Les cahiers PCL Plaisir, Effort et Emotions - Licence 3 Parcours Professeur Collège et Lycée - Aix-Marseille Université
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Les cahiers PCL – Plaisir, Effort et émotions N° 1 – Novembre 2021 Licence 3 Parcours Professeur Collège et Lycée Année 2021 - 2022 Les cahiers PCL Plaisir, Effort et Emotions N° 1 – Novembre 2021 1
Les cahiers PCL – Plaisir, Effort et émotions N° 1 – Novembre 2021 Table des matières Préface – C. Bourdin .................................................................................................................................3 Effort & Plaisir : si incompatible ? Un exemple en musculation T. Royet.............................................................................................................................................................4 Plaisirs et émotions en EPS, seulement pour « les forts » ? E.Turco ..............................................................................................................................................................6 Une Forme de pratique scolaire en relais vitesse A.Farrugia et F.Campisano ..................................................................................................................9 Un escape game pour s’engager dans l’effort Cindy Garcia ..................................................................................................................................................11 Renouveler les dispositifs utilisés en badminton pour éviter l’ennui Alix Baudry et Robin Visconti .............................................................................................................13 Plaisir, émotion, effort : et la science alors ? Lou Charlot et Antoine Devrièse-Sense ........................................................................................16 2
Les cahiers PCL – Plaisir, Effort et émotions N° 1 – Novembre 2021 Préface Christophe Bourdin : Doyen de la Faculté des Sciences du sport Luminy Marseille Cher.e.s étudiant.e.s de la filière STAPS Education et Motricité de la Faculté des Sciences du Sport d’Aix-Marseille Université, C’est avec un très grand plaisir que j’écris cette préface courte pour lancer le bi-semestriel de la filière. Ce bulletin, voulu par Sophie Deutz d’Arragon, est une initiative intéressante à plusieurs titres. D’abord, cette filière reste et restera à jamais la filière historique de la faculté des Sciences du Sport d’Aix-Marseille Université, et des STAPS en général. « A jamais les premiers », comme aurait dit un Marseillais notoire qui vient de nous quitter. Cette historicité est un fait important car elle marque le rôle structurant de cette filière. Elle impose aussi à la filière de toujours se renouveler pour ne pas vivre que sur son histoire. De fait, l’initiative de ce bulletin est une façon de singulariser la filière, et de valoriser les pratiques professionnelles ou pré-professionnelles des étudiantes et étudiants. L’initiative démontre également le dynamisme de la filière et sa volonté ferme de pousser tous les étudiants à réfléchir sur leur pratique. C’est un savoir-être important qui sera fondamental pour leur réussite professionnelle. C’est aussi un plaisir personnel d’écrire pour cette filière. Même si je n’y enseigne pas, je ne peux pas oublier mes années d’étudiant, sur un autre STAPS que celui de Marseille, dans la filière Education et Motricité. Je n’oublie pas que, comme beaucoup, mon souhait premier à l’entrée en STAPS était de devenir enseignant d’EPS. L’histoire en a voulu autrement, mais mes années dans la filière restent des années importantes pour moi et les apprentissages réalisés à cette époque, ainsi que les stages pratiques ont été de vraies opportunités pour évoluer personnellement dans mes attitudes vis-à-vis des autres. Si je veux remonter encore plus loin, le travail de cette filière me ramène, comme tout le monde, à mes années de collégien ou lycéen, ou l’EPS marquait un temps particulier dans ma semaine, non seulement par le fait que la pratique sportive me motivait, mais aussi, voire surtout, parce que les attitudes attendues dans des séances transformantes étaient spécifiques à l’EPS. Ces heures d’enseignement sont le lieu pour les élèves de travailler leur motricité, de se transformer et de travailler sur des aspects que seule l’EPS a réellement pris en compte avec tous ses élèves : émotions, effort et plaisir. C’est sur ces trois mots, émotions, effort et plaisir, que je souhaite terminer cette courte préface, car il n’y a pas d’apprentissage ni de pratique professionnelle efficace sans émotion, effort et plaisir. Bonne lecture à toutes et tous 3
Les cahiers PCL – Plaisir, Effort et émotions N° 1 – Novembre 2021 Effort et plaisir : si incompatible ? Un exemple en musculation Thomas Royet – Professeur agrégé FSS Formateur Ecrit 1, spécialité forme et tennis. Effort et plaisir … Omniprésents en EPS, ces deux notions semblent à première vue se comprendre dans une forme d’opposition. Mais si nous prenons le temps de nous arrêter sur chacune d’entre elles, il est possible de créer des ponts visant à les réconcilier. Si l’on se place sur des paradigmes mobilisés par des concepteurs de la discipline, l’effort peut se définir comme la capacité à moduler volontairement les ressources investies dans une tâche (DELIGNIERES, 2000). Ces ressources peuvent à la fois être physiques en EPS, mais également mentales. On peut dès lors, identifier l’effort comme un indicateur de motivation des élèves. En simplifiant grandement, un élève motivé sera davantage amené à fournir des efforts importants. Ce lien entre motivation et effort est important à saisir pour deux raisons. La première, est que nous faisons le pari qu’en jouant sur la motivation des élèves, nous les engagerons davantage à fournir des efforts, et notamment des efforts durables. La seconde, est qu’en liant effort et motivation, nous créerons le pont tant recherché entre effort et plaisir. En effet, nous nous basons sur la théorie de l’autodétermination (DECI & RYAN, 1985), l’être humain cherche à satisfaire de façon innée trois besoins psychologiques fondamentaux : le besoin de compétence, le besoin d’affiliation et le besoin d’autonomie. Nous faisons alors l’hypothèse, qu’en visant dans nos leçons d’EPS la satisfaction de ces