MONDE - Scénario macro-économique 2018-2019 - En termes de croissance, le mieux peut se révéler l'ennemi du bien

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Trimestriel – N°18/088 – 4 avril 2018

     MONDE – Scénario macro-économique 2018-2019
     En termes de croissance, le mieux peut se révéler
     l’ennemi du bien

          Le dopage budgétaire américain va stimuler la croissance américaine au point de l’entraîner vers des
          sommets dangereux, mais encore lointains. L’en faire redescendre en douceur sera une tâche ardue pour
          la politique monétaire américaine. L’essoufflement naturel du cycle européen et la consolidation de la
          croissance dans l’univers émergent peuvent ainsi se poursuivre sous une double condition : l’absence,
          d’une part, de durcissement excessif de la part de la Federal Reserve et, d’autre part, de guerre
          commerciale « tous azimuts ». Ces deux risques ne semblent cependant pas imminents et un optimisme
          « raisonnable » paraît encore être de mise.

           Zoom vidéo             Le risque ? Américain                                                  Sommaire
                              Le stimulus fiscal américain vient,   Pays développés – Le risque ? Américain ................................3
                               à un moment inopportun, doper
                                                                     Pays émergents – Tirer sur la corde .........................................9
                               temporairement une croissance
                               déjà au faîte de son cycle et         Pétrole – Les risques géopolitiques se renforcent à l’horizon
                                                                     2019 ....................................................................................... 11
                               complexifie l’atterrissage en dou-
                               ceur que s’évertuera de promou-       Politique monétaire – La recherche du dosage subtil .............. 12
                               voir la Federal Reserve. En émet-     Taux d’intérêt – La « fausse » peur de l’inflation ..................... 15
                               tant une double hypothèse, l’ab-
                                                                     Taux de change – Repli du dollar, passé, présent et à venir .. 18
                               sence, d’une part, de resserre-
                                                                     Prévisions économiques et financières ................................... 20
                               ment monétaire intempestif aux
                               États-Unis et, d’autre part,
                               l’absence d’escalade protection-
                               niste belliciste, la croissance a
                               encore quelques beaux trimes-
                               tres devant elle, notamment en
                               zone euro.

         Le plan fiscal américain vient, à un moment                  reculer le taux de chômage vers 3,5% fin 2019, bien
         particulièrement inopportun, doper temporaire-               en-deçà du taux de plein emploi estimé par la
         ment une croissance déjà au faîte de son cycle.              Federal Reserve (4,5%). Bien que l’inflation ne
                                                                      menace pas de se redresser très violemment, le
         Si la stimulation budgétaire n’est pas de nature à           resserrement monétaire de la Fed sera plus rapide.
         propulser la croissance potentielle, elle conduit            La Banque centrale américaine aura la difficile
         néanmoins à revoir la croissance américaine à la             tâche de guider l’économie vers un atterrissage en
         hausse, légèrement sous la barre de 3% en 2018 et            douceur en 2020 et au-delà, en éliminant
         2019. Une croissance supérieure à son taux                   graduellement ses mesures d’assouplissement
         potentiel (estimé à 1,8%) et susceptible de faire            monétaire. Le nouveau président de la Fed, Jerome

Études Économiques Groupe
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Monde – Scénario macro-économique 2018-2019
En termes de croissance, le mieux peut se révéler l’ennemi du bien

      Powell, cherchera à mettre en œuvre une politique           semblent entrer dans une phase de consolidation :
      équilibrée, permettant à la fois de prévenir la             l’accélération de la croissance nominale paraît
      surchauffe et d’atteindre les objectifs d’inflation. Il     « digeste ». Quant aux taux européens, ils
      faudra faire preuve d’une grande virtuosité et d’un         s’orientent vers une très lente remontée, malgré la
      sens aigu de la mesure pour éviter, d’une part, les         réduction du Quantitative Easing par la BCE et les
      remontées de taux prématurées qui pourraient                anticipations de remontée (très modeste) de
      étouffer la croissance et, d’autre part, les remontées      l’inflation.
      trop tardives qui pourraient entraîner un cycle
      surchauffe-récession.                                       Quid du protectionnisme à géométrie variable de
                                                                  D. Trump ? Il est pour l’instant prématuré de se
      En zone euro, la phase de reprise, accompagnée              lancer dans un calcul hasardeux de l’impact
      de son cortège de belles surprises, est passée              économique des relèvements tarifaires annoncés,
      et l’économie s’installe dans sa phase de                   qui s’accompagnent notamment d’exemptions
      croissance.                                                 temporaires. On comprend facilement les intentions
                                                                  et la cible quasi exclusive en regardant quelques
      Les résultats parfois décevants des enquêtes ne             chiffres, très parcellaires mais éloquents, sur le
      signalent pas le retournement du cycle, mais son            commerce extérieur américain. Le déficit des
      ralentissement naturel : ils reflètent une simple           échanges de biens et services a atteint
      adaptation des anticipations à la réalité. La               566 milliards de dollars en 2017 (soit près de 3% du
      confiance des agents économiques a retrouvé une             PIB et le déficit le plus élevé depuis 2008) : si les
      plus grande cohérence avec les évolutions de                échanges de services dégagent un excèdent
      l’économie réelle. La solidité des fondamentaux             (244 milliards de dollars), ceux des biens affichent
      suggère des taux de croissance encore soutenus,             un déficit de 810 milliards de dollars. Le plus gros
      proches de 2,4% en 2018 et 2,1% en 2019, sans               contributeur au déficit commercial américain est
      accélération sensible de l’inflation. L’urgence             évidemment la Chine (déficit américain de
      monétaire ne menace donc pas : la politique                 375 milliards de dollars), très loin devant le Mexique
      monétaire de la BCE sera très lentement moins               (71 milliards), le Japon (69 milliards) et l’Allemagne
      accommodante.                                               (64 milliards). Par ailleurs, le déficit se concentre
                                                                  sur quelques produits significatifs tels que
      Quant à la sphère émergente, elle devrait                   l’automobile (qui génère un quart du déficit
      connaître une croissance stable (autour de 4,7%             commercial). Petite remarque : le marché américain
      en 2018), satisfaisante donc sans être                      est le deuxième marché d’exportation pour le
      enthousiasmante.                                            secteur automobile allemand. On imagine
                                                                  facilement la difficulté à élaborer une stratégie
      La principale source d’amélioration des perspec-            commune et offensive de la part de l’Union
      tives de croissance demeure : les exportations qui          européenne. De quoi s’attendre donc à ce que les
      ont, jusqu’à présent, progressé à un rythme assez           mesures de rétorsion soient a priori utilisées avec
      soutenu. Le renforcement de la demande mondiale             parcimonie, pour éviter que ne se déclenche une
      et des exportations pourraient (enfin) conduire             guerre commerciale et assombrir les perspectives
      certaines entreprises émergentes à envisager plus           de croissance notamment en zone euro. Quant à la
      facilement d’investir, créant ainsi les conditions          Chine, elle a répondu avec une voix puissante, mais
      d’une légère accélération dans certains pays                une action jusqu’ici limitée. D'autres représailles
      émergents (sauf en Chine).                                  que celles annoncées jusqu’à présent (et portant
                                                                  sur seulement 3 milliards de dollars d'exportations
      Quelles    sont   les  principales    menaces               américaines) sont certes possibles. Mais 19% des
      susceptibles de perturber l’essoufflement                   exportations chinoises se dirigent vers les États-
      naturel du cycle européen et de mettre à mal la             Unis et correspondent à 3,6% de son PIB ; son
      consolidation de la croissance dans l’univers               excédent commercial vis-à-vis des États-Unis
      émergent ? Les risques sont américains : le                 représente 63,5% de son excédent total. Elle
      dosage du resserrement monétaire américain et               tentera donc probablement de ne pas réagir de
      son impact sur les marchés, d’une part, la                  manière excessive, car elle aurait actuellement
      politique commerciale belliciste de D. Trump,               beaucoup à perdre à l’éclatement d'une guerre
      d’autre part.                                               commerciale avec les États-Unis.

