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RAPPORT Le régime politique tunisien dans le cadre de la Constitution de 2014 Analyse préliminaire du fonctionnement du régime politique de 2015 à 2018
Cette analyse a été rédigée par le Docteur Maryam Ben Salem, le Professeur Xavier Philippe et Geoffrey Weichselbaum, également coordinateur de l’équipe des rédacteurs. Elle a bénéficié des commentaires de Michael Meyer-Resende et Amine Thabet. Le rapport a bénéficié de la lecture critique du Professeur Ferhat Horchani. © Democracy Reporting International (DRI). Tous droits réservés. La diffusion du présent document sur une base non commerciale est encouragée, sous réserve que DRI soit cité comme source, et qu’une copie des traductions en d’autres langues lui soit fournie. Avec le soutien de :
RAPPORT Le régime politique tunisien dans le cadre de la Constitution de 2014 Analyse préliminaire du fonctionnement du régime politique de 2015 à 2018
Rapport sur le régime politique tunisien dans le cadre de la Constitution de 2014 Analyse préliminaire du fonctionnement du régime politique de 2015 à 2018 TABLE DES MATIÈRES A. Résumé 5 B. Introduction 7 C. Genèse du régime politique tunisien tel que consacré dans la Constitution de 2014 9 C.1. L’histoire politico-constitutionnelle 9 C.2. L’expérience institutionnelle durant le processus constituant et les projections électorales 10 D. Le pouvoir législatif et ses relations avec les autres pouvoirs 12 D.1. Un rôle constitutionnel important et des défis structurels 12 D.1.1. Les prérogatives constitutionnelles du pouvoir législatif 12 D.1.2. Les défis du pouvoir législatif 12 D.2. L’initiative, l’élaboration et l’adoption de la législation 14 D.2.1. Initiative législative 14 D.2.2. Examen des projets de lois et adoption de la législation 15 - La règle de priorité des projets de loi sur les propositions de loi 15 - Quelle place pour le Comité de consensus au sein de l’ARP ? 16 - Adoption des textes législatifs de 2015 à 2018 18 D.3. Le contrôle du gouvernement 19 D.4. Le rôle joué par l’opposition parlementaire 20 D.4.1. Opposition et initiative législative 21 D.4.2. Opposition et contrôle de constitutionnalité des projets de lois 21 D.4.3. Opposition et création des commissions d’enquête 21 E. Le pouvoir exécutif et ses relations avec les autres pouvoirs 23 E.1. Les relations entre les deux têtes de l’exécutif 23 E.2. Des gouvernements fragilisés par la faiblesse des alliances politiques 26 E.3. Les relations entre le chef de l’État et l’ARP 28 E.4. L’état d’urgence et son impact sur le fonctionnement du régime politique 29 F. Le pouvoir juridictionnel et ses relations avec les autres pouvoirs 31 F.1. Les effets de l’absence de mise en place de la Cour constitutionnelle 32 F.2. L’Instance provisoire de contrôle de constitutionnalité des projets de loi 33 F.3. Le Conseil supérieur de la magistrature 33 F.3.1. La composition et l’indépendance du pouvoir juridictionnel tunisien 34 F.3.2. Le poids des syndicats et des clivages traditionnels au sein du pouvoir juridictionnel 34 F.3.3. La notion d’indépendance au centre des relations entre le pouvoir juridictionnel et les autres pouvoirs 35 F.3.4. La situation de blocage causée par la difficulté de convoquer la première réunion du CSM 35 G. Les instances constitutionnelles indépendantes 37 H. Conclusion 40 4
Rapport sur le régime politique tunisien dans le cadre de la Constitution de 2014 Analyse préliminaire du fonctionnement du régime politique de 2015 à 2018 A. Résumé Marqués par l’histoire politico-constitutionnelle de la Tunisie et par l’expérience institutionnelle durant la période de rédaction de la Constitution, les constituants tunisiens ont conçu un régime politique qui serait fonctionnel tout en minimisant le risque d’abus de pouvoir et de domination d’une institution, voire d’un acteur politique, au détriment des autres. Ce rapport dresse des observations préliminaires relatives au fonctionnement du régime politique tunisien au regard de l’architecture constitutionnelle et ce, durant les années 2015, 2016, 2017 et 2018. Ce fonctionnement prend place dans un contexte de transition démocratique par nature marqué par des essais et réajustements successifs ainsi que par l’adaptation des acteurs au sein des trois pouvoirs à la nouvelle Constitution de 2014. Fonctionnement du pouvoir législatif La Constitution de 2014 place le pouvoir législatif au centre de l’architecture institutionnelle démocratique. Néanmoins, malgré l’accroissement des ressources financières allouées à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) depuis 2015, elles restent insuffisantes et n’ont pas permis au Parlement de pleinement jouer le rôle que lui confère la nouvelle Constitution. Le travail parlementaire est largement affecté par la faiblesse des ressources matérielles et humaines allouées aux groupes parlementaires et à chacun des parlementaires. A titre d’exemple, les députés n’ont pas d’assistants parlementaires pour les soutenir dans la recherche et la préparation des travaux en commission et en plénière. L’initiative législative des députés a été marginale durant les années étudiées. La majorité des projets de lois émanaient du gouvernement. Ce constat est commun dans la plupart des pays démocratiques. Le processus de production de la législation au sein de l’ARP souffre d’un manque d’efficacité dû essentiellement à ses faiblesses structurelles et à l’absentéisme des députés, notamment lors des travaux des commissions législatives. De plus, il a été