Dépression masculine - Revue Médicale Suisse
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REVUE MÉDICALE SUISSE Dépression masculine Drs ANNICK GERBER a, KIM HOANG NAM NGUYEN a et SCHEHERAZADE FISCHBERG a Rev Med Suisse 2016 ; 12 : 1614-9 La dépression est l’une des maladies psychiatriques les plus fré- monte à 3,5‑4 hommes pour 1 femme. Pour certains auteurs, quemment rencontrées en médecine de premier recours, source ce ratio est même de 7 : 1 chez la personne âgée.5 de souffrance majeure tant pour le malade que pour son entou- rage. Les symptômes classiques sont souvent bien connus pour La formation multidisciplinaire des soignants et le développe- la femme. Cet article a pour but de mettre en exergue les spécifi- ment d’outils de dépistage spécifiques aux hommes ont donc cités masculines de cette maladie, parfois m éconnues. un rôle central. Des réponses interdisciplinaires et s ociétales (par exemple dans l’entrave aux moyens de suicide) sont sou- haitables pour faire face à cet enjeu de santé publique. Plusieurs Men and depression pays se sont dotés de programmes nationaux de prévention, Depression is one of the most frequently encountered psychiatric comme l’Australie, qui a édité un guide à cet effet, accessible disease in the primary care setting, source of enormous suffering sur internet, et tenant compte des spécificités masculines.6 for the ill and for his / her entourage. Classical features of the disease in women are usually well known. This article’s goal is to h ighlight the masculine specificities of depression, sometimes poorly known. SYMPTOMATOLOGIE DÉPRESSIVE MASCULINE La stigmatisation sociale dont souffrent toutes les maladies INTRODUCTION psychiatriques encore de nos jours n’épargne pas la dépression. Si les sociétés occidentales ont évolué avec le développement Des facteurs anthropologiques et socio-culturels sont sources d’un certain degré de tolérance envers les femmes d éprimées, il de différences entre l’homme et la femme dans l’expression ne semble pas en être de même pour les hommes. Anthropo de la dépression. Il existe également des facteurs neurobio logiquement, l’homme devait garantir la survie du groupe par logiques qui confirment aujourd’hui la spécificité d’une ses attitudes dites viriles de guerrier-chasseur et, de nos jours, dépression masculine.1 L’objet de cet article est de fournir des même si les mœurs changent, certains de ces stéréotypes de outils de dépistage de la maladie chez l’homme. En fin genre restent ancrés. Ils expliquent un certain nombre de d’article, quelques particularités masculines de la prise en barrières auxquelles l’homme déprimé peut se heurter. charge seront abordées. Certaines sont répertoriées dans le tableau 1. Ainsi l’homme malade, s’il fait face à une mise en question de sa v irilité, telle que définie par les valeurs dites traditionnelles, doit en plus faire éPIDÉMIOLOGIE 2 face à des pressions sociales (professionnelles, familiales) avec trop souvent, une incompréhension de l’entourage. La dépression est une maladie mentale stricto sensu et non l’exagération d’états d’âme passagers connus de tous. Elle Quant aux soignants, ils ne sont pas à l’abri de biais et sont figure sur le plan mondial en première position avant le VIH parfois sources de retard, voire d’erreurs de diagnostic.1,4,7 et les cardiopathies coronariennes comme l’affection la plus L’aspect transculturel croissant de nos consultations apporte souvent responsable de handicaps significatifs et de coûts à ce point de vue une complexité supplémentaire importante élevés pour la société.3 La plupart des études épidémio à prendre en compte.6,8 Le diagnostic d’un épisode dépressif logiques donnent un ratio de prévalence de deux femmes selon la classification internationale des maladies, 10e version pour un homme.4 Mais ces études sont-elles le reflet fidèle de (CIM-10) repose sur trois symptômes majeurs qui ne manquent la réalité ? De multiples barrières à ce d iagnostic et l’utilisa- jamais, et l’homme déprimé n’y fait pas exception, auxquels tion d’outils de dépistage non spécifiques à l’homme laissent s’ajoutent sept symptômes mineurs.9 Le tableau 2 les résume. supposer une