Les mécanismes d'appui au développement local dans la législation minière en Guinée - MAI 2019
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Les mécanismes d’appui au développement local dans la législation minière en Guinée Hervé Lado et Sun-Min Kim MAI 2019
Sigles et acronymes AGR Activité génératrice de revenus ANAFIC Agence nationale de financement des collectivités locales BAD Banque africaine de développement CAGF Comité d’appui à la gestion du FODEL CDL Contribution au développement local DND/MATD Direction nationale de la décentralisation du MATD DNDL/MATD Direction nationale du développement local du MATD FNDL Fonds national de développement local FODEL Fonds de développement économique local GNF Franc guinéen ITIE Initiative pour la transparence dans les industries extractives MATD Ministère de l’Administration du territoire et de la Décentralisation MMG Ministère des Mines et de la Géologie ONG Organisation non gouvernementale PACV Programme d’appui aux communautés villageoises PAI Programme annuel d’investissement PDL Plan de développement local PNDES Plan national de développement économique et social RSE Responsabilité sociétale des entreprises SFI Société financière internationale SRCCL/MMG Service des relations communautaires et du contenu local du MMG
Les mécanismes d’appui au développement local dans la législation minière en Guinée Contents RÉSUMÉ EXÉCUTIF................................................................................................................................2 INTRODUCTION......................................................................................................................................4 1. LES MÉCANISMES FISCAUX D’APPUI AU DÉVELOPPEMENT LOCAL..................................6 2. LES MÉCANISMES QUASI FISCAUX DE SOUTIEN AU DÉVELOPPEMENT LOCAL PAR DES REVENUS MINIERS.............................................................................................. 16 3. LES MÉCANISMES SOCIO-ÉCONOMIQUES DE SOUTIEN AU DÉVELOPPEMENT LOCAL................................................................................................................. 20 4. PERSPECTIVES................................................................................................................................ 23 CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS....................................................................................... 27 RÉFÉRENCES........................................................................................................................................ 31 Messages clés • En 2016, les revenus miniers reversés aux communes étaient de 61 milliards de GNF (6,7 millions d’USD), soit 2% des revenus issus du secteur extractif et 0,5% du budget national de la Guinée ; ils pourraient dépasser les 400 milliards de GNF annuels à partir de 2020. • Les revenus miniers locaux étaient composés à 72% des paiements sociaux des entreprises envers les communautés, et le Fonds national de développement local (FNDL) en aurait représenté 61% s’il avait été effectivement reversé aux communes. • Les mécanismes de traçabilité, de transparence et de redevabilité sur les différents flux de paiements locaux, ainsi que les compétences, doivent être renforcés dans les communes pour garantir l’efficacité de l’utilisation de ces revenus. • Avec les budgets qui vont augmenter de manière inédite dans l’ensemble des communes du pays au cours des prochaines années grâce aux revenus miniers locaux, l’Etat doit instaurer des règles de discipline budgétaire dans les communes pour limiter leur dépendance vis-à-vis des revenus miniers. • Grâce à ces nouveaux revenus, les communes guinéennes pourraient s’in- vestir dans de nouveaux champs d’intervention, comme le soutien massif à l’entrepreneuriat local, notamment dans l’agriculture familiale et l’industrie manufacturière locale, pour à la fois diversifier leurs sources de revenus et contribuer, depuis la base, à l’effort national de diversification économique. 1
Les mécanismes d’appui au développement local dans la législation minière en Guinée Résumé exécutif L’appui au développement des communautés locales est devenu un impératif pour les projets extractifs et les gouvernements au cours de ces deux dernières décennies. Le type et l’ampleur des mécanismes mis en œuvre varient d’un pays et d’un projet à l’autre, et dépendent de la nature des impacts et des forces en présence, ainsi que du pouvoir de négociation des différentes parties prenantes1. En Guinée, le code minier de 2011 amendé en 2013 contient des mécanismes fiscaux (redevance superficiaire, contribution au développement local, transfert infranational), ainsi que des mécanismes quasi fiscaux (paiements sociaux volontaires et obligatoires) et socio-économiques (contenu local). En 2016, les revenus miniers locaux qui en découlent ont globalement représenté un montant de 61 milliards de GNF (env. 6,7 millions d’USD) transféré aux communes et localités minières, soit 2 % des revenus publics issus du secteur extractif et 0,5 % du budget national2. Ils étaient composés à 72% des paiements sociaux des entreprises minières, et auraient plus que doublé si le transfert infranational relatif au Fonds national de développement local (FNDL) au titre de 2016 (96,7 milliards de GNF) avait été effectivement reversé aux communes. Pour 2017 et 2018, les revenus miniers locaux ont sans doute significativement augmenté du fait de l’expansion minière, dépassant les 100 milliards de GNF, et leur proportion par rapport aux revenus extractifs et au budget de l’État devrait rester à peu près la même. Mais à partir de 2019, ils vont connaitre un véritable bond (en valeur et en proportion) avec la mise en œuvre complète du FNDL et de la Contribution au développement local (CDL) qui abonde le Fonds de développement économique local (FODEL), et ils pourraient dépasser les 400 milliards de GNF en 2020. C’est