LES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE - RÉTROSPECTIVE 2019 - Prismic

 
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LES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE - RÉTROSPECTIVE 2019 - Prismic
LES DROITS HUMAINS
EN AFRIQUE
RÉTROSPECTIVE 2019
LES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE - RÉTROSPECTIVE 2019 - Prismic
Amnesty International est un mouvement mondial
réunissant plus de sept millions de personnes qui
agissent pour que les droits fondamentaux de chaque
individu soient respectés.

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sur notre site : www.amnesty.org.                                                 Des manifestants fuient alors que la police lance des pierres et du gaz lacrymogène
                                                                                  à Wanindara, un bastion de l’opposition situé dans la banlieue nord de Conakry
                                                                                  (27 février 2020).
Lorsqu’une entité autre qu’Amnesty International est détentrice du                © CELLOU BINANI/AFP via Getty Images
copyright, le matériel n’est pas sous licence Creative Commons.

L’édition originale en langue anglaise de ce document a été publiée en 2020
par Amnesty International Ltd, Peter Benenson House, 1 Easton Street,
Londres WC1X 0DW, Royaume-Uni.

Index : AFR 01/1352/2020 French

Original : anglais

amnesty.org
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LES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE
RÉTROSPECTIVE 2019
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SOMMAIRE
                 RÉSUMÉ RÉGIONAL                        5
                 BÉNIN                                  12
                 BURKINA FASO                           14
                 BURUNDI                                17
                 CAMEROUN                               20
                 CÔTE D’IVOIRE                          23
                 GHANA                                  26
                 GUINÉE                                 28
                 GUINÉE ÉQUATORIALE                     31
                 MALI                                   33
                 MAURITANIA                             35
                 NIGERIA                                37
                 OUGANDA                                42
                 RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE              45
                 RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO       47
                 RWANDA                                 50
                 SÉNÉGAL                                53
                 SIERRA LEONE                           56
                 TCHAD                                  58
                 TOGO                                   60

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RÉSUMÉ
                                              au Nigeria ou au Soudan du Sud, les          CONFLIT ARMÉ ET VIOLENCE
                                              innombrables victimes de graves
                                              atteintes aux droits fondamentaux n’ont      L’Afrique était toujours le théâtre de
                                              pas obtenu justice ni réparation.            certains des conflits les plus insolubles

RÉGIONAL
                                                                                           au monde, et des pays tels que le
                                              L’année a également été marquée par          Cameroun, le Mali, le Nigeria, la
                                              une répression généralisée de la             République centrafricaine, la RDC, la
                                              dissidence, qui s’est notamment traduite     Somalie, le Soudan et le Soudan du Sud

AFRIQUE
                                              par la dispersion dans la violence de        étaient déchirés par des conflits armés.
                                              manifestations pacifiques et par des         Dans ces pays, ainsi qu’au Burkina Faso,
                                              attaques contre les médias, les              en Éthiopie, au Mozambique et au Tchad,
                                              défenseur·e·s des droits humains et          notamment, les attaques commises par
                                              l’opposition politique. Dans plus de         des groupes armés et les violences
                                              20 pays, des personnes ont été privées       intercommunautaires ont fait de
                                              du droit de manifester pacifiquement, y      nombreux morts et blessés et provoqué
                                              compris au moyen d’interdictions             des déplacements de populations. Les
Alors qu’approchait l’échéance fixée au       illégales, du recours à une force            forces de sécurité ont réagi en menant
niveau régional concernant l’engagement       excessive, du harcèlement ou encore          des opérations marquées par des
politique de « faire taire les armes »        d’arrestations arbitraires.                  violations généralisées des droits
