Les textures modifiées et le plaisir de manger - EHPAD
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Université René Descartes- Paris V Faculté Cochin-Port Royal Les textures modifiées et le plaisir de manger Docteur Jacques CABY DIU de formation à la fonction de médecin coordonnateur en EHPAD Année universitaire 2012-2013 Directeur de thèse : Docteur Sylvie DEBACQ-CAZOT 1
PLAN I /Introduction page 4 II/ Les différentes textures modifiées page 5 III/ Apports nutritionnels chez la personne âgée page 7 A/ Apports nécessaires en protéines B/ Apports nécessaires en glucides C/ Apports nécessaires en lipides D/ Apports nécessaires en calcium E/ Apports nécessaires en vitamines F/ Conclusion IV/ Physiologie de la déglutition page 11 A/ Définition B/ Temps buccal C/ Temps pharyngé D/ Temps œsophagien E/ Conclusion V/ Dans quelles situations le recours à une alimentation à textures modifiées est-il nécessaire? page 14 A/ Pathologie de la mastication 1) Etat dentaire 2) Modification de la mastication 3) Modification du goût 4) Mycose buccale 5) Les autres affections buccales B/ Troubles de la déglutition 1) Les troubles d’origine neurologique 2
a) Les accidents vasculaires cérébraux b) Les maladies neurologiques c) Les troubles de la conscience 2) Les autres causes de fausses routes C / Troubles de l’alimentation 1) Dans le cadre de la maladie d’Alzheimer et des démences apparentées 2) Dans les affections psychologiques et psychiatriques VI/ Dans quels buts? page 22 VII/ Comment fait-on? page 24 A/ Matériel nécessaire B/ Méthodes de préparation 1) Préparation à chaud 2) Préparation à froid 3) Adaptation de la préparation aux textures modifiées C/ présentation des aliments à textures modifiées VIII/ Limites de la mise en place des textures modifiées page 27 A / Limites bactériologiques B / Limites de moyens C/ Restaurations collectives. IX/ Quelques exemples page 28 X/ Conclusion page 31 3
I/ Introduction Tout établissement médico-social se doit de satisfaire autant que possible les besoins nutritionnels de ses résidents par une restauration « source de plaisir ». La cuisine à texture modifiée est une méthode de préparation des aliments permettant d’en modifier la texture tout en conservant leurs qualités nutritives, leurs saveurs et leurs couleurs afin de laisser aux personnes ayant des problèmes d’ingestion alimentaire le plaisir de manger. Pour permettre aux textures modifiées de concilier plaisir de la restauration et besoins nutritionnels, elles doivent s’appuyer sur des recettes traditionnelles et des produits naturels et proposer: des formes authentiques des apports concentrés pour optimiser la densité nutritionnelle des aliments des saveurs marquées pour lutter contre la perte du goût liée au vieillissement et/ou à leur pathologie des couleurs pour stimuler les sens. 4
II/ Les différentes textures modifiées L’alimentation mixée regroupe plusieurs types de textures. C’est une alimentation où les aliments ne sont plus entiers. Il existe différentes façons de modifier les aliments : Hachée : la viande est moulinée mais tous les autres aliments restent entiers Moulinée : les aliments sont tendres sans morceaux et la viande est moulinée. Il ne peut y avoir de crudités dans la texture moulinée Moulinée spécifique : il s’agit d’une alimentation moulinée dont les morceaux ne sont ni fibreux, ni collants. Mixée : c’est une texture sans morceau (exemple purée), la viande y est mixée à part. Mixée lisse : c’est une texture homogène sans phase liquide, lisse et onctueuse. La viande et la garniture sont mixées ensemble. Liquide : la texture est liquide, consommable à la paille. Les textures hachées et moulinées sont des alimentations normales et équilibrées destinées à soulager les efforts de mastication. Elles sont conseillées chaque fois que la mastication s’avère difficile (mauvaise dentition, problème de prothèse dentaire,…) ou lorsqu’il existe des difficultés à déglutir. Différents aliments de consistance molle ou pouvant être hachés sont utilisés dans les textures hachées ou moulinées: viandes hachées, poissons bien cuits, œufs ou préparation aux œufs, charcuterie tendre, tofu, produits laitiers (à l’exclusion des fromages à pâte dure), céréales et légumineuses bien cuites, légumes et fruits cuits ou crus finement râpés, friture, produits sucrés, pâtisseries molles. Les textures mixées sont également des alimentations normales et équilibrées ayant une texture pâteuse sans morceau ni pépin. Elles sont conseillées quand la mastication est impossible et/ou que la déglutition ne peut se faire normalement (exemple : denture en très mauvais état ou inexistante). 5
