Mémoire du textile : se souvenir pour l'avenir - Rapport du groupe de travail " Mémoire du textile " - RECCITS
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Mémoire du textile : se souvenir pour l'avenir
Rapport du groupe de travail « Mémoire du textile »
19 mai 2015
Rapport final – DIFFUSION RESTREINTEPhotos de couverture :
(a) Métier antique utilisé pour tisser du fil dans la toile, Sherry Yates, 123RF.com
(b) Sortie d'une filature de Roubaix – La « Lainière de Roubaix » – extrait d’Info et tricot
(c) Machine industrielle de broderie, Moreno Soppelsa, dreamstime.com
1
Rapport final – DIFFUSION RESTREINTESommaire
2
Rapport final – DIFFUSION RESTREINTERésumé………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….. 3
1. Introduction………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………. 3
2. L'état des lieux…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 6
2.1. Le textile : une activité traditionnelle encore importante de l’économie du Nord-Pas de 6
Calais……………………………………………………. 14
2.2. Les témoignages muséaux du textile dans la Métropole et en Nord-Pas de 20
Calais…………………………………………………………………………..
25
2.3. Un écosystème porteur mais
complexe………………………………………………………………………………………………………………………………………….. 25
3. Quelle(s) proposition(s) ? : une approche par les 27
scénarios……………………………………………………………………………………………………………………… 30
3.1. Plusieurs idées-forces qui président à la définition d'un projet relatif à la mémoire du 36
textile………………………………………………………..
36
3.2. Les quatre scénarios proposés :
descriptif………………………………………………………………………………………………………………………………………. 3 36
3.3. Analyse avantages/inconvénients des quatre 37
scénarios…………………………………………………………………………………………………………………. 39
3.4. La question particulière 40
del’implantation………………………………………………………………………………………………………………………………………..
4. Conclusions et
perspectives…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………........
4.1. Conclusions de
l’analyse………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….
4.2. Perspectives à court et moyen
termes…………………………………………………………………………………………………………………………………………….
Annexe 1 : Liste des membres du groupe de
travail………………………………………………………………………………………………………………………………………
Annexe 2 : Liste des personnes
auditionnées………………………………………………………………………………………………………………………………………………..
Rapport final – DIFFUSION RESTREINTERésumé Ce rapport résulte du groupe de travail inter-collectivités territoriales, mis en place à la demande du Président du Conseil régional, sur la thématique de la mémoire du textile. La raison d’être de l’intérêt pour un tel sujet tient, en premier lieu, à des variables de contexte (place considérable du textile dans l’économie du Nord-Pas de Calais, associations d’anciens salariés très dynamiques, essor de la culture scientifique, etc.), ainsi qu’à l’existence de plusieurs projets précis sur le territoire de la Métropole. En procédant notamment à une série d’auditions, le groupe de travail s’est donc attelé à dresser un état des lieux de la problématique. Il en a déduit, d’une part, un certain nombre d’idées-forces susceptibles de guider les propositions à venir et, d’autre part, quatre scénarios à même de donner forme à un projet dans ce domaine. Ces scénarios sont les suivants : 1. La mise en réseau ; 2. L’extension de la Manufacture ; 3. L’équipement muséal traditionnel ; 4. Le learning center. En s’aidant des idées-forces, des critères ont été mis en avant qui ont ensuite aidé à apprécier la pertinence des scénarios. À cet égard, le scénario n°3 semble devoir être écarté, tandis que le n°2 pourrait être envisagé comme une variante particulière du scénario « mise en réseau » ou du scénario « learning center » selon le degré d’ambition et les moyens qui seraient associés au projet. Le rapport s’achève par l’indication de possibles suites à court et moyen terme. 1. Introduction 4 Avec l’industrie charbonnière et la sidérurgie, le textile est considéré comme l’un des principaux secteurs d’activités ayant contribué à l’essor industriel du Nord-Pas de Calais. Au début des années 1950, il constitue une industrie particulièrement florissante, forte de plus de 200.000 emplois (y compris l’habillement), soit 15 % de l’emploi régional (premier rang des activités) et plus du quart des emplois nationaux du secteur. Aujourd’hui encore, le textile compte près de 12.000 emplois. Très prégnant dans le développement industriel du Nord-Pas de Calais, le textile dispose aussi d’une empreinte forte dans la vie des hommes et des femmes de cette région (culture populaire) tout comme dans le territoire lui-même (structure urbaine avec notamment les typiques courées nées au XIXe siècle). Dès lors, il n’est guère surprenant que sa place dans la mémoire régionale soit tout à fait significative. Au fil du temps, durant ces dernières décennies, un certain nombre de réalisations sont venues témoigner de l’histoire et de la mémoire du textile en Nord-Pas de Calais, mettant en valeur bâtiments, machines, documents divers, etc. Ces réalisations ont pour noms : musée du textile et de la vie sociale de Fournies, musée de la dentelle de Caudry, Cité internationale de la dentelle et de la mode à Calais, la Manufacture (ex musée du Jacquard) à Roubaix, bien d’autres encore… Certes, la richesse de ces expressions muséales est déjà remarquable ; pour autant la question de la « mémoire du textile » n’est pas close. Un souci de préservation et un besoin de valorisation de l’héritage textile – tant matériel qu’immatériel – se sont Rapport final – DIFFUSION RESTREINTE
affirmés fortement ces dernières années, en particulier dans la Métropole Lille-Roubaix-Tourcoing. Cette préoccupation s’est fait
jour notamment dans les associations d’anciens salariés (Anciens de la Tossée, Amis de la Lainière, Union des gens du textile),
mais a touché plus largement d’autres acteurs : collectivités territoriales, acteurs culturels, milieux économiques… Cet
élargissement de la base d’acteurs a d’ailleurs coïncidé avec une approche de la valorisation mémorielle elle-même enrichie,
mettant l’accent sur les possibles connexions favorables avec d’autres enjeux : innovations techniques, développement
économique, formation, recherche, activités culturelles, etc.
