Le pavillon, un concept obsolète ? - Vers un nouveau pavillon français

 
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Institut Français de la Mer
                       Article paru dans la revue Marine
                             n° 202 de janvier 2004

               Le pavillon, un concept obsolète ?
               Vers un nouveau pavillon français
Bernard Dujardin
CV (h), vice-président de l’Institut français de la Mer, professeur de droit, d’économie et de
stratégie de la mer à l’ENSTA

        Historiquement, le pavillon sur la poupe du navire distingue le bâtiment régulier du
bâtiment pirate. Mais dans les temps modernes, la piraterie peut s’accommoder d’un pavillon
selon la convention des Nations unies sur le droit de la mer 1 :

Article 104 - Conservation ou perte de la nationalité d'un navire ou d'un aéronef pirate
Un navire ou aéronef devenu pirate peut conserver sa nationalité. La conservation ou la perte de
la nationalité est régie par le droit interne de l'État qui l'a conférée.

        La même convention établit le droit de la nationalité des navires2 :

Article 91 - Nationalité des navires
1. Chaque État fixe les conditions auxquelles il soumet l'attribution de sa nationalité aux navires,
les conditions d'immatriculation des navires sur son territoire et les conditions requises pour qu'ils
aient le droit de battre son pavillon. Les navires possèdent la nationalité de l'État dont ils sont
autorisés à battre le pavillon. Il doit exister un lien substantiel entre l'État et le navire.
2. Chaque État délivre aux navires auxquels il a accordé le droit de battre son pavillon des
documents à cet effet.
Article 92 - Condition juridique des navires
1. Les navires naviguent sous le pavillon d'un seul État et sont soumis, sauf dans les cas
exceptionnels expressément prévus par des traités internationaux ou par la Convention, à sa
juridiction exclusive en haute mer. Aucun changement de pavillon ne peut intervenir au cours
d'un voyage ou d'une escale, sauf en cas de transfert réel de la propriété ou de changement
d'immatriculation.
2. Un navire qui navigue sous les pavillons de plusieurs États, dont il fait usage à sa convenance,
ne peut se prévaloir, vis-à-vis de tout État tiers, d'aucune de ces nationalités et peut être assimilé à
un navire sans nationalité.

        Le navire militaire obéit à une autre logique de la liberté des mers :

Article 29 - Définition de « navire de guerre »
Aux fins de la Convention, on entend par « navire de guerre » tout navire qui fait partie des
forces armées d'un État et porte les marques extérieures distinctives des navires militaires3 de sa

1 Disponible en langue française sous Pdf sur le site Internet de l’IFM : www.ifm.free.fr.
2 En droit français, la nationalité ne s’applique qu’aux personnes physiques ou morales mais non à un territoire (on
parle alors de possession) ou à un bien meuble (on parle alors de patrimoine). Le mot « nationalité » est en
conséquence un abus de langage. Un navire français, grec ou libérien ne possède pas la citoyenneté française,
grecque ou libérienne.
3 Ces marques extérieures distinctives ne sont pas nécessairement celles du pavillon civil. Le white ensign de la
Royal Navy n’est pas le red ensign des navires civils britanniques.

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nationalité, qui est placé sous le commandement d'un officier de marine au service de cet État et
inscrit sur la liste des officiers ou un document équivalent, et dont l'équipage est soumis aux
règles de la discipline militaire.

       L’examen de l’état du pavillon en ce début de siècle ne concerne que les navires civils et
plus particulièrement ceux qui sont armés au commerce. Les navires de pêche et de plaisance
obéissent à d’autres dispositions bien que l’état de leur pavillon soit tout aussi précaire 4 que celui
des navires marchands.

Du droit du sol
       Les juristes, après de longues hésitations qui ne peuvent que laisser le marin perplexe,
donne au navire la définition suivante : « un bâtiment flottant exposé aux périls d’une navigation
en mer ». Donner une nationalité à cet objet laisse tout aussi perplexe. Mais rattacher un navire à
un État est nécessaire pour que sur ce navire, soit respecté un état de droit établi par l’État du
pavillon qu’il arbore à la mer. Les effets juridiques du pavillon varient avec le droit interne de
chaque pays.

        Dans les pays d’esprit maritime, l’approche pragmatique (qualifiée souvent de libérale)
considère que le seul principe à appliquer est le principe de souveraineté de l’État sur le navire,
érigé en principe général du droit de la mer. Un État de droit demande en conséquence à
l’armateur d’appliquer sur son navire un état de droit fixé selon trois axes majeurs. Dans les eaux
internationales, l’ordre public à bord obéit au droit de l’État du pavillon ; dans les eaux
intérieures et portuaires, il obéit au droit de l’État du lieu. L’armateur s’engage à faire respecter
sur son navire les conventions internationales auxquelles l’État du pavillon est partie. Le droit
contractuel lie l’armateur à son personnel navigant et respecte le droit de l’État où le contrat est
établi à la convenance des parties qu’il soit ou non du pavillon.

       Le droit maritime français sous l’impulsion de la juridiction administrative complète cette
approche. Les contorsions jurisprudentielles où l’on reconnaît le souffle de l’esprit colonial, ont
en effet depuis deux siècles conduit via le droit de battre pavillon tricolore, à assimiler le navire
au sol national. Le droit commun français s’applique sur un navire comme sur le territoire de la
République et des dérogations sont appliquées s’il le faut. Ainsi pendant que le code général des
impôts exclut explicitement l’application de la TVA aux navires, il maintient tacitement le droit
commun de l’imposition sur les revenus salariaux acquis à bord hors de France. Dans sa
plaidoirie devant la Cour de Justice des Communautés européennes (arrêt du 30 septembre 2003),
la Commission européenne rejoint ce point de vue et : « relève qu’un navire battant le pavillon
d'un État membre est certes considéré comme faisant partie du territoire de cet État. »

        Le bâtiment de mer s’apparenterait à un bien immobilier5 établi sur un domaine foncier.
Or un navire n’est pas une parcelle du territoire national. Il ne se déplace pas - ou ce serait fort
incongru - avec sa mer territoriale et sa zone économique exclusive autour de lui. Aucun engin de
locomotion terrestre ou aérienne n’a un tel statut, le navire non plus bien qu’il se distingue par le
pavillon. Il est vrai que tout transport terrestre circule sur le territoire d’un État souverain et que
le transport aérien est si rapide qu’il n’est pas possible « d’y convenir d’une résidence » dans
l’espace aérien international.

