MUSICIRCUS ŒUVRES PHARES DU CENTRE POMPIDOU MUSÉE NATIONAL D'ART MODERNE - 20 AVRIL 2016 ! 17 JUILLET 2017 - Centre Pompidou Metz

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MUSICIRCUS ŒUVRES PHARES DU CENTRE POMPIDOU MUSÉE NATIONAL D'ART MODERNE - 20 AVRIL 2016 ! 17 JUILLET 2017 - Centre Pompidou Metz
MUSICIRCUS
ŒUVRES PHARES DU CENTRE POMPIDOU
  MUSÉE NATIONAL D’ART MODERNE
         20 AVRIL 2016 ! 17 JUILLET 2017

            MUSICIRCUS / DOSSIER DÉCOUVERTE
MUSICIRCUS ŒUVRES PHARES DU CENTRE POMPIDOU MUSÉE NATIONAL D'ART MODERNE - 20 AVRIL 2016 ! 17 JUILLET 2017 - Centre Pompidou Metz
SOMMAIRE

       1. PRESENTATION GENERALE DE L’EXPOSITION……………… P.3
       2. MUSICIRCUS………………………………………...P.4
       3. LISTE DES ARTISTES DE L’EXPOSITION………………….... P.6
       4. PARCOURS EN QUATRE CHAPITRES……………………... P.7
       5. GLOSSAIRE DES TERMES MUSICAUX ……………………. P.38
       6. BIBLIOGRAPHIE……………………………………... P.41
       7. PROGRAMMATION ASSOCIÉE…………………………... .P.42
       8. INFORMATIONS PRATIQUES……………………………..P.44

        En couverture :

         Sonia Delaunay, Rythme , 1938
         Huile sur toile, 182 x 149 cm
         Paris, Centre Pompidou,
         Musée national d’art moderne

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1. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE L’EXPOSITION
MUSICIRCUS
ŒUVRES PHARES DU CENTRE POMPIDOU / MUSEE NATIONAL D’ART MODERNE
20 AVRIL 2016  17 JUILLET 2017
GRANDE NEF

Commissaires :
Emma Lavigne, Directrice du Centre Pompidou-Metz
Anne Horvath, Chargée de coordination du pôle Programmation, Centre Pompidou-Metz

Dans la continuité du parcours Phares, le Centre Pompidou-Metz présente, à partir du 20
avril 2016, une exposition explorant les liens entre arts visuels et musique. Mettant en
valeur une quarantaine d’œuvres « phares » de la collection du Centre Pompidou, Musée
national d’art moderne, l’exposition Musicircus propose une relecture de l’histoire de l’art
moderne et contemporain à travers le prisme musical.

L’exposition interroge la pratique d’artistes célèbres – musiciens amateurs (Vassily
Kandinsky jouait du violon) ou mélomanes (Sol LeWitt possédait des centaines
d’enregistrements dans sa collection) – dont l’œuvre a été influencée par la musique.

Du début du XXe siècle à nos jours, le parcours met en lumière le caractère primordial des
notions de rythme dans la naissance de l’abstraction, puis les correspondances entre
musicalité et mouvement à l’aube du cinétisme. Le projet évoquera enfin l’univers
commun de la musique sérielle et du minimalisme.

Parmi les chefs-d’œuvre du parcours, le public peut notamment admirer la toile La Noce
de Marc Chagall, la reconstitution du « Salon de réception » par Vassily Kandinsky
pour l’exposition de la Juryfreie Kunstschau au Glaspalast de Berlin en 1922, véritable
symphonie se déployant dans l’espace, ou encore le majestueux mobile d’Alexander
Calder, 31 janvier.
L’ensemble du parcours est ponctué par de riches ensembles documentaires –
partitions, documents d’archives, vidéos, photographies, correspondances, écrits
théoriques ou poétiques, dessins préparatoires, etc. – proposant au visiteur une véritable
immersion au cœur du processus créatif.
Accompagné dans sa découverte par la musique qui a nourri l’imaginaire des artistes,
le visiteur est invité à déambuler librement dans l’espace, composant au gré de ses envies
une visite sensible. La Grande Nef devient ainsi un laboratoire de la création sous
toutes ses formes, rythmé par un programme unique d’installations, de performances et
de concerts au cœur de l’exposition, permettant à la musique de dialoguer
harmonieusement avec le parcours.

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2. MUSICIRCUS
POURQUOI CE TITRE ?
En 1967, John Cage, compositeur, poète et plasticien américain, invite des performers de
tous horizons à jouer ensemble et librement.
Cette pièce est un happening où musiciens, danseurs, poètes, comédiens, circassiens,
chanteurs, amateurs ou confirmés, solistes ou en groupes, interprètent la "partition" de
leur choix, de manière simultanée et dans un même espace.	
  « Le but n’est pas de produire
des formes sonores organisées mais au contraire d’expérimenter, dans une superposition
chaotique de flux sonores autonomes, la capacité d’accepter la dissonance comme indice
de la différence des individus au sein d’un groupe ».1

L’art, plutôt que quelque chose fait par une seule personne, est un processus mis en
mouvement par un groupe. L’art est socialisé.2
John Cage

De même que pour cette performance, l’exposition juxtapose genres et courants
artistiques en une symphonie à la fois harmonieuse et dissonante qui revisite la relation
entre musique et arts visuels, grâce à la découverte d’environnements immersifs.

Musicircus, la performance de John Cage, est réactivée au Centre Pompidou-Metz au
cours de deux journées. La première est le temps du vernissage le 19 avril 2016 avec
des performers bénévoles, professionnels ou amateurs. Le second temps se déroule le
28 avril 2016, événement inédit où des collégiens de la Meuse, de la Meurthe et
Moselle et de la Moselle se rassembleront pour une journée conviviale
d’expérimentation sonore.