avant 2020, des conflits armés                                                             fondamentaux et des crimes de droit
insolubles se poursuivaient, et de            Dans les deux tiers des pays étudiés, les    international.
nouvelles formes de violence commises         gouvernements ont fortement restreint la
par des acteurs non étatiques ont             liberté d’expression, certains d’entre eux
engendré des tueries, des actes de            s’en prenant tout particulièrement aux       ATTAQUES CIBLÉES OU AVEUGLES CONTRE
torture, des enlèvements, des violences       journalistes, aux personnes tenant un        DES CIVIL·E·S
sexuelles et des déplacements massifs, y      blog, aux organisations de la société
compris des crimes de droit international,    civile et à l’opposition politique,          Au Darfour, les forces du gouvernement
dans plusieurs pays d’Afrique                 notamment dans un contexte électoral.        soudanais et les milices qui lui étaient
subsaharienne.                                                                             alliées se sont livrées à des homicides
                                              Ces violations ont eu lieu sur fond          illégaux, des violences sexuelles, un
Des conflits interminables continuaient       d’absence de protection et de mise en        pillage systématique et des déplacements
de sévir en République centrafricaine, en     œuvre des droits économiques, sociaux et     forcés. Dans la région du Djebel Marra,
République démocratique du Congo              culturels. Les expulsions forcées non        les chiffres relevés en février faisaient
(RDC), au Soudan et au Soudan du Sud,         accompagnées de mesures                      état d’au moins 45 villages rasés, et les
avec des attaques ciblées ou aveugles         d’indemnisation ont continué dans des        destructions se sont ensuite poursuivies ;
contre les populations civiles. Au            pays tels que l’Eswatini, le Nigeria,        en mai, on estimait que plus de
Cameroun, au Mali, au Nigeria, en             l’Ouganda et le Zimbabwe. Les                10 000 personnes avaient ainsi été
Somalie et dans d’autres pays encore,         acquisitions commerciales à grande           forcées de fuir.
des groupes armés se sont livrés à des        échelle de terres ont eu des incidences
exactions, des homicides et des               négatives sur les moyens de subsistance      Au Soudan du Sud, des civil·e·s ont été
enlèvements notamment, et ont provoqué        de milliers de personnes en Angola.          tués lors d’affrontements sporadiques
des déplacements massifs de                   L’accès à la santé et à l’éducation – déjà   entre les forces gouvernementales et
populations. Les forces de sécurité ont       difficile à travers le continent – a         celles d’opposition. Les parties au conflit
souvent réagi en perpétrant de graves         davantage encore été entravé par des         ont bloqué l’acheminement de l’aide
violations des droits humains, telles que     conflits dans des pays comme le Burkina      humanitaire, l’enrôlement d’enfants
des exécutions extrajudiciaires, des          Faso, le Cameroun et le Mali.                soldats s’est accru, et les violences
disparitions forcées et des actes de                                                       sexuelles liées au conflit étaient
torture.                                      Malgré tout, partout en Afrique, des gens    endémiques, notamment avec des viols,
                                              ordinaires, des militant·e·s et des          des viols en réunion et des mutilations
Ces conflits, l’insécurité, ainsi que les     défenseur·e·s des droits humains sont        sexuelles.
nouvelles formes de violence                  descendus dans la rue. À Khartoum, à
intercommunautaire qui ont surgi dans         Harare, à Kinshasa ou encore à Conakry,      En Somalie, des civil·e·s ont cette année
des pays comme l’Éthiopie, ont                des manifestant·e·s pacifiques ont bravé     encore été tués ou blessés du fait du
cruellement rappelé que l’Afrique était       les balles et les coups pour défendre les    recours croissant par le Commandement
loin d’en avoir fini avec le cycle infernal   droits que leurs dirigeants ne voulaient     des États-Unis pour l’Afrique (US
des conflits armés et de la violence.         pas protéger. Et, parfois, leur courage a    AFRICOM) à des drones et à des aéronefs
                                              permis de changer la donne, induisant        avec équipage menant des attaques sans
Souvent, ce ne sont pas les armes que         d’importants changements dans les            discernement. Plus de 50 frappes
l’on a fait taire, mais la justice et         systèmes politiques et ouvrant la voie à     aériennes ont été enregistrées – un
l’obligation de rendre des comptes pour       une réforme profonde des institutions,       nombre record –, causant la mort d’au
les crimes et pour les autres graves          par exemple en Éthiopie et au Soudan.        moins trois civils ; le nombre de civils
violations des droits humains. Que ce soit                                                 tués lors de telles attaques au cours des