        En France, la jurisprudence - qui repose sur les principes généraux du droit français –
applique autant que faire se peut le droit du sol. C’est de celui-ci que procéderait l’exercice de
souveraineté de l’État français sur le navire et qui conduirait à ce que le régime de droit
applicable y soit celui du territoire national. À titre d’illustration, la France est le seul pays à
classer des navires « monuments historiques » au titre de la conservation du patrimoine6. Jacques
Chauveau s’interroge devant l’Académie de marine le 19 février 2003 : « Nous sommes donc les
meilleurs !... à moins que le manque de protection de ce genre, dans les autres pays, ne vienne du
fait que la fibre maritime y est assez forte pour assurer la sauvegarde du patrimoine. » La

4 L’acquéreur d’un navire de plaisance en France se voit proposé le choix d’un pavillon parmi quinze pour l’armer.
Le pavillon belge semble actuellement le mieux placé en termes de coût administratif.
5 Il en résulte que le navire est le seul bien meuble hypothécable.
6 Une fois classés, ces navires ne peuvent plus changer de pavillon. Certains disent que ce serait une manière de
transformer le littoral français en sanctuaire pour les épaves.

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convention qui fait du navire une parcelle du sol national si elle se justifie pour le navire de
souveraineté qu’est le navire de guerre, ne se comprend pas pour le navire civil.

        Ainsi le contrat de travail sur un navire s’exécute sur le sol de l’État français. Mais ce
principe de droit n’est et ne peut pas être respecté. Les thoniers français du golfe de Guinée
embauchent aux conditions sénégalaises des navigants sénégalais sans changer de pavillon. La
plupart des crevettiers de Guyane française sont armés par des pêcheurs de toutes nationalités
sauf française sous le statut de leur pays. Les personnels britanniques travaillant sur les ferries
battant pavillon français de BAI sont des résidents britanniques employés aux conditions du
Royaume-Uni. Les supply-ships français ont des équipages recrutés localement, là où ils opèrent,
etc. Sans parler des immatriculations à Port-aux-Français et Mata-Utu7.

Du pavillon postcolonial
        L’environnement juridique aidant, le monde politique s’inscrit - une fois la décolonisation
achevée, un quart de siècle durant - dans une attitude défensive du pavillon au nom d’un
nationalisme bleu-blanc-rouge périmé. Alors même que le droit du sol conduit la flotte française
dans l’impasse de la sous-productivité, une ligne Maginot se construit avec quelques cargaisons
réservées, principalement le pétrole, et des subventions publiques en dents de scie. Cette thérapie
des soins palliatifs va réussir. Le pavillon français passe du quatrième rang mondial en 1964 au
vingt-huitième en 19908 alors que le commerce maritime mondial quadruple de volume.
L’armateur français qui dépavillonne sous la pression de bilans en zone rouge, est considéré
comme antisocial, antinational et immoral. L’opinion publique maritime le préfère voir mourir
dans la dignité, drapé dans le pavillon national. Certains signaux faibles sont bien émis (mais non
reçus) qui indiquent d’autres voies. Il se crée autour de l’industrie pétrolière sous pavillon
français9 la seconde flotte de supply-ships mondiale. Il existe dans les années soixante-dix un fort
développement de la flotte française du Pacifique dont le navire amiral est l’Île de Lumière10.

       Il faut attendre 1986 pour qu’un nouveau comportement politique apparaisse et pose la
question du pavillon sous un angle actualisé. Le plan marine marchande Chirac-Guellec va être la
première bien que timide ouverture vers le grand large. Le pavillon s’exile dans les quarantièmes
rugissants parce que l’atmosphère des ports hexagonaux lui est létale. L’alternative est entre les
TAAF et le Territoire des Îles Éparses (TIE), entre Port-aux-Français et Europa. L’administration
supérieure des TAAF est alors dans le XVIIe arrondissement de Paris, celle des TIE à Sant-Denis
de la Réunion. Les TAAF l’emportent. Elles sont plus proches11.

       Il n’est pas lieu ici de faire l’histoire des tribulations du pavillon français des Kerguelen.
Cette immatriculation de substitution a dorénavant fait son temps. L’heure du retour d’exil est
venue pour le pavillon. Ce ne sera pas celui des cendres. La proposition de registre international
français (RIF)12 vient à point.

De la loi internationale
        La loi européenne de libre circulation des hommes et des biens fait que de nos jours, rien
n’interdit à un armateur installé à Marseille d’immatriculer un navire à Hambourg et d’embarquer
à bord du personnel français aux conditions françaises d’armement (cas de la CMA-CGM), à un
armateur résidant à Bastia d’immatriculer un navire en Italie et d’embarquer à bord du personnel
français (cas de Corsica ferries). Rien n’interdit à un armateur installé dans un pays européen
d’immatriculer un navire en France avec du personnel obéissant au régime juridique d’autres
pays européens. La CMB, armateur belge arme ainsi des pétroliers français dont l’un s’appelle le
Limburg.

7 Port-aux-Français (archipel des Kerguelen - Terres australes et antarctiques françaises) et Mata-Utu (Wallis &
Futuna).
8 En 2001, la flotte sous pavillon français est au 31 e rang mondial, mais la flotte contrôlée se situe au 25e rang.
9 Immatriculée à Djibouti puis à Port-aux-Français.
10 Armé par Médecins sans frontières alors sous la présidence de Bernard Kouchner pour recueillir en mer les boat
people vietnamiens fuyant la Terreur. Cette flotte est immatriculée à Mata-Utu.
11 Aujourd’hui, l’administration des TAAF est décentralisée à Saint-Pierre de la Réunion.
12 Annexe au procès-verbal de la séance du Sénat du 30 octobre 2003 : Proposition de loi relative à la création du
registre international français, présentée par M. Henri de Richemont, Josselin de Rohan, Jacques Oudin, Patrice
Gélard et Lucien Lanier, Sénateurs.

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La pratique internationale fait que rien n’interdit à un armateur installé au Havre
d’immatriculer un navire à Nassau (Bahamas) et d’embarquer à bord du personnel français (cas
de Delmas SNV) ou aux conditions internationales.