ainsi que les budgets des communes vont connaître un redressement inédit. Une commune minière rurale comme Banora, qui abrite une grande exploitation industrielle d’or, devrait voir ses ressources effectives augmenter de plus de 80 % après 2020 par rapport à son budget annuel moyen de ces dernières années. Pour les communes, cette manne représente une opportunité unique de prendre davantage en charge le développement local. Elles pourraient cibler la diversification des activités économiques locales pour soutenir la diversification économique nationale depuis la base. Il se trouve qu’une politique de contenu local par trop concentrée sur l’approvisionnement du secteur minier produit une diversification économique toujours liée à ce secteur, de sorte que les chaînes de valeur économiques et les emplois créés demeurent dépendants des fluctuations des activités minières. Un appui massif à l’agriculture familiale et à l’entrepreneuriat local indépendamment du secteur minier semble plus susceptible de développer l’auto-emploi et de garantir la sécurité alimentaire à long terme dans ces zones rurales et à l’échelle du pays. Les communes seront par ailleurs confrontées au risque de dépendance vis-à-vis des revenus miniers, et devront alors adopter des règles de discipline budgétaire et travailler de manière proactive à la diversification de leurs sources de revenus. 1 Andrew Bauer et coll., Natural Resource Revenue Sharing. 2016. resourcegovernance.org/analysis- tools/publications/natural-resource-revenue-sharing 2 Calculs effectués sur la base du Rapport ITIE 2016. Dans ce document, le taux de change USD/GNF est de 1 USD = 9 000 GNF. 2
Les mécanismes d’appui au développement local dans la législation minière en Guinée Le gouvernement guinéen se trouve ainsi devant la nécessité de renforcer les règles de gouvernance et de gestion des collectivités locales. Dans cette perspective, l’opérationnalisation du FODEL, du FNDL ainsi que des politiques de RSE et de contenu local, l’encadrement des relations communautaires et des paiements sociaux des entreprises minières (qui ont représenté près des trois quarts des revenus miniers locaux en 2016), et le renforcement des mécanismes de transparence et de redevabilité sur les transactions liées aux revenus miniers locaux sont des mesures susceptibles d’entretenir la confiance entre les parties prenantes et de garantir in fine une contribution efficace des revenus miniers locaux à l’amélioration des conditions de vie des populations guinéennes. 3
Les mécanismes d’appui au développement local dans la législation minière en Guinée Introduction Depuis 2014, la Guinée connaît une forte croissance de son secteur minier. En trois ans, la production de bauxite est passée de 20,2 millions de tonnes (Mt) en 2014 à 51,7 Mt en 2017, soit une augmentation moyenne de 37 % par an, et les perspectives de production sur les prochaines années s’inscrivent dans la même tendance3,4,5. Pour les communautés proches des mines, les impacts négatifs se mêlent aux retombées positives. La série de tensions communautaires observées en 2017 dans la principale région bauxitique, Boké, a souligné l’urgence non seulement de traiter les impacts négatifs des activités minières, mais aussi d’amplifier les retombées positives au niveau local. Ceci passe en particulier par l’application de l’ensemble du dispositif prévu dans le code minier pour soutenir le développement local. Le présent document s’adresse à l’ensemble des parties prenantes du secteur minier en Guinée. Outil à visée pédagogique et de plaidoyer, il entend contribuer à accélérer, à l’échelle locale, les réformes minières engagées depuis 2011, en vue d’une plus grande diversification économique et d’un développement plus inclusif. Notre démarche s’inscrit dans la stratégie de NRGI pour la Guinée. Celle-ci vise à favoriser l’opérationnalisation complète du code minier, l’alignement des décisions majeures dans le secteur minier sur la stratégie nationale de développement et les stratégies sectorielles, ainsi que le renforcement de la redevabilité et de l’utilisation des données issues des processus de transparence. Ce document présente les mécanismes prévus dans le code minier guinéen pour soutenir le développement local grâce à l’exploitation minière, ainsi que les dispositifs complémentaires qui ont été mis en place, mais qui ne figurent pas dans le code minier. Les bénéfices qui découlent de l’activité minière pour les populations locales sont de diverses natures : fiscale, avec des prélèvements spécifiques ; quasi fiscale, avec une prise en charge, souvent ponctuelle ou temporaire, d’une partie des responsabilités de l’État par les entreprises ; et socio-économique, avec des initiatives visant le renforcement du contenu local, notamment des emplois et de nouvelles chaînes de valeur économiques. Les mécanismes fiscaux et quasi fiscaux de financement du développement local en Guinée par les revenus miniers ont représenté en 2016 des paiements de l’ordre de 61 milliards de GNF (env. 6,7 millions d’USD). Ces revenus miniers locaux comptent pour seulement 2 % des revenus publics issus du secteur extractif, mais sont une somme importante pour les communes6,7,8. Pour 2017 et 3 La bauxite est le principal produit minier en Guinée. D’après le Rapport ITIE 2016 (p.120), les revenus budgétaires tirés de la bauxite représentent 83 % de l’ensemble des revenus miniers dans le budget national, l’or comptant pour 13 %. 4 Cf. Bulletin Statistiques #1 du BSD/MMG : www.itiedoc-guinee.org/wp-content/ uploads/2018/12/181212A.pdf 5 Cf. Blog d’Hervé Lado, « Les ambitions minières de la Guinée et la mutualisation des infrastructures », 15 août 2018 : resourcegovernance.org/blog/la-guinee-et-la-mutualisation-des-infrastructures 6 Calculs effectués sur la base du Rapport ITIE 2016. Dans ce document, le taux de change USD/GNF est de 1 USD = 9 000 GNF. 7 Les revenus publics issus du secteur extractif, c’est-à-dire ceux considérés comme collectés par l’ensemble des organismes étatiques et les collectivités locales, étaient de 3 108,3 milliards de GNF en 2016, et les revenus publics miniers représentaient 99,97 % de ces revenus. Cf. Rapport ITIE 2016, p.11 et 13. 8 Il est à noter qu’en 2016, seuls deux des trois mécanismes fiscaux ont été effectivement actionnés, le transfert infranational (15 % des revenus de six taxes minières) n’étant pas encore applicable. De ce fait, seule la vingtaine de communes minières du pays a pu en bénéficier, le transfert infranational étant l’unique revenu à répartir entre toutes les communes de Guinée. Si le transfert infranational avait été mis en œuvre, les revenus miniers locaux auraient été de 158 milliards de GNF (17,5 millions d’USD), soit 5 % des revenus publics issus du secteur extractif. 4