Différents aliments peuvent être mixés : viandes tendres sans le gras, poissons, œufs (sauf durs) ou préparations molles aux œufs, jambon (à l’exclusion d’autres charcuteries), terrines, lait, yaourts, fromages blancs, céréales et légumineuses en purée, petites pâtes, légumes et fruits cuits ou crus en purée ou en mousse, produits sucrés de type entremets, flans, glaces, crèmes. 6
III/ Apports nutritionnels nécessaires chez la personne âgée Contrairement à l’idée reçue, les besoins énergétiques de la personne âgée ne sont pas diminués par rapport à l’adulte. En effet, les dépenses énergétiques peuvent paraître moindres mais le rendement des apports nutritionnels est inférieur à celui d’une personne adulte. En moyenne, les besoins caloriques de la personne âgée sont estimés à 2000 Kcal/jour chez l’homme et 1800 Kcal/jour chez la femme, besoins à adapter éventuellement à l’activité physique. 30 à 50% des personnes âgées en EHPAD souffrent d’une malnutrition protéino- énergétique. Cette malnutrition augmente la morbidité, la dépendance et la mortalité. Elle est souvent préexistante à l’entrée en institution. Même à domicile, les personnes âgées ont souvent une alimentation inadaptée à leurs besoins. Elles ont tendance à diminuer leur apports ; poids des idées reçues isolement social ou familial dépendance physique installation de troubles mnésiques faibles revenus état dépressif poids des régimes antérieurs : diabète, hypercholestérolémie, régime sans sel, … Aucun régime ne devrait subsister après un certain âge. A/ Apports nécessaires en protéines Le vieillissement s’accompagne d’une fonte musculaire (sarcopénie). La personne âgée a plus de mal à reconstituer les protéines catabolisées quotidiennement. Ce catabolisme est majoré par des états inflammatoires, les traumatismes. 7
L’apport en protéines conseillé est de 1g/kg/j. Il doit être varié sous forme de viandes, poissons, œufs et produits laitiers protéines végétales (céréales et légumes secs) apportant également des fibres. La sarcopénie augmente le risque de chute et de fracture par diminution des forces musculaires. Elle peut par conséquence entraîner: une perte d’autonomie un risque de sédentarisation une majoration de l’ostéoporose. Il existe, associé à la sarcopénie, une diminution de la résistance aux infections et agressions et une augmentation de l’insulinorésistance. Elle doit être autant que possible prévenue par l’exercice physique qui associé à un apport correct en protéines permet de prévenir la dépendance et améliore la qualité de vie. En pratique, 18 à 20 g de protéines sont apportées par 100 g de viandes rouges, volailles ou abats; 100g de poisson; 2 œufs; 1/2 litre de lait; 200 g de fromage blanc; 4 yaourts; 90 g de camembert; 70 g d’emmental. B / Apports nécessaires en glucides Ils sont indispensables au fonctionnement musculaire et cérébral et impliqués dans l’anabolisme des protéines. Les personnes âgées ont tendance à réduire leurs apports en glucides complexes. Par contre, leur appétence en produits sucrés augmente (les papilles gustatives responsables du goût sucré étant les premières à être modifiées). Un excès de sucre risque d’entraîner une sensation de satiété trop rapide au détriment des aliments riches en protéines et en vitamines. 8
C/ Apports nécessaires en lipides Indispensables pour l’apport en acides gras essentiels et en vitamines, ils sont aussi importants pour leur qualité gustative. Leur absorption n’est pas altérée chez la personne âgée. Contrairement à la personne adulte, un régime pauvre en lipides n’est pas justifié chez la personne âgée. D/ Apports nécessaires en calcium Le vieillissement s’accompagne d’une perte osseuse (ostéoporose).En effet, l’os est en éternel remaniement. Physiologiquement, la résorption osseuse est supérieure à la formation osseuse. Les déficits cumulés au cours de la vie entraînent donc une ostéopénie physiologique. La perte osseuse est de l’ordre de 30% chez les hommes entre 20 et 80 ans et atteint 50% chez