fait recours assez fréquemment au sein du Parlement à un comité non prévu par le Règlement intérieur, appelé « Comité de consensus ». Cette structure, bien qu’elle ait pu régler certaines divergences concernant des projets de lois, semble limiter la capacité des commissions législatives et des institutions officielles au sein de l’ARP à jouer pleinement leur rôle. L’ARP a exercé un contrôle classique du gouvernement (questions orales et écrites, séances de dialogue, auditions, etc.). Toutefois, comparé à d’autres Parlements dans des pays démocratiques, ce contrôle reste peu significatif. L’opposition parlementaire a joué un rôle minime en termes d’initiative législative. En revanche, les députés de l’opposition ont usé de leur droit de contester la constitutionnalité des projets de lois devant l’Instance provisoire de contrôle de constitutionnalité des projets de loi (IPCCPL) et ont eu gain de cause dans certains cas. Les recours des députés de l’opposition devant l’IPCCPL ont renforcé leur rôle. Néanmoins, aucune commission d’enquête n’a été créée à l’initiative des députés de l’opposition parlementaire, comme le permet la Constitution et le Règlement intérieur de l’ARP. Fonctionnement du pouvoir exécutif Les prérogatives plus limitées que celles attribuées au président de la République sous la Constitution de 1959 constituent un changement constitutionnel assez radical par rapport à l’histoire récente du pays. Toutefois, la pratique politique depuis 2015 démontre que le champ d’action politique du président de la République était considérable. La culture politique tunisienne marquée par un exercice personnifié du pouvoir durant 5
Rapport sur le régime politique tunisien dans le cadre de la Constitution de 2014 Analyse préliminaire du fonctionnement du régime politique de 2015 à 2018 des décennies et la personnalité du premier président de la République sous la Constitution de 2014 y ont contribué grandement. L’expérience depuis 2015 démontre que le chef de l’État, issu du parti vainqueur des élections législatives, était le leader du pouvoir exécutif et ce, malgré les prérogatives importantes reconnues au chef du Gouvernement. Ce dernier voulant les exercer pleinement, des conflits entre les deux têtes de l’exécutif sont survenus. Cela étant, l’existence d’une coalition gouvernementale a influencé considérablement les rapports de force entre les deux têtes de l’exécutif et a pu renforcer la position du chef du Gouvernement par rapport au chef de l’État. En 2018, le chef du Gouvernement a pu faire face au chef de l’État, pourtant tous les deux issus du même parti (Nidaa Tounès), notamment grâce au soutien du parti Ennahdha membre de la coalition gouvernementale. Fonctionnement du pouvoir juridictionnel L’absence de la Cour constitutionnelle, une pièce maîtresse dans le fonctionnement du régime, laisse l’architecture constitutionnelle inaboutie. Les causes du retard dans la mise en place de la Cour constitutionnelle sont multiples et ne peuvent être imputées exclusivement à un seul protagoniste ou à un seul pouvoir, mais l’absence de la Cour semble avoir avantagé le pouvoir exécutif par rapport aux autres pouvoirs. Par ailleurs, les prérogatives de la Cour constitutionnelle dans la résolution des conflits de compétences entre les deux têtes de l’exécutif et dans les cas de vacance du pouvoir rendent sa création urgente. Le pouvoir juridictionnel a également fonctionné de façon conflictuelle avec les pouvoirs exécutif et législatif. Au centre du problème deux conceptions différentes de l’indépendance de la justice. D’un côté, le gouvernement ainsi qu’une partie des députés conçoivent l’indépendance de façon fonctionnelle : seule la fonction juridictionnelle est indépendante ; sa gestion et son fonctionnement constituent un service public qui reste intégré aux structures de l’État et doit être géré comme les autres structures. De l’autre côté, on trouve une conception absolue de l’indépendance de la justice qui intègre non seulement l’indépendance de jugement déjà reconnue mais également une indépendance de gestion et de fonctionnement qui séparerait de façon étanche le pouvoir juridictionnel des autres pouvoirs. Instances constitutionnelles indépendantes A l’exception de l’ISIE déjà créée pour les élections législatives de 2014 et de l’Instance de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption1, les instances constitutionnelles indépendantes prévues au chapitre VI de la Constitution sont en attente de création. Les débats suscités lors de l’élaboration et la discussion de projets de lois relatifs à ces instances, tant au niveau gouvernemental qu’à l’ARP, notamment celui relatif aux dispositions communes à toutes les instances, ont révélé l’existence d’une méfiance à l’égard des instances constitutionnelles indépendantes, voire d’une volonté de limiter leurs prérogatives. 1 Cette Instance est toujours en attente de mise en place. Elle a été créée par la loi organique n° 2017-59 du 24 août 2017 (JORT n° 70-71, p. 2878 et ss.). 6