Les mécanismes d’appui au développement local dans la législation minière en Guinée 2018, les revenus miniers locaux ont sans doute significativement augmenté du fait de l’expansion minière, dépassant les 100 milliards de GNF, et leur proportion par rapport aux revenus extractifs et au budget de l’État devrait rester à peu près la même. Mais à partir de 2019, ils vont connaitre un véritable bond (en valeur et en proportion) avec la mise en œuvre complète du FNDL et de la Contribution au développement local (CDL) qui abonde le Fonds de développement économique local (FODEL), et ils pourraient dépasser les 400 milliards de GNF en 2020. Il faut noter par ailleurs que le gouvernement finance également les communes, et donc le développement local, à travers les dotations annuelles qu’il leur verse. Elles sont prélevées sur le budget national, qui est abondé à plus de 25 % par les revenus miniers9. De plus, il arrive que des projets de développement inscrits au budget national (par ex. infrastructures), donc contenant des revenus miniers, génèrent des retombées positives à l’échelle locale. Cela étant, le présent document traite plutôt des mécanismes expressément prévus dans la législation minière pour financer les communes et soutenir le développement local. La Guinée compte 7 régions administratives, 1 région spéciale à Conakry, 33 préfectures, 307 sous-préfectures, 38 communes urbaines (dont 5 à Conakry) et 304 communes rurales10. Les communes sont subdivisées en districts et quartiers, et ces derniers en secteurs. Le code des collectivités locales (révisé en décembre 2017) a défini comme collectivités locales les régions, les communes urbaines et les communes rurales, et a consacré leur autonomie financière, organique et décisionnelle (art. 2). L’État exerce un contrôle sur les collectivités locales au regard de la légalité des actes et des activités, et non de leur opportunité. Par conséquent, ce contrôle n’implique pas la subordination hiérarchique des organes décentralisés et ne doit pas entraver la libre administration des collectivités locales (art. 69). Les termes « commune » et « collectivité locale » employés dans ce document sont interchangeables, étant donné que les régions, en tant que collectivités locales, ne sont pas encore opérationnelles à ce jour en Guinée. Autrement dit, le terme « local » se référera ici aux 342 communes urbaines et rurales. Nous abordons d’abord les mécanismes fiscaux (1), puis les mécanismes quasi fiscaux (2), les mécanismes socio-économiques (3), et enfin les perspectives (4) pour évoquer le lien entre ces mécanismes et la politique de responsabilité sociétale des entreprises minières en Guinée. En outre, nous proposons des pistes pour réussir un développement local pérenne grâce aux revenus miniers. Les données exploitées dans ce document proviennent des rapports ITIE, essentiellement le Rapport 2016, de documents comptables collectés auprès de quelques communes guinéennes et, bien entendu, de la législation minière de la Guinée11. 9 En 2016, les revenus extractifs représentaient 25,1 % du budget national et cette proportion augmente d’année en année. 10 Cf. l’article 19 du Code révisé des collectivités locales, décembre 2017. 11 Il n’y avait pas de version officielle exploitable du Rapport ITIE 2017 au moment de la réalisation de ce rapport. 5
Les mécanismes d’appui au développement local dans la législation minière en Guinée 1. Les mécanismes fiscaux d’appui au développement local Le code minier prévoit trois mécanismes fiscaux pour contribuer au budget des communes et au développement local : la redevance superficiaire, la Contribution au développement local et le transfert infranational (Tableau 1). À l’instar des autres dispositions financières du code minier, ces trois mécanismes ont été rendus applicables par le décret de 2014 portant application des dispositions financières du code minier, et les modalités spécifiques en ont été précisées dans des arrêtés subséquents12. Mécanisme Description Destinataire Tableau 1. Les trois mécanismes fiscaux Redevance Versement des redevances superficiaires 90 % aux collectivités locales superficiaire annuelles à chaque collectivité au prorata au sein du périmètre du titre de financement du (art. 160 du code de la superficie occupée par le titre. d’exploitation. développement local par minier) 10 % à la trésorerie les revenus miniers préfectorale. Contribution au Versement d’un prélèvement sur le chiffre Principalement les développement local d’affaires de 0,5 % (bauxite et fer) et collectivités impactées, mais (CDL – FODEL) 1 % (autres) pour financer les projets de aussi les administrations (art. 130) développement des collectivités locales. La publiques locales. CDL alimente un Fonds de développement économique local (FODEL). Transfert infranational Versement de 15 % de six taxes minières L’ensemble des collectivités (art. 165) par l’État central (via l’ANAFIC) aux locales du pays. collectivités locales. En 2016, les mécanismes fiscaux ont représenté 17,3 milliards de GNF (2 millions d’USD), soit 28 % des revenus miniers locaux et 0,6 % de l’ensemble des revenus extractifs13. Il est à noter que seules les redevances superficiaires et les contributions au développement local ont été versées aux communes au titre de 2016. Les mécanismes fiscaux se seraient élevés à 114 milliards de GNF si le transfert infranational (FNDL) avait été rendu opérationnel14. 