Les villes, plaques tournantes migratoires du Sud bolivien

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Les villes, plaques tournantes migratoires du Sud bolivien
Les villes, plaques tournantes
  migratoires du Sud bolivien
                         Ceydric MARTIN
                           Démographe
                     Thèse soutenue en novembre 2005 :
Complexe migratoire et distribution spatiale de population dans le Sud bolivien.
     Enquêtes en milieux rural et urbain dans le département du Tarija.
   Université Paris V, Faculté des sciences humaines et sociales – Sorbonne

    Disponible sur : http://www.bondy.ird.fr/transfert/these_martin/

                     ceydricmartin@wanadoo.fr
Les villes, plaques tournantes migratoires du Sud bolivien
Introduction
  Le département du Tarija, localisé au sud-est de
la Bolivie, frontalier de l’Argentine et du
Paraguay, est inscrit dans les deux grandes unités
morpho-climatiques du pays. L’Occidente d’une
part, correspondant à la partie froide et aride des
Andes, qui concentre traditionnellement la
population. L’Oriente d’autre part, qui s’étend
des vallées subandines aux plaines de l’Amazonie
et du Chaco, espace à tendance chaude et humide,
faiblement peuplé jusqu’au début du XXe siècle,
et domaine des peuples autochtones.

  La population du département a triplé depuis
1950 et connu d’importants bouleversements
dans sa répartition spatiale. Ceci se traduit par :
- une forte urbanisation, puisque moins d’1/5 des
Tarijéniens vivaient en ville en 1950, alors qu’ils
sont près des 2/3 aujourd’hui,
- et par la colonisation de l’Oriente, qui est le
théâtre de croissances polarisées.

  A l’aide des résultats de la thèse de doctorat
soutenue au mois de novembre 2005, ce travail se
propose d’étudier ces changements à travers
l’analyse des mouvements migratoires vers et
depuis les villes de ce petit département.
Les villes, plaques tournantes migratoires du Sud bolivien
Matériel
         et méthode

  Ce travail s’appuie       essen-
tiellement sur des données
produites dans le cadre d’enquêtes
de migration réalisées dans le
Tarija entre 2001 et 2005. Ce
programme,                 nommé
FRONTARBOL, a été réalisé par
le projet « Migrations, population,
environnement » développé con-
jointement par l’IRD, l’UAJMS,
l’Institut   Français     d’Études
Andines (IFEA) et l’Université
Nationale de Cordoba (UNC).

  Au final, les 4 villes du département ont été enquêtées par échantillon représentatif : Tarija, la capitale départementale, et les
3 localités urbaines de l’Oriente : Villamontes, Yacuiba et Bermejo.

  Par ailleurs, 3 zones rurales ont aussi été recensées : celle de la vallée de Tolomosa, campagne traditionnelle des vallées
andines du centre ; celle de Caraparí, localité située proche de gisements gaziers majeurs ; et celle de Caigua, pour aborder la
croissance récente du piémont de la plaine du Chaco.

 Au total, plus de 2 500 foyers ont été enquêtés. L’objectif de ces collectes de données a été d’obtenir un panorama des
mouvements migratoires. Elles ont permis notamment de recenser au total plus de 5 000 déplacements de population.
Les villes, plaques tournantes migratoires du Sud bolivien
Des mouvements de population généralisés
De manière générale, l’analyse des données du programme FRONTARBOL révèle la généralisation de la migration, puisque :
         - seuls 18 % des chefs de ménage n’ont jamais migré
         - et qu’1/3 seulement des enfants qui ont quitté le foyer familial vit dans la même localité que leurs parents

  Le fait est d’autant plus notable que ces proportions restent fortes quel que soit le niveau socio-économique des ménages
et le milieu d’habitat (ville ou campagne, Occidente ou Occidente).

  Plus précisément, ces analyses permettent de révéler de nombreux schémas migratoires, dont nous exposerons les
principaux en traitant l’exemple de 2 localités urbaines, Tarija, la capitale départementale (Occidente) et Villamontes,
une ville moyenne de l’Oriente.