trois besoins, nous pourrons engager les élèves dans un plaisir de pratiquer à long terme. En résumé, jouer à travers nos séquences d’enseignement et nos situations d’apprentissage sur l’atteinte de ces trois besoins par les élèves, facteurs de plaisir liés à cet état de motivation intrinsèque, permettra d’engager les élèves dans des efforts à court mais surtout à long termes. Ce cadre théorique dans lequel nous allons nous situer étant placé, il est maintenant tant de glisser vers un exemple concret de terrain. Une activité en particulier a attiré notre attention quand il s’agit d’aborder les notions d’effort et de plaisir : le Crossfit@. Activité visant le développement de multiples qualités physiques (force, mobilité, endurance, …), cette dernière ne cesse de se développer en Europe et en particulier en France (1 salle en 2011 en France contre 260 en 2016 – LeMonde). Si « l’effet de mode » est souvent mobilisé par ses détracteurs, force est de constater, que l’activité semble faire davantage que résister à ce dernier, et s’installe dans la durée. L’une des hypothèses explicatives, qui n’engage que nous pour comprendre ce phénomène, est que le Crossfit@ permet très souvent de répondre aux besoins psychologiques fondamentaux cités ci- dessus. Dès lors, quiconque a déjà mis les pieds dans une salle de Crossfit@ et discuter avec ses pratiquants a pu voir comment effort physique et mental côtoient plaisir de pratiquer. Nous pensons donc que des éléments de cette pratique peuvent être des leviers importants pour lier plaisir de pratiquer et effort en EPS. Nous allons tenter de l’illustrer dans une leçon s’adressant à des élèves de 2nde vivant une première séquence de « Musculation » au lycée. Nous nous situons environ au tiers de la séquence, les premières leçons ayant permis d’acquérir les règles de sécurité fondamentales sur des mouvements de base et complexes comme le squat, le soulevé de terre ou encore le développé couché. L’objectif de cette leçon est de faire découvrir aux élèves le projet d’entraînement lié au développement de « l’endurance de force ». L’un des principaux facteurs permettant de développer cette qualité étant le travail sous fatigue, l’autre objectif de cette leçon sera de fournir un effort quasi maximal et d’en identifier les ressentis (musculaire, cardio-vasculaire, mental) associés. Sur le plan de la sécurité, le travail sous fatigue engageant quasi nécessairement une dégradation de l’exécution, la ou les charges mobilisées devront être légères ou absentes. 4
Les cahiers PCL – Plaisir, Effort et émotions N° 1 – Novembre 2021 Voici la situation complexe à laquelle les élèves sont confrontées en fin de leçon : WOD : « For Time » – Time Cap = 20 minutes Workout Of The Day « Team » 50 SU – Gainage planche 40 Goblet Squat (synchro) – 30 Fentes (partagées) – 20 Burpees (partagés) 50 SU – Gainage planche 40 Burpees (partagés) – 30 Goblet Squat (synchro) – 20 Fentes (partagées) 50 SU – Gainage planche 40 Fentes (partagées) – 30 Burpees (partagés) – 20 Goblet Squat (synchro) 50 SU – Gainage planche Prenons le temps de détailler cette situation. Le but est de terminer l’enchaînement des exercices le plus rapidement possible, ce que signifie l’appellation « For Time ». Quoiqu’il arrive, que j’aie ou non terminé, le « WOD » se termine au bout de 20 minutes, l’objectif étant bien évidemment d’essayer de le finir avant. La particularité de ce « WOD » est qu’il se réalise en équipe de 2. Ainsi, pendant que mon coéquipier réalise les 50 « single under » (corde à sauter), je suis en position de gainage planche. Par la suite, les « goblet squat » (squat avec une charge tenue dans les mains devant soi) sont réalisés en « synchroniser », ce qui induit que l’on doit s’adapter au sein de l’équipe à celui qui est le plus en difficulté. Les fentes et les burpees sont quant à eux réalisé en « partager », c’est-à-dire à répartir au sein de l’équipe sans contrainte (ex : je fais 20 fentes, mon coéquipier 10 fentes, je fais 5 burpees, mon coéquipier en fait 15 sur la première ligne). Pour déterminer la charge mobilisée sur les goblet squat et les fentes, un travail sur la réalisation de l’exercice et la détermination du RM25 (charge maximale que je peux soulever 25 fois) sur les fentes est réalisé pendant une trentaine de minutes. La même charge est alors utilisée pour les fentes et les goblet squat : elle sera légère pour les fentes et très légère pour les goblet squats. En quoi cette situation complexe permet-t-elle de répondre, de notre point de vue, à cette volonté d’engager les élèves à fournir des efforts par la satisfaction des besoins fondamentaux ? Premièrement, la situation est vécue du début à la fin en binôme dont l’objectif de finir le plus rapidement possible l’enchaînement d’exercice est commun et inatteignable seul : il y a alors nécessité de coopération par interdépendance pour réussir la situation. Cet élément nous permet de répondre au besoin d’affiliation, d’autant que les binômes sont réalisés par affiliation. Deuxièmement, la part d’autonomie guidée laissée aux élèves au sein de la situation lorsqu’il se partage les répétitions sur les fentes et les burpees permet cette fois-ci de soutenir le besoin d’autonomie. Enfin, la mise en place d’une charge adaptée à chacun sur les fentes et les goblet squat, et la détermination d’un « Time Cap » exigeant mais accessible, permet de soutenir le besoin de compétence en permettant l’accès à la réussite. Nous n’avons pas insisté sur le travail fourni autour des ressentis, pourtant fondamental dans le champ d’apprentissage 5, car ce n’est pas le sujet central de notre article. Nous aurions également pu lier les notions d’effort et de plaisir sur une définition du plaisir à plus court terme, comme synonyme d’amusement. En ce sens, le jeu et l’amusement provoqués par certaines situations peuvent se placer comme des éléments qui masquent l’effort fourni et le facilite. Mais cela nous semble moins adapté à la logique interne du champ d’apprentissage 5 qui vise la mise en place d’une pratique à long terme. Cet exemple concret de terrain, appuyé sur des éléments scientifiques, nous permet simplement d’illustrer que l’enseignant d’EPS ne devrait pas considérer effort et plaisir comme antinomique. Pour nous, il est préférable de considérer la recherche du plaisir comme élément indispensable à la poursuite d’effort à long terme, entraînant par la suite le plaisir de s’accomplir. Un cercle vertueux en soi ! 5
