Love&Collect Demain sourit en rêve Beatrice Wood (1893-1998)
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Love&Collect 8, rue des Beaux-Arts Fr-75006 Paris Du mardi au samedi de 14 h à 19 h www.loveandcollect.com collect@loveandcollect.com +33 1 43 29 72 43 Demain sourit en rêve Beatrice Wood (1893-1998) 04.05.2021 Beatrice Wood Frightened of Her Dreams 1997 Mine de plomb et crayons de couleur sur papier Signé, titré et daté en bas à gauche 38 × 28 cm Prix conseillé 3 000 euros Prix Love&Collect 1 500 euros 1/23
Rêves, souvenirs et réalité, peur et désir, noirceur et chair se télescopent sans cesse dans l’art de Beatrice Wood, comme dans celui de Louise Bourgeois.
Love&Collect 8, rue des Beaux-Arts Fr-75006 Paris Du mardi au samedi de 14 h à 19 h www.loveandcollect.com collect@loveandcollect.com +33 1 43 29 72 43 Demain sourit en rêve Beatrice Wood (1893-1998) 04.05.2021 Lors de la dernière session d’Art Basel OVR: Pioneers, en mars dernier, l’excellente galerie Andrew Kreps, de New York, avait décidé de mettre l’accent sur l’œuvre de Beatrice Wood, connue comme la Mama of Dada, pilier de l’aventure avant-gardiste à New York dans les premières décennies du siècle dernier, au centre d’un triangle amoureux formé avec Marcel Duchamp et Henri-Pierre Roché. Ses dessins, précisait la galerie, possèdent la qualité d’un journal intime, décrivant les relations, les rêves et la pensée politique de Wood, souvent avec une touche d’humour. Cela se vérifie indubitablement avec ce pétillant dessin, réalisé un an avant sa disparition, alors qu’elle était âgée de 104 ans! L’artiste s’y représente comme souvent dans un espace abstrait délimité par des corps, gentiment effrayée (le regard en coin, aux aguets) par une valse de troncs féminins dénudés, circonscrits par des jambes d’hommes, pliées et noires. Rêves, souvenirs et réalité, peur et désir, noirceur et chair se télescopent sans cesse dans l’art de Beatrice Wood, comme dans celui de Louise Bourgeois. La critique féministe Jenni Sorkin a, du reste, établi le parallèle entre les deux artistes dans une conférence remarquée, en 2010 au Santa Monica Museum of Art, détaillant comment, au crépuscule de leur vie, les deux femmes avaient conservé une grande influence, étant considérées comme des modèles de proto-féministes iconoclastes. Sa vie était déjà un scénario de film, a résumé Roberta Smith à la disparition de Beatrice Wood, à 105 ans en 1998. Et même de films au pluriel. Car si elle doit à sa liaison avec Marcel Duchamp à compter de 1917 son irruption sur la scène artistique, comme cofondatrice et illustratrice de la mythique revue The Blind Man, déterminant vecteur d’introduction de Dada aux États-Unis, c’est bien à celle qui l’unissait simultanément à l’écrivain et collectionneur Henri-Pierre Roché qu’elle doit d’avoir été une première fois immortalisée sur pellicule, ce dernier ayant emprunté des éléments de cette histoire triangulaire pour imaginer le personnage de Catherine et l’intrigue de son roman Jules et Jim, adapté en 1962 par François Truffaut. Mais, quatre-vingts ans plus tard, c’est en Rose DeWitt Bukater qu’elle ressurgit, dans le film Titanic, sous les traits de Kate Winslet. Alors en pleine écriture de son scénario, le réalisateur James Cameron a en effet dévoré I Shock Myself (l’autobiographie sans fard de Beatrice Wood), et n’en revenant pas, la transpose aussitôt: Quand j’ai commencé à lire, je me suis rendu compte que le premier chapitre était une description presque littérale du personnage que j’étais en train d’imaginer, Rose âgée… Quand j’ai fait la connaissance de Beatrice, je l’ai trouvée si charmante, créative et dotée d’un humour ravageur… Bien sûr, la Rose du film n’est que son reflet, auquel j’ai ajouté de nombreux éléments fictionnels… 4/23 Beatrice Wood expose en 1917, en même temps que Duchamp,