sous-estimation de la réelle prévalence de cette Ces symptômes sont fréquemment accompagnés d’un syn- maladie chez eux.4 Ce sous-diagnostic peut également être drome somatique (perte pondérale, réveils précoces, sympto- illustré par le fait que les hommes ont un taux de décès par matologie dépressive plus marquée le matin, ralentissement suicide 3 à 5 fois s upérieur à celui des femmes. Le suicide est ou agitation, baisse de la libido). Chez la femme, les symptômes même devenu la cause de décès la plus fréquente chez les dépressifs tendent à être plus typiques et plus manifestes sur hommes de 15 à 44 ans. les plans affectifs et somatiques. Chez l’homme, le tableau clinique diffère fréquemment et est plus de l’ordre du com- Chez les adolescents / jeunes adultes, ainsi que chez les portemental, avec une tendance, entre autres choses, à l’irri- personnes de plus de 75 ans, le ratio de genre pour les suicides tabilité et à l’impulsivité.1,3,5 Ces particularités sont essentielles à connaître pour pouvoir détecter cette maladie chez l’homme. a Service de médecine de premier recours, Département de médecine commu- Elles sont résumées dans le t ableau 3. nautaire de premier recours et des urgences, HUG, 1211 Genève 14 scheherazade.fischberg@hcuge.ch | annick.gerber@hcuge.ch Une autre particularité de l’état dépressif chez l’homme est sa kimhoangnam.nguyen@hcuge.ch propension à chercher seul des solutions, voire à fuir l’aide. WWW.REVMED.CH 1614 28 septembre 2016 1614-9_39375.indd 1614 22.09.16 09:54
médecine ambulatoire Exemples de barrières Critères de diagnostic de Tableau 1 au diagnostic et à l’accès aux Tableau 2 la dépression, et critères soins chez l’homme déprimé 1,3,5 de sévérité selon CIM-10 9 L’homme déprimé Difficultés Critères / symptômes Critères / symptômes pour le soignant majeurs (en gras) mineurs (en gras) Toujours présents Barrières X se sent pas malade Ne X V a devoir aller chercher émotionnelles (auto-évaluation fruste) l’information Baisse de l’humeur Plan cognitif Critères de diagnostic de dépression et ne voit pas la maladie pro-activement X Inhabituellement triste XBaisse de la concentration, s’installer X Ne pas être vécu comme pour la femme de l’attention Minimum depuis 2 semaines Pratiquement tous les jours X Sentiment de ne pas une menace X Inhabituellement irritable pouvoir être compris par l’homme malade pour l’homme par les autres X Sensation de vide affectif X Peur de se montrer faible (menace sur la virilité) Perte d’intérêt Plan émotionnel X S’écoute moins X Absence de sens ou X Baisse de l’estime de soi d’intérêt inhabituel X Sentiment de culpabilité X Va moins manifester X Pessimisme de l’anxiété, un sentiment de culpabilité ou Trouble de l’énergie Plan somatique de dévalorisation que X Baisse d’activité X Troubles du sommeil la femme et parlera plus X Fatigabilité augmentée X Troubles de l’appétit facilement de stress que X Baisse de la libido de tristesse par exemple X A un souvenir atténué Plan comportemental des épisodes dépressifs XIdées / actes suicidaires par rapport à la femme Dépression Les 3 critères ci-dessus + Barrières sociales Valeurs traditionnelles, à X R isque de biais si ces légère préserver valeurs sont partagées Absence de X Domination inconsciemment symptôme X Courage X Image en miroir : homme intense 2 ou 3 symptômes mineurs X Maîtrise de soi somatique / femme X Indépendance psychologique Dépression Les 3 critères ci-dessus + X Efficacité X Stigmates sociaux, moyenne X Rationalité risque pour l’emploi Symptômes X Compétitivité du patient, barrière pas forcément Répression des émotions aux soins intenses 3 ou 4 symptômes mineurs dites faibles (tristesse, découragement, etc. moins Dépression Symptômes intenses exprimés) grave La majorité du temps accompagnés d’un syndrome somatique Barrières X C olérique (plus que triste), X R isque d’erreur de comportementales va chercher la bagarre diagnostic (personnalité (plus que le repli sur soi) narcissique, paranoïaque, Symptômes atypiques X E xigeant (plus qu’apa- antisociale, etc.) Tableau 3 suggestifs d’un état dépressif thique), cherche plus chez l’homme1,3‑5 des solutions qui lui donnent un avantage X bus de substances (alcool comme automédication fréquente), comporte- A (plus qu’un consensus) ments compulsifs, (moins de troubles alimentaires que les femmes). Avec X Susceptible aggravation consécutive de la dépression X Méfiant X Baisse de tolérance au stress inhabituelle X Tendance à blâmer les X Baisse de la résistance à l’effort autres (peu autocritique) X Baisse du contrôle des pulsions, impulsivité augmentée, agressivité inhabi- X Fuit l’aide, se confie moins tuelle X Isolement socio-familial X Hyperactivité (sexe, sport, travail et autres) (cause ou conséquence X Transgression des règles, prise de risques exagérée de la maladie) X Irritabilité et dysphorie X Attaques de colère / de rage, (équivalent dépressif), avec le sentiment d’avoir sur-réagi, conscience de la perte de contrôle, ± accompagnées de manifesta- Lorsqu’il la recherche, il le fera plus dans des centres tions physiques (tachycardie, hyperventilation, bouffées de chaleur) d’urgences plutôt qu’en cabinet de médecine générale.5 genre, étend cette recommandation aux femmes e nceintes et OUTILS DE DÉPISTAGE en post-partum sans autre mention sur l’homme. Le groupe recommande ce dépistage une fois chez toute personne Dépression n’ayant jamais été dépistée et chez ceux qui ont des facteurs Les recommandations internationales concernant le dépistage de risque (antécédent de dépression, événements de vie, ma- de la dépression font l’objet de controverses, changent avec le ladie chronique, anamnèse familiale positive, etc.). S’il insiste temps et leur niveau de preuve n’est pas optimal. La Société par ailleurs sur l’adéquation des moyens de diagnostic utilisés et suisse de psychiatrie a émis des recommandations sur le trai- mentionne des échelles de dépistage, il ne fait pas mention de tement de la maladie dépressive mais pas sur son dépistage. spécificités masculines dans la version de 2016.10 En ce qui concerne les adolescents entre 12 et 18 ans, l’USPSTF recom- Aux Etats-Unis, l’US Preventive Services Task Force (USPSTF) mande uniquement le dépistage des épisodes de dépression recommande son dépistage pour la population de plus de classés majeurs. Ces deux recommandations sont faites sur 18 ans. Elle le fait sans distinction de gravité et, en matière de une évidence de preuve de grade B (haute évidence de béné- www.revmed.ch 28 septembre 2016 1615 1614-9_39375.indd 1615 22.09.16 09:54
REVUE MÉDICALE SUISSE fice modéré ou évidence modérée d’un bénéfice m odéré ou échelle de dépression substantiel).10 Tableau 4 masculine de Gotland Score entre 0‑13 : absence de signe de dépression. Score entre 13‑26 : dépression La Canadian Task Force on Preventive Health, elle, ne recom- possible avec possible indication aux traitements. Score entre 26‑39 : signes clairs mande pas de dépistage systématique pour la population de dépression. Indication claire aux traitements. adulte, avec une évidence de preuve faible (recommandation faible, données probantes de très faible qualité). Durant le mois dernier, avez-vous remarqué (ou vous a-t‑on fait remarquer) des changements dans votre comportement, et si oui, sous quelle forme ? Ceci étant, si l’on tient compte du fait que beaucoup Pas du En partie Très vrai Extrême- tout vrai vrai ment vrai d’hommes ne demanderont pas d’aide directement, que des outils de dépistage efficaces, peu coûteux et sans effet secon- 0 point 1 point 2 points 3 points daire négatif existent ainsi que de nombreux traitements 1. Baisse du seuil de tolérance efficaces (et plus efficaces s’ils sont mis en place tôt), le bon au stress / davantage de stress sens semble préconiser une recommandation de dépistage que d’habitude fréquent et / ou régulier. 