LES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE - RÉTROSPECTIVE 2019 - Prismic
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Amnesty International est un mouvement mondial réunissant plus de sept millions de personnes qui agissent pour que les droits fondamentaux de chaque individu soient respectés. La vision d’Amnesty International est celle d’un monde où chacun·e peut se prévaloir de tous les droits énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans d’autres textes internationaux relatifs aux droits humains. Essentiellement financée par ses membres et les dons de particuliers, Amnesty International est indépendante de tout gouvernement, de toute tendance politique, de toute puissance économique et de tout groupement religieux. © Amnesty International 2020 Sauf mention contraire, le contenu de ce document est sous licence Creative Commons (Attribution - Utilisation non commerciale - Pas d’œuvre dérivée – 4.0 International) https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/legalcode.fr En couverture : Pour plus d’informations, veuillez consulter la page relative aux autorisations sur notre site : www.amnesty.org. Des manifestants fuient alors que la police lance des pierres et du gaz lacrymogène à Wanindara, un bastion de l’opposition situé dans la banlieue nord de Conakry (27 février 2020). Lorsqu’une entité autre qu’Amnesty International est détentrice du © CELLOU BINANI/AFP via Getty Images copyright, le matériel n’est pas sous licence Creative Commons. L’édition originale en langue anglaise de ce document a été publiée en 2020 par Amnesty International Ltd, Peter Benenson House, 1 Easton Street, Londres WC1X 0DW, Royaume-Uni. Index : AFR 01/1352/2020 French Original : anglais amnesty.org
SOMMAIRE RÉSUMÉ RÉGIONAL 5 BÉNIN 12 BURKINA FASO 14 BURUNDI 17 CAMEROUN 20 CÔTE D’IVOIRE 23 GHANA 26 GUINÉE 28 GUINÉE ÉQUATORIALE 31 MALI 33 MAURITANIA 35 NIGERIA 37 OUGANDA 42 RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE 45 RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO 47 RWANDA 50 SÉNÉGAL 53 SIERRA LEONE 56 TCHAD 58 TOGO 60 LES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE RÉTROSPECTIVE 2019 4 Amnesty International
RÉSUMÉ au Nigeria ou au Soudan du Sud, les CONFLIT ARMÉ ET VIOLENCE innombrables victimes de graves atteintes aux droits fondamentaux n’ont L’Afrique était toujours le théâtre de pas obtenu justice ni réparation. certains des conflits les plus insolubles RÉGIONAL au monde, et des pays tels que le L’année a également été marquée par Cameroun, le Mali, le Nigeria, la une répression généralisée de la République centrafricaine, la RDC, la dissidence, qui s’est notamment traduite Somalie, le Soudan et le Soudan du Sud AFRIQUE par la dispersion dans la violence de étaient déchirés par des conflits armés. manifestations pacifiques et par des Dans ces pays, ainsi qu’au Burkina Faso, attaques contre les médias, les en Éthiopie, au Mozambique et au Tchad, défenseur·e·s des droits humains et notamment, les attaques commises par l’opposition politique. Dans plus de des groupes armés et les violences 20 pays, des personnes ont été privées intercommunautaires ont fait de du droit de manifester pacifiquement, y nombreux morts et blessés et provoqué compris au moyen d’interdictions des déplacements de populations. Les Alors qu’approchait l’échéance fixée au illégales, du recours à une force forces de sécurité ont réagi en menant niveau régional concernant l’engagement excessive, du harcèlement ou encore des opérations marquées par des politique de « faire taire les armes » d’arrestations arbitraires. violations généralisées des droits avant 2020, des conflits armés fondamentaux et des crimes de droit insolubles se poursuivaient, et de Dans les deux tiers des pays étudiés, les international. nouvelles formes de violence commises gouvernements ont fortement restreint la par des acteurs non étatiques ont liberté d’expression, certains d’entre eux engendré des tueries, des actes de s’en prenant tout particulièrement aux ATTAQUES CIBLÉES OU AVEUGLES CONTRE torture, des enlèvements, des violences journalistes, aux personnes tenant un DES CIVIL·E·S sexuelles et des déplacements massifs, y blog, aux organisations de la société compris des crimes de droit international, civile et à l’opposition politique, Au Darfour, les forces du gouvernement dans plusieurs pays d’Afrique notamment dans un contexte électoral. soudanais et les milices qui lui étaient subsaharienne. alliées se sont livrées à des homicides Ces violations ont eu lieu sur fond illégaux, des violences sexuelles, un Des conflits interminables continuaient d’absence de protection et de mise en pillage systématique et des déplacements de sévir en République centrafricaine, en œuvre des droits économiques, sociaux et forcés. Dans la région du Djebel Marra, République démocratique du Congo culturels. Les expulsions forcées non les chiffres relevés en février faisaient (RDC), au Soudan et au Soudan du Sud, accompagnées de mesures état d’au moins 45 villages rasés, et les avec des attaques ciblées ou aveugles d’indemnisation ont continué dans des destructions se sont ensuite poursuivies ; contre les populations civiles. Au pays tels que l’Eswatini, le Nigeria, en mai, on estimait que plus de Cameroun, au Mali, au Nigeria, en l’Ouganda et le Zimbabwe. Les 10 000 personnes avaient ainsi été Somalie et dans d’autres pays encore, acquisitions commerciales à grande forcées de fuir. des groupes armés se sont livrés à des échelle de terres ont eu des incidences exactions, des homicides et des négatives sur les moyens de subsistance Au Soudan du