1.1 LA REDEVANCE SUPERFICIAIRE La redevance superficiaire est le prélèvement fiscal classique qu’on retrouve dans nombre de législations sur les ressources naturelles pour financer les communautés qui abritent les ressources exploitées. Instituée par l’article 160 du code minier guinéen, la redevance superficiaire est due aux communes minières au prorata des superficies occupées par le titre minier et selon les taux fixés dans le même article 12 Décret D/2014/013/PRG/SGG du 17 janvier 2014 : http://mines.gov.gn/docs/PDF/Decret-Relatif-a- L-Application-Des-Dispositions.pdf 13 Les revenus publics issus du secteur extractif étaient de 3 108,3 milliards de GNF en 2016, cf. Rapport ITIE 2016, p.13. 14 Calculs effectués sur la base du Rapport ITIE 2016. 6
Les mécanismes d’appui au développement local dans la législation minière en Guinée et repris dans l’arrêté conjoint de 2016 fixant les taux et tarifs des droits fixes, des taxes et redevances résultant de l’octroi, du renouvellement, de la prorogation, du transfert et/ou de l’amodiation des titres miniers et autorisations15. Les modalités de répartition de la redevance ont été précisées dans la décision de 2013 du ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation (MATD) portant modification de la décision de 2011 relative aux modalités provisoires de gestion de la redevance superficiaire allouée aux collectivités locales. Cette décision fixe les taux applicables selon la nature du titre minier, ainsi que pour l’octroi du titre et les deux renouvellements16,17. Le paiement de la redevance à la commune se fait annuellement, de manière solennelle, en présence des populations. Il est effectué par l’entreprise sur la base de l’avis de recouvrement émis par l’administration minière18. La décision de 2013 indique également la répartition de la taxe entre la commune et la préfecture : 85 % de la redevance doivent être alloués aux investissements de la commune, en priorité dans les zones d’exploitation, et 5 % à son fonctionnement, tandis que 10 % sont versés à la préfecture, dont 4 % à son fonctionnement, 3 % au service des études techniques et de suivi des marchés et 3 % au service préfectoral des mines. La commune rend compte de l’utilisation de cette redevance dans son compte administratif et dans son compte de gestion19. Pour l’année 2016, les entreprises minières ont reversé aux communes des redevances superficiaires d’un montant de 2,3 milliards de GNF (255 000 USD), soit 4 % des revenus miniers locaux et 0,07 % de l’ensemble des revenus publics issus du secteur extractif20,21. D’une commune à l’autre, les montants sont très variables en termes de valeur et de proportion des budgets communaux. Pour une commune rurale comme Banora dans la préfecture de Dinguiraye, la taxe superficiaire que doit verser la SMD est de 60 489,5 USD, soit 544 405 230 GNF, c’est-à-dire 12 % du budget prévisionnel de la commune en 2016 et 42 % du budget effectivement réalisé en recettes et dépenses. Elle constitue donc la première source de revenus effectifs pour cette commune22,23. 15 Arrêté conjoint A/2016/6074/MEF/MMG/SGG du 26 septembre 2016. 16 Décision n˚001/MATD/CAB/2011. 17 Décision n˚0021/MATD/CAB/DNDL/SGG/2013 du 30 avril 2013. 18 Cf. le huitième alinéa de l’article 3 du décret D/2014/013/PRG/SGG du 17 janvier 2014 portant application des dispositions financières du code minier et l’article 3 de l’arrêté conjoint A/2016/6074/ MEF/MMG/SGG du 26 septembre 2016 fixant les taux et tarifs des droits fixes, des taxes et redevances résultant de l’octroi, du renouvellement, de la prorogation, du transfert et/ou de l’amodiation des titres miniers et autorisations. 19 Afin de séparer les rôles d’ordonnateur et de comptable, le compte administratif de la commune est tenu par le secrétariat général de la commune dans le rôle d’ordonnateur, qui est celui de l’autorité exécutive municipale tandis que le compte de gestion est tenu par le receveur, qui agit en tant que comptable public. (Art. 454, 539 et 543 et 544 du code des collectivités locales). 20 D’après le Rapport ITIE 2016, p.121. 21 Les revenus publics issus du secteur extractif étaient de 3 108,3 milliards de GNF en 2016, cf. Rapport ITIE 2016, p.13. 22 Le calcul a été fait en appliquant le taux (150 USD/km2) à la superficie de Banora couverte par le permis de la SMD (403,26 km2), d’après les données collectées auprès du CPDM le 18 janvier 2019. Par ailleurs, dans ce document, le taux de change USD/GNF est de 1 USD = 9 000 GNF. 23 Le budget 2016 de la commune rurale de Banora s’est élevé à 4 604 862 070 GNF et s’est exécuté à 28 % en recettes et dépenses (cf. comptes administratifs du 29 mars 2017). Par ailleurs, la part de la taxe superficiaire dans ce budget est sans doute un peu plus élevée si on prend en compte l’ensemble des titulaires de permis présents dans la commune, à l’instar de petits opérateurs comme EVEMAS Mining ou encore SUPER MAN Business. 7
