LES GUERRES DE DEMAIN - avant-projet fridbertsson
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AVANT-PROJET DE RAPPORT LES GUERRES DE DEMAIN Avant-projet de rapport Njall Trausti FRIDBERTSSON (Islande) Rapporteur 025 STCTTS 22 F – Original : anglais – 18 avril 2022 Fondée en 1955, l’Assemblée parlementaire de l’OTAN est une organisation interparlementaire consultative, institutionnellement distincte de l’OTAN. Tant qu’il n’est pas adopté par les membres de la commission, le contenu de ce document de travail représente uniquement le point de vue du rapporteur. Il est basé sur des informations provenant de sources accessibles au public ou de réunions tenues dans le cadre de l’AP-OTAN, lesquelles sont toutes non classifiées.
L’avenir est plein d’incertitudes et envisager ce que sera la guerre de demain est une gageure, puisque son évolution sera conditionnée par nombre de facteurs géopolitiques, sociétaux, technologiques, économiques, environnementaux et militaires. Les analyses se focalisent trop souvent sur la situation actuelle, sans tenir compte des changements imprévisibles qui interviendront sur les plans sociétal, technologique ou politique. Lorsque l’on imagine une guerre, on a tendance à se préparer à une forme de combat qui n’a plus cours, à réfléchir sur la base de concepts obsolètes ou à s’appuyer sur des capacités qui, si elles furent un temps avantageuses, sont aujourd’hui dépassées – ou en passe de l’être. L’environnement sécuritaire international évolue rapidement, et l’invasion délibérée de l’Ukraine par la Russie a provoqué une onde de choc. L’Alliance doit donc anticiper et s’adapter aux risques sécuritaires d’un genre nouveau, tout en continuant à privilégier la dissuasion, la défense et la sécurité coopérative. Cet avant-projet de rapport s’interroge sur l’avenir de la guerre. Il est principalement axé sur les aspects technologiques, et notamment l’impact que pourront avoir les technologies émergentes et de rupture. Il donne en outre un bref aperçu du processus d’adaptation continue , qui vise à préparer l’OTAN aux combats de demain. Enfin, il formule quelques observations préliminaires sur la guerre en Ukraine et ses éventuelles implications pour le futur. Le présent document se veut une base de discussion pour les parlementaires de l’OTAN ; il sera mis à jour et complété pour la session annuelle 2022 de l’Assemblée.
I. INTRODUCTION ..................................................................................................... 1 II. LE CARACTÈRE CHANGEANT DE LA GUERRE ................................................... 1 A. LES FACTEURS ENTRANT EN LIGNE DE COMPTE ........................................................ 2 B. LE CONCEPT-CADRE DE L’OTAN SUR LA CAPACITÉ À COMBATTRE (NWCC) ........... 6 III. LES PROGRÈS TECHNOLOGIQUES ET LEURS IMPLICATIONS POUR LES CAPACITÉS MILITAIRES ........................................................................................ 7 LES TECHNOLOGIES ÉMERGENTES ET DE RUPTURE .................................................. 8 IV. L’ÉVOLUTION FUTURE DE LA GUERRE ET DE L’OTAN .....................................11 A. L’ADAPTATION DES POLITIQUES, DES STRATÉGIES ET DES CONCEPTS DE L’OTAN.......................................................................................................................... 11 B. LA MISE EN ŒUVRE DE PROJETS INNOVANTS POUR ADAPTER LES FORCES ARMÉES ........................................................................................................................ 12 1. Processus OTAN de planification de défense (NDPP) ..........................12 2. Entités OTAN........................................................................................13 3. Programmes, projets et initiatives OTAN ..............................................15 V. CONCLUSIONS PRÉLIMINAIRES .........................................................................16 BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................... 1
I. INTRODUCTION 1. L’OTAN et ses pays-membres doivent faire face à un environnement sécuritaire en constante évolution et de plus en plus complexe. La Russie, dans un élan d’agressivité, vient de déclencher une guerre sans merci contre un proche partenaire européen de l’OTAN ; la Chine continue de mener des politiques de fermeté et des actions stratégiques qui menacent les intérêts et la sécurité des Alliés ; et les groupes terroristes représentent toujours un danger. Parallèlement, les adversaires potentiels de l’Alliance ne cessent d’accroître et de renforcer leurs capacités militaires. Pour finir, d’autres facteurs comme le changement climatique et la pandémie de Covid-19, dont les effets se font encore sentir, se répercutent sur notre sécurité. 2. Les États-membres de l’OTAN ont pris l’engagement, à l’article 3 du traité de Washington, de développer leurs capacités militaires : « Afin d'assurer de façon plus efficace la réalisation des buts du présent Traité, les parties, agissant individuellement et conjointement, d'une manière continue et effective, par le développement de leurs propres moyens et en se prêtant mutuellement assistance, maintiendront et accroîtront leur capacité individuelle et collective de résistance à une attaque armée. » Pour faciliter l’adaptation de l’Alliance à cet environnement sécuritaire très changeant, les chefs d’État et de gouvernement des pays de l’OTAN ont entériné, lors du sommet 2021, l’agenda OTAN 2030, élaboré sous l’égide du Secrétaire général. La nouvelle version du concept stratégique de l’OTAN, prévue en 2022, posera les bases de l’adaptation stratégique future de l’Organisation. Un volet important de ce processus d’adaptation est la mise au point, par les autorités militaires, d’un cadre stratégique pour l’avenir, dont fait partie le concept-cadre de l’OTAN sur la capacité à combattre (NWCC), établi par le Commandement allié Transformation (ACT). 