      Le pilotage monétaire américain sera ardu, mais             Le risque d’une guerre commerciale imminente
      un resserrement violent ne semble pas à l’ordre du          et « tous azimuts » paraît limité. En revanche,
      jour, car la nécessité de contenir une inflation trop       l’escalade protectionniste constitue actuelle-
      forte ne s’impose pas. Après avoir précisément              ment le plus grand piège pour l'économie
      redouté un retour de l’inflation, les taux américains       mondiale.

                                                      N°18/088 – 4 avril 2018                               2
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019
En termes de croissance, le mieux peut se révéler l’ennemi du bien

                          Pays développés – Le risque ? Américain
                            Aux États-Unis, le stimulus fiscal vient, à un moment inopportun, doper temporairement une
                            croissance déjà au faîte de son cycle. En zone euro, une fois la phase de forte reprise achevée et les
                            plus belles surprises passées, l’économie s’installe dans sa phase de croissance. Les principaux
                            risques susceptibles de perturber l’essoufflement naturel de son cycle viennent des États-Unis :
                            dosage du resserrement monétaire et politique commerciale belliciste.

                                                                     États-Unis : une croissance dopée à court terme par des
                                                                     dépenses qui ne « s’auto-financent » pas
                                                                     Baisses d’impôts et hausses des dépenses publiques, financées
                                                                     par un accroissement du déficit, devraient apporter un coup de
                                                                     pouce significatif, mais finalement de courte durée, à la
                                                                     croissance. La réforme fiscale (Tax Cuts and Jobs Act) adoptée fin
      USA : forte croissance de l'emploi
                                                                     2017 devrait ajouter entre 0,3 et 0,5 point à la croissance cette année
           et baisse du chômage
400                                                            6,0   et en 2019. L’effet positif sur l’activité serait donc concentré en début
350
      '000                                               %           de période : sur l’horizon budgétaire complet de dix ans, l’impact
                                                                     cumulé se limiterait à une augmentation du PIB comprise entre 0,4% et
300                                                            5,5
                                                                     1,2%. Le Bipartisan Budget Act de 2018 (l’équivalent de la loi de
250
                                                                     finances), adopté en février, a relevé le plafond des dépenses
200                                                            5,0
                                                                     gouvernementales d’environ 300 milliards de dollars et pourrait
150                                                                  ajouter 0,4 point de croissance supplémentaire en 2018 et en 2019.
100                                                            4,5
 50                                                                  La politique budgétaire des républicains suggère des déficits
  0                                                            4,0   supérieurs à 1 000 milliards de dollars en 2019-2020. Le miracle du
                                                                     côté de l’offre, grâce auquel les baisses d’impôts « s’auto-
                                                                     financeraient » en provoquant une hausse de la croissance, n’existe
                             Variation mensuelle de l’emploi         pas. À court terme, le stimulus budgétaire fera passer la croissance
Source : BLS                 Taux de chômage (U3, dr.)               bien au-dessus de son niveau potentiel. La hausse des revenus nets
                                                                     d’impôts et la baisse du coût du capital stimuleront évidemment les
                                                                     dépenses de consommation et d’investissement des entreprises. Le
                                                                     financement des déficits pourrait néanmoins se traduire par des taux
                                                                     d’intérêt plus élevés (hausse de la prime de risque), ce qui fait redouter
                                                                     un effet d’éviction des dépenses privées d’investissement.
       USA : l’optimisme des entreprises
        devrait soutenir l’investissement                            Le marché du travail, solide, continue de soutenir la confiance et
108                                                          1,5     les dépenses des consommateurs. Les créations nettes d’emplois
                                                                     ont atteint plus de 2,2 millions en 2017 et le taux de chômage a baissé
                                                             1,0
103                                                                  de 0,6 point de pourcentage. À 4,1% en février, il est ainsi inférieur au
                                                                     taux de plein emploi estimé par la Fed (4,5%) et devrait baisser vers
                                                             0,5
                                                                     3,5% fin 2019. La progression du salaire horaire moyen, relativement
 98
                                                                     faible depuis la récession, s’est établie à 2,6% sur un an en février. Une
                                                             0,0
                                                                     accélération graduelle des salaires à mesure du resserrement du
 93                                                                  marché du travail est attendue. La courbe de Phillips (i.e. la relation
                                                             -0,5
                                               Tx an.,               inverse entre le taux de chômage et la progression des salaires) est
                                               cvs, %                plus plate qu’elle ne l’a été historiquement, mais l’excès de demande
 88                                                      -1,0
   2013    2014       2015      2016      2017      2018             par rapport à l’offre de travail finira par faire « décoller » les salaires.
     Contrib. investis. privé non-résid. à la croissance (dr.)
     Indice de confiance des PME        Sources : BEA, NFIB          La situation financière des ménages est relativement saine. Le
                                                                     service de la dette – bien qu’en hausse – est encore limité et le
                                                                     patrimoine net des ménages reste sur une tendance fortement
                                                                     haussière, génératrice d’effets de richesse qui soutiennent la
                                                                     consommation. Le taux d’épargne a cependant baissé ce qui, en cas
                                                                     de stagnation des salaires, pourrait provoquer un net ralentissement de
                                                                     la consommation.