Les cahiers PCL – Plaisir, Effort et émotions N° 1 – Novembre 2021 Plaisirs et émotions en EPS, seulement pour « les forts » ? Ernest Turco Professeur agrégé EPS Formateur écrit 2 Dans ce court article, nous allons essayer de traiter de la thématique PLAISIR, EMOTIONS, EFFORT en la liant avec la finalité de poursuite d’activité physique chez nos élèves après l’école. Nous ferons parfois des raccourcis critiquables mais obligés par le format très condensé qui nous est imposé. Il s’agit alors ici d’initier une réflexion qui pourra remettre en question nos pratiques et la façon dont nous abordons le traitement des APSA et des séquences avec nos élèves. Au sein de nos cours d’EPS, il est bien connu qu’il règne une hétérogénéité de sexe, de niveaux, de motivation, ce qui rend l’enseignement de cette discipline bien délicat puisque l’enseignant doit en permanence s’adapter et proposer des formes de pratiques, contenus, adaptés à tous mais aussi à chacun. La célèbre « réussite » de tous des BO de 2008. Cependant, il est aussi bien connu que l’enseignant d’EPS n’aura pas la même difficulté à faire faire des efforts et apprendre un élève sportif, déjà doté d’une certaine culture sportive, plutôt qu’un élève à profil sédentaire, éloigné de la logique de l’effort à la fois physique mais aussi scolaire. D’ailleurs, « Malgré la mobilisation des professeurs d’EPS pour proposer aux élèves des expériences corporelles riches, pour leur faire vivre des formes de pratique variées, le décrochage de l’activité physique s’opère majoritairement à partir de 17 ans, au terme de l’enseignement obligatoire d’EPS, plus massivement chez les jeunes femmes que chez les jeunes hommes. » Projet programme lycée 2019 Ce constat alarmant nous amène à requestionner notre impact au sein de nos cours, est-ce que nous mettons en place les conditions nécessaires à la poursuite d’une activité physique après l’Ecole ? Tout en sachant que d’après Grant Tomkinson en 2013 il y a eu en 40 ans « 25% de moins en termes de capacité physique », ce qui équivaut à 1mn en plus sur un 800M pour nos élèves ! Ceux qui poursuivent alors une activité physique après l’école, ne seraient-t-ils pas déjà sportifs et/ou motivés par la pratique physique, et qui plus est de sexe masculin ? La question du plaisir et des émotions que vivent nos élèves dans nos cours semble donc prendre une grande importance, puisqu’il en va de soi, prendre du plaisir et vivre des émotions aide considérablement la pratique mais aussi à concéder les efforts nécessaires pour parvenir à des objectifs fixés et/ou à une pratique ultérieure. Nous distinguons deux types de plaisirs, celui qui est immédiat, vécu dans l’instant de l’action, et celui différé, vécu par procuration, qui doit venir après. Concernant les émotions, nous en cernons deux types également, les positives, qui laissent une trace agréable dans l’esprit et que nous pourrons avoir envie de « revivre », et les négatives, qui nous alertent et peuvent limiter notre action à court mais aussi long terme, c’est-à-dire que nous voudrons plus les « revivre ». Ces deux notions, appliquées à nos cours d’EPS font émerger des réflexions : Nous souhaiterions alors que nos élèves prennent du plaisir de façon immédiate, c’est-à-dire qu’ils s’engagent volontairement au sein de nos cours, mais qu’ils envisagent aussi un plaisir ou des plaisirs plus lointains, qu’ils pourront atteindre en progressant, en acquérant de nouveaux pouvoirs d’agir. En d’autres mots, les émotions positives vécues dans les moments de plaisirs immédiats, leurs donneraient envie de les retrouver plus tard, en acceptant une démarche d’investissement personnel que nous pouvons associer au terme d’effort. 6
Les cahiers PCL – Plaisir, Effort et émotions N° 1 – Novembre 2021 L’effort, qu’il soit physique, mental ou social, serait alors consenti et non contraint, puisque déterminé par une motivation personnelle, interne à l’élève. Faisant écho au titre de notre article, nous pouvons alors vulgairement faire l’hypothèse qu’au sein de nos cours d’EPS, il y aurait deux types d’élèves : - Ceux qui seraient « bons » (« les forts ») et qui associeraient aisément plaisir immédiat et plaisir différé, tout en conciliant les efforts nécessaires pour parvenir aux objectifs fixés, motivés par le fait de revivre les émotions positives véhiculées par la pratique physique (personnelle et/ou collective) - Ceux qui seraient « moins bons » (« les faibles ») qui ne prendraient pas de plaisir immédiat, et encore moins de façon différée, et donc ne feraient pas d’efforts de manière consentie, mais sous la contrainte de la note, punition, ou pas du tout. Cependant, pour aller plus loin et ne pas rester sur un « cliché » nous avons cernés différents profils d’élèves en rapport avec cette thématique du plaisir, des émotions et de l’effort, tout en les liants avec un objectif ultime de pratique ultérieure autonome, cher à notre discipline, voir primordial LOGIQUE DE PROGRESSION DE L’ELEVE VERS LES OBJECTIFS PROFILS DE LA DISCIPLINE ET DE L’ENSEIGNANT D’ELEVES 7
Les cahiers PCL – Plaisir, Effort et émotions N° 1 – Novembre 2021 Ce schéma met donc en exergue les principales combinaisons de profils d’élèves, bien que d’autres soient encore possibles. Ce qui découle de cette analyse est que nos élèves arrivent dans nos cours d’EPS avec un bagage culturel, un vécu, et un rapport à l’école et à notre discipline propre à chacun. Cela n’est cependant pas figé, c’est un constat à un instant T qui tend à évoluer au sein du curriculum de l’élève. Les Programmes d’ EPS voies générale et technologique BO spécial n°1 du 22 janvier 2019 nous rappellent que « Grâce aux efforts consentis, aux progrès réalisés et constatés, l’élève éprouve le plaisir de pratiquer une activité physique raisonnée et régulière tout au long de la vie. » Cette ambition majeure de notre discipline à former des futurs citoyens en bonne forme, capables de gérer leur vie physique, pourra selon nous être atteignable que par une minorité d’élèves (cf. échelle de probabilité de notre schéma), ce qui cause évidemment problème puisque ce leitmotiv est envisagé pour tous. Le rôle de l’enseignant