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RÉTROSPECTIVE 2019                                                5
Amnesty International
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deux dernières années était d’au             centaines de morts. Par exemple, en            permettant d’amener les auteurs des
moins 17.                                    janvier, les forces armées éthiopiennes        flagrantes violations des droits humains,
                                             ont tué au moins neuf personnes, dont          notamment de crimes de droit
                                             trois enfants, lors d’opérations visant à      international, à répondre de leurs actes.
EXACTIONS COMMISES PAR DES GROUPES ARMÉS,    réprimer les violences ethniques dans          De timides progrès ont été enregistrés
VIOLENCES INTERCOMMUNAUTAIRES ET RÉACTIONS   la région Amhara. Elles se sont                dans certains pays mais, de manière
ILLÉGALES DES POUVOIRS PUBLICS               engagées à mener une enquête mais, à           générale, aucune initiative concrète
                                             la fin de l’année, leurs conclusions           n’était prise pour que les victimes
Les groupes armés ont continué de se         n’avaient toujours pas été rendues             obtiennent justice.
livrer à violentes attaques et de            publiques.
commettre un vaste ensemble                                                                 Au Soudan du Sud, les auteurs de graves
d’exactions et de crimes au Burkina                                                         violations commises pendant le conflit
Faso, au Cameroun, au Mali, au Nigeria,      ABSENCE DE PROTECTION DES CIVIL·E·S CONTRE     armé jouissaient toujours de l’impunité,
en République centrafricaine, en RDC et      LES EXACTIONS COMMISES PAR DES GROUPES         et le gouvernement a continué de faire
en Somalie, entre autres. Certaines          ARMÉS                                          barrage à la création d’un tribunal
attaques ont constitué de graves atteintes                                                  hybride pour le Soudan du Sud
au droit international humanitaire.          De nombreux États, ainsi que les forces        – mécanisme judiciaire placé sous la
Souvent, les forces de sécurité et leurs     internationales de maintien de la paix, ont    direction de l’Union africaine et visant à
alliés y ont répondu en commettant à         également failli à leur obligation de          solder le passif des violences et à
leur tour de graves violations du droit      protéger la population civile contre les       apporter justice aux victimes du conflit.
international humanitaire et relatif aux     crimes de guerre et les autres graves
droits humains.                              atteintes aux droits humains perpétrés par     Au Soudan, les auteurs des graves
                                             des groupes armés, tels que les homicides,     violations commises depuis 16 ans au
En Somalie, l’ONU avait recensé              les actes de torture, les enlèvements et les   Darfour, notamment des crimes de
mi-novembre plus de 1 150 victimes           déplacements massifs de population.            guerre, des crimes contre l’humanité et
civiles. Al Shabab a été responsable de                                                     des crimes de génocide, n’avaient
la plupart de ces attaques ciblées, y        Dans l’est de la RDC, en novembre, la          toujours pas été déférés à la justice.
compris de l’attentat au camion piégé        police locale et des Casques bleus de
du mois de décembre, qui a causé la          l’ONU qui se trouvaient à proximité n’ont      Comme les années précédentes, le
mort de près de 100 personnes à              pas réagi quand des groupes armés ont          gouvernement du Nigeria n’a pris aucune
Mogadiscio. De nombreux civil·e·s ont        tué au moins 70 civil·e·s à Beni.              véritable mesure pour apporter justice
également été tués ou blessés lors                                                          aux innombrables victimes de crimes de
d’opérations militaires menées contre Al     Au Nigeria, les forces de sécurité n’ont       guerre et de crimes contre l’humanité
Shabab par les forces du gouvernement        pas protégé la population civile quand         perpétrés dans le nord-est du pays par
somalien et de ses alliés, souvent dans      Boko Haram a mené plus de 30 attaques          Boko Haram et par ses propres forces de
le cadre d’attaques menées sans              dans le nord-est du pays, qui ont causé        sécurité.
discrimination.                              la mort d’au moins 378 civil·e·s et le
                                             déplacement de plusieurs milliers de           Le président malien a promulgué une loi
Au Cameroun, dans les régions du             personnes. Les habitants de villes et          « d’entente nationale » qui, selon l’expert
Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les groupes      villages attaqués ont signalé le retrait des   indépendant des Nations unies sur la
armés séparatistes anglophones ont           forces de sécurité nigérianes peu avant        situation des droits de l’homme au Mali,
continué de commettre des exactions,         ces offensives.                                était susceptible d’« empêcher les
notamment des homicides, des                                                                victimes de violations graves d’exercer
mutilations et des enlèvements. L’armée      Au Cameroun, dans la région de                 leur droit à un recours effectif devant un
a réagi de façon disproportionnée en se      l’Extrême-Nord, la population civile a         tribunal ou tout autre mécanisme de
livrant à des exécutions extrajudiciaires    protesté contre l’absence de protection        justice transitionnelle pour une justice
et en incendiant des habitations.            de la part de l’État, exprimant ainsi son      juste et équitable, d’obtenir réparation et
                                             sentiment d’abandon face à la                  de connaître la vérité sur les violations
La situation sur le plan de la sécurité      multiplication des attaques lancées par        commises dans le passé ». Malgré les
s’est fortement dégradée dans le centre      le groupe armé Boko Haram, lors                nombreuses violations et exactions
du Mali, les groupes armés et les            desquelles au moins 275 personnes ont          commises depuis 2012, seul un petit
« groupes d’autodéfense » autoproclamés      été tuées et d’autres mutilées ou              nombre de procès ont eu lieu, et les
tuant massivement des civil·e·s. Face à      enlevées.                                      condamnations étaient encore plus rares.
cela, les forces de sécurité maliennes ont
perpétré de très nombreuses violations,                                                     L’impunité était généralisée aussi bien
notamment des exécutions                     IMPUNITÉ                                       pour les exactions perpétrées par des
extrajudiciaires et des actes de torture.                                                   acteurs non étatiques que pour les
                                             L’une des principales raisons de la            violations commises par des acteurs
En Éthiopie, les forces de sécurité ont      poursuite du cycle des conflits armés et       étatiques, notamment pour la répression
souvent réagi par une force excessive à      des violences dans de si nombreux pays         exercée contre les protestataires ainsi
la multiplication des violences              était l’absence persistante d’enquêtes         que pour les actes de torture et les autres
intercommunautaires, qui ont fait des        dignes de ce nom et de mesures efficaces       agressions ciblant les défenseur·e·s des

