hypothèse est appuyée par deux études qui ont identifié l’impact causal des
programmes d’études liés aux sciences, à la technologie, au génie et aux mathématiques
(STGM) sur les revenus sur le marché du travail. Tout d’abord, Hastings et al. (2013) ont
exploité la discontinuité dans les règles d’admission des programmes postsecondaires au
Chili pour examiner l’effet du domaine d’études sur les revenus d’emploi. Les auteurs
montrent que les rendements éducatifs les plus importants sont observés parmi les étudiants
issus des domaines en santé, sciences et technologies, droit et sciences sociales

9 Booth et al. (2002) ont estimé que, par rapport aux travailleurs occupant un emploi permanent, les travailleurs
sous contrat ou saisonniers ont respectivement 12 et 20 % moins de chance de suivre une formation liée à
l’emploi.

 15
Fonseca, Fontaine, Haeck

comparativement aux diplômes en sciences humaines, arts et éducation où les rendements
sont faibles ou négatifs et ne diffèrent pas significativement de zéro. Ensuite, Kirkeboen et al.
(2016) estiment les rendements éducatifs de différents domaines d’études postsecondaires.
Pour cela, les auteurs ont exploité diverses sources de données administratives norvégiennes
couvrant, entre autres, les demandes d’admission postsecondaires pour la période allant de
1998 à 2004. Le système d’admission au postsecondaire en Norvège est particulièrement
intéressant puisque le processus est centralisé et couvre la majorité des institutions du pays.
Ce processus génère des discontinuités qui randomisent efficacement les candidats proches
des seuils d’admission dans différents domaines d’études et écoles. Ayant accès également à
la liste des domaines demandés par les candidats, les auteurs sont en mesure d’estimer des
modèles exprimés par rapport à la meilleure alternative. Plus spécifiquement, ils estiment les
rendements éducatifs de différents domaines par rapport à un autre domaine. Par exemple,
choisir la médecine, l’ingénierie, les sciences, les affaires, le droit et la technologie plutôt que
les sciences humaines entraînent un effet significatif et positif sur les salaires. Les individus
ayant choisi les sciences plutôt que les sciences humaines ont approximativement triplé leur
salaire au début de leur carrière professionnelle. Notons toutefois qu'il peut exister d’autres
facteurs pouvant expliquer les différences de rendements entre les domaines d’études,
comme la demande de travail dans ces spécialités.
 Les bénéfices sur les revenus ne se font pas seulement ressentir pour les individus ayant
étudié dans les domaines d’études STGM. Les élèves qui suivent des cours additionnels de
mathématiques voient eux aussi des effets positifs sur leur situation sur le marché du travail.
À ce sujet, Joensen & Nielsen (2009) ont exploité un projet pilote instauré dans certaines
écoles secondaires au Danemark entre 1984 et 1987, permettant aux élèves de suivre
différentes combinaisons de cours incluant des cours de mathématiques avancés. Les élèves
admis dans ces écoles secondaires n’étaient pas informés de l’implémentation du programme
à l’avance 10. En utilisant comme instrument la variation exogène de l’exposition de ces élèves
aux cours de mathématiques, les auteurs ont trouvé un impact positif et significatif sur les
revenus à l’âge adulte. Les étudiants ayant participé au projet pilote obtiennent des revenus

10 Les élèves n’ont donc pas spécifiquement visé ces écoles dans le but de suivre ces nouvelles combinaisons de
cours.

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Fonseca, Fontaine, Haeck

supérieurs de 20 à 25 % comparativement aux élèves n’ayant pas participé au projet.
Goodman (2017) a exploité les changements au niveau des exigences en mathématiques des
écoles secondaires survenus aux États-Unis après la publication en 1983 du rapport de la
Commission nationale de l’excellence en éducation intitulé « A Nation at Risk: The Imperative
for Educational Reform 11 ». L’auteur trouve que les cours supplémentaires de mathématiques
ont eu un impact significatif et positif sur les revenus gagnés sur le marché du travail, et l’effet
était surtout observé parmi les élèves ayant de faibles compétences dans ce domaine. L’effet
estimé est une augmentation d’environ 3 % sur leurs revenus gagnés à l’âge adulte, ce qui
suggère que chaque cours de mathématiques apporte un rendement éducatif d’environ 10 %.
Au Canada, Finnie & Meng (2006) montrent pour leur part que les hommes et les femmes ont
avantage à acquérir des compétences en numératie et en littératie pour augmenter leur
chance de réussir sur le marché du travail. En effet, les auteurs trouvent des effets significatifs
et positifs sur les revenus, surtout chez les hommes décrocheurs. Les résultats montrent
toutefois que chez les femmes, ce sont surtout celles possédant des compétences élevées qui
retirent le plus de bénéfices sur leurs revenus.
 La sous-section qui suit expose les différences en matière de compétences
mathématiques observées selon différentes caractéristiques sociodémographiques. Les
principales recensées dans la littérature sont essentiellement celles liées au genre, à l’âge et
à l’environnement familial.

 2.2. Choix du domaine d’études
 Il existe des différences importantes entre les hommes et les femmes en ce qui a trait
au niveau de compétences en numératie. Un des mécanismes identifiés dans la littérature est
celui du choix du domaine d’études : même si les femmes sont plus nombreuses que les
hommes à obtenir un diplôme universitaire, elles sont moins susceptibles que les hommes à
se spécialiser dans le domaine des STGM (Card & Payne, 2017 ; Griffith, 2010 ; Kahn &
Ginther, 2017 ; Mouganie & Wang, 2020). Card & Payne (2017) ont exploité des données
administratives provenant du système centralisé des admissions universitaires ontariennes,
à savoir l’Ontario University Application Center (OAC). Ces données contiennent des

11 Ce rapport présente des recommandations afin d’améliorer la qualité de l’enseignement en offrant entre
autres des cours supplémentaires dans les domaines de base .

