MONDE - Scénario macro-économique 2018-2019 - En termes de croissance, le mieux peut se révéler l'ennemi du bien
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Trimestriel – N°18/088 – 4 avril 2018 MONDE – Scénario macro-économique 2018-2019 En termes de croissance, le mieux peut se révéler l’ennemi du bien Le dopage budgétaire américain va stimuler la croissance américaine au point de l’entraîner vers des sommets dangereux, mais encore lointains. L’en faire redescendre en douceur sera une tâche ardue pour la politique monétaire américaine. L’essoufflement naturel du cycle européen et la consolidation de la croissance dans l’univers émergent peuvent ainsi se poursuivre sous une double condition : l’absence, d’une part, de durcissement excessif de la part de la Federal Reserve et, d’autre part, de guerre commerciale « tous azimuts ». Ces deux risques ne semblent cependant pas imminents et un optimisme « raisonnable » paraît encore être de mise. Zoom vidéo Le risque ? Américain Sommaire Le stimulus fiscal américain vient, Pays développés – Le risque ? Américain ................................3 à un moment inopportun, doper Pays émergents – Tirer sur la corde .........................................9 temporairement une croissance déjà au faîte de son cycle et Pétrole – Les risques géopolitiques se renforcent à l’horizon 2019 ....................................................................................... 11 complexifie l’atterrissage en dou- ceur que s’évertuera de promou- Politique monétaire – La recherche du dosage subtil .............. 12 voir la Federal Reserve. En émet- Taux d’intérêt – La « fausse » peur de l’inflation ..................... 15 tant une double hypothèse, l’ab- Taux de change – Repli du dollar, passé, présent et à venir .. 18 sence, d’une part, de resserre- Prévisions économiques et financières ................................... 20 ment monétaire intempestif aux États-Unis et, d’autre part, l’absence d’escalade protection- niste belliciste, la croissance a encore quelques beaux trimes- tres devant elle, notamment en zone euro. Le plan fiscal américain vient, à un moment reculer le taux de chômage vers 3,5% fin 2019, bien particulièrement inopportun, doper temporaire- en-deçà du taux de plein emploi estimé par la ment une croissance déjà au faîte de son cycle. Federal Reserve (4,5%). Bien que l’inflation ne menace pas de se redresser très violemment, le Si la stimulation budgétaire n’est pas de nature à resserrement monétaire de la Fed sera plus rapide. propulser la croissance potentielle, elle conduit La Banque centrale américaine aura la difficile néanmoins à revoir la croissance américaine à la tâche de guider l’économie vers un atterrissage en hausse, légèrement sous la barre de 3% en 2018 et douceur en 2020 et au-delà, en éliminant 2019. Une croissance supérieure à son taux graduellement ses mesures d’assouplissement potentiel (estimé à 1,8%) et susceptible de faire monétaire. Le nouveau président de la Fed, Jerome Études Économiques Groupe http://etudes-economiques.credit-agricole.com
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019 En termes de croissance, le mieux peut se révéler l’ennemi du bien Powell, cherchera à mettre en œuvre une politique semblent entrer dans une phase de consolidation : équilibrée, permettant à la fois de prévenir la l’accélération de la croissance nominale paraît surchauffe et d’atteindre les objectifs d’inflation. Il « digeste ». Quant aux taux européens, ils faudra faire preuve d’une grande virtuosité et d’un s’orientent vers une très lente remontée, malgré la sens aigu de la mesure pour éviter, d’une part, les réduction du Quantitative Easing par la BCE et les remontées de taux prématurées qui pourraient anticipations de remontée (très modeste) de étouffer la croissance et, d’autre part, les remontées l’inflation. trop tardives qui pourraient entraîner un cycle surchauffe-récession. Quid du protectionnisme à géométrie variable de D. Trump ? Il est pour l’instant prématuré de se En zone euro, la phase de reprise, accompagnée lancer dans un calcul hasardeux de l’impact de son cortège de belles surprises, est passée économique des relèvements tarifaires annoncés, et l’économie s’installe dans sa phase de qui s’accompagnent notamment d’exemptions croissance. temporaires. On comprend facilement les intentions et la cible quasi exclusive en regardant quelques Les résultats parfois décevants des enquêtes ne chiffres, très parcellaires mais éloquents, sur le signalent pas le retournement du cycle, mais son commerce extérieur américain. Le déficit des ralentissement naturel : ils reflètent une simple échanges de biens et services a atteint adaptation des anticipations à la réalité. La 566 milliards de dollars en 2017 (soit près de 3% du confiance des agents économiques a retrouvé une PIB et le déficit le plus élevé depuis 2008) : si les plus grande cohérence avec les évolutions de échanges de services dégagent un excèdent l’économie réelle. La solidité des fondamentaux (244 milliards de dollars), ceux des biens affichent suggère des taux de croissance encore soutenus, un déficit de 810 milliards de dollars. Le plus gros proches de 2,4% en 2018 et 2,1% en 2019, sans contributeur au déficit commercial américain est accélération sensible de l’inflation. L’urgence évidemment la Chine (déficit américain de monétaire ne menace donc pas : la politique 375 milliards de dollars), très loin devant le Mexique monétaire de la BCE sera très lentement moins (71 milliards), le Japon (69 milliards) et l’Allemagne accommodante. (64 milliards). Par ailleurs, le déficit se concentre sur quelques produits significatifs tels que Quant à la sphère émergente, elle devrait l’automobile (qui génère un quart du déficit connaître une croissance stable (autour de 4,7% commercial). Petite