Love&Collect Demain sourit en rêve Beatrice Wood (1893-1998)

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Love&Collect Demain sourit en rêve Beatrice Wood (1893-1998)
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                             Demain sourit en rêve
                             Beatrice Wood (1893-1998)

04.05.2021

Beatrice Wood
Frightened of Her Dreams
1997
Mine de plomb et crayons
de couleur sur papier
Signé, titré et daté
en bas à gauche
38 × 28 cm

Prix conseillé
3 000 euros

Prix Love&Collect
1 500 euros

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Love&Collect Demain sourit en rêve Beatrice Wood (1893-1998)
Love&Collect Demain sourit en rêve Beatrice Wood (1893-1998)
Rêves, souvenirs et
réalité, peur et désir,
noirceur et chair
se télescopent
sans cesse dans l’art
de Beatrice Wood,
comme dans celui
de Louise Bourgeois.
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04.05.2021                   Lors de la dernière session d’Art Basel OVR: Pioneers, en mars
                             dernier, l’excellente galerie Andrew Kreps, de New York, avait
                             décidé de mettre l’accent sur l’œuvre de Beatrice Wood, connue
                             comme la Mama of Dada, pilier de l’aventure avant-gardiste
                             à New York dans les premières décennies du siècle dernier, au
                             centre d’un triangle amoureux formé avec Marcel Duchamp et
                             Henri-Pierre Roché. Ses dessins, précisait la galerie, possèdent
                             la qualité d’un journal intime, décrivant les relations, les rêves et
                             la pensée politique de Wood, souvent avec une touche d’humour.
                             Cela se vérifie indubitablement avec ce pétillant dessin, réalisé
                             un an avant sa disparition, alors qu’elle était âgée de 104 ans!
                             L’artiste s’y représente comme souvent dans un espace abstrait
                             délimité par des corps, gentiment effrayée (le regard en coin,
                             aux aguets) par une valse de troncs féminins dénudés,
                             circonscrits par des jambes d’hommes, pliées et noires.
                             Rêves, souvenirs et réalité, peur et désir, noirceur et chair se
                             télescopent sans cesse dans l’art de Beatrice Wood, comme dans
                             celui de Louise Bourgeois. La critique féministe Jenni Sorkin a,
                             du reste, établi le parallèle entre les deux artistes dans une
                             conférence remarquée, en 2010 au Santa Monica Museum of Art,
                             détaillant comment, au crépuscule de leur vie, les deux femmes
                             avaient conservé une grande influence, étant considérées
                             comme des modèles de proto-féministes iconoclastes.

                             Sa vie était déjà un scénario de film, a résumé Roberta Smith
                             à la disparition de Beatrice Wood, à 105 ans en 1998. Et même
                             de films au pluriel. Car si elle doit à sa liaison avec Marcel
                             Duchamp à compter de 1917 son irruption sur la scène artistique,
                             comme cofondatrice et illustratrice de la mythique revue
                             The Blind Man, déterminant vecteur d’introduction de Dada
                             aux États-Unis, c’est bien à celle qui l’unissait simultanément
                             à l’écrivain et collectionneur Henri-Pierre Roché qu’elle doit
                             d’avoir été une première fois immortalisée sur pellicule,
                             ce dernier ayant emprunté des éléments de cette histoire
                             triangulaire pour imaginer le personnage de Catherine
                             et l’intrigue de son roman Jules et Jim, adapté en 1962 par
                             François Truffaut. Mais, quatre-vingts ans plus tard, c’est
                             en Rose DeWitt Bukater qu’elle ressurgit, dans le film Titanic,
                             sous les traits de Kate Winslet. Alors en pleine écriture de
                             son scénario, le réalisateur James Cameron a en effet dévoré
                             I Shock Myself (l’autobiographie sans fard de Beatrice Wood), et
                             n’en revenant pas, la transpose aussitôt: Quand j’ai commencé
                             à lire, je me suis rendu compte que le premier chapitre était une
                             description presque littérale du personnage que j’étais en train
                             d’imaginer, Rose âgée… Quand j’ai fait la connaissance de
                             Beatrice, je l’ai trouvée si charmante, créative et dotée d’un
                             humour ravageur… Bien sûr, la Rose du film n’est que son reflet,
                             auquel j’ai ajouté de nombreux éléments fictionnels…