                                                                     La progression de l’investissement devrait se poursuivre.
                                                                     L’investissement des entreprises s’est renforcé en 2017, après

                                                                     N°18/088 – 4 avril 2018                                     3
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019
En termes de croissance, le mieux peut se révéler l’ennemi du bien

                                                               l’effondrement de l’activité dans le secteur pétrolier et gazier en 2016.
                                                               Les entreprises dressent un triple constat favorable : la croissance
                                                               domestique est robuste, leurs bénéfices après impôts vont augmenter
                                                               grâce à la baisse de la fiscalité et les perspectives exportatrices
         USA : coup de pouce modeste et à                      s’améliorent légèrement avec le renforcement de la croissance
          court terme de la réforme fiscale                    mondiale et l’atténuation de l’appréciation passée du dollar. Les
 0,6                                                           dispositions pro-business de Washington (allègement des
         %
                                                               règlementations et incitation à l’investissement) créent des risques
 0,5
                                                               haussiers sur notre scénario à court terme. Compte tenu des
 0,4                                                           perspectives d’amélioration des bénéfices après impôt, les entreprises
                                                               pourraient décider d’augmenter leurs rachats d’actions et de relever
 0,3                                                           leurs dividendes. Cela génèrerait des effets de richesse positifs à court
 0,2                                                           terme. En revanche, cela contribuerait peu à augmenter à terme la
                                                               croissance potentielle via une hausse de la productivité liée à de
 0,1                                                           nouveaux investissements.
   0
              2018            2019               2020          Le dollar a corrigé une partie de son appréciation passée, permettant
                        Surcroît croissance lié à la réforme   une amélioration de la compétitivité des exportations américaines dans
 Source : FRBSF         fiscale T4/T4                          un contexte de raffermissement de la croissance mondiale. Le
                                                               commerce extérieur pèsera néanmoins sur la croissance, en raison
                                                               de l’accélération des importations suscitée par des dépenses de
                                                               consommation et d’investissement des entreprises soutenues. Les
            USA : progression rapide des                       mesures protectionnistes pourraient accroître le risque d’un choc
         dépenses du gouvernement en 2019                      négatif lié au commerce extérieur. Les différends actuels sur le
 1 700                                                         commerce n’auront cependant que des effets minimes sur la
             Mds USD
                                                               performance économique. Seule l’éventualité d’une véritable escalade
 1 500
                                                               des conflits commerciaux crée un risque baissier sur la croissance.
 1 300
                                                               L’inflation sous-jacente devrait atteindre 2% au second semestre
 1 100                                                         2018. L’inflation sous-jacente des dépenses de consommation (core
  900                                                          PCE1) se situait à 1,5% sur un an en janvier. Elle reste inférieure à
                                                               l’objectif de 2% de la Fed. Elle devrait cependant augmenter au
  700                                                          printemps avec la mise sous tension du marché du travail et la
                                                               disparition des effets de base négatifs qui tiraient le glissement annuel
  500
          17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28                  vers le bas. L’inflation sous-jacente pourrait atteindre l’objectif du
                                                               FOMC au second semestre 2018 : le maintien d’une croissance
  Sources : CRFB,      Loi de finance actuelle
  CBO                  Loi de finance précédente (juin 2017)
                                                               supérieure au potentiel a permis d’absorber les ressources
                                                               inemployées et fait baisser le taux de chômage en dessous de son
                                                               niveau naturel. Tout nouveau resserrement du marché du travail devrait
                                                               conduire à des hausses de salaires. L’inflation anticipée par les
                                                               marchés (points morts d’inflation) a d’ailleurs augmenté.

                                                               Europe : la demande se renforce, mais au rythme de l’offre
                   UEM : reprise diffuse de
                                                               La croissance en zone euro a terminé l’année 2017 « en fanfare »
                      l'investissement
 12                                                            avec un rythme annuel qui, bien qu’en décélération, a atteint 2,7%
         a/a , %
  8                                                            au quatrième trimestre. L’économie de la zone a ainsi crû de 2,5% en
                                                               moyenne annuelle en 2017. La croissance en 2017 a bénéficié du
  4
                                                               renforcement de l’investissement dans toutes les grandes économies
  0                                                            de la zone euro. Elle a également a été caractérisée par un mouvement
  -4                                                           puissant de reconstitution des stocks qui a soutenu la production
  -8                                                           industrielle. Le surcroît de demande étrangère n’a fait qu’alimenter un
                                                               cercle déjà vertueux s’appuyant sur la demande domestique. Nous
-12
                                                               prévoyons une croissance de 2,4% en 2018 et 2,1% en 2019.
-16
-20                                                            Nous avons inscrit dans nos prévisions un ralentissement modeste et
    2007       2009      2011        2013    2015     2017     naturel du cycle à partir de 2018. Le rythme de croissance devrait rester
Sources : Eurostat,             Allemagne        France        encore soutenu, porté par un enchaînement vertueux fait de résistance
Crédit Agricole, S.A            Italie           Espagne

                                                               1
                                                                   Indice de prix des dépenses de consommation personnelle (Personal Consumption
                                                                   Expenditure).

                                                               N°18/088 – 4 avril 2018                                          4
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019
En termes de croissance, le mieux peut se révéler l’ennemi du bien

