LES VILLES EUROPÉENNES - ANALYSE COMPARATIVE Céline Rozenblat, Patricia Cicille UMR ESPACE CNRS 6012 - Université Montpellier III
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LES VILLES EUROPÉENNES ANALYSE COMPARATIVE Céline Rozenblat, Patricia Cicille UMR ESPACE CNRS 6012 - Université Montpellier III
LES VILLES EUROPÉENNES ANALYSE COMPARATIVE Céline Rozenblat Patricia Cicille
La coordination scientifique de cette étude a été réalisée par Céline Rozenblat, maître de conférences à l’université Paul Valéry de Montpellier, et Patricia Cicille, ingénieure de recherche CNRS, UMR ESPACE 6012, Montpellier. Ont collaboré à cette étude • pour le recueil et la saisie des données : Magali Amiel, Sandra Bozzani, Julie Granier, Lotfi Kazi-Tani, Isabelle Lirola, Benjamin Ribière, Mélanie Tafani, contractuels CNRS • pour les traitements statistiques et la cartographie : Guérino Sillère, ingénieur d’études CNRS, UMR ESPACE ; Aurélie Tostain, contractuelle CNRS • pour la révision des textes, la maquette, la mise en page : Cécile Gaudin, Régine Vanduick, ingénieures CNRS, UMR ESPACE. Toutes les cartes résultent d’informations produites par le système SAS ® Cet ouvrage est le résultat d’une recherche réalisée à la demande de la DATAR (Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale). Réalisation technique de la Maison de la Géographie 17 rue Abbé de l’Épée, 34090 Montpellier Tél. 04 67 14 58 31 ; fax 04 67 72 64 04
SOMMAIRE PRÉFACE .................................................................... 7 COMPARER LES VILLES EUROPÉNNES .................................. 9 LES 180 AGGLOMÉRATIONS : ANALYSE COMPARATIVE ............... 17 RAYONNEMENT ET SPÉCIALISATIONS .................................. 49 VERS UNE « VILLE GLOBALE » EUROPÉENNE ? .......................... 73 REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES ........................................... 75 ANNEXES .................................................................... 77 TABLE DES CARTES ........................................................ 91 LISTE DES TABLEAUX ..................................................... 93
PREFACE par Nicolas Jacquet, Délégué à l’aménagement du territoire et à l’action régionale Il y a plus de dix ans, la Datar publiait l’étude Elle s’inspire des principales options dirigée par Roger Brunet sur les villes « européennes » méthodologiques du travail réalisé en 1989 mais en qui constituait alors la première tentative pour décrire renouvelle la portée par un choix différent d’indi- et hiérarchiser de façon quantifiée le système des cateurs de rayonnement. grandes villes européennes. Cette commande permet- tait de situer les villes françaises en Europe, dans un Les indicateurs retenus mettent notamment contexte d’intégration économique et politique en l’accent sur les fonctions métropolitaines qui aujour- pleine accélération. d’hui caractérisent et différencient les grandes villes. Ils traduisent pour une partie d’entre eux le potentiel Illustrant la concentration et la puissance des des villes à développer un environnement propice au fonctions métropolitaines sur la dorsale européenne, développement (en matière universitaire, culturelle ce travail avait d’emblée marqué les esprits, donnant ou par leurs fonctions d’accueil) et insistent sur les naissance à l’image de la « banane bleue ». phénomènes d’intégration aux différents types de réseaux (de transport, de recherche, de connaissance, La place occupée au sein du système des etc.) à partir desquels se construit de plus en plus la villes européennes demeurant un objet de questionne- production des richesses et donc la puissance des ment, une nouvelle recherche sur ce sujet a été villes. entreprise dans un contexte où les concurrences entre Quelles images et quelles leçons en tirer, en villes ont tendance à s’exacerber et où l’attractivité particulier évidemment pour les villes françaises ? des territoires, en particulier urbains, est un élément déterminant de la compétitivité économique du pays. Si l’on s’en tient aux principaux résultats d’ensemble, c’est un constat plutôt positif de la place Cet exercice, mené selon une méthodologie de nos villes françaises qui tirent sans conteste « leur rigoureuse - loin des « palmarès » que produisent avec épingle du jeu » de cette comparaison européenne. plus ou moins de bonheur, les principaux titres de la presse hebdomadaire -, peut être un outil partagé de Il faut s’en féliciter : on a trop longtemps diagnostic et d’appui pour les acteurs publics qui voulu croire au fameux désert français pour ne pas agissent en faveur des métropoles françaises. aujourd’hui constater le dynamisme des grandes métropoles de province et leur reconnaître un rôle J’engage chacun à s’en saisir et à lire ce singulier, avec Paris qui continue de se placer parmi travail comme une contribution pour un débat les toutes premières capitales mondiales, dans le renouvelé sur la place européenne de nos grandes rayonnement et le poids de la France en Europe. villes. Alors qu’il y a une dizaine d’années, seule Lyon paraissait en mesure d’accrocher le peloton de Portant sur 180 villes de plus de 200 000 tête des premières villes européennes, les grandes habitants, cette étude représente un travail métropoles que sont Marseille, Toulouse ou encore systématique et extrêmement complet réalisé par la Lille, Strasbourg, Bordeaux ou Nantes sont Maison de la géographie de Montpellier, sous la désormais en bonne place au regard de nombreux coordination scientifique de Mmes Céline Rozenblat critères d’attractivité. et Patricia Cicille.