4/23                         Beatrice Wood expose en 1917, en même temps que Duchamp,
à la Society of Independent Artists de New York. À côté de
       Fountain, son œuvre, Un peut d’eau dans du savon (sic) fait
       scandale et mobilise la presse; c’est une peinture, figurant une
       femme dans son bain, un vrai morceau de savon masquant son
       sexe. Ce coup d’essai est un coup de maître, qui déterminera
       tout l’art à venir de Beatrice Wood, longtemps considéré comme
       mineur parce qu’il s’est largement déployé dans un domaine,
       la céramique, dont l’importance a été longtemps minorée.

       L’inspiration woodienne, à la croisée de l’irrévérence Dada,
       du féminisme et du folklore, est un cocktail créatif explosif qui
       en fait une véritable pionnière de l’art contemporain, réfutant
       notamment le piège du faux professionnalisme pompier
       pour lui préférer le souffle libertaire de la créativité pure:
       Maintenant, en poterie, je réalise des figures humaines,
       a-t-elle dit un jour. Et beaucoup de gens pensent qu’elles sont
       parfaitement horribles. Peut-être le sont-elles. Je n’en ai aucune
       idée. Mais je garde volontairement telles quelles, absolument
       non académiques.

       Le dessin a toujours occupé une place centrale dans la pratique
       de Beatrice Wood, depuis le tout premier, réalisé en 1916, après
       sa rencontre Marcel Duchamp, à qui elle déclare que le premier
       venu peut faire de l’art moderne. Aussitôt dit, elle réalise un
       dessin intitulé Marriage of a friend. Convaincu, Duchamp le fait
       paraître dans un numéro de la revue d’avant-garde Rogue,
       et va plus loin, en lui confiant la clé de son atelier, afin qu’elle
       dispose d’un lieu pour dessiner et peindre. Le plus souvent
       signées de son pseudonyme hérité de l’enfance, Beato, ses
       œuvres faussement ingénues explorent sans complaisance,
       mais avec humour et naturel, les thèmes qui ont déterminé
       sa vie: la féminité, le triangle amoureux, l’érotisme, la liberté
       totale de penser et d’agir.

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L’inspiration woodienne, à
la croisée de l’irrévérence
Dada, du féminisme et
du folklore, est un cocktail
créatif explosif, réfutant
notamment le piège
du faux professionnalisme
pompier pour lui préférer
le souffle libertaire
de la créativité pure.
Beatrice Wood, artiste
céramiste connue tant
pour ses bons mots
irrévérencieux, sa beauté,
son style de vie bohème
et ses amants célèbres,
que pour ses calices
en émail brillant,
et qui a inspiré
au moins deux
personnages de films.
Roberta Smith
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                             Beatrice Wood (1893-1998)

Roberta Smith                Beatrice Wood, artiste céramiste connue tant pour ses bons mots
14 mars 1998                 irrévérencieux, sa beauté, son style de vie bohème et ses amants
                             célèbres, que pour ses calices en émail brillant, et qui a inspiré
                             au moins deux personnages de films, est décédée jeudi chez
                             elle à Ojai, en Californie. Elle avait fêté son 105e anniversaire
                             le 3 mars dernier.

                             Femme indépendante, encline à dire tout ce qui lui passait par
                             la tête, Mme Wood se plaisait à attribuer sa longévité au chocolat
                             et aux jeunes hommes, et a intitulé de façon tout aussi
                             provocante son autobiographie, parue en 1985, I Shock Myself
                             (Je me choque moi-même). En fait, elle a toujours été
                             végétarienne, n’a jamais fumé ni bu d’alcool, et est demeurée
                             assez lucide pour utiliser l’ordinateur à l’âge de 90 ans.