semble donc être primordial mais aussi complexe puisque comme nous l’avons vu, différents profils d’élèves subsistent. Il devra donc adapter son enseignement et jongler avec les notions de PLAISIR / EMOTION et EFFORT. Selon nous, le plaisir immédiat est essentiel pour faire entrer et/ou maintenir les élèves en activité volontaire et source d’émotions positives. Cependant, lorsque vient le temps des efforts (physiques : accepter la douleur ? / moraux : accepter d’analyser, observer ? / sociaux : accepter de travailler pour/avec ?), la notion de plaisir immédiat peut disparaître pour certains profils d’élèves, et le chemin à parcourir pour le retrouver après (plaisir différé) peut être fatal pour certains. L’effort contraint comme frein à éviter/limiter chez les élèves puisque moins porteur de sens pour l’élève, faire pour ou pour ne pas être sanctionné, ne fera qu’éloigner l’élève d’une pratique ultérieure autonome puisque non volontaire. L’étape du « plaisir différé » représente donc la clé de voûte de notre enseignement, « ce qu’il ne faut pas rater » pour ne pas perdre nos élèves. Cette étape correspond selon nous aux situations d’apprentissages, aux formes de pratiques scolaires, en somme, aux moments où l’élève apprend et dépasse ce qu’il savait déjà faire avant. Le premier volet des programmes du collège 2015 nous indiquent à ce propos que « Pour que l’élève accepte des démarches où il tâtonne prend des initiatives, se trompe et recommence, il est indispensable de créer un climat de confiance, dans lequel disparaît (…) la peur excessive de mal faire ». La notion de plaisir immédiat ne doit donc pas être perdue de vue, pour que des émotions positives subsistent et entretiennent une logique d’efforts consentis vers un plaisir plus différé. La notion d’échec dans ce processus ne devra également pas être sous-estimée puisque ce que l’enseignant propose à l’élève est en théorie au-dessus de ce qu’il sait déjà faire (notion de « décalage optimal », L.Allal, 1979), et l’échec ne devra donc pas être mal vécu par l’élève. D’ailleurs, N.Mascret avance l’idée que « S’il n’y avait pas d’échec dans le processus d’apprentissage, cela signifierait qu’il n’y aurait rien eu à apprendre et que l’élève n’aurait reproduit que ce qu’il était déjà capable de réaliser. Le problème vient plutôt de l’échec répété » (« Elèves difficiles à l’école et en EPS : une question de rapports » Collection pour l’action, revue EP&S,2017) Tout cela nous laisse donc penser que pour former des citoyens acteurs de leurs vies physiques après l’école, les enseignants d’EPS devront veiller à maintenir un climat motivationnel positif et permanent pour tous leurs élèves, vecteur d’engagement, source de plaisirs immédiats et différés, porteur d’émotions positives, stimulantes et créatrices d’efforts consentis. L’échec quant à lui, et les émotions négatives qui pourront en découler, devra être envisagé comme une voie vers le progrès et non comme une sanction irrémédiable. Emotions, plaisirs et efforts en EPS, pour tous ! Vaste programme… 8
Les cahiers PCL – Plaisir, Effort et émotions N° 1 – Novembre 2021 Une Forme de pratique scolaire en relais vitesse Amandine Farrugia, Florian Campisano, Etudiants en master 1 MEEF, INSPé Marseille Nous allons nous appuyer sur les travaux d’E.Llobet qui met en avant une forme de pratique scolaire appelée le « relais 12 secondes ». L’idée est de faire vivre aux élèves une réelle expérience culturelle dans le champ d’apprentissage n°1, celui dans lequel la production d’une performance est au centre des attendus. Le plus souvent les élèves ne sont pas particulièrement attirés par les activités de ce champ d’apprentissage, voir ce peut être une source de déplaisir pour eux. Notre adaptation personnelle de cette forme de pratique aux caractéristiques de notre classe (collège Louis Pasteur) a permis d’engager les élèves dans un projet collectif de recherche et d’amélioration de la performance. C’est une forme de pratique scolaire qui permet de retrouver au sein d’une leçon en EPS le plaisir de pratiquer, en produisant les efforts optimaux adaptés aux possibilités de chacun. Mise en œuvre de cette forme de pratique Le but : Aller le plus loin possible en relais avec un temps de 12 secondes Un dispositif qui valorise l’autonomie des élèves Aménagement humain de la classe Les élèves sont réunis par doublette affinitaire, puis nous avons réuni deux doublettes (d’un même niveau) pour faire des groupes de quatre élèves. Aménagement matériel Chaque doublette à une paire de chasuble de couleur, dans un groupe de quatre il y a les oranges et les violets, et les bleus et les roses. Ces couleurs définissent un même binôme qui travaille ensemble du début à la fin du cycle. La couleur de chasuble associé à chaque binôme reste similaire tout au long du cycle. Cette organisation spécifique nous permet de maximiser le temps de pratique pour tous les groupes. L’utilisation d’une application « Compteur d’intervalles » organise le départ des donneurs et signale la fin des 12 secondes, donc l’arrivée. On a mis en place avec les élèves des signaux qui automatisent leur pratique au fil des séances avec un « bip de prédation» un « bip de départ » et un « bip d’arrivée » différents. Ce dispositif permet aux coureurs (par exemple les bleus et roses) de se préparer à l’effort et aux observateurs (les oranges et violets du même groupe) d’être précis sur le résultat de la vitesse atteinte par les coureurs qu’ils observent. 9