Pour autant, ce travail de comparaison montre La présente étude ayant pour point d’entrée également que nos grandes villes sont plus fortes de les agglomérations européennes, une approche des leurs fonctions de rayonnement culturel et universi- « régions-métropoles » pourra d’ailleurs utilement taire qu’elles ne le sont des grandes fonctions compléter ce travail, les relations entre villes, économiques directement créatrices de valeur (la régions urbaines et collectivités régionales consti- finance, la recherche, les grands groupes, les foires et tuant sans aucun doute un aspect majeur du dévelop- salons, etc.). pement des villes et de leur capacité à rayonner. De ce point de vue, le centralisme à la Mais la Datar n’entend pas seulement française – que l’on constate d’ailleurs également très explorer ce que sont aujourd’hui les métropoles fortement chez nos voisins anglais – limite toujours le européennes. nombre de villes françaises pouvant se hisser aux premiers rangs de la hiérarchie urbaine européenne. Il Dans le rôle de proposition et de coordi- y a là une inertie qui nuit à la France, notamment dans nation interministérielle qui est le sien en matière de le contexte d’une Europe élargie demain aux grandes politique d’aménagement du territoire, elle souhaite capitales de l’Europe centrale et orientale. que l’Etat et les collectivités se retrouvent autour d’une démarche structurante et partenariale dans ce De même, si l’armature urbaine française domaine. paraît pourvue de solides points d’appui - le rayonnement constaté des principales capitales Le développement et l’amélioration de régionales françaises les place en meilleure position l’offre métropolitaine des principales grandes villes que celle à laquelle elles pourraient prétendre de par françaises doit être un nouvel axe fort d’aména- leur poids démographique - les concentrations urbai- gement du territoire au service d’un meilleur nes sont rares hors de l’Ile-de-France et font apparaître équilibre du territoire et d’une attractivité écono- des capitales régionales assez isolées, au sein de mique, sociale et culturelle renforcée de la France en territoires régionaux parfois faiblement peuplés. Europe.
COMPARER LES VILLES EUROPÉENNES La plus forte transformation de l’es- ces mouvements généraux, se développent pace européen depuis deux siècles est des spécificités propres à chaque métro- certainement son passage d’une société à pole. Certaines villes comptent plus que dominante rurale à une société urbaine. d’autres dans certains domaines économi- Aujourd’hui, plus des deux tiers de la ques, scientifiques, culturels, ou de trans- population vivent en ville, dont plus de port. Certaines aussi se singularisent par la moitié dans les plus grandes. Dans des fonctions spécifiques. l’Europe (ici délimitée à l’est par Moscou et Istanbul), plus de deux cents agglomé- rations urbaines ont plus de 200 000 QUINZE ANS APRÈS LES PREMIÈRES habitants et regroupent environ 40 % de ÉTUDES la population. La répartition des villes sur le continent européen est assez Ces mutations de plus en plus rapides homogène, avec toutefois une concentra- qui, en premier lieu, affectent les villes, tion plus forte de plusieurs conurbations justifient amplement de faire le point dans la dorsale rhénane : Cologne-Bonn, aujourd’hui sur ces transformations et Duisbourg-Essen-Bochum-Dortmund, sur les positions relatives des villes dans Düsseldorf-Wuppertal, pour ne citer que le système urbain européen en pleine les plus grandes. construction. L’élargissement de l’Union euro- péenne aux pays de l’Europe de l’Est fera Cette recherche arrive près de quinze glisser le centre de gravité de l’Europe ans après les premières études compa- urbaine de plusieurs centaines de kilo- rant les villes européennes selon des cri- mètres depuis la Ruhr, où il se trouve tères multiples (Brunet, 1989 ; Cheshire actuellement, vers le centre de l’Alle- et Hay, 1989 ; Conti et Spriano, 1990). magne. Ce nouveau positionnement Depuis, seuls quelques chercheurs ont relatif des villes va jouer de plus en plus entrepris de renouveler l’analyse sur un fortement en accélérant ou freinant leur échantillon large de villes et avec une intégration européenne. approche rigoureuse de la comparabilité À l’Ouest, la construction européenne de plusieurs indicateurs (Cattan et al., est déjà bien entamée, et le système des 1999). Sans doute n’était-ce pas un villes en phase de consolidation. Des besoin urgent puisque la forte inertie des mutations sociales, techniques et cultu- systèmes urbains ne rend visibles des relles se diffusent rapidement de ville en changements significatifs que tous les ville, orientant leur devenir vers un destin cinq ans, voire tous les dix ans. Sans commun auquel elles participent et en doute aussi, les préoccupations étaient subissent simultanément les effets. Les plus tournées vers l’échelle mondiale et États régulent moins fortement qu’aupa- l’échelle locale (Sassen, 1996, Castells, ravant ces processus internationaux aux- 1998) que vers le niveau européen inter- quels les régions et les villes sont médiaire où les mutations politiques affrontées directement. Parallèlement à dominaient le débat. 9
Les villes européennes Il faut également évoquer les diffi- puissance économique effective. Le poids cultés des études empiriques compara- économique des villes est en effet un fac- tives, l’Europe ayant beaucoup de mal à teur difficilement mesurable car la pro- se doter d’appareils statistiques compa- duction urbaine n’est pas toujours rables à l’échelon urbain (Audit urbain, comptabilisée sur place puisqu’elle est en 2000). Dans cette période toutefois, grâce grande partie en réseau : d’où le problème à Internet et à l’importance prise par l’in- des PIB urbains mais aussi des calculs de formation à tous les niveaux de gestion et valeurs ajoutées régionales. Pour toute- d’anticipation entrepreneuriale ou terri- fois conserver cet autre éclairage de la toriale, les statistiques sont devenues réalité des villes, nous avons complété le dans de nombreux domaines plus fiables classement obtenu par des informations et plus diversifiées. Il n’en demeure pas concernant les types d’activités économi- moins une grande difficulté à extraire ques et la diversité industrielle des villes. des indicateurs pertinents et homogènes La seconde raison est le type des pour toutes les villes, notamment