3. Si l’actualisation des documents stratégiques de l’OTAN confère à l’Organisation une nouvelle orientation politique et militaire, ses pays-membres ont également besoin de capacités militaires appropriées pour faire face aux risques sécuritaires en constante évolution. L’investissement dans le secteur de la défense et le développement des capacités sont deux aspects essentiels pour permettre à l’OTAN de se confronter aux menaces actuelles et futures. C’est pourquoi les plans établis par les Alliés pour mettre en œuvre leur engagement en matière d'investissements de défense doivent afficher une hausse des investissements et un développement des capacités. 4. Un grand nombre des menaces à venir émaneront des progrès technologiques. La promotion des innovations technologiques et leur introduction rapide dans le secteur de la défense seront également très importantes pour le développement des capacités militaires des membres de l’OTAN. Les technologies émergentes et de rupture sont susceptibles de révolutionner les capacités militaires futures ainsi que l’aptitude à mener des combats. 5. La conduite future des combats sera conditionnée par les évolutions géopolitiques, sociétales, technologiques, économiques et militaires. Cet avant-projet de rapport s’intéresse principalement aux aspects technologiques. Il servira de base aux débats de la commission des sciences et des technologies qui auront lieu lors de la session de printemps de l’Assemblée, et sera complété et mis à jour pour la session annuelle 2022. II. LE CARACTÈRE CHANGEANT DE LA GUERRE 6. La guerre peut prendre de nombreuses formes, des combats conventionnels intenses entre des adversaires de niveau (quasiment) égal à la guerre dans le cyberespace, en passant par la lutte antiterroriste ou anti-insurrectionnelle. À mesure que les risques sécuritaires et la nature des combats évoluent, les membres de l’OTAN doivent adapter leurs forces. La guerre que mène délibérément le président russe Vladimir Poutine contre l’Ukraine nous rappelle brutalement qu’une véritable guerre peut encore éclater entre États européens. Après les attentats du 1 AVANT-PROJET DE RAPPORT – 025 STCTTS 22 F
11 septembre 2001 aux États-Unis, les armées de l’OTAN se sont concentrées sur la menace des groupes terroristes et de l’instabilité, en se préparant à des opérations antiterroristes ou anti- insurrectionnelles, ainsi qu’à des missions de restauration de la stabilité. L’invasion de la Crimée par la Russie en 2014 a entraîné un changement des priorités et les membres de l’OTAN ont commencé à procéder à des réajustements pour que leurs armées puissent à nouveau mener de vraies guerres. A. LES FACTEURS ENTRANT EN LIGNE DE COMPTE 7. La transition du conflit à la guerre totale est fluide. La guerre et les conflits violents ont de plus en plus lieu sans volet cinétique. Les hostilités ne sont pas déclarées officiellement, et même ce qui constitue la « victoire » n’est pas forcément clair. L’attaque de l’Ukraine par la Russie a été déclenchée sans déclaration de guerre. Le président Vladimir Poutine a présenté l’invasion de l’Ukraine comme une « opération spéciale ». La Russie a commencé à livrer combat dans la « zone grise » dès 2014, en apportant un soutien direct aux prétendues « républiques populaires de Donetsk et de Louhansk ». Dans une zone grise, les agresseurs recourent à la désinformation, aux moyens cyber, à la criminalité organisée et à d’autres outils non militaires – souvent sans qu’ils soient repérés ni qu’il soit possible de leur attribuer les faits – pour affaiblir les institutions et les processus politiques de leurs adversaires ainsi que leur volonté de combattre. Citons, par exemple, les actions menées par la Russie pour influencer les élections dans les États-membres de l’OTAN, ainsi que les campagnes de désinformation continues orchestrées, entre autres, par la Russie et la Chine pour semer le doute sur les mesures prises par les gouvernements pendant la pandémie de Covid-19. Les campagnes de mésinformation et de désinformation sont de plus en plus courantes. Même des entreprises privées commencent à proposer un « service de désinformation » aux administrations publiques et aux acteurs privés (Uchill, 2019). 8. Les acteurs non étatiques jouent un rôle croissant dans un contexte de guerre. Le groupe paramilitaire privé Wagner, créé en 2014 par Evgueni Prigojine, un oligarque russe ayant des liens étroits avec Vladimir Poutine, intervient dans de nombreux conflits de par le monde, notamment en Syrie, en Libye, en République centrafricaine et en Ukraine. Que des acteurs non étatiques s’engagent dans une guerre offre aux États qui les soutiennent la possibilité – plausible – de nier leur propre implication. Les États autocratiques pourraient à l’avenir recourir plus fréquemment à des groupes de ce type. La « déclaration de guerre contre le gouvernement russe » prononcée par le groupe de pirates informatiques Anonymous suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 est un autre exemple de l’implication croissante des acteurs non étatiques dans une guerre. Anonymous a fait savoir qu’il avait réussi à bloquer les sites Internet de plusieurs agences gouvernementales russes ainsi que ceux de Gazprom et de Russia Today, l’organe d’information contrôlé par l’État russe. De son côté, l’Ukraine a constitué une « cyberarmée ukrainienne » composée de plusieurs milliers de civils doués de compétences informatiques qui se sont portés volontaires pour mener une « guerre numérique » contre la Russie. L’entreprise a été rendue possible par les atouts du pays : un secteur informatique relativement avancé, de nombreuses entreprises de cybersécurité et un nombre plutôt élevé d’ingénieurs talentueux (Labott, 2022). L’Ukraine a également lancé une initiative de collecte de fonds en cryptomonnaie pour financer la résistance civile nationale. À la mi-mars, quelque 70 millions de dollars avaient été recueillis (Labott, 2022). 