Rapport sur le régime politique tunisien dans le cadre de la Constitution de 2014 Analyse préliminaire du fonctionnement du régime politique de 2015 à 2018 B. Introduction Le régime politique se définit comme l’ensemble des modalités par lesquelles les pouvoirs législatif, exécutif et juridictionnel sont organisés et fonctionnent au sein d’un État. L’étude du régime politique tunisien, développée dans ce rapport, combine une analyse de la forme institutionnelle du pouvoir, c’est-à-dire les dispositions et structures établies par la Constitution, mais aussi la pratique politique découlant de cette forme institutionnelle. L’expérience constitutionnelle concrète ne dépend donc pas seulement du texte de la Constitution mais est largement tributaire des rapports de forces politiques, du type et de la pérennité des alliances contractées, des stratégies des acteurs politiques, de leurs personnalités et de leurs pratiques. Par ailleurs, le régime politique ne peut être pleinement envisagé sans une réflexion sur les implications du choix du système électoral. Dans les mois qui ont suivi la révolution, un consensus a émergé pour mettre en place un système électoral permettant au plus large spectre du paysage politique de briguer et d’atteindre une représentation au sein de l’Assemblée nationale constituante (ANC). Ce système, scrutin proportionnel aux plus forts restes, a vite été considéré comme un acquis. Malgré quelques voix qui se sont élevées pour réclamer sa modification en faveur d’un système proportionnel fondé sur la plus forte moyenne, le mode de scrutin n’a pas fait l’objet d’une remise en question lors de la rédaction de la Constitution ou de l’élaboration de la loi électorale permettant d’organiser les élections de la première Assemblée des représentants du peuple (ARP) tenues le 26 octobre 20142. De plus, la structure du système partisan a influencé considérablement le fonctionnement du régime politique. Les partis politiques tunisiens demeurent institutionnellement fragiles et peu structurés en comparaison avec les partis politiques dans les démocraties ancrées. La réglementation et la pratique interne des partis tunisiens ne connaissent pas encore des mécanismes favorisant la discipline partisane à l’instar de ceux éprouvés dans certaines expériences comparées3. De même, le Règlement intérieur de l’ARP ne prévoit pas des dispositions renforçant le rôle des présidents des blocs parlementaires et leurs prérogatives sur les membres4. La fragilité des partis politiques est un facteur qui favorise le phénomène de la transhumance partisane ou du nomadisme partisan. 2 Pour les élections municipales et régionales, le mode de scrutin proportionnel aux plus forts restes a également été retenu, mais un seuil de 3% des suffrages exprimés a été prévu pour la répartition des sièges dans les conseils des collectivités locales (article 117 quinquies de la loi organique n° 2014-16 du 26 mai 2014 relative aux élections et au référendum). 3 En Grande Bretagne, les groupes parlementaires sont soumis à une discipline partisane stricte assurée par les Whips présidés par un Chief Whip chargé de contrôler la présence et la discipline de vote des Backbenchers (les députés de base ou d’arrière-ban n’occupant aucune fonction parlementaire ou gouvernementale). REIGNIER (D.), « Le Président de groupe parlementaire, un chief whip à la française », Revue française de droit constitutionnel, vol. 113, no. 1, 2018, pp. 93-123. En Espagne, la discipline est assurée à travers la structure et l’organisation des partis politiques eux-mêmes. A titre d’exemple, le parti Union du centre démocratique (UCD) garantit la soumission de ses parlementaires par une commission de discipline élue par l’assemblée générale du groupe. Les députés indisciplinés encourent des sanctions pouvant aller jusqu’à l’exclusion. Voir MARTIN (A.), « Stabilité gouvernementale et rationalisation du régime parlementaire espagnol », Revue française de droit constitutionnel, n°41-2000, pp. 27-66, p. 62. 4 Titre V du Règlement intérieur de l’Assemblée des représentants du peuple, JORT, n° 16 en date du 24 février 2015, pp. 564-565. 7
Rapport sur le régime politique tunisien dans le cadre de la Constitution de 2014 Analyse préliminaire du fonctionnement du régime politique de 2015 à 2018 Jusqu’à juillet 2018, 214 partis étaient légalement reconnus, dont une vingtaine seulement seraient actifs. Le processus de professionnalisation des partis politiques est récent et n’a véritablement commencé qu’avec le changement de régime en 2011. En effet, qu’ils soient historiques ou nés après la révolution, les partis ne sont pas pleinement rodés à la compétition politique, à l’exercice institutionnel ou à l’exercice du pouvoir. Les partis tels que Joumhouri5, Ettakatol6, Ennahdha, al Massar7, le Congrès pour la République (CPR) étaient en effet contraints sous le régime autoritaire de Ben Ali à une logique contestataire autour d’un répertoire de revendications principalement ciblé sur les droits de l’homme et les libertés. D’une manière générale, les partis socio-démocrates, dont certains sont anciens, n’arrivent pas à s’unir et à constituer un front commun. Hormis le faible poids électoral de ces partis/coalitions lors des élections de l’ANC et de l’ARP8, Les tentatives d’union ont souvent été vouées à l’échec en conséquence de mouvements de scissions/fusions entre partis. A titre d’exemple, la coalition électorale du Pôle Démocratique Moderniste (PDM) a pris fin avec l’union du parti Ettajdid avec le parti du travail Tunisien et des indépendants au sein du pôle pour donner lieu la nouvelle coalition Al Massar (Voie démocratique et sociale) en avril 2012. Malgré son l’alliance avec le Parti du travail Patriotique et Démocratique, sous la bannière de l'Union pour la Tunisie9, Al Massar n’obtient aucun siège à l’ARP. Le Front populaire, composé d’une douzaine de partis de gauche10 (de tendance marxiste, nationaliste arabe, socialiste, ou encore écologiste), semble continuer dans une logique contestataire et