                             Jusqu’à il y a deux ans, elle travaillait encore tous les jours à
                             son tour de potier, suivant un rituel strict, dans un atelier
                             figurant en bonne place sur la liste des Lieux remarquables
                             d’Ojai. Membre du mouvement théosophique depuis 1923,
                             elle s’était installée à Ojai en 1948 pour être proche de son maître,
                             le sage indien Krishnamurti. Pendant les quatre dernières
                             décennies de sa vie, elle s’est exclusivement vêtue de saris
                             indiens brillants, portant de nombreux bijoux en argent
                             et turquoise, même lorsqu’elle tournait des poteries, avec
                             ses cheveux gris épais et longs jusqu’aux hanches, ramassés
                             en tresses ou en chignon.

                             Elle était née à San Francisco et avait grandi à New York,
                             manifestant très tôt une attirance pour l’art et le non-
                             conformisme, au grand désarroi de ses riches parents. Elle a dit
                             un jour qu’elle avait dû attendre l’âge de vingt-trois ans avant
                             de se libérer de sa mère et de sa femme de chambre, mais avait
                             en fait été autorisée à se rendre, chaperonnée, à Paris à dix-huit
                             ans à peine, afin d’étudier la peinture à l’Académie Julian
                             et le théâtre à la Comédie française. De retour à New York,
                             elle devait faire la connaissance de certaines des personnalités
                             artistiques les plus aventureuses de la ville.

                             Parmi ses amis figurent Man Ray, Francis Picabia, Charles
                             Sheeler, Walter et Louise Arensberg, Edgard Varese et Mina Loy.
                             Mais elle était plus proche encore de Marcel Duchamp et de
                             son ami, le diplomate et écrivain Henri-Pierre Roché. Tous trois
                             ont fondé The Blind Man, une revue qui devait être l’une des
                             premières manifestations du mouvement Dada à New York
                             (dans le deuxième et dernier numéro, Mme Wood a défendu
                             l’infâmant urinoir de Duchamp, rejeté par le jury de The Society
                             of Independent Artists en 1917, par une phrase habituellement
                             attribuée à Duchamp lui-même: Les seules œuvres d’art
                             que l’Amérique a données sont sa plomberie et ses ponts.
10/23                        Duchamp l’encourage à dessiner; les résultats s’avérant
d’étranges caricatures, souvent autobiographiques.

        Sa vie était déjà un scénario de film. Le roman de Roché sur
        un ménage à trois, Jules et Jim, inspirera le film éponyme de
        François Truffaut en 1961, dont le personnage principal féminin,
        interprété par Jeanne Moreau, est basé en partie sur Mme Wood.
        En 1993, elle a également été le sujet d’un documentaire,
        Beatrice Wood, the Mama of Dada, réalisé par Diandra Douglas.
        Et, plus récemment, elle a inspiré le personnage de Rose, âgée
        de 101 ans, dans le film Titanic, réalisé par James Cameron,
        son voisin d’Ojai.

        Mme Wood aimait à dire qu’elle avait aimé sept hommes qu’elle
        n’avait pas épousés, et qu’elle avait épousé deux hommes qu’elle
        n’avait pas aimés, prétendant qu’aucun de ses deux mariages
        n’avait été consommé. Son premier mariage, en 1919, avec
        un directeur de théâtre de Montréal, sous pressions familiales,
        s’est rapidement soldé par une annulation lorsqu’on a découvert
        que le mari avait déjà une femme légitime en Belgique. En 1938,
        alors qu’elle vivait à Los Angeles, elle a épousé l’ingénieur
        Steve Hoag, après que la maison qu’ils possédaient ensemble
        à North Hollywood ait été emporté par une inondation, suivant
        la supposition (correcte) que les personnes mariées obtenaient
        plus facilement l’aide de la Croix-Rouge. Ils vécurent ensemble
        jusqu’à la mort d’Hoag, en 1960.