Sud, des civil·e·s ont été enlèvements notamment, et ont provoqué de milliers de personnes en Angola. tués lors d’affrontements sporadiques des déplacements massifs de L’accès à la santé et à l’éducation – déjà entre les forces gouvernementales et populations. Les forces de sécurité ont difficile à travers le continent – a celles d’opposition. Les parties au conflit souvent réagi en perpétrant de graves davantage encore été entravé par des ont bloqué l’acheminement de l’aide violations des droits humains, telles que conflits dans des pays comme le Burkina humanitaire, l’enrôlement d’enfants des exécutions extrajudiciaires, des Faso, le Cameroun et le Mali. soldats s’est accru, et les violences disparitions forcées et des actes de sexuelles liées au conflit étaient torture. Malgré tout, partout en Afrique, des gens endémiques, notamment avec des viols, ordinaires, des militant·e·s et des des viols en réunion et des mutilations Ces conflits, l’insécurité, ainsi que les défenseur·e·s des droits humains sont sexuelles. nouvelles formes de violence descendus dans la rue. À Khartoum, à intercommunautaire qui ont surgi dans Harare, à Kinshasa ou encore à Conakry, En Somalie, des civil·e·s ont cette année des pays comme l’Éthiopie, ont des manifestant·e·s pacifiques ont bravé encore été tués ou blessés du fait du cruellement rappelé que l’Afrique était les balles et les coups pour défendre les recours croissant par le Commandement loin d’en avoir fini avec le cycle infernal droits que leurs dirigeants ne voulaient des États-Unis pour l’Afrique (US des conflits armés et de la violence. pas protéger. Et, parfois, leur courage a AFRICOM) à des drones et à des aéronefs permis de changer la donne, induisant avec équipage menant des attaques sans Souvent, ce ne sont pas les armes que d’importants changements dans les discernement. Plus de 50 frappes l’on a fait taire, mais la justice et systèmes politiques et ouvrant la voie à aériennes ont été enregistrées – un l’obligation de rendre des comptes pour une réforme profonde des institutions, nombre record –, causant la mort d’au les crimes et pour les autres graves par exemple en Éthiopie et au Soudan. moins trois civils ; le nombre de civils violations des droits humains. Que ce soit tués lors de telles attaques au cours des LES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE RÉTROSPECTIVE 2019 5 Amnesty International
deux dernières années était d’au centaines de morts. Par exemple, en permettant d’amener les auteurs des moins 17. janvier, les forces armées éthiopiennes flagrantes violations des droits humains, ont tué au moins neuf personnes, dont notamment de crimes de droit trois enfants, lors d’opérations visant à international, à répondre de leurs actes. EXACTIONS COMMISES PAR DES GROUPES ARMÉS, réprimer les violences ethniques dans De timides progrès ont été enregistrés VIOLENCES INTERCOMMUNAUTAIRES ET RÉACTIONS la région Amhara. Elles se sont dans certains pays mais, de manière ILLÉGALES DES POUVOIRS PUBLICS engagées à mener une enquête mais, à générale, aucune initiative concrète la fin de l’année, leurs conclusions n’était prise pour que les victimes Les groupes armés ont continué de se n’avaient toujours pas été rendues obtiennent justice. livrer à violentes attaques et de publiques. commettre un vaste ensemble Au Soudan du Sud, les auteurs de graves d’exactions et de crimes au Burkina violations commises pendant le conflit Faso, au Cameroun, au Mali, au Nigeria, ABSENCE DE PROTECTION DES CIVIL·E·S CONTRE armé jouissaient toujours de l’impunité, en République centrafricaine, en RDC et LES EXACTIONS COMMISES PAR DES GROUPES et le gouvernement a continué de faire en Somalie, entre autres. Certaines ARMÉS barrage à la création d’un tribunal attaques ont constitué de graves atteintes hybride pour le Soudan du Sud au droit international humanitaire. De nombreux États, ainsi que les forces – mécanisme judiciaire placé sous la Souvent, les forces de sécurité et leurs internationales de maintien de la paix, ont direction de l’Union africaine et visant à alliés y ont répondu en commettant à également failli à leur obligation de solder le passif des violences et à leur tour de graves violations du droit protéger la population civile contre les apporter justice aux victimes du conflit. international humanitaire et relatif aux crimes de guerre et les autres graves droits humains. atteintes aux droits humains perpétrés par Au Soudan, les auteurs des graves des groupes armés, tels que les homicides, violations commises depuis 16 ans au En Somalie, l’ONU avait recensé les actes de torture, les enlèvements et les Darfour, notamment des crimes de mi-novembre plus de 1 150 victimes déplacements massifs de population. guerre, des crimes contre l’humanité et civiles. Al Shabab a été responsable de des crimes de génocide, n’avaient la plupart de ces attaques ciblées, y Dans l’est de la RDC, en novembre, la toujours pas été déférés à la justice. compris de l’attentat au camion piégé police locale et des Casques bleus de du mois de décembre, qui a causé la l’ONU qui se trouvaient à proximité n’ont Comme les années précédentes, le mort de près de 100 personnes à pas réagi quand des groupes armés ont gouvernement du Nigeria n’a pris aucune Mogadiscio. De nombreux civil·e·s ont tué au moins 70 civil·e·s à Beni. véritable mesure pour apporter justice également été tués ou blessés lors aux innombrables victimes de crimes de d’opérations militaires menées contre Al Au Nigeria, les forces de sécurité n’ont guerre et de crimes contre l’humanité Shabab par les forces du gouvernement pas protégé la population civile