LOGER C'EST NOTRE MISSION - Soliha

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             C’EST NOTRE MISSION

FÉDÉRATION

                    LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS
                                                    2019
LOGER C'EST NOTRE MISSION - Soliha
Le présent document est la transcription des
échanges qui se sont tenus dans le cadre de
la rencontre nationale SOLIHA, du 12 Mars
2019 à la Maison de la Chimie, sur le thème
« La transition énergétique pour tous ».
Cette rencontre s’inscrit elle-même dans le
cadre de la Campagne « Énergie SOLIHA,
Rénover : une semaine pour y penser » qui
s’est déroulée dans tous les territoires du
11 au 16 Mars 2019.
LOGER C'EST NOTRE MISSION - Soliha
SOMMAIRE
  LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS
 •• Animation : Audrey PULVAR, journaliste

  OUVERTUREP.4
 •• Xavier de LANNOY, Président de la Fédération SOLIHA

  LES ENJEUX DE LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE	                                                                           P. 7
  PREMIÈRE TABLE RONDE AVEC :
 •• Serge PLANTON, Climatologue
 •• Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT, Co-animatrice du plan de rénovation énergétique des bâtiments
 •• Philippe PELLETIER, Président du plan bâtiment durable

  COMMENT ÉRADIQUER LES 3,2 MILLIONS DE PASSOIRES
  THERMIQUES DU PARC RÉSIDENTIEL PRIVÉ OCCUPÉES
  PAR DES MÉNAGES TRÈS MODESTES ?	                                                                                  P.16
  DEUXIÈME TABLE RONDE AVEC :
 •• Josette LABEGUERIE, Directrice de SOLIHA Landes
 •• Béatrice VESSILLER, Vice-présidente de la Métropole de Lyon en charge de la rénovation thermique des logements
 •• Valérie MANCRET-TAYLOR, Directrice générale de l’Agence nationale de l’habitat

  ET LES COPROPRIÉTÉS ?	                                                                                            P.25
  TROISIÈME TABLE RONDE AVEC :
 •• Magalye MERLIN, Cheffe de projet Eco Rénovons Paris de SOLIHA Paris Hauts-de-Seine Val-d’Oise
 •• Jean-Yves PRIEUR, Président du conseil syndical de la résidence rues Campo Formio Pinel
 •• Anne GIRAULT, Directrice générale de l’Agence parisienne du climat

  CLÔTURE	                                                                                                          P. 32
 •• Xavier de LANNOY, Président de la Fédération SOLIHA
 •• Julien DENORMANDIE, Ministre de la ville et du logement

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OUVERTURE
XAVIER DE LANNOY, Président de la Fédération SOLIHA

Le Mouvement SOLIHA est heureux de vous accueillir cet après-midi à cette rencontre consacrée
à la transition énergétique pour tous. Je remercie Audrey Pulvar d’avoir accepté d’animer
nos débats. Je remercie également de leur présence l’ensemble des partenaires qui se sont
engagés auprès de SOLIHA dans le cadre de son action en faveur de la transition énergétique. Je
remercie enfin les services fédéraux pour l’organisation de cette manifestation qui constitue le
point d’orgue de la campagne nationale sur la rénovation énergétique organisée par SOLIHA du
11 au 16 mars 2019, et intitulée « L’Énergie SOLIHA, Rénover : une semaine pour y penser ».

Cette campagne a pour objectif d’informer les ménages à revenus modestes sur les dispositifs
d’aide à la rénovation énergétique, de les sensibiliser aux gestes écologiques et aux économies
d’énergie et de les renseigner sur les travaux prioritaires à réaliser dans leur logement. Les
associations SOLIHA ont ainsi organisé cette semaine plus de 400 événements, dont la liste est
disponible sur notre site, soliha.fr.

Notre mobilisation est totale face aux défis de la transition énergétique. Nous demeurons
néanmoins attentifs au sens et aux finalités des nombreux dispositifs et politiques publiques
mis en œuvre. Les actions de la transition énergétique promouvront-elles davantage de
solidarité ou risquent-elles encore d’exclure ceux qui ont besoin d’actions qui leur sont pourtant
indispensables ? Aucune alternative n’est selon nous envisageable : la transition énergétique
doit concerner l’ensemble de la population. Il nous a cependant semblé utile de vous proposer
cet après-midi un temps de réflexion sur les moyens de construire une transition énergétique
solidaire.

Ainsi, trois tables rondes se succéderont. Après avoir présenté les enjeux de la transition
énergétique, nous verrons que si des réponses sont déjà apportées, nous devons néanmoins
poursuivre les efforts pour contribuer plus efficacement à la lutte contre la précarité énergétique,
contre le dérèglement climatique et pour la préservation de l’environnement.

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En effet, la lutte contre la précarité énergétique demeure un défi important. La France compte
7,4 millions de passoires énergétiques, dont 3,1 millions sont occupées par des ménages très
modestes, qui subissent souvent les fractures numérique, territoriale et sociale. À travers nos
actions pour l’amélioration de l’habitat des personnes défavorisées, fragiles et vulnérables,
notre Mouvement est devenu, par son expérience de terrain, le premier acteur de la
lutte contre la précarité énergétique. Dès 2011, nous nous sommes mobilisés en faveur de
cet objectif, conscients que l’habitat constitue un enjeu environnemental fondamental. Nos
2 000 conseillers habitat, thermiciens et conseillers en économie sociale et familiale ont ainsi
accompagné plus de 150 000 projets dans le cadre du programme « Habiter Mieux » piloté
par l’Anah. Ces projets ont permis à autant de ménages de vivre plus confortablement et de
faire des économies. Ces dizaines de milliers de chantiers, dont le coût s’élève à 17 000 euros
en moyenne, ont de plus apporté du travail aux artisans locaux et induit des gains énergétiques
de 40 % en moyenne, contribuant ainsi à la diminution des émissions de gaz à effet de serre.
Cette action a été évaluée et encouragée par la Cour des comptes dans son rapport du
4 avril 2018 sur le programme « Habiter Mieux » de l’Anah. Il est stimulant que la Cour se

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SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019

                                    félicite du caractère très social de ce dispositif, dont 83 % des bénéficiaires disposent
                                    de ressources très modestes. La Cour souligne également la valeur ajoutée du programme
                                    « Habiter Mieux », par opposition aux guichets ouverts sans évaluation probante à ce jour. Elle
                                    relève en outre l’importance de l’accompagnement social du ménage, depuis la réalisation
                                    d’un audit global permettant de proposer aux ménages des travaux générateurs de gains
                                    énergétiques substantiels, jusqu’à la finalisation du chantier. La Cour met enfin en évidence
                                    l’importance de la visite du logement en début et en fin de chantier.