Les cahiers PCL – Plaisir, Effort et émotions N° 1 – Novembre 2021 Cette fiche d’observation est donnée aux élèves pour mesurer leur performance réalisée par séance et les réajuster si besoin au cours du cycle, l’objectif étant de viser une progression des résultats entre la première et la dernière séance. Une situation qui soutient le plaisir d’apprendre Les élèves sont réunis par doublette affinitaire ce qui permet d’instaurer un climat de classe positif. Les routines mises en place tout au long du cycle (sur la préparation au départ, les rotations donneur, receveur…) donnent aux élèves des repères qui les rassurent et favorisent leur engagement dans les apprentissages. Cette forme de pratique lie deux élèves sur un cycle entier, la performance de la doublette est autoréférencée par rapport aux vitesses départ-arrêté prises en début de cycle. Les élèves d’un même binôme ont le temps de se voir progresser sur l’ensemble du cycle (grâce aux fiches d’observation qui retrace leurs performances) ce qui favorise leur motivation et leur plaisir pour dépasser leur propre performance de leçons en leçons. L’activité entre le donneur et le receveur est individualisée par un projet de performance que les élèves mettent au point au cours du cycle. Pour cela ils ont à leur disposition au niveau du départ du receveur des plots « repères » de couleurs différentes qui leur permettent de réguler l’anticipation du départ du receveur pour que la transmission du témoin se fasse à vitesse maximale. Cette forme de pratique scolaire permet la valorisation des besoins psychologiques fondamentaux, Autonomie, Compétence, et Affiliation sociale ce qui procure une sensation de bienêtre dans la pratique et renforce la motivation pour apprendre. Vallerand et Fortier 1998. 10
Les cahiers PCL – Plaisir, Effort et émotions N° 1 – Novembre 2021 Un escape game pour s’engager dans l’effort Cindy Garcia Licence 3 PCL La situation d’apprentissage suivante est proposée pour un cycle 4 sur une APSA athlétisme, plus précisément demi-fond. Pour rappel, l’objectif des APSA du champ d’apprentissage 1 est : Produire une performance optimale, mesurable et à une échéance donnée. Cette activité peut être perçue comme une activité difficile et très peu ludique par les élèves car elle demande un effort élevé, souvent rattaché à de la douleur, de la difficulté. L’effort est défini en EPS comme un « engagement volontaire d’un individu qui mobilise ses forces pour poursuivre l’exercice entrepris » par Delignières. Je souhaite proposer ici une situation d’apprentissage qui pour moi peut masquer l’effort et donc permettre l’engagement plus volontiers des élèves afin de garder un niveau d’effort (physique et mental) élevé tout au long de la séance. D’autant plus pour les élèves « non sportifs » pour qui l’effort est souvent non consenti ce qui rend difficile notre objectif de professeur, à savoir : « La réussite de tous ». Je propose donc une séance de demi-fond sous la forme d’un escape game (jeu d’évasion). 12345 6789 EVASION 10 Salle 1 Salle 1 Salle 2 Salle 3 Salle 4 Les élèves sont par équipes de 3 (affinitaires et numérotés sur le schéma de 1 à 10). Il y a 10 équipes de 3. Les équipes auront chacune 5 chances pour s’évader des 4 salles (laisse le droit à un échec afin de diminuer la peur de tromper). Pour passer de salle en salle et donc s’évader il faut : ➔ La clef : Les 3 élèves de l’équipe doivent effectuer la course sans s’arrêter. ➔ Le code : Chaque élève doit relever le défi demandé : Courses de 3 minutes Salle 1 : Chaque membre de l’équipe doit égaler sa moyenne de plot personnel (ex : Lenny à 12 plots à effectuer, Yohann 20 et Yasmine 15). Salle 2 : L’équipe détermine un élève qui doit faire + 2 plots par rapport à sa moyenne personnelle. Les 2 autres élèves doivent égaler leur moyenne. Salle 3 : L’équipe détermine 2 élèves qui doivent faire + 2 plots par rapport à leur moyenne. L’élève restant doit égaler sa moyenne. Salle 4 : La totalité de l’équipe doit dépasser d’au moins 1 plot sa moyenne personnelle. Les objectifs sont donc autoréférencés à chaque élève laissant place à une plus grande équité afin de réussir. 11
Les cahiers PCL – Plaisir, Effort et émotions N° 1 – Novembre 2021 Déroulement : Lorsque les équipes pairs (2/4/6/8/10 courent), les équipes impaires observent et notent sur une fiche d’observation le nombre de plots atteint par chaque membre de l’équipe. Les rôles s’inversent ensuite. Le terrain est matérialisé par des plots tous les 20 mètres. Le professeur dessine les salles sur un tableau et fait avancer chaque équipe à chacune de leurs réussites. (Visibilité pour l’élève). L’équipe réussi la situation si sur 5 courses, ils en réalisent au moins 4 sans s’arrêter et réalisant les défis demandés dans chaque salle et donc s’évade. Fiche d’observation : PRENOM COURSE 1 COURSE 2 COURSE 3 COURSE 4 COURSE 5 Lenny (12) ++++++++++++ Yohann (20) ++++++++++++ ++++++++ Yasmine (15) +++++++++ ARRET OUI / NON DEFI REALISE OUI / NON A chaque fois que l’élève (coureur) passe un plot, l’observateur fait une croix. Cela permet de compter rapidement et de constater ou non si chaque membre de l’équipe a rempli son contrat afin d’obtenir le code de la salle. (Contrat noté à côté du nom des élèves). L’intérêt de cette situation est donc d’ajouter un côté « ludique » à une ASPSA demandant un effort intense et répété qui peut ne pas motiver les élèves qui ne vont donc pas aller au bout de cet effort. Le fait d’être sous une forme de jeu moderne, que les élèves pratiquent ou ont pratiqué en dehors du cadre scolaire peut réussir à « masquer l’effort » et le transformer en plaisir car l’élève voudra s’évader et s’écoutera moins lorsqu’il aura envie de s’arrêter. Il existe en natation le jeu de « la grande évasion » qui comporte des similitudes. En effet, sur fond de scénario d’évasion, les élèves doivent réaliser un parcours aquatique pour rechercher des clefs et réussir à s’évader. (Crée par Potdevin, Pelayo, Maillard et Kapusta) De plus, le fait de mettre les élèves par équipes affinitaires de 3 peut créer une émulation, une dynamique de groupe ou l’entraide et l’encouragement va se développer. Cette situation a cependant des limites. En effet, si le climat de la classe est compliqué, et dans la mesure où la réussite de son équipe est liée à chaque membre qui la compose, cela peut créer des tensions entre les élèves et avoir l’effet escompté inverse (demander un trop gros effort social et donc un engagement dans l’effort physique et mental moindre). Pour conclure, je pense que cette situation d’apprentissage peu subvenir à la problématique de l’engagement dans l’effort dans les activités de production de performance mesurable. Le but est ici que chacun trouve du plaisir où il le souhaite (performance, jeu, partage avec les autres…) et le mette en œuvre dans un effort physique en EPS. 12