quand perpétrés dans le nord-est du pays par somalien et de ses alliés, souvent dans Boko Haram a mené plus de 30 attaques Boko Haram et par ses propres forces de le cadre d’attaques menées sans dans le nord-est du pays, qui ont causé sécurité. discrimination. la mort d’au moins 378 civil·e·s et le déplacement de plusieurs milliers de Le président malien a promulgué une loi Au Cameroun, dans les régions du personnes. Les habitants de villes et « d’entente nationale » qui, selon l’expert Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les groupes villages attaqués ont signalé le retrait des indépendant des Nations unies sur la armés séparatistes anglophones ont forces de sécurité nigérianes peu avant situation des droits de l’homme au Mali, continué de commettre des exactions, ces offensives. était susceptible d’« empêcher les notamment des homicides, des victimes de violations graves d’exercer mutilations et des enlèvements. L’armée Au Cameroun, dans la région de leur droit à un recours effectif devant un a réagi de façon disproportionnée en se l’Extrême-Nord, la population civile a tribunal ou tout autre mécanisme de livrant à des exécutions extrajudiciaires protesté contre l’absence de protection justice transitionnelle pour une justice et en incendiant des habitations. de la part de l’État, exprimant ainsi son juste et équitable, d’obtenir réparation et sentiment d’abandon face à la de connaître la vérité sur les violations La situation sur le plan de la sécurité multiplication des attaques lancées par commises dans le passé ». Malgré les s’est fortement dégradée dans le centre le groupe armé Boko Haram, lors nombreuses violations et exactions du Mali, les groupes armés et les desquelles au moins 275 personnes ont commises depuis 2012, seul un petit « groupes d’autodéfense » autoproclamés été tuées et d’autres mutilées ou nombre de procès ont eu lieu, et les tuant massivement des civil·e·s. Face à enlevées. condamnations étaient encore plus rares. cela, les forces de sécurité maliennes ont perpétré de très nombreuses violations, L’impunité était généralisée aussi bien notamment des exécutions IMPUNITÉ pour les exactions perpétrées par des extrajudiciaires et des actes de torture. acteurs non étatiques que pour les L’une des principales raisons de la violations commises par des acteurs En Éthiopie, les forces de sécurité ont poursuite du cycle des conflits armés et étatiques, notamment pour la répression souvent réagi par une force excessive à des violences dans de si nombreux pays exercée contre les protestataires ainsi la multiplication des violences était l’absence persistante d’enquêtes que pour les actes de torture et les autres intercommunautaires, qui ont fait des dignes de ce nom et de mesures efficaces agressions ciblant les défenseur·e·s des LES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE RÉTROSPECTIVE 2019 6 Amnesty International
droits humains, les militant·e·s de la COUR PÉNALE INTERNATIONALE contre l’humanité retenues contre Al société civile, les minorités et les Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag personnes réfugiées ou migrantes. Des avancées ont été enregistrées Mahmoud, ancien chef de la police concernant la Cour pénale internationale islamique dans la ville de Tombouctou, Au Soudan, les violentes attaques (CPI) en Côte d’Ivoire, au Mali, en au Mali. commises de façon persistante par les République centrafricaine et en RDC, forces de sécurité contre des mais la situation n’a guère progressé en En novembre, elle a condamné Bosco manifestant·e·s pacifiques – qui ont fait Guinée, au Nigeria et au Soudan. Ntaganda, ancien chef d’état-major d’une 177 morts et plusieurs centaines de milice ayant opéré dans l’est de la RDC, blessés – n’ont pourtant donné lieu qu’à En tout début d’année, la Chambre de à 30 ans d’emprisonnement. En juillet, il un seul procès. En octobre, le tout récent première instance de la CPI a acquitté avait été déclaré coupable de crimes de gouvernement de transition a mis en Laurent Gbagbo, ancien chef d’État guerre et de crimes contre l’humanité. place une commission chargée ivoirien, et Charles Blé Goudé, un de ses d’enquêter sur les violations les plus anciens ministres, de toutes les charges graves commises à Khartoum le 3 juin. de crimes contre l’humanité pesant sur RÉPRESSION DE LA DISSIDENCE Cependant, alors que cette commission eux pour des faits qui auraient été devait rendre publics son rapport et ses perpétrés en Côte d’Ivoire en 2010 et RÉPRESSION DES MANIFESTATIONS conclusions dans un délai de trois mois, 2011. La procureure de la CPI a fait ce délai a été prolongé. appel de cette décision. Dans plus de 20 pays, des personnes ont été privées du droit de manifester En Éthiopie, le gouvernement n’avait En décembre, un rapport émanant du pacifiquement, y compris au moyen toujours pas mené d’enquêtes bureau de la procureure de la CPI a une d’interdictions illégales, du recours à une exhaustives et impartiales sur les fois de plus confirmé que le gouvernement force excessive, du harcèlement ou violences commises par des acteurs non nigérian ne prenait pas les mesures encore d’arrestations arbitraires. étatiques et par les forces de sécurité, nécessaires afin que justice soit rendue notamment sur les meurtres de pour les crimes de guerre et crimes contre Le recours à une force excessive et protestataires et sur les nombreuses l’humanité perpétrés par Boko Haram et l’utilisation d’autres formes de violence allégations portant sur des actes de par ses propres forces de sécurité pendant pour disperser des manifestant·e·s torture et d’autres mauvais traitements le