                                    Il convient à présent de massifier la rénovation énergétique des logements. En effet, les
                                    résultats sont aujourd’hui insuffisants. Nous sommes conscients de cet enjeu et en soulignons
                                    l’importance. Cependant, le programme « Habiter Mieux » a permis depuis 2011 de rénover
                                    305 584 logements, ce qui prouve son efficience, en particulier pour les propriétaires occupants
                                    très modestes. Ce chiffre souligne également le taux important de passages à l’acte à mettre
                                    au crédit de tous ceux qui travaillent autour de ce programme : associations, entreprises du
                                    bâtiment, acteurs économiques et collectivités territoriales. J’observe par ailleurs que les
                                    locataires demeurent l’angle mort du plan de rénovation énergétique en cours, alors
                                    qu’ils doivent assumer à la fois loyer et charges.

                                    Enfin, l’idée de s’appuyer sur un premier geste de rénovation énergétique pour s’inscrire
                                    dans un parcours vertueux de rénovation par étapes semble intéressante. Cela permettrait
                                    en effet de déclencher l’appétence des ménages pour une rénovation progressive. Une telle
                                    orientation risque toutefois de mettre à l’écart une partie de ceux pour qui cette démarche est
                                    la plus difficile. C’est la raison pour laquelle notre Mouvement reste fermement attaché
                                    au programme « Habiter Mieux sérénité », qui a reçu les encouragements de la Cour des
                                    comptes, qui a démontré son efficacité et qui permet chaque année de réaliser 40 000 projets
                                    efficients et vertueux aux niveaux environnemental, social et économique. Nous considérons
                                    que ce programme est le levier prioritaire d’une politique publique solidaire de l’habitat.
                                    Pour les ménages très modestes, correspondant aux trois premiers déciles de revenus, nous
                                    maintenons que le nouveau parcours par étapes nécessite attention et accompagnement.
                                    Tous les ménages ne peuvent s’improviser maître d’ouvrage du jour au lendemain. Les ménages
                                    ont besoin de confiance. Le démarchage effréné des commerciaux qui a lieu actuellement
                                    présente de ce point de vue de nombreux risques et pourrait se révéler contre-productif. Ce
                                    rôle de tiers de confiance que nous pensons indispensable a été reconnu par les agréments
                                    délivrés par l’État à nos associations. Le Mouvement SOLIHA entend à ce titre agir afin que la
             Un spot est diffusé
              devant l’auditoire.   transition énergétique constitue véritablement une transition énergétique pour tous.
      Vous pouvez y accéder en
flashant le QR Code ci-dessous.

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SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019

LES ENJEUX DE LA
RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE
PREMIÈRE TABLE RONDE AVEC :
•• Serge PLANTON, Climatologue
•• Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT, Co-animatrice du plan de rénovation énergétique des bâtiments
•• Philippe PELLETIER, Président du plan bâtiment durable

LES DÉBATS SONT ANIMÉS PAR :
•• Audrey PULVAR, journaliste.

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SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019

                            Audrey PULVAR
                            Le réchauffement climatique constitue une réalité à l’échelle mondiale et notamment en France. Serge
                            PLANTON, pouvez-vous nous expliquer comment se manifeste ce phénomène ?

                            Serge PLANTON
                            Le dernier rapport du GIEC, préconisant l’objectif d’un réchauffement climatique limité à 1,5 degré, constate
                            que le climat continue à évoluer depuis la COP21 de 2015. Le réchauffement s’élève actuellement à
                            1 degré à l’échelle mondiale, ce qui représente à l’échelle de la France un déplacement de 180 kilomètres
                            vers le nord du climat et de certains écosystèmes, notamment de la chenille processionnaire du pin, qui
                            constitue un marqueur fiable de l’évolution du climat. À l’échelle mondiale, l’écart entre la dernière période
                            glaciaire et la période actuelle ne représente que 3 à 8 degrés. Un réchauffement de 1 degré représente
                            donc déjà une évolution considérable. Le dernier rapport du GIEC souligne de plus que ce réchauffement
                            est lié, à 20 % près, aux émissions de gaz à effet de serre générées par les activités humaines. L’année 2018
                            a en outre été l’année la plus chaude en France.

 « L’année 2014 a battu
                            Audrey PULVAR
 les records de chaleur
                            Plusieurs années marquées par une chaleur exceptionnelle se sont succédé en France depuis le milieu
depuis 1880, tandis que     des années 2010.
    chacune des années
        suivantes a battu   Serge PLANTON
     le record de l’année   En effet. À l’échelle mondiale, un ralentissement du réchauffement a été constaté entre 1998 et 2013, ce
            précédente »    qui a contribué à alimenter les thèses climato-sceptiques. Ce phénomène s’explique notamment par la
                            variabilité naturelle des températures dans le Pacifique. La température a cependant repris depuis sa courbe
                            ascendante. Ainsi, l’année 2014 a battu les records de chaleur depuis 1880, tandis que chacune des années
                            suivantes a battu le record de l’année précédente. La tendance à la hausse des températures s’est
                            ainsi accélérée.