LES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE
RÉTROSPECTIVE 2019                                                6
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LES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE - RÉTROSPECTIVE 2019 - Prismic
droits humains, les militant·e·s de la       COUR PÉNALE INTERNATIONALE                     contre l’humanité retenues contre Al
société civile, les minorités et les                                                        Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag
personnes réfugiées ou migrantes.            Des avancées ont été enregistrées              Mahmoud, ancien chef de la police
                                             concernant la Cour pénale internationale       islamique dans la ville de Tombouctou,
Au Soudan, les violentes attaques            (CPI) en Côte d’Ivoire, au Mali, en            au Mali.
commises de façon persistante par les        République centrafricaine et en RDC,
forces de sécurité contre des                mais la situation n’a guère progressé en       En novembre, elle a condamné Bosco
manifestant·e·s pacifiques – qui ont fait    Guinée, au Nigeria et au Soudan.               Ntaganda, ancien chef d’état-major d’une
177 morts et plusieurs centaines de                                                         milice ayant opéré dans l’est de la RDC,
blessés – n’ont pourtant donné lieu qu’à     En tout début d’année, la Chambre de           à 30 ans d’emprisonnement. En juillet, il
un seul procès. En octobre, le tout récent   première instance de la CPI a acquitté         avait été déclaré coupable de crimes de
gouvernement de transition a mis en          Laurent Gbagbo, ancien chef d’État             guerre et de crimes contre l’humanité.
place une commission chargée                 ivoirien, et Charles Blé Goudé, un de ses
d’enquêter sur les violations les plus       anciens ministres, de toutes les charges
graves commises à Khartoum le 3 juin.        de crimes contre l’humanité pesant sur         RÉPRESSION DE LA DISSIDENCE
Cependant, alors que cette commission        eux pour des faits qui auraient été
devait rendre publics son rapport et ses     perpétrés en Côte d’Ivoire en 2010 et          RÉPRESSION DES MANIFESTATIONS
conclusions dans un délai de trois mois,     2011. La procureure de la CPI a fait
ce délai a été prolongé.                     appel de cette décision.                       Dans plus de 20 pays, des personnes ont
                                                                                            été privées du droit de manifester
En Éthiopie, le gouvernement n’avait         En décembre, un rapport émanant du             pacifiquement, y compris au moyen
toujours pas mené d’enquêtes                 bureau de la procureure de la CPI a une        d’interdictions illégales, du recours à une
exhaustives et impartiales sur les           fois de plus confirmé que le gouvernement      force excessive, du harcèlement ou
violences commises par des acteurs non       nigérian ne prenait pas les mesures            encore d’arrestations arbitraires.
étatiques et par les forces de sécurité,     nécessaires afin que justice soit rendue
notamment sur les meurtres de                pour les crimes de guerre et crimes contre     Le recours à une force excessive et
protestataires et sur les nombreuses         l’humanité perpétrés par Boko Haram et         l’utilisation d’autres formes de violence
allégations portant sur des actes de         par ses propres forces de sécurité pendant     pour disperser des manifestant·e·s
torture et d’autres mauvais traitements      le conflit dans le nord-est du Nigeria.        pacifiques ont entraîné des arrestations
infligés dans les prisons.                   Toutefois, le bureau de la procureure n’a      illégales et aussi fait des morts et des
                                             pas indiqué s’il allait ou non ouvrir une      blessés dans plusieurs pays.
Quelques avancées timides ont tout de        enquête, près de 10 ans après le
même été notées, en particulier en           lancement de l’examen préliminaire. Il a       Au Soudan, les manifestations pacifiques
République centrafricaine : certains cas     toutefois laissé entendre qu’une décision      qui ont réuni des milliers de personnes
d’exactions perpétrées par des groupes       serait prise à ce sujet en 2020.               ont permis de mettre fin, en avril, à
armés étaient examinés par des tribunaux                                                    plusieurs dizaines d’années d’un régime
de droit commun, et la Cour pénale           Au Soudan, les autorités n’ont transféré à     répressif dirigé par Omar el Béchir, et
spéciale (CPS) a reçu 27 plaintes et         la CPI ni l’ancien chef d’État Omar el         ravivé l’espoir de voir les droits humains
lancé des enquêtes. Cependant, la CPS        Béchir, chassé du pouvoir en avril, ni les     enfin respectés. Mais le prix à payer a été
n’avait toujours pas émis de mandat          trois autres individus qui faisaient l’objet   terrible. Au moins 177 personnes ont été
d’arrêt ni ouvert de procès. De plus,        d’un mandat d’arrêt pour génocide,             tuées et plusieurs centaines d’autres
l’accord de paix conclu en février entre     crimes contre l’humanité et crimes de          blessées quand les forces de sécurité ont
les autorités et 14 groupes armés a          guerre commis au Darfour.                      tiré à balles réelles, lancé des gaz
conduit à la nomination au sein du                                                          lacrymogènes, frappé les gens et procédé
nouveau gouvernement d’auteurs               Des avancées ont été enregistrées en ce        à des arrestations arbitraires pour
présumés d’atteintes aux droits humains,     qui concerne la République                     disperser des manifestations pacifiques à
et l’impunité perdurait.                     centrafricaine. En janvier, Patrice-           Khartoum et ailleurs.
                                             Edouard Ngaïssona, chef d’une milice
En RDC, la situation était tout aussi        anti-balaka, a été déféré à la CPI pour        Au Zimbabwe, en janvier, les forces de
contrastée. Des tribunaux militaires ont     des crimes contre l’humanité et des            sécurité ont lancé une violente répression
jugé des cas de viols perpétrés dans le      crimes de guerre qui auraient été commis       contre les personnes qui protestaient
cadre du conflit, mais la plupart des        en 2013 et en 2014. En février, cette          contre la hausse des prix du carburant,
responsables de haut rang civils et          affaire a été jointe à la procédure            tuant par balle au moins
militaires soupçonnés d’avoir commis ou      engagée contre Alfred Yekatom,                 15 protestataires, en blessant 78 autres
commandité des crimes de droit               également chef d’un groupe armé                et procédant à plus de 1 000 arrestations
international n’avaient pas été amenés à     anti-balaka. En décembre, les charges          arbitraires.
rendre des comptes. Plusieurs                retenues contre eux ont été partiellement
personnalités politiques et hauts            confirmées, et l’affaire a été renvoyée en     En Guinée, les forces de sécurité ont
responsables soupçonnés de violations        jugement.                                      continué de favoriser des violences lors
ont été maintenus ou nommés à des                                                           des manifestations en recourant de façon
postes haut placés dans des institutions     En septembre, la CPI a confirmé les            excessive à la force. Au moins
publiques.                                   charges de crimes de guerre et de crimes       17 personnes (dont 11 au moins en