Les mécanismes d’appui au développement local dans la législation minière en Guinée Points de suivi sur la redevance superficiaire a La transparence sur le paiement de la redevance superficiaire est un acquis en Guinée, garanti par les paiements solennels qui permettent aux populations de témoigner de ce flux des entreprises vers les communes. Cependant, il n’existe pas encore de mécanisme permettant de connaître à l’échelle nationale et dans un délai raisonnable les paiements reçus par chaque commune et d’en assurer la traçabilité. Les entreprises minières sont tenues de déposer copie de leurs quittances libéra- toires au CPDM, mais les communes ne sont pas astreintes à des règles similaires de remontée de l’information, ce qui rend la réconciliation des flux particulière- ment fastidieuse, notamment lors de la réalisation des rapports ITIE. b Par ailleurs, la redevance superficiaire ne fait pas l’objet d’une traçabilité spécifique des dépenses dans les comptes annuels des communes. Les organisations de la société civile et tout citoyen qui s’y intéressent sont ainsi dissuadés d’en assurer le suivi, qui nécessiterait des enquêtes de terrain complexes pour identifier les dépenses et réalisations correspondant à la redevance reçue. 1.2 LA CONTRIBUTION AU DÉVELOPPEMENT LOCAL POUR LE FODEL La Contribution au développement local est un prélèvement sur le chiffre d’affaires des entreprises minières qui est reversé aux communes pour financer le développement local. Aux termes de l’article 130 du code minier, les titulaires d’un titre d’exploitation minière doivent, à partir de leur première production commerciale, verser annuellement une Contribution au développement local (CDL), qui est fixée à 0,5 % du chiffre d’affaires pour les substances minières de catégorie 1 (bauxite et fer) et à 1 % pour les autres substances minières. Cette contribution vient abonder un Fonds de développement économique local (FODEL). Le même article prévoit la mise en place d’une convention de développement local entre la communauté locale abritant ou avoisinant un site d’exploitation et le titulaire du titre afin d’encadrer les réalisations en faveur du développement de la communauté locale. Les nouvelles conventions minières incluent désormais systématiquement une clause relative à l’élaboration de ladite convention de développement local. C’est le cas par exemple des conventions de Chalco et de la SBG, toutes deux signées en 201824,25. Si le FODEL est nouveau, la CDL ne l’est pas dans le contexte guinéen. Quatre entreprises dont les projets sont entrés en production avant la réforme du code minier avaient déjà convenu du versement de la CDL dans leurs conventions de base (ou les avenants) sur une base individuelle et à des taux variés (Tableau 2). De plus, ces entreprises avaient des modes de liquidation différents : en 2016, la CBG versait sa contribution aux collectivités, tandis que la SAG et la CBK passaient par la préfecture et que la SMD payait directement les entreprises adjudicataires des marchés. 24 Cf. le deuxième alinéa de l’article 25 de la Convention de Chalco : www.contratsminiersguinee.org/ contract/ocds-591adf-5699672631/view#/pdf 25 Cf. l’article 20 de la Convention de la SBG : www.contratsminiersguinee.org/contract/ocds- 591adf-7227443979/view#/pdf 8
Les mécanismes d’appui au développement local dans la législation minière en Guinée Tableau 2. La CDL dans les projets entrés en production avant le code minier 2011/2013 Année convention Entreprise de base Substance Taux de la contribution au développement local Source Préfecture CBG 1963 Bauxite Contribution volontaire annuelle dont le taux initial Contribution volontaire26. Boké était à hauteur de 500 000 USD. En janvier 2017, Pas de dispositions dans le conseil d’administration de la CBG a décidé la Convention de 1963 ni d’augmenter le montant à 2,5 millions d’USD. dans les avenants de 2002 et 2005. CBK 2000 Bauxite 0,1 USD par tonne nette de bauxite exportée au Annexe C (2006) de la Kindia cours du trimestre payé Convention de base, art. 327 SMD 1990 Or Taux forfaitaire maximum de 0,4 % du chiffre Avenant 1 (1993), art. Dinguiraye d’affaires hors toutes taxes 18-2 h) À partir du 21 mars 2019, un taux forfaitaire de 1 % Avenant 3 (2018), art. du chiffre d’affaires XIX.2 f) SAG 1993 Or 0,4 % des recettes brutes annuelles sur les ventes Convention de base (1993), Siguiri 0,6 % du chiffre d’affaires à partir de 2028. art. 13.19 Avenant (2016), art. 19.928 Les dispositions relatives à l’article 130 du code minier ont pour effet d’harmoniser progressivement les régimes disparates existants. Le décret de 2017 définit les modalités de constitution et de gestion du FODEL (ci-après « décret FODEL »)29. Il a été complété par l’arrêté de 2018 (ci-après « arrêté FODEL »), qui précise les modalités d’utilisation, de contrôle et de gestion du FODEL, ainsi que par un Manuel de procédures en novembre 2018, qui doit faire l’objet d’un autre arrêté conjoint (cf. l’article 17 de l’arrêté FODEL)30. Étant donné l’importance des montants attendus, le FODEL représente une occasion unique d’améliorer les conditions de vie des populations et de corriger les écueils observés dans la gestion des précédentes CDL. Les textes d’application susmentionnés mettent un accent particulier sur la transparence et la redevabilité aux niveaux communal et préfectoral. D’après l’arrêté FODEL (art. 12), le FODEL est réparti au niveau local de la manière suivante : 35 % aux collectivités abritant les mines en exploitation dans le périmètre du titre d’exploitation, au prorata des superficies occupées (la moitié étant allouée aux districts abritant les mines) ; 25 % aux collectivités hors exploitation situées au sein du périmètre, au prorata de la population ; 20 % aux collectivités impactées, selon l’étude d’impact environnemental et social, dans le périmètre du titre, au prorata de la population ; 15 % aux autres collectivités de la ou des préfecture(s) abritant le titre, au prorata de la population ; 5 % à différents services préfectoraux et régionaux. 26 guinee7.com/la-cbg-multiplie-par-5-sa-contribution-pour-le-developpement-communautaire-cest- desormais-plus-de-22-milliards-gnf-par-an/ 27 Cf. document sur www.contratsminiersguinee.org/contract/ocds-591adf-0621960018/view#/pdf 28 Cf. document sur www.contratsminiersguinee.org/contract/ocds-591adf-2707180369/view#/pdf 29 Décret D/2017/285/PRG/SGG portant modalités de constitution et de gestion du Fonds de développement économique local (FODEL). http://mines.gov.gn/docs/PDF/decrets/Decret-285- FODEL.pdf 30 Arrêté conjoint A/2018/7932/MMG/MATD/SGG du 22 novembre 2018. 9
