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Le présent document est la transcription des échanges qui se sont tenus dans le cadre de la rencontre nationale SOLIHA, du 12 Mars 2019 à la Maison de la Chimie, sur le thème « La transition énergétique pour tous ». Cette rencontre s’inscrit elle-même dans le cadre de la Campagne « Énergie SOLIHA, Rénover : une semaine pour y penser » qui s’est déroulée dans tous les territoires du 11 au 16 Mars 2019.
SOMMAIRE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS •• Animation : Audrey PULVAR, journaliste OUVERTUREP.4 •• Xavier de LANNOY, Président de la Fédération SOLIHA LES ENJEUX DE LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE P. 7 PREMIÈRE TABLE RONDE AVEC : •• Serge PLANTON, Climatologue •• Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT, Co-animatrice du plan de rénovation énergétique des bâtiments •• Philippe PELLETIER, Président du plan bâtiment durable COMMENT ÉRADIQUER LES 3,2 MILLIONS DE PASSOIRES THERMIQUES DU PARC RÉSIDENTIEL PRIVÉ OCCUPÉES PAR DES MÉNAGES TRÈS MODESTES ? P.16 DEUXIÈME TABLE RONDE AVEC : •• Josette LABEGUERIE, Directrice de SOLIHA Landes •• Béatrice VESSILLER, Vice-présidente de la Métropole de Lyon en charge de la rénovation thermique des logements •• Valérie MANCRET-TAYLOR, Directrice générale de l’Agence nationale de l’habitat ET LES COPROPRIÉTÉS ? P.25 TROISIÈME TABLE RONDE AVEC : •• Magalye MERLIN, Cheffe de projet Eco Rénovons Paris de SOLIHA Paris Hauts-de-Seine Val-d’Oise •• Jean-Yves PRIEUR, Président du conseil syndical de la résidence rues Campo Formio Pinel •• Anne GIRAULT, Directrice générale de l’Agence parisienne du climat CLÔTURE P. 32 •• Xavier de LANNOY, Président de la Fédération SOLIHA •• Julien DENORMANDIE, Ministre de la ville et du logement 3
OUVERTURE XAVIER DE LANNOY, Président de la Fédération SOLIHA Le Mouvement SOLIHA est heureux de vous accueillir cet après-midi à cette rencontre consacrée à la transition énergétique pour tous. Je remercie Audrey Pulvar d’avoir accepté d’animer nos débats. Je remercie également de leur présence l’ensemble des partenaires qui se sont engagés auprès de SOLIHA dans le cadre de son action en faveur de la transition énergétique. Je remercie enfin les services fédéraux pour l’organisation de cette manifestation qui constitue le point d’orgue de la campagne nationale sur la rénovation énergétique organisée par SOLIHA du 11 au 16 mars 2019, et intitulée « L’Énergie SOLIHA, Rénover : une semaine pour y penser ». Cette campagne a pour objectif d’informer les ménages à revenus modestes sur les dispositifs d’aide à la rénovation énergétique, de les sensibiliser aux gestes écologiques et aux économies d’énergie et de les renseigner sur les travaux prioritaires à réaliser dans leur logement. Les associations SOLIHA ont ainsi organisé cette semaine plus de 400 événements, dont la liste est disponible sur notre site, soliha.fr. Notre mobilisation est totale face aux défis de la transition énergétique. Nous demeurons néanmoins attentifs au sens et aux finalités des nombreux dispositifs et politiques publiques mis en œuvre. Les actions de la transition énergétique promouvront-elles davantage de solidarité ou risquent-elles encore d’exclure ceux qui ont besoin d’actions qui leur sont pourtant indispensables ? Aucune alternative n’est selon nous envisageable : la transition énergétique doit concerner l’ensemble de la population. Il nous a cependant semblé utile de vous proposer cet après-midi un temps de réflexion sur les moyens de construire une transition énergétique solidaire. Ainsi, trois tables rondes se succéderont. Après avoir présenté les enjeux de la transition énergétique, nous verrons que si des réponses sont déjà apportées, nous devons néanmoins poursuivre les efforts pour contribuer plus efficacement à la lutte contre la précarité énergétique, contre le dérèglement climatique et pour la préservation de l’environnement. 4
En effet, la lutte contre la précarité énergétique demeure un défi important. La France compte 7,4 millions de passoires énergétiques, dont 3,1 millions sont occupées par des ménages très modestes, qui subissent souvent les fractures numérique, territoriale et sociale. À travers nos actions pour l’amélioration de l’habitat des personnes défavorisées, fragiles et vulnérables, notre Mouvement est devenu, par son expérience de terrain, le premier acteur de la lutte contre la précarité énergétique. Dès 2011, nous nous sommes mobilisés en faveur de cet objectif, conscients que l’habitat constitue un enjeu environnemental fondamental. Nos 2 000 conseillers habitat, thermiciens et conseillers en économie sociale et familiale ont ainsi accompagné plus de 150 000 projets dans le cadre du programme « Habiter Mieux » piloté par l’Anah. Ces projets ont permis à autant de ménages de vivre plus confortablement et de faire des économies. Ces dizaines de milliers de chantiers, dont le coût s’élève à 17 000 euros en moyenne, ont de plus apporté du travail aux artisans locaux et induit des gains énergétiques de 40 % en moyenne, contribuant ainsi à la diminution des émissions de gaz à effet de serre. Cette action a été évaluée et encouragée par la Cour des comptes dans son rapport du 4 avril 2018 sur le programme « Habiter Mieux » de l’Anah. Il est stimulant que la Cour se 5
SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019 félicite du caractère très social de ce dispositif, dont 83 % des bénéficiaires disposent de ressources très modestes. La Cour souligne également la valeur ajoutée du programme « Habiter Mieux », par opposition aux guichets ouverts sans évaluation probante à ce jour. Elle relève en outre l’importance de l’accompagnement social du ménage, depuis la réalisation d’un audit global permettant de proposer aux ménages des travaux générateurs de gains énergétiques substantiels, jusqu’à la finalisation du chantier. La Cour met enfin en évidence l’importance de la visite du logement en début et en fin de chantier. Il convient à présent de massifier la rénovation énergétique des logements. En effet, les résultats sont aujourd’hui insuffisants. Nous sommes conscients de cet enjeu et en soulignons l’importance. Cependant, le programme « Habiter Mieux » a permis depuis 2011 de rénover 305 584 logements, ce qui prouve son efficience, en particulier pour les propriétaires occupants très modestes. Ce chiffre souligne également le taux important de passages à l’acte à mettre au crédit de tous ceux qui travaillent autour de ce programme : associations, entreprises du bâtiment, acteurs économiques et collectivités territoriales. J’observe par ailleurs que les locataires demeurent l’angle mort du plan de rénovation énergétique en cours, alors qu’ils doivent assumer à la fois loyer et charges. Enfin, l’idée de s’appuyer sur un premier geste de rénovation énergétique pour s’inscrire dans un parcours vertueux de rénovation par étapes semble intéressante. Cela permettrait en effet de déclencher l’appétence des ménages pour une rénovation progressive. Une telle orientation risque toutefois de mettre à l’écart une partie de ceux pour qui cette démarche est la plus difficile. C’est la raison pour laquelle notre Mouvement reste fermement attaché au programme « Habiter Mieux sérénité », qui a reçu les encouragements de la Cour des comptes, qui a démontré son efficacité et qui permet chaque année de réaliser 40 000 projets efficients et vertueux aux niveaux environnemental, social et économique. Nous considérons que ce programme est le levier prioritaire d’une politique publique solidaire de l’habitat. Pour les ménages très modestes, correspondant aux trois premiers déciles de revenus, nous maintenons que le nouveau parcours par étapes nécessite attention et accompagnement. Tous les ménages ne peuvent s’improviser maître d’ouvrage du jour au lendemain. Les ménages ont besoin de confiance. Le démarchage effréné des commerciaux qui a lieu actuellement présente de ce point de vue de nombreux risques et pourrait se révéler contre-productif. Ce rôle de tiers de confiance que nous pensons indispensable a été reconnu par les agréments délivrés par l’État à nos associations. Le Mouvement SOLIHA entend à ce titre agir afin que la Un spot est diffusé devant l’auditoire. transition énergétique constitue véritablement une transition énergétique pour tous. Vous pouvez y accéder en flashant le QR Code ci-dessous. 6
SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019 LES ENJEUX DE LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE PREMIÈRE TABLE RONDE AVEC : •• Serge PLANTON, Climatologue •• Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT, Co-animatrice du plan de rénovation énergétique des bâtiments •• Philippe PELLETIER, Président du plan bâtiment durable LES DÉBATS SONT ANIMÉS PAR : •• Audrey PULVAR, journaliste. 7
SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019 Audrey PULVAR Le réchauffement climatique constitue une réalité à l’échelle mondiale et notamment en France. Serge PLANTON, pouvez-vous nous expliquer comment se manifeste ce phénomène ? Serge PLANTON Le dernier rapport du GIEC, préconisant l’objectif d’un réchauffement climatique limité à 1,5 degré, constate que le climat continue à évoluer depuis la COP21 de 2015. Le réchauffement s’élève actuellement à 1 degré à l’échelle mondiale, ce qui représente à l’échelle de la France un déplacement de 180 kilomètres vers le nord du climat et de certains écosystèmes, notamment de la chenille processionnaire du pin, qui constitue un marqueur fiable de l’évolution du climat. À l’échelle mondiale, l’écart entre la dernière période glaciaire et la période actuelle ne représente que 3 à 8 degrés. Un réchauffement de 1 degré représente donc déjà une évolution considérable. Le dernier rapport du GIEC souligne de plus que ce réchauffement est lié, à 20 % près, aux émissions de gaz à effet de serre générées par les activités humaines. L’année 2018 a en outre été l’année la plus chaude en France. « L’année 2014 a battu Audrey PULVAR les records de chaleur Plusieurs années marquées par une chaleur exceptionnelle se sont succédé en France depuis le milieu depuis 1880, tandis que des années 2010. chacune des années suivantes a battu Serge PLANTON le record de l’année En effet. À l’échelle mondiale, un ralentissement du réchauffement a été constaté entre 1998 et 2013, ce précédente » qui a contribué à alimenter les thèses climato-sceptiques. Ce phénomène s’explique notamment par la variabilité naturelle des températures dans le Pacifique. La température a cependant repris depuis sa courbe ascendante. Ainsi, l’année 2014 a battu les records de chaleur depuis 1880, tandis que chacune des années suivantes a battu le record de l’année précédente. La tendance à la hausse des températures s’est ainsi accélérée. 8
SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019 Audrey PULVAR Les conséquences de ce réchauffement se font également sentir en France dans le quotidien des citoyens et citoyennes. Serge PLANTON Tout à fait. Les conséquences de ce réchauffement se manifestent par exemple dans le maintien du moustique tigre dans nos régions. Le nombre réduit de jours de gel en hiver diminue en effet la mortalité des larves de ce moustique, qui demeure actif pendant l’hiver dans le sud de la France. Ainsi, le réchauffement peut à l’avenir exercer un impact important sur la santé puisque ce moustique est un vecteur de maladies comme la dengue, le virus Zika ou le chikungunya, notamment à la Réunion. Par ailleurs, la culture de la vigne progresse dans le nord de la Métropole. Des vagues de chaleur importantes sont en outre à redouter. Audrey PULVAR Alors qu’ils ont longtemps hésité à le faire, les climatologues établissent