d’opposition. Ici encore les schismes sont nombreux puisque le parti Tunisie Verte et le MDS ont quitté la coalition respectivement en mai et en août 2014. Malgré cela, cette coalition a obtenu 15 sièges à l’ARP lors des élections d’octobre 2014. Le mouvement Ennahdha se distingue par sa forte cohésion et son référentiel islamique, qui révèle un des clivages les plus saillants du paysage politique tunisien. La professionnalisation rapide d’Ennahdha, en comparaison avec les autres partis, doit beaucoup à la discipline qui règne dans ses rangs. Même si des divergences apparaissent en son sein, notamment en ce qui concerne la problématique de la cohérence idéologique, celles-ci restent largement maîtrisées. Nidaa Tounès est la formation politique initiée par Béji Caid Essebsi en juin 2012. Elle a tiré profit des lacunes des autres formations politiques pour se présenter comme une alternative à Ennahdha. Nidaa Tounès a réuni des personnalités politiques de l’ancien régime, des destouriens, des intellectuels, des militants de gauche, des anciens syndicalistes, etc. Il s’agit d’une formation politique fortement hétérogène, réunie dans sa genèse seulement autour de la volonté de détrôner Ennahdha du pouvoir grâce au charisme de son fondateur, devenu chef de l’État. Le parti a montré des signes de faiblesse et d’absence de discipline dès le début de 2015, qui ont conduit à sa division en 2016. Ce rapport dresse des observations préliminaires relatives au fonctionnement du régime politique tunisien de 2015 jusqu’à septembre 2018 s’articulant autour de l’analyse des dispositions constitutionnelles relatives au pouvoir législatif, exécutif et juridictionnel au regard des développements socio-politiques. 5 Anciennement parti démocrate progressiste – PDP. 6 Anciennement Forum démocratique pour le travail et les libertés. 7 Anciennement Ettajdid, puis Pôle démocratique moderniste – PDM. 8 Le Pôle Démocratique Moderniste (PDM) a obtenu 5 sièges à l’ANC et le Mouvement des démocrates socialistes (MDS) n’a décroché que 2 sièges à l’ANC et seulement un siège à l’ARP. 9 L’union pour la Tunisie est une alliance fondée par Nidaa Tounès en janvier 2013 avec al Joumhouri, et al Massar. Deux autres formations ont rejoint cette alliance : le parti socialiste et le parti du travail patriotique et démocratique. Seuls ce dernier et al Massar sont restés dans la coalition après le retrait des autres formations. 10 Le Front Populaire créé le 15 décembre 2012 est composé de 12 partis politiques : le parti des travailleurs, le parti populaire pour la liberté et le progrès, le parti Baath, le Mouvement des démocrates socialistes le mouvement du peuple, le parti Tunisie Verte, le Front Populaire Unioniste, le parti de lutte progressiste, la Ligue de la Gauche ouvrière, le parti d’avant-garde arabe démocratique, le parti des patriotes démocrates unifié, le parti national socialiste révolutionnaire. 8
Rapport sur le régime politique tunisien dans le cadre de la Constitution de 2014 Analyse préliminaire du fonctionnement du régime politique de 2015 à 2018 C. Genèse du régime politique tunisien tel que consacré dans la Constitution de 2014 Les différents partis au sein de l’ANC ont négocié durant deux années11 le texte constitutionnel et les contours du régime politique, non pas sur la base d’un texte existant, que ce soit la Constitution tunisienne de 1959 ou tout autre projet de texte, mais en écrivant eux-mêmes le futur texte. Bien que le projet initial fût d’adopter la méthodologie dite de la « page blanche » dans le processus de rédaction, certaines dispositions ont été inspirées de la Constitution de 1959, notamment l’article premier. Aussi, si certaines expériences comparées ont pu inspirer les constituants tunisiens12, les positions des acteurs politiques concernant le régime politique ont néanmoins été influencées par l’histoire politico-constitutionnelle de la Tunisie et par l’expérience institutionnelle durant le processus constituant ainsi que les projections concernant les futurs scores électoraux des partis politiques. L’équation à résoudre était difficile : élaborer un régime permettant, d’un côté, de gouverner de manière stable et efficace, tout en évitant, de l’autre côté, des abus de pouvoirs de l’exécutif que le pays avait connus dans le passé. C.1. L’histoire politico-constitutionnelle La Constitution de 1959, telle qu’amendée, établissait un système politique où le président de la République était doté de pouvoirs importants. La pratique politico-constitutionnelle jusqu’en 2011 n’a fait que renforcer le pouvoir exécutif aux dépens des autres pouvoirs aboutissant à créer un régime politique dominé par le seul chef de l’État et dépourvu d’équilibre entre les pouvoirs. Marqués par cette expérience, les différents partis représentés au sein de l’ANC ont tous été motivés par l’établissement d’un régime permettant à la fois de gouverner efficacement le pays, mais consacrant également les équilibres et les contre-pouvoirs nécessaires, afin d’éviter les dérives du passé. Néanmoins, les positions des différents partis politiques quant à l’articulation de ces pouvoirs politiques étaient différentes. Les partis politiques ont développé le système politique en tenant pour acquis un système électoral proportionnel aux plus forts restes. Avec ce système, et au regard de la réalité socio-politique tunisienne de l’après 2011, la probabilité de voir émerger un seul parti doté d’une majorité absolue était faible. Ce scénario s’est confirmé lors des élections de 2011 et