QUI EST JOHN CAGE ?
John Cage3 est un artiste américain, né le 5 septembre 1912 à Los Angeles et décédé le 12
aout 1992 à New York. Son influence dépasse le champ musical, puisant son inspiration
du côté des arts plastiques, de l’architecture, de la danse (compagnon du célèbre
chorégraphe Merce Cunningham), du théâtre, de la philosophie bouddhiste. Amorçant,
l’esprit Fluxus, son but était de rétablir des liens avec la vie.
L’une des originalités de ce compositeur consiste à réinventer la posture de l’artiste : il
préfère l’image de l’amateur touche à tout, de l’artiste « sans vocation » ou « sans
talent ».
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
1	
  Dissonances Absolues, stratégies musicales participatives : l’exemple de Musicircus de John Cage, Emanuele Quinz,
publié in « Oscillations », n.2, Paris, 2013	
  
2	
  John Cage, A Year from Monday, Middletown CT, Wesleyan University Press 1963, p.151	
  
3	
  John Cage, le génie ingénu,	
  dossier pédagogique du Centre Pompidou, Spectacles Vivants, Monographies /
Compositeurs d’aujourd’hui
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Dès 1930, il étudie l’architecture, et déjà, cherche à naviguer entre les disciplines,
peinture, architecture, musique.

En 1934, il entreprend des études à l’Université de Californie du Sud, étudie la
composition auprès de Henry Cowell puis Arnold Schönberg. Il se distingue du groupe
d’étudiants par son manque d’intérêt pour la musique traditionnelle. Schönberg lui aurait
dit « pour écrire de la musique, il faut avoir le sens de l’harmonie ».

John Cage devient enseignant à partir de 1941, incarnant des idées anarchiques et ainsi
influençant la jeune génération de musiciens, plasticiens, poètes. Quinze ans plus tard, il
intègre la New School of Social Research, qui est une école située au carrefour des
disciplines, en symbiose avec ses principes. Située au cœur de Manhattan, cette célèbre
Université accueillera de grands noms tels que Claude Levi Strauss, Hannah Arendt,
Franck Lloyd Wright, etc.
John Cage y mènera un cours de composition de musique expérimentale.

Il est très inspiré par deux figures emblématiques de l’art du XXème siècle, le
compositeur Erik Satie et l’artiste Marcel Duchamp, inventeur des ready-made.
Erik Satie, connu pour les formes brèves, le fragment, ou encore son désintérêt pour la
virtuosité sera un maître pour John Cage dans l’art de la distanciation. Son esprit rebelle,
sa provocation plaisent à John Cage. Satie dira « j’emmerde l’art », une façon de signifier
que « se prendre au sérieux, ce n’est pas sérieux ». Il conçoit une musique dit
d’ameublement, en relation directe avec la vie, commentant ce qu’il produit (repris par
John Cage).
Marcel Duchamp, qu’il rencontre en 1941 et qui deviendra son ami, aura une influence sur
plusieurs principes de sa composition musicale, notamment le dilettantisme.
Marcel Duchamp compare l’activité de l’artiste à une partie d’échec, devant placer les
bonnes pièces au bon moment. Il est tour à tour peintre, joueur d’échec, poète, sculpteur,
compositeur, passant d’une activité à une autre sans établir de distinction entre la
pratique artistique et la vie.
L’humour comme méthode sera employé par les deux artistes. Il s’agit de fuir la
construction de sens laborieuse et d’agir avec un trait d’humour, une légèreté de ton.
La pratique du hasard est au cœur des préoccupations de Marcel Duchamp, repris par
John Cage (pile ou face, lancé de dés, etc). Rappelons l’œuvre de Duchamp, Erratum
musical, composition à partir de notes tirées au sort dans un chapeau et écrites sur une
portée de manière aléatoire.

John Cage ne cherche pas à s’opposer à la tradition, à s’insurger contre le culte du beau
et de celui de l’artiste : il est contre l’esprit de système et s’oppose aux jugements de
valeur « ni sons, ni harmonie, ni mélodie, ni contrepoint, ni rythme, c’est à dire qu’il n’y a
pas de quelque chose qui ne soit pas acceptable ».
Dans ses œuvres, il tente d’échapper au découpage, n’étant pas pour une cohérence
structurelle prédéfinie, les sons devant retentir librement. Refusant d’enfermer l’auteur
dans un univers normé et trop bien structuré, John Cage prône l’instant présent qui est
toujours unique. John Cage obtient des partitions sans qu’il n’ait à intervenir dans la
composition.

Il amène les arts à converser entre eux. Il invente les pianos préparés en insérant entre
les cordes des dés à coudre, des gommes, des pièces de métal, des morceaux de tissu,
travestissant les sonorités du piano et révélant des productions insoupçonnées.
Il pense la musique avec des outils des arts plastiques, pense à des sculptures sonores,
spatialise les sons autour du public.
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3. LISTE DES ARTISTES DE L’EXPOSITION

          ARMAN
          BARANOV-ROSSINE Vladimir
          BEUYS Joseph
          BRECHT George
          BROWN Earle
          CAGE John
          CALDER Alexander
          CHAGALL Marc
          CHILDS Lucinda
          DELAUNAY Robert
          DELAUNAY Sonia
          DUCHAMP Marcel
          EAGLE Arnold
          ELIASSON Olafur
          FISCHINGER Oskar
          FULLER Loïe
          GLASS Philip
          HENRY Pierre
          HONEGGER Arthur
          KANDINSKY Vassily
          KLEIN Yves
          KUPKA Frantisek
          LEWITT Sol
          MACIUNAS George
          MANGOLTE Babette
          MOORE Peter
          MOORMAN Charlotte
          MOUSSORGSKY Modeste
          NEWMAN Barnett
          OLDENBURG Claes
          PAIK Nam June
          RICHTER Hans
          SCHÖFFER Nicolas
          SCHÖNBERG Arnold
          STOCKHAUSEN Karlheinz
          VAREZE Edgard
          WILSON Bob
          WYN EVANS Cerith
          YOUNG La Monte

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4. PARCOURS EN QUATRE CHAPITRES

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1. RYTHME, À LA NAISSANCE DE L’ABSTRACTION
PRÉSENTATION DE LA SECTION

Plongé dans l’obscurité d’une salle de concert, le parcours suggère le
caractère primordial du rythme sur le chemin de l’abstraction, picturale et
cinématographique, au tournant du XXe siècle.