remarque : le marché américain en 2018), satisfaisante donc sans être est le deuxième marché d’exportation pour le enthousiasmante. secteur automobile allemand. On imagine facilement la difficulté à élaborer une stratégie La principale source d’amélioration des perspec- commune et offensive de la part de l’Union tives de croissance demeure : les exportations qui européenne. De quoi s’attendre donc à ce que les ont, jusqu’à présent, progressé à un rythme assez mesures de rétorsion soient a priori utilisées avec soutenu. Le renforcement de la demande mondiale parcimonie, pour éviter que ne se déclenche une et des exportations pourraient (enfin) conduire guerre commerciale et assombrir les perspectives certaines entreprises émergentes à envisager plus de croissance notamment en zone euro. Quant à la facilement d’investir, créant ainsi les conditions Chine, elle a répondu avec une voix puissante, mais d’une légère accélération dans certains pays une action jusqu’ici limitée. D'autres représailles émergents (sauf en Chine). que celles annoncées jusqu’à présent (et portant sur seulement 3 milliards de dollars d'exportations Quelles sont les principales menaces américaines) sont certes possibles. Mais 19% des susceptibles de perturber l’essoufflement exportations chinoises se dirigent vers les États- naturel du cycle européen et de mettre à mal la Unis et correspondent à 3,6% de son PIB ; son consolidation de la croissance dans l’univers excédent commercial vis-à-vis des États-Unis émergent ? Les risques sont américains : le représente 63,5% de son excédent total. Elle dosage du resserrement monétaire américain et tentera donc probablement de ne pas réagir de son impact sur les marchés, d’une part, la manière excessive, car elle aurait actuellement politique commerciale belliciste de D. Trump, beaucoup à perdre à l’éclatement d'une guerre d’autre part. commerciale avec les États-Unis. Le pilotage monétaire américain sera ardu, mais Le risque d’une guerre commerciale imminente un resserrement violent ne semble pas à l’ordre du et « tous azimuts » paraît limité. En revanche, jour, car la nécessité de contenir une inflation trop l’escalade protectionniste constitue actuelle- forte ne s’impose pas. Après avoir précisément ment le plus grand piège pour l'économie redouté un retour de l’inflation, les taux américains mondiale. N°18/088 – 4 avril 2018 2
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019 En termes de croissance, le mieux peut se révéler l’ennemi du bien Pays développés – Le risque ? Américain Aux États-Unis, le stimulus fiscal vient, à un moment inopportun, doper temporairement une croissance déjà au faîte de son cycle. En zone euro, une fois la phase de forte reprise achevée et les plus belles surprises passées, l’économie s’installe dans sa phase de croissance. Les principaux risques susceptibles de perturber l’essoufflement naturel de son cycle viennent des États-Unis : dosage du resserrement monétaire et politique commerciale belliciste. États-Unis : une croissance dopée à court terme par des dépenses qui ne « s’auto-financent » pas Baisses d’impôts et hausses des dépenses publiques, financées par un accroissement du déficit, devraient apporter un coup de pouce significatif, mais finalement de courte durée, à la croissance. La réforme fiscale (Tax Cuts and Jobs Act) adoptée fin USA : forte croissance de l'emploi 2017 devrait ajouter entre 0,3 et 0,5 point à la croissance cette année et baisse du chômage 400 6,0 et en 2019. L’effet positif sur l’activité serait donc concentré en début 350 '000 % de période : sur l’horizon budgétaire complet de dix ans, l’impact cumulé se limiterait à une augmentation du PIB comprise entre 0,4% et 300 5,5 1,2%. Le Bipartisan Budget Act de 2018 (l’équivalent de la loi de 250 finances), adopté en février, a relevé le plafond des dépenses 200 5,0 gouvernementales d’environ 300 milliards de dollars et pourrait 150 ajouter 0,4 point de croissance supplémentaire en 2018 et en 2019. 100 4,5 50 La politique budgétaire des républicains suggère des déficits 0 4,0 supérieurs à 1 000 milliards de dollars en 2019-2020. Le miracle du côté de l’offre, grâce auquel les baisses d’impôts « s’auto- financeraient » en provoquant une hausse de la croissance, n’existe Variation mensuelle de l’emploi pas. À court terme, le stimulus budgétaire fera passer la croissance Source : BLS Taux de chômage (U3, dr.) bien au-dessus de son niveau potentiel. La hausse des revenus nets d’impôts et la baisse du coût du capital stimuleront évidemment les dépenses de consommation et d’investissement des entreprises. Le financement des déficits pourrait néanmoins se traduire par des taux d’intérêt plus élevés (hausse de la prime de risque), ce qui fait redouter un effet d’éviction des dépenses privées d’investissement. USA : l’optimisme des entreprises devrait soutenir l’investissement Le marché du travail, solide, continue de soutenir la confiance et 108 1,5 les dépenses des consommateurs. Les créations nettes d’emplois ont atteint plus de 2,2 millions en 2017 et le taux de chômage a baissé 1,0 103 de 0,6 point de pourcentage. À 4,1% en février, il est ainsi inférieur au taux de plein emploi estimé par la Fed (4,5%) et devrait baisser vers 0,5 3,5% fin 2019. La progression du salaire horaire moyen, relativement 98 faible depuis la récession, s’est établie à 2,6% sur un an en février. Une 0,0 accélération graduelle des salaires à mesure du resserrement du 93 marché du travail est attendue. La courbe de Phillips (i.e. la relation -0,5 Tx an., inverse entre le taux de chômage et la progression des salaires) est cvs, % plus plate qu’elle ne l’a été historiquement, mais l’excès de demande 88 -1,0 2013 2014 2015 2016 2017 2018 par rapport à l’offre de travail finira par faire « décoller » les salaires. Contrib. investis. privé non-résid. à la croissance (dr.) Indice de confiance des PME Sources : BEA, NFIB La situation financière des ménages est relativement saine. Le service de la dette – bien qu’en hausse – est encore limité et le patrimoine net des ménages reste sur une tendance fortement haussière, génératrice d’effets de richesse qui soutiennent la consommation. Le taux d’épargne a cependant baissé ce qui, en cas de stagnation des salaires, pourrait provoquer un net ralentissement de la consommation. La progression de l’investissement devrait se poursuivre. L’investissement des entreprises s’est renforcé en 2017, après N°18/088 – 4 avril 2018 3