                                                        de la consommation et de consolidation de l’investissement alimentant
                                                        à son tour, in fine, la confiance des agents économiques. Les enquêtes
                                                        nous signalent que ce ralentissement est en cours au premier trimestre
                                                        2018. En fin d’année, les enquêtes signalaient des rythmes d’activité
                                                        bien supérieurs aux données effectives d’activité, bien que déjà très
                                                        dynamiques, notamment dans le secteur manufacturier. La nouvelle
                                                        chute en mars de l’indice PMI dans la zone euro n’est pas un signe
                                                        annonciateur d’un retournement du cycle, mais une simple adaptation
                                                        des anticipations à la réalité. La confiance des agents économiques
                                                        a retrouvé une plus grande cohérence avec les évolutions de
               UEM : prix à la production               l’économie réelle. De plus, la réalité est celle d’un cycle d’activité qui,
 6                 dans l'industrie                     après avoir connu une période d’accélération (phase de reprise), atteint
                                                        aujourd’hui une phase (de croissance) qui se situe entre le moment où
 4
                                                        le taux de croissance de la production atteint son maximum et celui où
 2                                                      l’écart de production est maximum (c’est-à-dire où le point de tension
                                                        sur les capacités installées est maximal). Dans cette phase, il y a une
 0
                                                        décélération lente et régulière du taux de croissance de l’activité, bien
-2                                                      que ce dernier reste supérieur au rythme tendanciel. Pas de crainte
                                                        donc, à ce stade, pour ce cycle dont les fondamentaux reposent
-4
                                                        encore solidement sur une demande mondiale de biens
-6                                                      manufacturés soutenue, par des créations d’emplois et une
      a/a, %                                            amélioration de la profitabilité sur fond de retour lent de l’inflation.
-8
  2007      2009      2011       2013     2015   2017
 Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A.               Dans la zone euro, l’offre se mobilise pour satisfaire la demande. Le
                                                        taux d’utilisation des capacités a, en effet, enregistré un net rebond
                                                        depuis l’été pour retrouver les points hauts des phases passées
                                                        d’expansion. Cela permet donc d’anticiper un cycle d’accumulation du
                                                        capital physique qui devrait encore se consolider et alimenter la
                                                        dynamique de croissance. Les enquêtes signalent aujourd’hui un
                                                        niveau de stocks élevé par rapport à la normale ; mais tout à fait
                                                        cohérent avec le niveau, lui-même élevé, des commandes.
               UEM : indice PMI industrie
                  commandes/stocks                      Tout ceci suggère, d’une part, des pressions moindres sur les
130
      indice
                                                        entreprises les contraignant à baisser les prix de vente afin de réduire
120                                                     les excès de capacités et, d’autre part, une amélioration de leur pouvoir
                                                        de fixation des prix. Cette amélioration est signalée par les enquêtes,
110
                                                        mais n’apparaît pour l’instant pas dans les chiffres d’inflation. L’inflation
100                                                     est en baisse depuis décembre, y compris l’indice des prix à la
 90                                                     consommation hors composantes volatiles (énergie et alimentaire),
                                                        ainsi que les composantes des biens industriels et des services dont le
 80
                                                        rythme n’a guère changé depuis un an. En amont de la consommation,
 70                                                     la croissance des prix à la production industrielle ne se renforce guère.
 60                                                     Quant aux salaires, pourront-ils profiter de la reprise de la
                                                        productivité et d’un partage plus favorable de la valeur créée ? Pas
 50
   2007     2009       2011      2013    2015    2017   encore, ou pas beaucoup, car si les excès de capacités industrielles
Sources : Markit, Crédit Agricole S.A.                  sont en voie de résorption, elles restent importantes sur le marché du
                                                        travail. « L’inertie » d’une offre encore abondante de main-d’œuvre
                                                        risque de l’emporter sur la dynamique plus soutenue de la demande
                                                        exerçant ainsi une action de modération sur l’évolution des salaires. Le
                                                        cycle de productivité bénéficiera donc principalement aux profits et à
                                                        l’accumulation de capital physique ou financier. Cette logique est
                                                        propre à la zone euro. Ailleurs, le cycle de croissance et d’inflation est
                                                        plus avancé. L’accélération bien que modeste, mais plus synchrone de
                                                        l’inflation dans les autres zones, couplée à une dynamique plus
                                                        soutenue des prix des matières premières, finira forcément par frapper
                                                        aux portes de la zone euro. L’appréciation de l’euro ne permettra
                                                        cependant qu’une faible transmission aux prix domestiques.

                                                        Quel événement pourrait troubler ce scénario de ralentissement
                                                        très graduel que nous avons esquissé début décembre ? Depuis
                                                        lors, l’euro s’est apprécié de 5% vis-à-vis du dollar (4% vis-à-vis de

                                                        N°18/088 – 4 avril 2018                                      5
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019
En termes de croissance, le mieux peut se révéler l’ennemi du bien

                                                              l’ensemble des principaux partenaires commerciaux). Cette
                                                              appréciation a donc effacé toute la baisse engrangée depuis l’annonce
                                                              du Quantitative Easing. Quant au prix du pétrole, il est remonté de
                                                              7,5%. Quel sera donc l’impact sur la croissance de la zone euro ? La
                                                              réponse dépend des facteurs à l’origine de ces mouvements. En ce qui
                                                              concerne l’appréciation de la devise commune, notre scénario anticipait
                                                              déjà une remontée progressive de la monnaie unique : elle sera un peu
                                                              plus marquée. Elle est justifiée par la vigueur de la croissance
                                                              européenne, la faible pente de la courbe des taux américains et le
                                                              protectionnisme montant de l’administration Trump. Si le premier
             UEM : taux d'utilisation des                     facteur tend à avoir un impact limité sur la croissance, car modéré par
              capacités dans l'industrie                      la force de la demande mondiale, le dernier facteur préoccupe plus la
90
      %                                                       Banque centrale européenne qui se prépare à rendre moins
                                                              accommodante sa politique monétaire. Quant à la hausse du prix du
85
                                                              pétrole, peut-elle venir assombrir ce scénario en produisant plus
                                                              d’inflation, ce qui rendrait moins justifié le maintien de l’orientation
80
                                                              accommodante de la politique monétaire ? Nous prévoyons que le prix
                                                              du pétrole atteindra un pic à la fin de l’année avant de revenir sur des
75                                                            niveaux plus « raisonnables ». L’impact sur l’inflation sera atténué par
                                                              l’appréciation de l’euro, rendant les importations moins coûteuses avec
70                                                            un impact global assez limité sur l’indice des prix en 2018 et négatif en
                                                              2019. Pas de quoi remettre en cause la solidité de la consommation
65                                                            privée, ni de miner la confiance. Dans ce contexte d’inflation
  2000    2003     2006     2009      2012   2015      2018   relativement faible, la BCE trouvera encore une justification pour
Sources : ESI, Crédit Agricole S.A.                           maintenir la trajectoire prudente déjà dessinée de normalisation
                                                              monétaire.
                                                              Ces nouvelles ne viennent donc pas altérer le récit favorable sur la zone
                                                              euro que nous transmettons depuis plusieurs trimestres. Mais la
                                                              perception des risques autour de cette histoire de croissance
                                                              solidement autoentretenue évolue. S’il existe encore un peu
                                                              d’espace pour quelques surprises positives émanant du cycle, cet
                                                              espace se rétrécit, l’accélération du cycle mondial étant derrière
          R-U : intentions d’investissement                   nous. En revanche, les risques baissiers ont augmenté, en
               et formation du capital                        particulier en provenance d’outre-Atlantique. Si notre scénario
 4                                                      25    s’accommode bien de la relance budgétaire américaine, notamment à
      Solde net                               a/a, %
                                                              court terme, il exige que soit vérifiée une condition fondamentale :
                                                        15
 2                                                            l’absence de durcissement excessif de la politique monétaire de la Fed.
                                                              Et la tentation protectionniste de D. Trump ajoute un facteur
                                                        5
 0
                                                              d’instabilité : le maintien de notre scénario d’essoufflement naturel,
                                                        -5    sans heurts, du cycle repose sur l’hypothèse de désescalade du conflit
                                                              commercial. À très court terme, il convient d’espérer que les
-2
                                               Prév.    -15   interventions intempestives ne perturbent pas l’enchaînement
                                                              harmonieux entre confiance, conditions financières, croissance réelle.
-4                                                     -25
     02     04 06 08 10 12 14 16 18
           Enquêtes d’investissement pondérées par secteur    Royaume-Uni : des progrès sur le Brexit et des incertitudes
           Formation brute de capital fixe (dr.)              persistantes
Sources : BoE Agents survey, ONS, Crédit Agricole S.A.
                                                              Les négociations sur le Brexit ont progressé un peu plus
                                                              rapidement qu’attendu ces dernières semaines. L’accord sur une
                                                              période de transition de vingt-et-un mois, la décision de ne pas imposer
                                                              de tarifs douaniers dans le commerce des biens et l’accord sur une
                                                              possible solution de dernier recours concernant l’Irlande du Nord
                                                              constituent les avancées les plus significatives. Tout ceci est bien sûr
                                                              positif pour le climat des affaires et l'activité économique, même si le plus
                                                              dur reste à faire avec, notamment, le début des négociations sur la
                                                              relation future. La question de la frontière irlandaise est certes toujours
                                                              susceptible de soulever des difficultés épineuses, lesquelles, si elles se
                                                              concrétisaient, pourraient remettre en cause le gouvernement, conduire
                                                              à de nouvelles élections générales, voire à une rupture des négociations.
                                                              La résolution de la question irlandaise ne semble cependant possible
                                                              qu’avec un assouplissement du gouvernement en faveur d'une version
                                                              plus soft du Brexit. Ce d’autant plus qu’une majorité des membres de la