Dans notre cour habitait aussi un violoniste. Je ne savais pas d’où il venait.
Dans la journée, commis chez un ferronnier, le soir, il enseignait le violon.
Je raclais quelque chose.
Et n’importe quoi, ni comment je jouais, il disait toujours, en battant la mesure
de sa botte : « Admirable ! »
Et je pensais : « Je serai violoniste, j’entrerai au conservatoire. » 4 Marc Chagall

Marc Chagall, La Noce , 1911-1912
Huile sur toile de lin, 99,5 x 188,5 cm.
Dation, 1988. Numéro d'inventaire : AM 1988-57.
@ Centre Pompidou, MNAM-CCI /Dist. RMN-GP/ Philippe Migeat
@ Adagp, Paris, 2016

La Noce est l’une des premières toiles peintes par Marc Chagall en France.
Témoignage de la synthèse des influences picturales de sa patrie d’adoption (le
cubisme, l’orphisme et le fauvisme), cette œuvre est profondément inspirée par la
culture russe, où la musique tient une place centrale. La toile est en effet teintée
du souvenir de sa ville natale, Vitebsk, évoquant son enfance baignée par la

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
$!Marc     Chagall, Ma Vie, 1923.!
                                                                                             (!
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tradition hassidique. C’est le rythme du klezmer, dont le violon est l’instrument le
plus emblématique, qui accompagne les noces traditionnelles juives. Métaphore
de cet univers culturel, les violonistes emmenant le défilé nuptial nous invitent à
explorer le monde onirique chagallien, peuplé de danseurs et de musiciens.

De Bach à Mozart, j’entends leur souffle qui sonne. Moi-même je deviens un son.
Marc Chagall5

EN SAVOIR PLUS

LE VIOLON DANS L’ŒUVRE DE CHAGALL
Très tôt dans son enfance, Marc Chagall avait le rêve de devenir violoniste. Son
oncle jouait de cet instrument, il apprit également à en jouer, élément central
des fêtes, des noces de sa culture juive. Les violonistes sont les premiers artistes
qu’il ait rencontrés avant de côtoyer les peintres.
Le violon est un symbole récurrent de ses toiles. On le retrouve par exemple dans
une toile de 1920, Etude pour La Musique, où un musicien, présenté de manière
frontale, au visage vert et à l’instrument orange, semble danser sur les toits des
maisons.
Le violon a plusieurs significations : tantôt il réactive le passé et les souvenirs
d’enfance, tantôt il évoque le Chagall mélomane qui avait besoin d’écouter de la
musique lorsqu’il peignait. Enfin l’instrument symbolise également la palette du
peintre.6

                                                      Marc Chagall, Etude pour La Musique , 1920
                                                      Mine graphite, gouache et aquarelle sur papier,
                                                      Mis au carreau, collé sur papier
                                                      24,7 x 13,5 cm
                                                      Dation, 1988
                                                      Paris, Centre Pompidou,
                                                      Musée national d’art moderne,
                                                      AM 1988-221

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
&!Poèmes, 1975
6
    Chagall, Le Petit Dictionnaire en 52 Symboles, Jean-Michel Foray, Ed RMN, 2013!
                                                                                                        )!
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Je voudrais dire que la parenté entre la peinture et la musique est évidente.
Mais elle se manifeste encore plus profondément. […] Autrement dit vous
« entendez la couleur » et vous « voyez » le son. 7 Vassily Kandinksy	
  

L’univers musical russe, au détour des notes de Modeste Moussorgski et Igor
Stravinsky, mènera le visiteur sur les traces de Vassily Kandinsky, intensément
marqué par une excursion ethnologique menée dans la province du Vologda en
1889, où il découvre avec grand intérêt les arts et traditions populaires russes. Ce
sont ces « mondes magiques faits de couleurs bariolées » que l’artiste a voulu
retranscrire lors de la réalisation du salon de réception à l’occasion de
l’exposition de la Juryfreie Kunstschau au Glaspalast de Berlin en 1922.

Véritable symphonie dans l’espace, ces panneaux créés avec la collaboration de
ses élèves du Bauhaus nous invitent à explorer les théories fécondes de
Kandinsky. De même que la musique, art le plus immatériel selon l’artiste, la
peinture doit progressivement se libérer de l’emprise de l’objet et ainsi exprimer
directement la vie, au moyen de formes graphiques et de couleurs qui ne tentent
plus de reproduire le monde réel.

Un riche corpus documentaire met en évidence le caractère central de
l’enseignement de Kandinsky au Bauhaus, période à laquelle il peint Jaune-
Rouge-Bleu (1925) puis Accent en Rose (1926), ainsi que ses écrits théoriques et
poétiques, dans le développement des analogies entre peinture et musique. Les
estampes réalisées en 1913 par l’artiste pour son recueil de poèmes, Klänge
(Sonorités), sont à ce titre primordiales pour témoigner de l’importance du
rythme, à la fois des formes, des couleurs et des mots, dans la naissance de
l’abstraction.
Née d’une série de dessins de Victor Hartmann, la suite pour piano des Tableaux
d’une exposition, composée par Modeste Moussorgsky en 1874, est réinterprétée
par Kandinsky pour les décors d’une nouvelle mise en scène en 1928. Unique
composition scénique réalisée du vivant de l’artiste, elle reflète ses recherches
sur l’œuvre d’art totale, particulièrement fécondes alors qu’il est enseignant au
Bauhaus, mettant au diapason peinture, musique et danse.
Au cœur de ces aquarelles et dessins préparatoires, transpositions visuelles des
émotions de Kandinsky à l’écoute de la composition musicale, résonne
l’iconographie populaire russe.