de 2014 où aucun parti n’a été en mesure de recueillir une majorité absolue à l’ANC et à l’ARP et donc d’être capable seul de soutenir un gouvernement. Le choix d’un tel mode de scrutin semble s’expliquer, en grande partie, par la crainte des différents acteurs politiques qu’un parti obtienne la majorité absolue au Parlement et puisse abuser du pouvoir dans une démocratie naissante. Du point de vue du pluralisme politique, le système électoral choisi a présenté l’avantage de faire entrer à l’ANC, et puis à l’ARP, plusieurs forces politiques qui ont dû s’allier pour former et soutenir des gouvernements. Ce système électoral possède ses détracteurs qui estiment qu’il a induit une instabilité générant des gouvernements de coalitions de partis ou de mouvements. Selon eux, la difficulté à concilier des agendas et priorités politiques différents s’est avérée une source d’instabilité politique qui s’est négativement répercutée sur les performances des gouvernements successifs. Par ailleurs, le débat sur le futur régime politique a également été influencé par l’expérience institutionnelle durant la période de rédaction de la Constitution ainsi que les hypothèses et projections quant aux futurs scores électoraux des différents acteurs. 11 La rédaction proprement dite du texte de la Constitution a commencé après la mise en place des commissions constituantes en février 2012 en charge d’écrire les chapitres de la Constitution. La Constitution sera adoptée le 26 janvier 2014. 12 Le processus constituant tunisien s’est abreuvé d’expériences étrangères, pour prendre la mesure de la variété des options qui s’offraient et pour déterminer un choix adapté à la situation tunisienne. 9
Rapport sur le régime politique tunisien dans le cadre de la Constitution de 2014 Analyse préliminaire du fonctionnement du régime politique de 2015 à 2018 C.2. L’expérience institutionnelle durant le processus constituant et les projections électorales Dès le départ du processus constituant, les différents partis politiques avaient des positions divergentes quant à l’articulation de ces pouvoirs politiques dans la nouvelle Constitution. Les résultats électoraux de 2011 et le fonctionnement du régime politique durant cette période transitoire, notamment le rôle joué par l’ANC, expliquent en grande partie ces divergences. Les élections de l’ANC en octobre 2011 se sont soldées par la victoire du parti Ennahdha avec 36,97 % des suffrages exprimés, le deuxième parti était le Congrès pour la République (CPR) avec 8,7 %, le troisième Ettakattol avec 7,04 %. Au lendemain des élections de l’ANC, le paysage politique se caractérisait donc par la domination d’un seul parti (Ennahdha) et l’éparpillement des autres forces politiques. Ce rapport de forces a fortement marqué les différents acteurs politiques. De plus, l’organisation provisoire des pouvoirs publics à l’issue des élections de l’ANC13 a accordé une place centrale à cette dernière et a relativement marginalisé le président de la République qui était choisi par les constituants, donc au suffrage universel indirect. Cette configuration a mis l’ANC au centre du pouvoir et a renforcé encore plus le poids politique du parti Ennahdha, qui détenait 41 % des sièges de l’Assemblée constituante. Ennahdha était perçu par ses concurrents politiques, y compris ceux qui étaient ses alliés dans le gouvernement (CPR et Ettakatol), comme étant un parti hégémonique. Pour beaucoup, l’ANC, dans ses différents rôles d’organe qui légiférait, qui soutenait et contrôlait le gouvernement, était omnipotente et sans réel contre-pouvoir. Tous ces éléments semblent avoir forgé la conviction chez les adversaires d’Ennahdha, y compris ceux qui étaient ses alliés de la Troïka, que la reproduction de l’architecture institutionnelle de la loi de décembre 2011 portant organisation provisoire des pouvoirs publics (appelée la petite Constitution) dans le nouveau texte fondamental consacrera la domination du parti conservateur. D’un autre côté, certains acteurs politiques ont posé le problème du point de vue de la fonctionnalité du régime politique. Ils ont estimé que l’expérience de l’ANC montre qu’accorder une place centrale à une assemblée élue sans pour autant y avoir une majorité parlementaire homogène est préjudiciable à la stabilité du régime et à l’efficacité de l’action gouvernementale, à cause, entre autres, de la recherche souvent difficile des compromis entre les différents courants politiques, à la fois au sein de la majorité gouvernementale et des partis d’opposition. En plus, cela rend difficile pour les citoyens l’identification de la responsabilité de l’action gouvernementale au sein des partis de la coalition. En revanche, l’élection directe du chef de l’État induit de devoir rendre des comptes politiques aux citoyens, y compris par la défense d’un bilan en vue d’une réélection. L’élection au suffrage universel direct du chef de l’État, assortie de pouvoirs importants, était dès lors considérée comme garantissant une prévisibilité et une stabilité du processus d’élaboration des politiques publiques menées durant le mandat présidentiel. Pour pallier tous ces risques, les partis politiques, à l’exception d’Ennahdha, défendaient un système où le président de la République aurait des prérogatives plus importantes, y compris de direction du gouvernement, détachées de considérations liées à la majorité au sein du parlement. Dans cette hypothèse, le chef de l’État, par ses pouvoirs, serait un réel contre-pouvoir au pouvoir législatif, incarné par le Parlement. Ils défendaient par conséquent l’idée d’un président de la République directement élu au suffrage universel, ce qui lui confère une légitimité démocratique, voire, si nécessaire, une capacité de résistance à une majorité parlementaire et du gouvernement qui en émane. 13 Telle que prévue par la loi n° 2011-6 du 16 décembre 2011. 10