        Elle n’avait découvert la céramique que dans les années 1930,
        car elle ne parvenait pas à trouver de théière assortie à ses
        assiettes néo-rococo en émail brillant, qu’elle avait achetées
        aux Pays-Bas.

        Elle s’est alors inscrite à un cours de poterie au lycée
        d’Hollywood, et a commencé à faire des recherches sur
        le procédé de l’émail à lustre métallique dans une bibliothèque
        locale.

        Elle n’a jamais fabriqué cette fameuse théière, mais est
        demeurée fascinée par ce médium. Ses premières œuvres –
        de petites figurines en émail dont la fantaisie faisait écho à
        ses dessins – se vendirent facilement, ce qui l’aida à survivre
        durant la Dépression. Ce n’est qu’en 1940, après qu’elle eut étudié
        brièvement avec les céramistes autrichiens Gertrud et Otto
        Natzler, qu’elle a réellement pris conscience de la beauté et
        des possibilités de la céramique en tant que qu’art autonome.

        Après s’être installée à Ojai en 1948, elle a commencé à
        développer sa propre interprétation de la technique de l’émail
        au lustre, imprévisible par nature, en perfectionnant ce procédé
        qui consiste à incorporer l’iridescence du métal dans l’émail
11/23   lui-même, plutôt que de la peindre. Bien qu’elle n’ait pas inventé
cette technique, elle l’a dotée d’une palette unique, dans une
        gamme extraordinaire de roses, d’ors et de verts métalliques.

        Au début, Mme Wood a produit de grandes quantités de services
        de table, commerciaux, mais à compter du milieu des années
        1970, elle a pu se concentrer exclusivement sur des récipients
        décoratifs plus ambitieux: calices, bols et vases. Ses pièces
        les plus complexes, aux surfaces minutieusement décorées,
        ne sont apparues qu’après le milieu des années 1980, alors
        qu’elle était déjà âgée de quatre-vingt-dix ans. Ces œuvres
        sophistiquées et rayonnantes dominaient sa dernière
        rétrospective, qui s’est tenue l’année dernière à l’American Craft
        Museum de New York, puis en Floride, au Lake Worth Museum
        of Contemporary Art.

        La première exposition de Mme Wood a eu lieu en 1949 à
        l’America House de New York. Parmi ses expositions marquantes,
        signalons sa rétrospective au Phoenix Art Museum en 1973.
        Depuis 1981, elle a régulièrement exposé à la Garth Clark Gallery,
        d’abord à Los Angeles, puis à New York, où une exposition de
        son travail se terminera le 4 avril.

        En 1994, le Smithsonian Institute a décerné à Mme Wood le titre
        d’Artiste Américaine Vénérable tandis que Pete Wilson,
        gouverneur de Californie, l’a déclarée Trésor Californien Vivant.

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Le Surréalisme a
systématisé l’insertion
de l’apport des rêves
dans la création
artistique, tant les images
oniriques s’inscrivent
dans la volonté des
surréalistes d’abolir
les frontières de la réalité.
Toute mon ambition sur
le plan pictural consiste
à matérialiser avec
la plus impérialiste rage
de précision les images
de l’irrationalité concrète.
Salvador Dali
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                             Cinquante-sixième semaine

Cinquante-sixième semaine    Demain sourit en rêve est le titre d’une toile de Maurice Henry.
Chaque jour à 10 heures,     L’ancien pilier du groupe poétique Le Grand Jeu, puis membre
du lundi au vendredi,        historique du Surréalisme, la réalise en mai 1968. Elle montre
une œuvre à collectionner    une femme brune, nue, allongée sur le sable, les yeux clos;
à prix d’ami, disponible     la plage est envahie de CRS en tenue, l’un d’eux s’élançant
uniquement pendant           sur ses côtes, à la hauteur du sein.
24 heures.
                             Rêve et révolution sont intimement liés, annonciateurs
                             de ces lendemains qui chantent que toute la jeunesse,
                             dans un soulèvement unanime, appelle de ses vœux.