Les mécanismes d’appui au développement local dans la législation minière en Guinée L’article 6 de l’arrêté FODEL institue un Comité d’appui à la gestion du FODEL (CAGF) dans chaque préfecture minière. Ce comité multipartite qui comprend, entre autres, des représentants de la société civile, des jeunes et des femmes, est présidé par le représentant du Comité préfectoral de développement (CPD) et doit examiner les projets proposés par les communes, en veillant à ce qu’ils concourent à un développement local pérenne. Seuls les projets inscrits dans le Plan de développement local (PDL) et le Plan annuel d’investissement (PAI) comme prévu dans le code des collectivités locales pourront être éligibles au FODEL (art. 11). En tout état de cause, les entreprises verseront les paiements chaque année sur un compte ad hoc du CAGF (art. 14) et les quotes-parts que le CAGF reversera ensuite aux communes selon la clé de répartition appartiendront définitivement à ces dernières (art. 15)31. Le rapport général annuel du CAGF doit être accessible aux populations (art. 5) et la gestion du FODEL fera l’objet d’au moins un audit annuel (art. 14). Un comité conjoint MMG-MATD a été institué par un arrêté de 2019 pour assurer la supervision et le contrôle du FODEL, notamment le fonctionnement des CAGF32. En 2016, la CDL a été payée, selon l’ancienne formule, par six sociétés et s’est élevée à 15 milliards de GNF (1,6 million d’USD), dont 9,8 milliards versés par la SMD, 3 milliards par la CBK et 1,1 milliard par la CBG33. La CDL a ainsi représenté 24 % des revenus miniers locaux et 0,5 % des revenus publics issus du secteur extractif en 201634. À partir de 2019, avec l’entrée en vigueur des nouveaux textes, dont le Manuel de procédures du FODEL, les paiements devraient être beaucoup plus importants, d’autant plus qu’ils démarrent par l’apurement des versements des années précédentes (2017, 2018), qui avaient été suspendus par le gouvernement pour se donner le temps de réorganiser la gestion de la CDL. À titre d’illustration, nous procédons ci-après à une estimation de l’ordre de gran- deur de la CDL en 2020 pour la commune minière de Banora dans la préfecture de Dinguiraye, ainsi que de l’importance de la CDL par rapport à son budget. La principale entreprise minière que la commune abrite est la SMD, qui détient le permis d’exploita- tion industrielle pour l’or dans la région. Les hypothèses de calcul sont les suivantes : • La production d’or de la SMD en 2020 est équivalente à sa production en 2017 : 208 800 oz35. • Le prix moyen de l’once d’or en 2020 est équivalent au prix moyen observé en 2018 : 1 269 USD/oz36. • Le budget 2020 de la commune est équivalent à son budget prévisionnel 2016 : 4 604 862 070 GNF37. 31 Le ministère des Mines et de la Géologie est en train de procéder au calcul des quotes-parts respectives des bénéficiaires du FODEL par titre minier, afin de fournir aux entreprises et aux bénéficiaires les montants correspondants. 32 Arrêté conjoint AC/2019/089/MMG/MATD/SGG du 30 janvier 2019 portant mise en place, attributions et fonctionnement du Comité conjoint MMG-MATD de supervision et contrôle du FODEL. 33 Cf. Rapport ITIE 2016, p.123. 34 Les revenus publics issus du secteur extractif étaient de 3 108,3 milliards de GNF en 2016, cf. Rapport ITIE 2016, p.13. 35 Cf. le site de Nordgold : www.nordgold.com/operations/production/lefa/ 36 Cf. la Pink Sheet de la Banque mondiale : www.worldbank.org/en/research/commodity-markets et http://pubdocs.worldbank.org/en/550191549309123169/CMO-Pink-Sheet-February-2019.pdf 37 Une telle estimation pour 2020 est plutôt vraisemblable, quelle que soit la progression du budget entre 2016 et 2020 et la prise en compte des nouvelles recettes, surtout lorsqu’on sait que le budget 2016 n’a été exécuté effectivement qu’à 28 % en recettes et dépenses. 10
Les mécanismes d’appui au développement local dans la législation minière en Guinée La CDL de la SMD payable en 2020 sera calculée sur la base du chiffre d’affaires de 2019 et du taux de CDL de 1 %38. • Chiffre d’affaires de la SMD en 2019 : 208 800 oz x 1 269 USD/oz = 264 967 200 USD • CDL de 2019 payable en 2020 : 264 967 200 USD x 1 % = 2 649 672 USD, soit 23 847 048 000 GNF39. Selon l’article 12 de l’arrêté FODEL, la part qui revient aux collectivités abritant la mine est de 35 % et est répartie entre elles au prorata de la superficie. Cette part est donc égale à 23 847 048 000 GNF x 35 %, c’est-à-dire 8 346 466 800 GNF. La part de la CDL payable à la commune de Banora est proportionnelle à la superficie de la commune (403,26 km2) dans le permis de la SMD (1 105 km2), soit 36,5 %, c’est- à-dire 3 045 969 413 GNF. Autrement dit, sur la base des hypothèses ci-dessus, en 2020, la part de la CDL de la SMD revenant à la commune rurale de Banora sera de 3 045 969 413 GNF. Pour Banora, la CDL représenterait alors à elle seule 66 %, c’est-à-dire les deux tiers, de son budget 2020, devenant ainsi sa principale source de financement. Points de suivi sur la Contribution au développement local (CDL-FODEL) a À la différence de la redevance superficiaire, la traçabilité du paiement de la CDL par les entreprises n’est pas aisée. Comme souligné plus haut, les modalités de liquidation de la CDL étaient différentes d’une entreprise à l’autre. La mise en place progressive du dispositif CAGF-FODEL en 2019 permettra d’harmoniser les pratiques, avec le calcul des quotes-parts des différents bénéficiaires actuellement effectué par l’administration minière selon la formule de répartition, le versement de la CDL dans les comptes FODEL des CAGF (cf. l’article 14 de l’arrêté FODEL 2018) par les entreprises, le versement de la quote-part de chaque commune dans son sous-compte FODEL par les CAGF, la réalisation des dépenses par les communes au fur et à mesure de l’approbation des projets communaux par le CAGF, et le suivi de l’ensemble de ces transactions