Les cahiers PCL – Plaisir, Effort et émotions N° 1 – Novembre 2021 Renouveler les dispositifs utilisés en badminton pour éviter l’ennui Alix Baudry et Robin Visconti « Les émotions envahissent les cours d’EPS » (Durand, Chronomètre et survêtement, 2000). Les émotions sont des réactions affectives transitoires d’assez grande intensité, habituellement provoquées par une stimulation venue de l’environnement. Il s’agit de ressentis internes à l’individu qui s’expriment par des manifestations externes. Dans le cursus scolaire d’un élève, c’est souvent au travers des APSA que les émotions surgissent. Ces émotions sont primordiales puisqu’elles peuvent être favorables à l’apprentissage. En effet, si l’on se réfère au Bulletin Officiel (BO) 2015 « Au cycle 4, les émotions jouent un rôle essentiel pour maintenir l’engagement dans les apprentissages. Il importe d’en tenir compte pour conserver le plaisir d’agir et d’apprendre, garant d’une activité physique régulière. » Le rôle de l’enseignant entre en jeu afin de maintenir l’élève dans un niveau d’engagement assez élevé afin de lui procurer des émotions. Nous savons grâce aux recherches scientifiques, que les émotions qu’elles soient positives ou négatives, impactent fortement les élèves et cela dès les premières séances. En s’appuyant sur d’eux dispositifs en badminton, nous allons voir comment susciter des émotions chez nos élèves et ainsi favoriser leurs apprentissages. L’APSA badminton compte parmi les plus demandeuse en termes d’efforts physiques et mentaux pour les élèves, selon la fédération française de badminton « le badminton peut être pratiqué quelles que soient ses capacités physiques, tout en restant ludique et profitable à la santé. Son apprentissage initial est particulièrement facile et le niveau de jeu nécessaire pour pouvoir profiter de son aspect ludique est atteint en quelques séances ». En début de parcours de formation, en 6ème par exemple, les élèves découvrent généralement des nouvelles pratiques sportives (diversité des champs d’apprentissage) dans des nouveaux complexes (gymnases, stades). De ce fait, les pratiques étant nouvelles sont inévitablement diversifiées, stimulantes et motivantes. Cependant cette APSA comme les autres présente des risques de redondance ou de routines qui se manifeste par des désengagements potentiels de certains élèves qui ont l’habitude de certains exercices, Erik Paulmaz évoque dans le cahiers EPS n°34 de 2006 une sensation de déjà-vu, déjà entendu : « ces routines au badminton vont, au fil du temps, ne plus présenter de notions nouvelles mais au contraire agir dans le sens d’une sécurité qui donne l’apparence d’un confort de répétition avec tous les inconvénients que cela suppose ». La réflexion autour du ludique, sans perdre l’idée de compétitions (matchs) et de gestion du rapport de force demandée par les programmes et les textes officiels et d’autant plus lorsqu’il est au service des apprentissages, provoque chez les élèves des efforts, des émotions et un double sentiment de plaisir ; celui de revenir en EPS la semaine suivante avec le sourire et l’envie de progresser et le plaisir à l’annonce d’une séquence de badminton lors d’une année scolaire ultérieure. Prenons comme exemple la traditionnelle « montante, descendante » des séances d’évaluations ou des fins de leçons tournaient vers les matchs. Quoi de plus redondant et ennuyeux pour des élèves qui seraient, par exemple, en terminale et qui pratiquent potentiellement ces rotations depuis 7 ans ! De plus ce système a tendance à accentuer les écarts entre les élèves. Visible de tous, c’est un sentiment d’incompétence qui est majoritairement ressenti par les élèves se situant sur les derniers terrains. Les élèves vont alors se catégoriser eux-mêmes comme « mauvais » dans cette APSA. Dans ces moments les élèves peuvent rapidement associer des émotions négatives à l’activité physique et plus particulièrement à l’EPS. Au travers de la situation que nous allons proposer, nous cherchons à ce que les groupes de niveaux puissent être fait sans que les élèves ressentent ce sentiment « d’être mauvais » 13
Les cahiers PCL – Plaisir, Effort et émotions N° 1 – Novembre 2021 Il est évident que ce système de montante-descendante réunit des avantages non négligeables pour le professeur mais ne serait-il pas possible de proposer un système de matchs nouveau aux élèves ? La ronde italienne : s’éprouver collectivement La ronde à l’italienne est une bonne illustration, elle est peu souvent mise en place par les enseignants, cependant on la retrouve fréquemment lors des compétitions d’association sportive (AS). Voici le fonctionnement d’une ronde italienne : le dispositif se fait par équipe. Les 4 élèves d’une équipe vont devoir disputer des matchs de simple et un ultime match en double (maximum deux matchs pour un élève). Le principe est que les joueurs suivant reprennent le score des joueurs précédant. Les rencontres se jouent en 44 points (11 points par rencontre) : Théo de l’équipe A mène 11 à 8 contre Emmanuel de l’équipe B Manon de l’équipe A reprend le score de Théo et Valentin de l’équipe B le score d’Emmanuel. Leur match ira jusqu’à 22 points (22 à 20 pour Laura par exemple) Le 3ème match reprendra alors à 22 à 20 pour l’équipe A. Pareillement pour le double qui boucle les matchs de ronde à l’italienne. EQUIPE A EQUIPE B SCORE SIMPLE 1 11PTS Théo Emmanuel 11/8 SIMPLE 2 22PTS Manon Valentin 22/20 SIMPLE 3 33 PTS Noémie Eddy 28/33 DOUBLE 44 PTS Paul/Noémie Emmanuel/Alix 44/39 EQUIPE GAGNANTE EQUIPE A SCORE Tout d’abord le principe de la ronde à l’italienne rentre totalement dans la logique du cours d’EPS. Elle permet dans un premier temps d’estomper l’hétérogénéité de la classe en faisant des équipes hétérogènes en leur sein mais homogène entre eux. De plus, les élèves choisissent leur ordre de passage lors de la ronde. Ce choix donne lieu à des retournements de situation qui induisent des émotions fortes vécues par l’élève et du point de vue du professeur, un basculement du rapport de force, priorité des attendus de fin de cycle (AFC). Ainsi les élèves se sentent unis et ont un sentiment d’appartenance et d’utilité dans la victoire comme dans la défaite (cf. AFC « accepter le résultat de la rencontre »). Ici les deux types de plaisir, évoquaient par Gagnaire et Lavie dans le plaisir en EPS en 2007, à savoir « le plaisir immédiat et le plaisir différé » sont provoqués. La victoire d’un 1 contre 1 engendrera un plaisir immédiat personnel chez l’élève et la victoire de l’équipe provoquera quant à elle un plaisir différé que l’élève ait connu un plaisir