conflit dans le nord-est du Nigeria. pacifiques ont entraîné des arrestations infligés dans les prisons. Toutefois, le bureau de la procureure n’a illégales et aussi fait des morts et des pas indiqué s’il allait ou non ouvrir une blessés dans plusieurs pays. Quelques avancées timides ont tout de enquête, près de 10 ans après le même été notées, en particulier en lancement de l’examen préliminaire. Il a Au Soudan, les manifestations pacifiques République centrafricaine : certains cas toutefois laissé entendre qu’une décision qui ont réuni des milliers de personnes d’exactions perpétrées par des groupes serait prise à ce sujet en 2020. ont permis de mettre fin, en avril, à armés étaient examinés par des tribunaux plusieurs dizaines d’années d’un régime de droit commun, et la Cour pénale Au Soudan, les autorités n’ont transféré à répressif dirigé par Omar el Béchir, et spéciale (CPS) a reçu 27 plaintes et la CPI ni l’ancien chef d’État Omar el ravivé l’espoir de voir les droits humains lancé des enquêtes. Cependant, la CPS Béchir, chassé du pouvoir en avril, ni les enfin respectés. Mais le prix à payer a été n’avait toujours pas émis de mandat trois autres individus qui faisaient l’objet terrible. Au moins 177 personnes ont été d’arrêt ni ouvert de procès. De plus, d’un mandat d’arrêt pour génocide, tuées et plusieurs centaines d’autres l’accord de paix conclu en février entre crimes contre l’humanité et crimes de blessées quand les forces de sécurité ont les autorités et 14 groupes armés a guerre commis au Darfour. tiré à balles réelles, lancé des gaz conduit à la nomination au sein du lacrymogènes, frappé les gens et procédé nouveau gouvernement d’auteurs Des avancées ont été enregistrées en ce à des arrestations arbitraires pour présumés d’atteintes aux droits humains, qui concerne la République disperser des manifestations pacifiques à et l’impunité perdurait. centrafricaine. En janvier, Patrice- Khartoum et ailleurs. Edouard Ngaïssona, chef d’une milice En RDC, la situation était tout aussi anti-balaka, a été déféré à la CPI pour Au Zimbabwe, en janvier, les forces de contrastée. Des tribunaux militaires ont des crimes contre l’humanité et des sécurité ont lancé une violente répression jugé des cas de viols perpétrés dans le crimes de guerre qui auraient été commis contre les personnes qui protestaient cadre du conflit, mais la plupart des en 2013 et en 2014. En février, cette contre la hausse des prix du carburant, responsables de haut rang civils et affaire a été jointe à la procédure tuant par balle au moins militaires soupçonnés d’avoir commis ou engagée contre Alfred Yekatom, 15 protestataires, en blessant 78 autres commandité des crimes de droit également chef d’un groupe armé et procédant à plus de 1 000 arrestations international n’avaient pas été amenés à anti-balaka. En décembre, les charges arbitraires. rendre des comptes. Plusieurs retenues contre eux ont été partiellement personnalités politiques et hauts confirmées, et l’affaire a été renvoyée en En Guinée, les forces de sécurité ont responsables soupçonnés de violations jugement. continué de favoriser des violences lors ont été maintenus ou nommés à des des manifestations en recourant de façon postes haut placés dans des institutions En septembre, la CPI a confirmé les excessive à la force. Au moins publiques. charges de crimes de guerre et de crimes 17 personnes (dont 11 au moins en LES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE RÉTROSPECTIVE 2019 7 Amnesty International
octobre et trois en novembre) ont perdu pendant et après les élections. En à l’organisation des manifestations du la vie lors de manifestations contre une janvier, les autorités camerounaises ont mois de janvier contre la flambée des prix révision de la Constitution visant à violemment dispersé des manifestations du carburant, et d’autres ont fui le pays. permettre au président Alpha Condé de pacifiques contre la réélection en 2018 Parmi les personnes arrêtées figuraient le briguer un troisième mandat. du président Paul Biya, et arrêté de façon pasteur et militant Evan Mawarire, le arbitraire près de 300 protestataires, secrétaire général de la Confédération Entre les mois d’avril et de juin, les notamment le dirigeant du parti syndicale du Zimbabwe (ZCTU), Japhet forces de sécurité béninoises ont tué au d’opposition Mouvement pour la Moyo, et le président de la ZCTU, Peter moins quatre personnes qui renaissance du Cameroun. Au Bénin, à Mutasa. manifestaient ou se trouvaient aux abords l’approche des élections législatives du de manifestations. mois d’avril, les autorités ont instauré Au Burundi, les autorités ont continué de une interdiction générale des réprimer les défenseur·e·s des droits En Angola, la police et les forces de manifestations, et de nombreux humains, les militant·e·s et les sécurité ont violemment dispersé des militant·e·s de l’opposition ont été organisations de la société civile. Le manifestations en faveur de arrêtés. gouvernement a suspendu les activités de l’indépendance de l’enclave de Cabinda l’organisation de la société civile en janvier et en décembre, et procédé à Dans les jours qui ont suivi l’élection PARCEM, et un tribunal a confirmé la de nombreuses arrestations arbitraires. présidentielle qui s’est tenue en juin en déclaration de culpabilité et la peine de Au Tchad, 13 protestataires ont été Mauritanie, des militant·e·s politiques 32 ans d’emprisonnement prononcées frappés et arrêtés en avril lors d’une ont été arrêtés de façon arbitraire, et les contre le défenseur des droits humains manifestation pacifique contre la pénurie manifestations organisées par