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RÉTROSPECTIVE 2019                                                7
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octobre et trois en novembre) ont perdu        pendant et après les élections. En             à l’organisation des manifestations du
la vie lors de manifestations contre une       janvier, les autorités camerounaises ont       mois de janvier contre la flambée des prix
révision de la Constitution visant à           violemment dispersé des manifestations         du carburant, et d’autres ont fui le pays.
permettre au président Alpha Condé de          pacifiques contre la réélection en 2018        Parmi les personnes arrêtées figuraient le
briguer un troisième mandat.                   du président Paul Biya, et arrêté de façon     pasteur et militant Evan Mawarire, le
                                               arbitraire près de 300 protestataires,         secrétaire général de la Confédération
Entre les mois d’avril et de juin, les         notamment le dirigeant du parti                syndicale du Zimbabwe (ZCTU), Japhet
forces de sécurité béninoises ont tué au       d’opposition Mouvement pour la                 Moyo, et le président de la ZCTU, Peter
moins quatre personnes qui                     renaissance du Cameroun. Au Bénin, à           Mutasa.
manifestaient ou se trouvaient aux abords      l’approche des élections législatives du
de manifestations.                             mois d’avril, les autorités ont instauré       Au Burundi, les autorités ont continué de
                                               une interdiction générale des                  réprimer les défenseur·e·s des droits
En Angola, la police et les forces de          manifestations, et de nombreux                 humains, les militant·e·s et les
sécurité ont violemment dispersé des           militant·e·s de l’opposition ont été           organisations de la société civile. Le
manifestations en faveur de                    arrêtés.                                       gouvernement a suspendu les activités de
l’indépendance de l’enclave de Cabinda                                                        l’organisation de la société civile
en janvier et en décembre, et procédé à        Dans les jours qui ont suivi l’élection        PARCEM, et un tribunal a confirmé la
de nombreuses arrestations arbitraires.        présidentielle qui s’est tenue en juin en      déclaration de culpabilité et la peine de
Au Tchad, 13 protestataires ont été            Mauritanie, des militant·e·s politiques        32 ans d’emprisonnement prononcées
frappés et arrêtés en avril lors d’une         ont été arrêtés de façon arbitraire, et les    contre le défenseur des droits humains
manifestation pacifique contre la pénurie      manifestations organisées par des              Germain Rukuki.
de butane. En RDC, la police a utilisé         mouvements d’opposition pour protester
une force excessive pour disperser au          contre le résultat du scrutin ont été          En juin, à l’issue d’un simulacre de
moins 35 manifestations pacifiques ; de        interdites. En Guinée, plus d’une              procès, un tribunal sud-soudanais a
nombreuses personnes ont été arrêtées          soixantaine de membres du Front                condamné à des peines
de façon arbitraire et 90 au moins ont         national pour la défense de la                 d’emprisonnement six hommes, dont
été blessées. À Djouba (Soudan du Sud),        Constitution, un mouvement en faveur de        l’universitaire et militant Peter Biar Ajak.
en mai, des personnes ont été                  la démocratie, ont fait l’objet d’une
empêchées de participer à un                   arrestation arbitraire. En octobre, au         En Mauritanie, le militant
mouvement de protestation pacifique, les       Mozambique, 18 personnes chargées de           antiesclavagiste Ahmedou Ould Wediaa a
autorités ayant déployé l’armée, procédé       surveiller le déroulement du scrutin ont       été arrêté de façon arbitraire lors d’une
à des fouilles systématiques des maisons       été arrêtées et placées en détention au        descente de police à son domicile, après
et proféré des menaces.                        secret de façon prolongée.                     avoir critiqué la réaction des autorités
                                                                                              face aux manifestations liées aux
Dans d’autres pays, les gouvernements ont                                                     élections. Au Nigeria, les défenseurs des
recouru à des mesures administratives ou       ATTAQUES VISANT DES DÉFENSEUR·E·S DES DROITS   droits humains Omoyele Sowore, Olawale
autres pour soumettre les manifestations       HUMAINS ET DES MILITANT·E·S DE L’OPPOSITION    Bakare et Agba Jalingo ont été arrêtés et
pacifiques à des restrictions et                                                              placés en détention de façon arbitraire en
interdictions illégales. Au Nigeria, pendant   La répression généralisée de la                raison d’accusations motivées par des
une grande partie de l’année, la police a      dissidence a également pris la forme           considérations politiques.
interdit les rassemblements pacifiques         d’attaques visant des défenseur·e·s des
dans plusieurs États et restreint l’accès à    droits humains, des militant·e·s et des        Du côté des bonnes nouvelles, les
un lieu servant de point de ralliement pour    organisations de la société civile.            autorités de la RDC ont annoncé en mars
la plupart des manifestations à Abuja, la                                                     que plus de 700 personnes avaient été
capitale du pays.                              En Guinée équatoriale, les militant·e·s et     libérées de prison et que tous les lieux de
                                               les défenseur·e·s des droits humains ont       détention illégaux gérés par l’Agence
Au Sénégal, les autorités ont utilisé des      cette année encore été victimes de             nationale de renseignements avaient été
dispositions de la législation restreignant    harcèlement, d’actes d’intimidation et de      fermés sur ordre du président. Parmi les
le droit à la liberté d’expression et de       détention arbitraire. Alfredo Okenve, vice-    personnes libérées, certaines avaient été
réunion pacifique, notamment un décret         président du Centre d’études et                emprisonnées pour délit d’opinion et
de 2011 interdisant les rassemblements         d’initiatives pour le développement            d’autres avaient été maintenues en
dans le centre-ville de Dakar. En              (CEID), l’une des rares ONG                    détention arbitraire de façon prolongée.
Tanzanie et au Togo, des modifications         indépendantes de défense des droits
des lois existantes ont instauré de vastes     humains du pays, a été arrêté, et
restrictions de la liberté d’association et    l’autorisation d’exercice du CEID a été        LIBERTÉ D’EXPRESSION ET
de réunion pacifique. En Guinée, les           annulée par décret.                            AMENUISEMENT DE L’ESPACE
autorités ont interdit plus de                                                                POLITIQUE
20 manifestations pour des motifs flous        Au Zimbabwe, au moins 22 défenseur·e·s
et excessivement généraux.                     des droits humains, militant·e·s et            NOUVELLES LOIS RÉGRESSIVES
                                               personnalités de la société civile et de
La répression des manifestations a été         l’opposition ont été inculpés par la police    Plusieurs pays ont pris des mesures en
particulièrement fréquente avant,              en raison de leur participation présumée       vue d’adopter de nouvelles lois destinées