         Il est à ce titre curieux que si les consulats français recensent les expatriés français, les
services français de la marine marchande (tout comme les organisations syndicales) ne
connaissent pas les personnels navigants de nationalité française qui n’émargent pas au régime de
sécurité sociale de l’ENIM. Et pourtant, ces marins français existent. Combien sont-ils ? Si ne
sont comptabilisés que les brevetés des écoles françaises (ENMM et EMA principalement), leur
nombre est évalué à un minimum d’un quart de la population navigante française naviguant au
commerce, soit de l’ordre du millier de personnes. Si tous les nationaux sont pris en compte
qu’ils aient des brevets français ou étrangers régulièrement acquis, leur nombre pourrait atteindre
le tiers des effectifs ENIM du commerce.

       Faut-il remarquer que chez nos cousins maritimes d’outre-Manche, il existe un syndicat
réunissant 19 000 adhérents, le NUMAST (national Union of marine aviation and shipping
transport officers) dont l’objectif est de défendre all over the world les intérêts matériels et
moraux des officiers de la marine marchande british citizen sous quelque bannière qu’ils
naviguent. Le principe est simple. Britannia rules the waves. En conséquence tout sujet de Sa
Majesté est - qualifications acquises - en mesure de commander tout navire quel que soit le
pavillon qu’il arbore.

        La convention de Montego bay exige « qu’il doit exister un lien substantiel entre l’État et
le navire. 13 » Quel est-il ? En France jusqu’en 1986, date des directives communautaires
d’application de la libre-circulation au transport maritime, le lien substantiel était double : le
propriétaire devait être Français et l’équipage également. Depuis 1986, aucun de ces deux critères
ne reste valable. Le propriétaire comme l’équipage14 peut être de n’importe quelle nationalité
européenne. Tout non-Européen résidant régulièrement dans un pays européen qui peut ne pas
être la France, a les mêmes droits qu’un citoyen de nationalité française résidant ou non en
France (principe de non-discrimination). Si la question du propriétaire se pose en termes de
personnes physiques, elle se pose surtout en termes de personnes morales. La filiale d’une
entreprise étrangère dont le capital appartient à des non-Européens, enregistrée en Europe, peut
également être propriétaire d’un navire européen.

        Autant dire que les pavillons européens sont des pavillons de libre-immatriculation.
Ce qui distingue les États européens entre eux, repose sur les facilités offertes aux entreprises
d’armement en matière d’embauche et de fiscalité. Toute l’Europe maritime, les Pays-Bas ayant
ouvert la voie en 1995 et la France la fermant en 2003 applique en matière fiscale la taxe au
tonnage, reprenant ainsi le principe général des pavillons de commodité (flag of convenience) qui
vivent de cette ressource. En matière de droit social, l’Europe maritime à l’exception de la France
- mais le RIF devrait combler cette lacune - applique le principe de l’emploi aux conditions
internationales (normes du blue ticket de l’ITF - international tradeworkers Federation) et
alternativement celui de l’emploi aux conditions sociales du pays d’origine pondéré le cas
échéant15 par le respect des règles de l’Organisation internationale du travail (OIT) ratifiées par
l’État du pavillon. La Commission européenne organise l’harmonisation de ces ratifications.

13 La convention de Montego bay de langue anglaise dit : « There must exist a genuine link between the State and
the ship. » Le mot « genuine » ne se traduit pas naturellement par substantiel, mais par authentique dans son
acception britannique, réel dans son acception américaine. Ainsi la version de langue française de la convention n’a
pas la même signification que la version de langue anglo-saxonne.
14 En France, le capitaine et son suppléant doivent être de nationalité française. En Norvège où l’emploi maritime
est notablement plus développé qu’en France, le droit ne crée pas d’obligation d’imposer la présence de nationaux
sur le navire du pavillon. Il ne viendrait pas à l’idée d’un armateur de Bergen d’armer un navire sans la présence
substantielle de nationaux à bord. L’arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes du 30 septembre
2003 établit une jurisprudence claire : le traité européen « n’autorise un État membre à réserver à ses ressortissants
les emplois de capitaine et de second des navires marchands battant son pavillon qu’à la condition que les
prérogatives de puissance publique attribuées aux capitaines et seconds de ces navires soient effectivement exercées
de façon habituelle et ne représentent pas une part très réduite de leurs activités. » Dans ces conditions, dorénavant,
seul l’Abeille Flandre peut de droit avoir un capitaine français. Voir sur cette jurisprudence l’article d’Antoine de
Gouville dans la Revue Maritime n° 467 accessible sur www.ifm.free.fr.
15 Dans le cas où le pays d’origine ne les aurait pas adoptées.

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Rien ne distingue de nos jours un pavillon européen d’un pavillon de commodité (FOC -
flag of convenience). L’ITF en donne la définition suivante : « Un navire sous pavillon de
commodité est un navire qui bat pavillon d’un pays autre que celle du propriétaire. » Elle
considère que dans ces pays, il n’y a pas de lien substantiel entre l’État du pavillon et le
propriétaire. Dans la réalité, le comité des pratiques loyales de l’ITF arrête une liste révisée
annuellement qui compte aujourd’hui vingt-huit registres. Pourquoi ces pavillons seraient-ils
socialement plus répréhensibles que certains pavillons dits nationaux ? L’ITF s’est-elle interrogée
sur les salaires des navigants du Joola ? S’intéresse-t-elle aux conditions d’emploi des marins
chinois des navires battant pavillon de la république populaire de Chine16 dont les rémunérations
peuvent être du cinquième de celles d’un navire sous pavillon de libre immatriculation doté d’un
certificat ITF ? S’intéresse-t-elle aux personnels des compagnies « publiques » de ferries du
Bangladesh ?...

De la complaisance
       Les idées reçues en matière de complaisance sont légion. Pavillon de complaisance et
paradis fiscal seraient associés pour le pire. Jusqu’en 1995, année de la réforme des conditions
d’armement aux Pays-Bas, les armements des pays de l’OCDE dépavillonnent les navires les
moins compétitifs. Ils les enregistrent dans des pays de libre immatriculation. L’euphonie du mot
anglais convenience le fait rimer avec complaisance.