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019 En termes de croissance, le mieux peut se révéler l’ennemi du bien l’effondrement de l’activité dans le secteur pétrolier et gazier en 2016. Les entreprises dressent un triple constat favorable : la croissance domestique est robuste, leurs bénéfices après impôts vont augmenter grâce à la baisse de la fiscalité et les perspectives exportatrices USA : coup de pouce modeste et à s’améliorent légèrement avec le renforcement de la croissance court terme de la réforme fiscale mondiale et l’atténuation de l’appréciation passée du dollar. Les 0,6 dispositions pro-business de Washington (allègement des % règlementations et incitation à l’investissement) créent des risques 0,5 haussiers sur notre scénario à court terme. Compte tenu des 0,4 perspectives d’amélioration des bénéfices après impôt, les entreprises pourraient décider d’augmenter leurs rachats d’actions et de relever 0,3 leurs dividendes. Cela génèrerait des effets de richesse positifs à court 0,2 terme. En revanche, cela contribuerait peu à augmenter à terme la croissance potentielle via une hausse de la productivité liée à de 0,1 nouveaux investissements. 0 2018 2019 2020 Le dollar a corrigé une partie de son appréciation passée, permettant Surcroît croissance lié à la réforme une amélioration de la compétitivité des exportations américaines dans Source : FRBSF fiscale T4/T4 un contexte de raffermissement de la croissance mondiale. Le commerce extérieur pèsera néanmoins sur la croissance, en raison de l’accélération des importations suscitée par des dépenses de consommation et d’investissement des entreprises soutenues. Les USA : progression rapide des mesures protectionnistes pourraient accroître le risque d’un choc dépenses du gouvernement en 2019 négatif lié au commerce extérieur. Les différends actuels sur le 1 700 commerce n’auront cependant que des effets minimes sur la Mds USD performance économique. Seule l’éventualité d’une véritable escalade 1 500 des conflits commerciaux crée un risque baissier sur la croissance. 1 300 L’inflation sous-jacente devrait atteindre 2% au second semestre 1 100 2018. L’inflation sous-jacente des dépenses de consommation (core 900 PCE1) se situait à 1,5% sur un an en janvier. Elle reste inférieure à l’objectif de 2% de la Fed. Elle devrait cependant augmenter au 700 printemps avec la mise sous tension du marché du travail et la disparition des effets de base négatifs qui tiraient le glissement annuel 500 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 vers le bas. L’inflation sous-jacente pourrait atteindre l’objectif du FOMC au second semestre 2018 : le maintien d’une croissance Sources : CRFB, Loi de finance actuelle CBO Loi de finance précédente (juin 2017) supérieure au potentiel a permis d’absorber les ressources inemployées et fait baisser le taux de chômage en dessous de son niveau naturel. Tout nouveau resserrement du marché du travail devrait conduire à des hausses de salaires. L’inflation anticipée par les marchés (points morts d’inflation) a d’ailleurs augmenté. Europe : la demande se renforce, mais au rythme de l’offre UEM : reprise diffuse de La croissance en zone euro a terminé l’année 2017 « en fanfare » l'investissement 12 avec un rythme annuel qui, bien qu’en décélération, a atteint 2,7% a/a , % 8 au quatrième trimestre. L’économie de la zone a ainsi crû de 2,5% en moyenne annuelle en 2017. La croissance en 2017 a bénéficié du 4 renforcement de l’investissement dans toutes les grandes économies 0 de la zone euro. Elle a également a été caractérisée par un mouvement -4 puissant de reconstitution des stocks qui a soutenu la production -8 industrielle. Le surcroît de demande étrangère n’a fait qu’alimenter un cercle déjà vertueux s’appuyant sur la demande domestique. Nous -12 prévoyons une croissance de 2,4% en 2018 et 2,1% en 2019. -16 -20 Nous avons inscrit dans nos prévisions un ralentissement modeste et 2007 2009 2011 2013 2015 2017 naturel du cycle à partir de 2018. Le rythme de croissance devrait rester Sources : Eurostat, Allemagne France encore soutenu, porté par un enchaînement vertueux fait de résistance Crédit Agricole, S.A Italie Espagne 1 Indice de prix des dépenses de consommation personnelle (Personal Consumption Expenditure). N°18/088 – 4 avril 2018 4
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019 En termes de croissance, le mieux peut se révéler l’ennemi du bien de la consommation et de consolidation de l’investissement alimentant à son tour, in fine, la confiance des agents économiques. Les enquêtes nous signalent que ce ralentissement est en cours au premier trimestre 2018. En fin d’année, les enquêtes signalaient des rythmes d’activité bien supérieurs aux données effectives d’activité, bien que déjà très dynamiques, notamment dans le secteur manufacturier. La nouvelle chute en mars de l’indice PMI dans la zone euro n’est pas un signe annonciateur d’un retournement du cycle, mais une simple adaptation des anticipations à la réalité. La confiance des agents économiques a retrouvé une plus grande cohérence avec les évolutions de UEM : prix à la production l’économie réelle. De plus, la réalité est celle d’un cycle d’activité qui, 