NEW SETTINGS ARTS DE LA SCÈNE - Fondation d'entreprise Hermès
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NEW SETTINGS ARTS DE LA SCÈNE BORIS CHARMATZ MOHAMED EL KHATIB NOÉ SOULIER THÉO MERCIER CLÉDAT & PETITPIERRE GAËLLE BOURGES TANIA BRUGUERA ALAIN BUFFARD EURIPIDES LASKARIDIS CYRIL TESTE KRIS VERDONCK LIZ SANTORO & PIERRE GODARD ANNIE DORSEN SMITH & MATTHIEU BARBIN NICOLAS DEVOS & PÉNÉLOPE MICHEL EMMANUELLE HUYNH & NICOLAS FLOC’H FONDATION D’ENTREPRISE HERMÈS 16 SPECTACLES DU 13 SEPTEMBRE AU 21 DÉCEMBRE 2017
04 Préface. Catherine Tsekenis 38 Titans, 8, rue François-Villon. 75015 Paris Euripides Laskaridis. Florian Gaité Tél 33 (0)1 53 68 65 65 | Fax 33 (0)1 53 68 65 85 06 Fous de danse, Boris Charmatz. www.artpress.com Jérôme Provençal 42 Festen, Cyril Teste. * e-mail : initiale du prénom.nom@artpress.fr Thibaut Sardier 10 Stadium, Mohamed El Khatib. Comité de direction : Catherine Francblin, Guy Georges Stéphane Malfettes 46 Conversations Daniel Gervis, Jacques Henric, Jean-Pierre de Kerraoul* (At the End of the World), Catherine Millet, Myriam Salomon Gérant-directeur de la publication : J-P. de Kerraoul 14 Performing Art, Noé Soulier. Kris Verdonck. Bastien Gallet Directrice de la rédaction : Catherine Millet* Florian Gaité Rédactrice en chef : Anaël Pigeat* 50 Maps, Liz Santoro & Pierre Godard. Conseiller : Myriam Salomon* 18 La Fille du collectionneur, Marcelline Delbecq Chef d’édition : Étienne Hatt* Théo Mercier. Alain Berland Secrétaire de rédaction : Christine Delaite* Assistante de direction : Virginie Delmeire* 54 The Great Outdoors, Assistante de rédaction : Mathilde Bardou* 22 Ermitologie, Annie Dorsen. Pascaline Vallée Salariée doctorante : Aurélie Cavanna* Clédat & Petitpierre. Julie Crenn Publicité / Advertising : sylvie@artpress.fr 58 Traum (Le Paradoxe de V.), Agenda : Christel Brunet* 26 Conjurer la peur, Gaëlle Bourges. SMITH & Matthieu Barbin. Diffusion : Laurie Meynent* Thibaut Sardier Florian Gaité Système graphique : Roger Tallon († 2011), Sylvie Astié English editor : Charles Penwarden 30 Endgame, Tania Bruguera. 62 Crumbling Land, Puce Moment Translators : C. Penwarden, L.S. Torgoff Thibaut Sardier (Nicolas Devos & Pénélope Michel). Conseiller spectacle : Stéphane Malfettes Pascaline Vallée Photogravure : Imprimerie de l’Avesnois 34 Les Inconsolés, Alain Buffard. Impression : Imprimerie de Champagne, Langres Charlotte Imbault 66 Formation, Imprimé en France. Printed in France Emmanuelle Huynh & Nicolas Floc’h. Distribution par Presstalis / Tél 01 49 28 70 00 Charlotte Imbault ÉDITO Dépôt légal du 3e trimestre 2017 CPPAP 0419 K 84708 - ISSN 0245-5676 RCS Avesnes 318 025 715 Couverture : © Erwan Fichou & Théo Mercier. 2017. Pour la 4e année consécutive, la rentrée dans —— art press va de pair avec la sortie d’un cahier For the 4th year in a row, the October issue of ADAGP, Paris 2017, pour les œuvres de ses membres consacré à New Settings, rendez-vous dont art press is focusing on New Settings, an nous réjouissons chaque fois. Né d’une col- event as surprising as it is eagerly anticipa- Remerciements / Acknowledgments : Olivier laboration entre la Fondation d’entreprise ted. The fruit of a collaboration between the Fournier, Catherine Tsekenis, Frédéric Hubin, Quentin Hermès et le Théâtre de la Cité internationale, Fondation d’entreprise Hermès and Théâtre Guisgand (Fondation d’entreprise Hermès) New Settings compte désormais des spec- de la Cité Internationale, New Settings is tacles sur les plus grandes scènes parisiennes, now held in leading Parisian theaters, with New Settings est un programme régulièrement