à la Society of Independent Artists de New York. À côté de Fountain, son œuvre, Un peut d’eau dans du savon (sic) fait scandale et mobilise la presse; c’est une peinture, figurant une femme dans son bain, un vrai morceau de savon masquant son sexe. Ce coup d’essai est un coup de maître, qui déterminera tout l’art à venir de Beatrice Wood, longtemps considéré comme mineur parce qu’il s’est largement déployé dans un domaine, la céramique, dont l’importance a été longtemps minorée. L’inspiration woodienne, à la croisée de l’irrévérence Dada, du féminisme et du folklore, est un cocktail créatif explosif qui en fait une véritable pionnière de l’art contemporain, réfutant notamment le piège du faux professionnalisme pompier pour lui préférer le souffle libertaire de la créativité pure: Maintenant, en poterie, je réalise des figures humaines, a-t-elle dit un jour. Et beaucoup de gens pensent qu’elles sont parfaitement horribles. Peut-être le sont-elles. Je n’en ai aucune idée. Mais je garde volontairement telles quelles, absolument non académiques. Le dessin a toujours occupé une place centrale dans la pratique de Beatrice Wood, depuis le tout premier, réalisé en 1916, après sa rencontre Marcel Duchamp, à qui elle déclare que le premier venu peut faire de l’art moderne. Aussitôt dit, elle réalise un dessin intitulé Marriage of a friend. Convaincu, Duchamp le fait paraître dans un numéro de la revue d’avant-garde Rogue, et va plus loin, en lui confiant la clé de son atelier, afin qu’elle dispose d’un lieu pour dessiner et peindre. Le plus souvent signées de son pseudonyme hérité de l’enfance, Beato, ses œuvres faussement ingénues explorent sans complaisance, mais avec humour et naturel, les thèmes qui ont déterminé sa vie: la féminité, le triangle amoureux, l’érotisme, la liberté totale de penser et d’agir. 5/23
L’inspiration woodienne, à la croisée de l’irrévérence Dada, du féminisme et du folklore, est un cocktail créatif explosif, réfutant notamment le piège du faux professionnalisme pompier pour lui préférer le souffle libertaire de la créativité pure.
Beatrice Wood, artiste céramiste connue tant pour ses bons mots irrévérencieux, sa beauté, son style de vie bohème et ses amants célèbres, que pour ses calices en émail brillant, et qui a inspiré au moins deux personnages de films. Roberta Smith
Love&Collect 8, rue des Beaux-Arts Fr-75006 Paris Du mardi au samedi de 14 h à 19 h www.loveandcollect.com collect@loveandcollect.com +33 1 43 29 72 43 Demain sourit en rêve Beatrice Wood (1893-1998) Roberta Smith Beatrice Wood, artiste céramiste connue tant pour ses bons mots 14 mars 1998 irrévérencieux, sa beauté, son style de vie bohème et ses amants célèbres, que pour ses calices en émail brillant, et qui a inspiré au moins deux personnages de films, est décédée jeudi chez elle à Ojai, en Californie. Elle avait fêté son 105e anniversaire le 3 mars dernier. Femme indépendante, encline à dire tout ce qui lui passait par la tête, Mme Wood se plaisait à attribuer sa longévité au chocolat et aux jeunes hommes, et a intitulé de façon tout aussi provocante son autobiographie, parue en 1985, I Shock Myself (Je me choque moi-même). En fait, elle a toujours été végétarienne, n’a jamais fumé ni bu d’alcool, et est demeurée assez lucide pour utiliser l’ordinateur à l’âge de 90 ans. Jusqu’à il y a deux ans, elle travaillait encore tous les jours à son tour de potier, suivant un rituel strict, dans un atelier figurant en bonne place sur la liste des Lieux remarquables d’Ojai. Membre du mouvement théosophique depuis 1923, elle s’était installée à Ojai en 1948 pour être proche de son maître, le sage indien Krishnamurti. Pendant les quatre dernières décennies de sa vie, elle s’est exclusivement