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SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019

Audrey PULVAR
Les conséquences de ce réchauffement se font également sentir en France dans le quotidien des citoyens
et citoyennes.

Serge PLANTON
Tout à fait. Les conséquences de ce réchauffement se manifestent par exemple dans le maintien du
moustique tigre dans nos régions. Le nombre réduit de jours de gel en hiver diminue en effet la mortalité des
larves de ce moustique, qui demeure actif pendant l’hiver dans le sud de la France. Ainsi, le réchauffement
peut à l’avenir exercer un impact important sur la santé puisque ce moustique est un vecteur de
maladies comme la dengue, le virus Zika ou le chikungunya, notamment à la Réunion. Par ailleurs, la
culture de la vigne progresse dans le nord de la Métropole. Des vagues de chaleur importantes sont en
outre à redouter.

Audrey PULVAR
Alors qu’ils ont longtemps hésité à le faire, les climatologues établissent à présent un lien entre
l’intensification des phénomènes climatiques extrêmes et le réchauffement climatique.

Serge PLANTON
Cette question est en effet ténue car les réponses apportées doivent se fonder sur des preuves scientifiques.
Or la constitution de preuves scientifiques implique des observations fines menées sur de longues périodes
mais aussi des modélisations et simulations permettant de comparer un monde sans l’homme avec
notre monde actuel. En ce qui concerne les événements extrêmes, les conclusions demeurent limitées.
Il est possible de démontrer que la multiplication des records de température a un lien direct avec le
réchauffement climatique anthropique. Certains événements de précipitations intenses ont pu également
être mis en lien avec le facteur anthropique. En revanche, ni l’intensité des cyclones ou des tempêtes ni
l’augmentation des sécheresses n’ont pu être mises en lien direct avec le réchauffement climatique.

Audrey PULVAR
En quoi le logement pèse-t-il en France sur les émissions de gaz à effet de serre ?

Serge PLANTON
En 2017, la part du résidentiel tertiaire correspondait à 23 % de nos émissions de CO2, ce qui
représente une part moins importante que les transports mais plus importante que l’agriculture, l’industrie
et les autres secteurs. Ce taux a progressé de 1,3 % entre 2016 et 2017. Les émissions globales de CO2 ont,
quant à elles, augmenté de 2,4 %.

Audrey PULVAR
Philippe PELLETIER, le logement est au centre des questions liées à la transition énergétique, non seulement
parce qu’il est responsable d’une part importante de nos émissions de gaz à effet de serre, mais aussi parce
qu’il représente un enjeu important en termes d’inégalités de pouvoir d’achat et de précarité.

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      « [Le logement]     Philippe PELLETIER
représente également      Le logement doit en effet faire l’objet de toutes nos attentions pour plusieurs raisons. Non seulement il
                          représente le quart de nos émissions de gaz à effet de serre, mais il représente également entre 40 et 45 %
      entre 40 et 45 %    de l’énergie finale consommée en France. Le logement soulève en outre des enjeux économiques, en
    de l’énergie finale   termes de charges et de pouvoir d’achat des ménages, mais également des enjeux sociaux. En effet,
                          plus l’habitat est éloigné des villes, plus le bâti consomme d’énergie. Dans le même temps, le logement
       consommée en       apparaît comme le secteur dans lequel des marges de progrès sont facilement réalisables. Il paraît ainsi
             France. »    plus simple de développer une politique de rénovation énergétique des logements qu’une politique des
                          transports favorisant les transports collectifs ou qu’une politique des changements de modes agricoles.
                          C’est pour cette raison que les partenaires du Grenelle de l’environnement ont identifié le logement
                          et la ville comme les lieux privilégiés de nos efforts.

                          Audrey PULVAR
                          La rénovation énergétique des logements représente de plus un enjeu majeur en termes de pouvoir d’achat.

                          Philippe PELLETIER
                          Tout à fait. En tant que bailleur, il m’est arrivé d’entendre le locataire dont le logement social venait d’être
                          rénové me dire qu’il pourrait enfin partir en vacances. La compression des charges due à la maîtrise des
                          consommations d’énergie a donc un effet immédiat sur le pouvoir d’achat des ménages.

                          Audrey PULVAR
                          L’effort produit dans ce cadre par l’État et les collectivités est-il suffisant à l’échelle nationale ?

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SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019

Philippe PELLETIER
Le projet porté par les majorités successives me semble répondre aux enjeux. Le Grenelle de
l’environnement a en effet fixé un objectif à l’horizon 2050. Cet objectif vise à parvenir à une consommation
d’énergie de niveau BBC, c’est-à-dire autour de 50 kWh par mètre carré et par an en moyenne. D’une part,
la construction permet de dépasser cet objectif dans les logements neufs, qui seront progressivement
conçus pour produire de l’énergie renouvelable et maîtriser le poids carbone qu’ils exposent à l’horizon         « L’action de rénovation
2020. D’autre part, l’action de rénovation s’est progressivement développée, avec un objectif fixé également
en 2012 de 500 000 rénovations énergétiques performantes de logements chaque année. Cet objectif devra           s’est progressivement
être augmenté dans les prochaines années pour améliorer les performances énergétiques et réduire les             développée, avec
émissions de gaz carbonique.
                                                                                                                 un objectif fixé
Audrey PULVAR
                                                                                                                 également en 2012 de
Cependant, cet objectif de 500 000 logements rénovés ne semble pour l’instant réalisé qu’à 50 %.
                                                                                                                 500 000 rénovations
                                                                                                                 énergétiques
Philippe PELLETIER                                                                                               performantes de
Le taux de réalisation semble meilleur que ce que vous indiquez, mais nous manquons d’outils de mesure           logements
pour l’évaluer précisément. Deux systèmes successifs ont en effet été mis en place par l’ADEME. Le               chaque année.»
premier a dénombré 286 000 rénovations chaque année dans le logement privé, auxquelles s’ajoutent
105 000 rénovations dans le parc social, ce qui porte le nombre total des rénovations à environ
400 000. Une évaluation portant sur les maisons individuelles est par ailleurs mise en place actuellement.
Le dernier plan gouvernemental expose en outre la manière d’atteindre l’objectif de 500 000 logements
rénovés. Les moyens mis en œuvre visent quant à eux en priorité les ménages les plus modestes afin de
lutter contre la précarité énergétique.