à présent un lien entre l’intensification des phénomènes climatiques extrêmes et le réchauffement climatique. Serge PLANTON Cette question est en effet ténue car les réponses apportées doivent se fonder sur des preuves scientifiques. Or la constitution de preuves scientifiques implique des observations fines menées sur de longues périodes mais aussi des modélisations et simulations permettant de comparer un monde sans l’homme avec notre monde actuel. En ce qui concerne les événements extrêmes, les conclusions demeurent limitées. Il est possible de démontrer que la multiplication des records de température a un lien direct avec le réchauffement climatique anthropique. Certains événements de précipitations intenses ont pu également être mis en lien avec le facteur anthropique. En revanche, ni l’intensité des cyclones ou des tempêtes ni l’augmentation des sécheresses n’ont pu être mises en lien direct avec le réchauffement climatique. Audrey PULVAR En quoi le logement pèse-t-il en France sur les émissions de gaz à effet de serre ? Serge PLANTON En 2017, la part du résidentiel tertiaire correspondait à 23 % de nos émissions de CO2, ce qui représente une part moins importante que les transports mais plus importante que l’agriculture, l’industrie et les autres secteurs. Ce taux a progressé de 1,3 % entre 2016 et 2017. Les émissions globales de CO2 ont, quant à elles, augmenté de 2,4 %. Audrey PULVAR Philippe PELLETIER, le logement est au centre des questions liées à la transition énergétique, non seulement parce qu’il est responsable d’une part importante de nos émissions de gaz à effet de serre, mais aussi parce qu’il représente un enjeu important en termes d’inégalités de pouvoir d’achat et de précarité. 9
SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019 « [Le logement] Philippe PELLETIER représente également Le logement doit en effet faire l’objet de toutes nos attentions pour plusieurs raisons. Non seulement il représente le quart de nos émissions de gaz à effet de serre, mais il représente également entre 40 et 45 % entre 40 et 45 % de l’énergie finale consommée en France. Le logement soulève en outre des enjeux économiques, en de l’énergie finale termes de charges et de pouvoir d’achat des ménages, mais également des enjeux sociaux. En effet, plus l’habitat est éloigné des villes, plus le bâti consomme d’énergie. Dans le même temps, le logement consommée en apparaît comme le secteur dans lequel des marges de progrès sont facilement réalisables. Il paraît ainsi France. » plus simple de développer une politique de rénovation énergétique des logements qu’une politique des transports favorisant les transports collectifs ou qu’une politique des changements de modes agricoles. C’est pour cette raison que les partenaires du Grenelle de l’environnement ont identifié le logement et la ville comme les lieux privilégiés de nos efforts. Audrey PULVAR La rénovation énergétique des logements représente de plus un enjeu majeur en termes de pouvoir d’achat. Philippe PELLETIER Tout à fait. En tant que bailleur, il m’est arrivé d’entendre le locataire dont le logement social venait d’être rénové me dire qu’il pourrait enfin partir en vacances. La compression des charges due à la maîtrise des consommations d’énergie a donc un effet immédiat sur le pouvoir d’achat des ménages. Audrey PULVAR L’effort produit dans ce cadre par l’État et les collectivités est-il suffisant à l’échelle nationale ? 10
SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019 Philippe PELLETIER Le projet porté par les majorités successives me semble répondre aux enjeux. Le Grenelle de l’environnement a en effet fixé un objectif à l’horizon 2050. Cet objectif vise à parvenir à une consommation d’énergie de niveau BBC, c’est-à-dire autour de 50 kWh par mètre carré et par an en moyenne. D’une part, la construction permet de dépasser cet objectif dans les logements neufs, qui seront progressivement conçus pour produire de l’énergie renouvelable et maîtriser le poids carbone qu’ils exposent à l’horizon « L’action de rénovation 2020. D’autre part, l’action de rénovation s’est progressivement développée, avec un objectif fixé également en 2012 de 500 000 rénovations énergétiques performantes de logements chaque année. Cet objectif devra s’est progressivement être augmenté dans les prochaines années pour améliorer les performances énergétiques et réduire les développée, avec émissions de gaz carbonique. un objectif fixé Audrey PULVAR également en 2012 de Cependant, cet objectif de 500 000 logements rénovés ne semble pour l’instant réalisé qu’à 50 %. 500 000 rénovations énergétiques Philippe PELLETIER performantes de Le taux de réalisation semble meilleur que ce que vous indiquez, mais nous manquons d’outils de mesure logements pour l’évaluer précisément. Deux systèmes successifs ont en effet été mis en place par l’ADEME. Le chaque année.» premier a dénombré 286 000 rénovations chaque année dans le logement privé, auxquelles s’ajoutent 105 000 rénovations dans le parc social, ce qui porte le nombre total des rénovations à environ 400 000. Une évaluation portant sur les maisons individuelles est par ailleurs mise en place actuellement. Le dernier plan gouvernemental expose en outre la manière d’atteindre l’objectif de 500 000 logements rénovés. Les moyens mis en œuvre visent quant à eux en priorité les ménages les plus modestes afin de lutter contre la précarité énergétique. Audrey PULVAR Comme le soulignait Xavier de LANNOY, il convient de plus de traiter la question des locataires. Philippe PELLETIER Je suis entièrement de cet avis. Le plan Bâtiment Durable vient d’ailleurs de lancer un groupe de travail co-présidé par le directeur de SOLIHA et le directeur de l’Union nationale de la propriété immobilière pour trouver les incitations adéquates afin que les logements soient rénovés ou exclus du parc s’ils ne peuvent l’être. Audrey PULVAR Les associations demandent notamment de contraindre les bailleurs à réaliser des diagnostics énergétiques de leurs logements et à mettre ceux-ci aux normes lors du changement de locataire. Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT, le Gouvernement a préféré l’information et l’incitation à la contrainte. Pourquoi ? Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT Je souhaite avant tout faire part de mon adhésion aux propos de Xavier de LANNOY. La résorption de la précarité énergétique est en effet fondamentale. Pour ce qui est du choix entre contrainte et incitation, il apparaît que la contrainte bloque davantage l’action qu’elle ne l’encourage. Il est nécessaire dans le contexte actuel de mettre en évidence les intérêts partagés des propriétaires et des locataires. Il est effectivement dans l’intérêt des propriétaires, d’un point de vue patrimonial, de proposer des logements sobres et performants sur le plan énergétique. Il me semble par ailleurs qu’il convient de distinguer les territoires, qui sont soumis à des problématiques différentes relativement aux tensions du marché immobilier. Audrey PULVAR La présentation du projet de loi énergie sur la programmation pluriannuelle de l’énergie qui devait avoir lieu cette semaine a été reportée. Le Gouvernement motive ce report par la volonté d’accroître les ambitions de ce projet. 11
SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019 « Le seul point de débat Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT qui subsiste concerne Je considère en effet que ce report constitue un point positif. La France partage avec l’Europe des objectifs ambitieux inscrits dans le plan climat que chaque État doit mettre en œuvre. Ce report vise donc à rendre le choix entre une le projet de loi plus opérationnel et à l’inscrire davantage dans les objectifs européens. Le défi démarche par étapes aujourd’hui consiste à passer de la feuille de route établie à sa mise en œuvre concrète dans les territoires. et une démarche globale. » Audrey PULVAR Le plan climat lancé en 2017 par le Gouvernement, comprenant le plan de rénovation énergétique, remplit-il les objectifs qu’il s’est fixés ? Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT Le plan proposé s’inscrit dans la continuité des objectifs annoncés depuis un certain nombre d’années. Le seul point de débat qui subsiste concerne le choix entre une démarche par étapes et une démarche globale. La feuille de route résout ce problème en proposant un programme de rénovation global à travers une démarche par étapes. Aujourd’hui sont mises en opposition la fin du mois et la fin du monde. Or chaque fin de mois nous rapproche de la fin du monde. Il ne s’agit donc pas d’opposer une vision à une autre mais de souligner leur horizon commun. Cette idée s’illustre dans la comparaison entre les frais de chauffage d’une maison passive, qui s’élèvent à 27 euros par mois, et ceux d’une maison chauffée au fioul, qui représentent 2 000 euros par an. La rénovation énergétique permet ainsi de répondre aux inquiétudes des ménages concernant le pouvoir d’achat. Audrey PULVAR Vous faites partie des députés signataires d’une lettre adressée au Premier Ministre l’enjoignant de développer davantage les énergies renouvelables, notamment dans les territoires agricoles. Estimez-vous que les actions demeurent insuffisantes sur ces questions ? 12
SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019 Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT Je pense que les énergies renouvelables représentent des solutions d’avenir, notamment parce qu’elles s’inscrivent dans une logique de consommation locale. La France est par ailleurs en pointe dans les filières économiques relatives aux énergies renouvelables, qu’il convient donc de développer pour aménager les territoires au mieux. Audrey PULVAR La lutte contre le réchauffement climatique et contre la précarité énergétique représente-t-elle pour vous un facteur d’attractivité et de développement des territoires ? Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT Oui, en effet. Nous devons par ailleurs prendre en compte la différenciation des territoires relativement à ces questions. En Nord-Isère, par exemple, les zones rurales souffrent d’un déficit de connexion, tandis que les zones urbaines sont hyper-connectées. Cette opposition recouvre en outre les problématiques de mobilité et de logement. Ainsi, tandis que des politiques de rénovation des logements visant à alléger les frais de chauffage sont conduites dans les zones urbaines, où la mobilité s’effectue en outre à moindre coût, les zones rurales ont le sentiment d’être oubliées. Il convient donc de mettre en œuvre des politiques de réciprocité territoriale afin de mettre à disposition de ces zones rurales les savoir-faire développés dans les centralités territoriales et d’établir une équité territoriale, notamment face au changement climatique. Audrey PULVAR Philippe PELLETIER, cette transversalité des problématiques de justice sociale, de précarité énergétique, d’inégalités face au logement, d’éloignement par rapport au lieu de travail et d’étalement urbain, est-elle prise en compte par le bailleur ? Philippe PELLETIER Pendant les dix années qui viennent de s’écouler, l’action contre la précarité énergétique a davantage porté sur le propriétaire occupant que sur la situation du locataire. Les maisons individuelles occupées par des propriétaires plutôt âgés en territoire rural ou périurbain ont en effet été identifiées comme le lieu principal de précarité énergétique. Or les maisons servant de résidence principale sont davantage occupées « Il convient à présent par des propriétaires que par des locataires. Notre effort a donc davantage porté sur les propriétaires occupants. Le moment est donc venu de s’occuper des bailleurs. Les