vêtue de saris indiens brillants, portant de nombreux bijoux en argent et turquoise, même lorsqu’elle tournait des poteries, avec ses cheveux gris épais et longs jusqu’aux hanches, ramassés en tresses ou en chignon. Elle était née à San Francisco et avait grandi à New York, manifestant très tôt une attirance pour l’art et le non- conformisme, au grand désarroi de ses riches parents. Elle a dit un jour qu’elle avait dû attendre l’âge de vingt-trois ans avant de se libérer de sa mère et de sa femme de chambre, mais avait en fait été autorisée à se rendre, chaperonnée, à Paris à dix-huit ans à peine, afin d’étudier la peinture à l’Académie Julian et le théâtre à la Comédie française. De retour à New York, elle devait faire la connaissance de certaines des personnalités artistiques les plus aventureuses de la ville. Parmi ses amis figurent Man Ray, Francis Picabia, Charles Sheeler, Walter et Louise Arensberg, Edgard Varese et Mina Loy. Mais elle était plus proche encore de Marcel Duchamp et de son ami, le diplomate et écrivain Henri-Pierre Roché. Tous trois ont fondé The Blind Man, une revue qui devait être l’une des premières manifestations du mouvement Dada à New York (dans le deuxième et dernier numéro, Mme Wood a défendu l’infâmant urinoir de Duchamp, rejeté par le jury de The Society of Independent Artists en 1917, par une phrase habituellement attribuée à Duchamp lui-même: Les seules œuvres d’art que l’Amérique a données sont sa plomberie et ses ponts. 10/23 Duchamp l’encourage à dessiner; les résultats s’avérant
d’étranges caricatures, souvent autobiographiques. Sa vie était déjà un scénario de film. Le roman de Roché sur un ménage à trois, Jules et Jim, inspirera le film éponyme de François Truffaut en 1961, dont le personnage principal féminin, interprété par Jeanne Moreau, est basé en partie sur Mme Wood. En 1993, elle a également été le sujet d’un documentaire, Beatrice Wood, the Mama of Dada, réalisé par Diandra Douglas. Et, plus récemment, elle a inspiré le personnage de Rose, âgée de 101 ans, dans le film Titanic, réalisé par James Cameron, son voisin d’Ojai. Mme Wood aimait à dire qu’elle avait aimé sept hommes qu’elle n’avait pas épousés, et qu’elle avait épousé deux hommes qu’elle n’avait pas aimés, prétendant qu’aucun de ses deux mariages n’avait été consommé. Son premier mariage, en 1919, avec un directeur de théâtre de Montréal, sous pressions familiales, s’est rapidement soldé par une annulation lorsqu’on a découvert que le mari avait déjà une femme légitime en Belgique. En 1938, alors qu’elle vivait à Los Angeles, elle a épousé l’ingénieur Steve Hoag, après que la maison qu’ils possédaient ensemble à North Hollywood ait été emporté par une inondation, suivant la supposition (correcte) que les personnes mariées obtenaient plus facilement l’aide de la Croix-Rouge. Ils vécurent ensemble jusqu’à la mort d’Hoag, en 1960. Elle n’avait découvert la céramique que dans les années 1930, car elle ne parvenait pas à trouver de théière assortie à ses assiettes néo-rococo en émail brillant, qu’elle avait achetées aux Pays-Bas. Elle s’est alors inscrite à un cours de poterie au lycée d’Hollywood, et a commencé à faire des recherches sur le procédé de l’émail à lustre métallique dans une bibliothèque locale. Elle n’a jamais fabriqué cette fameuse théière, mais est demeurée fascinée par ce médium. Ses premières œuvres – de petites figurines en émail dont la fantaisie faisait écho à ses dessins – se vendirent facilement, ce qui l’aida à survivre durant la Dépression. Ce n’est qu’en 1940, après qu’elle eut étudié brièvement avec les céramistes autrichiens Gertrud et Otto Natzler, qu’elle a réellement pris conscience de la beauté et des possibilités de la céramique en tant que qu’art autonome. Après s’être installée à Ojai en 1948, elle a commencé à développer sa propre interprétation de la technique de l’émail au lustre, imprévisible par nature, en perfectionnant ce procédé qui consiste à incorporer l’iridescence du métal dans l’émail 11/23 lui-même, plutôt que de la peindre. Bien qu’elle n’ait pas inventé