Audrey PULVAR
Comme le soulignait Xavier de LANNOY, il convient de plus de traiter la question des locataires.

Philippe PELLETIER
Je suis entièrement de cet avis. Le plan Bâtiment Durable vient d’ailleurs de lancer un groupe de travail
co-présidé par le directeur de SOLIHA et le directeur de l’Union nationale de la propriété immobilière pour
trouver les incitations adéquates afin que les logements soient rénovés ou exclus du parc s’ils ne peuvent
l’être.

Audrey PULVAR
Les associations demandent notamment de contraindre les bailleurs à réaliser des diagnostics
énergétiques de leurs logements et à mettre ceux-ci aux normes lors du changement de locataire.
Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT, le Gouvernement a préféré l’information et l’incitation à la contrainte.
Pourquoi ?

Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT
Je souhaite avant tout faire part de mon adhésion aux propos de Xavier de LANNOY. La résorption de la
précarité énergétique est en effet fondamentale. Pour ce qui est du choix entre contrainte et incitation,
il apparaît que la contrainte bloque davantage l’action qu’elle ne l’encourage. Il est nécessaire dans le
contexte actuel de mettre en évidence les intérêts partagés des propriétaires et des locataires. Il est
effectivement dans l’intérêt des propriétaires, d’un point de vue patrimonial, de proposer des logements
sobres et performants sur le plan énergétique. Il me semble par ailleurs qu’il convient de distinguer
les territoires, qui sont soumis à des problématiques différentes relativement aux tensions du marché
immobilier.

Audrey PULVAR
La présentation du projet de loi énergie sur la programmation pluriannuelle de l’énergie qui devait avoir lieu
cette semaine a été reportée. Le Gouvernement motive ce report par la volonté d’accroître les ambitions
de ce projet.

                                                                        11
SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019

« Le seul point de débat     Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT
   qui subsiste concerne     Je considère en effet que ce report constitue un point positif. La France partage avec l’Europe des objectifs
                             ambitieux inscrits dans le plan climat que chaque État doit mettre en œuvre. Ce report vise donc à rendre
       le choix entre une    le projet de loi plus opérationnel et à l’inscrire davantage dans les objectifs européens. Le défi
   démarche par étapes       aujourd’hui consiste à passer de la feuille de route établie à sa mise en œuvre concrète dans les territoires.
        et une démarche
                globale. »   Audrey PULVAR
                             Le plan climat lancé en 2017 par le Gouvernement, comprenant le plan de rénovation énergétique, remplit-il
                             les objectifs qu’il s’est fixés ?

                             Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT
                             Le plan proposé s’inscrit dans la continuité des objectifs annoncés depuis un certain nombre d’années.
                             Le seul point de débat qui subsiste concerne le choix entre une démarche par étapes et une démarche
                             globale. La feuille de route résout ce problème en proposant un programme de rénovation global à travers
                             une démarche par étapes. Aujourd’hui sont mises en opposition la fin du mois et la fin du monde.
                             Or chaque fin de mois nous rapproche de la fin du monde. Il ne s’agit donc pas d’opposer une vision à une
                             autre mais de souligner leur horizon commun. Cette idée s’illustre dans la comparaison entre les frais de
                             chauffage d’une maison passive, qui s’élèvent à 27 euros par mois, et ceux d’une maison chauffée au fioul,
                             qui représentent 2 000 euros par an. La rénovation énergétique permet ainsi de répondre aux inquiétudes
                             des ménages concernant le pouvoir d’achat.

                             Audrey PULVAR
                             Vous faites partie des députés signataires d’une lettre adressée au Premier Ministre l’enjoignant de
                             développer davantage les énergies renouvelables, notamment dans les territoires agricoles. Estimez-vous
                             que les actions demeurent insuffisantes sur ces questions ?

                                                               12
SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019

Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT
Je pense que les énergies renouvelables représentent des solutions d’avenir, notamment parce qu’elles
s’inscrivent dans une logique de consommation locale. La France est par ailleurs en pointe dans les filières
économiques relatives aux énergies renouvelables, qu’il convient donc de développer pour aménager les
territoires au mieux.

Audrey PULVAR
La lutte contre le réchauffement climatique et contre la précarité énergétique représente-t-elle pour vous
un facteur d’attractivité et de développement des territoires ?

Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT
Oui, en effet. Nous devons par ailleurs prendre en compte la différenciation des territoires
relativement à ces questions. En Nord-Isère, par exemple, les zones rurales souffrent d’un déficit de
connexion, tandis que les zones urbaines sont hyper-connectées. Cette opposition recouvre en outre les
problématiques de mobilité et de logement. Ainsi, tandis que des politiques de rénovation des logements
visant à alléger les frais de chauffage sont conduites dans les zones urbaines, où la mobilité s’effectue en
outre à moindre coût, les zones rurales ont le sentiment d’être oubliées. Il convient donc de mettre en
œuvre des politiques de réciprocité territoriale afin de mettre à disposition de ces zones rurales les
savoir-faire développés dans les centralités territoriales et d’établir une équité territoriale, notamment face
au changement climatique.

Audrey PULVAR
Philippe PELLETIER, cette transversalité des problématiques de justice sociale, de précarité énergétique,
d’inégalités face au logement, d’éloignement par rapport au lieu de travail et d’étalement urbain, est-elle
prise en compte par le bailleur ?