Un certain nombre de projets, déjà relativement formalisés, ont été élaborés et proposés aux pouvoirs publics territoriaux.
Citons les deux principaux :
• projet de Cité régionale de l’histoire des gens du textile, porté par l’Union des gens du textile, en lien avec l’Université
populaire et citoyenne de Roubaix, de même qu'avec l’IRHIS, centre de recherches historiques à l’Université Lille 3 ;
• projet de Centre historique régional textile, initié par le Maire honoraire de Tourcoing, Jean-Pierre Balduyck, puis repris
par le CIRETEX dont J.-P. Balduyck est Président.
Étant donné l’existence :
• d’un patrimoine – matériel et immatériel – remarquable en Nord-Pas de Calais (et en particulier sur la Métropole),
5
• d’un dynamisme et d’une « envie de faire » des acteurs directement (notamment les anciens salariés) et indirectement
concernés par ce patrimoine,
• de projets déjà bien avancés,
la question ne saurait plus longtemps être éludée de l'opportunité d’une implication significative des collectivités territoriales
sur l’enjeu de « la mémoire du textile »1 et, au-delà, de la participation, voire de la conduite d’un projet de valorisation sur ce
sujet.
Préalablement à toute prise de décision, la constitution d’un groupe de travail technique a été proposée par Daniel Percheron,
Président du Conseil régional Nord-Pas de Calais ; groupe de travail chargé de préciser des éléments d’analyse sur le sujet et si
possible de formuler des propositions. Le groupe a été composé de représentants (membres de Cabinets et techniciens des
services) des cinq collectivités territoriales suivantes (par ordre alphabétique) : Département du Nord, Métropole Européenne de
1 Cette appellation – qui incontestablement pourrait être améliorée pour les besoins des investigations à venir – est à prendre dans son acception large des
diverses empreintes et témoignages du passé textile, et comprenant les expressions mémorielles stricto sensu, effectives ou potentielles (ce que
pourraient nous dire les anciens salariés de leur activité passée), de même que les éléments de patrimoine matériel (machines, outils, modèles, patrons,
tissus…) et immatériels (savoir-faire), ainsi que l’ensemble des documents et archives portant sur le sujet, tant sur les aspects techniques que sociétaux
(conditions de travail, réglementation, témoignages culturels, etc.).
Rapport final – DIFFUSION RESTREINTELille, Région Nord-Pas de Calais, Ville de Roubaix, Ville de Tourcoing (cf. annexe 1 pour la composition du groupe). Le choix des
membres du groupe de travail indique, par là même, le périmètre géographique de la mission : en l'occurrence, étant donné
l'origine des sollicitations, les enjeux considérés et le cadre des propositions ont trait au territoire de la Métropole Lille-Roubaix-
Tourcoing, plus spécialement son versant nord-est. Cette option ne signifie nullement que le projet qui résulterait
éventuellement de cette mission ne soit pas de portée régionale, ni qu'il y aurait lieu de négliger l'ensemble des réalisations déjà
observées sur le reste du territoire du Nord-Pas de Calais. Bien au contraire, d'une part, les éléments d'analyse qui vont suivre
prendront effectivement en compte la réalité sur les autres territoires infrarégionaux et, d'autre part, il est clair que dans
l'hypothèse d'une poursuite de l'investigation sur le sujet, une association plus directe des acteurs concernés par les autres
équipements existants est requise.
Le groupe de travail s’est réuni de novembre 2014 à mars 2015. Pour l’essentiel, son activité a reposé sur des auditions de
personnes-ressources (23 personnes dont la liste est donnée en annexe 2) et ce, sur 5 séances (plus 2 entretiens individuels). Le
choix des personnes-ressources a tenu compte de l’appartenance à des associations d’anciens salariés (Amis de la Lainière et du
textile, Association des Anciens Salariés du Peignage de la Tossée, Union des Gens du Textiles) ou d’un intérêt direct exprimé
pour la problématique de la mémoire du textile (CIRETEX, PROSCITEC). Mais ce choix a aussi porté sur des personnalités dont le
champ d’activité était concerné, à des titres et degrés divers, par cette même problématique. Ainsi, ont été sollicités des
représentants du milieu économique textile et de l’innovation textile (Centre européen des textiles innovants – CETI –, 6 pôle de
compétitivité Up-tex, Union des Industries Textiles du Nord – UIT – Nord, hubMODE), de la culture (Le Fresnoy, La Piscine, le Non-
Lieu, Université populaire et citoyenne), de la formation (ENSAIT, lycée Sévigné porteur du BTS « design de mode »), de la
recherche (IRHIS – Université Lille 3), de la culture scientifique et technique (Forum des sciences, Musée d’histoire naturelle de
Lille). Il s’est alors agi de questionner ces intervenants sur l’intérêt d’une promotion de la « mémoire du textile » et sur les
conditions de cette promotion et ce, au regard de la dimension qu’ils incarnaient (innovation technique, développement
économique, création culturelle, etc.).