sur les mesures utilisées. L’étude de Roger aspects économiques et sociaux. Brunet se basait sur un certain nombre de critères qualitatifs par défaut de L’élaboration de l’étude a été envi- quantification fiable. Une excellente sagée de manière explicite comme une connaissance du terrain et la consulta- « réactualisation » de la publication de tion d’experts ont, pour de nombreux Roger Brunet sur les villes « européennes » aspects, permis d’évaluer la position rela- de 1989. Nous en avons conservé l’ap- tive des villes. Dans cette étude, nous proche exhaustive et la méthode de clas- avons toujours utilisé des critères quanti- sement. Toutefois, les comparaisons fiés ou des fréquences de fonctions directes entre les deux études sont comme les banques ou les musées dont le hasardeuses, voire impossibles pour rayonnement a été évalué par des orga- deux raisons principales. nismes spécialisés. Ceci a l’avantage de La première raison est la différence hiérarchiser les villes de manière plus des critères utilisés. À près de quinze « objective », même si chaque mesure ans d’intervalle, il était normal de recon- trouve toujours des limites que nous pré- sidérer les critères de comparaison. cisons à chaque fois (voir annexes). Certains sont devenus obsolètes pour L’étude offre un panel de quinze varia- différencier notablement les villes, et bles qui sont réunies de manière exhaus- nous avons dû les abandonner. Par tive sur l’ensemble des villes de plus de exemple, les technopoles ou les centres 200 000 habitants. de communication sont aujourd’hui pré- sents dans toutes les villes et ne permet- tent donc plus de distinguer une CLASSEMENT SYNTHÉTIQUE quelconque innovation en la matière. En ET ANALYSE DES POSITIONS RELATIVES revanche d’autres aspects ont émergé DES VILLES dans le rayonnement des villes. Il s’agit pour la plupart, de critères culturels et Un classement synthétique résume d’intégration dans des réseaux de trans- les positions des villes pour l’ensemble port ou de recherche. Ainsi, l’étude s’at- des indicateurs. Ce classement est à la tache plus à mettre en évidence la fois l’aboutissement d’une série d’indica- réunion d’un ensemble de conditions teurs et le point de départ d’une analyse offrant aux villes des potentiels de rayon- plus approfondie sur les structures et nement européens, que de mesurer leur dynamiques des grandes agglomérations 10
Comparer les villes européennes A. La population des villes européennes en 1990 Population en milliers d'habitants en 1990 (agglomérations de 200 000 habitants et plus, sauf Luxembourg et Metz) 11 500 3 500 Villes de la 80 zone d'étude 0 350 km ©MGM-UMR ESPACE 2002 Source: GEOPOLIS, 1993 11
Les villes européennes d’Europe occidentale. La recherche a été STRUCTURES NATIONALES menée en quatre étapes : ET INTÉGRATION EUROPÉENNE 1. une explication du choix des « villes DU RÉSEAU DE VILLES européennes » étudiées et des indica- teurs utilisés; Les structures nationales influencent 2. une revue analytique des quinze les villes de deux manières distinctes. indicateurs permet de révéler les dyna- D’une part, la puissance économique des miques urbaines et les fonctions interna- pays détermine encore en partie la puis- tionales majeures ; sance et la position européenne de leurs 3. un classement général des villes villes. D’autre part, à chaque pays cor- qui permet une analyse synthétique de respondant une forme particulière d’ar- ces indicateurs et qui révèle le rayonne- mature urbaine, les concentrations des ment global des villes; activités dans les grandes villes peuvent 4. une confrontation entre ce classe- être très variables, en fonction notam- ment et le poids démographique des ment des spécificités des structures ins- villes, suivie d’une typologie des spéciali- titutionnelles nationales. C’est le cas sations relatives sur les quinze indica- notamment pour les universités alle- teurs et complétée par des informations mandes, belges et suisses qui sont, plus plus générales sur la diversité écono- qu’ailleurs en Europe, nombreuses et dif- mique et industrielle des aggloméra- fuses hors des grandes villes. La mesure tions, permettant de qualifier davantage des grandes villes ne prend en compte l’assise de leur rayonnement. dans ce cas qu’une partie plus faible La place de certaines villes dans le qu’ailleurs de l’activité nationale, sem- classement ne manquera pas d’étonner blant « affaiblir » certains réseaux le lecteur. Ces villes sont souvent répu- urbains nationaux. Ainsi, les études sur tées pour une fonction particulière dans les villes se distinguent nettement des laquelle elles ont une spécialisation très approches nationales ou régionales, poussée, mais n’ont pas toujours un développées par ailleurs, qui prennent développement équilibré de l’ensemble en compte de manière plus exhaustive des fonctions prises en compte dans l’activité des territoires. Elles les com- l’étude. C’est le cas, par exemple, de plètent toutefois en soulignant l’activité Francfort, relativement mal classée par agglomérée qui bénéficie d’une mise en rapport à une certaine image véhiculée réseau plus directe avec les autres villes par la presse économique. Francfort est d’Europe, par le biais des canaux inter- certes une place financière et un nœud urbains qui favorisent les diffusions et aérien de première importance, mais les échanges. pour un grand nombre d’autres fonctions (recherche, culture), son rayonnement Par les réseaux urbains qui tissent de demeure relativement modeste. A l’in- plus en plus d’interdépendances entre verse, Amsterdam pourra apparaître les villes, des processus mondiaux ou comme « surclassée ». Elle réunit, face à continentaux touchent l’ensemble des Francfort, un plus grand nombre de villes. Celles-ci en sont affectées avec des domaines à fort rayonnement. rythmes et des intensités variables selon la forme et l’ampleur et leur intégration. Ainsi, l’analyse comparative des villes européennes met bien en évidence un double processus : d’une part, un pro- cessus commun de transformation des 12