par le Comité conjoint MMG-MATD institué en 2019 par le biais des rapports d’activités et d’audit des CAGF. Le rapport général annuel des CAGF doit être accessible aux populations (art. 5 de l’arrêté FODEL 2018). En l’état actuel du dispositif, la remontée officielle de l’information sur les paiements du FODEL en temps réel sera assurée exclusivement au bénéfice de l’administration publique (Comité conjoint MMG-MATD), sans obligation pour elle de divulguer ces informations au public. Le MMG et le MATD pourraient rendre ces données sur les transactions disponibles au public. En parallèle, la société civile, qui est représentée au sein des CAGF, devrait organiser une veille citoyenne autour de ces transactions, aussi bien pour les paiements des entreprises aux CAGF et les paiements des CAGF aux entités bénéficiaires que pour les dépenses réalisées par les entités bénéficiaires. 38 Ce taux est celui applicable pour la SMD à partir du 21 mars 2019. Cf. l’avenant 3 de 2018 à sa convention. 39 Le taux de change utilisé dans ce document est : 1 USD = 9 000 GNF. 11
Les mécanismes d’appui au développement local dans la législation minière en Guinée b Par ailleurs, en l’état actuel du dispositif CAGF-FODEL et tout comme pour la redevance superficiaire, il n’est pas prévu de mécanisme permettant de connaître, à l’échelle nationale et au moins une fois par an, l’ensemble des transactions financières relatives au FODEL réconciliées. Le mandat du Comité conjoint MMG-MATD précisé à l’article 2 de l’arrêté de 2019 ne prévoit pas explicitement qu’un tel rapport soit réalisé, et encore moins qu’il soit public. Étant donné la multiplicité des flux que le dispositif CAGF-FODEL va occasionner, la réconciliation des flux du FODEL, notamment lors de la réalisation des rapports ITIE, sera donc encore plus fastidieuse que pour la redevance superficiaire. c De plus, comme évoqué pour la redevance superficiaire, la CDL-FODEL devrait faire l’objet d’une traçabilité spécifique des dépenses dans les comptes annuels des communes pour faciliter les opérations de suivi entreprises par des organisations de la société civile ou tout citoyen qui s’y intéressent. d Enfin, l’article 17 de l’arrêté FODEL 2018 indique que le Manuel de procédures fera l’objet d’un arrêté conjoint des ministres en charge des mines, des collectivités locales, des finances et du budget. Si le Manuel de procédures a été finalisé fin 2018, l’arrêté conjoint n’a pas encore été produit. 1.3. LE TRANSFERT INFRANATIONAL Le terme « transfert infranational » désigne le mécanisme inscrit à l’article 165 du code minier qui prévoit que l’État apporte un « appui direct au budget local de l’ensemble des collectivités locales du pays » à hauteur de 15 % de la somme des six taxes minières suivantes : les droits fixes, la taxe sur l’extraction des substances minières autres que les métaux précieux, la taxe sur la production industrielle ou semi-industrielle des métaux précieux, la taxe sur les substances de carrières, la taxe à l’exportation sur les substances minières autres que sur les substances précieuses et la taxe à l’exportation sur la production artisanale d’or. Nous parlons de « transfert infranational » parce qu’il est l’unique mécanisme prévu par le code minier pour transférer spécifiquement les revenus miniers de l’État aux collectivités locales. Ainsi, contrairement à la redevance superficiaire et à la CDL versées directement aux collectivités par les entreprises, le transfert infranational provient de recettes minières collectées par le Trésor public. En outre, toutes les collectivités de la Guinée sont éligibles au transfert infranational, alors que la redevance superficiaire et la CDL bénéficient uniquement aux collectivités et préfectures impactées directement ou indirectement par les activités minières. Le transfert infranational abonde un compte au Trésor public dénommé Fonds national de développement local (FNDL), institué par la loi de finances 2016 et chargé d’accueillir des revenus de diverses sources pour le financement des collectivités locales40. Un décret de 2017 crée l’Agence nationale de financement des collectivités locales (ANAFIC), l’organisme public en charge de la gestion du FNDL41. Aux termes du décret de 2014 (art. 2, al.4), le Trésor public transfère au FNDL les 15 % destinés aux collectivités dans le mois qui suit la perception des taxes 40 Article 20 de la loi de finances 2016/001/AN de la République de Guinée : www.droit-afrique.com/ uploads/Guinee-LF-2016.pdf 41 Décret D/2017/298/PRG/SGG du 11 novembre 2017. 12
Les mécanismes d’appui au développement local dans la législation minière en Guinée minières concernées42. D’après l’article 1 de l’arrêté de 2018 portant application de l’article 165 du code minier, le montant doit être publié au Journal officiel ainsi que sur les sites internet des ministères en charge des mines, de la décentralisation et des finances43. L’article 5 du même arrêté prévoit que chaque commune fasse figurer la part du transfert infranational qui lui a été attribuée dans son budget annuel et rende compte de son utilisation dans ses comptes (administratif et de gestion) annuels. La répartition entre les communes doit faire l’objet d’un Manuel de procédures (art. 6 de l’arrêté), et le rapport de gestion de l’ensemble du FNDL sera réalisé par l’ANAFIC et transmis aux ministres (art. 7). En ce qui concerne les paiements de l’État aux collectivités, la procédure en vigueur consiste à s’appuyer sur les trésoriers préfectoraux pour mettre les transferts effectués par l’administration centrale à la disposition des collectivités. Le gouvernement a réalisé que cette pratique de règlement, qui se fait souvent en espèces, génère des difficultés de traçabilité des fonds44. Un enjeu majeur pour l’ANAFIC sera donc d’établir un système de transfert qui permette d’assurer la traçabilité des flux avec les collectivités et de renseigner plus efficacement les