Volontairement succinct, le rapport qui résulte de l’activité du groupe de travail, notamment de la prise en compte des
auditions, est composé de deux parties. La première procède à un état des lieux. Rappelant l’importance – passée et présente –
de l’activité textile en région (section 2.1.) et décrivant brièvement les divers témoignages muséaux afférents à cette activité
(2.2.), la partie insiste ensuite sur l’existence d’un contexte, à la fois prometteur mais aussi empreint d’une complexité
certaine, voire traversé de visions assez différenciées selon les acteurs (2.3.). La seconde partie porte, quant à elle, sur les
possibles propositions en la matière. Au fil des séances, le groupe de travail a acquis la conviction que si un certain nombre
d’idées-forces devaient prévaloir quant à ces propositions (3.1), il fallait par ailleurs privilégier une approche en termes de
scénarios. Quatre scénarios sont ainsi exposés (3.2.) :
• Le scénario minimal : la mise en réseau
Rapport final – DIFFUSION RESTREINTE• Le scénario de la Manufacture « augmentée »
• Le scénario du centre muséal traditionnel
• Le scénario du learning center.
Ces scénarios, rapidement dépeints, seront appréciés à l’aune de plusieurs critères (huit en tout : ambition du projet, capacité à
répondre à l’enjeu de préservation et de valorisation de la mémoire, capacité à assurer la complémentarité des éléments
existants, coût, etc.) et donneront lieu à une présentation en termes d’effets favorables, limités ou neutres (ou indéterminés).
Une investigation particulière portera sur la question de la localisation de l’éventuel équipement, sujet très sensible de la
problématique, s’il en est.
Le travail d’analyse conduira alors à mettre en exergue certains scénarios plutôt que d’autres : ce sera le cœur de la conclusion
du rapport, qui indiquera aussi plusieurs suggestions de suites à donner à court et moyen terme.
2. L'état des lieux
L’état des lieux a trait à la place passée et présente des activités textiles en Nord-Pas de Calais, aux témoignages muséaux de
7
cette empreinte textile et, plus généralement, aux éléments de contexte susceptibles d’influer sur la problématique de la
mémoire du textile.
2.1. Le textile : une activité traditionnelle encore importante de l’économie du Nord-Pas de Calais
Plusieurs grandes étapes sont à distinguer.
2.1.1. Les premiers temps du textile en Nord-Pas de Calais2
2 Concernant ce paragraphe, les principales références sont les suivantes : Histoire des Pays Bas Français, Louis Trénard éd., Privat 1972, Histoire des
Provinces françaises du Nord, Henri Platelle et Denis Clauzel, Artois Presses Université 1989, Histoire de Tourcoing, Alain Lottin éd., Westhoek - Editions
des beffrois, Dunkerque, 1986, Histoire de Roubaix, Yves-Marie Hilaire éd., Westhoek - Editions des beffrois, Dunkerque, 1984.
Rapport final – DIFFUSION RESTREINTEL’activité textile est attestée par l’archéologie dans nos régions depuis plusieurs millénaires grâce aux découvertes de fusaïoles3
et de poids de métiers à tisser. À l’époque gallo-romaine, plus précisément au Bas Empire, Arras est un centre de production
renommé pour ses produits de qualité envoyés dans tout l’Empire. À Tournai, fonctionne une entreprise travaillant
essentiellement pour l’armée. Des indices permettent d’affirmer que cette très importante fabrique de draps et d’étoffes
employait une main-d’œuvre féminine nombreuse.
Le haut Moyen Âge est une période de dépression démographique et économique, mais les productions textiles ne disparaissent
pas : elles sont désormais surtout rurales. Des fouilles récentes dans la région de Douai ont mis au jour de nombreux « fonds de
cabanes », petites structures excavées qui étaient de tout petits ateliers abritant un métier à tisser. On y trouve des poids de
métiers à tisser verticaux et des lissoirs en os qui permettaient de serrer les fils de trame.
Après les périodes de troubles liées aux invasions normandes, naissent les grandes principautés du Moyen Âge. Dans la seconde
moitié du IXe siècle, on observe le réveil économique des villes. Aux XIe et XIIe siècles, s’y développe une véritable industrie. Elle
est chez nous essentiellement textile : développement urbain, industrie et commerce du textile sont intrinsèquement liés. La
grande ville du XIIe siècle est Arras. On rencontre ses marchands sur les grandes foires comme les foires de Champagne, mais
aussi dans les villes d’Italie. Ils y font commerce de leurs produits ainsi que des productions d’autres centres textiles. Ils sont
rejoints par des marchands de Douai, de Cambrai, d’Ypres, de Tournai et de Lille.
8
Au XIIIe siècle, Lille, Douai, Ypres, Gand et Bruges rivalisent et prennent l’avantage sur Arras. Les circuits commerciaux
internationaux s’organisent avec l’institutionnalisation des « Hanses », groupements de villes et de marchands. Aux villes
italiennes et donc celles de la Méditerranée, s’ajoutent les villes de la Mer du Nord et de la Baltique. Les circuits financiers
s’organisent et vont se perfectionner parallèlement. Les productions de ces villes sont des tissus de grande qualité, de beaux et
lourds draps de laine, fabriqués en respectant un processus très exigeant : « la grande draperie ».