6 dans l'industrie après avoir connu une période d’accélération (phase de reprise), atteint aujourd’hui une phase (de croissance) qui se situe entre le moment où 4 le taux de croissance de la production atteint son maximum et celui où 2 l’écart de production est maximum (c’est-à-dire où le point de tension sur les capacités installées est maximal). Dans cette phase, il y a une 0 décélération lente et régulière du taux de croissance de l’activité, bien -2 que ce dernier reste supérieur au rythme tendanciel. Pas de crainte donc, à ce stade, pour ce cycle dont les fondamentaux reposent -4 encore solidement sur une demande mondiale de biens -6 manufacturés soutenue, par des créations d’emplois et une a/a, % amélioration de la profitabilité sur fond de retour lent de l’inflation. -8 2007 2009 2011 2013 2015 2017 Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A. Dans la zone euro, l’offre se mobilise pour satisfaire la demande. Le taux d’utilisation des capacités a, en effet, enregistré un net rebond depuis l’été pour retrouver les points hauts des phases passées d’expansion. Cela permet donc d’anticiper un cycle d’accumulation du capital physique qui devrait encore se consolider et alimenter la dynamique de croissance. Les enquêtes signalent aujourd’hui un niveau de stocks élevé par rapport à la normale ; mais tout à fait cohérent avec le niveau, lui-même élevé, des commandes. UEM : indice PMI industrie commandes/stocks Tout ceci suggère, d’une part, des pressions moindres sur les 130 indice entreprises les contraignant à baisser les prix de vente afin de réduire 120 les excès de capacités et, d’autre part, une amélioration de leur pouvoir de fixation des prix. Cette amélioration est signalée par les enquêtes, 110 mais n’apparaît pour l’instant pas dans les chiffres d’inflation. L’inflation 100 est en baisse depuis décembre, y compris l’indice des prix à la 90 consommation hors composantes volatiles (énergie et alimentaire), ainsi que les composantes des biens industriels et des services dont le 80 rythme n’a guère changé depuis un an. En amont de la consommation, 70 la croissance des prix à la production industrielle ne se renforce guère. 60 Quant aux salaires, pourront-ils profiter de la reprise de la productivité et d’un partage plus favorable de la valeur créée ? Pas 50 2007 2009 2011 2013 2015 2017 encore, ou pas beaucoup, car si les excès de capacités industrielles Sources : Markit, Crédit Agricole S.A. sont en voie de résorption, elles restent importantes sur le marché du travail. « L’inertie » d’une offre encore abondante de main-d’œuvre risque de l’emporter sur la dynamique plus soutenue de la demande exerçant ainsi une action de modération sur l’évolution des salaires. Le cycle de productivité bénéficiera donc principalement aux profits et à l’accumulation de capital physique ou financier. Cette logique est propre à la zone euro. Ailleurs, le cycle de croissance et d’inflation est plus avancé. L’accélération bien que modeste, mais plus synchrone de l’inflation dans les autres zones, couplée à une dynamique plus soutenue des prix des matières premières, finira forcément par frapper aux portes de la zone euro. L’appréciation de l’euro ne permettra cependant qu’une faible transmission aux prix domestiques. Quel événement pourrait troubler ce scénario de ralentissement très graduel que nous avons esquissé début décembre ? Depuis lors, l’euro s’est apprécié de 5% vis-à-vis du dollar (4% vis-à-vis de N°18/088 – 4 avril 2018 5
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019 En termes de croissance, le mieux peut se révéler l’ennemi du bien l’ensemble des principaux partenaires commerciaux). Cette appréciation a donc effacé toute la baisse engrangée depuis l’annonce du Quantitative Easing. Quant au prix du pétrole, il est remonté de 7,5%. Quel sera donc l’impact sur la croissance de la zone euro ? La réponse dépend des facteurs à l’origine de ces mouvements. En ce qui concerne l’appréciation de la devise commune, notre scénario anticipait déjà une remontée progressive de la monnaie unique : elle sera un peu plus marquée. Elle est justifiée par la vigueur de la croissance européenne, la faible pente de la courbe des taux américains et le protectionnisme montant de l’administration Trump. Si le premier UEM : taux d'utilisation des facteur tend à avoir un impact limité sur la croissance, car modéré par capacités dans l'industrie la force de la demande mondiale, le dernier facteur préoccupe plus la 90 % Banque centrale européenne qui se prépare à rendre moins accommodante sa politique monétaire. Quant à la hausse du prix du 85 pétrole, peut-elle venir assombrir ce scénario en produisant plus d’inflation, ce qui rendrait moins justifié le maintien de l’orientation 80 accommodante de la politique monétaire ? Nous prévoyons que le prix du pétrole atteindra un pic à la fin de l’année avant de revenir sur des 75 niveaux plus « raisonnables ». L’impact sur l’inflation sera atténué par l’appréciation de l’euro, rendant les importations moins coûteuses avec 70 un impact global assez limité sur l’indice des prix en 2018 et négatif en 2019. Pas de quoi remettre en cause la solidité de la consommation 65 privée, ni de miner la confiance. Dans ce contexte d’inflation 2000 2003 2006 2009 2012 2015 2018 relativement faible, la BCE trouvera encore une justification pour Sources : ESI, Crédit Agricole S.A. maintenir la trajectoire prudente déjà dessinée de normalisation monétaire. Ces nouvelles ne viennent donc pas altérer le récit favorable sur la zone euro que nous transmettons depuis plusieurs trimestres. Mais la perception des risques autour de cette histoire de croissance solidement autoentretenue évolue. S’il existe encore un peu d’espace pour quelques surprises positives émanant du cycle, cet espace se rétrécit, l’accélération du