                                                              N°18/088 – 4 avril 2018                                      6
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019
En termes de croissance, le mieux peut se révéler l’ennemi du bien

                                                                               Chambre des communes (laquelle devra avaliser l’accord final) est
                                                                               favorable à un soft-Brexit et que le Parti travailliste a changé de position
                                                                               en étant désormais favorable à une union douanière. L’accord sur une
                                                                               période de transition éloigne un peu plus le risque d’un scénario
                                                                               catastrophe après le Brexit, le 29 mars 2019. Néanmoins, ce risque n’a
                                                                               pas disparu. Faisant partie de l’Accord de retrait final, la période de
                                                                               transition n’aura de véritable existence qu’une fois l’Accord de retrait lui-
                                                                               même entériné. La probabilité d’un départ de l’UE sans accord (qui
                                                                               pourrait résulter, par exemple, d’une décision unilatérale du
            R-U : ventes au détail et confiance                                gouvernement britannique d’abandonner les négociations) semble
                    du consommateur                                            également relativement faible : Theresa May a, en effet, fait des
 15                                                                       8
                                                               mm3m,           concessions à l’UE sans que sa légitimité ne soit contestée par les
                                                               a/a, %
   5                                                                      6
                                                                               conservateurs eurosceptiques. La Première ministre a pris un virage
                                                                               dans son discours du 2 mars vers une approche plus pragmatique, visant
  -5                                                                           à garantir l’accès le plus large possible au marché unique, sans menacer
                                                                          4
 -15
                                                                               de rompre les négociations, ni jouer la carte de la dérèglementation.
                                                                          2
 -25                                                                           Pour l’ensemble des raisons précitées, les entreprises resteront
                                                                          0
                                                                               confiantes – au moins à court terme – sur l’issue du Brexit, malgré
 -35                                                                           la persistance des incertitudes. L’amélioration des perspectives de
            Indice                                                             croissance mondiale conforte également la confiance des entreprises,
 -45                                                                      -2
       00      02         04   06   08     10   12        14   16    18        lesquelles profitent par ailleurs de taux d’intérêt qui restent faibles (la
                                                                               normalisation de la politique monétaire par la BoE ne se faisant que très
Source : Gfk, ONS,                       Confiance du consommateur
Crédit Agricole S.A.                     Ventes au détail (dr.)                graduellement) et d’une situation financière généralement favorable. Dès
                                                                               lors, la principale modification de nos prévisions de croissance est
                                                                               une révision à la hausse de l’investissement. Dans les trimestres à
                                                                               venir, la formation brute de capital fixe devrait non pas se contracter, mais
                                                                               progresser légèrement. Les enquêtes auprès des entreprises sont
                                                                               restées relativement optimistes et les intentions d’investissement se sont
                                                                               stabilisées à des niveaux supérieurs à la moyenne observée
                     Progression stable                                        historiquement avant le référendum, selon l’Agents survey de la BoE. En
                 des exportations mondiales                                    revanche, les indicateurs de dépenses de consommation sont restés
 6
        a/a, %,                                                                faibles, en raison de la baisse passée des revenus réels. La
        mm6m                                                                   consommation des ménages devrait donc continuer à peser sur la
 4
                                                                               croissance au cours des prochains mois, avant que la baisse de l’inflation
                                                                               importée ne provoque une remontée du pouvoir d’achat des ménages.
 2                                                                             Avec des prévisions de demande domestique revues à la hausse, la
                                                                               contribution du commerce extérieur à la croissance devrait rester
 0                                                                             légèrement négative (voire seulement nulle) en dépit de l’impact positif
                                                                               de l’amélioration de la croissance en zone euro et aux États-Unis. Au
 -2                                                                            total, la croissance du PIB devrait ralentir moins fortement que
       12            13        14         15         16         17             prévu précédemment, de 1,8% en 2017 à 1,6% cette année, puis à
 Sources : CPB Netherlands                      Monde                          1,4% en 2019.
 Bureau for Economic Policy                     Économies avancées
 Analysis, CA CIB                               Économies émergentes
                                                                               Japon : poursuite de la reprise « sans excès »
                                                                               Le PIB réel a progressé de 0,4% en variation trimestrielle au quatrième
                                                                               trimestre 2017 (taux annualisé de 1,6%), portant à huit le nombre de
                                                                               trimestres consécutifs de croissance positive. La reprise actuelle de
                                                                               l'économie japonaise a été soutenue, à la fois, par l'embellie
                                                                               économique mondiale et par la bonne résistance de la demande
                                                                               domestique. En effet, la consommation privée a progressé de 0,5% en
                                                                               variation trimestrielle au quatrième trimestre, compensant la baisse de
                                                                               0,6% du troisième trimestre et les dépenses d'investissement ont
                                                                               progressé pour le cinquième trimestre consécutif. Si l’on en juge par
                                                                               l'indice composite coïncident, le mois de janvier a été le soixante-
                                                                               deuxième mois de la reprise actuelle, qui a démarré en novembre 2012
                                                                               et cette reprise est désormais la deuxième de l'après-guerre de par sa
                                                                               longévité.