       La confusion voulue ou non entre navires sous normes et navires sous pavillon de libre
immatriculation est à rejeter. Il existe des navires sous normes également dans des pays bien
pensants. Les listes blanches et noires des memorandum of understanding (MOU)17 de Paris et de
Tokyo placent au tableau d’honneur ou à celui de la honte les États dont les navires respectent le
mieux ou le moins bien les normes de sécurité établies par l’OMI.

        Sur la liste noire, en 2002, onze pavillons de libre immatriculation - dont le principal,
celui de Panama qui doit son succès à sa permissivité - sur vingt-huit sont de complaisance
laissant naviguer des navires sous normes18, mais vingt-deux États se disant user d’un lien
substantiel avec le pavillon national pour leur propre usage sont à ce titre également de
complaisance (voir tableau).

       Et quand le regard se tourne vers la liste blanche, quelle n’est pas la surprise de constater
que huit pavillons de libre immatriculation tracent leur route sans complexe au milieu des
meilleurs pavillons nationaux. Quatre de ces pavillons, ceux des Bahamas, du Liberia, des Îles
Marshall et du Vanuatu sont de meilleure qualité que le pavillon français.

        Pierre Jourdan-Barry19 expose en 1978 l’enjeu : « Un amalgame constant est pratiqué
entre des notions essentiellement différentes : pavillons de complaisance, navires techniquement
inférieurs aux normes, compétence des états-majors et niveau de rémunération des
équipages... Comment imaginer que les propriétaires de navires géants modernes, dont la valeur
représente des dizaines de millions de dollars, en confient la conduite à des incapables ou que
des marins français, italiens, ou allemands acceptent des rémunérations inférieures à celles
qu’ils percevraient sous pavillon national... Leur avantage essentiel réside dans la liberté totale
d’action qu’ils assurent. L’armateur doit pouvoir vendre ou acheter, commander, louer ou
prendre en location ses navires sans entraves administratives. »

       Les pays de libre immatriculation perçoivent des droits en échange de l’octroi de leur
pavillon. À titre d’exemple, en 2003, pour un navire de 44 000 UMS 20, le droit d’entrée du
pavillon des îles Marshall est de 15 000 dollars et le droit annuel de 10 420 dollars21. En 1948, les

16 Le pavillon rouge n’est pas sous le feu des critères de l’ITF. Il n’est pas un FOC et en conséquence, peut « nourrir
ses équipages au lance-amarre », c’est-à-dire pour des salaires versés en monnaie non convertible de 200 à 300
dollars mensuels.
17 Port state control (contrôle par l’État du port).
18 Ce qui ne signifie pas que tous leurs navires soient sous norme, mais qu’une part significative d’entre eux le soit.
19 Académicien de marine. In les Échos du 6 juillet 1978.
20 Unité de mesure de l’Universal Maritime System.
21 À titre de comparaison, la taxe au tonnage instituée au 1er janvier 2003 en France fixe le droit annuel pour un
navire de même taille à 22 800 euros soit 27 000 dollars.

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dix premiers registres de libre immatriculation représentent 5 % de la flotte mondiale, en 1955
9 %, en 1970 23 %, en 1985 37 %, en 1998 56,5 % et en 2003 57,5 %.

       Les équipages de ces navires ne sont pas de la nationalité du pavillon. Ils sont
multinationaux. Les principales sources de recrutement sont outre celles du pays de l’armateur
qui confie de préférence ses navires à un état-major de sa nationalité des agences de main
d’œuvre de Croatie, de Grande-Bretagne, d’Irlande, de Pologne, de Russie et de Turquie dans la
zone européenne ; de Chine, d’Inde, d’Indonésie, des Philippines (les premiers en nombre) dans
la zone asiatique.

         L’approche sociologique de Pierre Jourdan-Barry22 confirme l’approche économique :
« ... le métier de marin a, de tout temps, été considéré comme dangereux et peu gratifiant. Ce ne
sont donc, historiquement, que les peuples pauvres qui l’ont exercé en grand nombre. Il est ainsi
certain que c’est le manque de ressources locales qui a conduit les Norvégiens et Grecs, en
particulier, à devenir et rester des peuples de mer. En France, c’est la Bretagne et les régions les
plus pauvres qui, laissées longtemps à l’écart de l’industrialisation, ont constitué le réservoir
principal de marins français. »

        Cet emploi de personnel du tiers-monde est une des meilleures voies de transfert financier
nord-sud. Depuis cinquante ans, la croissance quantitative et qualitative des populations de
navigants dans certains pays en développement - notamment aux Philippines - est remarquable,
au point que celles-ci constituent près des deux tiers des effectifs employés au commerce
maritime international. La vocation maritime constitue un ascenseur social remarquable. Ces
personnels ont intérêt à naviguer au régime international sur un navire librement immatriculé 23 où
il n’est pas victime de mesures protectionnistes (closed shop) imposées par les syndicats de
marins nationaux et où il est employé par un armateur du nord conscient de la nécessité du
paiement régulier des salaires plutôt que sur le ferry - souvent sous normes - d’une compagnie
publique battant pavillon philippin. Le couplage des certificats ITF qui mettent à l’abri de
l’exploitation sociale et de l’internationalisation STCW24 des brevets emploie l’able seaman
philippin à 1 100 dollars par mois. Celui-ci perçoit un revenu plus de cinq fois supérieur à celui
qu’il toucherait à qualification comparable dans son pays.

        Les personnels du tiers-monde employés dans les conditions sociales de l’ITF ou
supérieures constituent une population évaluée à 350 000 travailleurs dont la somme des revenus
annuels en grande partie virés à leur famille vivant au pays représente chaque année près de
6 milliards de dollars. Ainsi dans le secteur de la marine marchande - parce que le carcan du
pavillon a explosé - est réunie une grande partie des ferments du processus de développement
économique. Dans des pays qui restent pauvres, émerge une catégorie de population à la fois bien
formée et aisée, celle des marins au commerce international. Les pavillons de libre
immatriculation servent ainsi de marchepied au développement dans les pays déshérités.
Nous sommes loin d’une vision primaire de la complaisance, mais cette situation est en grande
partie la conséquence, il est bon de la saluer, de l’action militante et résolue de l’ITF.