Le XIVe siècle est une période difficile pour les populations de nos régions. Elles vont subir les conséquences des guerres avec la
France et l’épidémie de peste de 1348. Les villes connaissent des troubles sociaux d’une extrême gravité. Dans le domaine de la
production textile, on observe un important bouleversement : les très beaux tissus se vendent mal et l’on voit se développer
d’autres types de produits de moindre qualité, qui n’ont plus pour origine la laine anglaise, mise sous embargo, mais les laines
locales. « La nouvelle draperie » s’implante à Maubeuge et surtout dans les villages et petites villes du plat pays en Flandre
occidentale. La vallée de la Lys entre Courtrai et Armentières est alors une zone particulièrement prospère. Des cités telles que
Menin, Halluin, Comines, Wervicq, Warneton et Tourcoing émergent.
3 Les fusaïoles témoignent de la phase de filature. Ce sont des anneaux utilisés sur le fuseau des fileuses pour les faire tourner régulièrement.
Rapport final – DIFFUSION RESTREINTELes villes de vieille tradition textile s’adaptent, intègrent ces nouveaux modes de production (la sayetterie) et tentent, non sans
mal, de capter les produits du plat pays pour les ennoblir et les commercialiser. Hondschoote commence à expérimenter une
production plus rustique « la draperie légère » qui lui assurera aux XVe et XVIe siècles une exceptionnelle prospérité. À l’opposé,
Arras développe la tapisserie de haute lisse ; c’est à l’échelle de l’Europe une réussite extraordinaire dont il ne reste
malheureusement que bien peu d’exemplaires.
Le XVe siècle est une période moins tragique. Les contextes politiques et économiques sont plus favorables, ainsi qu’en témoigne
la démographie urbaine. Les tendances observées au siècle précédent s’accentuent : Hondschoote de même que le Westhoek se
développent. De nouvelles foires sont organisées. Elles existaient à Ypres, Bruges, Thorout, Lille et Messines ; on en crée à
Menin (1351), Comines, Courtrai, Lannoy (1458), Tourcoing (1491) et Wervicq (1527). À côté de la laine, le lin prend de plus en
plus d’importance et quelques fibres exotiques commencent à apparaître : la soie et le coton.
À partir du XVIe siècle, la ville de Lille qui prend de plus en plus d’importance à l’échelle des Pays Bas méridionaux, tente
d’imposer un nouvel équilibre dans la châtellenie. Elle réussit à capter une très grande part des activités de tissage ; elle a
l’exclusivité des tissus de pure laine. Ses marchands-fabricants font travailler, hors les murs, des artisans à domicile et
commencent à créer de petites manufactures où ne travaillent que des salariés. Des conflits surgissent avec les bourgs voisins.
Tourcoing où le tissage ne peut plus se développer se spécialise dans le peignage de la laine et, à l’image de Hondschoote,
9
devient une énorme ville-atelier, déjà un type de ville industrielle mais néanmoins bien différent de celui du XIXe siècle. La fin
du XVI siècle voit le départ de nombreux ouvriers du textile protestants, pour l’Angleterre ou les Pays Bas du Nord, où ils vont
e
redynamiser une activité déclinante.
Le début du XVIIe siècle s’ouvre sur une période de prospérité. Les productions textiles sont maintenant très diversifiées. On
travaille le lin le long de la Lys et à Cambrai. Villes et bourgs développent des spécialités : la dentelle à Valenciennes et en
Flandre maritime, la rubanerie à Comines, le linge de table dans le Westhoek ou le fil à coudre à Lille. La tapisserie d’art
s’implante à Lille et à Tournai et réapparaît à Arras. La conquête française est synonyme de guerres, ainsi que de redécoupage
de territoires. Notre région se trouve en « pays conquis », entre deux frontières, coupée de ses fournisseurs et clients
traditionnels. Tout le dispositif économique et monétaire est à reconstruire ; le XVIIIe siècle commence bien tristement…
La situation s’améliore lorsque les régions du Nord deviennent définitivement françaises. Globalement le XVIIIe siècle est une
période de développement économique, mais tous les territoires n’en profitent pas également : l’industrie textile disparaît à
Hondschoote et à Arras ; elle se maintient ailleurs et se développe dans la châtellenie de Lille. Tourcoing et Roubaix font preuve
de dynamisme technique en inventant (ou en copiant) de nouveaux types de tissus. Lorsque survient la Révolution, le grand pôle
économique de la région de Lille émerge. On y trouve les capitaux et les réseaux des marchands fabricants (ou marchands
Rapport final – DIFFUSION RESTREINTEmanufacturiers), les savoir-faire et même les premières machines, la mule-jenny importée plus ou moins officiellement
d’Angleterre et qui permet de filer le coton.