Rapport sur le régime politique tunisien dans le cadre de la Constitution de 2014 Analyse préliminaire du fonctionnement du régime politique de 2015 à 2018 De son côté, Ennahdha, au lendemain de la révolution, envisageait un régime politique où le pouvoir exécutif serait subordonné au pouvoir législatif. Dans ce système, l’origine et la survie du gouvernement dépendraient du Parlement. Le chef du Gouvernement serait choisi par le Parlement, responsable devant ce dernier et dépendant d’une majorité parlementaire. Le président de la République serait, quant à lui, élu par les membres du Parlement, donc un président élu au suffrage universel indirect14. Ses pouvoirs seraient limités, à l’instar des pouvoirs du président de la République durant la période de rédaction de la Constitution. La position d’Ennahdha, était officiellement motivée par la volonté d’éviter le risque de reproduction des dérives présidentialistes du régime sous l’empire de la Constitution de 1959. Le modèle proposé permettait d’éviter une concentration du pouvoir entre les mains du président15. Toutefois, à l’instar de ses concurrents politiques, les hypothèses et projections quant aux futurs scores électoraux ne semblent pas être étrangers à la position défendue par le parti. Après la victoire de 2011, beaucoup au sein d’Ennahdha envisageaient l’obtention d’une représentation au sein du futur Parlement qui leur permettrait de diriger les futurs gouvernements ou au moins de participer à de futures majorités parlementaires. De plus, bien qu’étant le premier parti au sein de l’ANC et de la majorité gouvernementale au sein de la Troïka, nombre de ses membres estimaient que la société tunisienne n’était pas prête à élire un président de la République issu d’Ennahdha. Cette analyse se fondait sur les critiques répétées envers le parti durant l’expérience de la Troïka. Ces critiques ont fait transparaître un clivage important entre Ennahdha, parti conservateur à référentiel religieux et les autres partis, enclins à intégrer l’héritage bourguibien dans leur projet appelé « moderniste ». Face à la résistance de tous les autres partis politiques, Ennahdha a dû graduellement reculer et accepter l’élection au suffrage universel direct du chef de l’État16. Les prérogatives du président de la République ainsi que ses relations avec le chef du Gouvernement et avec le Parlement n’ont cessé d’évoluer durant le processus constituant jusqu’à l’adoption de la nouvelle Constitution près de 15 mois plus tard. Cela se perçoit à la lecture des différents projets de la Constitution, sur les questions relatives aux nominations des ministres, ou des hauts fonctionnaires qui ont graduellement évolué d’une approche de coopération entre le président de la République et le chef du Gouvernement vers une division des tâches. Le chef de l’État nomme les ministres et les hauts fonctionnaires en charge de ses prérogatives propres, c’est-à-dire dans les domaines de la sécurité nationale et de la défense nationale. En pratique, cette approche oblige les deux têtes de l’exécutif à coopérer ensemble. En ce qui concerne ses relations avec le pouvoir législatif, la question relative à la capacité du président de la République de dissoudre l’Assemblée parlementaire, à l’instar du système français sous la Cinquième République ou sous la Constitution tunisienne de 1959, a été le fruit de longs débats qui n’a pas été réglée au sein de l’ANC, mais lors des négociations politiques du Dialogue National en 2013. Pour tous les partis, à l’exception d’Ennahdha, il s’agissait de permettre au chef de l’État, par sa prérogative de dissolution du Parlement, d’exercer le cas échéant son rôle d’arbitre et de régulateur du jeu politique et institutionnel. Pour Ennahdha, le droit de dissolution du président constituerait une épée de Damoclès par laquelle le pouvoir exécutif menacerait le pouvoir législatif. Même si elle n’était pas mise en œuvre, cette prérogative donnerait au président un pouvoir politique ascendant sur le pouvoir législatif qu’Ennahdha estimait démesuré. Les acteurs politiques ont finalement adopté une version très encadrée du droit de dissolution de l’ARP. 14 Lors de la campagne électorale pour les élections de l’ANC, Ennahdha a plaidé pour un régime parlementaire. 15 Les années d’exil des chefs du parti Ennahdha dans des Etats connaissant de systèmes politiques de type parlementaire tels l’Angleterre, l’Allemagne ou encore l’Italie ont peut-être contribué à influencer ce choix. 16 Le 14 octobre 2012, les trois partis de la Troïka ont annoncé des avancées quant aux contours du système politique dont l’élection directe au suffrage universel du chef de l’État. 11