De la protection du pavillon
        L’idée que le pavillon protège est une vieille notion qui tourne parfois au leitmotiv rituel.
Tout débat au Parlement sur le shipping l’aborde peu ou prou d’une manière affirmative absolue.
Il s’agit ainsi de confirmer la souveraineté sur le navire à qui est « octroyé » le pavillon.

        Quand cette souveraineté est menacée par un État tiers, en cas de guerre notamment, le
navire peut bénéficier de la protection diplomatique et le cas échéant militaire de son pavillon,
c’est-à-dire de l’État qui lui a délivré son acte de rattachement à la nation25 si cet État en décide
ainsi. La réalité est plus complexe.

       Pendant les deux guerres mondiales, la Royal Navy protège le commerce du Royaume-Uni
et de ses alliés avec les pays tiers quel que soit le pavillon du navire de commerce. Souvenons-

22 In le Monde du 19 décembre 1989.
23 Depuis 1995, une voie alternative lui est ouverte sur les navires européens sous pavillons de type hollandais.
24 Convention OMI de 1997 sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille
(STCW - Standards of Training, Certification and Watchkeeping).
25 Acte de francisation en France.

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nous des convois de l’Atlantique des années sombres. Certes, le red ensign était majoritaire, mais
d’autres pavillons alliés et neutres s’y mêlaient. Tous étaient protégés de la même manière parce
qu’ils participaient d’une façon ou d’une autre à l’effort de survie de la nation.

        Pendant la guerre entre l’Irak et l’Iran, le soutien éloigné des navires civils français dans
le golfe arabo-persique par la Marine nationale est mis en place en 1985 puis le soutien rapproché
de juillet 1987 à novembre 1988 (opération Prométhée) après les agressions successives subies
par un pétrolier français de la British Petroleum qui reçoit deux missiles air - sol et par le Ville
d’Anvers de la NCHP attaqué à la mitrailleuse et au lance-roquettes. Les navires civils26 sont
alors « accompagnés » par des navires de guerre afin de dissuader un éventuel agresseur attiré par
ces cibles sans défense. Cette dissuasion montre son efficacité. Faut-il aller jusqu’à changer de
pavillon pour obtenir ce droit à l’assistance ? Lors d’un voyage resté fameux, l’Antanarivo,
battant pavillon malgache, appartenant à la compagnie française NCHP se fait placer sous
pavillon français27 à Oman et prend le nom de Ville de Tananarive le temps d’un unique aller et
retour au fond du golfe arabo-persique.

        Des voix s’élèvent alors dans la Marine nationale pour critiquer non sans arguments ce
régime d’accompagnement qui risque de mettre en péril la vie de marins français en arguant qu’il
vaudrait mieux mettre en place un contrôle naval sur la zone28. Faut-il en effet protéger des
pétroliers appartenant à des intérêts étrangers (britanniques, américains ou hollandais)
transportant des cargaisons commerciales entre pays tiers (du golfe arabo-persique vers
l’Extrême-Orient) sans lien autre que celui du pavillon avec les intérêts légitimes de la nation ?
Dans les mêmes circonstances, le devoir d’assistance au pavillon n’existe pas au Royaume-Uni.
Les capitaines des navires battant le red ensign, jugent seuls de l’opportunité de naviguer dans
des zones à risques ou non : les intérêts de la nation ne sont pas en jeu.

        Depuis le 11 septembre 2001, ce ne sont pas tant les menaces de conflits internationaux
qui pèsent sur la liberté du commerce maritime que celles du terrorisme. Celles-ci dans ce
domaine prennent deux formes. La première consiste à attaquer un navire et à le couler pour créer
le maximum d’effet médiatique. Ce peut être un pétrolier au large des atterrages occidentaux de
l’Europe ou un navire à passagers (paquebot ou ferry) sur lequel un maximum de victimes
pourrait être fait. Dans ces deux cas de figure, la protection à assurer ne tient pas du pavillon :
tout navire quel que soit son pavillon peut servir de base à l’opération terroriste, la menace étant
dirigée soit vers le littoral national, soit vers un groupe de passagers nationaux. La prise en otage
par un commando palestinien du paquebot italien Achille Lauro le 7 octobre 1985 relève de ce
type d’action. Elle ne visait pas tant l’État italien du pavillon que les États-Unis et Israël.

        La seconde forme consiste en une attaque des intérêts d’un pays cible partout dans le
monde. On peut se demander pourquoi aucun navire civil battant pavillon américain n’a été
attaqué par des commandos Al-Qaida. La réponse est simple : parce qu’il n’y a plus de pavillon
américain affecté au commerce international29. Les armateurs américains en « déflaggant » leurs
flottes pour des raisons de compétitivité dès les années 1930 ont placé leurs navires à l’abri des
attaques terroristes visant les États-Unis. Il est plus que probable que si le Limburg avait battu
pavillon de libre immatriculation et non français, il n’aurait pas subi une attaque suicide le
6 octobre 2002 dans les eaux territoriales du Yémen. Et s’il a été choisi pour cible, c’est parce
que les cibles militaires américaines étaient devenues plus difficiles à atteindre après l’affaire de
la frégate USS Cole le 12 octobre 2000 dans le port d’Aden... et que pour des raisons de
protectionnisme, masquées derrière un argumentaire de sécurité nationale, les importateurs de
pétrole brut sont tenus de détenir ou de contrôler une capacité de transport « sous pavillon

26 Battant pavillon français, cela va de soi !... mais au cul desquels s’agglutinaient opportunément quelques navires
aux pavillons tiers profiteurs de l’aubaine.
27 La direction de la flotte de commerce dont je conduisais alors les destinées, avait sollicité du secrétaire d’État à la
mer le feu vert pour cette opération qui protégeait les intérêts commerciaux de la France.
28 Cette proposition est arbitrée négativement par le Premier ministre à la demande du ministre des Finances. L’État
se doit en effet de dédommager les armateurs des dépenses supplémentaires engagées du fait d’un contrôle naval qui
peut aller jusqu’à l’interdiction notifiée aux navires du pavillon de naviguer dans une zone maritime déterminée en
raison des risques encourus et mal maîtrisables.
29 La bannière étoilée ne subsiste que sur les navires opérant dans le cadre du monopole des transports intérieurs
(intercoastal).