des Germain Rukuki. de butane. En RDC, la police a utilisé mouvements d’opposition pour protester une force excessive pour disperser au contre le résultat du scrutin ont été En juin, à l’issue d’un simulacre de moins 35 manifestations pacifiques ; de interdites. En Guinée, plus d’une procès, un tribunal sud-soudanais a nombreuses personnes ont été arrêtées soixantaine de membres du Front condamné à des peines de façon arbitraire et 90 au moins ont national pour la défense de la d’emprisonnement six hommes, dont été blessées. À Djouba (Soudan du Sud), Constitution, un mouvement en faveur de l’universitaire et militant Peter Biar Ajak. en mai, des personnes ont été la démocratie, ont fait l’objet d’une empêchées de participer à un arrestation arbitraire. En octobre, au En Mauritanie, le militant mouvement de protestation pacifique, les Mozambique, 18 personnes chargées de antiesclavagiste Ahmedou Ould Wediaa a autorités ayant déployé l’armée, procédé surveiller le déroulement du scrutin ont été arrêté de façon arbitraire lors d’une à des fouilles systématiques des maisons été arrêtées et placées en détention au descente de police à son domicile, après et proféré des menaces. secret de façon prolongée. avoir critiqué la réaction des autorités face aux manifestations liées aux Dans d’autres pays, les gouvernements ont élections. Au Nigeria, les défenseurs des recouru à des mesures administratives ou ATTAQUES VISANT DES DÉFENSEUR·E·S DES DROITS droits humains Omoyele Sowore, Olawale autres pour soumettre les manifestations HUMAINS ET DES MILITANT·E·S DE L’OPPOSITION Bakare et Agba Jalingo ont été arrêtés et pacifiques à des restrictions et placés en détention de façon arbitraire en interdictions illégales. Au Nigeria, pendant La répression généralisée de la raison d’accusations motivées par des une grande partie de l’année, la police a dissidence a également pris la forme considérations politiques. interdit les rassemblements pacifiques d’attaques visant des défenseur·e·s des dans plusieurs États et restreint l’accès à droits humains, des militant·e·s et des Du côté des bonnes nouvelles, les un lieu servant de point de ralliement pour organisations de la société civile. autorités de la RDC ont annoncé en mars la plupart des manifestations à Abuja, la que plus de 700 personnes avaient été capitale du pays. En Guinée équatoriale, les militant·e·s et libérées de prison et que tous les lieux de les défenseur·e·s des droits humains ont détention illégaux gérés par l’Agence Au Sénégal, les autorités ont utilisé des cette année encore été victimes de nationale de renseignements avaient été dispositions de la législation restreignant harcèlement, d’actes d’intimidation et de fermés sur ordre du président. Parmi les le droit à la liberté d’expression et de détention arbitraire. Alfredo Okenve, vice- personnes libérées, certaines avaient été réunion pacifique, notamment un décret président du Centre d’études et emprisonnées pour délit d’opinion et de 2011 interdisant les rassemblements d’initiatives pour le développement d’autres avaient été maintenues en dans le centre-ville de Dakar. En (CEID), l’une des rares ONG détention arbitraire de façon prolongée. Tanzanie et au Togo, des modifications indépendantes de défense des droits des lois existantes ont instauré de vastes humains du pays, a été arrêté, et restrictions de la liberté d’association et l’autorisation d’exercice du CEID a été LIBERTÉ D’EXPRESSION ET de réunion pacifique. En Guinée, les annulée par décret. AMENUISEMENT DE L’ESPACE autorités ont interdit plus de POLITIQUE 20 manifestations pour des motifs flous Au Zimbabwe, au moins 22 défenseur·e·s et excessivement généraux. des droits humains, militant·e·s et NOUVELLES LOIS RÉGRESSIVES personnalités de la société civile et de La répression des manifestations a été l’opposition ont été inculpés par la police Plusieurs pays ont pris des mesures en particulièrement fréquente avant, en raison de leur participation présumée vue d’adopter de nouvelles lois destinées LES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE RÉTROSPECTIVE 2019 8 Amnesty International
à restreindre les activités des systématiquement frappés, menacés et qui avaient couvert l’arrestation arbitraire défenseur·e·s des droits humains, des soumis à des arrestations arbitraires par du musicien et représentant politique de journalistes et des personnes opposées les forces de sécurité. Le groupe armé Al l’opposition Bobi Wine. Des médias ont au régime en place. Shabab a tué deux journalistes et s’en également été fermés au Ghana, en est pris à d’autres, avec des actes de Tanzanie, au Togo et en Zambie. La Côte d’Ivoire a adopté en juin un violence, des manœuvres d’intimidation nouveau Code pénal qui menaçait de et des menaces. De plus, les comptes Les informations indépendantes et les saper davantage encore le droit à la Facebook de journalistes ont été fermés, opinions dissidentes ayant été de plus liberté d’expression. Ce texte érigeait des médias ont été incités au moyen de en plus contraintes de migrer sur les notamment en infraction l’outrage au la corruption à s’autocensurer, et au canaux de communication en ligne, les chef de l’État et la diffusion de moins huit journalistes ont fui à autorités ont suivi le mouvement en « données de nature à troubler l’ordre l’étranger en raison de menaces mettant soumettant ces outils à des restrictions. public ». leur vie en danger. L’accès à Internet a été bloqué au Zimbabwe en janvier lors des Le même mois, le Burkina Faso a modifié Dans 17 autres pays, des journalistes ont mouvements de protestation liés aux son Code pénal