   Quartier « 1 de Mayo », périphérie en consolidation de Tarija, novembre 2003   Maisons d’adobe et de bois dans la périphérie de à Villamontes, juillet 2002
Les villes, plaques tournantes migratoires du Sud bolivien
Des dynamiques multiples et
                                                                                           contrastées
                                                                               La dichotomie de l’espace bolivien marque d’une
                                                                             forte opposition la dynamique des villes. A l’ouest,
                                                                             la capitale départementale – Tarija – est l’unique
                                                                             centre urbain, ce qui en fait une destination naturelle
                                                                             pour les immigrés en provenance de tout le quart
                                                                             sud-est de la Bolivie, qu’ils viennent de régions en
                                                                             crise (campagnes voisines, zones minières du Potosi,
                                                                             villes frontalières) ou qu’ils soient attirés par ses
                                                                             fonctions administrative et universitaire. Mais Tarija
                                                                             est aussi une ville d’où l’on part. L’émigration
                                                                             professionnelle y est importante, elle touche toutes
                                                                             les classes sociales, et se caractérise par une grande
                                                                             diversité des lieux de destination : les grandes villes
                                                                             du reste de l’Occidente, Santa Cruz, les
                                                                             agglomérations frontalières de l’Oriente (durant leur
                                                                             apogée commerciale), l’Argentine et même les
                                                                             Etats-Unis et l’Europe.
  A l’est, la dynamique urbaine diffère nettement, puisque trois villes petites ou moyennes n’ayant pas la même antériorité que
Tarija s’y sont développées récemment, au diapason de cycles économiques assez courts. Ainsi, l’exploitation des hydrocarbures,
le commerce transfrontalier et la colonisation agricole ont conditionné l’expansion et le déclin de Bermejo, Yacuiba et
Villamontes. Cette dernière concentre actuellement l’essentiel de la croissance urbaine du piémont. L’analyse des migrations
révèle que l’attractivité de ce petit centre régional, tout d’abord exercée sur le milieu rural avoisinant, s’est ensuite étendue aux
principales villes boliviennes, du fait des récentes découvertes de gisements gaziers. Ici non plus, immigration ne va pas sans
émigration, pour les riches comme pour les pauvres, qui sont à la recherche d’opportunités professionnelles et de formation, car
Villamontes reste une ville modeste. Ces départs montrent la place croissante de Santa Cruz comme destination, même si l’on
remarque d’autres mouvements significatifs vers les champs pétroliers de la zone subandine ou vers la capitale du département.
Conclusion
  Ainsi, les agglomérations du Tarija jouent le rôle        En bref :
traditionnel de réceptacle à l’exode rural. Mais si l’on    • le contexte économique et ses déterminants
quitte massivement les campagnes pour les villes, les       politiques favorisent la circulation ;
mouvements entre campagnes, ou entre villes et              • les déplacements se complexifient ;
campagnes ne sont pas marginaux, tandis que les             • et les villes se situent alors en position de plaque
mouvements villes-villes dominent, sans obéir               tournante, mais pas de façon stable et irréversible.
systématiquement à la hiérarchie des pôles.
                                                             Tout ceci laisse à penser que le Tarija est en phase
  De surcroît, la dimension temporelle des migrations      de transition, où l’équilibre traditionnel du
est elle aussi multiple :                                  peuplement est confronté à l’innovation des stratégies
• certains flux paraissent irréversibles (les mineurs de   migratoires.
la crise de 1985-86),
• d’autres sont itinérants (vers Tarija, puis Yacuiba ou     Même s’il est difficile de saisir de manière
Bermejo, ou l’Argentine),                                  exhaustive les différents types de déplacements, notre
• et l’on observe des mouvements à réversibilité           observation souligne bien l’émergence d’une
sporadique (par exemple entre Villamontes et les           complexité croissante des mouvements de
campements gaziers).                                       populations.
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