                             Le Surréalisme a systématisé l’insertion de l’apport des rêves
                             dans la création artistique, tant les images oniriques s’inscrivent
                             dans la volonté des surréalistes d’abolir les frontières de la
                             réalité. Pour cela, ils cherchent à relier tous les états mentaux
                             à la création, explorant tant l’hypnose que le spiritisme, ayant
                             recours à l’automatisme, tant en poésie qu’en dessin, pour faire
                             surgir ces mots ou ces images formulés à la lisière du sommeil,
                             et tout ce qui peut resurgir des tréfonds de notre conscience.
                             L’œuvre, parfois, se forme ainsi d’elle-même, sans contrôle réel
                             de l’artiste.

                             Dans la lignée du Cauchemar de Füssli, la toile d’Henry figure
                             sur le même plan la dormeuse et son rêve, dont le tableau est
                             le lieu de rencontre, comme à mi-chemin. Pourtant, si les visions
                             de la Bible, par exemple, ont eu droit de cité dans l’art dès
                             l’époque médiévale, le songe individuel, lui, n’apparaît dans
                             l’art que bien plus tard. On considère que le premier à peindre
                             son rêve est Albrecht Dürer dans l’aquarelle La Vision en 1525,
                             nichée dans le journal du peintre, qui accompagne le récit d’un
                             rêve: La nuit du mercredi au jeudi après la Pentecôte [7-8 juin
                             1525], je vis en rêve ce que représente ce croquis: une multitude
                             de trombes d’eau tombant du ciel. La première frappa la terre
                             à une distance de quatre lieues: la secousse et le bruit furent
                             terrifiants, et toute la région fut inondée. J’en fus si éprouvé que
                             je m’éveillai. Puis, les autres trombes d’eau, effroyables par leur
                             violence et leur nombre, frappèrent la terre, les unes plus loin,
                             d’autres plus près. Et elles tombaient de si haut qu’elles
                             semblaient toutes descendre avec lenteur. Mais, quand la
                             première trombe fut tout près de terre, sa chute devint si rapide
                             et accompagnée d’un tel bruit et d’un tel ouragan que
                             je m’éveillai, tremblant de tous mes membres, et mis très
                             longtemps à me remettre. De sorte qu’une fois levé, j’ai peint
                             ce qu’on voit ci-dessus. Dieu tourne pour le mieux toutes choses.

                             Grâce à la représentation qui accompagne le récit du songe,
                             le regardeur peut s’emparer pour la première fois de la vision
                             du peintre, ce qui autorise l’écrivaine Marguerite Yourcenar,
                             dans son ouvrage Le temps, ce grand sculpteur, paru en 1983,
17/23                        à commenter à distance cette vision imaginée plus de quatre
cent cinquante ans auparavant: Dans son croquis onirique,
        le visionnaire est un réaliste, et c’est d’un drame cosmique
        qu’il est le spectateur. Sa précision est d’un physicien, juge-t-elle.

        Visionnaire et réaliste, cosmique et physicien, le peintre
        qui retranscrit les rêves est l’archétype même de l’artiste
        surréaliste, figure incarnée au premier chef par Salvador Dali
        qui, au cours des années 1930, se passionne pour la psychanalyse,
        fréquente Stefan Zweig et Lucian Freud lui-même, et déclare:
        Toute mon ambition sur le plan pictural consiste à matérialiser
        avec la plus impérialiste rage de précision les images de
        l’irrationalité concrète, allant même, dans son célèbre tableau
        de 1944, Rêve causé par le vol d’une abeille autour d’une grenade,
        une seconde avant l’éveil, à s’emparer d’un rêve de son épouse
        Gala, pour lui donner une forme hyperréaliste, fascinante.