LES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE
RÉTROSPECTIVE 2019                                                  8
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LES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE - RÉTROSPECTIVE 2019 - Prismic
à restreindre les activités des               systématiquement frappés, menacés et            qui avaient couvert l’arrestation arbitraire
défenseur·e·s des droits humains, des         soumis à des arrestations arbitraires par       du musicien et représentant politique de
journalistes et des personnes opposées        les forces de sécurité. Le groupe armé Al       l’opposition Bobi Wine. Des médias ont
au régime en place.                           Shabab a tué deux journalistes et s’en          également été fermés au Ghana, en
                                              est pris à d’autres, avec des actes de          Tanzanie, au Togo et en Zambie.
La Côte d’Ivoire a adopté en juin un          violence, des manœuvres d’intimidation
nouveau Code pénal qui menaçait de            et des menaces. De plus, les comptes            Les informations indépendantes et les
saper davantage encore le droit à la          Facebook de journalistes ont été fermés,        opinions dissidentes ayant été de plus
liberté d’expression. Ce texte érigeait       des médias ont été incités au moyen de          en plus contraintes de migrer sur les
notamment en infraction l’outrage au          la corruption à s’autocensurer, et au           canaux de communication en ligne, les
chef de l’État et la diffusion de             moins huit journalistes ont fui à               autorités ont suivi le mouvement en
« données de nature à troubler l’ordre        l’étranger en raison de menaces mettant         soumettant ces outils à des restrictions.
public ».                                     leur vie en danger.                             L’accès à Internet a été bloqué au
                                                                                              Zimbabwe en janvier lors des
Le même mois, le Burkina Faso a modifié       Dans 17 autres pays, des journalistes ont       mouvements de protestation liés aux
son Code pénal en y incluant des              été arrêtés et détenus de façon arbitraire.     prix du carburant, et aussi au Bénin, en
infractions dont la définition était          Au Nigeria, Amnesty International a             Mauritanie et en RDC pendant et après
excessivement large et qui étaient            rassemblé des informations sur 19 cas           les élections. En juillet, le président
susceptibles de servir à restreindre          d’agression et d’arrestation et détention       tchadien a annoncé avoir demandé aux
l’accès à l’information et à réprimer les     arbitraires de journalistes ; un grand          fournisseurs de services Internet
activités des défenseur·e·s des droits        nombre d’entre eux faisaient l’objet            concernés de lever les restrictions sur
humains, des militant·e·s, des                d’accusations forgées de toutes pièces.         les réseaux sociaux. Les autorités
journalistes et des blogueurs et              Au Soudan du Sud, au moins                      avaient auparavant nié être à l’origine
blogueuses.                                   16 professionnel·le·s des médias ont été        des blocages en place depuis 2018.
                                              placés en détention et des journalistes
La Guinée a adopté en juillet une loi         harcelés. Deux femmes journalistes
portant prévention et répression du           notamment ont été agressées lors d’un           PERSONNES RÉFUGIÉES,
terrorisme qui contenait des dispositions     rassemblement présidé par le chef de            MIGRANTES OU DÉPLACÉES
à caractère trop général susceptibles         l’État, Salva Kiir.
d’être utilisées pour réprimer pénalement                                                     Les conflits qui perduraient, ainsi que les
l’exercice légitime du droit à la liberté     Le journaliste mozambicain Amade                crises humanitaires récurrentes et les
d’expression.                                 Abubacar a été arrêté et maintenu en            violations persistantes des droits
                                              détention provisoire pendant plusieurs          humains, ont contraint des centaines de
En décembre, le Parlement fédéral du          mois. En Tanzanie, le journaliste               milliers de personnes à s’enfuir de chez
Nigeria a commencé à examiner deux            d’investigation Erick Kabendera et deux         elles pour se protéger.
projets de loi qui risquaient, en cas         autres journalistes ont été arrêtés de
d’adoption, de restreindre sévèrement le      façon arbitraire sur la base d’accusations      En Somalie, le conflit, les sécheresses et
droit à la liberté d’expression en ligne,     fallacieuses. Quatre journalistes ainsi que     inondations, et les obstacles à l’aide
l’un de ces textes prévoyant notamment        leur chauffeur ont été arrêtés au Burundi       humanitaire ont causé le déplacement de
la peine de mort pour sanctionner les         alors qu’ils effectuaient un déplacement        plus de 300 000 personnes. Le
« discours de haine ». Ces projets de loi     pour enquêter sur des informations              Cameroun a lui aussi été le théâtre de
visaient à octroyer aux autorités le          faisant état d’affrontements entre les          déplacements sur son territoire, touchant
pouvoir de décider de façon arbitraire de     forces de sécurité et un groupe armé.           notamment 700 000 personnes dans les
suspendre Internet, de restreindre l’accès                                                    régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest
aux réseaux sociaux et de punir d’une         En Sierra Leone, les pouvoirs publics ont       en raison de l’insécurité, et plus de
peine allant jusqu’à trois ans                continué d’utiliser la Loi relative à l’ordre   270 000 autres personnes dans la région
d’emprisonnement le fait de critiquer le      public pour faire taire les journalistes et     de l’Extrême-Nord en raison des attaques
gouvernement.                                 les militant·e·s, entre autres.                 de Boko Haram. D’autres déplacements
                                                                                              de populations de ce type ont été
                                              Les autorités ont aussi fréquemment             observés dans la région : en République
LIBERTÉ DES MÉDIAS                            fermé ou suspendu des médias. En                centrafricaine, où ils ont touché
                                              janvier, le gouvernement de la RDC a            600 000 personnes ; au Burkina Faso,
Dans au moins 25 pays, soit plus des          fermé plusieurs médias dans le but              avec plus d’un demi-million de personnes
deux tiers des pays examinés, la liberté      d’empêcher la publication de résultats          déplacées ; au Tchad, avec plus de
des médias était restreinte et des            électoraux non officiels et d’endiguer les      222 000 personnes déplacées ; et au
journalistes ont fait l’objet de poursuites   vastes mouvements de protestation               Mali, où elles ont été plus de 200 000 à
pénales.                                      déclenchés par les allégations de fraude        subir ce sort.
                                              électorale massive. En mai, la
La situation en Somalie était                 Commission ougandaise des                       Les personnes réfugiées et migrantes qui
particulièrement grave. Dans la région        communications a ordonné la suspension          fuyaient dans des pays voisins étaient
centre-sud de la Somalie et dans le           de membres du personnel de 13 stations          parfois victimes d’exactions, de violations
Puntland, les journalistes étaient            de radio et de télévision indépendantes         et d’un renvoi forcé.