immédiat ou non. Le 100 m : engager les élèves dans la réussite La situation que nous allons présenter s’appelle « le 100 mètres ». Il faut imaginer une course de 100m sur lequel l’on rajoute des plots tous les 25m (départ, 25m, 50m, 75m, 100m, arrivée). Comme lors d’une course, tous les élèves partent sur la même ligne de départ. Les joueurs vont alors s’affronter en un contre un. Lors du duel, l’un des deux élèves va l’emporter. Il va donc avancer de façon imaginaire au plot des 25m suivant et ainsi de suite. L’avancée des élèves et les affrontements seront matérialisés sur un tableau à la vue de tous (voir ci-dessous). A la fin de chaque rencontre, les deux élèves doivent venir voir le responsable du tableau (enseignant ou dispensé) afin de comptabiliser le résultat. Chaque élève joue un nouveau match contre un joueur de la même colonne et aura donc une nouvelle chance d’avancer. Au niveau psychologique et émotionnel cela va différer des montantes/descendantes. Ils vont rencontrer différents joueurs de différents niveaux. L’intérêt de cette situation est de ne pas reléguer les élèves en difficulté sur les terrains les plus bas (les terrains ne sont pas numérotés). Plus 14
Les cahiers PCL – Plaisir, Effort et émotions N° 1 – Novembre 2021 les matchs se déroulent, plus ils vont s’homogénéiser et tous les élèves vont pouvoir finalement avancer. Par exemple, un seul élève restera « coincé » à la ligne de départ et pourra ressentir ce sentiment d’échec. L’enseignant peut alors lui donner un coup de pouce en le faisant avancer à la colonne supérieure afin qu’il puisse de nouveau rencontrer différents joueurs. Cette situation est source de stimulation puisqu’elle va pousser les élèves à faire de leur mieux sur les différentes rencontres. En fonction des élèves chacun va avancer au regard de sa motivation. Pour ceux qui ont un but de performance, ils voudront gagner tous leurs matchs afin d’arriver premier sur le podium. En conclusion, la stimulation par l’émotion est favorable à l’apprentissage quel que soit la finalité choisie. Elle est adaptée pour tous les élèves. DEPART 25 50 75 100 ARRIVEE Mathilde Charly Kelly Valentin Charly Kelly Valentin Kelly Noémie Naïb Valentin Enzo Au match suivant Noémie Noémie rencontrera Charly Celia Valentin Mathilde pourra alors rencontrer Naïb et Enzo Celia Le but de cet article n’est pas de dénigrer les pratiques traditionnelles et les habitudes de la pratique du badminton en EPS mais d’apporter une proposition rarement observée et appliquée où le ludisme serait facteur d’efforts et d’apprentissage chez les élèves. L’EPS, en quête constante de légitimité, doit être, sans relâche, un moteur de motivation pour les élèves afin de préserver la présence de notre discipline unique dans le système scolaire, par conséquent des formes de pratique scolaires (FPS) diversifiées seraient davantage motivantes et significatives pour les élèves. 15
Les cahiers PCL – Plaisir, Effort et émotions N° 1 – Novembre 2021 Plaisir, émotion, effort : et la science alors ? Lou Charlot et Antoine Devrièse-Sense Etudiants Master 1 IEAP / FHIE FSS Marseille Plaisir, émotion et effort. Voilà trois termes mentionnés très fréquemment lorsque l’on discute d’éducation, et notamment d’éducation physique et sportive (EPS). Chacun sait ce qu’est le plaisir, une émotion, ou un effort, mais très souvent, ces savoirs sont stockés dans la mémoire non-déclarative de l’individu, et ce dernier est alors incapable de verbaliser autour de ces notions. Ce qui ressort le plus souvent est que le plaisir, l’émotion et l’effort sont des notions très subjectives, dépendant de la sensibilité de chacun. Pour autant, la science a tenté de les objectiver en étudiant leur fonctionnement : que représente le plaisir ? Peut-on le quantifier ? Les émotions peuvent-elles être mesurées ? Comment définir l’effort ? Dans ce court article, nous tenterons d’apporter un point de vue plus scientifique sur ces trois termes, omniprésents dans le monde éducatif. L’effort se définit comme étant une « mobilisation volontaire de forces physique, intellectuelles, morales en vue de résister ou pour vaincre une résistance » (Larousse). La notion d’effort a toujours été centrale à l’école, en y incarnant presque une forme de morale. D’autant plus en EPS où l’effort est même quantifié et évalué (note participative). L’effort représente donc un moyen d’atteindre un but, un accomplissement. Selon Garcin (2002), l’effort est « l’engagement nécessaire du sujet qui mobilise ses forces afin de poursuivre l’exercice entrepris, qui comporte un certain degré de pénibilité pour lui, et qui requiert toute son attention et sa volonté ». On s’aperçoit ici que l’effort se trouve à la frontière entre le plaisir (voir suite de l’article pour une description détaillée) et la douleur. Delignières (1993) décrit un autre aspect important de l’effort : la perception de l’effort et de la difficulté. D’abord, la perception des exigences d'une tâche semble constituer la base fondamentale permettant d’estimer les coûts de réalisation de tâches similaires à l’avenir. Cette notion de perception de l’effort est donc centrale dans le domaine de l’entraînement et de l’EPS. En effet, une difficulté perçue trop élevée peut mener à des comportements de désengagement et d’abandon chez les apprenants qui choisiront alors de se préserver plutôt que de persévérer dans l’effort, ce qui entraînera une diminution de la qualité de l’apprentissage. A l’inverse, une difficulté trop basse peut amener à un désintéressement de l’apprenant causé par l’ennui que lui procure la tâche, ce qui réduira également la qualité de l’apprentissage (Delignières, 1993). La notion d’effort et de perception de celui-ci est donc absolument à prendre en compte dans le cadre des interventions de terrain en EPS ou bien dans le cadre d’expériences scientifiques dans lesquelles un participant doit effectuer une tâche qui lui demande un effort. La perception de l’effort et de la difficulté d’une tâche sont directement liées aux sensations et aux émotions qu’elle procure. Dans le domaine des sciences du sport, l’effort, plus qu’une simple sensation, est analysé et/ou produit, de manière quantitative et/ou qualitative. Selon l’exigence de l’étude, les instruments de mesure utilisés ne seront pas les mêmes. Par exemple, pour mesurer l’effort de course au niveau physiologique, on peut s’intéresser aux paramètres respiratoires et/ou métaboliques tels que la VO2max ou les seuils ventilatoires qui sont mesurer par le biais d’un masque captant les échanges gazeux (eg., Cosmed K5). L’effort peut aussi être quantifier en biomécanique. On s’intéressera par exemple aux forces mises en jeu durant le cycle de course par le biais de plateforme de force qui renseigneront sur la force de réaction du sol sur le pied. A la jonction de ces disciplines, on identifie également l’activité électromyographique mesurée à l’aide d’électrodes et qui permet de s’intéresser entres autres aux coordinations musculaires pendant une tâche. Finalement, si on identifie souvent la douleur comme étant 16