2. Plus d’agressivité, plus susceptible, difficultés à De nombreuses échelles de dépistage ont été publiées. Cer- garder le contrôle de soi taines ont été développées pour des populations spécifiques 3. Sensation d’être épuisé et vide (post-partum, personnes âgées). Ces échelles ne prennent 4. Fatigue constante, inexpliquée pas (ou trop peu) en considération les spécificités masculines citées plus haut et dans le tableau 3. Même si certains auteurs 5. Plus irritable, agité et frustré adaptent parfois le cut-off du diagnostic pour les hommes.7 6. Difficulté à prendre des Parmi les outils validés se trouve une échelle de dépistage de décisions ordinaires du quotidien la dépression spécifiquement masculine, dite de Gotland (utilisable en auto-évaluation).4,11,12 Une version traduite en 7. Troubles du sommeil : X sommeil excessif / insuffi- français est présentée dans le tableau 4. sant / agité X difficultés d’endormisse- Pour la population âgée, il n’existe actuellement pas ment / réveil précoce d’échelle de dépistage spécifique au genre. La Geriatric De- 8. L e matin en particulier, pression Scale (GDS), classiquement utilisée, a l’avantage, sensation d’inquiétude, par rapport à d’autres échelles gériatriques, d’être ciblée sur d’anxiété, de mal-être la dépression. La complexité du diagnostic de dépression est 9.X Surconsommation d’alcool ou ici augmentée par la forte prévalence (indépendamment de médicaments pour avoir d’une d épression) de troubles cognitifs, d’insomnies de fin un effet calmant, relaxant X hyperactivité ou évacuation de nuit, de dysfonctions sexuelles, de constipation, de dou- du stress dans le travail leurs, etc. Il ne semble pas que cette maladie ait des mani- intensif et sans relâche, festations cliniquement très différentes chez l’homme âgé dans l’activité physique comme le jogging ou autre et chez l’homme jeune.13 C’est donc probablement dans X manger peu ou trop l’utilisation conjointe des critères de diagnostic, la connais- sance des spécificités masculines, de ses facteurs de risque 10. Avez-vous l’impression que votre comportement s’est et l’utilisation de l’échelle de Gotland associée à la GDS que modifié de telle façon que l’on améliorera la valeur prédictive positive du dépistage ni vous-même ni les autres chez l’homme âgé. ne vous reconnaissent, et qu’il est difficile d’interagir avec vous ? L’éducation de la population générale a aussi un rôle impor- tant dans l’avenir pour cette maladie.1,6 Classiquement, l’en- 11. Avez-vous ressenti ou d’autres vous ont-ils perçu tourage de l’homme déprimé, s’il méconnaît la maladie, passe comme morose, négatif, d’une phase initialement empathique, à une phase de lassi- dans un état de désespoir tude, de pressions et de rejet, qui va envenimer la situation du où tout vous semble sombre ? malade.1 Des témoignages d’hommes déprimés sont acces- sibles. Ils peuvent être utiles aux patients, à leur entourage, 12. Avez-vous ou d’autres remarqué une tendance ainsi qu’aux soignants. Le tableau 5 en donne quelques plus marquée à l’apitoie- exemples. ment, à se plaindre, à se sentir « pathétique » Suicide 13. D ans votre famille biologique, y a-t‑il une Les hommes commettent 90 % des suicides liés à l’alcool. tendance à des abus, à la dépression / au décourage- Dans la majorité des situations, même en présence d’idées ment, des tentatives de suicidaires, ils ne vont pas en parler spontanément au suicide ou une propension soignant.4,5 The SAD PERSON scale14 est un outil mnémotech- à des comportements nique simple d’utilisation pour l’évaluation du risque dangereux ? suicidaire. Il est repris dans le tableau 6. (Traduit de l’anglais de réf.12). WWW.REVMED.CH 1616 28 septembre 2016 1614-9_39375.indd 1616 22.09.16 09:54
REVUE MÉDICALE SUISSE Quelques sources de témoignages Tableau 6 The SAD PERSONS SCALE14 Tableau 5 écrits ou vidéos d’hommes déprimés et de documentations diverses échelle mnémotechnique d’évaluation du risque suicidaire. Institution Langues Liens internet SAD PERSONS scale Commentaires National Institute Anglais Témoignages vidéo : Sexe Le suicide est plus fréquent chez of Mental Health et espagnol www.nimh.nih.gov/health/topics/ l’homme que chez la femme (Etats-Unis) men-and-mental-health/real-stories-of- Age Pics de suicide chez les hommes Depression in depression/index.shtml adolescents et jeunes adultes puis men Real stories également au-delà de 60‑70 ans Association Anglais Texte en français : www.cmha.ca/fr/ Dépression Associé dans 50 % des suicides en moyenne canadienne pour news/la-grc-et-la-sante-mentale-une- la santé mentale histoire-personnelle/ Previous attempt (antécédent Un antécédent de tentative est un Ride don’t Hide Témoignage vidéo en anglais : de