en lien avec le Festival d’Au- events often co-organized with the Festival de la Fondation d’entreprise Hermès tomne. Parmi celles-ci l’Odéon-Théâtre de d’Automne : Odéon-Théâtre de l’Europe, New Settings is a program l’Europe, la Colline-Théâtre national, le Théâ- Colline-Théâtre National, Théâtre de la Ville, of the Fondation d’entreprise Hermès tre de la Ville, le Théâtre des Abbesses, le Théâ- Théâtre des Abbesses, Théâtre Nanterre- tre Nanterre-Amandiers, le Centre Pompidou, Amandiers, Centre Pompidou and le Centquatre-Paris… Des partenaires en ré- Centquatre-Paris. New Settings also works gion sont aussi fédérés autour de projets with partners outside of the capital who communs. Certains spectacles sont accom- come together for common projects. Some pagnés, d’autres entièrement produits. Dans performances are entirely produced for la suite des expérimentations menées pré- New Settings, while others receive its sup- cédemment, de grandes lignes se dégagent port. Marked by the same experimental spi- cette année. De nouveaux acteurs entrent rit as in previous years, a series of themes en scène, qu’ils soient supporters de foot (!), runs through this edition. Among the new simples passants, ou que s’érigent en scène faces taking the stage are soccer fans, pas- des sculptures conçues par des artistes plus sers-by, and artists more used to art galle- habitués des salles d’expositions que des ries than to theaters. From dance to theater salles de spectacles. De la danse au théâ- and hybrid forms like “choreographed exhi- tre, en passant par des formes hybrides, celle bitions,” some of the topics of these pieces de l’exposition chorégraphiée, les sujets se dé- are sci-fi and others downright apocryphal. clinent entre science-fiction et fin du monde. Their political and metaphysical questions Avec des questionnement politiques et mé- bring something cosmic to this year’s New taphysiques, quelque chose de cosmique Settings. plane sur New Settings. Anaël Pigeat Anaël Pigeat Translation, L-S Torgoff
5 new settings PRÉFACE Pour la septième année consécutive, la Fon- placent le spectateur dans un nouveau rap- these pieces were conceived on the bor- dation d’entreprise Hermès s’engage en fa- port vis-à-vis de l’œuvre. La Fondation porte derline between the performing and visual veur de la création dans le domaine des arts également son attention à l’élargissement du arts, disciplined yet free of the boundaries de la scène à travers New Settings. Avec ce public et souhaite accompagner les artistes of a single discipline. The results are fasci- programme, la Fondation accompagne des qui inventent de nouvelles formes de ci- nating and surprising. spectacles inédits dans leur forme, résul- toyenneté dans la rencontre même avec We are convinced that there is a tremen- tats d’un chemin exploratoire ancré dans la l’œuvre. dous need to assist the protracted process réalité de notre époque. La Fondation est pré- En partenariat avec des structures cultu- of creation, with its periods of fertile uncer- sente dès leur phase de production et leur as- relles complices, la Fondation d’entreprise tainty and testing before finally coming sure des dates de représentation en Hermès favorise ainsi la prise de parole des together. The best possible conditions collaborant avec des institutions culturelles artistes au sein de la Cité. Révéler, éclairer et must be provided for work carried out in a complices en Île de France et à New York, transmettre ce qu’exprime aujourd’hui l’art, rehearsal hall, workshop or studio as ideas pour certains d’entre eux. tel est également