en y incluant des été arrêtés et détenus de façon arbitraire. prix du carburant, et aussi au Bénin, en infractions dont la définition était Au Nigeria, Amnesty International a Mauritanie et en RDC pendant et après excessivement large et qui étaient rassemblé des informations sur 19 cas les élections. En juillet, le président susceptibles de servir à restreindre d’agression et d’arrestation et détention tchadien a annoncé avoir demandé aux l’accès à l’information et à réprimer les arbitraires de journalistes ; un grand fournisseurs de services Internet activités des défenseur·e·s des droits nombre d’entre eux faisaient l’objet concernés de lever les restrictions sur humains, des militant·e·s, des d’accusations forgées de toutes pièces. les réseaux sociaux. Les autorités journalistes et des blogueurs et Au Soudan du Sud, au moins avaient auparavant nié être à l’origine blogueuses. 16 professionnel·le·s des médias ont été des blocages en place depuis 2018. placés en détention et des journalistes La Guinée a adopté en juillet une loi harcelés. Deux femmes journalistes portant prévention et répression du notamment ont été agressées lors d’un PERSONNES RÉFUGIÉES, terrorisme qui contenait des dispositions rassemblement présidé par le chef de MIGRANTES OU DÉPLACÉES à caractère trop général susceptibles l’État, Salva Kiir. d’être utilisées pour réprimer pénalement Les conflits qui perduraient, ainsi que les l’exercice légitime du droit à la liberté Le journaliste mozambicain Amade crises humanitaires récurrentes et les d’expression. Abubacar a été arrêté et maintenu en violations persistantes des droits détention provisoire pendant plusieurs humains, ont contraint des centaines de En décembre, le Parlement fédéral du mois. En Tanzanie, le journaliste milliers de personnes à s’enfuir de chez Nigeria a commencé à examiner deux d’investigation Erick Kabendera et deux elles pour se protéger. projets de loi qui risquaient, en cas autres journalistes ont été arrêtés de d’adoption, de restreindre sévèrement le façon arbitraire sur la base d’accusations En Somalie, le conflit, les sécheresses et droit à la liberté d’expression en ligne, fallacieuses. Quatre journalistes ainsi que inondations, et les obstacles à l’aide l’un de ces textes prévoyant notamment leur chauffeur ont été arrêtés au Burundi humanitaire ont causé le déplacement de la peine de mort pour sanctionner les alors qu’ils effectuaient un déplacement plus de 300 000 personnes. Le « discours de haine ». Ces projets de loi pour enquêter sur des informations Cameroun a lui aussi été le théâtre de visaient à octroyer aux autorités le faisant état d’affrontements entre les déplacements sur son territoire, touchant pouvoir de décider de façon arbitraire de forces de sécurité et un groupe armé. notamment 700 000 personnes dans les suspendre Internet, de restreindre l’accès régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest aux réseaux sociaux et de punir d’une En Sierra Leone, les pouvoirs publics ont en raison de l’insécurité, et plus de peine allant jusqu’à trois ans continué d’utiliser la Loi relative à l’ordre 270 000 autres personnes dans la région d’emprisonnement le fait de critiquer le public pour faire taire les journalistes et de l’Extrême-Nord en raison des attaques gouvernement. les militant·e·s, entre autres. de Boko Haram. D’autres déplacements de populations de ce type ont été Les autorités ont aussi fréquemment observés dans la région : en République LIBERTÉ DES MÉDIAS fermé ou suspendu des médias. En centrafricaine, où ils ont touché janvier, le gouvernement de la RDC a 600 000 personnes ; au Burkina Faso, Dans au moins 25 pays, soit plus des fermé plusieurs médias dans le but avec plus d’un demi-million de personnes deux tiers des pays examinés, la liberté d’empêcher la publication de résultats déplacées ; au Tchad, avec plus de des médias était restreinte et des électoraux non officiels et d’endiguer les 222 000 personnes déplacées ; et au journalistes ont fait l’objet de poursuites vastes mouvements de protestation Mali, où elles ont été plus de 200 000 à pénales. déclenchés par les allégations de fraude subir ce sort. électorale massive. En mai, la La situation en Somalie était Commission ougandaise des Les personnes réfugiées et migrantes qui particulièrement grave. Dans la région communications a ordonné la suspension fuyaient dans des pays voisins étaient centre-sud de la Somalie et dans le de membres du personnel de 13 stations parfois victimes d’exactions, de violations Puntland, les journalistes étaient de radio et de télévision indépendantes et d’un renvoi forcé. LES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE RÉTROSPECTIVE 2019 9 Amnesty International
Le Rwanda accueillait près de Nigeria, en République centrafricaine, en DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES 150 000 personnes réfugiées et RDC, en Sierra Leone, en Somalie, au PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU demandeuses d’asile qui venaient Soudan et au Soudan du Sud. INTERSEXES principalement du Burundi et de RDC. À la fin de l’année, personne n’avait été De timides avancées ont été enregistrées Les lesbiennes, les gays et les personnes déféré à la justice pour les trois cas où, en Sierra Leone avec l’adoption d’une bisexuelles, transgenres ou intersexes en 2018, les forces de sécurité nouvelle loi prévoyant désormais la (LGBTI) étaient la cible de discriminations, rwandaises ont ouvert le feu sur des saisine directe de la Haute Cour pour de poursuites judiciaires, de harcèlement réfugié·e·s qui manifestaient, tuant au toutes les affaires d’atteintes