cycle mondial étant derrière R-U : intentions d’investissement nous. En revanche, les risques baissiers ont augmenté, en et formation du capital particulier en provenance d’outre-Atlantique. Si notre scénario 4 25 s’accommode bien de la relance budgétaire américaine, notamment à Solde net a/a, % court terme, il exige que soit vérifiée une condition fondamentale : 15 2 l’absence de durcissement excessif de la politique monétaire de la Fed. Et la tentation protectionniste de D. Trump ajoute un facteur 5 0 d’instabilité : le maintien de notre scénario d’essoufflement naturel, -5 sans heurts, du cycle repose sur l’hypothèse de désescalade du conflit commercial. À très court terme, il convient d’espérer que les -2 Prév. -15 interventions intempestives ne perturbent pas l’enchaînement harmonieux entre confiance, conditions financières, croissance réelle. -4 -25 02 04 06 08 10 12 14 16 18 Enquêtes d’investissement pondérées par secteur Royaume-Uni : des progrès sur le Brexit et des incertitudes Formation brute de capital fixe (dr.) persistantes Sources : BoE Agents survey, ONS, Crédit Agricole S.A. Les négociations sur le Brexit ont progressé un peu plus rapidement qu’attendu ces dernières semaines. L’accord sur une période de transition de vingt-et-un mois, la décision de ne pas imposer de tarifs douaniers dans le commerce des biens et l’accord sur une possible solution de dernier recours concernant l’Irlande du Nord constituent les avancées les plus significatives. Tout ceci est bien sûr positif pour le climat des affaires et l'activité économique, même si le plus dur reste à faire avec, notamment, le début des négociations sur la relation future. La question de la frontière irlandaise est certes toujours susceptible de soulever des difficultés épineuses, lesquelles, si elles se concrétisaient, pourraient remettre en cause le gouvernement, conduire à de nouvelles élections générales, voire à une rupture des négociations. La résolution de la question irlandaise ne semble cependant possible qu’avec un assouplissement du gouvernement en faveur d'une version plus soft du Brexit. Ce d’autant plus qu’une majorité des membres de la N°18/088 – 4 avril 2018 6
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019 En termes de croissance, le mieux peut se révéler l’ennemi du bien Chambre des communes (laquelle devra avaliser l’accord final) est favorable à un soft-Brexit et que le Parti travailliste a changé de position en étant désormais favorable à une union douanière. L’accord sur une période de transition éloigne un peu plus le risque d’un scénario catastrophe après le Brexit, le 29 mars 2019. Néanmoins, ce risque n’a pas disparu. Faisant partie de l’Accord de retrait final, la période de transition n’aura de véritable existence qu’une fois l’Accord de retrait lui- même entériné. La probabilité d’un départ de l’UE sans accord (qui pourrait résulter, par exemple, d’une décision unilatérale du R-U : ventes au détail et confiance gouvernement britannique d’abandonner les négociations) semble du consommateur également relativement faible : Theresa May a, en effet, fait des 15 8 mm3m, concessions à l’UE sans que sa légitimité ne soit contestée par les a/a, % 5 6 conservateurs eurosceptiques. La Première ministre a pris un virage dans son discours du 2 mars vers une approche plus pragmatique, visant -5 à garantir l’accès le plus large possible au marché unique, sans menacer 4 -15 de rompre les négociations, ni jouer la carte de la dérèglementation. 2 -25 Pour l’ensemble des raisons précitées, les entreprises resteront 0 confiantes – au moins à court terme – sur l’issue du Brexit, malgré -35 la persistance des incertitudes. L’amélioration des perspectives de Indice croissance mondiale conforte également la confiance des entreprises, -45 -2 00 02 04 06 08 10 12 14 16 18 lesquelles profitent par ailleurs de taux d’intérêt qui restent faibles (la normalisation de la politique monétaire par la BoE ne se faisant que très Source : Gfk, ONS, Confiance du consommateur Crédit Agricole S.A. Ventes au détail (dr.) graduellement) et d’une situation financière généralement favorable. Dès lors, la principale modification de nos prévisions de croissance est une révision à la hausse de l’investissement. Dans les trimestres à venir, la formation brute de capital fixe devrait non pas se contracter, mais progresser légèrement. Les enquêtes auprès des entreprises sont restées relativement optimistes et les intentions d’investissement se sont stabilisées à des niveaux supérieurs à la moyenne observée Progression stable historiquement avant le référendum, selon l’Agents survey de la BoE. En des exportations mondiales revanche, les indicateurs de dépenses de consommation sont restés 6 a/a, %, faibles, en raison de la baisse passée des revenus réels. La mm6m consommation des ménages devrait donc continuer à peser sur la 4 croissance au cours des prochains mois, avant que la baisse de l’inflation importée ne provoque une remontée du pouvoir d’achat des ménages. 2 Avec des prévisions de demande domestique revues à la hausse, la contribution du commerce extérieur à la croissance devrait rester 0 légèrement négative (voire seulement nulle) en dépit de l’impact positif de l’amélioration de la croissance en zone euro et aux États-Unis. Au -2 total, la croissance du PIB devrait ralentir moins fortement que 12 13 14 15 16 17 prévu précédemment, de 1,8% en 2017 à 1,6% cette année, puis à Sources : CPB Netherlands Monde 1,4% en 2019. Bureau for Economic Policy Économies avancées Analysis, CA CIB Économies émergentes Japon : poursuite de la reprise « sans excès » Le PIB réel a progressé de 0,4% en variation trimestrielle au quatrième trimestre 2017 (taux annualisé de 1,6%), portant à huit le nombre de trimestres consécutifs de croissance positive. La reprise actuelle de l'économie japonaise a été soutenue, à la fois, par l'embellie économique mondiale et par la bonne résistance de la demande domestique. En effet, la consommation privée a progressé de 0,5% en variation trimestrielle au quatrième trimestre, compensant la baisse de 0,6% du troisième trimestre et les dépenses d'investissement ont progressé pour le cinquième trimestre consécutif. Si l’on en juge par l'indice composite coïncident, le mois de janvier a été le soixante- deuxième mois de la reprise actuelle, qui a démarré en novembre 2012 et cette reprise est désormais la deuxième de l'après-guerre de par sa longévité. N°18/088 – 4 avril 2018 7