Pour « EN SAVOIR PLUS »
Symbolisme et poésie p.14
Synesthésie p. 15
Œuvre d’art totale p.16
Klänge de Kandinsky (Recueil de poèmes) p.15
Bauhaus p.16
Kandinsky et le Bauhaus p.16

	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
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        Vassily Kandinsky, « L’Art Concret », article publié dans la Revue XX siècle, mars 1938, n°1.
                                                                                                                                                                                                                                                                     10	
  
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De gauche à droite :
Vassily Kandinsky, Bild II. Gnomus [Tableau II, Gnomus], 1928
Dessin préparatoire pour la mise en scène de Tableaux d’une exposition de Modeste
Moussorgsky (première au Friedrich Theater de Dessau le 4 avril 1928)
Mine graphite, encre de Chine et aquarelle sur papier, 20,6 x 36,1 cm
Legs Mme Nina Kandinsky, 1981
Numéro d'inventaire : AM 81-65-124
© Photo Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Georges Meguerditchain
© Droits réservés

Vassily Kandinsky, Bild XVI. Das Grosse Tor Von Kiew [Tableau XVI. La grande Porte de
Kiev], 1928
Dessin préparatoire pour la mise en scène de Tableaux d’une exposition de Modeste
Moussorgsky (première au Friedrich Theater de Dessau le 4 avril 1928)
Mine graphite, encre de Chine et aquarelle sur papier, 21,3 x 27,1 cm
Legs Mme Nina Kandinsky, 1981
Numéro d'inventaire : AM 81-65-133
© Photo Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Georges Meguerditchian
© Droits réservés

Le vrai but – la fin en soi – est une peinture vivante dans le temps et non pas
sourde et muette. 8 Vladmir Baranov-Rossiné 	
  

Les expériences synesthésiques menées par Kandinsky – l’intuition que nos
sens, notamment le visuel et l’auditif, sont intrinsèquement liés – font écho aux
recherches optophoniques du musicien, peintre et sculpteur russe Vladimir
Baranov-Rossiné. Au milieu des années 1910, il imagine un piano de « projection
visualo-colorée » qui permet de transcrire la musique en art visuel, réalisant le
rêve de l’abbé Castel qui, dès le XVIIIe siècle, avait tenté un premier concert
optophonique en faisant flotter des disques colorés au-dessus d’un clavecin.

La dynamique de la lumière en couleur proposée par l’invention de Baranov-
Rossiné semble également avoir été le fil conducteur de la pensée d’Olafur
Eliasson, dont l’installation contemporaine Your Concentric Welcome utilise les
potentialités de la lumière afin de créer des ballets colorés, qui tendent à
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
8
        Citation extraite d’une lettre de Vladimir Barnanov-Rossiné adressée au couple Delaunay le 19 décembre 1924.
                                                                                                                                                                                                                                                                     11	
  
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modifier notre perception de l’espace. Cette expérience visuelle et méditative,
inspirée par la Rotative plaques verre de Marcel Duchamp également montrée
dans l’exposition, est sublimée par la présence de la toile Rythme de Sonia
Delaunay, dont les cercles concentriques se reflétent dans les multiples
projections de l’œuvre d’Eliasson.
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                        !!                                                                    !
                                                            !
                    Vladimir Baranov-Rossine, Piano optophonique , 1920-1923
    Caisse en bois, lecteur-ampli., cassette stéréo, dispositif de projection en plexiglas et écran, 239X120X164 cm
                                        (reconstitution par Jean Schifrine, 1971
         Don de Mme Vladimir Baranov-Rossiné et son fils Eugène, 1972. Numéro d'inventaire : AM 1972-3
                       © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Adam Rzepka
                                                   © Droits réservés
                                                            !
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                             Olafur Eliasson, Your Concentric Welcome , 2004
                        Installation verre optiquemagenta, jaune et verre/miroir, moteurs
                  Lampe de projection sur tripied Achat, 2004. Numério d'inventaire : AM 2004-435
                    © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Philippe Migeat
                                               © 2004 Olafur Eliasson

                                                                                                                 %"!
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La couleur est fonction d’elle-même, toute son action est présente à chaque
moment comme dans la composition musicale de l’époque de Bach et, de notre
temps, du bon jazz.9 Robert Delaunay
!

La musique guide également les pas de Robert et Sonia Delaunay sur la voie de
l’orphisme. Guillaume Apollinaire explique en 1912 : « 0n s’achemine ainsi vers
un art entièrement nouveau qui sera à la peinture, telle qu’on l’avait envisagée
jusqu’ici, ce que la musique est à la poésie. Ce sera de la peinture pure. » 10
Cet art nouveau entend créer des rythmes sans fins, comme le suggère le titre de
certaines œuvres, grâce à la simultanéité de disques colorés. En embrassant la
toile d’un seul regard, le visiteur pourra ainsi percevoir les contrastes de couleur,
s’animant naturellement dans son œil.

Cette dynamique inhérente à la toile peut également être lue dans une
temporalité grâce à l’immersion du spectateur au cœur d’espaces picturaux à
l’échelle architecturale. Rappelant la volonté de Vassily Kandinsky de permettre
au regardeur de « déambuler dans la peinture », Robert Delaunay imagine
l’entrée du Hall des Réseaux, à l’occasion de l’Exposition internationale de 1937,
comme une invitation à faire valser notre regard de panneaux en panneaux,
démultipliant nos perceptions sensorielles au rythme effréné de la composition.