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Fonseca, Fontaine, Haeck

informations sur les cours et les notes du secondaire ainsi que le programme universitaire
pour lequel les candidats ont été admis, entre 2005 et 2012. L’échantillon, composé de plus
400 000 nouveaux entrants à l’université, révèle que 30,3 % des femmes et 42,5 % des
hommes s’inscrivent dans un programme STGM, soit un écart de 13,2 %, alors même que les
femmes comptent pour plus de la moitié des admissions universitaires totales (57,5 %).
Leurs analyses suggèrent que les femmes ont tendance à suivre moins de cours liés aux STGM
durant la dernière année du secondaire. En moyenne, les filles et les garçons admis dans les
programmes STGM au secondaire ont des notes similaires en mathématiques et en sciences,
mais les filles ont des notes plus élevées que les garçons dans les matières littéraires.
L’avantage comparatif des filles en littératie explique une part substantielle de la différence
entre les genres dans la probabilité de poursuivre dans le domaine des STGM à l’université.
Griffith (2010) souligne également que d’une part, les femmes sont moins nombreuses que
les hommes à choisir une spécialisation dans le domaine des STGM, mais lorsqu’elles le font,
elles sont aussi moins susceptibles de persister dans ces domaines. L’auteure identifie trois
mécanismes de rétention des étudiantes dans les domaines des STGM : les notes de première
année, le ratio d’étudiants au premier cycle et la proportion de femmes précédemment
diplômées dans les domaines STGM. L’hypothèse du rôle des modèles de réussite féminin est
aussi supportée par Mouganie & Wang (2020). Les résultats de leur étude révèlent que
l’exposition à des pairs féminins très performants en mathématiques augmente la probabilité
que les filles aient un parcours universitaire scientifique. Deux études ont identifié le lien
causal entre la performance académique en sciences des femmes et le sexe de l’instructeur.
La probabilité que les filles poursuivent des études supérieures en STGM augmente lorsque
l’enseignement est dispensé par une femme (Bettinger & Long, 2005 ; Carrell et al., 2010).
D’autre part, la façon dont la matière est enseignée peut diminuer l’intérêt des femmes dans
un domaine. Par exemple, Boggio et al. (2020) ont montré qu’offrir un cadre spécifique au
genre, c’est-à-dire un cadre dans lequel les femmes peuvent s’identifier, peut jouer un rôle
dans l’augmentation de leur intérêt dans un domaine et dans leur cas pour la littératie
financière. Cette approche permet de contribuer à réduire les écarts observés entre les
hommes et les femmes dans les activités financières.

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Fonseca, Fontaine, Haeck

 2.3. Lien entre numératie et caractéristiques sociodémographiques
 Selon les résultats du PEICA de 2012, les évaluations dans le domaine de la numératie
révèlent que les hommes obtiennent des scores plus élevés que les femmes. Au Canada, cet
écart est de 14,6 points (avec une erreur-type égale à 1,2) et il est de 11,7 points (avec une
erreur-type égale à 0,3) en moyenne pour l’ensemble des pays participants (OCDE, 2013,
Tableau A3.4 (N), p. 294). Notons que les résultats sont en faveur des femmes en ce qui
concerne les évaluations en littératie. Ces différences liées au genre dans les résultats en
mathématiques mesurés à l’âge adulte se reflètent également à travers les évaluations du
Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) évalué à l’âge de 15 ans.
Les adultes âgés de moins de 27 ans font également partie des cohortes évaluées par les
enquêtes PISA de 2000 à 2009. Au Canada, les résultats du PISA 2000 révèlent que les garçons
devançaient les filles en mathématiques de 10 points 12 en moyenne (Bussière et al, 2001),
cette différence équivaut à un cinquième d’année scolaire, sachant qu’une année d’étude
représente l’équivalent de 47 points au Canada sur l’échelle PISA 13 (OCDE, 2007). En 2012,
parmi les adultes âgés de 25 à 34 ans du PEICA (ceux qui faisaient partie de la cohorte évaluée
par le PISA 2000), on recensait une différence de 13 points en numératie entre les hommes
et les femmes (OCDE, 2013 : Tableau B3.1 (N), p. 449). Dans le PEICA, une différence de score
de 13 points représente l’équivalent de près de deux années scolaires 14 (OCDE, 2013). Ainsi,
les inégalités de compétences entre les hommes et les femmes observées à l’adolescence
persistent et se creusent à l’âge adulte.
 Outre, les différences de choix occupationnels mentionnés précédemment, il existe
d’autres facteurs qui peuvent influencer les femmes à s’orienter ou non vers un champ
d’études ou une profession exigeant des compétences élevées en mathématiques, comme les

 Les résultats des évaluations aux tests PISA se basent sur une échelle de compétence normalisée dont la
12

moyenne internationale s’établit à 500 points de score et l’écart-type à 100 (OCDE, 2014b).

13« Enfin, dans les 28 pays de l’OCDE dont une proportion non négligeable d’élèves de 15 ans fréquente au
moins deux années d’études différentes, l’écart de performance entre ces deux années d’études montre qu’une
année d’études représente en moyenne 38 points sur l’échelle PISA de culture scientifique » (OCDE, 2007 :
Encadré 2.5 p. 62). Cette équivalence varie selon le pays, et est de l’ordre de 47 points pour le Canada (OCDE,
2007 : Tableau A1.2).

14 Une année d’éducation est donc équivalente à 7 points en moyenne sur l’échelle de scores PEICA (OCDE,

2013).

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