Philippe PELLETIER
Pendant les dix années qui viennent de s’écouler, l’action contre la précarité énergétique a davantage
porté sur le propriétaire occupant que sur la situation du locataire. Les maisons individuelles occupées
par des propriétaires plutôt âgés en territoire rural ou périurbain ont en effet été identifiées comme le lieu
principal de précarité énergétique. Or les maisons servant de résidence principale sont davantage occupées        « Il convient à présent
par des propriétaires que par des locataires. Notre effort a donc davantage porté sur les propriétaires
occupants. Le moment est donc venu de s’occuper des bailleurs. Les bailleurs sociaux ont d’ores et déjà           de s’attaquer au parc
entamé le mouvement. Ils effectuent aujourd’hui entre 105 000 et 120 000 rénovations énergétiques par an.         locatif privé .»
Il convient à présent de s’attaquer au parc locatif privé. Nous avions proposé en 2009 de rendre
indécent un logement énergivore, mais cette proposition n’a été reprise que récemment et selon des termes
qui ne satisfont pas les associations.
Quant à la question de savoir s’il convient d’effectuer une rénovation globale ou par étapes,
je pense que les deux techniques ne doivent pas être opposées car elles répondent à des
considérations territoriales différentes. En Franche-Comté, par exemple, où le climat est rigoureux,
une rénovation légère par étapes semble inappropriée. Une telle démarche peut en revanche être suivie
en Aquitaine où le climat est plus doux et tempéré.
Il est de plus compliqué de convaincre un ménage âgé de réaliser des travaux en site occupé. Une rénovation
globale constitue dans ce cas une solution plus efficace. Un parcours de rénovation par étapes est davantage
pertinent pour les ménages plus jeunes. Il convient donc de mettre en place un véritable accompagnement
des personnes en situation de précarité afin qu’elles réalisent des travaux de manière cohérente. Par
exemple, changer une chaudière dans un logement dont les combles sont mal isolés ne permet pas de
réduire la consommation d’énergie. Des groupements comme SOLIHA sont donc pertinents pour
mener des actions efficaces de lutte contre la précarité énergétique.

                                                                         13
SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019

Audrey PULVAR
Serge PLANTON, à quel point cette question de la transversalité des enjeux est-elle prise en compte par les
pouvoirs publics et les organismes chargés de planifier l’aménagement du territoire ?

Serge PLANTON
Le rapport du GIEC insiste sur la nécessité de faire évoluer conjointement des secteurs différents. Il convient
par exemple de mesurer les avantages de certaines mesures dans le domaine de la santé. La lutte contre le
réchauffement climatique passe donc également par la lutte contre la pauvreté. Le rapport du GIEC
inclut ainsi la notion d’équité. L’équité entre les territoires doit en effet être prise en compte par les
pouvoirs publics. Je m’interroge à ce titre sur la manière dont les territoires alentour peuvent bénéficier
de l’objectif de neutralité énergétique fixé pour une métropole comme Paris à l’horizon 2050. Paris est en
effet alimentée par les territoires ruraux environnants. La question de la solidarité entre les territoires et
les secteurs doit donc être posée.

De la salle, Laurence DUBIN, responsable copropriété chez POUGET Consultants
Je remarque que la température de la salle est actuellement de 25 degrés.

Philippe PELLETIER
Cette observation est importante. Il est en effet établi qu’une maintenance fine permet un gain de
consommation d’énergie de 20 %. Qu’attend-on ?

Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT
La question de la sensibilisation aux usages est effectivement importante. L’éco-conduite permet de même
de réduire la consommation d’essence et la pollution.

De la salle, Estelle BARON, responsable du pôle Conduite de Projets de territoires chez SOLIHA Paris Hauts-
de-Seine Val-d’Oise
Comment peut-on réussir à convaincre les propriétaires que les enjeux d’entretien de leur patrimoine
rejoignent ceux de la maîtrise des charges des locataires ?

                                   14
SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019

Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT
Je pense qu’il convient de prendre en compte l’expérience des bailleurs sociaux dans ce domaine. Les
rénovations permettent en effet de limiter les interventions dans les logements et de valoriser le patrimoine
immobilier. Une information à l’adresse des bailleurs privés pourrait donc les convaincre des bénéfices de          «(...) si la
telles rénovations.
                                                                                                                    consommation
                                                                                                                    énergétique et
Philippe PELLETIER
                                                                                                                    les émissions de
Le coût de ces rénovations s’élève cependant à environ 40 000 euros par logement pour un bailleur social
en Ile-de-France. Un bailleur privé risque de refuser un tel investissement. Pour le convaincre, il convient         gaz à effet de serre
de prendre en compte la valeur de son bien et son usage. D’une part, si la consommation énergétique                 influaient sur la valeur
et les émissions de gaz à effet de serre influaient sur la valeur des biens, les bailleurs seraient
encouragés à effectuer des travaux. D’autre part, si des conditions énergétiques s’opposaient à                     des biens, les bailleurs
la location d’un bien, les bailleurs seraient également incités à agir.                                             seraient encouragés à
                                                                                                                    effectuer des travaux
De la salle, Philippe DELAROA, SOLIHA Paris Hauts-de-Seine Val-d’Oise                                               (...) »
Il convient de rappeler que la précarité énergétique concerne des ménages en situation globale de précarité.
Par ailleurs, la précarité énergétique se rapporte souvent à de l’habitat indigne, ce qui implique
une approche globale. Les ménages concernés doivent bénéficier d’une réhabilitation et d’un diagnostic
global voire d’un accompagnement social.

Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT
Je partage tout à fait cette analyse. Pour les trois premiers déciles de revenus, la politique consiste à fournir
un financement, un accompagnement et une rénovation à 100 %. Le coût de ces mesures est à mettre en
perspective avec l’étude d’Eurofound qui préconise d’investir 295 milliards d’euros pour éradiquer
le mal-logement en Europe, qui coûte 195 milliards d’euros chaque année. Les investissements
sont ainsi rentabilisés en 18 mois. Les retours sur investissement, notamment en termes de santé,
peuvent donc intervenir à court terme. Il convient ainsi d’investir massivement pour éradiquer la
précarité énergétique.