la femme. La différence est due à l’accélération de la perte osseuse après la ménopause chez la femme. A cette ostéoporose dite trabéculaire, s’associe une ostéoporose corticale affectant les deux sexes correspondant à un amincissement ou à une augmentation de la porosité des corticales. Les apports en calcium chez la personne âgée doivent être de 1200 mg/jour au minimum. Ils sont en général insuffisants chez les personnes âgées de l’ordre de 800mg/jour. L’absorption du calcium est également diminuée par le manque de vitamine D dont la synthèse cutanée est altérée chez la personne âgée. La carence en calcium du fait du risque accru de morbidité et mortalité justifie l’augmentation des apports calciques et de vitamine D, associée au maintien d’une activité physique. E / Apports nécessaires en vitamines Les personnes âgées présentent de nombreuses carences vitaminiques, il est donc important de veiller à leur apport : 9
vitamine A : 600 mg/j chez la femme et 700 mg/j chez l’homme contenue dans de nombreux aliments comme les carottes mais aussi bettes, épinards, oseilles et foies. vitamine du groupe B : 2,2 mg/j de vitamine B6 ; 330 à 400 mg/l de vitamine B9 ; 3 mg/j de vitamine B12. Les sources en vitamine B dans l’organisme sont représentées par le foie de veau, les légumes secs, les céréales complètes. vitamine C : 100 à 120 mg/j contenue par exemple dans les oranges, citrons, kiwis, cassis, le persil,… vitamine D : 10 à 15 µg/j synthétisée dans la peau par l’action des ultraviolets du soleil (cholécalciférol) et présent dans de nombreux aliments d’origine végétale (ergocalciférol). Elle est très souvent diminuée chez la personne âgée. vitamine E : 20 à 50 mg/j contenue dans les huiles comme le tournesol. F/ Conclusion Une alimentation équilibrée demeure donc indispensable chez la personne âgée. Toute agression de l’organisme (infection, syndrome inflammatoire, traumatisme physique ou psychique, hospitalisation) peut entraîner rapidement une dénutrition mettant en jeu le pronostic vital à travers ses complications. Dans ces situations à risques, il importe donc de dépister rapidement les carences et de proposer une alimentation hypercalorique (40 à 50 kcal/kg/ j) et hyperprotidique (jusqu’à 1,5 voire 2 g/kg/j de protéines) en enrichissant l’alimentation, voire en la supplémentant par des compléments hypercaloriques. 10
IV/ Physiologie de la déglutition La déglutition est un acte important de l’alimentation. Elle est souvent modifiée chez les personnes en institution. C’est un acte volontaire mais aussi réflexe. A / Définition La déglutition est l’acte d’avaler les aliments et les liquides. Elle permet de réaliser le transport des aliments et liquides de la bouche vers l’estomac en assurant la protection des voies aériennes. La déglutition permet également d’avaler la salive (environ 1,5 litre de salive quotidienne). Il existe plusieurs temps à la déglutition ; Temps buccal Temps pharyngé Temps œsophagien. B/ Le temps buccal Il s’agit du premier temps de la déglutition. Il consiste à préparer les aliments à la déglutition. C’est un temps automatique mais surtout volontaire. Il consiste à prendre les aliments, les introduire dans la bouche, les sectionner, les mastiquer, les recouvrir de salive. Il se forme un bolus homogène sur le dos de la langue. Le bolus ainsi formé entre en contact avec les papilles gustatives : organes sensoriels qui vont envoyer des informations aux centres moteurs cérébraux. Ils stimulent le péristaltisme intestinal, les secrétions pancréatiques et biliaires. La stimulation des papilles gustatives participe au plaisir de manger. La presbyphagie (effets du vieillissement sur la déglutition liés à la dégradation des différents mécanismes de la déglutition) entraîne un ralentissement du temps buccal. Il existe une modification du goût par altération des papilles gustatives. 11
Le premier temps de la déglutition se termine par la phase de propulsion où la langue pousse le bol alimentaire vers le pharynx, le voile du palais s’élève pour empêcher les aliments de remonter vers le nez. C/ Le temps pharyngien Le deuxième temps est le temps pharyngé. De durée courte, il est totalement réflexe. C’est le temps le plus dangereux de la déglutition et le plus court (une seconde environ). Il consiste en la propulsion dans le pharynx du bol. C’est à ce stade que le larynx se ferme pour protéger les voies aériennes pour éviter les fausses routes. A ce stade le positionnement de la personne âgée est primordial : il faut éviter la position en hyperextension qui a tendance à ouvrir les voies aériennes ce qui implique un risque accru de fausse route. Le vieillissement de la musculature pharyngée perturbe la propulsion et la protection des voies aériennes supérieures. 12