notre volonté. Catherine Mil- are sketched out and material transformed. C’est ainsi que tout au long de l’automne 2017 let, Anaël Pigeat et toute l’équipe d’art press Our mission is to be there for artists at the seront présentés 16 spectacles aux formats ont porté leur attention sur New Settings. Ils decisive moment when they are struggling et esthétiques différents, représentatifs de sont désormais les acteurs de cette volonté to bring something new into being, espe- l’éclectisme des voies suivies par les ar- partagée pour notre plus grand plaisir. Merci cially when they take less traveled roads tistes d’aujourd’hui. À la lisière entre les à eux tous. and challenge established norms. arts du spectacle et les arts visuels, nombreux Catherine Tsekenis Some of the performances given backing sont ceux qui, par cette « indiscipline », in- Directrice de la Fondation this year explore roads of representation ventent de nouvelles écritures scéniques, sur- d’entreprise Hermès that bring viewers into a new relationship prenantes et passionnantes. with what they are seeing. The foundation Nous sommes convaincus que le temps de —— is also concerned with broadening the l’élaboration de la création, traversé par ces This is the seventh consecutive year that audience for such work. The aim is to sup- périodes d’incertitudes fécondes où l’on the Fondation d’entreprise Hermès has port artists who invent new forms of citi- teste avant de « poser » la forme, nécessite enacted its commitment to the contempo- zenship through people’s interaction with au plus haut point d’être favorisé. Ce tra- rary theater arts through New Settings. art. vail au plateau, en atelier ou en studio, où la The foundation’s programming encou- In partnership with like-minded cultural matière s’esquisse et se transforme, a besoin rages brand new forms of performances organizations, the Fondation d’entreprise de se dérouler dans des conditions favorables. born out of a process of experimentation Hermès strives to help artists play their Notre souhait est de favoriser ce moment dé- and at the same time thoroughly rooted in active role in contemporary society. cisif, alors même que les artistes peinent trop our times. The foundation supports the We also want to reveal, spotlight and pro- souvent à finaliser leurs productions, d’autant production of these works and ensures mote today’s art. Catherine Millet, Anaël plus lorsqu’ils s’engagent dans des chemins their public performance through its part- Pigeat and the whole team at art press de traverse par rapport aux codes esthé- nerships with cultural institutions in the have given New Settings their utmost tiques dominants. greater Paris area and even as far away as attention. We are delighted that they, too, Certains spectacles soutenus cette année ex- New York. are actors in our joint endeavor. Our thanks plorent des modes de représentation qui Autumn 2017 will see the presentation of to everyone involved. sixteen shows in a diversity of formats and Catherine Tsekenis representing different aesthetics, a reflec- Director of the Fondation Alain Buffard. « Les Inconsolés ». 2017. tion of the eclecticism characterizing the d’entreprise Hermès (© Marc Domage). approaches of today’s artists. Many of Translation, L-S Torgoff
6 new settings / festival d’automne / centquatre-paris FOUS DE DANSE Boris Charmatz Jérôme Provençal Avec Fous de danse, projet chorégraphique d’envergure ouvert sur la rue et les passants, Boris Charmatz entend influer une réappropriation artistique de l’espace public et permettre une plus grande perméabilité des corps.