sexuelles. et de violences, notamment en Angola, en moins 11 personnes congolaises et Eswatini, au Ghana, en Guinée, au Nigeria, blessant de nombreux autres Les filles enceintes étaient toujours en Ouganda, au Sénégal, en Sierra Leone protestataires. exclues du système scolaire en Guinée et en Tanzanie. équatoriale, en Sierra Leone et en Le gouvernement de la Tanzanie a Tanzanie. On a entrevu une lueur d’espoir Au Nigeria, les autorités ont procédé à de continué d’exercer des pressions sur plus en décembre, quand la Cour de justice nombreuses arrestations de gays, de de 160 000 personnes réfugiées et de la Communauté économique des États lesbiennes et de personnes bisexuelles demandeuses d’asile pour qu’elles de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est et, en décembre, 47 hommes ont été retournent au Burundi, malgré les graves prononcée contre l’interdiction faite jugés à Lagos parce qu’ils avaient violations dont continuaient d’être depuis 2015 par la Sierra Leone aux manifesté publiquement de l’affection victimes dans ce pays les jeunes filles enceintes de passer des pour d’autres hommes. sympathisant·e·s avérés ou supposés de examens et de suivre une scolarité l’opposition, y compris les réfugiés de normale, estimant que cette interdiction Au Sénégal, au moins 11 personnes ont retour dans le pays. Les pressions se sont représentait une discrimination. été arrêtées en raison de leur orientation accrues en août quand le gouvernement a sexuelle ou de leur identité de genre, signé un accord bilatéral avec le Burundi Des mesures encourageantes ont été réelle ou présumée. Neuf d’entre elles afin de procéder au renvoi « volontaire ou prises pour protéger les femmes et les ont été condamnées à des peines allant non » des personnes réfugiées. filles contre la discrimination. En de six mois à cinq ans novembre, le gouvernement de transition d’emprisonnement. En Ouganda, la En Afrique du Sud, en raison d’un du Soudan a abrogé des lois restrictives police a arrêté 16 militants LGBTI en système défaillant de gestion de l’asile, relatives à l’ordre public qui octobre et les a contraints à subir un des centaines de milliers de personnes réglementaient la présence des femmes examen anal. En Tanzanie, six centres de demandeuses d’asile n’ont pas pu obtenir dans les espaces publics. Le Ghana a santé qui menaient des activités en les documents nécessaires. Le taux de présenté un projet de loi sur la faveur des droits des personnes LGBTI demandeurs déboutés était de 96 %, et discrimination positive visant à ce que ont été fermés, et certains d’entre eux l’on estimait à environ 190 000 le les femmes occupent 50 % des postes ont été accusés de « promouvoir des nombre de demandes accumulées faisant de pouvoir dans la vie publique, mais actes contraires à l’éthique ». l’objet d’un recours ou en cours malgré l’intense travail de plaidoyer d’examen. Les violences xénophobes d’organisations locales de défense des Pour terminer sur une note positive, le observées en août et en septembre ont droits de femmes, ce texte n’avait Parlement angolais a adopté un nouveau causé la mort d’au moins 12 personnes, toujours pas été adopté à la fin de Code pénal dépénalisant les relations sud-africaines et étrangères, en partie en l’année. sexuelles entre personnes du même sexe, raison de l’impunité qui sévissait depuis et la Haute Cour du Botswana a rendu des années pour des attaques commises une décision historique dépénalisant les par le passé. PERSONNES ATTEINTES D’ALBINISME relations homosexuelles entre adultes consentants. Des superstitions attribuant des pouvoirs DISCRIMINATION ET magiques aux personnes albinos ont MARGINALISATION cette année encore été à l’origine MOYENS DE SUBSISTANCE, d’agressions visant ces personnes. Au ÉDUCATION ET SOINS DE SANTÉ La discrimination, la marginalisation et Malawi, un homme âgé de 60 ans a été les violences faites aux femmes et aux mutilé et assassiné sous les yeux de son De nombreux gouvernements n’ont pas filles, qui découlaient souvent de fils de neuf ans en janvier. Le mois protégé ni mis en œuvre les droits à la traditions culturelles et étaient suivant, un garçon de 14 ans a été santé, à l’éducation et à un niveau de vie institutionnalisées par des lois injustes, enlevé, et l’on ignorait toujours ce qu’il suffisant, y compris le droit au logement. perduraient dans un certain nombre était advenu de lui. de pays. En juillet, le Forum parlementaire de la MOYENS DE SUBSISTANCE MENACÉS Les femmes et les filles étaient victimes Communauté de développement de de viol et d’autres formes de violence l’Afrique australe a adopté une motion En Angola, le détournement à grande sexuelle et liée au genre dans de condamnant les attaques, enlèvements, échelle de terres à des fins d’élevage nombreux pays, notamment en Afrique homicides et actes de discrimination visant commercial de bétail, opéré sans du Sud, au Burundi, au Cameroun, au les personnes albinos dans toute la région. consultation ni indemnisation des LES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE RÉTROSPECTIVE 2019 10 Amnesty International