Comparer les villes européennes villes ; d’autre part leur spécialisation urbains. C’est donc un cadre assez relative issue de développements locaux, pertinent pour les mesures et les régionaux, nationaux ou de réseaux, pla- comparaisons nationales et inter- çant certaines villes en position originale nationales du poids économique des par rapport à l’ensemble. villes. C’est, sans doute, la raison pour L’étude caractérise ce qui fait l’origi- laquelle l’Organisation des Nations nalité de chacune des plus grandes unies et différentes organisations agglomérations européennes. Elle internationales préconisent, depuis plus permet d’identifier les niveaux de rayon- de 30 ans, d’utiliser cette définition dans nement des agglomérations et la spécia- chaque pays. lisation de leur insertion dans les réseaux européens. C’est là l’ambition Les régions urbaines regroupent principale de cette étude face à laquelle toutes les zones (même rurales) qui sont il faut rester modeste et développer des dépendantes d’un centre urbain, en interprétations qui demeurent limitées à particulier pour l’emploi. Elles sont, le ce cadre. plus souvent, définies à partir d’un certain seuil de population active se rendant à la ville centre (ou dans LE CONCEPT DE LA VILLE EN EUROPE l’agglomération) pour exercer une activité. La plupart du temps, cette Comparer les villes européennes définition est moins utilisée pour isoler nécessite de s’attarder sur le concept de une entité urbaine que pour effectuer ville à retenir, afin de délimiter les villes une régionalisation autour des pôles de la même manière et de choisir les principaux. Ces régions urbaines sont, villes à prendre en compte dans l’étude. en effet, particulièrement pertinentes La mesure de l’objet urbain a été pour suivre l’étalement urbain. Toute- longuement traitée dans la littérature fois, cette délimitation n’existe pas dans spécialisée (Pumain et al. 1991). On peut tous les pays, car elle est bien plus en extraire trois grands groupes de difficile à mettre en œuvre que les deux méthodes de délimitation comparables précédentes. En Europe, elle n’est des villes qui correspondent à des enjeux appliquée par les Instituts nationaux de différents. statistiques qu’en France, en Italie, en Suisse, en Belgique, au Luxembourg et Les collectivités urbaines sont définies aux Pays-Bas. En France, l’INSEE a par des limites administratives ou par réalisé, en 1997, à partir des navettes leur statut juridique (ville, communauté entre lieux de travail et de résidence urbaine, district urbain…). La ville, (1990), un zonage en 361 aires urbaines. ainsi délimitée, est le plus souvent Refait en 2001, à partir des résultats du étudiée sous l’aspect de sa gestion recensement de 1999, le zonage obtenu (finances urbaines, équipements et ne comporte plus que 354 aires urbaines. organisation des pouvoirs dans la ville), Une aire urbaine est constituée d’un pôle ce qui renvoie à la gouvernance urbaine. urbain et des communes de la couronne périurbaine, dans lesquelles au moins Les agglomérations urbaines sont 40 % des actifs résidents vont travailler définies d’après la continuité du bâti. dans l’aire urbaine. Cette partie agglomérée des villes Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui regroupe en Europe une grande part des ont tendance à vouloir privilégier les activités, des fonctions et des emplois régions urbaines pour définir les villes. 13
Les villes européennes Toutefois, leur large extension en SÉLECTION DES VILLES ET DES surface, ainsi que la grande difficulté à INDICATEURS déterminer leurs contours, à partir de critères simples, rendent leur utilisation À partir de la délimitation des agglo- très délicate dans les comparaisons mérations, nous avons retenu un certain internationales en termes de poids nombre de villes1 à partir de leur poids démographique et économique. démographique. Le seuil de 200 000 habitants a été choisi non seulement Nous avons ainsi choisi, dans cette parce qu’il permet d’observer d’éven- étude, de considérer les villes dans leur tuelles évolutions par rapport aux délimitation en tant qu’agglomérations études précédemment menées, mais urbaines, ce qui permet d’harmoniser au aussi, et surtout, parce qu’il semble que mieux les comparaisons. Ainsi, les ce niveau de population définisse agglomérations sont toutes délimitées aujourd’hui encore un seuil pertinent selon le même critère de continuité du pour inclure les villes qui peuvent pré- bâti, et toutes les données sont collectées tendre jouer un rôle réel au niveau conti- dans ce cadre. nental. C’est, en effet, à partir de cette Dans la plupart des cas, cette taille que les villes européennes peuvent délimitation correspond bien à la logique bénéficier simultanément de plusieurs concentrique de l’organisation des villes fonctions leur donnant un rayonnement européennes. Toutefois, dans de rares à l’échelle de l’Europe, comme un aéro- cas, des politiques historiques spécifiques port avec des liaisons internationales ou des sites d’extension particuliers ont directes, un accès autoroutier, des liai- pu rendre cette délimitation insuffisante. sons ferroviaires multiples, une chambre C’est le cas, par exemple, de Londres, de commerce et des institutions locales dont la ceinture verte historique permettant une animation économique, provoque une discontinuité de fait entre sociale et culturelle tout au long de le centre et les extensions périphériques. l’année. Cependant, la démarche de délimitation Notre espace d’étude se limite aux par l’agglomération urbaine entraîne, quinze pays de l’Union européenne, plus finalement, peu de risques, eu égard à la Suisse et la Norvège. Dans cet espace, l’objectif de l’étude. En effet, les fonctions nous avons recensé 178 villes dont l’ag- urbaines considérées sont celles qui glomération urbaine totalisait plus de privilégient les localisations les plus 200 000 habitants en 1990. Cette étude centrales, parce qu’elles profitent le plus ayant été commencée en 2000, tous les des avantages des économies d’échelle et recensements n’étaient pas encore d’urbanisation liées à l’agglomération. La rendus publics et, a fortiori, les nouvelles plupart d’entre elles ont donc peu de délimitations des agglomérations. Nous chance de se situer dans les périphéries avons pu mettre à jour les populations lointaines des aires urbaines. (2000) dans les découpages 1990 puisque les nouveaux ne sont pas encore disponi- bles. Nous avons estimé logique d’ajouter à cet échantillon la ville de Luxembourg2, du fait de son rôle de capi- tale de pays et d’accueil d’institutions 1. Dans la suite du texte, les termes « agglomération » et « ville » sont employés indifféremment. 14 2. Luxembourg faisait partie de l’étude Les Villes européennes de 1989.