D/ Le temps œsophagien Le temps suivant est le temps œsophagien qui est lui aussi totalement réflexe, il dure de 8 à 20 secondes et consiste à la progression du bol dans l’œsophage vers l’estomac. E/ Conclusion Si le début de la déglutition est volontaire (temps buccal), le reste de la déglutition est « réflexe » et nécessite une activité sensori-motrice complexe où de nombreux nerfs crâniens entrent en jeu (V, VII, IX, X, XI, XII) ainsi que le bulbe rachidien. L’activité de contrôle est réalisée par le cortex frontal. En institution, 30 à 50% des résidents ont des troubles de la déglutition. Ces troubles peuvent être d’origine neurologique (accident vasculaire cérébral, démence, …) stomatologique et ORL (dentition, candidose, …) œsophagien (œsophagite, reflux œsophagien, tumeur,...) par iatrogénie médicamenteuse par des troubles de la conscience liés à une déshydratation, une insuffisance rénale. 13
V/Dans quelles situations le recours à un repas à textures modifiées est-il nécessaire ? Les textures modifiées doivent être prescrites : si la mastication est difficile ou impossible si le goût est modifié (âge, médicaments, mycoses) si la déglutition ne peut pas se faire normalement en cas de troubles de l’alimentation liés à une maladie d’Alzheimer et autres pathologies apparentées A/ Les pathologies de la mastication 1) L’état dentaire. L’état dentaire joue un rôle important dans la déglutition : lors la mastication lors de la salivation. Les personnes âgées en institution sont nombreuses à souffrir de problèmes dentaires. Seulement 3% gardent une dentition saine à l’âge de 80 ans: mauvaise hygiène dentaire. Certains résidents n’ont pas eu l’habitude de se brosser régulièrement les dents ou ont développé une démence pouvant les amener à refuser le brossage des dents. D’autres ne peuvent plus se brosser les dents correctement du fait de l’arthrose ou de difficultés de mobilisation des membres supérieurs appareil dentaire défectueux ou inexistant (perte de poids rendant l’appareil inutilisable, démence entrainant la perte de l’appareil,…) affections dentaires ou gingivales. 14
2) Modifications de la mastication Certaines affections occasionnent des modifications de la mastication notamment des affections neurologiques : Séquelles moteurs d’accident vasculaire cérébral Mouvements anormaux lors d’affections neurologiques (scléroses en plaque, maladie de parkinson, chorée,… 3) Modification du goût : la dysgueusie Avec l’âge, le goût se modifie. Cette perte du goût est liée à la diminution physiologique des papilles gustatives de la langue. Le sujet se plaint d’avoir une bouche amère et recherche les aliments sucrés. Si on goûte avec la langue, on goûte également avec son cerveau. Le goût ne serait rien sans les capacités d’intégration, d’analyse et de transmission au cerveau. Il existe aussi une diminution de la salive, les personnes âgées se plaignant de bouche sèche parfois majorée par les prises médicamenteuses. De nombreux facteurs peuvent modifier le goût et principalement de nombreux médicaments. La liste est longue et on peut retenir plusieurs grandes classes utilisées chez les personnes âgées : - cardio-vasculaires - antibiotiques - hypoglycémiants - psychotropes - antiparkinsoniens - anticonvulsivants. Les carences en certains sels minéraux ou en oligoéléments peuvent perturber le goût, de même qu’une déshydratation. 15