Résonnant parfaitement avec cette quête du mouvement, le film d’une dizaine de
secondes, la Danse Serpentine, constitue l’une des premières tentatives de capter
l’image en mouvement. Dans celui-ci, la danseuse Loïe Füller, dont la couleur de
la robe évolue au gré des lumières projetées sur son corps, déploiera ses
arabesques.
!
Pour « EN SAVOIR PLUS »
Guillaume Appolinaire et l’Orphisme p.17

                                                                                        Anonyme, Danse Serpentine [II]
                                                                                        (Cat. Lumière N°765-I), 1897-
                                                                                        1899
                                                                                        Béta numérique, copie colorisée au
                                                                                        pinceau d'après la danse de Loïe Füller
                                                                                        Achat, (1897 - 19 juin 1899). Numéro
                                                                                        d'inventaire : AM 2010-F8
                                                                                        © Centre Pompidou, MNAM-CCI, dist.
                                                                                        RMN-Grand Palais / image Centre
                                                                                        Pompidoun MNAM-CCI
                                                                                        © Droits réservés

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9
    Robert Delaunay, Du cubisme à l’art abstrait, documents inédits publiés par Pierre Francastel, 1958.
10
     Guillaume Apollinaire, Chroniques d’art 1902-1918, 1960.!
                                                                                                                            %#!
                                                           MUSICIRCUS / DOSSIER DÉCOUVERTE
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PLAYLIST	
  

Autour de Chagall, Kandinsky et Baranov-Rossiné
                  1. Les Noces, Igor Stravinsky, 1914-1923 (en relation avec La Noce de Chagall)
                  2. Tableaux d'une exposition, Modeste Moussorgski, 1874 (en relation avec l’œuvre
                     de Kandinsky)
                  3. Cinq pièces pour piano, opus 23, Arnold Schönberg, 1920-1923 (échanges
                     artistiques entre Kandinsky et Schönberg)
                  4. Peer Gynt (suites orchestrales), Edvard Grieg, 1874

Ce n’est pas suffisant d’entendre la musique, il faut aussi la voir. 11 Igor
Stravinsky

C’est la couleur seule qui, par son organisation, sa dimension, ses rapports
distribués sur la surface de la toile ou des tissus ou des meubles – en général
l’espace – détermine les rythmes des formes ; et ces formes sont comme des
architectures de couleur qui joue à la manière d’une fugue.12 Robert Delaunay

EN SAVOIR PLUS

SYMBOLISME ET POÉSIE
Le symbolisme est un mouvement littéraire et artistique européen apparu fin du
XIXème siècle, début du XXème siècle. Il est né en réaction au naturalisme
(forme littéraire emprunte de réalisme dont le chef de file est Emile Zola). Il
s’oppose au moralisme et au productivisme de l’ère industrielle.
En 1886 paraît le Manifeste du symbolisme rédigé par Jean Moréas dans lequel
est célébré le lien entre le monde des sensations et celui des idées.
La poésie symboliste doit suggérer plutôt que décrire. Un objet n’est pas nommé,
il existe par l’impression que donne sa présence ou son absence. Le symbolisme
veut libérer le vers de son formalisme et instaure, comme son nom l’indique,
l’univers du symbole. Cette poésie met l’accent sur le rêve, le phantasme. La
transcendance, clé de l’univers spirituel, stimule l’imaginaire et la sensibilité. Le
langage est fluide, musical, le vers libre.

Pour Baudelaire, le poète est une sorte de mage, d’être mystique qui induit une
porosité des sens.
Rimbaud et Verlaine apportent une dimension musicale à la poésie.
Rimbaud voit le poète comme un voyant, un médiateur mystique entre un monde
supérieur et les hommes, pouvant atteindre les secrets de l’Univers.
L’hermétisme mystique est parfois la conséquence du symbolisme. Mallarmé
invite le lecteur à interpréter et déchiffrer les images qui lui sont proposées.

	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
11
                   Poétique musicale, 1945
12	
  Robert Delaunay, Du cubisme à l’art abstrait, 1957	
  

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KLÄNGE DE KANDINSKY (RECUEIL DE POÈMES)
Kandinsky réalise un recueil de poèmes illustrés, Klänge qui signifie
« sonorités », publié en 1913 à Munich et tiré à 300 exemplaires. Il contient 38
poèmes auxquels répondent 56 bois gravés dont 12 en couleurs.
Entre 1907 et 1909, cette période témoigne de son passage à l’abstraction autant
du coté pictural que poétique. Il s’intéresse à une écriture proche des poèmes
symbolistes : le sens des mots importe moins que leurs sonorités. Sa recherche se
situe du côté du rythme des mots lorsqu’ils sont assemblés, son but étant de
créer des sons.

SYNESTHÉSIE
La synesthésie est le phénomène par lequel deux ou plusieurs sens sont associés.
Ce terme vient du grec syn union, ensemble et de aesthesis perception, sens
beauté.
Il existe de nombreuses combinaisons de sens ou perceptions combinées,
graphème-couleur, son-couleur, mot-parfum, etc (environ 150 formes différentes
de synesthésie répertoriées). À partir d’un stimuli, une personne associe deux ou
plusieurs sens. 4 à 7% de la population peut voir la musique. Kandinsky est un
synesthète couleur-musique.

Le premier cas de synesthésie est décelé en 1710 par le docteur Thomas
Woolhouse, ophtalmologiste. En effet, un de ses patients, aveugle, pouvait
identifier une couleur à partir d’un son.

Le poème d’Arthur Rimbaud Voyelles, écrit en 1871 est une œuvre synesthésique.
En effet, le poète propose une perception chromatique des cinq voyelles de
l’alphabet, alliant sonorité et couleur.