De la salle, Béatrice VESSILLER, Vice-présidente de la Métropole de
Lyon en charge de la rénovation thermique des logements
Je suis dubitative face à la notion d’intérêts partagés entre bailleurs
privés et locataires. L’expérience montre en effet la permanence
d’habitats indécents. Il me semble que l’incitation financière
montre ses limites et qu’il convient de renforcer les mesures
coercitives, par exemple en interdisant la location de logements
non conformes en termes de performances énergétiques et
d’émissions de gaz à effet de serre.

Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT
J’ai pour ma part fait partie des députés ayant demandé que, dans
dix ans, les logements n’ayant pas fait l’objet de rénovations
thermiques ne puissent plus être loués. Le Président de la
République a en effet promis d’éradiquer les passoires thermiques sous
dix ans. La mise en place de mesures coercitives implique cependant
de lever les freins réels aux rénovations. Tous les propriétaires ne se
trouvent pas dans les mêmes situations. Il convient à ce titre de
distinguer les marchands de sommeil, contre lesquels il faut
lutter, et les spécificités des situations de certains propriétaires.

                                                                          15
SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019

                                    COMMENT ÉRADIQUER LES
                                    3,2 MILLIONS DE PASSOIRES
                                    THERMIQUES DU PARC
                                    RÉSIDENTIEL PRIVÉ OCCUPÉES PAR
                                    DES MÉNAGES TRÈS MODESTES ?
       Un reportage est diffusé
              devant l’auditoire.   DEUXIÈME TABLE RONDE AVEC :
      Vous pouvez y accéder en
                                          •• Josette LABEGUERIE, Directrice de SOLIHA Landes
flashant le QR Code ci-dessous.
                                          •• Béatrice VESSILLER, Vice-présidente de la Métropole de Lyon en charge de la rénovation
                                             thermique des logements
                                          •• Valérie MANCRET-TAYLOR, Directrice générale de l’Agence nationale de l’habitat

                                    Audrey PULVAR
                                    L’Anah, qui conduit le programme « Habiter Mieux », constitue un acteur majeur de la transition énergétique.
                                    Valérie MANCRET-TAYLOR, le film que nous venons de visionner montre que vous changez la vie des gens.

                                                                      16
SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019

Valérie MANCRET-TAYLOR
Les témoignages présentés dans ce film sont en effet éclairants. Nous
menons notre action depuis de nombreuses années avec SOLIHA et
plus généralement avec l’ensemble des partenaires qui permettent
d’accompagner les ménages.

Audrey PULVAR
Parvenez-vous à atteindre l’objectif de sortir au moins 75 000
ménages par an de la précarité énergétique à travers le programme
« Habiter Mieux » ?

Valérie MANCRET-TAYLOR
Non. Chaque année, l’Agence aide toutefois 10 000 ménages
supplémentaires. Ainsi, en 2018, l’Agence a aidé 62 000 ménages.
Nous espérons atteindre l’objectif en 2019. Il convient pour cela
d’établir une certaine stabilité sur la réglementation de l’Agence et
d’approfondir les programmes existant, notamment en améliorant
leur visibilité. Nous nous adressons par ailleurs à un public modeste
qui n’a pas nécessairement accès à l’information. Les démarches
prennent donc du temps mais nous sommes confiants, d’autant que
les réformes en cours devraient entraîner des améliorations.

Audrey PULVAR
L’accès à l’information semble en effet constituer l’un des principaux
freins au déploiement du dispositif « Habiter Mieux ».

Valérie MANCRET-TAYLOR                                                                                          « (...) il convient
C’est vrai. Des rencontres portant sur l’amélioration de l’habitat privé sont organisées chaque année avec      également de
les bailleurs et les différents partenaires impliqués, mais l’information du public exige l’implication des
collectivités territoriales et des autres acteurs de proximité. Nous constatons par ailleurs que l’action       renforcer la
« Chaudière à 1 euro » a rencontré un franc succès grâce à une communication qui permet de sensibiliser         communication
un nombre important de ménages, notamment les plus modestes, aux enjeux de la rénovation énergétique
et de l’amélioration de l’habitat. Il convient donc de promouvoir la communication sur cette action mais        sur le terrain pour
également sur la notion de parcours de travaux par étapes afin de répondre aux situations diverses des          promouvoir
ménages. En tant qu’agence opérateur de l’État et distributeur des aides, nous avons un rôle à jouer mais il
convient également de renforcer la communication sur le terrain pour promouvoir le projet global.               le projet global. »

Audrey PULVAR
L’action « Chaudière à 1 euro » n’entre donc pas en contradiction avec l’objectif de convaincre les
propriétaires d’engager des travaux de rénovation plus larges.

Valérie MANCRET-TAYLOR
Absolument pas. Il convient néanmoins de promouvoir l’intérêt d’une réhabilitation complète.
Le changement de chaudière constitue une première étape qui peut être suivie de travaux d’isolation.
Dans le cas d’habitats indignes, le bouquet de travaux est plus important encore. Il convient dès lors de
réaliser le conseil à la fois sur la préconisation de travaux et sur le montage du dossier au plan technique,
économique et financier.

Audrey PULVAR
Josette LABEGUERIE, la collaboration entre l’Anah et ses partenaires est-elle particulièrement importante
pour assurer le succès des dispositifs ?