4) la mycose buccale Elle touche 13 à 47% des personnes âgées selon les études Étude (auteur, année) Nombre de patientÂge moyen Lieu de séjour Critères diagnostiques Prévalence (%) Wielkieson et al., 1991 [8] (n = 137) 82 ans EHPAD Clin et bio 47 Alix et al., 1998 [9] (n = 148) 84 ans CS Clin et bio 34 Brocker et al., 2000 [10] (n = 8 230) 84 ans CS (n = 1 125) Clin 31 SSR (n = 1 804) Clin 29 EHPAD (n = 4 976) Clin 21 Rothan-Tondeuret al., 2001 [11] (n = 557) 87 ans CS + SSR + EHPAD Clin et bio 17 Grimoud et al., 2003 [12] (n = 110) EHPAD Cin et bio 43 Paillaud et al., 2005 [13] (n = 97) 82 ans SSR Clin et bio 37 Charru et al., 2005 [14] (n = 110) 80 ans EHPAD Clin et bio 15 Dufour et al., 2006 [15] (n = 367) 85 ans EHPAD Clin 32 Fanello et al., 2006 [3] (n = 256) 83 ans CS Clin et bio 13 La mycose entraîne une sensation de bouche sèche (21,5 %), des douleurs ou brûlures (13 %), des difficultés récentes à s’alimenter (15 %), une intolérance récente de la prothèse (5,5 %) et des troubles du goût. De nombreux facteurs favorisent la survenue de mycoses chez la personne âgée : Facteurs généraux Facteurs locaux Perte d’autonomie Mauvaise hygiène buccodentaire Déficits nutritionnels : dénutrition, déficit en Zn, Se, vit C, fer Port de prothèses dentaires Sécheresse buccale associée : - médicaments anticholinergiques - Médicaments : antibiotiques, corticoïdes inhalés, chimiothérapies, immunosuppresseurs syndrome de Goujerot-Sjögren - radiothérapie locorégionale - Déshydratation Néoplasies : hémopathies malignes, cancers de l’oropharynx, cancers en phase terminale Endocrinopathies : diabète, maladie de Cushing Déficits immunitaires 5) les autres affections buccales Très fréquentes, elles doivent être recherchées: les aphtes les tumeurs de la bouche et de l’oropharynx les plaies (par exemple liées à un appareil dentaire défectueux),… 16
B/ Les troubles de la déglutition Les troubles moteurs de la déglutition sont fréquents chez la personne âgée et sont liés à plusieurs pathologies 1) Les troubles d’origine neurologique a) Les accidents vasculaires cérébraux Fréquents et souvent responsables de grave perte d’autonomie chez les personnes âgées, ils entraînent une modification importante de l’alimentation soit la personne ne peut plus manger seule, soit elle présente des troubles de la déglutition nécessitant un recours à des textures modifiées par atteinte de la commande au niveau du cortex frontal par atteinte des nerfs crâniens ou du bulbe et responsable de paralysie au niveau des muscles entrant dans le mécanisme de la déglutition. b) Les maladies neurologiques De nombreuses maladies neurologiques peuvent entrainer des troubles de la déglutition et nécessiter de recourir à des textures modifiées dont: la maladie de Parkinson les scléroses en plaques la chorée. c) Les troubles de la conscience Ils sont fréquents chez les personnes âgées. Les troubles peuvent être de nombreuses origines : accidents vasculaires cérébraux hématome extra ou sous dural évolution d’une démence (maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson,…) déshydratation syndrome infectieux état confusionnel déséquilibre d’un diabète surdosage médicamenteux,… 17
2) les autres causes de fausses routes Elles sont multiples et variés. Le positionnement de la personne âgée est important. Il faut éviter l’hyperextension qui risque d’envoyer directement les aliments vers les voies respiratoires. La fatigue et l’inattention peuvent être responsables de fausse route. Outre les pathologies déjà citées, bien d’autres causes de fausse route existent : presbyphagie (ralentissement de la déglutition, diminution de la force musculaire) affections stomatologiques ORL et œsophagien (tumeur, œsophagite,…) rhumatologique (scoliose, arthrose) iatrogène (sonde nasale ou trachéale, médicaments) Les médicaments sont responsables de fausses routes : les anticholinergiques par diminution de la salive les médicaments qui diminuent la vigilance comme les anxiolytiques et les somnifères. les dérivés nitrés, les inhibiteurs calciques en favorisant le reflux les AINS et les disphosphanates par leurs effets indésirables sur la sphère digestive. 30 à 50% des personnes âgées en institution ont un risque de fausse route. C/Les troubles de l’alimentation 1) Dans le cadre de la maladie d’Alzheimer et des démences apparentées Les troubles de l’alimentation peuvent survenir à n’importe quel stade de ces maladies et sont parfois précoces. Consécutifs aux troubles du comportement chez ces patients, ils sont potentiellement graves car source de dénutrition et donc de perte d’autonomie. 18