2.1.2. Le temps de l’essor industriel
Au premier tiers du XIXe siècle, l’essor du textile, à un stade industriel, est d’abord celui du coton, qui prend le pas sur le lin et
la laine. La mule-jenny se répand. Une étape nouvelle est enclenchée par l’introduction de la vapeur comme force motrice au
cours des années 1820. Les filatures de coton commencent à faire partie du paysage, même si le travail à domicile perdurera
encore plusieurs décennies, notamment autour du lin. L’usine Motte-Bossut implantée à Roubaix en 1843 est emblématique : elle
contient 44.000 broches actionnées par deux machines à vapeur et ce, dans un bâtiment de cinq étages. À partir des années
1830-1840, la laine reprend l’ascendant, dès lors qu’il a été possible d’y adapter les technologies pour le coton. Au milieu du
siècle, une amplification de la production s’opère grâce à l’adoption du peignage mécanique de la laine ainsi que la
mécanisation du tissage. Le célèbre métier Jacquard, qui permet de fabriquer des tissus aux dessins variés et compliqués et qui
a été créé à Lyon en 1801, se diffuse à partir de 1828 : dix ans plus tard, 8.000 métiers Jacquard fonctionnent à Roubaix et
environs. À Calais, l’introduction du métier à tulle, importé en contrebande de Nottingham, provoque une croissance rapide de
cette industrie : 14 fabriques dès 1823. Une nouvelle étape est alors permise par l’introduction du métier Leavers4 10 et par le
recours à la machine à vapeur5.
Cette véritable Révolution industrielle touche particulièrement Roubaix et Tourcoing6. La population de ces deux villes croît de
façon considérable : sur l’ensemble du XIXe siècle, Roubaix passe de 8.000 à 123.000 habitants et Tourcoing de 12.000 à 83.000.
Lille gagne aussi en population, mais en proportion moindre (de 56.000 à 210.000). À Roubaix, en 1814, on compte 17 filatures
de coton, occupant 1.450 ouvriers ; il y en aura 40 en 1820. À Tourcoing, en 1827, on dénombre 39 filatures. Avec l’adaptation
de la mule-jenny aux laines, c’est cette fibre qui sera à l’origine d’une multiplication des établissements à partir de 1845 :
Roubaix compte 50 filatures de laine peignée à cette date.
Les grands noms du textile régional font leur apparition : Lepoutre, Motte, Tiberghien, Prouvost, Masurel, Desurmont,
Vanoutryve et tant d’autres…
4 Du nom de l'inventeur anglais qui, au début du XIXe siècle, a fait évoluer le métier à tulle vers un véritable métier à dentelle.
5 Cf. Deux mille ans du « Nord-Pas de Calais » – manuel d’histoire régionale, dirigé par Alain Lottin et Éric Bussière, Tome II, De la Révolution au XXIe
siècle, La Voix du Nord, 2002, p. 72-73.
6 On peut se rapporter au petit opuscule intitulé L’épopée textile de Roubaix-Tourcoing, par Jacques Bonte, La Voix du Nord, 2005.
Rapport final – DIFFUSION RESTREINTEC’est aussi l’époque des conditions de travail terribles. Les journées de travail durent 15 heures et les enfants emplissent les ateliers… Le célèbre rapport Villermé7, daté de 1840, décrit longuement ces conditions de travail et le mode de vie dans plusieurs villes françaises, dont Lille, Roubaix et Tourcoing. Ce rapport sera à l’origine de la Loi sur le travail des enfants dans les manufactures (1841), limitant l'âge d'admission dans les entreprises à 8 ans… L’essor du textile suscite également des vagues migratoires considérables, tout particulièrement en provenance de Belgique. Roubaix est symptomatique à cet égard. Les effectifs d’étrangers ne cessent de croître à partir de 1815-1820. Si, au milieu du siècle, les Français composaient encore 62 % de la population roubaisienne, en 1866 les étrangers atteignent déjà une très forte minorité (47,1 % de Belges). Le mouvement ne fait que s’intensifier. Ainsi, le recensement de 1886 révèle une part des étrangers désormais majoritaire : 54 %...8 Dans les décennies qui suivront et jusqu’à la période des Trente Glorieuses, de nouvelles vagues auront lieu, issues d’autres pays : Italie, Espagne, Portugal, Maghreb, Afrique subsaharienne… Les villes témoigneront aussi durablement de la croissance industrielle. La ville « aux mille cheminées » est le nom donné à Roubaix. « Sur le fond pâle du ciel montaient les silhouettes noires des cheminées et des fabriques (…), les hautes fabriques noires et tristes du Nord avec leurs longs cris de sirène » (Maxence Van der Meersch). En 1839, l’industriel Frasez fait construire le premier des « forts », ensembles serrés de petites maisons se faisant face, à proximité du lieu de travail. Probablement plus connues, les courées, bâties en arrière du front à rue, tissent leur réseau : Roubaix en compte 1.500 en 1914, regroupant la moitié environ des logements, dans des conditions d’hygiène et de promiscuité généralement déplorables, mais aussi 11 bien souvent, de convivialité et de solidarité. L’important développement du textile sur toute cette période n’empêche pas d’amples variations d’activité. La crise n’est jamais loin. Elle occasionne faillites, fermetures d’usines, renvoi d’ouvriers… Fruit aussi de ces fluctuations, un mouvement de concentration s’opère : sur Roubaix-Tourcoing, il y avait 71 filatures et 230 fabriques de tissus en activité en 1860. Elles ne seront plus respectivement que 38 et 102 en 1900. La période qui précède le premier conflit mondial marque une apogée. La région domine et Roubaix-Tourcoing s’affirme même comme capitale française du textile. Son rayonnement s’étend dans le monde entier. Des expositions internationales sont organisées dans ces deux villes à cinq ans d’intervalle : en 1906 à Tourcoing et en 1911 à Roubaix. 7 Sous le titre, État physique et moral des ouvriers ; le rapport est disponible dans son intégralité sur internet. 8Sur le sujet de l’immigration et plus largement les questions démographiques, cf. La population de Roubaix – Industrialisation, démographie et société 1750-1780, par Chantal Petillon, Presses universitaires du Septentrion, 2006. Rapport final – DIFFUSION RESTREINTE
L’envers du décor est la poursuite d’une situation sociale difficile. L’emploi est précaire, les journées de travail sont longues (60
heures par semaine), les congés inexistants, les salaires faibles9… Avec la légalisation des syndicats en 1884, des mouvements
sociaux apparaissent. Ils seront particulièrement vigoureux après la première guerre mondiale : grèves durant les années 1920,
heurts avec les gendarmes à Roubaix en 1931, occupations d’usines lors du gouvernement du Front populaire en 1936…
Après la seconde guerre mondiale, viendra la période des Trente Glorieuses, une période caractérisée par une remarquable
prospérité économique, mais qui, s’agissant du textile, va déjà connaître le reflux en termes d’emplois.