                                                                         17
SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019

        « Les politiques   Josette LABEGUERIE
  menées en matière de     Il est en effet important aujourd’hui de coopérer et de cultiver les relations avec les partenaires de
                           proximité mais également les partenaires nationaux comme La Poste, Engie ou SONERGIA. Il
rénovation énergétique     convient donc de renforcer le travail de terrain et les partenariats pour toucher un maximum de
     doivent donc être     propriétaires occupants. La dématérialisation du dossier Anah représente à ce titre un facteur de réussite.
                           Nous nous adressons par ailleurs à des publics extrêmement précaires qu’il convient d’accompagner
             évaluées.»    dans des opérations adaptées à leurs besoins. Ces personnes sont en outre touchées parfois par des
                           problématiques liées au vieillissement auxquelles nos équipes d’ergothérapeutes peuvent également
                           répondre. Je souhaite souligner de plus l’impact majeur que ces travaux peuvent exercer sur le
                           pouvoir d’achat des ménages.
                           Ainsi, nous étions la semaine dernière invités par le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine à participer aux
                           réflexions sur le programme de rénovation énergétique mis en place avec l’État. Une des études menées
                           dans ce cadre indique que beaucoup de travaux n’ont pas d’impact en termes de gain de consommation
                           énergétique. Il convient donc de poursuivre les études d’impact sur l’efficacité énergétique afin
                           de garantir la crédibilité de nos actions auprès des ménages. Les retours d’expérience mettent en
                           valeur un gain de 26 % en termes de pouvoir d’achat des ménages. Les usagers reconnaissent par ailleurs
                           un gain en termes de confort thermique. Les politiques menées en matière de rénovation énergétique
                           doivent donc être évaluées.

                           Audrey PULVAR
                           Pour revenir à la question de l’information des ménages, il semble que beaucoup d’entre eux ignorent les
                           aides auxquelles ils peuvent prétendre.

                           Josette LABEGUERIE
                           Cette question de l’accès à l’information nous a en effet été posée lors de la conférence de presse organisée
                           dans le cadre de nos journées portes ouvertes. La multitude des questions posées via l’Espace Info
                           Énergie montre par ailleurs que le public s’interroge sur l’identification et la qualité de l’offre proposée.
                           L’information doit de plus être menée en collaboration avec les collectivités territoriales afin
                           de toucher un public plus large. Les campagnes de communication jouent donc un rôle important
                           pour atteindre le maximum de personnes dans les territoires à condition qu’elles soient relayées par des
                           conférences de presse. Nous organisons d’ailleurs cette semaine deux interventions sur le terrain, auxquelles
                           l’ensemble des partenaires sont conviés. Nous réalisons en outre des restaurations de logements locatifs.
                           Ainsi, vendredi, nous inaugurerons quatre logements rénovés dans une commune rurale proche de Dax.
                           La facture de consommation énergétique de ces logements s’élèvera dorénavant à 25 ou 30 euros par
                           mois. Nous réaliserons donc une démonstration de l’efficacité de ces chantiers que des particuliers seront
                           invités à visiter. Ces différentes actions peuvent ainsi contribuer à élargir le public concerné par ces travaux.

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SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019

Audrey PULVAR
Béatrice VESSILLER, vous êtes également confrontée à des idées reçues sur les aides disponibles pour ces
rénovations.

Béatrice VESSILLER
En effet. Nous avons cependant mis en place un dispositif expliquant en quoi consistent ces aides et
comment en bénéficier. Dans le cadre du volet habitat de notre plan climat, nous avons mis en place
une politique de soutien à la rénovation énergétique de l’habitat social et privé, comprenant notamment
le dispositif Écoréno’v. Ce dispositif consiste en une plate-forme de la rénovation énergétique, animée
notamment en partenariat avec l’Agence locale pour l’énergie et le climat et SOLIHA. Cette plate-forme
constitue un lieu d’information. Elle présente un guichet unique de premier accompagnement, des
conseils techniques et administratifs et des informations sur les subventions mises en place.
Notre politique s’articule autour de la lutte contre le changement climatique et contre la précarité
énergétique. La plate-forme propose ainsi des subventions de 2 000 à 3 500 euros par logement pour
accompagner les propriétaires dans des projets ambitieux. Les opérations financées à hauteur de 2 000
euros concernent des travaux permettant 35 % d’économies d’énergie, tandis que celles financées à hauteur
de 3 500 euros visent l’obtention du label BBC. Ces subventions conduisent réellement les propriétaires à
réaliser des projets plus ambitieux qu’un simple changement de chaudière ou des travaux de menuiserie.
Cet accompagnement vise en effet à suivre une approche globale pour une rénovation globale. Une
bonification de ces montants de subvention a par ailleurs été mise en place l’année dernière pour le recours
aux matériaux biosourcés.
Nos aides sont attribuées sans conditions de ressources, à l’exclusion des opérations permettant 35 %
d’économies d’énergie, et sont cumulables avec les aides de l’Anah, ce qui crée une réelle dynamique.
Nous avons ainsi financé à ce jour 4 800 logements en copropriété, 2 700 logements sociaux et 200 maisons
individuelles. Nous mettons actuellement l’accent sur les maisons individuelles qui représentent près de
20 % du logement dans l’agglomération et 30 % des consommations d’énergie. Les copropriétés regroupant
jusqu’à 900 logements impliquent par ailleurs un accompagnement important car le montant des travaux
peut s’élever à 10 000 euros par logement. Les acteurs tels ALEC et SOLIHA parviennent à convaincre
les copropriétaires de réaliser ces travaux. Nous avons également lancé un marché pour financer des
prestataires chargés d’accompagner certaines copropriétés. Ce dispositif d’ingénierie est donc important
pour mener à bien les actions engagées, autant que les dispositifs de l’Anah concernant les copropriétés
fragiles et dégradées.

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SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019

                          Audrey PULVAR
                          Le journal Le Monde s’est fait l’écho d’un projet de rénovation dans la rue de Château-Gaillard concernant
                          trois immeubles de cinq étages composés de 70 logements, auquel l’ADEME, la Métropole de Lyon,
                          SOLIHA et la Caisse des dépôts et consignations de Villeurbanne ont contribué. Le reste à charge pour les
                          copropriétaires représente entre 3 000 et 20 000 euros selon les logements tandis que le montant global
                          du projet s’élève à 1,7 million d’euros. Ce type de projets d’envergure ne peut-il fonctionner qu’à la faveur
                          d’une action conjointe de l’ensemble des partenaires ?