Marine n° 202 du premier trimestre 2004                    7                                  Institut Français de la Mer
français » au titre de l’article 6 de la loi du 31 décembre 1992 portant réforme du régime
pétrolier30. L’affaire du Limburg confirme par l’absurde la perversité de l’obligation de pavillon.

De la réquisition des navires sous pavillon
        Qu’une crise survienne, qu’un conflit s’annonce, alors la nation a besoin de mobiliser ses
forces et ses navires pour les transporter. Le pavillon serait-il alors indispensable ?

        À la dimension de leurs engagements stratégiques, les États-Unis vont très loin dans leur
souci de disposer d’une capacité de transport maritime en mesure d’être réquisitionnée. Comme
ils n’ont pratiquement pas de flotte internationale sous leur pavillon, la question du pavillon ne se
pose pas. Ils ont adapté leur législation maritime : ils disposent en cas de besoin des navires
appartenant à des intérêts américains à l’exception des navires battant pavillon des pays de
l’OTAN dont les ports d’attache sont dans la zone de compétence du traité de l’Atlantique
Nord31. Pour rendre effective cette législation, des sanctions pénales sont prévues au cas où une
entreprise américaine n’obtempérerait pas à une demande du gouvernement de rapatrier ses
navires sous la bannière étoilée. Ce dispositif est complété par des accords bilatéraux
confidentiels liant les États-Unis et quatre États de libre immatriculation, le Liberia et
probablement les Bahamas, le Panama et le Honduras. En cas de crise, à la demande de
Washington, les navires, propriétés d’intérêts américains, immatriculés dans ces pays sont
immédiatement réenregistrés aux États-Unis. La loi maritime du Liberia formalise elle-même un
abandon de souveraineté au profit d’une éventuelle réquisition par le gouvernement des États-
Unis des navires enregistrés à Monrovia détenus par des intérêts américains. La neutralité
positive des US coast guards à l’égard de ce pavillon sous lequel opère la seconde flotte
marchande mondiale, se comprend ; la qualité technique de cette flotte également.

       La France dans le cadre du dispositif de transport maritime d’intérêt national (TRAMIN)
est en mesure également d’obliger ses armateurs à rapatrier sous pavillon français leurs navires
immatriculés sous pavillon étranger. Au Royaume-Uni, les préoccupations de pavillon sont
absentes. Pendant la guerre des Falkland, la flotte marchande britannique n’est pas de taille à
soutenir l’expédition navale. Le gouvernement britannique n’hésite pas à affréter des navires
norvégiens qui conservent leurs équipages et leur pavillon jusque dans la zone d’interdiction.

Du pavillon et de la liberté des mers
        Le pavillon est le garant de la liberté des mers telle quelle est formalisée en 1625 par
Grotius puis acceptée par le concert des puissances navales à la fin du XVII e siècle. La fin du
XXe siècle voit cette liberté se faire encadrer en haute mer au nom de la sécurité de la navigation,
de la préservation de la ressource, de la lutte contre le narcotrafic (convention de Vienne), puis
depuis le 11 septembre 2001 au nom de la sûreté. Toutes les affaires récentes d’ordre public en
haute mer conduisent à réduire la place du pavillon. Une organisation criminelle transnationale
peut naviguer sur un navire régulièrement immatriculé en haute mer. Elle est d’abord une
organisation criminelle. Si un pavillon « propre » habille une opération délictueuse au regard du
droit des États de droit, l’intervention est de droit quel que soit l’habillage juridique qu’il faudra
lui trouver a posteriori (affaire du Winner par exemple). Le projet d’accord d’Aruba permet à un
navire des forces publiques de poursuivre jusque dans la mer territoriale d’un autre État un navire
soupçonné de trafic de drogue. Le pavillon ne peut pas protéger le crime au nom de la liberté de
la mer.

       L’adage usus maris publicus et proprietas nullius est mis à mal. Face à l’éclipse du
pavillon, la doctrine de la mare clausum de John Selden de 1636 prend en ce début du second
millénaire une nouvelle jeunesse. Elle pose le principe que les mers sont la propriété naturelle du

30 La capacité minimale de transport de pétrole brut sous pavillon français exigée des raffineurs ne peut excéder 8 %
des quantités raffinées l’année précédente.
31 Un appel d’offres public n’avait pu en 1985 retenir pour assurer la desserte en produits pétroliers de la Réunion
l’Esso Bombay, meilleure offre sous pavillon français parce que le gouvernement américain n’avait pas accepté de
suspendre cette disposition au bénéfice de la France dans la zone de l’Océan Indien. Deux ans après, le Mascarin de
Total qui assurait le service, a été largement utilisé pour le ravitaillement de la flotte française de l’Océan Indien
alors que le conflit irano-irakien nécessitait une protection de nos lignes commerciales. L’US Navy a envié ce
dispositif opérationnel.

Marine n° 202 du premier trimestre 2004                  8                                 Institut Français de la Mer
peuple qui les exploite pacifiquement. Si ce peuple est celui des Nations unies32, la liberté de la
haute mer sous le couvert du pavillon national est morte. L’exercice de cette liberté n’est plus
conditionné par le pavillon, mais par le passage inoffensif comme dans les mers territoriales. La
convention de Montego bay l’exprime ainsi :

Article 88 - La haute mer est affectée à des fins pacifiques.

De la renaissance du pavillon
        Après ce voyage au cœur du pavillon, la nostalgie d’une époque passée risque de se
répandre. Or tant qu’il y aura des équipages sur les navires, il reste un objectif majeur au
pavillon national : l’entretien du savoir-faire maritime à son niveau le plus élevé. J’avais
tenté en 1986 à Bruxelles de convaincre nos partenaires que dans le cadre de l’ouverture des
frontières dans le transport maritime, il fallait un Jones act33 à l’Européenne à savoir une
préférence aux pavillons européens pour les transports intérieurs dans l’Union européenne. Ainsi
nos pavillons pouvaient survivre au sein d’un noyau dur. Aucun État membre ne m’avait suivi sur
cette voie. Je le regrette encore aujourd’hui.

       Neuf ans après, en 1995, devant la fonte accélérée des flottes marchandes européennes, le
signal du renouveau du pavillon est venu des Pays-Bas. Ce pays a fait renaître sa flotte
marchande aujourd’hui placée devant la nôtre.