cette technique, elle l’a dotée d’une palette unique, dans une gamme extraordinaire de roses, d’ors et de verts métalliques. Au début, Mme Wood a produit de grandes quantités de services de table, commerciaux, mais à compter du milieu des années 1970, elle a pu se concentrer exclusivement sur des récipients décoratifs plus ambitieux: calices, bols et vases. Ses pièces les plus complexes, aux surfaces minutieusement décorées, ne sont apparues qu’après le milieu des années 1980, alors qu’elle était déjà âgée de quatre-vingt-dix ans. Ces œuvres sophistiquées et rayonnantes dominaient sa dernière rétrospective, qui s’est tenue l’année dernière à l’American Craft Museum de New York, puis en Floride, au Lake Worth Museum of Contemporary Art. La première exposition de Mme Wood a eu lieu en 1949 à l’America House de New York. Parmi ses expositions marquantes, signalons sa rétrospective au Phoenix Art Museum en 1973. Depuis 1981, elle a régulièrement exposé à la Garth Clark Gallery, d’abord à Los Angeles, puis à New York, où une exposition de son travail se terminera le 4 avril. En 1994, le Smithsonian Institute a décerné à Mme Wood le titre d’Artiste Américaine Vénérable tandis que Pete Wilson, gouverneur de Californie, l’a déclarée Trésor Californien Vivant. 12/23
Le Surréalisme a systématisé l’insertion de l’apport des rêves dans la création artistique, tant les images oniriques s’inscrivent dans la volonté des surréalistes d’abolir les frontières de la réalité.
Toute mon ambition sur le plan pictural consiste à matérialiser avec la plus impérialiste rage de précision les images de l’irrationalité concrète. Salvador Dali
Love&Collect 8, rue des Beaux-Arts Fr-75006 Paris Du mardi au samedi de 14 h à 19 h www.loveandcollect.com collect@loveandcollect.com +33 1 43 29 72 43 Demain sourit en rêve Cinquante-sixième semaine Cinquante-sixième semaine Demain sourit en rêve est le titre d’une toile de Maurice Henry. Chaque jour à 10 heures, L’ancien pilier du groupe poétique Le Grand Jeu, puis membre du lundi au vendredi, historique du Surréalisme, la réalise en mai 1968. Elle montre une œuvre à collectionner une femme brune, nue, allongée sur le sable, les yeux clos; à prix d’ami, disponible la plage est envahie de CRS en tenue, l’un d’eux s’élançant uniquement pendant sur ses côtes, à la hauteur du sein. 24 heures. Rêve et révolution sont intimement liés, annonciateurs de ces lendemains qui chantent que toute la jeunesse, dans un soulèvement unanime, appelle de ses vœux. Le Surréalisme a systématisé l’insertion de l’apport des rêves dans la création artistique, tant les images oniriques s’inscrivent dans la volonté des surréalistes d’abolir les frontières de la réalité. Pour cela, ils cherchent à relier tous les états mentaux à la création, explorant tant l’hypnose que le spiritisme, ayant recours à l’automatisme, tant en poésie qu’en dessin, pour faire surgir ces mots ou ces images formulés à la lisière du sommeil, et tout ce qui peut resurgir des tréfonds de notre conscience. L’œuvre, parfois, se forme ainsi d’elle-même, sans contrôle réel de l’artiste. Dans la lignée du Cauchemar de Füssli, la toile d’Henry figure sur le même plan la dormeuse et son rêve, dont le tableau est le lieu de rencontre, comme à mi-chemin. Pourtant, si les visions de la Bible, par exemple, ont eu droit de cité dans l’art dès l’époque médiévale, le songe individuel, lui, n’apparaît dans l’art que bien plus tard. On considère que le premier à peindre son rêve est Albrecht