Rapport sur le régime politique tunisien dans le cadre de la Constitution de 2014 Analyse préliminaire du fonctionnement du régime politique de 2015 à 2018 D. Le pouvoir législatif et ses relations avec les autres pouvoirs. D.1. Un rôle constitutionnel important et des défis structurels D.1.1. Les prérogatives constitutionnelles du pouvoir législatif En rupture fondamentale avec le régime tunisien d’avant 2011 caractérisé par un pouvoir législatif faible et sous le contrôle de l'exécutif, la nouvelle Constitution place le pouvoir législatif au centre de l’architecture institutionnelle démocratique. L’ARP, par l’intermédiaire de ses membres élus au suffrage universel, a le pouvoir de proposition des lois, elle adopte les lois, elle décide de donner sa confiance à une équipe gouvernementale après présentation de son programme. Le gouvernement est responsable devant l’ARP et dépend d’une majorité parlementaire au sein du pouvoir législatif. Par ailleurs, suite à d’âpres discussions lors de l’élaboration de la Constitution, le pouvoir législatif a également reçu la prérogative d’initier une procédure de destitution du président de la République. Par souci de stabilité du système politique et pour protéger la fonction du chef de l’État, ce droit est fortement encadré. Ce vote de destitution ne peut se faire que dans le cas d’une « violation grave de la Constitution »17. Du point de vue de l’expérience constitutionnelle comparée, il s’agit de mécanismes relativement classiques afin de rationaliser les relations entre les pouvoirs constitués de façon à ce qu’ils puissent fonctionner en bonne intelligence. Il faudrait cependant que les dispositions de la Constitution, dont certaines restent en suspens, telles que celles relatives à la Cour constitutionnelle, soient rapidement opérationnelles de façon à ce que l’ensemble fonctionne de façon cohérente. Dans le cadre du contrôle du gouvernement, l’ARP a le pouvoir de mise sur pied de commissions d’enquête. De plus, elle dispose d’autres pouvoirs tels que l’approbation des traités internationaux ou encore l’approbation des accords d’investissement relatifs aux ressources naturelles. Afin que le Parlement puisse assurer le mandat qui lui est confié, l’article 52 de la Constitution a consacré « l’autonomie administrative et financière dans le cadre du budget de l’État » de l’ARP en précisant que «L’État met à la disposition de l’Assemblée des représentants du peuple les ressources humaines et matérielles nécessaires au député pour la bonne exécution de ses fonctions. ». Il s’agit d’une garantie constitutionnelle nouvelle dans l’histoire constitutionnelle tunisienne, qui n’était pas consacrée dans la Constitution de 1959. Ceci contribue à asseoir l’autonomie de l’ARP face au pouvoir exécutif. Une proposition de loi mettant en œuvre ces principes constitutionnels a été présentée à l’ARP en juin 201518 mais n’a pas été adoptée au 30 septembre 2018. D.1.2. Les défis du pouvoir législatif Les moyens financiers mis à disposition de l’ANC de 2012 à 2014, puis de l’ARP de 2015 à 2018, ont été augmentés en comparaison avec les budgets alloués durant les années précédentes à la Chambre des députés sous l’empire de la Constitution de 1959. Les budgets alloués à l’ARP en 2016, en 2017 et en 2018 se distinguent par une augmentation considérable par rapport aux années précédentes. En effet, le budget de l’ARP en 2016 (32,900 millions de dinars) a connu une augmentation de 44,41 % par rapport à celui de 2015 17 L’article 88 dispose que « Les membres de l’Assemblée des représentants du peuple peuvent, à la majorité, présenter une motion motivée pour mettre fin au mandat du président de la République en raison d’une violation grave de la Constitution. La motion doit être approuvée par les deux-tiers des membres de l’Assemblée. Dans ce cas, l’affaire est renvoyée devant la Cour constitutionnelle qui statue à la majorité des deux-tiers de ses membres. (…) ». 18 Proposition de loi organique N°2015/42 relative à l'autonomie de l'Assemblée des Représentants du Peuple et les règles de son fonctionnement (source : http://arp.tn/site/ servlet/Fichier?code_obj=89893&code_exp=1&langue=1) 12
Rapport sur le régime politique tunisien dans le cadre de la Constitution de 2014 Analyse préliminaire du fonctionnement du régime politique de 2015 à 2018 (22,783 millions de dinars). Bien que les budgets de 2017 et de 2018 aient connu respectivement une baisse de 10,5 % (29,446 millions de dinars) et 6 % (30,919 millions de dinars) par rapport au budget de 2016, les moyens alloués à l’ARP à partir de l’année 2016 restent nettement supérieurs à ceux alloués aux assemblées (ANC19 et ancienne Chambre des députés) durant les années précédentes, notamment celles antérieures à 2011 (voir tableau ci-dessous)20. Année Budget en millions de dinars 2009 15,597 Chambre des députés 21 (sous l’empire de la Constitution de 1959) 2010 18,688 22 2011 20,671 23 2012 22,230 ANC 24 Assemblée nationale constituante 2013 25,488 25 2014 25,234 26 2015 22,783 27 2016 32,900 ARP Assemblée des représentants du peuple 28 2017 29,446 29 2018 30,919 30 Le budget de l’ARP est celui qui a connu l’évolution la plus nette entre 2015 et 2018 avec une augmentation de 35% comparativement aux budgets de la présidence du gouvernement (14%) et de la présidence de la République (23%). Budget en millions de dinars Présidence du Gouvernement Présidence de la République ARP 201531 147,271 88,156 22,783 2018 168,372 108,513 30,919 Evolution en % 32 + 14 % + 23 % + 35 % entre 2015 et 2018 19 A l’exception du budget alloué à l’ANC en 2013 (25,488 millions de dinars). 20 L’ANC puis l’ARP, en tant qu’institutions, ont bénéficié d’un soutien international, canalisé principalement par l’intermédiaire du Programme des Nations Unis pour le Développement (PNUD) qui a mis en place un programme multi annuel de soutien de l’Assemblée. 21 Loi n° 2008-77 du 22 décembre 2008, portant loi de finances pour l’année 2009. 22 Loi n° 2009-17 du 21 décembre 2009, portant loi de finances pour l’année 2010. 23 Loi n° 2010-58 du 17 décembre 2010, portant loi de finances pour l’année 2011. 24 Loi n° 2011-7 du 31 décembre 2011, portant loi de finances pour l’année 2012. 25 Loi n° 2012- 27 du 29 décembre 2012, portant loi de finances pour l’année 2013. 26 Loi n° 2013-54 du 30 décembre 2013, portant loi de finances pour l’année 2014. 27 Loi n° 2014-59 du 26 décembre 2014, portant loi de finances pour l’année 2015. 28 Loi n° 2015-53 du 25 décembre 2015, portant loi de finances pour l’année 2016. 29 Loi n° 2016-78 du 17 décembre 2016, portant loi de finances pour l’année 2017. 30 Loi n° 2017-66 du 18 décembre 2017, portant loi de finances pour l’année 2018. 31 Loi n° 2014-59 du 26 décembre 2014, portant loi de finances pour l’année 2015. 32 Loi n° 2017-66 du 18 décembre 2017, portant loi de finances pour l’année 2018. 13