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrement divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !

(Lien avec l’exposition : Kandinsky, Fischinger, Baranov-Rossiné)

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ŒUVRE D’ART TOTALE
L’œuvre d’art totale 13 se définit par le mélange de plusieurs mediums et de
plusieurs disciplines artistiques et leurs interactions. Ce concept est, à l’origine,
issu du romantisme allemand apparu au XIXème siècle, en Europe,
Gesamtkunstwerk signifiant œuvre d’art totale.
Sans être exprimé sous cette forme, son existence est plus lointaine
encore puisque le théâtre antique, les jardins de la Renaissance ou encore la
construction des cathédrales gothiques ont convoqué des disciplines très
différentes.
Richard Wagner (1813-1883), le premier, souhaite réagir dès 1849, constatant un
réalisme conventionnel qui régnait sur les arts de la scène, particulièrement à
l’opéra. Il réalise l’ « œuvre d’art de l’avenir », Opéra et drame en 1851,
convoquant danse, poésie, musique, sans effet de hiérarchie.

Ce concept ouvre la voie aux avant-gardes du XXème siècle qui militent pour des
œuvres associant de nombreuses techniques, de nombreux champs artistiques.
Décloisonner, confronter, dialoguer répondent aux préoccupations d’artistes tels
que Kandinsky (Salon de la Juryfreie, Tableaux d’une exposition), Delaunay
(Entrée du hall des réseaux des Chemins de fer), Calder (Work in progress),
Cerith Wyn Evans (A=P=P=A=R=I=T=I=O=N), etc.

BAUHAUS
Cette école, née en Allemagne en 1919, est la réunion de l’école des arts
décoratifs et de l’académie des beaux arts de Weimar, dirigée par l’architecte
Walter Gropius.
Un grand nombre d’artistes de l’avant-garde a enseigné dans cette prestigieuse
école : Vassily Kandinsky, Paul Klee, Oskar Schlemmer, László Moholy-Nagy,
Mies Van der Rohe qui en fut également directeur, Theo Van Doesburg, Joseph
Albers.
Ce lieu avant-gardiste confronte les disciplines : architecture, design,
photographie, création de costumes, danse, etc.
Dans son manifeste, il est souligné qu’il n’y a pas de différence entre artiste et
artisan. Des ateliers sont proposés aux apprentis sous la responsabilité d’un
maitre artisan (Werkmeister) et d’un maitre de la forme (Formemeister).
En 1922, le Bauhaus évolue vers des méthodes industrielles du travail en série et
les adapte à la création (logement, objet, etc).
En 1925, l’installation du Bauhaus à Dessau marque un tournant. En effet, l’école
est obligée de fermer ses portes à Weimar suite aux élections des conservateurs.
La direction de l’école est reprise par Hannes Meyer, architecte suisse, qui y
dirige le département d’architecture.
C‘est au tour de l’architecte Mies van de Rohe de reprendre la direction de l’école
en 1930.
En 1932, l’école quitte Dessau pour Berlin mais le contexte politique et la montée
du nazisme aboutiront à sa fermeture définitive en 1933.

	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
13
  L’œuvre d’art totale, ouvrage collectif d’Antoine Compagnon, Jean Galard, Serge Grizinski, Marcella Lista, Eric Michaud,
Glenn W. Mest et Julian Zugazagoitia, Collection Art et Artistes, Gallimard, 2003
Œuvre d’art totale, Etudes réunies par Denis Bablet, coordonnées et présentées par Elie Konigson, Paris, Edition du CNRS,
collection « Arts du Spectacle », 1995	
  
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KANDINSKY ET LE BAUHAUS
L’artiste russe est professeur au Bauhaus de 1922 à 1933, période de sa vie où il
aborde un géométrisme lyrique.
Kandinsky apprend à ses élèves à analyser les éléments constructifs de la forme
et non pas sa forme extérieure (il écrit en 1926, Point et ligne sur plan).
Cercle, triangle, carré, registre chromatique, ligne, composition dans l’espace,
affirment tension et dynamisme.
Entre 1920 et 1931, il entreprend des œuvres monumentales.
En 1922, il réalise avec ses élèves le décor monumental de la Juryfreie
Kunstaustellung de Berlin se déployant à l’échelle de l’espace. Détruits à l’issue
de l’exposition, les panneaux ont été reconstitués en 1977, à l’occasion de
l’ouverture du Centre Pompidou à partir des dessins préparatoires originaux.
En 1928, il réalise une synthèse des arts en mettant en scène les Tableaux d’une
exposition de Moussorgsky (création de décors et costumes).
Pour l'exposition internationale d'architecture à Berlin en 1931, il exécute la
décoration du Salon de musique, qui sera réalisée en céramique par la
manufacture de Meissen.14

GUILLAUME APPOLINAIRE ET L’ORPHISME
L'orphisme naît de la plume de Guillaume Apollinaire en 1913. Au départ, il ne
désigne que la peinture de Robert Delaunay mais finit progressivement par
caractériser la démarche d’autres artistes dont les œuvres sont très hétérogènes.

Dans son poème Le bestiaire ou le cortège d’Orphée, publié en 1911, le poète
évoque un "langage lumineux", qu'il appelle aussi la poésie pure, associée à la
"peinture pure" dont il nomme les œuvres du couple Delaunay. Robert Delaunay
fait, en effet, de la couleur l'objet unique de sa peinture. Il parle de "contrastes
simultanés". Aux alentours de 1912-1913, il applique sur la toile des couleurs
contrastées mais complémentaires et disposées sous forme circulaire. La couleur
permet la perception d'une lumière, d'une énergie, d'un rythme sans fin qui
incarne aussi la modernité.