tentative de suicide) prédicteur positif fort de récidive https://www.youtube.com/watch?v=_ PUt0Uee4AM Ethanol X R isque augmenté de 50 × X Augmente la mortalité du geste quelle HeretoHelp Anglais et Témoignage écrit en anglais : que soit la méthode utilisée (Canada) traduction de www.heretohelp.bc.ca/visions/ X Augmente la sévérité de la dépression Personal Stories documents men-vol2/a-big-strong-man X Augmente l’impulsivité d’information Témoignage écrit en anglais, aspect X Augmente les comportements violents dans de transculturel : X Diminue la réponse aux traitements multiples www.heretohelp.bc.ca/visions/ médicamenteux langues, cf. site older-adult-immigrants-and-refugees- X Diminue l’adhérence thérapeutique vol6/life-through-depression- X Diminue la recherche de solutions depression-through-life alternatives au suicide Documents traduits : www.heretohelp.bc.ca/other-languages Rationality lost (perte (parfois partielle) de contact avec la réalité) Social support lacking (isolement social) PRISE EN CHARGE Généralités Organised plan (idée suicidaire avec X iveau de la pensée, du souhait N plan organisé) (souvent passif) X Niveau de l’intention, des menaces La demande d’aide et l’accès aux soins est donc difficile pour X Niveau du plan organisé, où le risque l’homme déprimé. L’aspect des traitements n’y fait pas excep- est maximal tion et il lui est d’autant plus difficile de faire appel à un psychiatre. Le rôle du médecin de premier recours est donc No spouse (absence de conjoint) X C élibat : risque 1,5‑2 × augmenté X Divorce idem important non seulement dans le dépistage mais également X Deuil, risque augmenté dans les mois dans la prise en charge de la maladie.3 suivants Sickness (comorbidité(s)) Des maladies somatiques concomitantes Une fois la possibilité du diagnostic évoqué, le diagnostic diffé- se retrouvent chez la majorité des suicidés rentiel est à prendre en compte tant sur le plan psychiatrique que sur le plan somatique. Sans nous étendre ici sur ce point, il peut être utile de rappeler que certaines pathologies somatiques Différences d’efficacité dans le traite- (dysthyroïdie, traitements médicamenteux dépressogènes, ma- Tableau 7 ment de la dépression selon la catégorie ladie cœliaque, hypogonadisme, etc.) méritent d’être raisonna- d’antidépresseurs et le genre15,16,17 blement exclues et / ou d’avoir un traitement spécifique. Catégorie d’antidépresseur Réponse homme-femme (H-F) Traitements médicamenteux Inhibiteurs de la monoamine oxydase H 50 ans : H = F termes de réponse au traitement entre les hommes et les Duals inhibiteurs de la sérotonine H=F femmes, selon la catégorie d’antidépresseur utilisée (même s’il et de la noradrénaline (duloxétine, venlafaxine, mirtazapine) ou inhibiteurs reste parfois une controverse à ce s ujet).1,15‑17 Quelques-unes de de la noradrénaline et dopamine ces différences sont résumées dans le tableau 7. (bupropion) Antidépresseurs tricycliques H > F avec réponse plus lente Les troubles sexuels, à la fois symptomatiques de la maladie et H=F effet secondaire médicamenteux (en principe sur la durée du Inhibiteur sélectif de la noradrénaline H>F traitement), sont l’un des facteurs fréquents d’interruption tel que reboxétine thérapeutique.16 Leur évaluation par une anamnèse ciblée avant l’introduction d’un médicament, ainsi que leur suivi, est primordiale. Des stratégies pour tenter de pallier cet effet précède en plus des précautions habituelles, comme la vérifi- secondaire existent, par exemple changer de classe de médica- cation des interactions médicamenteuses (particulièrement ment, ou diminuer la posologie pour obtenir la dose minimale fréquentes avec les psychotropes), ou l’évaluation de l’inter- efficace.5,16 Le choix de la molécule tient donc compte de ce qui valle QT mesuré à l’électrocardiogramme. WWW.REVMED.CH 1618 28 septembre 2016 1614-9_39375.indd 1618 22.09.16 09:54