9. Plusieurs tendances démographiques entraînent des conséquences majeures pour l’Alliance. Selon les Nations unies, la population mondiale devrait s’accroître de 2 milliards de personnes entre aujourd’hui et 2050, passant de 7,7 à 9,7 milliards. Alors que l’Europe et l’Amérique latine devraient voir leur population diminuer d’ici 2100, l’Afrique est la seule région du monde qui devrait continuer à enregistrer une forte croissance démographique, avec un taux de natalité qui dépassera celui de l’Asie en 2060 (Nations unies, 2019). De plus, les membres européens de l’OTAN connaîtront une hausse de l’âge médian, de 37,7 en 2000 à 47 en 2050, ce qui pourrait compliquer le recrutement, mais aussi la fidélisation et la modernisation des forces armées (Simon, 2008). 2 AVANT-PROJET DE RAPPORT – 025 STCTTS 22 F
10. L’urbanisation est l’une des grandes tendances mondiales du XXIe siècle. Aujourd’hui déjà, quelque 55 % de la population mondiale vit en zone urbaine ; d’après le rapport 2016 des Nations unies sur les villes du monde, ce pourcentage atteindra environ 75 % en 2050. Les zones urbaines deviendront l’un des principaux théâtres de guerres et de conflits. Plus de la moitié des conflits armés violents dans le monde ont lieu dans les villes, ce qui concerne quelque 50 millions de personnes (CICR, 2020 ; Nations unies, 2020). L’instabilité persistante sur les flancs sud et sud-est de l’OTAN ainsi que l’urbanisation croissante pourront conférer une grande importance à l’environnement urbain dans de nombreux conflits futurs impliquant les forces de l’OTAN (Michel-Kleisbauer, 2020). 11. Le changement climatique représente une menace croissante, que ce soit pour la sécurité internationale ou pour celle de l’OTAN. Ses effets se font sentir à la fois sur l’environnement stratégique et sur les missions et opérations au sol (GMACCC, 2014). Les conditions météorologiques extrêmes et variables, les températures élevées, les sécheresses, les inondations, les incendies, les tempêtes, la montée des eaux, la dégradation des sols et l’acidification des océans menacent les infrastructures, la santé, ainsi que la sécurité hydrique et alimentaire (Lavikainen, 2021 ; Coats, 2019 ; Migdon, 2021). De surcroît, le changement climatique a déjà une incidence sur la planification et la conduite des opérations militaires dans la mesure où il provoque des dommages sur les bases et les infrastructures militaires et pèse sur les ressources des forces armées lorsque ces dernières interviennent suite à des catastrophes liées au climat (Cohen et al., 2020). Enfin, la contribution des armées et de leurs opérations au changement climatique ainsi que leurs émissions carbone et leurs efforts pour les réduire sont des questions qui surgissent sur le devant de la scène. Les experts commencent à surveiller les émissions directes et indirectes pendant et après les conflits et enregistrent les émissions liées directement aux opérations militaires1 (Darbyshire, 2021). 12. La croissance démographique et le changement climatique risquent d’entraîner une concurrence de plus en plus forte pour l’accès aux ressources naturelles, qui pourrait conduire à la faillite des États, à des conflits violents et à des flux migratoires non maîtrisés. 13. Ceci étant, le caractère changeant de la guerre est dû principalement aux progrès technologiques et à l’accès aux technologies. 14. Les données et la transformation numérique acquièrent de plus en plus d’importance. Le numérique, l’information et le domaine cyber se sont transformés en environnement opérationnel et en théâtre de contestation dépourvu de frontières géographiques. Les nouvelles technologies serviront de base à l’élaboration de nouveaux concepts militaires et confèreront une dimension nouvelle à la conception que nous avons de la proximité. Les éventuelles cyberattaques ou attaques de moyens spatiaux alliés ne se mesurent pas à l’aune de leur distance géographique car ces menaces peuvent provenir de zones extrêmement distantes et reculées. 15. Les conflits évolueront de plus en plus vers le contrôle de l’information. Ils incluront des opérations dans le cyberespace visant à déconstruire la rhétorique de l’adversaire. Les attaques commises à l’aide de logiciels malveillants (notamment les logiciels rançonneurs) augmentent au rythme de 400 % en glissement annuel et touchent le monde entier (Brown, 2021 ; Goddard, 2021). Les questions de l’espionnage et du sabotage dans le domaine cyber vont occuper une plus grande place dans l’agenda et nécessiteront le renforcement des moyens de cyberdéfense, des méthodes 1 Par exemple, la consommation d’énergie des bases militaires et le carburant utilisé pour les équipements (comme les aéronefs, les navires et les véhicules terrestres), souvent considérés comme les principaux facteurs d’émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le domaine militaire, les marchés publics de la défense et autres chaînes d’approvisionnement, qui représentent la majorité des émissions des armées, les bâtiments militaires, en particulier dans les zones vulnérables, et la gestion des déchets. 3 AVANT-PROJET DE RAPPORT – 025 STCTTS 22 F