éleveurs nomades traditionnels, a eu pour antirétroviraux, ainsi que d’un manque de Quelques États seulement ont accepté conséquence d’affamer le bétail de ces personnel dans les centres de prise en des demandes de visite dans le pays communautés pastorales, qui se sont charge des victimes de viol. émanant d’organes régionaux, mais retrouvées confrontées à l’insécurité aucun n’a pris de mesures pour faciliter alimentaire et à la faim. ces visites en 2019, et pas un seul ACCÈS À L’ÉDUCATION d’entre eux n’a adressé une invitation Dans le sud de la RDC, l’accident qui a permanente à la CADHP ou au CAEDBE. provoqué la mort de 43 mineurs Dans les pays en proie à un conflit armé, travaillant de manière artisanale, et le l’accès à l’éducation était particulièrement En août, le président du Zimbabwe a déploiement de l’armée dans deux vastes problématique. Au Mali, on recensait en promis que le pays allait ratifier le mines de cuivre et de cobalt ont mis en juin 920 écoles fermées, et plusieurs Protocole sur la Cour africaine, mais cela évidence l’insuffisance de la attaques ont été menées contre le n’avait toujours pas été fait à la fin de règlementation relative à l’extraction personnel enseignant et des l’année. La Tanzanie a retiré aux personnes minière et de la protection des droits établissements scolaires. Au Cameroun, physiques et aux ONG le droit de saisir humains. En République centrafricaine, dans les régions du Nord-Ouest et du directement la Cour africaine des droits de un rapport parlementaire a dénoncé la Sud-Ouest en proie au conflit, en l’homme et des peuples d’une affaire responsabilité d’une compagnie minière décembre, seules 17 % des écoles mettant en cause le pays, cherchant ainsi dans la pollution d’un cours d’eau local. fonctionnaient encore et 29 % seulement cyniquement à échapper à son obligation des enseignant·e·s étaient en mesure de de rendre des comptes. travailler, selon les statistiques de l’ONU. EXPULSIONS FORCÉES Au Burkina Faso, les attaques menées par Malgré les nombreuses difficultés des groupes armés ont provoqué la auxquelles ils se heurtaient, la CADHP et Dans des pays comme l’Eswatini, le fermeture de 2 087 écoles, le CAEDBE ont généré un nombre Nigeria, l’Ouganda et le Zimbabwe, le et plus de 300 000 élèves et de relativement impressionnant de nouvelles droit à un logement convenable a été 9 000 enseignant·e·s étaient impactés. normes relatives aux droits humains, violé, les autorités ayant procédé à des notamment avec l’Observation générale expulsions forcées. Plusieurs milliers de Point positif, le gouvernement de la RDC n° 5 sur le droit à la liberté de circulation personnes ont été expulsées de leur a mis en place la gratuité de émise par la CADHP. logement sans que soit respectée la l’enseignement primaire – droit inscrit procédure légale et sans indemnisation ni dans la Constitution du pays –, au autre réparation. Par exemple, au cours de bénéfice de plusieurs millions d’enfants. PERSPECTIVES l’année, le gouvernement nigérian a Cependant, cette avancée a été freinée procédé à l’expulsion forcée de plus de par des insuffisances en matière de L’Afrique est confrontée à de nombreux 20 communautés dans l’État de Lagos. planification et d’infrastructures, et par défis. La protection de la population civile un manque de financement. dans les conflits armés, la levée des En Eswatini, plusieurs centaines de mesures répressives visant les défenseur·e·s personnes étaient toujours exposées au des droits humains et les militant·e·s, risque d’une expulsion forcée. Lors d’une ORGANES RÉGIONAUX DE DÉFENSE l’ouverture de l’espace politique au réunion avec Amnesty International en mai, DES DROITS HUMAINS dialogue, le combat contre la discrimination le gouvernement s’est engagé à mettre en et la violence à l’égard des femmes et des place un moratoire sur toutes les expulsions Les décisions des organes régionaux minorités, ainsi que la défense des droits mais, à la fin de l’année, il n’avait toujours n’étaient que peu appliquées, et le économiques, sociaux et culturels des pas annoncé une telle mesure. fonctionnement de ces organes a souvent personnes vulnérables ne représentent que été mis à mal par un manque de quelques-uns de ces défis. coopération de la part des États ACCÈS À LA SANTÉ membres, ainsi que par des tentatives La leçon à retenir pour l’année 2019 est la visant à saper leur indépendance et leur suivante : l’obligation de rendre des Le droit à la santé était gravement autonomie. comptes et la justice sont au cœur de toute menacé dans des pays tels que le véritable solution, de même que l’énergie et Burundi, Madagascar, la RDC et le Un petit nombre de pays ont soumis, en la résilience des personnes sont les moteurs Zimbabwe. En RDC, les épidémies tant qu’États parties, des rapports à la qui permettent d’obtenir des avancées d’Ebola, de rougeole et de choléra ont Commission africaine des droits de constructives et déterminantes. respectivement fait au moins 1 680, l’homme et des peuples (CADHP) et au 5 000 et 260 morts. Au Burundi, plus de Comité africain d’experts sur les droits et L’Union africaine a déclaré que l’objectif 3 100 personnes sont mortes du le bien-être de l’enfant (CAEDBE), mais pour l’année 2020 devait être de « faire paludisme. Le conflit armé au Cameroun avec plusieurs années de retard. La taire les armes ». Cependant, en Afrique, a causé la destruction de plusieurs plupart des États ayant reçu des la fin des conflits semble encore fort établissements de santé. demandes portant sur des appels urgents lointaine. Cet objectif ne pourra se réaliser ou des mesures conservatoires n’ont pas qu’en mettant fin à la culture généralisée En Afrique du Sud, de nombreuses répondu, alors même que ces demandes de l’impunité, et en garantissant justice et informations ont fait état d’une pénurie concernaient des cas avec des risques de réparation pour les victimes des graves de contraceptifs et de médicaments préjudice irréparable. atteintes aux droits fondamentaux. LES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE RÉTROSPECTIVE 2019 11 Amnesty International
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