2.1.3. Le temps des crises et de la régression
En effet, si le Nord-Pas de Calais a fortement ressenti la crise industrielle du milieu des années 1970, les difficultés de l’industrie
textile sont bien antérieures dans la région. Au début des années 1950, le textile est l’activité industrielle la plus importante du
Nord-Pas de Calais, devant les charbonnages. L’emploi atteint 171.000 personnes10 : c’est près de 13 % de l’emploi régional et
c’est plus du quart des effectifs textiles en France (26,5 %). Quand on ajoute les emplois de l’habillement (près de 35.000), on
peut observer un ensemble de plus de 200.000 emplois en région ! Cependant, à partir de ces années, la baisse des effectifs sera
forte et inexorable. De 1954 à 1975, on assiste à une chute de 73.000 emplois textiles (soit - 42,5 %) ; l’habillement, lui, résiste :
+ 3.500. 12
Les facteurs de cette diminution sont nombreux : poursuite du développement des fibres artificielles et arrivée des synthétiques
(polyamide, polyester, acrylique, etc.) concurrençant la laine, le coton et le lin ; modernisation de la chaîne de production
induisant d’importants gains de productivité11 ; émergence d'une concurrence des pays européens ou anciennement colonisés...
Bientôt, la recherche d'une main-d'œuvre moins coûteuse va entraîner la délocalisation d’un bon nombre d’unités de production.
Peu à peu, des firmes au passé pourtant prospère ferment leurs portes : la teinturerie Hannart frères, les tissages D’Halluin-
Lepers, César Pollet, Charles Tiberghien et bien d’autres. Heureusement, la croissance économique, constatée par ailleurs, va
permettre aux salariés textiles privés d’emplois de s’orienter vers d’autres activités : jusqu’au début des années 1970, le taux
de chômage régional reste limité à 2-3 %...
9 J. Bonte, op. cit., estime le salaire horaire minimum à un demi-euro en valeur actuelle, soit le dixième du SMIC de l’an 2000.
10Pour ce qui concerne l’évolution du secteur textile en Nord-Pas de Calais, après-guerre, on pourra se reporter au livre de Serge Dormard, L’économie du
Nord-Pas de Calais – histoire et bilan d’un demi-siècle de transformations, Presses universitaires du Septentrion, 2001.
11Métier à tisser sans navette Sulzer en 1957, turbines « open end » à la fin des années 1960, non tissé pour la toile tailleur en au début des années 1970,
etc. La productivité croît de façon importante : multiplication par 2 à 4 selon les activités.
Rapport final – DIFFUSION RESTREINTELa crise économique du milieu des années 1970 va accentuer, comme on pouvait le redouter, le déclin de l’industrie textile. La
mondialisation s’accélère. Pour tenter d’en atténuer les effets dévastateurs sur les vieilles régions industrielles, les Accords
multifibres sont mis en place en 1973 et seront renouvelés pendant une trentaine d’années. Des quotas d’exportations, par
produit et par pays en développement, sont ainsi fixés12. Ce semblant de régulation internationale n’empêche pas l’hémorragie
de se poursuivre : en vingt ans, de 1973 à 1992, le textile-habillement perd 88.500 emplois. La perte est de 62 %, ce qui est plus
important que la diminution au plan national sur la même période : 56 %. Comme le montre Serge Dormard, l’effet structurel
négatif dont pâtit l’économie du Nord-Pas de Calais se conjugue à un « effet régional » négatif pour le textile, respectivement
de -76.500 et -12.00013.