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019 En termes de croissance, le mieux peut se révéler l’ennemi du bien Alors que les tentations protectionnistes aux États-Unis pourraient faire Japon : situation du marché peser un risque baissier sur les perspectives économiques du Japon, de l’emploi la reprise ayant été soutenue par le dynamisme du commerce 40 Excès mondial : le volume des exportations mondiales a, en effet, progressé 30 d'environ 5% sur un an, une nette amélioration par rapport à la brève 20 période de ralentissement du commerce international, L'économie 10 japonaise a ainsi bénéficié de l'effet réseau du commerce mondial et, à 0 un niveau plus régional, d’une demande chinoise robuste qui va continuer de soutenir les exportations japonaises. -10 -20 Sur le plan domestique, en l'absence d'excès majeur susceptible -30 Indice de provoquer un retournement, la lente reprise économique se diffusion Pénurie -40 maintiendra. Le marché du travail est toujours tendu, avec un taux de 96 98 00 02 04 06 08 10 12 14 16 18 chômage qui est resté inférieur à 3% pendant huit mois d'affilée (2,4% Secteur manufacturier en janvier) et le ratio offres d'emploi sur demandeurs d'emploi a atteint Sources : BoJ, CA CIB Secteur non-manufacturier 1,59 en janvier, son niveau le plus élevé depuis janvier 1974. Les entreprises semblent cependant souffrir d'un manque de main-d'œuvre Japon : capacités de production et rien n'indique que les tensions observées sur le marché du travail 40 traduisent des sureffectifs au sein des entreprises. Indice diffusion Excès 30 De plus, en raison du manque de main-d'œuvre disponible, les entreprises n'ont pas cherché activement à augmenter leurs 20 capacités de production : les dépenses d'investissement ne s'expliquent que par la nécessité de remplacer des équipements 10 existants. Les entreprises n'ont donc pas le sentiment que leur appareil productif est surdimensionné par rapport à leurs effectifs. La lente et 0 déjà longue reprise économique actuelle devrait se poursuivre jusqu'au Pénurie troisième trimestre 2019, après quoi la hausse programmée de la TVA -10 à 10% introduira de la volatilité. 96 98 00 02 04 06 08 10 12 14 16 18 Secteur manufacturier Sources : BoJ, CA CIB Secteur non-manufacturier N°18/088 – 4 avril 2018 8
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019 En termes de croissance, le mieux peut se révéler l’ennemi du bien Pays émergents – Tirer sur la corde Le scénario émergent ressemble à une corde que l’on tire. À une extrémité, le scénario d’une croissance satisfaisante a été confirmé. À l’autre, toutefois, deux difficultés importantes, extérieures à l’univers émergent, se sont accentuées. La croissance des exportations Croissance satisfaisante confirmée pour la sphère émergentes reste forte émergente 0,4 mm3m, 0,3 a/a, % Le principal facteur d’amélioration des perspectives de croissance des économies émergentes demeure : les exportations qui, 0,2 jusqu’ici, ont continué à progresser à un rythme assez rapide. Le ralentissement que nous attendions dans le courant du premier trimestre 0,1 ne s’est pas encore produit. Le renforcement des exportations pourrait 0,0 conduire certaines entreprises émergentes à envisager plus facilement un renforcement de leurs investissements, créant ainsi les conditions -0,1 d’une légère accélération dans certains pays émergents (mais pas en Chine). -0,2 -0,3 Ces perspectives de croissance satisfaisantes s’accompagnent de 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 17 18 pressions inflationnistes encore assez faibles. L’appréciation récente Source : Crédit Agricole CIB de nombreuses devises émergentes a, en effet, contribué à limiter l’accélération de l’inflation. Par conséquent, la plupart des Banques centrales n’ont aucun besoin de se précipiter pour relever leurs taux Chine : indices PMI directeurs et elles le feront à un rythme nettement plus lent que celui de 56 la Fed. 55 54 Le ralentissement va se poursuivre en Chine, mais de façon modérée. D’une part, les efforts des autorités pour limiter l’expansion du 53 crédit devraient continuer à brider la croissance. À l’inverse, la 52 dynamique économique reste solide, comme le montrent notamment les 51 indices PMI (et en particulier l’indice des services). Un ralentissement 50 mesuré de l’économie chinoise, de 6,8% en 2017 à 6,6% en 2018, se dessine. 49 48 Le reste de la sphère émergente devrait accélérer légèrement. Nous 2014 2015 2016 2017 2018 inscrivons dans notre scénario une croissance émergente Indice PMI des services (moy. officielle et Caixin) Indice PMI manufacturier (moy. officielle et Caixin) globalement stable, à 4,7% en 2018. Source : Crédit Agricole CIB Les difficultés s’accentuent Simultanément, deux problèmes majeurs s’aggravent. Émergents : prévisions de croissance Le premier est la politique monétaire de la Fed qui tend à devenir 8 % légèrement plus agressive. Dans un contexte de politique budgétaire 7 plus « souple » et de reprise économique, la Fed a révisé à la hausse 6 ses prévisions d’inflation, de croissance et de hausses des taux pour les années à venir. Ceci est cohérent avec la poursuite de la remontée des 5 taux d’intérêt et avec le risque de pics ponctuels à la faveur des 4 publications de chiffres économiques et de commentaires en 2018. De 3 telles circonstances ne sont pas favorables aux émergents. 2 Problème plus important, les craintes liées au protectionnisme se 1 sont fortement accrues au cours des trois derniers mois. Les 0 mesures annoncées récemment par l’administration Trump (dont les Inde Chine Brésil Russie taxes sur les importations d’acier et d’aluminium) suggèrent qu’après Source : Crédit Agricole CIB 2017 tout, Donald Trump pourrait mettre en œuvre ce qu’il avait 2018 2019 précédemment annoncé (ce qui était loin d’être évident il y a trois mois encore). Ceci pourrait alimenter les frictions commerciales de manière N°18/088 – 4 avril 2018 9