Comparer les villes européennes B. Les agglomérations d’Europe occidentale de plus de 200 000 habitants1 en 1990 Tampere Turku Helsinki Oslo Stockholm Göteborg Copenhague Malmö Glasgow Édimbourg Newcastle Belfast Middlesbrough Rostock Kiel Preston Blackpool Leeds Kingston Lubeck Liverpool Amsterdam Hambourg Dublin Sheffield Brême Derby Haarlem Utrecht Hanovre Manchester Berlin Nottingham Leiden Nimègue Osnabrück Brunswick Stoke-on-T. Leicester La Haye Arnhem Magdebourg Birmingham Coventry Enschede Halle Rotterdam Munster Leipzig Dresde Cardiff Bristol Luton Southend- Breda Dusseldorf Essen Kassel Londres on-Sea Cologne Swansea Chatham Anvers Eindhoven Erfurt Chemnitz Aldershot Bielefeld Bournemouth Gand Bruxelles Heerlen Brighton Lille Aix-la-Ch. Coblence Liège Béthune Charleroi Francfort Portsmouth Lens Mons Darmstadt Plymouth Southampton Valenciennes Wiesbaden Nuremberg Le Havre Luxembourg Sarrebruck Mannheim Vienne Rouen Karlsruhe Metz Augsburg Linz Reims Paris Nancy Stuttgart Brest Strasbourg Munich Salzbourg Rennes Fribourg Graz Orléans Mulhouse Angers Dijon Bâle Zurich Tours Berne Nantes Lausanne Venise Trieste Genève Bergame Padoue Clermont-Ferrand Lyon Milan Brescia Vérone Saint-Étienne Turin Grenoble Bologne Bordeaux Gênes Nice Carrare Florence Gijon Saint- Montpellier Santander Sébastien Toulouse La Corogne Cannes Bilbao Marseille Salonique Toulon Vigo Vitoria Rome Bari Pampelune Caserte Valladolid Tarente Saragosse Salerne Porto Barcelone Naples Tarragone Athènes Madrid Palma de Majorque Cagliari Valence Messine Lisbonne Palerme Catane Alicante Cordoue Murcie Séville Grenade 0 350 km Cadix Malaga ©MGM-UMR ESPACE 2002 Source: UMR ESPACE, 2001 1. Luxembourg et Metz ont moins de 200 000 habitants, mais figurent dans la sélection. Seul le nom de la ville principale est mentionné pour les conurbations suivantes: Cologne-Bonn, Essen-Dortmund-Duisbourg, Düsseldorf-Wuppertal, Wiesbaden-Mainz, Sarrebruck-Forbach ; Genève-Annemasse ; Grasse-Cannes-Antibes, Lille-Roubaix-Tourcoing, Marseille-Aix-en-Provence ; Gijon-Oviedo ; Massa-Carrare-Viareggio ; Enschede-Gronau ; Leeds-Bradford. 15
Les villes européennes européennes, même si l’agglomération l’ensemble des agglomérations retenues. urbaine totalise un peu moins de 100 000 Ce classement est confronté avec la taille habitants. L’agglomération de Metz a démographique des agglomérations afin également été ajoutée à la sélection pour d’éviter la redondance liée aux effets de de tout autres raisons: population très masse et de repérer les villes qui s’éloi- proche du seuil retenu (193 000 habi- gnent positivement ou négativement de tants en 1990), aéroport commun avec la place que leur conférerait leur seul Nancy, capitale régionale aux nom- poids démographique. breuses autres fonctions administratives Enfin, nous nous sommes intéressées (cour d’appel, évêché, rectorat, siège de aux profils de spécialisation des villes. la région militaire Nord-Est, etc.). L’importance relative de l’ensemble des fonctions par rapport à la population des Sur l’ensemble des 180 agglomérations villes a été analysée de manière multiva- retenues, nous avons construit une base riée et a donné lieu à une typologie syn- de données comparables qui rendent thétique rendant compte des domaines compte des principales fonctions interna- de spécialisation des villes dans leur tionales. Cette base comporte 15 indica- rayonnement international. Dans un teurs : la population des agglomérations second temps, nous avons répertorié et en 2000, l’évolution de leur population de analysé les principales activités indus- 1950 à 1990, le trafic de marchandises trielles, ainsi que les autres activités des ports, les passagers des aéroports, majeures des villes. l’accessibilité des villes à l’échelle euro- Ces dernières approches apportent les péenne, les sièges sociaux des plus grands nuances nécessaires à un classement groupes européens, les places financières, qui, comme tout exercice de ce type, les foires internationales, les congrès donne une vision univoque et hiérar- internationaux, les musées, les touristes, chique. La réalité des villes européennes les sites culturels, les étudiants, l’édition est multidimensionnelle et nous avons des revues scientifiques et les réseaux de tenté de restituer, en partie au moins, la recherche européenne. les spécialisations et diversités qui com- L’analyse de ces indicateurs nous a posent la richesse du système urbain permis d’élaborer un classement de européen. 16
Les 180 agglomérations : analyse comparative
Les villes européennes 1. LE SEMIS DES VILLES EUROPÉENNES nationaux (par exemple, quel que soit le mode de transport, les échanges intrana- La hiérarchie des agglomérations tionaux entre villes dominent les européennes forme une pyramide à large échanges internationaux). L’histoire base, c’est-à-dire qu’il y a peu de très politique de chaque pays explique des grandes villes et un grand nombre de hiérarchies urbaines plus ou moins pro- villes moyennes. Paris et Londres, avec noncées selon la forme du pouvoir terri- respectivement 9,5 et 7,3 millions d’habi- torial. La primauté absolue de certaines tants en 2000, se détachent nettement capitales (Paris, Londres, Vienne ou au niveau supérieur d’une hiérarchie Athènes) n’a pas permis la croissance urbaine répartie en 6 classes. d’autres très grandes villes nationales. Paris et Londres, proches l’une de Au niveau infranational, on constate l’autre (400 km), contrebalancent les de fortes concentrations de population fortes concentrations urbaines de dans certaines métropoles régionales. l’Europe médiane où Essen est la plus C’est le cas de Lyon et Marseille, mais grande conurbation (4,7 millions). Dans aussi de Munich et Hambourg. Dans des la même classe que Essen, cinq autres régions moins denses, on trouve encore villes sont capitales politiques ou écono- de plus fortes concentrations relatives miques de leurs pays : Madrid et comme Toulouse, Bordeaux, Nantes, Barcelone