7 new settings / festival d’automne / centquatre-paris ■ Âgé de 20 ans à peine au début des années quante dans laquelle cinq danseurs – trois namique dialectique semblable à celle dont 1990, Boris Charmatz a brusquement fait ir- hommes et deux femmes –, nus mais por- fait preuve le directeur du Musée de la ruption dans le champ de la danse contem- teurs de tout un héritage artistique, cherchent danse. poraine. Après deux pièces très remarquées à se mouvoir et à faire corps autrement sur L’idée de folie exprimée dans le titre du (À-bras-le-corps et les Disparates), élaborées un plateau épuré à l’extrême. Dans Libéra- projet traduit non seulement un désir saillant en collaboration avec Dimitri Chamblas, il dé- tion, Marie-Christine Vernay y discerne « un de débordement, d’excès mais également un veloppe seul son langage chorégraphique à rendez-vous avec la modernité contre les désir plus souterrain de réenchanter l’espace partir d’Aatt...enen...tionon (1996). Présen- forces conservatrices, y compris celles de la public contemporain en conjurant l’angoisse tée sur un échafaudage métallique à trois ni- danse contemporaine (1) ». Mêlant énergie qui l’habite désormais, à la suite des atten- veaux, cette pièce hautement atypique créative et esprit iconoclaste, Boris Charmatz tats sanglants qui ont frappé la France depuis défie les lois de la gravité et assume le s’affirme alors comme l’une des figures- le 7 janvier 2015. Également inscrit au cœur choix de la (semi-)nudité avec une même phares de la « non-danse » – appellation très de danse de nuit (2016) (3), ce désir de ré- crâne assurance. En 1997 se dresse herses discutable employée à l’époque pour désigner appropriation artistique de l’espace public ap- (une lente introduction), pièce à la tonalité pi- cette nouvelle génération de chorégraphes paraît comme un axe essentiel du travail ayant en commun le rejet des formes spec- actuel de Boris Charmatz. « Comme beau- taculaires et le sens, plus ou moins pro- coup de gens, j’ai été très marqué par les as- noncé, de l’irrévérence. semblées citoyennes qui ont proliféré ces Par la suite, Boris Charmatz va continuer dernières années dans l’espace public, en de bouleverser les codes de la danse et France ou ailleurs, précise le chorégraphe. J’ai d’en tester les limites via des pièces ou eu envie que le Musée de la danse, plutôt que des propositions hybrides, à l’instar de Héâ- de s’engager directement dans ces assem- tre-élévision (2002), pièce-installation pour blées, s’emploie à inventer des formes al- spectateur unique allongé sur un piano. De- ternatives de rassemblement dont le puis le début des années 2000, il accorde en médium serait le mouvement et non pas la outre une importance majeure à la notion de parole. Dans Fous de danse, l’intention transmission. En témoigne d’abord l’expé- n’est absolument pas de singer la folie mais rience menée de 2002 à 2004 avec Bocal, de marquer résolument un écart avec la ra- école itinérante sans murs ni professeurs (2). tionalité de la gestion de l’espace public, En 2009, il prend la direction du Centre cho- d’introduire dans cet espace une forme régraphique national (CCN) de Rennes et d’expression artistique qui passe par le de Bretagne qu’il transforme en un Musée de corps et rende les corps participants plus per- la danse – structure à laquelle, à rebours méables les uns aux autres. » de la pesanteur muséale, il confère un ca- ractère très vivant et innovant. D’exposi- DIFFÉRENTES FORMES tions non-conformes en pièces hors S’il cultive une dimension foncièrement po- normes, il concilie ainsi création et trans- pulaire, le projet ne cherche pas le consen- mission en cherchant à élargir toujours plus sus à tout prix et n’intègre pas n’importe l’étendue des possibles. quelle forme de danse. Il ne s’agit pas d’une fête de la danse, à l’image de la fête de la mu- RÉENCHANTEMENT sique. Une exigence artistique est à l’œuvre, Projet d’une envergure inédite, Fous de qui se traduit notamment par l’affirmation de danse s’inscrit pleinement dans l’action du lignes de rupture d’une proposition à l’autre, Musée de la danse. « Il permet de faire en incluant des formes qui ne sont pas né- converger en une même proposition di- cessairement fédératrices ou plus difficiles verses recherches menées par le Musée d’accès que d’autres. En rien uniforme, de la danse, en particulier via les exposi- l’événement a vocation à nous faire traver- tions dans lesquelles le danseur expéri- ser de