                                                                               N°18/088 – 4 avril 2018                                      7
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019
En termes de croissance, le mieux peut se révéler l’ennemi du bien

                                                                     Alors que les tentations protectionnistes aux États-Unis pourraient faire
            Japon : situation du marché                              peser un risque baissier sur les perspectives économiques du Japon,
                    de l’emploi                                      la reprise ayant été soutenue par le dynamisme du commerce
40
                                                        Excès        mondial : le volume des exportations mondiales a, en effet, progressé
30
                                                                     d'environ 5% sur un an, une nette amélioration par rapport à la brève
20                                                                   période de ralentissement du commerce international, L'économie
10                                                                   japonaise a ainsi bénéficié de l'effet réseau du commerce mondial et, à
 0                                                                   un niveau plus régional, d’une demande chinoise robuste qui va
                                                                     continuer de soutenir les exportations japonaises.
-10
-20                                                                  Sur le plan domestique, en l'absence d'excès majeur susceptible
-30     Indice                                                       de provoquer un retournement, la lente reprise économique se
       diffusion                               Pénurie
-40                                                                  maintiendra. Le marché du travail est toujours tendu, avec un taux de
    96 98 00 02 04 06 08 10 12 14 16 18                              chômage qui est resté inférieur à 3% pendant huit mois d'affilée (2,4%
                       Secteur manufacturier                         en janvier) et le ratio offres d'emploi sur demandeurs d'emploi a atteint
Sources : BoJ, CA CIB  Secteur non-manufacturier                     1,59 en janvier, son niveau le plus élevé depuis janvier 1974. Les
                                                                     entreprises semblent cependant souffrir d'un manque de main-d'œuvre
            Japon : capacités de production                          et rien n'indique que les tensions observées sur le marché du travail
40                                                                   traduisent des sureffectifs au sein des entreprises.
        Indice
       diffusion                                        Excès
30                                                                   De plus, en raison du manque de main-d'œuvre disponible, les
                                                                     entreprises n'ont pas cherché activement à augmenter leurs
20                                                                   capacités de production : les dépenses d'investissement ne
                                                                     s'expliquent que par la nécessité de remplacer des équipements
10                                                                   existants. Les entreprises n'ont donc pas le sentiment que leur appareil
                                                                     productif est surdimensionné par rapport à leurs effectifs. La lente et
 0                                                                   déjà longue reprise économique actuelle devrait se poursuivre jusqu'au
                                                   Pénurie           troisième trimestre 2019, après quoi la hausse programmée de la TVA
-10                                                                  à 10% introduira de la volatilité.
      96   98   00   02   04   06   08   10   12   14    16     18

                                    Secteur manufacturier
Sources : BoJ, CA CIB               Secteur non-manufacturier

                                                                     N°18/088 – 4 avril 2018                                   8
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019
En termes de croissance, le mieux peut se révéler l’ennemi du bien

                              Pays émergents – Tirer sur la corde
                                   Le scénario émergent ressemble à une corde que l’on tire. À une extrémité, le scénario d’une
                                   croissance satisfaisante a été confirmé. À l’autre, toutefois, deux difficultés importantes, extérieures
                                   à l’univers émergent, se sont accentuées.

              La croissance des exportations                         Croissance satisfaisante confirmée pour la sphère
                  émergentes reste forte                             émergente
0,4
           mm3m,
0,3        a/a, %                                                    Le principal facteur d’amélioration des perspectives de croissance
                                                                     des économies émergentes demeure : les exportations qui,
0,2                                                                  jusqu’ici, ont continué à progresser à un rythme assez rapide. Le
                                                                     ralentissement que nous attendions dans le courant du premier trimestre
0,1
                                                                     ne s’est pas encore produit. Le renforcement des exportations pourrait
0,0                                                                  conduire certaines entreprises émergentes à envisager plus facilement
                                                                     un renforcement de leurs investissements, créant ainsi les conditions
-0,1                                                                 d’une légère accélération dans certains pays émergents (mais pas en
                                                                     Chine).
-0,2

-0,3                                                                 Ces perspectives de croissance satisfaisantes s’accompagnent de
    06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 17 18                           pressions inflationnistes encore assez faibles. L’appréciation récente
 Source : Crédit Agricole CIB                                        de nombreuses devises émergentes a, en effet, contribué à limiter
                                                                     l’accélération de l’inflation. Par conséquent, la plupart des Banques
                                                                     centrales n’ont aucun besoin de se précipiter pour relever leurs taux
                       Chine : indices PMI                           directeurs et elles le feront à un rythme nettement plus lent que celui de
56                                                                   la Fed.
55
54
                                                                     Le ralentissement va se poursuivre en Chine, mais de façon
                                                                     modérée. D’une part, les efforts des autorités pour limiter l’expansion du
53
                                                                     crédit devraient continuer à brider la croissance. À l’inverse, la
52                                                                   dynamique économique reste solide, comme le montrent notamment les
51                                                                   indices PMI (et en particulier l’indice des services). Un ralentissement
50                                                                   mesuré de l’économie chinoise, de 6,8% en 2017 à 6,6% en 2018, se
                                                                     dessine.
49
48                                                                   Le reste de la sphère émergente devrait accélérer légèrement. Nous
  2014              2015           2016            2017       2018
                                                                     inscrivons dans notre scénario une croissance émergente
        Indice PMI des services (moy. officielle et Caixin)
        Indice PMI manufacturier (moy. officielle et Caixin)
                                                                     globalement stable, à 4,7% en 2018.
Source : Crédit Agricole CIB
                                                                     Les difficultés s’accentuent
                                                                     Simultanément, deux problèmes majeurs s’aggravent.
                    Émergents : prévisions
                       de croissance                                 Le premier est la politique monétaire de la Fed qui tend à devenir
8
       %                                                             légèrement plus agressive. Dans un contexte de politique budgétaire
7                                                                    plus « souple » et de reprise économique, la Fed a révisé à la hausse
6                                                                    ses prévisions d’inflation, de croissance et de hausses des taux pour les
                                                                     années à venir. Ceci est cohérent avec la poursuite de la remontée des
5
                                                                     taux d’intérêt et avec le risque de pics ponctuels à la faveur des
4                                                                    publications de chiffres économiques et de commentaires en 2018. De
3                                                                    telles circonstances ne sont pas favorables aux émergents.