        Le tableau sur l’état des flottes de navires de plus de 1 000 UMS des trente-cinq premières
marines marchandes montre l’importance de l’internationalisation des flottes. Les armateurs sont
tenus, pour conserver et étendre leurs marchés, de vendre du transport compétitif de qualité. Ils
sont ainsi conduits à jouer au mieux sur une gamme de pavillons. Parmi ceux-ci, leur pavillon
national est en compétition avec les autres. L'état des flottes de navires de plus de 1 000 UMS par
grande région mondiale montre en ce début de siècle que loin d’être en perte de vitesse comme
des esprits chagrins le susurrent, l’Europe reste le premier opérateur maritime mondial avec près
de 44 % du tonnage mondial et compte le rester. C’est en partie, grâce à la richesse de la gamme
de pavillons qu’elle emploie. Alors ne restons pas rivés sur une fausse vision d’un déclin
maritime qui ne donne au pavillon français que moins de 0,5 % du tonnage mondial. Ce pavillon
peut et doit faire mieux. Le registre international français (RIF) est une réponse « à la
Hollandaise. » Loin d’être un acte de décès, la prochaine échéance attendue du pavillon français
est un acte de renaissance.

                                                     oOo

32 La convention de Montego bay en confiant l’exploitation des ressources minérales de la haute mer aux Nations
unies participe de cette démarche d’appropriation.
33 Pour un État continent, la voie maritime est une infrastructure de transport essentielle. Le Jones act de 1920
établit le monopole du pavillon américain sur les transports maritimes intérieurs et de côte à côte.

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Tableaux
           Tableau 1 : Flottes de navires de + de 1 000 UMS par grande région mondiale
           Tableau 2 : Flottes de navires de + de 1 000 UMS des 35 premières marines marchandes
           Tableau 3 : Liste des 28 pavillons de commodité (FOC) de l’ITF (2003)
           Tableau 4 : Flottes de libre immatriculation (flag of convenience ITF) 2001
           Tableau 5 : Listes noire et blanche des MOU de Paris et Tokyo 2002
           Tableau 6 : Pays d’origine des armateurs des 5 premiers registres FOC

                                                                    Tableau 1

 Flottes de navires de + de 1 000 UMS par grande région mondiale - 1er janvier 2001 source CNUCED
Région               Pavillon national Autres pavillons Total            Total            En % du tonnage Tonnage sous      En % du tonnage
                     Nb de navires        Nb de navires     Nb de navires tonnage contrôlé mondial         autres pavillons contrôlé
Europe                             4531                6972         11503      328660596           43,84 %       215350574           65,52 %
Extrême-Orient                     5313                4484          9797      270479884           36,08 %       170986448           63,22 %
Amérique du nord                    670                 977          1647       48775021             6,51 %        37980627          77,87 %
Moyen-Orient                        751                 315          1066       32805551             4,38 %        13022987          39,70 %
Europe de l'est                    2551                 439          2990       18880950             2,52 %         9061068          47,99 %
Amérique du sud                     161                  19           180         7796085            1,04 %         2192259          28,12 %
Océanie                              56                  36             92        3277705            0,44 %         1551010          47,32 %
Total                             14033              13242          27275      710675792           94,81 %       450142047           63,34 %
Pourcentage                      52,20 %          47,80 %        100,00 %
Autres pays                         2273               960           3233         38923554            5,19 %
Total mondial                      16306            14202           30508       749599346           100,00 %
N.B. Les chiffres par région ne prennent en compte que les pays qui arment les 35 premières flottes marchandes mondiales.

           Marine n° 202 du premier trimestre 2004                       10                                   Institut Français de la Mer
Tableau 2

             Flottes de navires de + de 1 000 UMS des 35 premières marines marchandes – 1er I 2001 - CNUCED
Rang Pays du domicile        Région             Pavillon national Tonnage           Rang       Expatriés       Tonnage      Tage expat    Total           Total         Total %
Flotte de l'armateur                            Nb navires           sous pavillon Pavillon Nb navires expatrié brut % tage brut Nb navires tonnage brut tage brut
1     Grèce                  Europe                            785      43576092           3         2476        99530942       69,55 %            3261     143107034 19,09 %
2     Japon                  Extrême-Orient                    781      15224775           9         2150        83509175       84,58 %            2931      98733950 13,17 %
3     Norvège                Europe                            907      27732896           5          791        32308013       53,81 %            1698      60040909     8,01 %
4     États-Unis             Amérique du nord                  508       9787966           13         890        34946797       78,12 %            1398      44734763     5,97 %
5     Chine                  Extrême-Orient                   1617      22342473           8          599        18391297       45,15 %            2216      40733770     5,43 %
6     Hongkong               Extrême-Orient                    166       9075339           14         385        26626232       74,58 %             551      35701571     4,76 %
7     Allemagne              Europe                            467       7435793           21        1640        25436853       77,38 %            2107      32872646     4,39 %
8     Corée du sud           Extrême-Orient                    473       7604604           20         430        18060615       70,37 %             903      25665219     3,42 %
9     Singapour              Extrême-Orient                    476      12841448           10         280         7790699       37,76 %             756      20632147     2,75 %
10    Royaume-Uni            Europe                            407       8342596           17         432        10973439       56,81 %             839      19316035     2,58 %
11    Taiwan                 Extrême-Orient                    162       7203471           22         359        11663662       61,82 %             521      18867133     2,65 %
12    Danemark               Europe                            418       7930904           18         318        10192733       56,24 %             736      18123637     2,42 %
13    Russie                 Europe de l'est                  2190       8566355           16         349         7499578       46,68 %            2539      16065933     2,14 %
14    Italie                 Europe                            502       8711763           15         129         4503897       34,08 %             631      13215660     1,76 %
15    Inde                   Extrême-Orient                    358      10328724           12          52         1531104       12,91 %             410      11859828     1,58 %
16    Arabie saoudite        Moyen-Orient                       59       1049802           43          69         9448219       90,00 %             128      10498021     1,40 %
17    Suède                  Europe                            168       1500120           39         194         8824173       85,47 %             362      10324293     1,38 %
18    Turquie                Moyen-Orient                      452       7767360           19         103         1062195       12,03 %             555       8829555     1,18 %
19    Brésil                 Amérique du sud                   161       5603826           25          19         2192259       28,12 %             180       7796085     1,04 %
20    Iran                   Moyen-Orient                      166       7078637           23              2        82351         1,15 %            168       7160988     0,96 %
21    Suisse                 Europe                             13        720479           47         233         6193905       89,58 %             246       6914384     0,92 %
22    Malaisie               Extrême-Orient                    240       5405249           26          55         1074311       16,58 %             295       6479560     0,86 %
23    Belgique               Europe                             22        131383           57         136         6340678       97,97 %             158       6472061     0,86 %
24    Pays-Bas               Europe                            568       3588979           30         202         2692049       42,86 %             770       6281028     0,84 %
25    France                 Europe                            174       3415993           31          91         2124952       38,35 %             265       5540945 0,74 %
26    Philippines            Extrême-Orient                    328       4289870           29          27          607801       12,41 %             355       4897671     0,65 %
27    Indonésie              Extrême-Orient                    494       3110654           33          98         1253339       28,72 %             592       4363993     0,58 %
28    Canada                 Amérique du nord                  162       1006428           44          87         3033830       75,09 %             249       4040258     0,54 %
29    Espagne                Europe                            100        223024           53         223         3609006       94,18 %             323       3832030     0,51 %
30    Koweit                 Moyen-Orient                       32       3407019           32              3       275449         7,48 %             35       3682468     0,49 %
31    Australie              Océanie                            56       1726695           38          36         1551010       47,32 %              92       3277705     0,44 %
32    Ukraine                Europe de l'est                   361       1253527           41          90         1561490       55,47 %             451       2815017     0,38 %
33    UAE                    Moyen-Orient                       42        479746           49         138         2154773       81,79 %             180       2634519     0,35 %
34    Monaco                 Europe                              0              0          ns         107         2619934      100,00 %             107       2619934     0,35 %
35    Thaïlande              Extrême-Orient                    218       2066829           34          49          478213       18,79 %             267       2545042     0,34 %
      Total                                                  14033 260530819                        13242       450142047       63,34 %           27275     710675792 94,81 %
      Pourcentage                                       52,20 %                                   47,80 %
      Autres pays                                             2273                                    960                                          3233      38923554     5,19 %
      Total mondial                                          16306                                  14202                                         30508     749599346     100 %