citoyens. En 2016, les taxes concernées par le transfert infranational se sont élevées à 644,3 milliards de GNF. Le transfert infranational (15 %) aurait donc dû être de 96,7 milliards de GNF (10,5 millions d’USD)45. Si le transfert 2016 avait été réalisé, il aurait représenté 61 % des revenus miniers locaux et 3,1 % des revenus publics issus du secteur extractif 46,47. Par ailleurs, en faisant l’hypothèse d’école d’une répartition à parts égales entre les 342 communes de Guinée, la part de chacune se serait élevée à 282,6 millions de GNF. Un tel montant aurait représenté une part importante des budgets des communes, par exemple la moitié du budget 2016 de la commune rurale de Tougnifily (564 millions de GNF) dans la préfecture de Boffa et un tiers du budget 2016 de la commune urbaine de Fria (892 millions de GNF)48,49. Points de suivi sur le transfert infranational a Le manuel de procédures qui doit préciser la clé de répartition du FNDL n’est pas encore en vigueur. S’il est acquis que le FNDL profitera à l’ensemble des communes de Guinée, il reste à fixer la répartition entre les communes. Le projet de répartition à l’étude évoque un versement fixe d’un montant fixe à chaque commune et une répartition du reste selon divers critères, dont la population ou encore la superficie. En tout état de cause, le mécanisme à mettre en place doit pouvoir garantir l’efficacité et l’équité du système. 42 Décret D/2014/013/PRG/SGG du 17 janvier 2014 portant application des dispositions financières du code minier : http://mines.gov.gn/docs/PDF/Decret-Relatif-a-L-Application-Des-Dispositions.pdf 43 Arrêté conjoint A/2018/5212/MEF/MMG/MB/MATD/SGG du 13 juillet 2018. http://mines.gov.gn/ docs/PDF/arretes/Arrete_2018_application-Art165_Code-Minier_Transfert-Infranat.pdf 44 Compte rendu du Conseil des ministres du jeudi 30 mars 2017. http://guineematin.com/actualites/ politique/conseil-des-ministres-de-ce-jeudi-30-mars-2017-voici-le-compte-rendu-complet/ 45 Ce montant du FNDL aurait doublé en 2017, passant à 180,2 milliards de GNF (20 millions d’USD). 46 Cf. Rapport ITIE 2016, p.73. 47 Les revenus publics issus du secteur extractif étaient de 3 108,3 milliards de GNF en 2016, cf. Rapport ITIE 2016, p.13. 48 Budget remanié de la commune rurale de Tougnifily – exercice 2016, selon la délibération du conseil communal du 27 décembre 2016. 49 Budget communal de développement de la commune urbaine de Fria – exercice 2016, selon la délibération du conseil communal du 09 février 2016. 13
Les mécanismes d’appui au développement local dans la législation minière en Guinée b La traçabilité du virement des 15 % au FNDL par le Trésor public est garantie par l’article 1 de l’arrêté conjoint de 2018 portant application de l’article 165 du code minier, qui exige la publication du montant au Journal officiel et sur les sites internet des ministères concernés. Cependant, la traçabilité des versements aux communes n’est pas encore organisée. Le Manuel de procédures pourrait prévoir de rendre public le montant versé à chaque commune et la date de paiement. c Le budget d’affectation spéciale de 518 milliards de GNF prévu pour le FNDL dans la loi de finance 2019 (article 8) pourrait ne pas être reconduit en 2020 et les années suivantes. L’abondement annuel du FNDL n’atteindra pas un tel montant qui, en 2019, résulte probablement du cumul des années précédentes restées impayées. Il conviendrait de le prendre en compte dans la communication envers les communes pour qu’elles ne soient pas surprises plus tard de la baisse brutale de leurs ressources FNDL. d Enfin, comme pour la redevance superficiaire et la CDL-FODEL, le FNDL devrait faire l’objet d’une traçabilité spécifique des dépenses dans les comptes annuels des communes pour faciliter les opérations de suivi entreprises par des organisations de la société civile ou tout citoyen qui s’y intéressent. 1.4. DÉFIS COMMUNS AUX MÉCANISMES FISCAUX Les mécanismes fiscaux d’appui au développement souffrent tous d’un déficit de transparence et de traçabilité à l’échelle nationale. Ce point a fait l’objet d’une recommandation dans le Rapport ITIE 2016 en 2018, et de la recommandation 5 dans la décision de Validation de la Guinée de mars 2019 : « La Guinée devra s’assurer que les informations sur les paiements directs versés par les entreprises extractives aux gouvernements infranationaux, dans le cas de paiements significatifs, sont divulguées dans leur intégralité et rapprochées avec les récépissés de ces paiements de chaque gouvernement local50 ». Dans le cas des paiements infranationaux, aucun seuil de matérialité (au sens des paiements pris en compte pour les rapports ITIE) ne devrait être retenu, car ces flux pourraient être insignifiants au niveau national, mais significatifs à l’échelle locale. Au-delà de l’exercice ITIE, les flux infranationaux devraient faire l’objet d’une traçabilité adéquate et d’un audit, dans la perspective de l’intégration de ces pratiques de bonne gouvernance dans les institutions nationales. Nous mettons ici en exergue la question du suivi de l’efficacité des dépenses et celle de la dépendance des communes vis-à-vis des revenus miniers. Les investigations menées régulièrement par des organisations de la société civile montrent que la gouvernance au sein des communes minières n’est pas de nature à garantir la capacité des revenus miniers à soutenir le développement local. À titre d’exemple, l’enquête réalisée par l’ONG Action Mines en 2018 avec l’appui de NRGI sur l’utilisation de la redevance superficiaire et de la CDL dans deux préfectures minières a montré d’importantes défaillances dans la chaîne de collecte et d’utilisation de ces revenus, notamment au sujet de la publicité des marchés publics, de la traçabilité des paiements effectués aux prestataires ou encore du 50 Cf. le rapport de Validation ITIE de mars 2019 au lien eiti.org/BD/2019-17 14
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