Dürer dans l’aquarelle La Vision en 1525, nichée dans le journal du peintre, qui accompagne le récit d’un rêve: La nuit du mercredi au jeudi après la Pentecôte [7-8 juin 1525], je vis en rêve ce que représente ce croquis: une multitude de trombes d’eau tombant du ciel. La première frappa la terre à une distance de quatre lieues: la secousse et le bruit furent terrifiants, et toute la région fut inondée. J’en fus si éprouvé que je m’éveillai. Puis, les autres trombes d’eau, effroyables par leur violence et leur nombre, frappèrent la terre, les unes plus loin, d’autres plus près. Et elles tombaient de si haut qu’elles semblaient toutes descendre avec lenteur. Mais, quand la première trombe fut tout près de terre, sa chute devint si rapide et accompagnée d’un tel bruit et d’un tel ouragan que je m’éveillai, tremblant de tous mes membres, et mis très longtemps à me remettre. De sorte qu’une fois levé, j’ai peint ce qu’on voit ci-dessus. Dieu tourne pour le mieux toutes choses. Grâce à la représentation qui accompagne le récit du songe, le regardeur peut s’emparer pour la première fois de la vision du peintre, ce qui autorise l’écrivaine Marguerite Yourcenar, dans son ouvrage Le temps, ce grand sculpteur, paru en 1983, 17/23 à commenter à distance cette vision imaginée plus de quatre
cent cinquante ans auparavant: Dans son croquis onirique, le visionnaire est un réaliste, et c’est d’un drame cosmique qu’il est le spectateur. Sa précision est d’un physicien, juge-t-elle. Visionnaire et réaliste, cosmique et physicien, le peintre qui retranscrit les rêves est l’archétype même de l’artiste surréaliste, figure incarnée au premier chef par Salvador Dali qui, au cours des années 1930, se passionne pour la psychanalyse, fréquente Stefan Zweig et Lucian Freud lui-même, et déclare: Toute mon ambition sur le plan pictural consiste à matérialiser avec la plus impérialiste rage de précision les images de l’irrationalité concrète, allant même, dans son célèbre tableau de 1944, Rêve causé par le vol d’une abeille autour d’une grenade, une seconde avant l’éveil, à s’emparer d’un rêve de son épouse Gala, pour lui donner une forme hyperréaliste, fascinante. Pour les surréalistes, rêve et révolution sont intrinsèquement conjoints. D’ailleurs, dans les premiers numéros de La Révolution surréaliste, la revue fondée en 1924, on retrouve nombre de récits de rêves dus à André Breton, mais aussi à Raymond Queneau et Michel Leiris. Dès sa déclaration d’intention, cosignée du photographe Jacques-André Boiffard et des écrivains Paul Eluard et Roger Vitrac, le ton est donné: Le procès de la connaissance n’étant plus à faire, l’intelligence n’entrant plus en ligne de compte, le rêve seul laisse à l’homme tous ses droits à la liberté. Grâce au rêve, la mort n’a plus de sens obscur et le sens de la vie devient indifférent. Chaque matin, dans toutes les familles, les hommes, les femmes et les enfants, S’ILS N’ONT RIEN DE MIEUX A FAIRE, se racontent leurs rêves. Nous sommes tous à la merci du rêve et nous nous devons de subir son pouvoir à l’état de veille. C’est un tyran terrible habillé de miroirs et d’éclairs. Qu’est-ce que le papier et la plume, qu’est- ce qu’écrire, qu’est-ce que la poésie devant ce géant qui tient les muscles des nuages dans ses muscles? Si l’on pourrait objecter que l’objectif révolutionnaire aurait moins à gagner de la douceur passive d’un rêve que de l’efficacité d’une organisation, certains songes nocturnes, pourtant, ont parfois engendré de véritables révolutions de la pensée et de la création: le destin du philosophe René Descartes a ainsi été scellé par une séquence fort agitée de trois rêves, dont le dernier – selon son interprétation – lui enjoignait de consacrer sa vie à la recherche scientifique. On rapporte aussi que le compositeur Tartini, mort en 1778, entendit en rêve une sonate pour violon qu’il intitulera Sonate des trilles du Diable, d’une virtuosité technique redoutable, qu’il se contenta de reproduire au réveil. Pour donner chair à la séquence centrale du rêve dans 18/23 Spellbound (La Maison du Docteur Ewardes, 1945), le réalisateur