Rapport sur le régime politique tunisien dans le cadre de la Constitution de 2014 Analyse préliminaire du fonctionnement du régime politique de 2015 à 2018 Malgré ces augmentations, les ressources allouées à l’ARP restent, à première vue, insuffisantes au regard des prérogatives constitutionnelles qui lui sont reconnues. En outre, le budget de l’ARP correspondait au sixième du budget de la présidence du gouvernement et au quart du budget de la présidence de la République en 2015. De ce fait, cette augmentation correspond à une réduction minime de l’écart entre les budgets des trois institutions. A titre de comparaison, en France, c’est l’Assemblée nationale qui a le budget le plus élevé, avec une moyenne de 565 millions d’euros annuels, suivie par le Sénat (320 millions) et l’Elysée (100 millions)33. Ces chiffres doivent, cependant, être analysés de façon approfondie en combinaison avec d’autres variables économiques, à l’instar de l’inflation, et d’autres données pour pouvoir vérifier si les accroissements budgétaires correspondent à une augmentation sensible des ressources humaines et des moyens techniques mis à la disposition de l’ARP. L’ARP a entrepris une réforme de son secrétariat et a modernisé ses moyens d’information et de communication. Cela a permis à l’ARP de résoudre graduellement certains déficits organisationnels qui affectaient sa capacité de travail. Les besoins en renforcement des capacités incluent, entre autres, l’établissement d’un calendrier législatif permettant aux parlementaires d’avoir une meilleure visibilité des travaux en commission et en séance plénière. Ils peuvent ainsi mieux planifier leur temps lors des séances de travail à Tunis, lorsqu’ils ne sont pas dans leurs circonscriptions. Cet aspect de la planification du travail de l’ARP s’avère d’autant plus important que les députés ne peuvent déléguer leurs votes34. Des efforts ont également permis l’amélioration de la communication interne35 et la communication institutionnelle externe de l’ARP à travers l’établissement, depuis mai 2016, d’un centre média36. A côté de ces avancées, il faut souligner que le manque d’espaces de travail dans les locaux de l’ARP handicape l’action des parlementaires. Seuls les présidents des commissions législatives bénéficient de bureaux individuels. Les autres membres doivent travailler dans des pièces communes aménagées à cet effet, ou, le cas échéant, dans les couloirs. Les ressources, en termes d’accès à l’expertise nécessaire à l’élaboration des textes législatifs restent également largement insuffisantes. Dans l’exercice de leur mandat, l’accès à des bases de données par les membres de l’ARP pour effectuer des recherches juridiques concernant les propositions et projets de lois est pourtant essentiel. Transformer une institution marginalisée pendant des décennies en une institution forte et efficace nécessite du temps mais également des moyens logistiques. D.2. L’initiative, l’élaboration et l’adoption de la législation. D.2.1. Initiative législative L’initiative législative est reconnue à dix députés au moins, au président de la République et au chef du Gouvernement (article 62 de la Constitution). Toutefois, l’initiative législative parlementaire est en pratique limitée par la capacité du gouvernement à présenter un nombre important de projets de lois et qui, de surcroit, ont la priorité par rapport aux propositions de loi des députés lors de leur examen par le Parlement. La reconnaissance du droit d’initiative des textes législatifs aux parlementaires fait partie d’une prérogative classique qui se rattache à leur mission. Toutefois, l’initiative législative reconnue aux députés ne peut devenir source d’obstruction parlementaire. Si les propositions de loi (émanant des députés) étaient examinées 33 34 L’article 61 de la Constitution dispose que le vote du député à l’ARP « est personnel et ne peut pas être délégué ». 35 Cela inclut la gestion des informations entrantes au sein du bureau d’ordre, la mise sur pied d’un réseau intranet et une messagerie électronique spécifiques à l’ARP. Ces derniers outils ne semblent pas encore bien connus et utilisés par les membres de l’ARP. 36 Ce dernier est composé d’une salle de conférence pour les rencontres entre les membres de l’ARP et les médias, d’un espace dédié au travail des journalistes ainsi que des lieux permettant d’organiser des entretiens. Contrairement à l’ANC qui n’avait pas les moyens et la maîtrise de sa communication, ce centre permet à l’ARP de prendre le contrôle sur sa communication institutionnelle. Cette évolution est positive et pourrait permettre, à terme, à l’ARP de transformer son image. 14
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