De nombreux fabricants de la région ont accéléré leur diversification dans la distribution, notamment par le biais de la vente par
correspondance. Issues pour la plupart d'entreprises textiles, des sociétés nordistes comme Damart, La Redoute, Les 3 Suisses,
Devianne, ainsi que Saint-Maclou ou Pimkie font de Roubaix-Tourcoing un centre de distribution de produits textiles de premier
plan en Europe… au détriment des usines de fabrication... Petites entreprises et grands groupes sont touchés par la crise. Parmi
ces derniers, dans la Métropole, Boussac-Saint Frères est repris par le groupe Willot en 1978, lequel dépose son bilan en 1981 et
disparaît. L'entreprise roubaisienne Motte-Bossut est liquidée en 1982. Après scission et diverses reprises, le groupe Prouvost voit
son principal fleuron, la Lainière de Roubaix14, disparaître en 2000. Le Peignage Amédée (Prouvost) avait, lui, fermé ses portes
un an auparavant… Le peignage de La Tossée subsistera un peu plus longtemps : il ferme en 2004. 13
À la fin des années 1990, le textile ne représente plus que 8,7 % des emplois industriels de la région (et 20 % des effectifs
nationaux de l’activité) ; pourtant l’hécatombe n’est pas terminée…
2.1.4. La situation actuelle : vers un renouveau ?15
En 2011, le textile et l’habillement en région comptent 12.000 salariés, soit 10 % des effectifs nationaux et 6 % des emplois
industriels du Nord-Pas de Calais. Le Nord-Pas de Calais est la deuxième région française après Rhône-Alpes (hors Ile de France).
12 Les accords arrivent définitivement à terme au 1er janvier 2005.
13 Cf. Serge Dormard, op. cit., p. 119 sqq.
14 …elle qui était forte de près de 10.000 salariés au début des années 1970 !
15S’agissant de la situation actuelle du textile en région et des tendances de ces dernières années, le lecteur pourra se reporter au document de la CCIR,
Horizon Éco – L’économie du Nord-Pas de Calais, n° 127, février 2013, relatif à la filière textile-habillement en région.
Rapport final – DIFFUSION RESTREINTEDes spécificités sont observables selon les territoires. Roubaix-Tourcoing se caractérise par la fabrication des non tissés, la
préparation de fibres textiles et le tissage, Lille par les activités de tissage et la fabrication d’articles textiles (linge de maison,
store, rideaux…), tandis que le Cambrésis et le Calaisis sont essentiellement marqués par la broderie et la dentelle. Ces quatre
zones (Lille, Roubaix-Tourcoing, Cambrésis, Calaisis) représentent les 3/4 des emplois textiles régionaux, Roubaix-Tourcoing
atteignant à eux seuls 37 %16.
L’évolution entre 2000 et 2010 a été très défavorable car le textile-habillement a perdu, sur cette période, les 2/3 de ses
emplois. Pourtant, certaines de ses activités sont porteuses d’un potentiel de croissance élevé. Il s’agit notamment des textiles à
usage technique, appliqués à plusieurs domaines (automobile, médical, aéronautique, chimie, bâtiment, sécurité…). En leur
sein, se développent particulièrement les « textiles intelligents », plus précisément appelés « textiles connectés » ou « textiles
interactifs ». Émergent également d’autres formes prometteuses : textiles biosourcés, textiles recyclés17…
Le Nord-Pas de Calais est la deuxième région française pour ces textiles techniques. Plusieurs entreprises régionales s’y
distinguent déjà : Dickson Constant, Cousin Biotech, Newmat, Hegoa… D’autres entreprises se sont, quant à elles, spécialisées
dans les produits de luxe (Sin Rejac à Wattrelos pour les rubans dédiés aux produits de luxe, manufacture Catry à Roncq pour le
tissage de moquettes, etc.) ou à l’inverse dans la production de produits à « petit prix » (Staffy à Wattrelos pour la production
de lingerie).
14
Un certain renouveau semble pouvoir se faire jour. Le recours à des technologies performantes, les besoins en qualifications,
conjugués à des départs à la retraite importants (40 % des salariés d’ici 2020) devraient, dans un avenir plus ou moins proche,
favoriser des recrutements non négligeables à tous les niveaux de formation : du CAP à l’ingénieur, en passant par le bac pro, le
BTS ou la licence pro.
Pour aider à cette dynamisation du secteur, des outils ont été progressivement mis en place : pôle de compétitivité UP-tex, le
réseau international Clubtex, le Centre européen des textiles innovants (CETI) – cf. infra pour des précisions.
L’épopée du textile en région, en particulier dans la Métropole, plus spécialement encore sur le versant nord-est de cette
Métropole, a ainsi révélé le poids considérable d’une activité ayant constitué l’un des principaux leviers de l’économie du Nord-
Pas de Calais. L’évolution sur ces soixante dernières années traduit, cependant, un rétrécissement continu des activités. En
16 Pourtant, entre 1970 et 2000, ces deux villes ont vu fondre leurs effectifs textiles de 47.000 à 8.000…
17Quant à ce sujet particulier, la mise en œuvre se fait en région, notamment au travers de la Vallée du Recyclage Textile, initié par quatre pôles de
compétitivité et d’excellence.
Rapport final – DIFFUSION RESTREINTEtermes de suppressions d’emplois, l’hémorragie est énorme : entre le début des années 1950 et aujourd’hui, ce sont près de 95
% d’emplois qui disparaissent ! Le sacrifice offert par les ouvriers du textile à la mutation économique du Nord-Pas de Calais est
inestimable ; la reconnaissance qui leur est due, plus que légitime.
2.2. Les témoignages muséaux du textile dans la Métropole et en Nord-Pas de Calais
La Métropole est déjà riche de deux musées faisant une place toute particulière au textile : la Manufacture et la Piscine, bien
que cette dernière ait prioritairement une vocation artistique. Cela étant, d’autres témoignages de cette industrie existent, tant
dans la Métropole, que dans le reste de la région, de même que dans la Belgique voisine18.