Alfred Hitchcock exige de son producteur David O. Selznick de pouvoir collaborer avec Salvador Dali. Malheureusement, ainsi que le cinéaste s’en ouvre à son confrère François Truffaut dans leurs célèbres entretiens, alors qu’[il aurait] voulu tourner les rêves de Dalí en extérieurs afin que tout soit inondé de soleil et devienne terriblement aigu, [on le lui a refusé] cela et [il a] dû tourner le rêve en studio. Impossible, dans ces conditions, d’éviter le cliché, le tournage en studio produisant une forte impression d’artificialité qui contribue à accentuer l’effet de cristallisation, ou de collage, inhérente au rêve. Aussi, au XXe siècle, la représentation des rêves est-elle demeurée du ressort du dessin et de la peinture, à l’exception de la superbe série de photographies réalisées par l’écrivain et plasticien Édouard Levé en 2004, ses Rêves reconstitués, dans lesquels il met en scène ses proches, et réalise parfois des objets imaginaires, qui lui sont apparus en songe: Quand je me souviens d’un rêve qui peut être reconstitué avec les personnes et les objets réels, raconte-t-il, je rédige sa description au réveil, puis le dessine sur une feuille de papier, avant de le photographier. L’œuvre d’art et le songe partagent la même polysémie irréductible, comme le souligne Levé: Le rêve me plaît parce qu’il s’agit d’une langue iconique. Les images qu’il génère sont des rébus, mais dont le sens ne serait jamais trouvé, avant de conclure: Je ne veux pas qu’on résolve l’énigme. 19/23
Si l’on peut objecter que l’objectif révolutionnaire aurait moins à gagner de la douceur passive d’un rêve que de l’efficacité d’une organisation, certains songes nocturnes, pourtant, ont parfois engendré de véritables révolutions.
22/26
Love&Collect 8, rue des Beaux-Arts Fr-75006 Paris Du mardi au samedi de 14 h à 19 h www.loveandcollect.com collect@loveandcollect.com +33 1 43 29 72 43 Actuellement 03.05 07.05.2021 En ligne Love&Collect: Demain sourit en rêve Robert Crumb, Maurice Henry, Daniel Johnston, Peter Klasen et Béatrice Wood. Un ensemble exceptionnel d’œuvres de Maryan (1927-1977), peintre et dessinateur d’origine polonaise, sera présenté. Inscription sur notre site et suivez ce projet en temps réel sur Instagram et Twitter @loveandcollect 22.03 19.05.2021 8 et 15, rue des Beaux-Arts Librairie Loeve&Co et Love&Collect Puisque les nouvelles mesures annoncées par le gouvernement nous surprennent, nous avons décidé de transformer la galerie Loeve&Co et le magasin d’histoires de l’art Love&Collect en librairies à compter de mardi 23 mars, et jusqu’à la mi-mai selon les annonces gouvernementales. Nos nouvelles librairies vous accueilleront du mardi au samedi de 14h à 19h, et sur rendez- vous en dehors de ces horaires. Sera exposée une sélection évolutive de livres d’art, des éditions courantes comme des spécimens rarissimes, de ou à propos des artistes que nous aimons et défendons, ou publiés par des éditeurs qui nous sont proches. 15.05 31.05.2021 8 et 15, rue des Beaux-Arts Initiation au voyage... Les galeries de la rue des Beaux-Arts dévoilent en vitrines des oeuvres majeures d’art contemporain, d’art moderne et d’arts primitifs, autour du thème du voyage... 06.05 29.05.2021 À la galerie : 15, rue des Beaux-Arts Voyage dans l’espace 23/23
Robert Robert et SpMillot ont dessiné cette Fiche pour Love&Collect Écrans imprimables Format 21 × 29,7 cm 04.04.2021 Crédit photographique Fabrice Gousset
Vous pouvez aussi lire