LES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE
RÉTROSPECTIVE 2019                                                  9
Amnesty International
LES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE - RÉTROSPECTIVE 2019 - Prismic
Le Rwanda accueillait près de                Nigeria, en République centrafricaine, en     DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES
150 000 personnes réfugiées et               RDC, en Sierra Leone, en Somalie, au          PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU
demandeuses d’asile qui venaient             Soudan et au Soudan du Sud.                   INTERSEXES
principalement du Burundi et de RDC. À
la fin de l’année, personne n’avait été      De timides avancées ont été enregistrées      Les lesbiennes, les gays et les personnes
déféré à la justice pour les trois cas où,   en Sierra Leone avec l’adoption d’une         bisexuelles, transgenres ou intersexes
en 2018, les forces de sécurité              nouvelle loi prévoyant désormais la           (LGBTI) étaient la cible de discriminations,
rwandaises ont ouvert le feu sur des         saisine directe de la Haute Cour pour         de poursuites judiciaires, de harcèlement
réfugié·e·s qui manifestaient, tuant au      toutes les affaires d’atteintes sexuelles.    et de violences, notamment en Angola, en
moins 11 personnes congolaises et                                                          Eswatini, au Ghana, en Guinée, au Nigeria,
blessant de nombreux autres                  Les filles enceintes étaient toujours         en Ouganda, au Sénégal, en Sierra Leone
protestataires.                              exclues du système scolaire en Guinée         et en Tanzanie.
                                             équatoriale, en Sierra Leone et en
Le gouvernement de la Tanzanie a             Tanzanie. On a entrevu une lueur d’espoir     Au Nigeria, les autorités ont procédé à de
continué d’exercer des pressions sur plus    en décembre, quand la Cour de justice         nombreuses arrestations de gays, de
de 160 000 personnes réfugiées et            de la Communauté économique des États         lesbiennes et de personnes bisexuelles
demandeuses d’asile pour qu’elles            de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est        et, en décembre, 47 hommes ont été
retournent au Burundi, malgré les graves     prononcée contre l’interdiction faite         jugés à Lagos parce qu’ils avaient
violations dont continuaient d’être          depuis 2015 par la Sierra Leone aux           manifesté publiquement de l’affection
victimes dans ce pays les                    jeunes filles enceintes de passer des         pour d’autres hommes.
sympathisant·e·s avérés ou supposés de       examens et de suivre une scolarité
l’opposition, y compris les réfugiés de      normale, estimant que cette interdiction      Au Sénégal, au moins 11 personnes ont
retour dans le pays. Les pressions se sont   représentait une discrimination.              été arrêtées en raison de leur orientation
accrues en août quand le gouvernement a                                                    sexuelle ou de leur identité de genre,
signé un accord bilatéral avec le Burundi    Des mesures encourageantes ont été            réelle ou présumée. Neuf d’entre elles
afin de procéder au renvoi « volontaire ou   prises pour protéger les femmes et les        ont été condamnées à des peines allant
non » des personnes réfugiées.               filles contre la discrimination. En           de six mois à cinq ans
                                             novembre, le gouvernement de transition       d’emprisonnement. En Ouganda, la
En Afrique du Sud, en raison d’un            du Soudan a abrogé des lois restrictives      police a arrêté 16 militants LGBTI en
système défaillant de gestion de l’asile,    relatives à l’ordre public qui                octobre et les a contraints à subir un
des centaines de milliers de personnes       réglementaient la présence des femmes         examen anal. En Tanzanie, six centres de
demandeuses d’asile n’ont pas pu obtenir     dans les espaces publics. Le Ghana a          santé qui menaient des activités en
les documents nécessaires. Le taux de        présenté un projet de loi sur la              faveur des droits des personnes LGBTI
demandeurs déboutés était de 96 %, et        discrimination positive visant à ce que       ont été fermés, et certains d’entre eux
l’on estimait à environ 190 000 le           les femmes occupent 50 % des postes           ont été accusés de « promouvoir des
nombre de demandes accumulées faisant        de pouvoir dans la vie publique, mais         actes contraires à l’éthique ».
l’objet d’un recours ou en cours             malgré l’intense travail de plaidoyer
d’examen. Les violences xénophobes           d’organisations locales de défense des        Pour terminer sur une note positive, le
observées en août et en septembre ont        droits de femmes, ce texte n’avait            Parlement angolais a adopté un nouveau
causé la mort d’au moins 12 personnes,       toujours pas été adopté à la fin de           Code pénal dépénalisant les relations
sud-africaines et étrangères, en partie en   l’année.                                      sexuelles entre personnes du même sexe,
raison de l’impunité qui sévissait depuis                                                  et la Haute Cour du Botswana a rendu
des années pour des attaques commises                                                      une décision historique dépénalisant les
par le passé.                                PERSONNES ATTEINTES D’ALBINISME               relations homosexuelles entre adultes
                                                                                           consentants.
                                             Des superstitions attribuant des pouvoirs
DISCRIMINATION ET                            magiques aux personnes albinos ont
MARGINALISATION                              cette année encore été à l’origine            MOYENS DE SUBSISTANCE,
                                             d’agressions visant ces personnes. Au         ÉDUCATION ET SOINS DE SANTÉ
La discrimination, la marginalisation et     Malawi, un homme âgé de 60 ans a été
les violences faites aux femmes et aux       mutilé et assassiné sous les yeux de son      De nombreux gouvernements n’ont pas
filles, qui découlaient souvent de           fils de neuf ans en janvier. Le mois          protégé ni mis en œuvre les droits à la
traditions culturelles et étaient            suivant, un garçon de 14 ans a été            santé, à l’éducation et à un niveau de vie
institutionnalisées par des lois injustes,   enlevé, et l’on ignorait toujours ce qu’il    suffisant, y compris le droit au logement.
perduraient dans un certain nombre           était advenu de lui.
de pays.
                                             En juillet, le Forum parlementaire de la      MOYENS DE SUBSISTANCE MENACÉS
Les femmes et les filles étaient victimes    Communauté de développement de
de viol et d’autres formes de violence       l’Afrique australe a adopté une motion        En Angola, le détournement à grande
sexuelle et liée au genre dans de            condamnant les attaques, enlèvements,         échelle de terres à des fins d’élevage
nombreux pays, notamment en Afrique          homicides et actes de discrimination visant   commercial de bétail, opéré sans
du Sud, au Burundi, au Cameroun, au          les personnes albinos dans toute la région.   consultation ni indemnisation des