	
                                                                                            	
  

	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
14	
  Extrait de Larousse en ligne, www.larousse.fr/encyclopédie/peinture/Kandinsky

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2. MOUVEMENT MUSICAL ET TEMPO VISUEL	
  
PRÉSENTATION DE LA SECTION

Les arabesques serpentines de Loïe Füller situées dans la première section
font échos aux expérimentations autour du mouvement – celui des images, de
la lumière, de la sculpture et enfin des corps – menées par Marcel Duchamp,
Alexander Calder, Nicolas Schöffer et Yves Klein, tissant chacun un lien
tantôt anecdotique, tantôt crucial à la musique.

Je ne suis pas anti-musique. Mais je supporte mal son côté « boyau de chat ».
Vous comprenez, la musique, c’est tripes contre tripes : les intestins répondent
au boyau de chat du violon. Il y a une espèce de lamentation, de tristesse, de
joie, tellement sensorielle, qui correspond à cette peinture rétinienne qui me fait
horreur. Pour moi, la musique n’est pas une expression supérieure de
l’individu.15 Marcel Duchamp

Dès 1913, Marcel Duchamp compose Erratum musical, dont l’écriture est
déterminée par le tirage au sort de cartes, sur lesquelles figurent des notes
ensuite aléatoirement inscrites sur une portée. La composition abandonnée au
hasard marquera durablement les avant-gardes, avant de devenir un principe clé
de l’univers de John Cage, qui crée d’ailleurs plusieurs pièces en hommage à
Duchamp.

De même que pour ses réalisations en tant que compositeur, les expériences que
Duchamp mène autour du mouvement - qu’il nomme avec humour « opticeries »
- sont guidées par le jeu. De la Roue de bicyclette aux Rotoreliefs, imaginés pour
tourbillonner sur un gramophone à la vitesse de 33 tours, il n’y a qu’un pas. Les
réflexions portant sur la machine et le bruitisme entraînent les pas du visiteur
vers les engrenages de Frantisek Kupka, dont les rouages font résonner le
poème symphonique d’Arthur Honegger, Pacific 231, qui « n’est pas l’imitation
des bruits de la locomotive, mais la traduction d‘une impression visuelle et d’une
jouissance physique par une construction musicale » 16 , selon les mots de son
compositeur.
	
  
Pour « EN SAVOIR PLUS »
Le Bruitisme p.26
La chronophotographie p.27
	
  
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
15
  Entretien avec Otto Hahn, publié dans la revue VH 101, n°3, 1970.
16
  Arthur Honegger cité in Arthur Honegger : le centenaire, cat. exp., Le Havre, musée des beaux-arts André Malraux,
1992, p. 56.	
  
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De bas en haut :

Marcel Duchamp, Rotoreliefs ou Disques optiques , 1935
Recto Verso, diamètre 0,2 m.
n°7 Verre de Bohême et n°12 Spirale blanche
Don de Mme Jacqueline Monnier, 2001. Numéros d'inventaire : AM2001-219, AM2001-220
© Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist.RMN-Grand Palais / Jean-Claude Planchet
© Sucession Marcel Duchamp / Adagp, Paris, 2016

Frantisek Kupka, Musique , 1930-1932
Huile sur toile, 85 x 93 cm
Don de Eugénie Kupka, 1963. Numéro d'inventaire : AM4200P
© Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Jean-Claude Planchet
© ADAGP, Paris, 2016
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Il y a trente années que je pense à un spectacle entièrement mien, formes et
musique en symbiose.17 Alexander Calder	
  
	
  
Dès la conception du Cirque au milieu des années 1920, Alexander Calder
imagine des personnages en fil de fer et en raphia qu’il met lui-même en scène
dans de véritables spectacles. Son parcours artistique est ensuite traversé par de
nombreuses collaborations avec l’univers scénique et musical. Son séjour à
Paris, entre 1926 et 1933, est profondément marqué par la découverte de la
musique d’avant-garde, notamment sous l’influence d’Edgard Varèse qui l’initie
à la création de sons par collusion. En 1967, c’est à la demande du compositeur
Earle Brown, que Calder crée le Chef d’orchestre, un mobile imaginé à la fois
pour battre la mesure et être joué comme un gong. Les quatre percussionnistes,
après avoir frappé la sculpture, en interprètent les mouvements à la manière
d’une partition, qui serait en même temps une invitation à l’improvisation.

Par ailleurs, à l’image de la séquence Ballet qu’il écrit pour le film Dreams that
money can buy d’Hans Richter, Calder remplace progressivement les danseurs
au profit de ses sculptures à l’occasion de diverses compositions scéniques. Work
in Progress (1968), « ma vie en dix-neuf minutes » selon l’artiste, constitue
l’apogée de ses recherches sur la forme en mouvement. Sur fond de musique
électronique se déploie le cycle de la vie, de la naissance des astres à
l’apparition de la Terre, représentés par Calder sous la forme de mobiles. En
écho à ce ballet organique, le majestueux mobile, 31 janvier, présenté en regard
des Boucliers, recrée son idée de mise en scène.
	
  
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                                                                                                                                                                                                                                                                     Calder Piece d’Earle
                                                                                                                                                                                                                                                                     Brown ave le mobile
                                                                                                                                                                                                                                                                     Chef d’orchestre de
                                                                                                                                                                                                                                                                     d’Alexander Calder,
                                                                                                                                                                                                                                                                     Cleveland, new Gallery
                                                                                                                                                                                                                                                                     of Contemporary Art
                                                                                                                                                                                                                                                                     ,1982
                                                                                                                                                                                                                                                                     Epreuves photographiques
                                                                                                                                                                                                                                                                     Rye, new York, The Earle
                                                                                                                                                                                                                                                                     Brown Music Foundation
                                                                                                                                                                                                                                                                     @2016 Calder Foundation
                                                                                                                                                                                                                                                                     New york / ADAGP, Paris