de détection des intrusions ainsi que de la redondance et de la résilience des réseaux (Cohen et al., 2020). Les entreprises de haute technologie sont les premières cibles des acteurs étatiques ou non étatiques. Selon une étude annuelle d’évaluation des risques réalisée par la compagnie d’assurance internationale WTW, près de 75 % des entreprises interrogées ont fait part de leur crainte de cyberattaques commanditées par des États, et plus de 50 % se sont dites inquiètes des attaques pouvant être lancées par des États contre des entreprises privées en représailles de différends diplomatiques internationaux (Braw, 2022). 16. Les membres de l’Alliance doivent résoudre le problème de la vulnérabilité des systèmes d’armes aux cyberattaques (GAO, 2021). L’interconnectivité accrue offerte par la 5G permet de combiner de nombreux services et couvre, à l’aide d’une seule et unique technologie, l’ensemble du spectre des fréquences. 17. Pour sortir victorieuses des conflits à venir, les forces armées doivent pouvoir mener des opérations multimilieux, en particulier dans des environnements opérationnels exposés. Selon le conseiller scientifique de l’OTAN, Bryan Wells, les capacités militaires futures seront dans l’ensemble : − intelligentes (autonomie, intelligence artificielle et analyse des connaissances) ; − distribuées (traitement des données à la périphérie, détection tous azimuts, décentralisation de la production et démocratisation des sciences et technologies) ; − numériques (double numérique, réalité virtuelle) ; − interconnectées (communications de confiance, synergie entre les systèmes) (Wells, 2022). 18. La démocratisation de l’accès aux technologies joue un rôle important. La facilité d’accès et la disponibilité croissante dans le commerce de technologies toujours plus complexes permettent à des opposants moins puissants et moins avancés sur le plan technologique (comme des groupes terroristes et d’autres acteurs non étatiques armés) d’acquérir des moyens d’action. Pour citer un exemple, en Iraq et en Afghanistan, les insurgés ont utilisé des téléphones portables pour activer des engins explosifs improvisés (EEI). Sur les deux théâtres, ces engins ont causé un très grand nombre de pertes parmi les troupes alliées et généré d’importantes menaces sur le plan opérationnel. Les véhicules aériens sans pilote (UAV) sont actuellement utilisés à la fois par des armées nationales et par des acteurs non étatiques. Ils offrent des capacités de plus en plus vastes en même temps que leur taille diminue. La transformation numérique offre des capacités d’action à de nouveaux acteurs et ouvre en particulier la voie à une nouvelle concurrence. Ainsi, le nombre d’acteurs étatiques et non étatiques dotés de moyens d’action et capables d’utiliser des outils cyber ne cesse de s’accroître de manière significative (Coats, 2018). La disponibilité des technologies de pointe à double usage peut, par conséquent, faire ombrage à l’avance technologique que possède un adversaire. 19. La géographie, et en particulier la distance avec des adversaires potentiels, revêt moins d’importance. Si la guerre était, autrefois, menée avant tout par les soldats situés sur la ligne de front, elle peut aujourd’hui avoir lieu à distance et frapper des cibles aussi bien civiles que militaires. Les progrès technologiques dans le domaine spatial et le cyberespace minimisent le rôle de la géographie et créent de nouvelles frontières sécuritaires. En fait, l’espace et le cyberespace ont été désignés par l’OTAN comme deux milieux d’opérations dans lesquels une attaque peut susciter l’activation de l’article 5 du Traité de Washington. Dans le milieu spatial, la baisse des coûts de lancement et les transferts de technologies vont progressivement permettre à d’autres pays (comme l’Iran ou la Corée du Nord) ainsi qu’à des entreprises privées et des acteurs non étatiques de se livrer à des activités dans l’espace (Brunner, 2021). Une éventuelle « militarisation » de l’espace et l’utilisation d’outils cyber permettraient à des adversaires potentiels d’attaquer à distance des infrastructures civiles et militaires d’États-membres de l’OTAN. C’est pourquoi la résilience acquiert une importance cruciale. 4 AVANT-PROJET DE RAPPORT – 025 STCTTS 22 F
Guerre en Ukraine – Premières observations La guerre que livre la Russie à l’Ukraine est le plus important conflit armé en Europe depuis la seconde guerre mondiale. Bien que celle-ci atteste de l’importance des capacités conventionnelles, elle est la première guerre véritablement hybride. Quelque six semaines après son déclenchement, voici les premières observations qui se dégagent : La guerre en Ukraine démontre l’importance de la capacité à mener des opérations multimilieux. Pour autant, le déroulement des combats a jusqu’ici mis en évidence les lacunes de la Russie à cet égard. Les forces russes ont fait montre de leur absence d’unité de commandement, menant non pas une campagne coordonnée mais plusieurs combats dispersés. Chaque unité militaire semble conduire sa propre guerre. On note également l’absence « d’interarméité » au sein des forces russes, ce qui signifie qu’il y a peu eu jusqu’ici – voire jamais – d’action coordonnée de la part des unités terrestres et aériennes. Les communications tactiques de l’armée russe ne sont pas toujours cryptées, ce qui fournit à l’Ukraine d’excellentes occasions de recueillir des renseignements et d’opérer un ciblage. De surcroît, le fait que l’ensemble de la population occupée possède des téléphones portables équipés d’appareils photo et parvienne à transmettre des informations de ciblage sur les réseaux numériques constitue une source de renseignements supplémentaires pour les défenseurs ukrainiens. Dans cette