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019 En termes de croissance, le mieux peut se révéler l’ennemi du bien assez significative. D’éventuelles tensions entre les États-Unis et la Chine sur la question de la propriété intellectuelle, notamment, pourraient Émergents : degré d’ouverture peser sur le climat global de l’investissement, la Chine étant susceptible au commerce de répliquer aux droits de douane américains avec ses propres droits de Brésil Exports B&S, douane et d’éventuelles contraintes sur les investissements américains Inde en % PIB 2017 en Chine. Si cela se diffusait au commerce mondial plus globalement, les Colombie pays les plus affectés seraient ceux qui affichent le degré d’ouverture Chine commerciale le plus élevé : de nombreux émergents sont concernés – Russie principalement en Asie. Dans un second temps, toutefois, si les tensions Indonésie commerciales s’aggravaient et alimentaient une aversion globale pour le Turquie risque, les marchés les plus touchés seraient ceux qui dépendent le plus Chili Afr. du Sud de financements extérieurs, même s’ils sont peu exposés au commerce Philippines international. Mexique Corée du Sud Il faut noter que l’éventualité d’une aggravation des tensions Roumanie commerciales n’est pas indépendante du calendrier politique des Pologne principales puissances économiques. Aux États-Unis, les élections Taïwan de mi-mandat pourraient être l’occasion de voir éclore des propositions Thaïlande de mesures protectionnistes présentées comme des mesures de Malaisie défense de l’emploi. En Chine, la suppression de la limite du nombre de Rép. tchèque mandats présidentiels permet, en théorie, à Xi Jinping de rester président Hongrie après la fin de son mandat actuel et lui donne davantage de pouvoir pour 0% 50% 100% 150% 200% négocier avec les États-Unis. En Russie, la réélection de Vladimir Sources : Moody's, CA CIB Poutine lui confère également une plus grande liberté de mouvement dans ses relations avec l’Europe et les États-Unis en cas de nouvelles tensions. Les négociations commerciales pourraient ainsi se durcir et cela pourrait alimenter la volatilité dans la sphère émergente. N°18/088 – 4 avril 2018 10
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019 En termes de croissance, le mieux peut se révéler l’ennemi du bien Pétrole – Les risques géopolitiques se renforcent à l’horizon 2019 Un prix du pétrole entre 67 et 72 dollars par baril et une production américaine toujours en pleine croissance devraient caractériser le marché pétrolier en 2018. Les risques et les incertitudes seront beaucoup plus grands en 2019 ; reconduite ou pas de l’accord de l’OPEP, politique extérieure américaine plus hostile vis-à-vis de l’Iran, effondrement de l’industrie pétrolière au Venezuela pèseront sur le prix du pétrole en 2019. Pétrole : offre/demande, prix L’année 2018 sera américaine. La production de pétrole des États-Unis 5 Mb/j 140 continue sa croissance à un rythme soutenu et dépasse aujourd’hui les USD/b 4 120 niveaux atteints fin 2014. Les producteurs américains sont certainement les grands gagnants de l’accord entre OPEP et non-OPEP, alors qu’ils 3 100 n’y participent pas. Sur les deux premiers mois de 2018, tous les pays 2 80 de l’OPEP – à l’exception de l’Irak – ont respecté leurs quotas de 1 60 production, contribuant à installer le prix du pétrole au-dessus de la barre des 60 dollars par baril sur les cinq derniers mois. Une stabilité qui 0 40 permet aux producteurs de couvrir leur production au-dessus ou proche -1 20 de leur point d’équilibre, estimé aujourd’hui à 50 dollars par baril en moyenne. Si les États-Unis suscitent l’intérêt des médias et de -2 0 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 nombreuses analyses, ce n’est pas le seul pays du continent américain qui a attiré l’attention de la communauté pétrolière. La déliquescence de Sources : OCDE/IEA OMR, Surplus fév. 2018, Thomson Reuters, la production du Venezuela, pays aux plus vastes réserves de pétrole, Dated Brent (dr.) WTI (dr.) surprend et inquiète. En un an, le Venezuela a perdu un quart de sa production (0,55 million de barils par jour). Scénario Brent La baisse de la production de l’OPEP n’a pas seulement permis de 80 USD/b soutenir les prix du pétrole, elle a aussi fourni un véritable 70 « boulevard » aux producteurs et raffineurs américains. La hausse de la production américaine et les baisses des stocks américains 60 alimentent surtout le marché international. Favorisées par une décote par rapport au Brent, les exportations américaines de pétrole ont explosé en 50 2017, surtout à destination de l’Europe et de l’Asie. Les exportations de produits raffinés se concentrent surtout sur l’Amérique latine. 