bailleurs sociaux ont d’ores et déjà de s’attaquer au parc entamé le mouvement. Ils effectuent aujourd’hui entre 105 000 et 120 000 rénovations énergétiques par an. locatif privé .» Il convient à présent de s’attaquer au parc locatif privé. Nous avions proposé en 2009 de rendre indécent un logement énergivore, mais cette proposition n’a été reprise que récemment et selon des termes qui ne satisfont pas les associations. Quant à la question de savoir s’il convient d’effectuer une rénovation globale ou par étapes, je pense que les deux techniques ne doivent pas être opposées car elles répondent à des considérations territoriales différentes. En Franche-Comté, par exemple, où le climat est rigoureux, une rénovation légère par étapes semble inappropriée. Une telle démarche peut en revanche être suivie en Aquitaine où le climat est plus doux et tempéré. Il est de plus compliqué de convaincre un ménage âgé de réaliser des travaux en site occupé. Une rénovation globale constitue dans ce cas une solution plus efficace. Un parcours de rénovation par étapes est davantage pertinent pour les ménages plus jeunes. Il convient donc de mettre en place un véritable accompagnement des personnes en situation de précarité afin qu’elles réalisent des travaux de manière cohérente. Par exemple, changer une chaudière dans un logement dont les combles sont mal isolés ne permet pas de réduire la consommation d’énergie. Des groupements comme SOLIHA sont donc pertinents pour mener des actions efficaces de lutte contre la précarité énergétique. 13
SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019 Audrey PULVAR Serge PLANTON, à quel point cette question de la transversalité des enjeux est-elle prise en compte par les pouvoirs publics et les organismes chargés de planifier l’aménagement du territoire ? Serge PLANTON Le rapport du GIEC insiste sur la nécessité de faire évoluer conjointement des secteurs différents. Il convient par exemple de mesurer les avantages de certaines mesures dans le domaine de la santé. La lutte contre le réchauffement climatique passe donc également par la lutte contre la pauvreté. Le rapport du GIEC inclut ainsi la notion d’équité. L’équité entre les territoires doit en effet être prise en compte par les pouvoirs publics. Je m’interroge à ce titre sur la manière dont les territoires alentour peuvent bénéficier de l’objectif de neutralité énergétique fixé pour une métropole comme Paris à l’horizon 2050. Paris est en effet alimentée par les territoires ruraux environnants. La question de la solidarité entre les territoires et les secteurs doit donc être posée. De la salle, Laurence DUBIN, responsable copropriété chez POUGET Consultants Je remarque que la température de la salle est actuellement de 25 degrés. Philippe PELLETIER Cette observation est importante. Il est en effet établi qu’une maintenance fine permet un gain de consommation d’énergie de 20 %. Qu’attend-on ? Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT La question de la sensibilisation aux usages est effectivement importante. L’éco-conduite permet de même de réduire la consommation d’essence et la pollution. De la salle, Estelle BARON, responsable du pôle Conduite de Projets de territoires chez SOLIHA Paris Hauts- de-Seine Val-d’Oise Comment peut-on réussir à convaincre les propriétaires que les enjeux d’entretien de leur patrimoine rejoignent ceux de la maîtrise des charges des locataires ? 14
SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019 Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT Je pense qu’il convient de prendre en compte l’expérience des bailleurs sociaux dans ce domaine. Les rénovations permettent en effet de limiter les interventions dans les logements et de valoriser le patrimoine immobilier. Une information à l’adresse des bailleurs privés pourrait donc les convaincre des bénéfices de «(...) si la telles rénovations. consommation énergétique et Philippe PELLETIER les émissions de Le coût de ces rénovations s’élève cependant à environ 40 000 euros par logement pour un bailleur social en Ile-de-France. Un bailleur privé risque de refuser un tel investissement. Pour le convaincre, il convient gaz à effet de serre de prendre en compte la valeur de son bien et son usage. D’une part, si la consommation énergétique influaient sur la valeur et les émissions de gaz à effet de serre influaient sur la valeur des biens, les bailleurs seraient encouragés à effectuer des travaux. D’autre part, si des conditions énergétiques s’opposaient à des biens, les bailleurs la location d’un bien, les bailleurs seraient également incités à agir. seraient encouragés à effectuer des travaux De la salle, Philippe DELAROA, SOLIHA Paris Hauts-de-Seine Val-d’Oise (...) » Il convient de rappeler que la précarité énergétique concerne des ménages en situation globale de précarité. Par ailleurs, la précarité énergétique se rapporte souvent à de l’habitat indigne, ce qui implique une approche globale. Les ménages concernés doivent bénéficier d’une réhabilitation et d’un diagnostic global voire d’un accompagnement social. Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT Je partage tout à fait cette analyse. Pour les trois premiers déciles de revenus, la politique consiste à fournir un financement, un accompagnement et une rénovation à 100 %. Le coût de ces mesures est à mettre en perspective avec l’étude d’Eurofound qui préconise d’investir 295 milliards d’euros pour éradiquer le mal-logement en Europe, qui coûte 195 milliards d’euros chaque année. Les investissements sont ainsi rentabilisés en 18 mois. Les retours sur investissement, notamment en termes de santé, peuvent donc intervenir à court terme. Il convient ainsi d’investir massivement pour éradiquer la précarité énergétique. De la salle, Béatrice VESSILLER, Vice-présidente de la Métropole de Lyon en charge de la rénovation thermique des logements Je suis dubitative face à la notion d’intérêts partagés entre bailleurs privés et locataires. L’expérience montre en effet la permanence d’habitats indécents. Il me semble que l’incitation financière montre ses limites et qu’il convient de renforcer les mesures coercitives, par exemple en interdisant la location de logements non conformes en termes de performances énergétiques et d’émissions de gaz à effet de serre. Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT J’ai pour ma part fait partie des députés ayant demandé que, dans dix ans, les logements n’ayant pas fait l’objet de rénovations thermiques ne puissent plus être loués. Le Président de la République a en effet promis d’éradiquer les passoires thermiques sous dix ans. La mise en place de mesures coercitives implique cependant de lever les freins réels aux rénovations. Tous les propriétaires ne se trouvent pas dans les mêmes situations. Il convient à ce titre de distinguer les marchands de sommeil, contre lesquels il faut lutter, et les spécificités des situations de certains propriétaires. 15
SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019 COMMENT ÉRADIQUER LES 3,2 MILLIONS DE PASSOIRES THERMIQUES DU PARC RÉSIDENTIEL PRIVÉ OCCUPÉES PAR DES MÉNAGES TRÈS MODESTES ? Un reportage est diffusé devant l’auditoire. DEUXIÈME TABLE RONDE AVEC : Vous pouvez y accéder en •• Josette LABEGUERIE, Directrice de SOLIHA Landes flashant le QR Code ci-dessous. •• Béatrice VESSILLER, Vice-présidente de la Métropole de Lyon en charge de la rénovation thermique des logements •• Valérie MANCRET-TAYLOR, Directrice générale de l’Agence nationale de l’habitat Audrey PULVAR L’Anah, qui conduit le programme « Habiter Mieux », constitue un acteur majeur de la transition énergétique. Valérie MANCRET-TAYLOR, le film que nous venons de visionner montre que vous changez la vie des gens. 16
SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019 Valérie MANCRET-TAYLOR Les témoignages présentés dans ce film sont en effet éclairants. Nous menons notre action depuis de nombreuses années avec SOLIHA et plus généralement avec l’ensemble des partenaires qui permettent d’accompagner les ménages. Audrey PULVAR Parvenez-vous à atteindre l’objectif de sortir au moins 75 000 ménages par an de la précarité énergétique à travers le programme « Habiter Mieux » ? Valérie MANCRET-TAYLOR Non. Chaque année, l’Agence aide toutefois 10 000 ménages supplémentaires. Ainsi, en 2018, l’Agence a aidé 62 000 ménages. Nous espérons atteindre l’objectif en 2019. Il convient pour cela d’établir une certaine stabilité sur la réglementation de l’Agence et d’approfondir les programmes existant, notamment en améliorant leur visibilité. Nous nous adressons par ailleurs à un public modeste qui n’a pas nécessairement accès à l’information. Les démarches prennent donc du temps mais nous sommes confiants, d’autant que les réformes en cours devraient entraîner des améliorations. Audrey PULVAR L’accès à l’information semble en effet constituer l’un des principaux freins au déploiement du dispositif « Habiter Mieux ». Valérie MANCRET-TAYLOR « (...) il convient C’est vrai. Des rencontres portant sur l’amélioration de l’habitat privé sont organisées chaque année avec également de les bailleurs et les différents partenaires impliqués, mais l’information du public exige l’implication des collectivités territoriales et des autres acteurs de proximité. Nous constatons par ailleurs que l’action renforcer la « Chaudière à 1 euro » a rencontré un franc succès grâce à une communication qui permet de sensibiliser communication un nombre important de ménages, notamment les plus modestes, aux enjeux de la rénovation énergétique et de l’amélioration de l’habitat. Il convient donc de promouvoir la communication sur cette action mais sur le terrain pour également sur la notion de parcours de travaux par étapes afin de répondre aux situations diverses des promouvoir ménages. En tant qu’agence opérateur de l’État et distributeur des aides, nous avons un rôle à jouer mais il convient également de renforcer la communication sur le terrain pour promouvoir le projet global. le projet global. » Audrey PULVAR L’action « Chaudière à 1 euro » n’entre donc pas en contradiction avec l’objectif de convaincre les propriétaires d’engager des travaux de rénovation plus larges. Valérie MANCRET-TAYLOR Absolument pas. Il convient néanmoins de promouvoir l’intérêt d’une réhabilitation complète. Le changement de chaudière constitue une première étape qui peut être suivie de travaux d’isolation. Dans le cas d’habitats indignes, le bouquet de travaux est plus important encore. Il convient dès lors de réaliser le conseil à la fois sur la préconisation de travaux et sur le montage du dossier au plan technique, économique et financier. Audrey PULVAR Josette LABEGUERIE, la collaboration entre l’Anah et ses partenaires est-elle particulièrement importante pour assurer le succès des dispositifs ? 17
SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019 « Les politiques Josette LABEGUERIE menées en matière de Il est en effet important aujourd’hui de coopérer et de cultiver les relations avec les partenaires de proximité mais également les partenaires nationaux comme La Poste, Engie ou SONERGIA. Il rénovation énergétique convient donc de renforcer le travail de terrain et les partenariats pour toucher un maximum de doivent donc être propriétaires occupants. La dématérialisation du dossier Anah représente à ce titre un facteur de réussite. Nous nous adressons par ailleurs à des publics extrêmement précaires qu’il convient d’accompagner évaluées.» dans des opérations adaptées à leurs besoins. Ces personnes sont en outre touchées parfois par des problématiques liées au vieillissement auxquelles nos équipes d’ergothérapeutes peuvent également répondre. Je souhaite souligner de