	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
17
           Alexander Calder cité par Giovanni Carandente, Calder, Palazzo a vela, Turin, 1983.
                                                                                                                                                                                                                                                                                                20	
  
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Alexander Calder,
                                         31 janvier , 1950
                                         Acier et aluminium , 385
                                         x 575 cm
                                         Achat de l'Etat, 1950.
                                         Attribution, 1959.
                                         Numéro d'inventaire :
                                         AM 1045 S
                                         © Centre Pompidou,
                                         MNAM-CCI, Dist. RMN-
                                         Grand Palais / Droits
                                         réservés
                                         © 2016 Calder
                                         Foundation New-York /
                                         ADAGP, Paris

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       MUSICIRCUS / DOSSIER DÉCOUVERTE
	
  
Nicolas Schöffer, Chronos 8 , 1967
Acier inoxydable poli miroir, miroirs, moteurs, combinateurs, circuit électrique, plateau tournant, 308 x 125 x 130
cm Achat 1979. Numéro d'inventaire : AM 1979-351
© Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist.RMN-Grand Palais / Philippe Migeat
© Adagp, Paris, 2016
	
  
Schöffer, parfaitement conscient que l'art du temps est la musique, théorise le
chronodynamisme : pour donner à percevoir le temps - en plus de l'espace et de
la lumière - la sculpture comporte des variables dont le programme aléatoire
induit des effets visuels sans répétition.18 Eléonore Schöffer
	
  
Après la création de ses premières sculptures cybernétiques en 1956 – leur mise
en mouvement est alors définie par un cerveau électronique sensible au bruit et
à la lumière –, Nicolas Schöffer entame la série des Chronos trois ans plus tard.
Celle-ci compte quinze sculptures, dont les pales, miroirs et projections
lumineuses évoluent au rythme du programme aléatoire paramétré selon le

	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
18
           Conférence donnée par Eléonore Schöffer, L’œuvre de Nicolas Schöffer en parallèle de celle de Pierre Henry, 1998.
                                                                                                                                                                                                                                                                     22	
  
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nombre d’or, basé sur 60, chiffre du temps. « Synthèse de l’audible et du visible »
selon les mots de l’artiste, cette œuvre s’inscrit dans la parfaite continuité des
intuitions synesthésiques de Kandinsky et des recherches optophoniques de
Baranov-Rossiné.

Chronos 8 a par la suite été déclinée en cinq versions identiques pour la mise en
scène d’un spectacle cybernétique expérimental, Kyldex 1, chorégraphié par
Aldwin Nikolaïs sur une musique de Pierre Henry. Les sculptures programmées
suivent le rythme des corps des deux danseurs étoiles qui évoluent sur scène,
faisant écho aux recherches scéniques de Calder. L’artiste avait déjà participé à
de nombreuses collaborations visant à un art total, mêlant musique, danse et
sculpture, notamment lors de la création du premier robot-danseur présenté au
Festival de l'Art d'avant-garde sur la terrasse de la « Cité Radieuse » de Le
Corbusier à Marseille, avec Pierre Henry et Maurice Béjart.
	
  
Pour « EN SAVOIR PLUS »
La cybernétique p.26
	
  
                                         	
  	
  	
  

                                                      Nicolas Schöffer, CYSP1 au Festival d’art d’avant-garde, Marseille , 1956.
                                                                                                                                      Spectacle cybernétique luminodynamiqued’une durée de trois heures
                                                                                                                                           Créé par Nicolas Schöffer à l’Opéra de Hambourg en 1973
                                                                                                                                                  Epreuve gélatino-argentique, 17,5 x 25,3 cm.
                                                                                                                                                               © Droits réservés

Le silence… C’est cela même ma symphonie, et non le son lui-même, d’avant-pendant
l’exécution. C’est ce silence si merveilleux qui donne la « chance » et qui donne même
parfois la possibilité d’être vraiment heureux, ne serait-ce qu’un seul instant, pendant
un instant incommensurable en durée.19 Yves Klein	
  
	
  
	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  	
  
19
           Yves Klein, Le vrai devient réalité, 1960.
                                                                                                                                                                                                                                                                     23	
  
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En 1949, Yves Klein compose la Symphonie Monoton-Silence, pièce orchestrale
où vingt minutes de silence succèdent à vingt minutes d’une note tenue dans un
son continu. C’est sur cette pièce musicale que l’artiste orchestre la performance
aboutissant à l’œuvre Anthropométrie de l’époque bleue (ANT 82). Le 9 mars
1960, à la galerie internationale d’Art contemporain à Paris, trois modèles
entrent en scène, un pot de peinture bleue à la main, dont elles s’enduisent le
corps. Yves Klein, en smoking noir, pénètre dans la salle et, après avoir donné le
signal aux vingt musiciens, chorégraphie le ballet des modèles apposant leur
empreinte sur les feuilles de papier blanc. Cette action-spectacle, mise en scène
du corps en mouvement, est d’abord intensifiée par la musique, puis sublimée
par le silence.

Cette pièce invite à tisser des liens avec d’autres démarches artistiques ayant
assimilé le corps humain à l’instrument de musique, de la célèbre photographie
Le Violon d’Ingres de Man Ray aux performances Human Cello de Charlotte
Moorman, où la musicienne joue du violoncelle sur le corps de Nam June Paik.
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De gauche à droite , de bas en haut:

Yves Klein, Anthropométrie de l'Époque bleue
Galerie internationale d'art contemporain, 9 mars 1960
253, rue Saint Honoré, Paris, France
Artistic action by Yves Klein © Yves Klein, ADAGP, Paris, 2016
Photo Harry Shunk and Janos Kender © J.Paul Getty Trust.
The Getty Research Institute, Los Angeles. (2014.R.20)

                                                                               "$!
                                       MUSICIRCUS / DOSSIER DÉCOUVERTE
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