                                                                          Tableau 3
          Liste des 28 pavillons de commodité (FOC) de l’ITF (2003) - colorée MOU
          Antigua & Barbuda          Bahamas                Barbade Belize
          Bermudes (UK)              Bolivie                Birmanie Cambodge
          Îles Cayman (UK)           Comores                Chypre Guinée équatoriale
          Registre allemand GIS      Gibraltar (UK)         Honduras Jamaïque
          Liban                      Liberia                Malte    Îles Marshall (USA)
          Maurice                    Antilles néerlandaises Panama São Tomé & Príncipe
          St. Vincent & Grenadines Sri Lanka                Tonga    Vanuatu
          Liste blanche en bleu      Liste grise en noir Liste noire en rouge (complaisance)

                  Marine n° 202 du premier trimestre 2004                       11                                          Institut Français de la Mer
Tableau 4

 Flottes de libre immatriculation (Flag of convenience ITF) 2001 - sources : ITF & MOU 2002
                                  Nombr                                                       % de la
Rang            Pavillon            e Total tonnage        Rang       Tonnage Âge Certificats flotte Nb et tonnage           MOU Paris
Flotte     de complaisance           navires              pavillon Moyen moyen         ITF        cert. ITF navires perdus    & Tokyo
  1             Panama              6245   122352071              1     19592     16     2263       36,2 %      15 138211 risque moyen
  2             Liberia             1566       51784010           2     33068     12      858       54,8 %       1    9326 liste blanche
  3            Bahamas              1312       33385713           4     25446     16      626       47,7 %       2 41183 liste blanche
  4              Malte              1421       27052579           6     19038     19      497       35,0 %       5 58114 risque moyen
  5             Chypre              1407       22761778           7     16178     16      676       48,0 %       8 178523 risque moyen
  6          Îles Marshall           360       11718971       11        32553     14      151       41,9 %       0       0 liste blanche
  7      St Vincent Grenadines      1318       7072895        24         5366     23      177       13,4 %       8 32902     risque élevé
  8            Bermudes              121       5312780        27        43907     16         48     39,7 %       0       0 liste blanche
  9       GIS registre allemad       635       4410124        28         6945     19      251       39,5 %       0       0 liste blanche
 10           Îles Cayman            144       2053934        35        14263     16         82     56,9 %       0       0    liste grise
 11           Cambodge               564       1996738        36         3540     26         39      6,9 %       7 21181 risque très élevé
 12             Belize              1516       1828190        37         1206     23         7       0,5 %       3    7059   risque élevé
 13             Vanuatu              316       1496422        40         4736     17         39     12,3 %       0       0 liste blanche
 14      Antilles néerlandaises      176       1249762        42         7101     13         47     26,7 %       0       0 liste blanche
 15           Honduras              1183         966511       45          817     29         7       0,6 %       2    4853 risque très élevé
 16            Gibraltar              79         816323       46        10333     12         53     67,1 %       0       0    liste grise
 17             Barbade               68         687331       48        10108     18         23     33,8 %       2    3291    liste grise
 18       Antigua & Barbuda          840         468833       50          558     12      380       45,2 %       1    1518 liste blanche
 18            Birmanie              124         379819       51         3063     22         5       4,0 %       0       0    liste grise
 20             Liban                 99         301653       52         3047     33         2       2,0 %       1    1477 risque très élevé
 21      São Tomé & Príncipe          64         190428       54         2975     31         0         0%        3    6557 risque très élevé
 22             Bolivie               78         174042       55         2231     31         0         0%        0       0 risque très élevé
 23            Sri Lanka              69         153708       56         2228     22         0         0%        0       0    liste grise
 24             Maurice               42         96945                   2308     22         0         0%        0       0    liste grise
 25        Guinée équatoriale         60         37225                    620     21         0         0%        0       0    liste grise
 26             Tonga                  8         35516                   4440     18         5      62,5 %       0       0 risque très élevé
                 Total             19815   298784301                    15079            6236                   58 504195

       Marine n° 202 du premier trimestre 2004                           12                                     Institut Français de la Mer
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