Ces troubles peuvent être multiples souvent associés entre eux : agressivité opposition comportements moteurs aberrants comme la déambulation : le patient ne reste plus à table ou est trop fatigué par sa marche incessante apraxie (perte de l’autonomie gestuelle) agnosie (perte de la reconnaissance des aliments) syndrome dépressif apathie crise d’angoisse. D’autres causes peuvent occasionner une modification de l’alimentation et entraîner un recours à des textures modifiées. prise de nombreux médicaments qui peuvent modifier le goût les maladies intercurrentes (constipation, infections urinaires ou autres,…) qu’il faut toujours rechercher troubles de la déglutition retour d’hospitalisation. Une texture modifiée particulière, le « manger-mains » , est parfois proposée dans la maladie d’Alzheimer et autres affections apparentées. le manger-mains Du fait de l’apraxie et de l’agnosie survenant à certains stades de la maladie, les malades n’ont plus la notion de prendre des couverts pour manger. Ils sont alors totalement dépendants des autres pour manger. Le « manger mains » doit leur permettre de retrouver une certaine autonomie et le plaisir de manger. Il faut surmonter les réticences des familles mais aussi former les soignants à cette alimentation, car manger avec les mains reste, dans notre société, synonyme de mauvaise éducation. Certains patients présentent également des troubles de déglutition. Il faut donc que les textures du « manger-mains » soient adaptées à ces troubles. 19
Le principe du « manger mains » est que ces aliments doivent pouvoir être avalés sous forme de bouchées. Ils doivent être présentés de façon à être avalés en une ou deux bouchées. Ils prennent la forme de boulettes, bâtonnets, cubes, flans, galettes, quenelles. La texture doit être modifiée par des épaississants de façon à avoir une présentation de texture suffisamment compacte pour pouvoir être prise avec les mains. Il faut veiller à la température pour éviter tout risque de brûlure. Il est important d’y associer fruits et légumes pour éviter la carence en vitamines. Ils peuvent être préparés sous forme de jus qui peut être présenté à la paille. Afin de laisser le plaisir de manger, il faut éviter que les aliments soient trop secs ou trop durs. Ils ne doivent pas être trop cuits et peuvent être accompagnés d’une sauce relativement épaisse afin d’éviter qu’elle coule et provoque des salissures. De même, il faut éviter que ces aliments aient toujours le même goût. Exemple de préparation « manger-mains » 20
2) dans les affections psychologiques et psychiatriques En plus de la maladie d’Alzheimer et autres maladies neurodégénératives, les troubles de l’alimentation peuvent survenir : lors de dépression (refus alimentaire, anorexie) lors de psychose lors d’un syndrome de glissement ( dégradation rapide de l’état général secondaire à une affection aigüe médicale, chirurgicale ou psychologique évoluant vers la mort). 21
VI/ Dans quels buts ? Les aliments mixés ou moulinés ont longtemps provoqué une diminution de l’appétit des personnes âgées car : Les goûts et les saveurs n’étaient pas conservés et les aliments étaient insipides Les différents aliments étaient mélangés rendant à la préparation un aspect peu attirant Il existait une grande monotonie des repas (aspect, couleur) Exemple de préparation à éviter 30% à 40% de l’alimentation servie en EHPAD est donc jetée chaque jour à cause de ces multiples raisons. La cuisine à textures modifiées a donc plusieurs buts : 1) maintenir le plaisir de manger en luttant contre la monotonie par une alimentation variée, colorée et d’aspect variable et donc de donner un aspect appétissant au repas 2) lutter contre la dénutrition et permettre le maintien d’un équilibre alimentaire. Pour cela, il faut que l’alimentation contienne : Au moins une crudité par jour Des protéines (sous forme de viandes, poissons, fromages, beurre) Un produit laitier à chaque repas Un apport de féculent à chaque repas Des fibres en quantité suffisante. 22
Exemples de préparations appétissantes 23
VII/ Comment fait-on? A/ Matériel nécessaire Pour préparer les textures modifiées, il faut un équipement adapté : Moulins à légumes avec des grilles suffisamment fines Hachoirs Mixeurs électriques Blenders Centrifugeuses B/ Méthodes de préparation Les textures modifiées peuvent être préparées à chaud ou à froid 1) Préparation à chaud La préparation et la cuisson du plat cuisiné comprennent plusieurs temps qui doivent toujours être à chaud à plus de 65° Après la cuisson, on broie à chaud On conditionne le plat toujours à chaud On pratique l’assainissement à plus de 80° pendant au moins quatre minutes On démoule et tranche à chaud. 2) Préparation à froid Après avoir lavé et rincé les crudités On les broie à cru On les conditionne et les dresse à froid On les stocke sous film en chambre froide à 3° 24