2                                                                    Problème plus important, les craintes liées au protectionnisme se
1                                                                    sont fortement accrues au cours des trois derniers mois. Les
0
                                                                     mesures annoncées récemment par l’administration Trump (dont les
           Inde            Chine          Brésil          Russie     taxes sur les importations d’acier et d’aluminium) suggèrent qu’après
Source : Crédit Agricole CIB 2017
                                                                     tout, Donald Trump pourrait mettre en œuvre ce qu’il avait
                                                   2018      2019
                                                                     précédemment annoncé (ce qui était loin d’être évident il y a trois mois
                                                                     encore). Ceci pourrait alimenter les frictions commerciales de manière
                                                                     N°18/088 – 4 avril 2018                                    9
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019
En termes de croissance, le mieux peut se révéler l’ennemi du bien

                                                      assez significative. D’éventuelles tensions entre les États-Unis et la
                                                      Chine sur la question de la propriété intellectuelle, notamment, pourraient
           Émergents : degré d’ouverture
                                                      peser sur le climat global de l’investissement, la Chine étant susceptible
                  au commerce
                                                      de répliquer aux droits de douane américains avec ses propres droits de
         Brésil                      Exports B&S,     douane et d’éventuelles contraintes sur les investissements américains
          Inde                      en % PIB 2017
                                                      en Chine. Si cela se diffusait au commerce mondial plus globalement, les
     Colombie                                         pays les plus affectés seraient ceux qui affichent le degré d’ouverture
         Chine
                                                      commerciale le plus élevé : de nombreux émergents sont concernés –
        Russie
                                                      principalement en Asie. Dans un second temps, toutefois, si les tensions
    Indonésie
                                                      commerciales s’aggravaient et alimentaient une aversion globale pour le
       Turquie
                                                      risque, les marchés les plus touchés seraient ceux qui dépendent le plus
          Chili
   Afr. du Sud
                                                      de financements extérieurs, même s’ils sont peu exposés au commerce
   Philippines
                                                      international.
      Mexique
 Corée du Sud                                         Il faut noter que l’éventualité d’une aggravation des tensions
    Roumanie                                          commerciales n’est pas indépendante du calendrier politique des
      Pologne                                         principales puissances économiques. Aux États-Unis, les élections
       Taïwan                                         de mi-mandat pourraient être l’occasion de voir éclore des propositions
    Thaïlande                                         de mesures protectionnistes présentées comme des mesures de
      Malaisie                                        défense de l’emploi. En Chine, la suppression de la limite du nombre de
 Rép. tchèque                                         mandats présidentiels permet, en théorie, à Xi Jinping de rester président
      Hongrie                                         après la fin de son mandat actuel et lui donne davantage de pouvoir pour
              0%       50%   100%     150%     200%   négocier avec les États-Unis. En Russie, la réélection de Vladimir
 Sources : Moody's, CA CIB                            Poutine lui confère également une plus grande liberté de mouvement
                                                      dans ses relations avec l’Europe et les États-Unis en cas de nouvelles
                                                      tensions. Les négociations commerciales pourraient ainsi se durcir et
                                                      cela pourrait alimenter la volatilité dans la sphère émergente.

                                                      N°18/088 – 4 avril 2018                                   10
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019
 En termes de croissance, le mieux peut se révéler l’ennemi du bien

                                 Pétrole – Les risques géopolitiques se renforcent à
                                 l’horizon 2019
                                  Un prix du pétrole entre 67 et 72 dollars par baril et une production américaine toujours en pleine
                                  croissance devraient caractériser le marché pétrolier en 2018. Les risques et les incertitudes seront
                                  beaucoup plus grands en 2019 ; reconduite ou pas de l’accord de l’OPEP, politique extérieure
                                  américaine plus hostile vis-à-vis de l’Iran, effondrement de l’industrie pétrolière au Venezuela
                                  pèseront sur le prix du pétrole en 2019.

                  Pétrole : offre/demande, prix                          L’année 2018 sera américaine. La production de pétrole des États-Unis
5
          Mb/j
                                                                  140    continue sa croissance à un rythme soutenu et dépasse aujourd’hui les
                                                        USD/b
4                                                                 120    niveaux atteints fin 2014. Les producteurs américains sont certainement
                                                                         les grands gagnants de l’accord entre OPEP et non-OPEP, alors qu’ils
3                                                                 100
                                                                         n’y participent pas. Sur les deux premiers mois de 2018, tous les pays
2                                                                 80     de l’OPEP – à l’exception de l’Irak – ont respecté leurs quotas de
1                                                                 60
                                                                         production, contribuant à installer le prix du pétrole au-dessus de la barre
                                                                         des 60 dollars par baril sur les cinq derniers mois. Une stabilité qui
0                                                                 40     permet aux producteurs de couvrir leur production au-dessus ou proche
-1                                                                20     de leur point d’équilibre, estimé aujourd’hui à 50 dollars par baril en
                                                                         moyenne. Si les États-Unis suscitent l’intérêt des médias et de
-2                                                                0
     2013        2014   2015   2016    2017   2018     2019
                                                                         nombreuses analyses, ce n’est pas le seul pays du continent américain
                                                                         qui a attiré l’attention de la communauté pétrolière. La déliquescence de
 Sources : OCDE/IEA OMR,                             Surplus
 fév. 2018, Thomson Reuters,
                                                                         la production du Venezuela, pays aux plus vastes réserves de pétrole,
                                                     Dated Brent (dr.)
                                                     WTI (dr.)
                                                                         surprend et inquiète. En un an, le Venezuela a perdu un quart de sa
                                                                         production (0,55 million de barils par jour).

                            Scénario Brent                               La baisse de la production de l’OPEP n’a pas seulement permis de
 80
          USD/b                                                          soutenir les prix du pétrole, elle a aussi fourni un véritable
 70                                                                      « boulevard » aux producteurs et raffineurs américains. La hausse
                                                                         de la production américaine et les baisses des stocks américains
 60                                                                      alimentent surtout le marché international. Favorisées par une décote par
                                                                         rapport au Brent, les exportations américaines de pétrole ont explosé en
 50                                                                      2017, surtout à destination de l’Europe et de l’Asie. Les exportations de
                                                                         produits raffinés se concentrent surtout sur l’Amérique latine.
 40
                                                                         Avec une non reconduction de l’accord entre OPEP et non-OPEP
 30                                                                      prévue pour fin 2018, l’Arabie saoudite se trouve un peu prise au
         T1 15      T1 16      T1 17      T1 18      T1 19
                                                                         piège du succès de l’accord qu’elle a initié l’année dernière. Si
                                             Historique
                                             Futures - 01/03/2018        l’accord n’est pas reconduit, le marché devra absorber environ un million
 Sources : Thomson Reuters,                  Eco - mars 2018             de barils supplémentaires, déséquilibrant à nouveau l’offre et la demande
 ICE, CA S.A.                                Eco - janv 2018             pétrolières en 2019, entraînant une baisse du prix du pétrole. Mais la
                                                                         nomination d’un nouveau secrétaire d’État par le président Trump,
                                                                         beaucoup moins ouvert sur l’Iran, pourrait entraîner une nouvelle
             Pétrole : production des Etats-Unis
 16                                                                      introduction de sanctions contre l’Iran. Des sanctions sur les exportations
           Mb/j
                                                                         de pétrole iranien, essentiellement effectives en 2019, devraient à la fois
 14
                                                                         réjouir l’Arabie saoudite et les producteurs américains. Elles
 12                                                                      éloigneraient le risque d’une offre excédentaire de pétrole en 2019.
 10
                                                                         Nos prévisions pour le prix du pétrole en 2018 restent à l’intérieur
     8
                                                                         d’une fourchette comprise entre 67 et 72 dollars par baril. En
     6                                                                   supposant une non-reconduction de l’accord de l’OPEP et le maintien
     4                                                                   des États-Unis dans l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien, nos
                                                                         prévisions tablent sur une baisse du prix du pétrole entre 55 et 65 dollars
     2                                                                   par baril. La mise en place de sanctions par les États-Unis sur le pétrole
  0                                                                      iranien pourrait, toutes choses égales par ailleurs, améliorer les
   2012   2013    2014     2015               2016      2017             perspectives du prix du pétrole en 2019.
 Source :    Pétroles de schiste               Autres pétroles bruts
 EIA         Offshore                          Autres liquides