guerre, les satellites jouent un rôle important en matière de collecte de renseignements. La Russie possède cependant un nombre limité de satellites de reconnaissance, moins avancés technologiquement que ceux des pays de l’OTAN. L’Ukraine, qui n’en possède aucun, utilise les renseignements provenant des images satellites fournies par les pays occidentaux et des entreprises privées. L’armée de l’air russe, supérieure en nombre à celle de l’Ukraine, a été jusqu’ici relativement peu efficace. Peinant à exercer un contrôle des airs, et encore moins à y afficher une supériorité, la Russie a frappé certaines cibles ukrainiennes à l’aide de missiles hypersoniques. L’Ukraine et la Russie utilisent toutes les deux des drones, à la fois pour des missions de reconnaissance et d’appui aérien rapproché. Le modèle Bayraktar TB-2 ainsi que des drones civils disponibles dans le commerce sont utilisés avec succès par l’armée ukrainienne pour empêcher la progression des forces russes. C’est la première fois que des drones civils sont employés aussi largement au cours d’un conflit, principalement pour des tâches de reconnaissance mais aussi pour transporter des armes légères comme des cocktails Molotov ou des grenades. Du côté de la Russie, l’utilisation des drones est apparue comme non systématique et avec des effets limités. Les réseaux de guerre électronique et la défense aérienne de l’Ukraine étant encore intacts, cela limite la capacité pour la Russie d’utiliser ses drones. Le cyberespace : Les cyberattaques représentent un aspect central de la guerre en Ukraine. La Russie en a commis une multitude avant le début des combats et pendant, que ce soit contre des sites web gouvernementaux ou des infrastructures (comme des réseaux ferrés). Les dégâts ont été jusqu’ici limités, car l’Ukraine avait considérablement renforcé ses moyens de cyberdéfense avant le déclenchement de la guerre grâce à l’aide des Occidentaux, en particulier des États-Unis. Depuis le début des hostilités, l’Ukraine a également reçu l’aide d’entreprises privées qui ont protégé les réseaux et l’infrastructure essentielle. Le pays a en outre constitué une « cyberarmée » composée de « centaines de milliers » de professionnels de l’informatique du monde entier prêts à lutter contre les cyberattaques russes et à contrer les campagnes de désinformation du Kremlin. Les craintes que la Russie ne lance de graves cyberattaques à l’encontre de l’Ukraine et de l’Occident ne se sont donc pas encore concrétisées. Il est difficile de savoir si les Russes gardent en réserve leurs cyberarmes les plus puissantes ou si leurs capacités ont été largement surestimées. 5 AVANT-PROJET DE RAPPORT – 025 STCTTS 22 F
L’Ukraine utilise, elle aussi, des outils cyber à l’encontre de la Russie. Les principales cibles sont les chemins de fer et le réseau d’électricité afin d’empêcher les Russes d’acheminer des armes et des ravitaillements vers la ligne de front en Ukraine, ainsi que les sites web d’institutions gouvernementales et financières. L’Ukraine utilise également le cyberespace pour diffuser de la propagande ou, plus exactement, des vérités au sujet de son adversaire. L’Ukraine domine par ailleurs la guerre de l’information. La stratégie de communication de ses dirigeants a été capitale pour soutenir le moral des Ukrainiens et recueillir un appui international. Le renseignement de source ouverte joue un rôle clé dans cette guerre et a permis à l’opinion publique de suivre les événements quasiment en temps réel. Les images satellites, les vidéos publiées sur les médias sociaux et d’autres informations disponibles publiquement en disent long sur le déroulement de la guerre et mettent au jour la propagande mensongère du président Poutine. Bien que la guerre soit menée surtout avec des armes conventionnelles, des moyens extrêmement modernes sont utilisés pour rendre compte de ce qui se passe. B. LE CONCEPT-CADRE DE L’OTAN SUR LA CAPACITÉ À COMBATTRE (NWCC) 20. Pour aider l’OTAN à se préparer et à s’adapter à cet environnement sécuritaire fluctuant, le Commandement allié Transformation (ACT) a mis au point le concept-cadre sur la capacité à combattre (NWCC), entériné par plusieurs organes OTAN ainsi que par les chefs d’État et de gouvernement des membres de l’Alliance lors du sommet de Bruxelles en 2021. Le NWCC, suite et partie de l’initiative OTAN 2030, représente une étape importante pour l’adaptation de l’Alliance. Il définit des orientations pour le développement futur des capacités militaires, en s’appuyant sur cinq impératifs du développement des capacités de combat (Ellison, 2021) : − supériorité cognitive : avoir une meilleure connaissance de soi et de ses adversaires potentiels ; − résilience multicouche : renforcer les liens entre toutes sortes d’instruments et les actions transversales ; − projection d’influence et de puissance : empêcher les autres acteurs de façonner l’environnement ; − commandement intermilieux : intervenir de façon créative dans différents milieux et créer des liens au-delà des instruments militaires ; − défense multimilieux intégrée : protéger les forces interarmées des menaces provenant de différents milieux. 21. La supériorité cognitive fait surtout référence à la prise de conscience et à la compréhension de la conception de la guerre ainsi que des politiques, des capacités et des actions nécessaires pour définir et atteindre les objectifs des Alliés, notamment celui qui consiste à remporter la victoire lors d’une guerre. La supériorité cognitive désigne également la connaissance de la façon dont nos adversaires potentiels appréhendent leur approche de la guerre et perçoivent la nôtre. 22. La résilience multicouche : Les capacités militaires et leur résilience dépendent des structures civiles. Le concept de résilience multicouche met l’accent sur la nécessité de développer une approche cohérente pour accroître la résilience des forces armées et des structures civiles et pour établir des liens entre elles de manière à augmenter la sécurité des Alliés. Pour citer un exemple, la résilience des armées suppose d’améliorer la protection des forces ainsi que de renforcer la continuité de commandement et les actions multimilieux rapidement et à grande échelle 6 AVANT-PROJET DE RAPPORT – 025 STCTTS 22 F