LES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE
RÉTROSPECTIVE 2019                                               10
Amnesty International
éleveurs nomades traditionnels, a eu pour        antirétroviraux, ainsi que d’un manque de      Quelques États seulement ont accepté
conséquence d’affamer le bétail de ces           personnel dans les centres de prise en         des demandes de visite dans le pays
communautés pastorales, qui se sont              charge des victimes de viol.                   émanant d’organes régionaux, mais
retrouvées confrontées à l’insécurité                                                           aucun n’a pris de mesures pour faciliter
alimentaire et à la faim.                                                                       ces visites en 2019, et pas un seul
                                                 ACCÈS À L’ÉDUCATION                            d’entre eux n’a adressé une invitation
Dans le sud de la RDC, l’accident qui a                                                         permanente à la CADHP ou au CAEDBE.
provoqué la mort de 43 mineurs                   Dans les pays en proie à un conflit armé,
travaillant de manière artisanale, et le         l’accès à l’éducation était particulièrement   En août, le président du Zimbabwe a
déploiement de l’armée dans deux vastes          problématique. Au Mali, on recensait en        promis que le pays allait ratifier le
mines de cuivre et de cobalt ont mis en          juin 920 écoles fermées, et plusieurs          Protocole sur la Cour africaine, mais cela
évidence l’insuffisance de la                    attaques ont été menées contre le              n’avait toujours pas été fait à la fin de
règlementation relative à l’extraction           personnel enseignant et des                    l’année. La Tanzanie a retiré aux personnes
minière et de la protection des droits           établissements scolaires. Au Cameroun,         physiques et aux ONG le droit de saisir
humains. En République centrafricaine,           dans les régions du Nord-Ouest et du           directement la Cour africaine des droits de
un rapport parlementaire a dénoncé la            Sud-Ouest en proie au conflit, en              l’homme et des peuples d’une affaire
responsabilité d’une compagnie minière           décembre, seules 17 % des écoles               mettant en cause le pays, cherchant ainsi
dans la pollution d’un cours d’eau local.        fonctionnaient encore et 29 % seulement        cyniquement à échapper à son obligation
                                                 des enseignant·e·s étaient en mesure de        de rendre des comptes.
                                                 travailler, selon les statistiques de l’ONU.
EXPULSIONS FORCÉES                               Au Burkina Faso, les attaques menées par       Malgré les nombreuses difficultés
                                                 des groupes armés ont provoqué la              auxquelles ils se heurtaient, la CADHP et
Dans des pays comme l’Eswatini, le               fermeture de 2 087 écoles,                     le CAEDBE ont généré un nombre
Nigeria, l’Ouganda et le Zimbabwe, le            et plus de 300 000 élèves et de                relativement impressionnant de nouvelles
droit à un logement convenable a été             9 000 enseignant·e·s étaient impactés.         normes relatives aux droits humains,
violé, les autorités ayant procédé à des                                                        notamment avec l’Observation générale
expulsions forcées. Plusieurs milliers de        Point positif, le gouvernement de la RDC       n° 5 sur le droit à la liberté de circulation
personnes ont été expulsées de leur              a mis en place la gratuité de                  émise par la CADHP.
logement sans que soit respectée la              l’enseignement primaire – droit inscrit
procédure légale et sans indemnisation ni        dans la Constitution du pays –, au
autre réparation. Par exemple, au cours de       bénéfice de plusieurs millions d’enfants.      PERSPECTIVES
l’année, le gouvernement nigérian a              Cependant, cette avancée a été freinée
procédé à l’expulsion forcée de plus de          par des insuffisances en matière de            L’Afrique est confrontée à de nombreux
20 communautés dans l’État de Lagos.             planification et d’infrastructures, et par     défis. La protection de la population civile
                                                 un manque de financement.                      dans les conflits armés, la levée des
En Eswatini, plusieurs centaines de                                                             mesures répressives visant les défenseur·e·s
personnes étaient toujours exposées au                                                          des droits humains et les militant·e·s,
risque d’une expulsion forcée. Lors d’une        ORGANES RÉGIONAUX DE DÉFENSE                   l’ouverture de l’espace politique au
réunion avec Amnesty International en mai,       DES DROITS HUMAINS                             dialogue, le combat contre la discrimination
le gouvernement s’est engagé à mettre en                                                        et la violence à l’égard des femmes et des
place un moratoire sur toutes les expulsions     Les décisions des organes régionaux            minorités, ainsi que la défense des droits
mais, à la fin de l’année, il n’avait toujours   n’étaient que peu appliquées, et le            économiques, sociaux et culturels des
pas annoncé une telle mesure.                    fonctionnement de ces organes a souvent        personnes vulnérables ne représentent que
                                                 été mis à mal par un manque de                 quelques-uns de ces défis.
                                                 coopération de la part des États
ACCÈS À LA SANTÉ                                 membres, ainsi que par des tentatives          La leçon à retenir pour l’année 2019 est la
                                                 visant à saper leur indépendance et leur       suivante : l’obligation de rendre des
Le droit à la santé était gravement              autonomie.                                     comptes et la justice sont au cœur de toute
menacé dans des pays tels que le                                                                véritable solution, de même que l’énergie et
Burundi, Madagascar, la RDC et le                Un petit nombre de pays ont soumis, en         la résilience des personnes sont les moteurs
Zimbabwe. En RDC, les épidémies                  tant qu’États parties, des rapports à la       qui permettent d’obtenir des avancées
d’Ebola, de rougeole et de choléra ont           Commission africaine des droits de             constructives et déterminantes.
respectivement fait au moins 1 680,              l’homme et des peuples (CADHP) et au
5 000 et 260 morts. Au Burundi, plus de          Comité africain d’experts sur les droits et    L’Union africaine a déclaré que l’objectif
3 100 personnes sont mortes du                   le bien-être de l’enfant (CAEDBE), mais        pour l’année 2020 devait être de « faire
paludisme. Le conflit armé au Cameroun           avec plusieurs années de retard. La            taire les armes ». Cependant, en Afrique,
a causé la destruction de plusieurs              plupart des États ayant reçu des               la fin des conflits semble encore fort
établissements de santé.                         demandes portant sur des appels urgents        lointaine. Cet objectif ne pourra se réaliser
                                                 ou des mesures conservatoires n’ont pas        qu’en mettant fin à la culture généralisée
En Afrique du Sud, de nombreuses                 répondu, alors même que ces demandes           de l’impunité, et en garantissant justice et
informations ont fait état d’une pénurie         concernaient des cas avec des risques de       réparation pour les victimes des graves
de contraceptifs et de médicaments               préjudice irréparable.                         atteintes aux droits fondamentaux.

LES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE
RÉTROSPECTIVE 2019                                                     11
Amnesty International
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