                          Béatrice VESSILLER
                          Absolument. Cet exemple est d’autant plus intéressant que cette copropriété a été associée au dispositif
                          à travers une obligation de ravalement de façade. Étant donné que l’ALEC et Écoréno’v participaient au
                          projet, la copropriété a finalement opté pour un projet BBC, notamment grâce aux subventions de l’Anah
                          à hauteur de 20 % et à un financement exceptionnel de la Caisse des dépôts dans le cadre du programme
                          ÉcoCité. Le financement de la transition énergétique représente donc un sujet majeur. Le programme
                          ÉcoCité ne s’applique pas à toutes les copropriétés mais l’Anah participe systématiquement au financement,
                          ainsi qu’Écoréno’v qui inclut 20 % de ménages modestes dans ses opérations. Cette complémentarité
                          des dispositifs aide de cette manière les collectivités et l’Anah à réaliser leurs objectifs. Le fait de
                          réaliser des programmes aussi ambitieux en copropriété propose de plus une réponse au problème
                          des locataires.

                          Audrey PULVAR
                          La Métropole de Lyon sensibilise par ailleurs ses populations aux questions de transition énergétique, non
                          seulement concernant la rénovation mais également les gestes éco-citoyens en général.

                          Béatrice VESSILLER
                          Outre cette politique de rénovation, la Métropole de Lyon exprime en effet la volonté d’associer le plus
                          largement possible la population à la transition écologique. Les villes de la Métropole mènent de plus une
                          politique spécifique de rénovation énergétique avec l’aide de l’ALEC et de SOLIHA.

                          Audrey PULVAR
                          Valérie MANCRET-TAYLOR, considérez-vous également que la collaboration entre les différents organismes
                          et la cohérence de leurs actions constituent un levier important ?

                          Valérie MANCRET-TAYLOR
                          Tout à fait. Les aides de l’Anah fonctionnent à 60 % parce qu’elles sont contractualisées avec des aides
        « Un des freins   des collectivités territoriales. Ces aides représentent 50 % pour les ménages très modestes et 35 % pour
                          les ménages modestes. Les villes peuvent apporter une aide supplémentaire de 10 %. Un des freins
importants est en effet   importants est en effet le reste à charge. Dans ces conditions, le cumul des aides permet aux
   le reste à charge. »   ménages de s’engager dans un parcours de travaux ambitieux. Le partenariat des collectivités
                          territoriales dans la majoration et la bonification des aides représente, par conséquent, un élément
                          déterminant.

                          Audrey PULVAR
                          L’agressivité des offres commerciales a été évoquée par Xavier de LANNOY et dans le reportage présenté.
                          Comment peut-on protéger les personnes vulnérables de cet environnement commercial tout en
                          promouvant la nécessité de la rénovation énergétique ?

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SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019

Valérie MANCRET-TAYLOR
Certaines actions commerciales sont en effet agressives. Les ménages recevant de telles offres sollicitent
souvent une information auprès de nos services. Les opérateurs qui travaillent avec l’Agence doivent donc
fournir un conseil relativement à ces offres et au parcours global permettant une amélioration de l’habitat.
Les politiques menées actuellement consacrent de fait des aides importantes à la rénovation énergétique
et à l’amélioration de l’habitat privé pour des raisons sociales, pour des raisons de structuration urbaine
et pour la réduction des gaz à effet de serre. Les politiques d’État rejoignent ainsi les politiques territoriales
concernant le social, l’urbain et l’immobilier.

Audrey PULVAR
Josette LABEGUERIE, les ménages que vous aidez mentionnent-ils également l’aspect financier comme
un frein à la rénovation ?

Josette LABEGUERIE
L’aspect financier préoccupe en effet les ménages. Les aides sont aujourd’hui plus importantes que jamais.
Nous bénéficions d’une garantie de moyens sur les trois années à venir qui nous permet de délivrer
un conseil adapté et d’assurer les personnes concernées de la pérennité des aides. Notre rôle est
aujourd’hui de répondre aux demandes particulières en priorisant les travaux dans une démarche
par étapes ou en cherchant de nouveaux partenariats. Ainsi, nous mettons actuellement en place des
solutions de financement avec deux nouveaux partenaires, la Caisse d’allocations familiales et le Conseil
départemental. Ces partenaires versent en effet des aides au paiement de la facture d’énergie qui peuvent
être réduites par la rénovation des logements.
Par ailleurs, la moyenne de travaux, pour les ménages très modestes, avoisine aujourd’hui les 17 000
euros. Nous parvenons à obtenir des financements à hauteur de 80 % de ce montant. Des avances
sont proposées par l’Anah ou des organismes comme PROCIVIS. L’Éco-prêt Habiter Mieux devrait également
être mis en place bientôt. Ce prêt permettrait d’engager les travaux en attendant les aides de l’Anah et des
autres partenaires et de proposer une solution de financement pour le reste à charge.
Nous insistons par ailleurs sur les comportements des ménages après travaux, afin d’encourager les attitudes
économes en charge énergétique.

Béatrice VESSILLER
Je souhaite souligner de plus que nos travaux de rénovation permettent également d’améliorer le confort
thermique d’été. Par ailleurs, l’enjeu de la mise en place des services publics de l’efficacité énergétique
dans l’habitat est important, relativement à son financement dans les territoires et à la pérennité de ce
financement. Un certain nombre de dispositifs d’aide à l’investissement sont disponibles mais ils ne sont
utilisés qu’à la faveur d’une ingénierie de conseil et d’accompagnement. Le désinvestissement de l’ADEME
de ces dispositifs semble contradictoire avec le discours actuel sur la rénovation énergétique.
De plus, les collectivités souhaitent percevoir une part de la Contribution Climat Énergie pour mettre en
œuvre la transition énergétique dans les territoires. Pour l’instant, le Gouvernement s’y refuse, ce qui paraît
également paradoxal car les dépenses en ingénierie permettent de limiter les dépenses de fonctionnement.

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