en Espagne, Milan en Italie, Clermont-Ferrand, Dijon, Porto, Va- Berlin en Allemagne et Athènes en lence, Séville, Naples, Copenhague, Grèce. Berlin et Stuttgart. À l’inverse, les Dans la troisième classe (1,5 à 3 mil- régions traditionnellement les plus lions), la France n’a aucune aggloméra- denses ont un semis de grandes villes tion, alors que l’Allemagne en a quatre fortement concurrentes. Ces régions (Cologne, Düsseldorf, Hambourg et s’étendent de la Grande-Bretagne à la Munich), le Royaume-Uni en a trois Lombardie, en passant par le Benelux, la (Manchester, Birmingham et Leeds), Ruhr et les Alpes. l’Italie, deux de même taille (Rome et Un dernier trait, banal mais pourtant Naples). C’est dans cette même classe majeur, de l’urbanisation est son déve- qu’apparaissent quatre capitales : Bru- loppement le long des axes (notamment xelles, Lisbonne, Vienne, et Stockholm. fluviaux et côtiers). Si ce caractère est Dans la quatrième classe, les plus historique, il se voit aujourd’hui renforcé grandes agglomérations des autres pays par les voies rapides qui les doublent, n’ont que de 1 à 1,4 million : Rotterdam permettant aux villes des échanges plus et Amsterdam aux Pays-Bas, Copen- fréquents et plus nombreux qui renfor- hague au Danemark, Dublin en Irlande, cent leur position relative. Helsinki en Finlande. Zurich en Suisse, et Oslo, capitale de la Norvège, n’apparaissent que dans la cinquième classe (500 000 à 1 million), qui compte 36 villes. La centaine de villes de moins de 500 000 habitants, forme la sixième classe. Les structures des États ont façonné des systèmes urbains aujourd’hui encore largement intégrés dans leurs réseaux 18
Les 180 agglomérations : analyse comparative 1. La population en 2000 Population en 2000 (en milliers d'habitants) 9 500 3 000 81 Population en 2000 (en milliers d'habitants) Classes Plus de 7 000 1 3 190 à 4 700 2 1 640 à 2 860 3 1 040 à 1 420 4 490 à 960 5 80 à 460 6 0 350 km ©MGM-UMR ESPACE 2002 Source: Offices nationaux et régionaux de statistiques, 2002 19
Les villes européennes 2. LA DYNAMIQUE DES VILLES France (Montpellier, Cannes), ou en Grèce EUROPÉENNES (Salonique). À quelques exceptions près — Athènes, Dublin, Helsinki et Milan — les La croissance des villes sur une longue villes du type 2 sont dans la péninsule période révèle des cycles généraux Ibérique ou en France. Quelques villes de d’adaptation aux phases économiques et Grande-Bretagne (Aldershot et Luton), de aux nouveaux modes de vie des sociétés. France (Orléans, Reims) ont bénéficié de la Ces cycles se diffusent de ville en ville, déconcentration de l’activité depuis leur plus ou moins rapidement et fortement capitale. D’autres ont particulièrement selon l’intensité de l’intégration des villes profité des décentralisations, comme Bre- dans les processus économiques et da, Leiden et Eindhoven aux Pays-Bas, ou sociaux qui les provoquent. Rostock en Allemagne orientale. Les villes Afin de mettre en évidence la place de du type 3, qui ont enregistré une crois- chaque ville dans ces cycles, nous avons sance moins prononcée, sont disséminées effectué une typologie de leurs trajectoires en France, Italie, Suisse, Allemagne et démographiques de 1950 à 1990 en reti- Pays-Bas. Les villes des types 4 et 5 ont rant l’effet de taille. Toutes les popula- connu une croissance continue jusque vers tions des villes ont été fixées à 100 en 1950 les années 1970, puis une relative stagna- dans leur délimitation de 1990 : ceci évite tion de leur population. La plupart des de provoquer des bonds de croissance en villes allemandes et néerlandaises sont cas d’annexion d’une ville voisine. dans ces types. À l’inverse, les villes du Le dynamisme démographique des type 6 ont vu leur population stagner jus- villes est presque toujours considéré qu’à la fin des années 1960, puis décroître comme positif par les pouvoirs locaux et entre 1970 et 1990. En moyenne, la dimi- par les habitants, parce qu’il est syno- nution ne dépasse pas 20 % de la popula- nyme d’attractivité. Ainsi, le classement tion sur l’ensemble de la période. Ces villes effectué a primé les plus fortes croissances sont très concentrées géographiquement comme des atouts pour les villes. Il faut en Grande-Bretagne, et n’apparaissent ail- toutefois nuancer : une faible croissance a leurs que de façon sporadique comme pu être un atout pour alléger les centres Leipzig en Allemagne, ou Trieste en Italie. villes et leur permettre de manière plus La dernière période (1990-2000) n’a flexible de régénérer leur activité. Toutes pas été prise en compte à cause de nom- les villes européennes n’ont pas subi ces breuses incompatibilités entre les chif- mouvements en même temps, ni avec la fres publiés aux deux dates, qu’il reste à même intensité. La typologie fait ressortir réajuster lors d’un travail qui dépasse le en premier lieu les décalages des pays cadre de cette étude. D’après les études dans les processus de transition urbaine nationales et régionales, l’opposition et démographique, qui se sont diffusés des Nord-Sud des dernières décennies s’es- pays du Nord (hormis la Finlande et tompe, les mouvements se diversifiant à l’Irlande, plus tardives) vers les pays du l’intérieur de chaque pays. En Sud (hormis l’Italie, plus précoce). Allemagne, par exemple, la baisse s’est Toutes les villes des types 1, 2 et 3 ont globalement ralentie, masquant des connu, sur la période, une croissance situations très diverses : baisses dans démographique continue. Les villes qui ont beaucoup de villes est-allemandes comme le plus crû (type 1) ont en moyenne plus Dresde ou Leipzig, en partie au bénéfice que doublé leur population en 40 ans. Elles de Berlin qui a rapidement attiré de nou- sont principalement localisées en Espagne velles populations après les changements (dont Madrid), mais aussi dans le Sud de la politiques majeurs du début de la 20