plus l’impact majeur que ces travaux peuvent exercer sur le pouvoir d’achat des ménages. Ainsi, nous étions la semaine dernière invités par le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine à participer aux réflexions sur le programme de rénovation énergétique mis en place avec l’État. Une des études menées dans ce cadre indique que beaucoup de travaux n’ont pas d’impact en termes de gain de consommation énergétique. Il convient donc de poursuivre les études d’impact sur l’efficacité énergétique afin de garantir la crédibilité de nos actions auprès des ménages. Les retours d’expérience mettent en valeur un gain de 26 % en termes de pouvoir d’achat des ménages. Les usagers reconnaissent par ailleurs un gain en termes de confort thermique. Les politiques menées en matière de rénovation énergétique doivent donc être évaluées. Audrey PULVAR Pour revenir à la question de l’information des ménages, il semble que beaucoup d’entre eux ignorent les aides auxquelles ils peuvent prétendre. Josette LABEGUERIE Cette question de l’accès à l’information nous a en effet été posée lors de la conférence de presse organisée dans le cadre de nos journées portes ouvertes. La multitude des questions posées via l’Espace Info Énergie montre par ailleurs que le public s’interroge sur l’identification et la qualité de l’offre proposée. L’information doit de plus être menée en collaboration avec les collectivités territoriales afin de toucher un public plus large. Les campagnes de communication jouent donc un rôle important pour atteindre le maximum de personnes dans les territoires à condition qu’elles soient relayées par des conférences de presse. Nous organisons d’ailleurs cette semaine deux interventions sur le terrain, auxquelles l’ensemble des partenaires sont conviés. Nous réalisons en outre des restaurations de logements locatifs. Ainsi, vendredi, nous inaugurerons quatre logements rénovés dans une commune rurale proche de Dax. La facture de consommation énergétique de ces logements s’élèvera dorénavant à 25 ou 30 euros par mois. Nous réaliserons donc une démonstration de l’efficacité de ces chantiers que des particuliers seront invités à visiter. Ces différentes actions peuvent ainsi contribuer à élargir le public concerné par ces travaux. 18
SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019 Audrey PULVAR Béatrice VESSILLER, vous êtes également confrontée à des idées reçues sur les aides disponibles pour ces rénovations. Béatrice VESSILLER En effet. Nous avons cependant mis en place un dispositif expliquant en quoi consistent ces aides et comment en bénéficier. Dans le cadre du volet habitat de notre plan climat, nous avons mis en place une politique de soutien à la rénovation énergétique de l’habitat social et privé, comprenant notamment le dispositif Écoréno’v. Ce dispositif consiste en une plate-forme de la rénovation énergétique, animée notamment en partenariat avec l’Agence locale pour l’énergie et le climat et SOLIHA. Cette plate-forme constitue un lieu d’information. Elle présente un guichet unique de premier accompagnement, des conseils techniques et administratifs et des informations sur les subventions mises en place. Notre politique s’articule autour de la lutte contre le changement climatique et contre la précarité énergétique. La plate-forme propose ainsi des subventions de 2 000 à 3 500 euros par logement pour accompagner les propriétaires dans des projets ambitieux. Les opérations financées à hauteur de 2 000 euros concernent des travaux permettant 35 % d’économies d’énergie, tandis que celles financées à hauteur de 3 500 euros visent l’obtention du label BBC. Ces subventions conduisent réellement les propriétaires à réaliser des projets plus ambitieux qu’un simple changement de chaudière ou des travaux de menuiserie. Cet accompagnement vise en effet à suivre une approche globale pour une rénovation globale. Une bonification de ces montants de subvention a par ailleurs été mise en place l’année dernière pour le recours aux matériaux biosourcés. Nos aides sont attribuées sans conditions de ressources, à l’exclusion des opérations permettant 35 % d’économies d’énergie, et sont cumulables avec les aides de l’Anah, ce qui crée une réelle dynamique. Nous avons ainsi financé à ce jour 4 800 logements en copropriété, 2 700 logements sociaux et 200 maisons individuelles. Nous mettons actuellement l’accent sur les maisons individuelles qui représentent près de 20 % du logement dans l’agglomération et 30 % des consommations d’énergie. Les copropriétés regroupant jusqu’à 900 logements impliquent par ailleurs un accompagnement important car le montant des travaux peut s’élever à 10 000 euros par logement. Les acteurs tels ALEC et SOLIHA parviennent à convaincre les copropriétaires de réaliser ces travaux. Nous avons également lancé un marché pour financer des prestataires chargés d’accompagner certaines copropriétés. Ce dispositif d’ingénierie est donc important pour mener à bien les actions engagées, autant que les dispositifs de l’Anah concernant les copropriétés fragiles et dégradées. 19
SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019 Audrey PULVAR Le journal Le Monde s’est fait l’écho d’un projet de rénovation dans la rue de Château-Gaillard concernant trois immeubles de cinq étages composés de 70 logements, auquel l’ADEME, la Métropole de Lyon, SOLIHA et la Caisse des dépôts et consignations de Villeurbanne ont contribué. Le reste à charge pour les copropriétaires représente entre 3 000 et 20 000 euros selon les logements tandis que le montant global du projet s’élève à 1,7 million d’euros. Ce type de projets d’envergure ne peut-il fonctionner qu’à la faveur d’une action conjointe de l’ensemble des partenaires ? Béatrice VESSILLER Absolument. Cet exemple est d’autant plus intéressant que cette copropriété a été associée au dispositif à travers une obligation de ravalement de façade. Étant donné que l’ALEC et Écoréno’v participaient au projet, la copropriété a finalement opté pour un projet BBC, notamment grâce aux subventions de l’Anah à hauteur de 20 % et à un financement exceptionnel de la Caisse des dépôts dans le cadre du programme ÉcoCité. Le financement de la transition énergétique représente donc un sujet majeur. Le programme ÉcoCité ne s’applique pas à toutes les copropriétés mais l’Anah participe systématiquement au financement, ainsi qu’Écoréno’v qui inclut 20 % de ménages modestes dans ses opérations. Cette complémentarité des dispositifs aide de cette manière les collectivités et l’Anah à réaliser leurs objectifs. Le fait de réaliser des programmes aussi ambitieux en copropriété propose de plus une réponse au problème des locataires. Audrey PULVAR La Métropole de Lyon sensibilise par ailleurs ses populations aux questions de transition énergétique, non seulement concernant la rénovation mais également les gestes éco-citoyens en général. Béatrice VESSILLER Outre cette politique de rénovation, la Métropole de Lyon exprime en effet la volonté d’associer le plus largement possible la population à la transition écologique. Les villes de la Métropole mènent de plus une politique spécifique de rénovation énergétique avec l’aide de l’ALEC et de SOLIHA. Audrey PULVAR Valérie MANCRET-TAYLOR, considérez-vous également que la collaboration entre les différents organismes et la cohérence de leurs actions constituent un levier important ? Valérie MANCRET-TAYLOR Tout à fait. Les aides de l’Anah fonctionnent à 60 % parce qu’elles sont contractualisées avec des aides « Un des freins des collectivités territoriales. Ces aides représentent 50 % pour les ménages très modestes et 35 % pour les ménages modestes. Les villes peuvent apporter une aide supplémentaire de 10 %. Un des freins importants est en effet importants est en effet le reste à charge. Dans ces conditions, le cumul des aides permet aux le reste à charge. » ménages de s’engager dans un parcours de travaux ambitieux. Le partenariat des collectivités territoriales dans la majoration et la bonification des aides représente, par conséquent, un élément déterminant. Audrey PULVAR L’agressivité des offres commerciales a été évoquée par Xavier de LANNOY et dans le reportage présenté. Comment peut-on protéger les personnes vulnérables de cet environnement commercial tout en promouvant la nécessité de la rénovation énergétique ? 20
SOLIHA | LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE POUR TOUS - 12 MARS 2019 Valérie MANCRET-TAYLOR Certaines actions commerciales sont en effet agressives. Les ménages recevant de telles offres sollicitent souvent une information auprès de nos services. Les opérateurs qui travaillent avec l’Agence doivent donc fournir un conseil relativement à ces offres et au parcours global permettant une amélioration de l’habitat. Les politiques menées actuellement consacrent de fait des aides importantes à la rénovation énergétique et à l’amélioration de l’habitat privé pour des raisons sociales, pour des raisons de structuration urbaine et pour la réduction des gaz à effet de serre. Les politiques d’État rejoignent ainsi les politiques territoriales concernant le social, l’urbain et l’immobilier. Audrey PULVAR Josette LABEGUERIE, les ménages que vous aidez mentionnent-ils également l’aspect financier comme un frein à la rénovation ? Josette LABEGUERIE L’aspect financier préoccupe en effet les ménages. Les aides sont aujourd’hui plus importantes que jamais. Nous bénéficions d’une garantie de moyens sur les trois années à venir qui nous permet de délivrer un conseil adapté et d’assurer les personnes concernées de la pérennité des aides. Notre rôle est aujourd’hui de répondre aux demandes particulières en priorisant les travaux dans une démarche par étapes ou en cherchant de nouveaux partenariats. Ainsi, nous mettons actuellement en place des solutions de financement avec deux nouveaux partenaires, la Caisse d’allocations familiales et le Conseil départemental. Ces partenaires versent en effet des aides au paiement de la facture d’énergie qui peuvent être réduites par la rénovation des logements. Par ailleurs, la moyenne de travaux, pour les ménages très modestes, avoisine aujourd’hui les 17 000 euros. Nous parvenons à obtenir des financements à hauteur de 80 % de ce montant. Des avances sont proposées par l’Anah ou des organismes comme PROCIVIS. L’Éco-prêt Habiter Mieux devrait également être mis en place bientôt. Ce prêt permettrait d’engager les travaux en attendant les aides de l’Anah et des autres partenaires et de proposer une solution de financement pour le reste à charge. Nous insistons par ailleurs sur les comportements des ménages après travaux, afin d’encourager les attitudes économes en charge énergétique. Béatrice VESSILLER Je souhaite souligner de plus que nos travaux de rénovation permettent également d’améliorer le confort thermique d’été. Par ailleurs, l’enjeu de la mise en place des services publics de l’efficacité énergétique dans l’habitat est important, relativement à son financement dans les territoires et à la pérennité de ce financement. Un certain nombre de dispositifs d’aide à l’investissement sont disponibles mais ils ne sont utilisés qu’à la faveur d’une ingénierie de conseil et d’accompagnement. Le désinvestissement de l’ADEME de ces dispositifs semble contradictoire avec le discours actuel sur la rénovation énergétique. De plus, les collectivités souhaitent percevoir une part de la Contribution Climat Énergie pour mettre en œuvre la transition énergétique dans les territoires. Pour l’instant, le Gouvernement s’y refuse, ce qui paraît également paradoxal car les dépenses en ingénierie permettent de limiter les dépenses de fonctionnement. 21
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