médecine ambulatoire Psychothérapies et sa diffusion offrent un potentiel puissant d’amélioration de son dépistage et de sa prise en charge. Les hommes ont moins recours aux psychothérapies que les femmes, mais ici leur réponse au traitement semble compa- rable. Plusieurs approches sont reconnues comme efficaces, Conflit d’intérêts : Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article. par exemple la psychothérapie cognitivo-comportementale ou la psychothérapie interpersonnelle.1,3 L’Université natio- nale australienne a par exemple développé un programme d’auto-prise en charge (approche cognitivo-comportementale) accessible online et traduit dans plusieurs langues : http:// moodgym.anu.edu.au/welcome Approches thérapeutiques complémentaires Implications pratiques Ces thérapies gagnent à être complétées par d’autres approches, telles que l’activité physique d’intensité modérée à raison de Les critères de diagnostic principaux (CIM-10) de la dépres- 30 minutes par jour tous les jours (efficacité démontrée dans sion restent les mêmes quel que soit le genre, mais la symptoma- le traitement de la dépression) et la gestion du stress (par tologie chez l’homme diffère fréquemment de celle de la femme. exemple mindfullness).3 Ce d’autant plus que ces approches En particulier la tristesse peut être masquée par une autre forme ont également leur place dans la prévention des récidives. de baisse de l’humeur à savoir l’irritabilité Connaître les spécificités masculines de la dépression permet de mieux poser le diagnostic chez l’homme qui aura tendance à CONCLUSION chercher peu d’aide et à accomplir davantage de suicides Chez les hommes, la réponse thérapeutique à certains anti Que la dépression soit sous-diagnostiquée n’est pas une fata- dépresseurs diffère de celle des femmes lité. La connaissance des spécificités masculines de la maladie 1 **Hovaguimian T en collaboration 6 Promoting Good Practice in Suicide 11 Sigurdsson B, et al. Validity of Gotland 15 Marsh W, Deligiannidis K. Sex-related avec Barraud P. La dépression masculine. PreventionActivities, Targeting Men. Male Depression Scale for male depression differences in antidepressant response : Comprendre et faire face. Genève : Australian Government Department of in a community study : The Sudurnesja‑ When to adjust treatment. How pharma‑ Editions Médecine & Hygiène, 2012. Health and Ageing, 2008. Developed by menn study. J Affect Disord 2015;173:81‑9. codynamic, pharmacokinetic, and 2 Office Fédéral de la Santé Publique, NOVA Public Policy P/L For the Suicide 12 Zierau F, et al. The Gotland Male hormonal factors impact prescribing. OFSP : Le suicide et la prévention du Prevention Section. Mental Health and Depression Scale : A validity study in Curr Psychiatry 2010;9:25‑30. suicide en Suisse. Rapport répondant au Suicide Prevention Programs Branch. patients with alcohol use disorder. Nord J 16 Martin-Du Pan R, Baumann P. Dysfonc‑ postulat Widmer (02.3251) Avril 2005. 7 Vilagut G, et al. Screening for depression Psychiatry 2002;56:265‑71. tions sexuelles induites par les antidépres‑ 3 Berghändler T. Ce que le médecin doit in the general population with the center for 13 Assessment of Depression. Edited by seurs et les antipsychotiques et leurs savoir sur la dépression. Primary Care epidemiologic studies depression (CES-D): Norman Sartorius and Thomas A. Ban. traitements. Rev Med Suisse 2008;4:758‑62. 2012;12: no 11. A systematic review with meta-analysis. Chapitre 29, Théodore Hovaguimian, 17 Keers R, Aitchison KJ. Gender 4 Wide J, et al. Effect of gender PLoS One 2016;11:e0155431. Instruments Used in the Assessment of diferences in antidepressant drug socialization on the presentation of 8 ** Kleinman A. Culture and depres‑ Depression in Psychogeiatric Patients. response. Int Rev Psychiatry depression among men. A pilot study. Can sion. N Engl J Med 2004;351:951‑3. Published on Behalf oft he World Health 2010;22:485‑500. Fam Physician 2011;57:e74‑8. 9 Classification internationale des Organisation. Springer-Verlag, 1986. 5 Ogrodniczuk J, Oliffe J. Les hommes et maladies CIM-10. Version 2008. 14 Patterson WM, et al. Evaluation of la dépression. Can Fam Physician 2011; 10 www.uspreventiveservicestaskforce. suicidal patients : The SAD PERSONS *à lire 57:e39‑41. org/ scale. Psychosomatics 1983;24:343‑9. **à lire absolument www.revmed.ch 28 septembre 2016 1619 1614-9_39375.indd 1619 22.09.16 09:54
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