        Pour les surréalistes, rêve et révolution sont intrinsèquement
        conjoints. D’ailleurs, dans les premiers numéros de
        La Révolution surréaliste, la revue fondée en 1924, on retrouve
        nombre de récits de rêves dus à André Breton, mais aussi
        à Raymond Queneau et Michel Leiris. Dès sa déclaration
        d’intention, cosignée du photographe Jacques-André Boiffard
        et des écrivains Paul Eluard et Roger Vitrac, le ton est donné:
        Le procès de la connaissance n’étant plus à faire, l’intelligence
        n’entrant plus en ligne de compte, le rêve seul laisse à l’homme
        tous ses droits à la liberté. Grâce au rêve, la mort n’a plus de
        sens obscur et le sens de la vie devient indifférent. Chaque matin,
        dans toutes les familles, les hommes, les femmes et les enfants,
        S’ILS N’ONT RIEN DE MIEUX A FAIRE, se racontent leurs rêves.
        Nous sommes tous à la merci du rêve et nous nous devons de
        subir son pouvoir à l’état de veille. C’est un tyran terrible habillé
        de miroirs et d’éclairs. Qu’est-ce que le papier et la plume, qu’est-
        ce qu’écrire, qu’est-ce que la poésie devant ce géant qui tient
        les muscles des nuages dans ses muscles?

        Si l’on pourrait objecter que l’objectif révolutionnaire aurait
        moins à gagner de la douceur passive d’un rêve que de
        l’efficacité d’une organisation, certains songes nocturnes,
        pourtant, ont parfois engendré de véritables révolutions de la
        pensée et de la création: le destin du philosophe René Descartes
        a ainsi été scellé par une séquence fort agitée de trois rêves,
        dont le dernier – selon son interprétation – lui enjoignait de
        consacrer sa vie à la recherche scientifique. On rapporte
        aussi que le compositeur Tartini, mort en 1778, entendit
        en rêve une sonate pour violon qu’il intitulera Sonate des trilles
        du Diable, d’une virtuosité technique redoutable, qu’il se
        contenta de reproduire au réveil.

        Pour donner chair à la séquence centrale du rêve dans
18/23   Spellbound (La Maison du Docteur Ewardes, 1945), le réalisateur
Alfred Hitchcock exige de son producteur David O. Selznick de
        pouvoir collaborer avec Salvador Dali. Malheureusement, ainsi
        que le cinéaste s’en ouvre à son confrère François Truffaut dans
        leurs célèbres entretiens, alors qu’[il aurait] voulu tourner les
        rêves de Dalí en extérieurs afin que tout soit inondé de soleil
        et devienne terriblement aigu, [on le lui a refusé] cela et [il a]
        dû tourner le rêve en studio. Impossible, dans ces conditions,
        d’éviter le cliché, le tournage en studio produisant une forte
        impression d’artificialité qui contribue à accentuer l’effet
        de cristallisation, ou de collage, inhérente au rêve.

        Aussi, au XXe siècle, la représentation des rêves est-elle
        demeurée du ressort du dessin et de la peinture, à l’exception
        de la superbe série de photographies réalisées par l’écrivain
        et plasticien Édouard Levé en 2004, ses Rêves reconstitués,
        dans lesquels il met en scène ses proches, et réalise parfois
        des objets imaginaires, qui lui sont apparus en songe: Quand
        je me souviens d’un rêve qui peut être reconstitué avec les
        personnes et les objets réels, raconte-t-il, je rédige sa description
        au réveil, puis le dessine sur une feuille de papier, avant de
        le photographier. L’œuvre d’art et le songe partagent la même
        polysémie irréductible, comme le souligne Levé: Le rêve me plaît
        parce qu’il s’agit d’une langue iconique. Les images qu’il génère
        sont des rébus, mais dont le sens ne serait jamais trouvé, avant
        de conclure: Je ne veux pas qu’on résolve l’énigme.

19/23
Si l’on peut objecter que
l’objectif révolutionnaire
aurait moins à gagner
de la douceur passive
d’un rêve que de
l’efficacité d’une
organisation,
certains songes
nocturnes, pourtant,
ont parfois engendré
de véritables révolutions.
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Crédit photographique
Fabrice Gousset
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