Les cahiers PCL – Plaisir, Effort et émotions N° 1 – Novembre 2021 inséparable de la notion d’effort (comme indiqué un peu plus haut), on en oublie aussi qu’il peut aussi être une source importante de plaisir psychique et/ou physique. Le plaisir, du latin placere (plaire) correspond à un « état de contentement que crée chez quelqu'un la satisfaction d'une tendance, d'un besoin, d'un désir » (Larousse). Ainsi, le plaisir est en opposition avec la douleur qui est une sensation pénible, désagréable, et qui, comme pour le plaisir, peut être physique et/ou morale. Cet état est donc éminemment subjectif, car il est éprouvé par l’individu. Lavie et Gagnaire (2014) précise même que le plaisir correspond à « ce qui est ressenti par ceux qui disent l’avoir ressenti ». En EPS, le plaisir peut se définir comme un objectif éducatif ainsi qu’un moyen d’enseignement. Si le plaisir apparaît donc comme profondément subjectif, cela est insuffisant d’un point de vue scientifique. Les chercheurs ont tenté de quantifier les effets physiologiques de la sensation de plaisir. En effet, en biologie, le plaisir fait référence au « circuit de la récompense » (Olds & Milner, 1954). Ces circuits sont constitués d’un ensemble de connexions nerveuses situées dans ce qu’on appelle les « centres du plaisir » (l’aire tegmentale ventrale, le noyau accubens, le septum, l’amygdale, le cortex préfrontal ainsi que certaines régions du thalamus). Certains d'entre eux sont liés à un plaisir généralisé tandis que d'autres semblent être associés au soulagement de la faim ou de la soif ou à la jouissance sexuelle. De la même manière, il existe des « centres d’aversion » qui sont situés à proximité de ceux du plaisir, ce qui peut expliquer la frontière fine entre le plaisir et la douleur ou le plaisir et le dégoût. De plus, on ne peut pas évoquer le plaisir sans parler des neurotransmetteurs que sont les endorphines (dopamine, sérotonine, ocytocine) qui sont connues pour être les hormones du bonheur et qui sont directement liées au ressenti des sensations agréables et donc au plaisir. Le plaisir n’est donc pas qu’une question psychologique. Ce terme est clairement pluridisciplinaire et s’intègre dans la psychologie mais aussi dans l’endocrinologie ou encore la sociologie par exemple. On comprend donc que l’étude scientifique du plaisir a tout à fait sa place dans la construction d’une méthode d’éducation, et notamment d’EPS. Pour autant, la notion de plaisir ne peut être séparée de celle de l’émotion qui lui est intrinsèquement liée. L’émotion mise au singulier ne fait pas vraiment sens quand on sait le panel d’émotions difficilement quantifiable qui existe. Dans le Larousse, les émotions sont définies comme étant des « troubles subis, des agitations passagères causés par un sentiment vif de peur, de surprise, de joie, etc. ». En EPS, les émotions sont liées à l’apprentissage. Un apprentissage réussi est un apprentissage qui fait émaner des émotions positives chez les apprenants. En effet, les émotions positives permettent d’améliorer la mémorisation des savoirs dans la mémoire à long terme, contrairement aux émotions négatives qui ne fonctionnent que sur le court terme (Pekrun, Reinhard 2014). Scherer et Klaus R. (1984) considèrent le processus d’affect comme une séquence de micro-états complexes et multisystèmes dans lesquels les changements d’état d’un sous-système ont des effets non- négligeables sur l’état d’autres sous-systèmes. Juliette Lozano-Goupil (2021) en arrive même à la conclusion que les émotions sont tellement puissantes qu’elles sont parfois transférables entre deux individus, et qu’une personne triste peut devenir joyeuse en étant simplement au contact d’une autre personne joyeuse. Finalement, on comprend que l’effort, le plaisir et les émotions sont indissociables lorsque l’on s’intéresse à l’EPS, mais aussi à la science. L’articulation de ces trois termes, tant dans le domaine éducatif que dans le domaine scientifique, devient peu à peu une constante qui doit être renforcée afin d’améliorer les méthodes d’intervention. Les interactions sociales, inséparables des domaines de l’entraînement, de l’éducation ou de la science, renforcent encore davantage l’importance de ces notions puisqu’elles sont une source abondante d’émotion, de plaisir et/ou de douleur, qui impacteront la perception de l’effort à fournir pour atteindre un objectif visé. 17
Les cahiers PCL – Plaisir, Effort et émotions N° 1 – Novembre 2021 BIBLIOGRAPHIE : Delignières, D. (1993). La perception de l'effort et de la difficulté. In J.P. Famose (Ed.), Cognition et performance (pp. 183-218). Paris: INSEP. Enseigner l’EPS n°262, pp. 5-9 Garcin.M, (2002) Effort et EPS : de la théorie à la pratique, in Revue EPS n°297, 2002 Lavie, F., Gagnaire, P. (2014) « Education au plaisir de pratiquer : un enjeu pour l’EPS », Lozano-Goupil, J. (2021) Moving with someone happy makes you happy, conference ACAPS Olds, J., & Milner, P. (1954). Positive reinforcement produced by electrical stimulation of septal area and other regions of rat brain. Journal of Comparative and Physiological Psychology, 47(6), 419-427. https://doi.org/10.1037/h0058775 Pekrun, Reinhard, Bureau international d’éducation de l’UNESCO, Académie internationale d’éducation. (2014). Emotions and learning. https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000227679 Scherer, KR (1984). Les émotions: fonctions et fonctions. Cahiers de Psychologie Cognitive/Psychologie actuelle de la cognition, 4 (1), 9-39 18
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