dans des environnements opérationnels défavorables. Le but de la résilience civilo-militaire est de s’assurer que les structures et les processus civils utilisés à l’appui des capacités militaires (comme la logistique) puissent supporter des attaques d’adversaires. La résilience civile vise à protéger les sociétés des membres de l’Alliance contre les activités visant, entre autres, à saper les institutions démocratiques et les processus politiques des Alliés. La résilience multicouche tient également compte des interdépendances entre Alliés. 23. La projection d’influence et de puissance souligne l’importance des partenariats dans l’amélioration de la sécurité des membres et des partenaires de l’Alliance ainsi que dans la stabilité (au niveau régional). Elle nécessite un large éventail de capacités : létales ou non, cinétiques ou non et multimilieux. 24. Le commandement intermilieux met en avant la nécessité de concevoir des structures de commandement et celle, pour les les commandants militaires, de pouvoir intervenir avec succès dans des environnements défavorables très exposés et des milieux physiques. Il est essentiel, pour assurer la mise en place d’un commandement intermilieux, d’adapter l’éducation, la formation et les exercices à un environnement sécuritaire en constante évolution. 25. L’instauration et le développement d’une défense multimilieux intégrée seront déterminants dans la mise en place des capacités militaires futures. Pour être interopérables lors des conflits futurs, les forces OTAN doivent préserver et accroître leur capacité à communiquer et à coordonner leurs actions dans des environnements défavorables. Cet aspect est d’autant plus important que les progrès technologiques contraindront progressivement, dans les conflits futurs, à des interventions rapides et à grande échelle. La capacité à mener des opérations multimilieux sera cruciale pour gagner la guerre contre des adversaires (quasiment) égaux. III. LES PROGRÈS TECHNOLOGIQUES ET LEURS IMPLICATIONS POUR LES CAPACITÉS MILITAIRES 26. Les technologies émergentes et de rupture devraient jouer un rôle crucial dans le développement des capacités militaires de l’OTAN. Si chacune de ces technologies témoigne d’ingéniosité, leur utilisation conjointe suscite une franche rupture sur le plan militaire, ce qui permettra à l’OTAN de préserver l’avance technologique dont elle a besoin pour assurer son efficacité opérationnelle et organisationnelle (STO, 2020 ; Wells, 2022). Les capacités militaires futures dépendront donc de plus en plus de réseaux numériques intelligents, interconnectés et distribués (STO, 2020). 27. L’Organisation OTAN pour la science et la technologie (STO) cite huit « grands facteurs de rupture stratégique » pour les capacités de l’OTAN entre 2020 et 2040 : 1) les données ; 2) l’intelligence artificielle ; 3) l’autonomie ; 4) la technologie quantique ; 5) l’espace ; 6) la technologie hypersonique ; 7) la biotechnologie et l’amélioration des capacités humaines ; et 8) les nouveaux matériaux et la fabrication. 28. Les données, l’intelligence artificielle, l’autonomie, l’espace et la technologie hypersonique produisent déjà des effets de rupture sur les capacités militaires, qui devraient s’accroître considérablement au cours des cinq à dix prochaines années. S’agissant de la technologie quantique, de la biotechnologie et des nouveaux matériaux, la STO qualifie les avancées y afférentes « d’émergentes », ce qui veut dire qu’il faudra dix à vingt ans de plus avant qu’elles n’aient un impact significatif sur les capacités militaires (STO, 2020). 7 AVANT-PROJET DE RAPPORT – 025 STCTTS 22 F
Les technologies émergentes et de rupture 29. Les données qui, de par leur volume, leur rapidité et leur variété, sont difficiles à visualiser2 et à vérifier sont appelées « mégadonnées ». Dans le contexte de la transformation numérique, de la prolifération de nouveaux capteurs, des nouveaux modes de communication, de l’internet des objets (IdO) et du déplacement des espaces sociocognitifs dans le monde virtuel (les médias sociaux, par exemple), il est devenu de plus en plus difficile de trouver du sens à l’information (on parle alors de déluge de données). Les données, dont le volume ne cesse de s’accroître, doivent donc être analysées pour pouvoir comprendre, décrire et prédire les événements. Les techniques permettant de visualiser de gros volumes d’informations et de les interpréter sont appelées « analytique avancée des données » (STO, 2020). 30. L’analytique avancée des mégadonnées (BDAA) est l’association des mégadonnées et de l’analytique avancée. Cette dernière désigne des méthodes d’analyse complexes permettant de rendre intelligibles et de visualiser de gros volumes d’informations. En collectant, traitant, exploitant, distribuant et synthétisant des sources de données et produits d’information très nombreux et variés, la BDAA peut conférer à l’OTAN un avantage en matière de prise de décision et de savoir. Les domaines les plus susceptibles d’être concernés par le développement de la BDAA sont l’information, la surveillance et la reconnaissance (ISR), la connaissance de la situation, la formation et la préparation, la gestion d’entreprise, la logistique, l’appui des opérations, les sciences et technologies et la gestion de l’information (STO, 2020). 