2.2.1. La Manufacture : musée de la mémoire et de la création textile
En octobre 2001, de manière quasi simultanée avec le musée La Piscine, ouvrait à Roubaix « La Manufacture des Flandres – Musée
du Jacquard », à l’initiative du PDG de l’entreprise Craye – Flemish Tapestry. Ce musée privé, installé au cœur même de l’usine
15
où étaient fabriqués tapisseries et produits Jacquard, présentait des métiers à tisser toujours en fonctionnement, du Moyen Âge
aux années 1990.
En 2009, au moment de la délocalisation à Cysoing puis en Belgique du site de production Flemish Tapestry, les collections du
musée et le bâtiment sont cédés à la Ville de Roubaix qui en confie la gestion à l’office du tourisme. Le Musée du Jacquard
devient alors le « Musée-atelier du textile » qui, au-delà de la dimension technique du lieu, développe un axe fort autour de la
création textile. Une programmation d’expositions temporaires propose des regards artistiques sur la création textile
contemporaine, tandis que des ateliers de pratique sont mis en place. Le musée est également connu pour ses événements,
comme le Marché aux Tissus, qui attire un public nouveau et nombreux lors de ses deux éditions annuelles. En 2014, la
Manufacture a accueilli plus de 20.000 visiteurs.
Récemment, La Manufacture a bénéficié de travaux réalisés par la Ville de Roubaix, avec le soutien financier de la Fondation du
Patrimoine, gestionnaire du Legs Debouvries, du Conseil Général du Nord et grâce à l’enveloppe parlementaire du Sénateur René
Vandierendonck, pour un montant total de 450.000 euros. Après plusieurs mois de travaux, une nouvelle entrée a été inaugurée
18Pour une présentation des divers musées textiles en région, la publication très récente (janvier 2015) Des fibres et des hommes – promenade au cœur
des collections textiles, réalisée par l'association PROSCITEC (Patrimoines et Mémoires des Métiers), éditions La Voix, constitue une très bonne référence.
Certains passages en ont été repris, éventuellement modifiés.
Rapport final – DIFFUSION RESTREINTE(en février 2015), rendant ainsi l'équipement plus visible et plus accessible, et offrant aux visiteurs un cadre industriel
authentique dès leur arrivée.
Parallèlement à ces travaux d’aménagement, qui offrent des espaces accueil, boutique, atelier et expositions temporaires
renouvelés, le musée a souhaité faire évoluer son propos et sa scénographie en replaçant l’humain au cœur de la visite : le
textile, au-delà des usines et des machines, ce sont d’abord et surtout des histoires d’hommes et de femmes, qui ont pris part
ou qui participent toujours à cette aventure. Ce sont eux que la Manufacture invite à découvrir pour mieux comprendre l’histoire
textile de toute la Métropole. À cet effet, la Manufacture a entrepris dès 2012, un travail de collecte de mémoire en rencontrant
et en interrogeant des travailleurs textiles, en activité ou l’ayant cessée, qui illustrent plusieurs types de métiers à différentes
périodes. Parallèlement à ce travail de collecte de mémoire textile, la Manufacture a conçu en étroite collaboration avec l’INA
une application web qui propose à travers une cinquantaine de vidéos d’archives de « Comprendre l'aventure textile à Lille,
Roubaix et Tourcoing ». Outre ces nouvelles collections immatérielles autour de la mémoire textile, La Manufacture aborde
également la question de l’avenir de la filière en présentant des matières et des tissus innovants collectés auprès d’entreprises
textiles régionales.
Enfin, soucieuse de représenter toutes les facettes du textile, La Manufacture est aussi un lieu dédié à la création. Grâce à ces
récents travaux d’aménagement, La Manufacture dispose d’un nouvel espace d’exposition temporaire de 140 m2 qui lui permet
d’accueillir des artistes textiles contemporains. 16
2.2.2. La Piscine : musée d’art et d’industrie André Diligent
Située à Roubaix et inaugurée en 2001, La Piscine est aménagée pour partie dans les anciens bains municipaux, pour partie sur le
site du tissage Hannart Frères, détruit dans les années 1970. Dès l’origine, la municipalité a voulu que ce musée, vitrine d’une
cité vouée au textile, associe des hommes et des femmes qui, pour beaucoup, avaient exercé leur carrière au sein des vaisseaux
amiraux de l’industrie roubaisienne, notamment au Peignage Amédée et à la Lainière. Le textile constitue toujours l’un des fils
conducteurs – c’est le cas de le dire… – du projet scientifique et culturel du musée : une section importante des collections
permanentes lui est consacrée ainsi que nombre d’expositions temporaires et des ateliers de pratique artistique à destination du
jeune public.
S’agissant justement des collections, elles regroupent plus particulièrement celles du musée industriel de Roubaix et celles du
musée municipal consacré au peintre d’origine roubaisienne Jean-Joseph Weerts. Le musée industriel de Roubaix a été fondé en
1835 et reçoit un fonds beaux-arts en 1862. Il est resté installé de 1889 à 1940 dans les bâtiments de l’École nationale supérieure
des arts et industries textiles (ENSAIT). De leur côté, les collections du musée municipal ont été présentées de 1924 à 1968 au
Rapport final – DIFFUSION RESTREINTEVous pouvez aussi lire