Les 180 agglomérations : analyse comparative 2. Évolution de la population des villes de 1950 à 1990 Population en 1990 (milliers d'habitants) 9 300 3 000 110 Types d'évolution démographique de 1950 à 1990 d'après une classification ascendante hiérarchique Population en indice (base 100 pour 1950) 300 Types 1 260 2 3 4 220 5 6 180 Moyenne 140 100 60 1950 1960 1970 1980 1990 0 350 km ©MGM-UMR ESPACE 2002 Source: GEOPOLIS, 1993 décennie. En France, la croissance s’est population croître de façon significative ralentie dans un certain nombre de comme, par exemple, Londres, Édim- villes, à l’exception de Toulouse, bourg et Cardiff. En Espagne, la forte Bordeaux, Nantes et Montpellier. En croissance s’est considérablement Grande-Bretagne, des villes qui étaient ralentie (à l’exception de Valence). Aux en décroissance continue depuis 1950 ont Pays-Bas, presque toutes les villes ont vu au cours de la dernière décennie leur connu une croissance soutenue. 21
Les villes européennes 3. LES VILLES, italien qui assure pour une grande part les PORTS DE COMMERCE MARITIME relations européennes de marchandises avec les îles (Corse, Sardaigne, Sicile) et le Nous avons traité le transport mari- Maghreb. Gênes, Trieste, Tarente et time sans tenir compte du transport flu- Venise se situent toutefois plus loin dans vial dont le poids est bien moindre dans le classement, dans des ordres de gran- les échanges. De plus, les ports fluviaux, deur comparables. Le Havre, 5e port euro- dans leur très grande majorité, sont péen, doit ses forts trafics au port fluvial situés hors des grandes villes ou bien de Paris et, malgré son trafic d’un tiers comme à Duisbourg (conurbation d’Essen) plus faible que celui de Marseille, il le ou à Paris, ce sont en fait des agrégats de devance de loin pour le trafic par conte- très nombreux ports linéaires répartis sur neurs en se plaçant au 8e rang européen des kilomètres de fleuve. Par ailleurs, les (16e pour Marseille). Parmi nos villes, le grands ports maritimes, tels Rotterdam, premier port méditerranéen pour le trafic Anvers et Le Havre ont de très forts tra- de conteneurs est Barcelone. Amsterdam fics fluviaux. et Londres (respectivement 6e et 7e) doi- Les grandes villes européennes, ports vent aussi leurs trafics à leur développe- de commerce maritime (trafic annuel ment urbain. Londres, considéré supérieur à 2 millions de tonnes) ne sont aujourd’hui comme port maritime, main- qu’une cinquantaine. L’importance de leur tient une forte activité portuaire malgré la trafic est étroitement dépendante du déve- baisse générale des trafics britanniques loppement de leur arrière-pays. C’est, en (notamment à Southampton et Liverpool). effet, des fortes densités rhénanes et de la Les autres trafics portuaires sont plus dis- Randstad que découle historiquement la persés et variés, montrant des ports en taille du port de Rotterdam, aujourd’hui relation avec des économies moins puis- encore premier port mondial. Sa puis- santes : ports espagnols et scandinaves. sance multiséculaire lui a permis de En Scandinavie, les ports sont nombreux capter des trafics européens sur des por- et dédiés plus qu’ailleurs au transport de tées géographiques de plus en plus passagers. grandes, à mesure que sa taille grandis- La contribution de l’activité portuaire à sait et que les économies d’échelle se fai- l’économie urbaine est très variable d’un saient de plus en plus évidentes. Cette port à un autre. Cette relation dépend croissance cumulative a empêché tout beaucoup du type de marchandises et de autre port européen de se développer de l’intégration spatiale des sites portuaires façon similaire. Le trafic du port de dans la ville. C’est pourquoi de nombreux Rotterdam est presque trois fois plus élevé grands ports européens sont abrités par que celui d’Anvers qui se place au des villes de moins de 200 000 habitants, deuxième rang des ports européens, donc hors de cette étude. On peut, par relayant Rotterdam au sud, et dont l’ar- exemple, citer Dunkerque et Caen en rière-pays s’étend jusqu’à Lyon. Marseille France, Bruges en Belgique, Grimsby en obtient sa troisième place grâce aux Grande-Bretagne, Algésiras en Espagne, hydrocarbures qui irriguent par oléoducs ou encore Bergen en Norvège. Chacun a l’Europe rhénane, à partir du site de Fos. un trafic équivalent à celui de Marseille. Hambourg (4e place) organise la circula- On peut citer également Felixstowe tion entre les rives de la mer Baltique — (Grande-Bretagne) et Gioia Tauro (Italie), second axe de circulation maritime en ports sans développement urbain notable, Europe, au-delà de la mer du Nord. Le qui totalisent un trafic de conteneurs troisième axe est constitué par le littoral supérieur à celui de Gênes. 22
Les 180 agglomérations : analyse comparative 3. Le trafic des ports maritimes en 1999 Trafic portuaire total en 1999 (millions de tonnes) 300 85
Les villes européennes 4. VILLES ET AÉROPORTS tuaires d’Europe ont renforcé leur posi- tion dominante grâce à ces trois pro- Le réseau des villes aéroportuaires cessus à la fois. Londres, avec ses quatre engendre une forte hiérarchisation du aéroports, occupe le premier rang non territoire européen : d’un côté les villes seulement européen, mais également qui participent à ce réseau, de l’autre mondial (plus de 107 millions de passa- celles qui en sont exclues. La dérégle- gers en 2001). Paris arrive au deuxième mentation de 1993 n’a fait qu’accentuer rang européen avec plus de 73 millions cette tendance, les stratégies des compa- de passagers, mais ses deux aéroports gnies aériennes s’appuyant sur le renfor- (Orly et Roissy) sont largement saturés cement des capacités générales de prise aux heures de pointe. Toutefois, Paris a en charge des passagers par quelques accentué sa polarisation grâce à la aéroports pivots. Ceux-ci ont, en effet, constitution du groupe Air France. pratiqué la méthode du hub qui consiste Francfort et Amsterdam (respective- pour chaque compagnie en un rabatte- ment 3e et 4e) ont, en revanche, large- ment systématique du