Qu’il s’agisse de préparation à froid ou à chaud, il ne peut y avoir que deux heures entre le mixage et la consommation. 3) Adaptation de la préparation aux textures modifiées Il faut souvent épaissir les aliments. Pour cela, on utilise souvent la fécule de pomme de terre, des farines mais aussi on peut utiliser des produits naturels comme l’AGAR-AGAR. L’agar-agar, mot d’origine indonésienne, autrement appelé E406 dans la liste des additifs alimentaires, est un produit gélifiant. Il s’agit d’un polymère de galactose contenu dans certaines espèces d’algues rouges. Ce mucilage, extrait à chaud de ces algues donne, après purification, déshydratation et broyage, la poudre d’agar-agar utilisée pour gélifier un grand nombre de produits alimentaires. Cette substance s’utilise en très petite quantité et n’a pratiquement ni goût, ni couleur. C/ Présentation des aliments à textures modifiées Pour permettre une préparation agréable, les préparations sont présentées sous forme : de ramequins des verrines d’assiettes adaptées Pour cela on utilise : Des poches à douille Des emporte-pièces Des pinces à glace. Des assaisonnements, des coulis, des aromates, des épices doivent permettre de rehausser les saveurs et de raviver les couleurs. 25
Il faut également pour permettre aux résidents de manger avec plaisir: Que les volumes proposés soient adaptés. Il ne faut pas proposer des volumes qui risquent de saturer trop vite l’appétit Conserver l’ordre naturel des plats (par exemple ne pas donner le dessert avant le plat principal) Privilégier les plats uniques par exemple quiche sans pâte ou hachis Parmentier Ne pas mélanger les plats Ne pas diluer les plats par addition de bouillon ou de jus ce qui entraînerait une augmentation de volume et une diminution de la valeur énergétique et utiliser des sauces pour créer le lien. Favoriser les préparations à haute valeur énergétique Gratins Sauce type béchamel Entremets riches en œufs Flans,… Enrichir les préparations. 26
VIII/ Limites à la mise en place des textures modifiées ? A/ Limites bactériologiques Le risque bactériologique est accru avec les textures modifiées et leur durée de conservation est réduite à quelques heures. Il est donc nécessaire de préparer ces préparations le jour même de leur utilisation dans le respect strict des règles sanitaires (Suivi de la démarche HACCP) B/ Limites de moyens Temps Il faut plus de temps pour préparer et présenter de façon agréable les plats. Coût Les textures modifiées entrainent un coût supplémentaire par : Investissement en matériel Temps supplémentaire de cuisinier qui doit être formé aux nouvelles techniques de textures C/ Restaurations collectives Si certaines EHPAD continuent à faire leur repas eux-mêmes dans leur cuisine, d’autres ont dû avoir recours à une restauration collective. Ce type de restauration est plus difficile à modifier. Les repas à type modifié arrivent souvent sous forme de barquettes toutes préparées, barquettes qui sont stéréotypées, répétitives, peu appétissantes et peu goûteuses, les viandes sous forme de gros saucisson à trancher. 27
IX Quelques exemples Variation de concombres et tomates 28
Sauté de dinde 29
Soufflé poires-amandes 30
X/ Conclusion L’utilisation de textures modifiées paraît donc être une alternative intéressante chez les personnes âgées présentant des troubles de l’alimentation. Par le maintien des formes, des goûts et des couleurs, elles participent au « plaisir de manger » et permet donc de lutter contre la dénutrition. Mais dans notre société, le repas garde un caractère social. Il importe donc dans les EHPAD, de s’efforcer d’établir un environnement agréable au moment des repas : présentation soignée, table bien dressée, atmosphère conviviale. Le « manger- mains », chez les résidents atteints de maladie d’Alzheimer doit, quant à lui, permettre de revalider les gestes quotidiens et de réduire les troubles du comportement lors des repas. 31
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