40 Avec une non reconduction de l’accord entre OPEP et non-OPEP 30 prévue pour fin 2018, l’Arabie saoudite se trouve un peu prise au T1 15 T1 16 T1 17 T1 18 T1 19 piège du succès de l’accord qu’elle a initié l’année dernière. Si Historique Futures - 01/03/2018 l’accord n’est pas reconduit, le marché devra absorber environ un million Sources : Thomson Reuters, Eco - mars 2018 de barils supplémentaires, déséquilibrant à nouveau l’offre et la demande ICE, CA S.A. Eco - janv 2018 pétrolières en 2019, entraînant une baisse du prix du pétrole. Mais la nomination d’un nouveau secrétaire d’État par le président Trump, beaucoup moins ouvert sur l’Iran, pourrait entraîner une nouvelle Pétrole : production des Etats-Unis 16 introduction de sanctions contre l’Iran. Des sanctions sur les exportations Mb/j de pétrole iranien, essentiellement effectives en 2019, devraient à la fois 14 réjouir l’Arabie saoudite et les producteurs américains. Elles 12 éloigneraient le risque d’une offre excédentaire de pétrole en 2019. 10 Nos prévisions pour le prix du pétrole en 2018 restent à l’intérieur 8 d’une fourchette comprise entre 67 et 72 dollars par baril. En 6 supposant une non-reconduction de l’accord de l’OPEP et le maintien 4 des États-Unis dans l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien, nos prévisions tablent sur une baisse du prix du pétrole entre 55 et 65 dollars 2 par baril. La mise en place de sanctions par les États-Unis sur le pétrole 0 iranien pourrait, toutes choses égales par ailleurs, améliorer les 2012 2013 2014 2015 2016 2017 perspectives du prix du pétrole en 2019. Source : Pétroles de schiste Autres pétroles bruts EIA Offshore Autres liquides N°18/088 – 4 avril 2018 11
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019 En termes de croissance, le mieux peut se révéler l’ennemi du bien Politique monétaire – La recherche du dosage subtil Avant même que la croissance ne soit stimulée par un vaste programme fiscal, le resserrement pourtant mesuré de la Fed n’était pas une tâche aisée celui-ci est désormais encore plus complexe. Quant à la BCE, elle devrait progressivement resserrer sa politique non conventionnelle, tout en conservant une attitude accommodante. Le dosage devra également être subtil. Réserve fédérale : un équilibre difficile à trouver La Fed doit éviter la surchauffe de l’économie tout en guidant FOMC mars : dot plot l’inflation vers 2%. Comme attendu, le FOMC a relevé la cible des pour les Fed funds fonds fédéraux à 1,50%-1,75% lors de sa réunion du mois de mars et 5 a indiqué qu’il fallait s’attendre à davantage de hausses des taux % qu’initialement prévu. Le président de la Fed de New York, William 4 Dudley, a notamment déclaré « non seulement la croissance est supérieure au potentiel – à un moment où le marché du travail est déjà assez tendu – mais l’économie pourrait recevoir un coup de pouce 3 supplémentaire en 2018 et 2019 avec les mesures budgétaires et fiscales récemment adoptées2 ». 2 Le FOMC aura la difficile tâche de guider l’économie vers un atterrissage en douceur en 2020 et au-delà, en éliminant 1 graduellement ses mesures d’assouplissement monétaire. Le 2017 2018 2019 2020 2021 président de la Fed, Jerome Powell, cherche à mettre en œuvre une 2018 2019 2020 Lo ng terme politique équilibrée, permettant à la fois d’éviter la surchauffe de l’économie et d’atteindre les objectifs d’inflation. Il ne sera cependant M édiane 2,125% 2,875% 3,375% 2,875% pas facile d’éviter à la fois des remontées de taux prématurées, qui +75pb +75pb +50pb pourraient étouffer la croissance, et des remontées trop tardives, qui Chaque losange indique la valeur, arrondie au 8e de point de base le plus pourraient entraîner un cycle surchauffe-récession. Le retour vers le proche, du taux des Fed funds (ou du centre de l’intervalle) jugé approprié par « taux de chômage naturel » n’est pas sans danger : « historiquement, un membre du FOM C, à la fin de l’année calendaire spécifiée ou à long terme. l’économie est toujours tombée en récession dès que le taux de Source : réserve fédérale Projection médiane FOMC chômage a augmenté de plus de 0,3 ou 0,4 point de pourcentage ». Banque centrale européenne : « les meilleures choses ont BCE : perspectives une fin » de politique monétaire L’amélioration des perspectives en zone euro, et la remontée – 2,0 70 1,5 bien que très graduelle – de l’inflation, en particulier l’inflation sous- 50 jacente, devraient permettre à la BCE de poursuivre la réduction 1,0 30 de sa politique exceptionnelle. 0,5 10 0,0 Après avoir baissé son programme d’achat de 60 milliards d’euros à -10 -0,5 30 milliards d’euros par mois en janvier 2018, la BCE devrait continuer -1,0 -30 ses achats à ce rythme jusqu’à septembre, comme elle l’a annoncé, -1,5 -50 avant de s’engager sur la voie d’une extinction de son QE avant la fin -2,0 % -70 de l’année 2018. juin-17 déc.-17 juin-18 déc.-18 juin-19 déc.-19 1er jan : QE ramené à 30 M ds € Ainsi, en juin 2018, la BCE devrait à la fois annoncer qu’elle étend son 14 juin : anno nce QE à 5 M ds €jusqu’ à déc. 2018 14 juin : chgt guidage des anticipatio ns po ur rembo urst des TLTROs programme jusqu’à décembre 2018 à un rythme plus faible (15 milliards 1er o ct. : QE ramené à 5 M ds € d’euros par mois) et qu’elle arrêtera ses achats à la fin décembre. 31déc.. : fin du QE M ars 2019 : chgt/arrêt guidage des anticipatio ns En parallèle, la communication sur les taux devrait se faire plus dense : Sep. 2019 : hausse taux de dépô t déc. 2019 : hausse taux de dépô t et taux de refinancement l’annonce de la fin du QE pourrait raviver les anticipations de hausse QE, Mds €, (dr.) Inflation de taux. La BCE devra ainsi communiquer pour renforcer son guidage Inflation s/s-jacente Tx de dépôt monétaire (forward guidance) sur les taux au cours de la seconde Tx de refinancement Source : BCE 2 William Dudley, The Outlook for the U.S. Economy in 2018 and Beyond: « Depuis la fin des années 40, toutes les hausses d’au moins 0,3% de la moyenne mobile sur trois mois du taux de chômage ont indiqué que l’économie était soit déjà rentrée en récession, soit sur le point de rentrer en récession ». N°18/088 – 4 avril 2018 12
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