31. L’intelligence artificielle (IA), décrite comme le plus grand défi technologique qui se présente à l’OTAN, désigne la capacité d’une machine à exécuter, en toute autonomie, des tâches qui nécessiteraient normalement l’intelligence humaine (par exemple la planification, la compréhension d’une langue, la reconnaissance d’objets et de sons, l’apprentissage et la résolution de problèmes). L’explosion des données et le déluge d’informations vont rendre l’IA indispensable à la BDAA si l’on veut que les données soient transformées en connaissances exploitables (STO, 2020). 32. L’impact de l’IA sur les capacités militaires des Alliés se manifestera principalement par son intégration dans des technologies connexes comme la réalité virtuelle/augmentée, l’informatique quantique, l’autonomie, la modélisation et la simulation, l’espace, la recherche sur les matériaux, la fabrication et la logistique, et enfin la BDAA. Les progrès dans le domaine de l’IA feront apparaître de nouvelles vulnérabilités et pourraient aboutir à une course aux armements intégrant cette technologie (Simonite, 2017). 33. Grâce à l’IA, les capacités C4ISR (commandement, contrôle, communications, informatique, renseignement, surveillance et reconnaissance) bénéficieront de l’assistance virtuelle, de l’appui aux décisions dans les jeux de guerre, d’indications et d’alertes améliorées ainsi que d’outils de gestion des informations et des connaissances plus élaborés. L’IA va favoriser l’évolution et l’utilisation accrue des véhicules sans pilote (UxV)3 et aura des conséquences sur l’utilisation générale des armes et leur impact (par exemple, amélioration de la planification de la trajectoire, prévention des collisions, essaimage, choix des armes, évaluation des dommages de combat et coordination des effets). Dans le cyberspace et le royaume de l’information, les réseaux et les systèmes d’informations seront configurés, gérés et protégés par des agents autonomes fonctionnant à l’aide de l’IA. L’intelligence artificielle permettra en outre d’améliorer la formation grâce à l’adaptation en 2 Visualisation des mégadonnées : présentation de ces dernières, quelles qu’elles soient, sous forme de graphique afin de faciliter la compréhension et de permettre une interprétation contextuelle correcte. 3 Véhicules aériens (UAV, UCAV si apte au combat), maritimes – sous-marins (UUV) et de surface (USV) – et terrestres/au sol (UGV). 8 AVANT-PROJET DE RAPPORT – 025 STCTTS 22 F
temps réel aux comportements humains et à la création d’environnements ou de scénarios d’entraînement personnalisés (STO, 2020). 34. Selon le rapport de la STO (2020), l’autonomie est définie comme « la capacité d’un système à réagir à des situations incertaines en composant avec la situation et en opérant de façon indépendante un choix entre des axes d’action différents, de manière à atteindre des objectifs à partir de connaissances et d’une compréhension contextuelle du monde, de soi-même et de la situation » (STO, 2020). Parce que les machines fonctionnant à l’aide de l’IA seront de plus en plus incluses dans le processus de décision, la question sera de doser l’autonomie et l’interaction entre l’humain et la machine (Klare, 2019). Même si les pays ne développent pas de systèmes totalement autonomes, les dispositifs semi-autonomes auront sans doute une incidence sur les opérations à court et moyen terme (STO, 2020). 35. Les systèmes autonomes et robotisés occupent progressivement une place centrale dans les combats. Les progrès réalisés dans le domaine de l’autonomie auront sans doute un impact sur la structure future des forces car les véhicules sans pilote (aériens, maritimes ou terrestres ̶ UxV) et les agents logiciels autonomes accroissent l’importance de l’interaction entre l’humain et la machine. Les capacités anti-UxV offriront de nouvelles possibilités de contre-mesures et donc de protection des forces. Les véhicules aériens sans pilote (UAV) sont capables d’effectuer des missions ISR et de mener des opérations de ciblage à l’encontre des lignes de front, des lignes d’approvisionnement et des bases logistiques (Shashank, 2022). En fait, même le plus petit des drones disponibles dans le commerce peut être équipé d’armes et causer des dommages considérables. Les drones de base pouvant être utilisés comme des IED volants seront difficiles à contrer par des forces armées conventionnelles. Les technologies d’essaimage offriront des possibilités nouvelles de détection et amélioreront la protection des biens essentiels. L’utilisation croissante de véhicules dispersés et difficilement observables (comme les micro-UAV) dans des zones opérationnelles mouvantes (comme l’espace et les environnements urbains) améliorera considérablement l’ISR et la connaissance de la situation. Dans le contexte de la guerre de l’information, les agents logiciels autonomes assumeront de plus en plus des missions dans le cyberespace (STO, 2020). 36. Les économies, les armées et les sociétés du monde entier s’appuient de plus en plus sur des dispositifs et des technologies installés dans l’espace, comme les satellites utilisés pour les communications, l’observation de la Terre ou la navigation. De fait, le nombre de satellites devrait être multiplié par cinq d’ici 2030, avec le lancement prévu de 1 100 engins pour la seule année 2025 (presque quatre fois plus qu’en 2018) (Ryan-Mosley, 2019). Les adversaires (quasiment) égaux de l’OTAN investissent massivement dans le développement de leurs capacités spatiales et travaillent également sur la lutte spatiale (Brunner, 2021). 