trafic sur quel- ment développé la fonction de hub, ques aéroports, de façon à accroître la notamment pour les charters. Francfort fréquence et la taille des avions et à a bénéficié d’avoir été choisi par rationaliser l’utilisation de la flotte et du Lufthansa comme principal pôle alle- personnel. mand, secondé par Munich et Düs- Le développement des aéroports seldorf. Il n’en reste pas moins qu’en interagit avec celui de la ville. Ainsi dehors de ces fortes polarisations, les l’élargissement de la zone d’influence capacités d’un aéroport sont, en général, des aéroports a renforcé les autres conformes à la position démographique moyens de transport, mais aussi l’ac- de la ville. Quelques surclassements cueil hôtelier, le développement de parcs apparaissent grâce à des fonctions tou- d’activités logistiques permettant la pro- ristiques pour Nice et Venise, parfois duction à flux tendus (comme Garonor renforcés par la position insulaire, près de Roissy-Paris), et de parcs d’en- comme pour Palma de Majorque. treprises favorisant l’implantation de Ceci crée une image de l’Europe glo- sièges sociaux d’entreprises (comme balement très simple, avec dans chaque Stockley Park à Londres). pays un ou deux pôles dominants (sauf Une conception récente de l’aménage- en Allemagne et en Espagne où ils sont ment a favorisé l’implantation d’aéroports au nombre de trois), et des aéroports communs à plusieurs agglomérations. régionaux secondaires. C’est le cas des quatre aéroports nommés sur la carte. Le trafic national et international de passagers des aéroports est le reflet de plusieurs processus : le rayonnement international ou national de la ville ; la fonction de hub, concentrant les arrivées et départs nationaux ou internationaux ; la fonction régionale par des aménage- ments multimodaux (ou gateway) alliant en général le rail et l’avion. Londres et Paris, les deux premières villes aéropor- 24
Les 180 agglomérations : analyse comparative 4. Le trafic de passagers des aéroports en 2001 Nombre de passagers en 2001 (millions) 110 30 < 0,2 Nombre de passagers en 2001 (millions) Classes Plus de 70 1 18 à 50 2 5 à 16 3 2à5 4 Munster- Osnabrück 0,2 à 2 5 Halle- Leipzig < 0,2 6 Metz- Nancy Bâle- Mulhouse- Fribourg 0 350 km ©MGM-UMR ESPACE 2002 Source: ACI 2002 et aéroports 25
Les villes européennes 5. L’ACCESSIBILITÉ prépondérance de l’avion comme mode DES AGGLOMÉRATIONS de transport privilégié. Dans la deuxième classe, Bruxelles L’accessibilité est une expression de arrive en tête avec 96 villes accessibles la centralité des villes dans le système dont 91 étrangères. De ce point de vue, qu’elles forment. Cette centralité les villes des petits pays à faible nombre confère aux villes un potentiel d’échanges de grandes villes sont relativement pri- plus ou moins élevé pour le développe- vilégiées par notre mesure. C’est le ment du rayonnement de leurs activités même phénomène qui place Amsterdam et de leurs fonctions. À l’heure des et Genève dans cette classe. Düsseldorf déplacements rapides de courte durée, qui s’intercale avant Genève doit sa forte nous avons choisi de mesurer cette accessibilité à une position centrale dans accessibilité par les possibilités d’allers- les villes très denses de la Ruhr. 105 retours dans la journée enre villes villes y sont accessibles dans la journée européennes en avion ou en train que (dont 30 en train), mais seulement 73 pratiquent beaucoup les cadres, chefs étrangères. d’entreprises et hommes d’affaires. Une Les villes de la troisième classe pré- enquête faite en 2001 par l’aéroport de sentent également des situations Toulouse montre que sur l’ensemble variées. Luxembourg ou Bâle ont accès à des passagers qui ont fréquenté l’aéro- un grand nombre de villes étrangères ; port, 28 % faisaient l’aller-retour dans Cologne et Francfort sont implantées la journée. dans une forte densité régionale de Dans le classement, nous avons privi- villes. Francfort et Londres ont une légié l’accessibilité vers les villes étran- accessibilité à un grand nombre de villes gères européennes en la comptant (respectivement 94 et 97), mais pour doublement, mais nous avons conservé plus du tiers, ce sont des villes de leur l’accessibilité nationale qui demeure un pays. Lyon et Bologne devancent d’ail- facteur déterminant de la mise en réseau leurs légèrement Londres, malgré un de l’activité des villes. Ce type de mesure accès à un nombre moindre de villes (res- crée moins de disparités que les autres pectivement 93 et 88), mais dont une indicateurs, du fait que beaucoup de plus grande part est étrangère. villes ont des accessibilités moyennes. Les villes de la quatrième classe ont Théoriquement, cette mesure peut une accessibilité moins forte que précé- varier de 0 à 358 (2 fois 179 villes sur un demment (entre 50 et 90 villes). On peut total de 180 villes de notre échantillon, toutefois noter des villes comme Toulouse, ce qui correspondrait à une ville, seule Barcelone, Rome et Venise, dont plus des dans son pays, accessible à toutes les trois quarts des villes accessibles dans la autres villes européennes). En réalité, la journée sont étrangères. C’est également valeur varie de 2 pour Messine en Italie, le cas d’autres villes, mais qui sont dans à 207 pour Paris. des pays où les grandes villes sont peu Paris est la ville la plus accessible du nombreuses : Vienne, Berne, Copenhague, système de transport européen avec 117 Graz, Anvers, Göteborg, Stockholm ou villes accessibles en aller et retour dans Salzbourg. la journée, dont 90 villes étrangères. Dans les classes suivantes, quelques Parmi ces villes connectées, 22 le sont villes donnent accès à plus de 50 villes, par le train alors que 95 le sont par mais une faible proportion sont étran- avion. La relativement faible densité de gères. Il s’agit, en ordre décroissant du villes autour de Paris explique cette forte nombre total de villes accessibles, de 26
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