                                                                         N°18/088 – 4 avril 2018                                    11
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019
 En termes de croissance, le mieux peut se révéler l’ennemi du bien

                                      Politique monétaire – La recherche du dosage subtil
                                      Avant même que la croissance ne soit stimulée par un vaste programme fiscal, le resserrement
                                      pourtant mesuré de la Fed n’était pas une tâche aisée celui-ci est désormais encore plus complexe.
                                      Quant à la BCE, elle devrait progressivement resserrer sa politique non conventionnelle, tout en
                                      conservant une attitude accommodante. Le dosage devra également être subtil.

                                                                                  Réserve fédérale : un équilibre difficile à trouver
                                                                                  La Fed doit éviter la surchauffe de l’économie tout en guidant
                           FOMC mars : dot plot                                   l’inflation vers 2%. Comme attendu, le FOMC a relevé la cible des
                             pour les Fed funds                                   fonds fédéraux à 1,50%-1,75% lors de sa réunion du mois de mars et
  5
                                                                                  a indiqué qu’il fallait s’attendre à davantage de hausses des taux
       %                                                                          qu’initialement prévu. Le président de la Fed de New York, William
  4                                                                               Dudley, a notamment déclaré « non seulement la croissance est
                                                                                  supérieure au potentiel – à un moment où le marché du travail est déjà
                                                                                  assez tendu – mais l’économie pourrait recevoir un coup de pouce
  3                                                                               supplémentaire en 2018 et 2019 avec les mesures budgétaires et
                                                                                  fiscales récemment adoptées2 ».
  2
                                                                                  Le FOMC aura la difficile tâche de guider l’économie vers un
                                                                                  atterrissage en douceur en 2020 et au-delà, en éliminant
  1                                                                               graduellement ses mesures d’assouplissement monétaire. Le
   2017           2018             2019           2020            2021            président de la Fed, Jerome Powell, cherche à mettre en œuvre une
                        2018          2019             2020       Lo ng terme
                                                                                  politique équilibrée, permettant à la fois d’éviter la surchauffe de
                                                                                  l’économie et d’atteindre les objectifs d’inflation. Il ne sera cependant
M édiane            2,125%            2,875%           3,375%        2,875%       pas facile d’éviter à la fois des remontées de taux prématurées, qui
                        +75pb         +75pb            +50pb                      pourraient étouffer la croissance, et des remontées trop tardives, qui
Chaque losange indique la valeur, arrondie au 8e de point de base le plus         pourraient entraîner un cycle surchauffe-récession. Le retour vers le
proche, du taux des Fed funds (ou du centre de l’intervalle) jugé approprié par   « taux de chômage naturel » n’est pas sans danger : « historiquement,
un membre du FOM C, à la fin de l’année calendaire spécifiée ou à long terme.
                                                                                  l’économie est toujours tombée en récession dès que le taux de
  Source : réserve fédérale                    Projection médiane FOMC            chômage a augmenté de plus de 0,3 ou 0,4 point de pourcentage ».

                                                                                  Banque centrale européenne : « les meilleures choses ont
                     BCE : perspectives                                           une fin »
                    de politique monétaire                                        L’amélioration des perspectives en zone euro, et la remontée –
2,0                                                                       70
1,5
                                                                                  bien que très graduelle – de l’inflation, en particulier l’inflation sous-
                                                                          50
                                                                                  jacente, devraient permettre à la BCE de poursuivre la réduction
1,0                                                                       30      de sa politique exceptionnelle.
0,5
                                                                          10
0,0                                                                               Après avoir baissé son programme d’achat de 60 milliards d’euros à
                                                                          -10
-0,5                                                                              30 milliards d’euros par mois en janvier 2018, la BCE devrait continuer
-1,0                                                                      -30     ses achats à ce rythme jusqu’à septembre, comme elle l’a annoncé,
-1,5                                                                      -50     avant de s’engager sur la voie d’une extinction de son QE avant la fin
-2,0
         %
                                                                         -70
                                                                                  de l’année 2018.
    juin-17     déc.-17         juin-18   déc.-18       juin-19    déc.-19
  1er jan : QE ramené à 30 M ds €                                                 Ainsi, en juin 2018, la BCE devrait à la fois annoncer qu’elle étend son
  14 juin : anno nce QE à 5 M ds €jusqu’ à déc. 2018
  14 juin : chgt guidage des anticipatio ns po ur rembo urst des TLTROs
                                                                                  programme jusqu’à décembre 2018 à un rythme plus faible (15 milliards
  1er o ct. : QE ramené à 5 M ds €                                                d’euros par mois) et qu’elle arrêtera ses achats à la fin décembre.
  31déc.. : fin du QE
  M ars 2019 : chgt/arrêt guidage des anticipatio ns
                                                                                  En parallèle, la communication sur les taux devrait se faire plus dense :
  Sep. 2019 : hausse taux de dépô t
  déc. 2019 : hausse taux de dépô t et taux de refinancement
                                                                                  l’annonce de la fin du QE pourrait raviver les anticipations de hausse
           QE, Mds €, (dr.)                        Inflation
                                                                                  de taux. La BCE devra ainsi communiquer pour renforcer son guidage
           Inflation s/s-jacente                   Tx de dépôt                    monétaire (forward guidance) sur les taux au cours de la seconde
           Tx de refinancement                               Source : BCE
                                                                                  2
                                                                                      William Dudley, The Outlook for the U.S. Economy in 2018 and Beyond: « Depuis la fin
                                                                                      des années 40, toutes les hausses d’au moins 0,3% de la moyenne mobile sur trois
                                                                                      mois du taux de chômage ont indiqué que l’économie était soit déjà rentrée en
                                                                                      récession, soit sur le point de rentrer en récession ».

                                                                                  N°18/088 – 4 avril 2018                                              12
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