37. L’OTAN a recensé cinq grandes capacités spatiales nécessaires au succès des opérations militaires : positionnement-navigation-datation (PNT) et vitesse ; alerte tactique intégrée et évaluation de la menace ; surveillance de l’environnement ; communications ; ISR. Les satellites de petite taille4 sont un exemple de technologies spatiales présentant de l’intérêt dans le domaine militaire. Ils fonctionnent surtout en orbite terrestre basse et moyenne et effectuent des missions auparavant dévolues à de grands engins spatiaux. Dans le contexte de l’OTAN, les petits satellites pourraient assurer la domination de l’Organisation en matière d’information stratégique, garantir des communications sûres et fiables, et améliorer la connaissance de la situation (STO, 2020). 38. Les armes hypersoniques avancées évoluent dans l’atmosphère à des vitesses supérieures à Mach 5 (6 125 km/h) (JAPCC, 2017). Ces systèmes d’armes ultrarapides et faciles à manœuvrer peuvent être utilisés pour des frappes rapides de longue portée sur des cibles de grande valeur. Du fait de leur rapidité et leur manœuvrabilité, ces dispositifs introduisent un degré supplémentaire d’imprévisibilité et génèrent d’importantes difficultés en termes d’interception et de contre-mesures 4 Les satellites de petite taille sont des engins spatiaux d’une masse inférieure à 500 kg. 9 AVANT-PROJET DE RAPPORT – 025 STCTTS 22 F
(Davenport, 2018 ; Brimelow, 2018). La Chine et la Russie ont déjà indiqué avoir développé et testé avec succès des armes de ce type (Reuters, 2021). Il est donc absolument indispensable de mettre en place des contre-mesures, par exemple des intercepteurs, des dispositifs électroniques et des systèmes à énergie dirigée. 39. Les missiles hypersoniques, à l’issue de leur processus de développement, ne seront peut-être plus réservés à l’envoi d’ogives mais seront peut-être aussi intégrés – à l’horizon des années 2030 – à des aéronefs de renseignement et de reconnaissance. Les UAV hypersoniques pourraient apporter plus de flexibilité aux missions ISR longue portée que les satellites de reconnaissance, tout en permettant le lancement d’armes (Swartz, 2016). 40. Les progrès de la technologie quantique bénéficieront de façon substantielle aux domaines suivants : cryptographie ; puissance de calcul ; navigation et datation de précision (PNT) ; détection et imagerie ; communications ; matériaux. Cela dit, l’application pratique des nouvelles découvertes nécessite encore des travaux de recherche approfondis (STO, 2020). 41. Les technologies quantiques peuvent être intégrées aux capacités militaires de l’OTAN dans quatre grands domaines présentant de l’intérêt pour la sécurité et la défense. Dans le domaine des communications et de la cryptographie, ainsi que de la cryptographie inviolable, les technologies cryptographiques poseront de gros problèmes au dispositif C4ISR actuel. Les avancées informatiques permettront de disposer de techniques très élaborées de cryptage et de décryptage des informations. La technique PNT va, en outre, sensiblement s’améliorer grâce à de nouveaux instruments de grande précision qui faciliteront les opérations militaires dans des environnements particulièrement difficiles (par exemple, des missions autonomes de longue durée sous la glace). Les technologies quantiques de détection devraient offrir une plus grande résistance au brouillage. Elles seront utilisées pour mettre au point des radars non détectables et anti-furtivité, ou encore des capteurs magnétiques, acoustiques et de gravité dotés de capacités ASM nettement supérieures (STO, 2020). 42. Les progrès accomplis dans les domaines des matériaux, des systèmes d’informations et des sciences humaines repoussent les limites des performances humaines physiologiques, cognitives et sociales. La biotechnologie désigne l’utilisation de processus cellulaires et biomoléculaires pour concevoir de nouvelles technologies. Les technologies d’amélioration des capacités humaines sont des inventions biomédicales visant à améliorer les caractéristiques ou les facultés que possède un individu à sa naissance, à les modifier et/ou à en ajouter de nouvelles (Sienna, 2022). 43. Les dispositifs biomédicaux portables ainsi que la réalité virtuelle et mixte sont des exemples des conséquences de la biotechnologie et des technologies d’amélioration des capacités humaines sur la planification et la conduite des opérations. Des marqueurs et des capteurs biologiques permettront d’améliorer sensiblement les contre-mesures médicales et les soins. L’optimisation des performances individuelles et collectives (en matière de connaissances, d’aptitudes physiques ou de résilience), ainsi que les possibilités d’entraînement en personne ou en mode virtuel, amélioreront globalement les capacités militaires (STO, 2020). 44. Les progrès de la nanotechnologie et de la biologie de synthèse entraînent des répercussions sur la fabrication de nouveaux matériaux artificiels aux caractéristiques uniques, comme le graphène5. La fabrication additive, ou impression 3D, utilise des modèles informatiques et un ensemble de métaux, polymères et résines pour élaborer des objets compacts en trois dimensions dans une variété de formes presque infinie (STO, 2020). 5 Le graphène est une nouvelle substance composée de carbone, qui présente un ensemble unique de propriétés mécaniques, physiques, chimiques et électriques. Le graphène est chimiquement stable, non toxique, léger et simple à produire à partir de matières premières facilement disponibles. 10 AVANT-PROJET DE RAPPORT – 025 STCTTS 22 F
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