multiples états de danse. mente différents statuts (performeur, guide, Trois principes déterminants et concordants enseignant, entraîneur…). Certains des pro- sont ici mis en œuvre : horizontalité, trans- cessus activés dans les expositions sont versalité, gratuité. L’horizontalité se traduit repris, à grande échelle, dans Fous de par le fait qu’il n’y a ni scènes, ni gradins, le danse », explique Boris Charmatz. quatrième mur volant ici en éclats pour per- Le projet emprunte son titre à une revue pu- mettre la formation d’une sorte d’assemblée bliée dans les années 1980 par les éditions chorégraphique, dans laquelle chacun(e) Autrement. Répertoriant les principales ini- peut librement s’exprimer. Est ainsi suggé- tiatives dans le domaine de la danse et pro- rée l’idée d’une expression démocratique par posant par ailleurs des textes analytiques (par le corps – après tout, ne parle-t-on pas de exemple de Laurence Louppe), cette revue corps électoral ? La transversalité permet, – dont Boris Charmatz était un lecteur assidu quant à elle, l’émergence d’une seule et – s’attachait à conjuguer le populaire et le sa- même grande danse, longue de plusieurs vant, le pratique et le théorique, en une dy- heures et faite de projets – professionnels et amateurs – aux formes très variées : expo- Toutes les images /all images: sitions vivantes, chorégraphies collectives, Boris Charmatz. « Fous de danse ». 2016. solos, danses sociales, danses tradition- (© Yann Peucat). nelles, danses urbaines, etc. Enfin, la gratuité
8 new settings / festival d’automne / centquatre-paris s’impose avec évidence dans l’optique de rendre l’événement accessible à tous, sans Crazy about Dance down on a piano. Since the start of this cen- tury he has been giving great importance to discrimination d’aucune sorte. Après deux occurrences à Rennes (2015 Boris Charmatz the concept of transmission, the relaying of ideas and practices to younger people. One et 2016), une à Brest (mai 2017) et une à With Fous de danse, a major choroegra- example is the experiment he conducted Berlin (septembre 2017), Fous de danse se phic project engaging directly with the from 2002-04 with Le Bocal, a traveling déploie au Cenquatre-Paris le 1 er octobre street and passers-by, Boris Charmatz is school with no permanent facility or tea- 2017, dans le cadre du Festival d’Automne working on the reappropriation of public chers.(2) In 2009, he became director of the à Paris et de New Settings. L’établissement space and the receptiveness of the body. Centre Chorégraphique National (CCN) in (pluri)culturel parisien semble parfaitement Rennes, transforming it into what became adapté au projet dans la mesure où il fonc- —— called a Musée de la danse (Dance Mu- tionne comme un lieu de vie et de bras- Boris Charmatz stormed onto the contempo- seum), a far more living and innovative sage, ouvert autant que possible sur rary dance stage in the early 1990s when he venue than its name might suggest. With l’extérieur, une partie importante de ses es- was barely twenty years old. After two very non-normative exhibitions as well as non- paces étant laissée en libre accès pour la pra- well received pieces (A bras le corps and Les normative dance, the idea was to reconcile tique d’activités diverses (danse classique, Disparates) created in collaboration with creation and transmission by continually ex- hip-hop, théâtre, etc.). Dimitri Chamblas, he began to develop his panding the breadth of possibilities. Dix heures durant, de 12h à 22h, les ré- own choreographic language, starting with jouissances vont se succéder à un rythme Aatt...enen...tionon (1996). Performed on a RE-ENCHANTEMENT soutenu, d’un échauffement collectif à un three-level metal scaffolding, this highly The truly unprecedented Fous de danse pro- dancefloor festif en passant par Roman atypical piece defied the laws of gravity and ject is typical of what the Musée de la Danse photo, une pièce conçue par Boris Char- dared to go (almost) bare with the same self- seeks to do. This daylong dance event matz et adaptée par Maud Le Pladec et assurance. In 1997 came Herses (une lente “brings together, in a single event, various Anne-Karine Lescop avec dix-huit amateurs introduction), a spicy piece in which five dan- experimental efforts carried out by the mu- de Rennes, Levée, une danse collective or- cers, three men and two women, naked but seum, particularly exhibitions where the chestrée par Boris Charmatz (à partir de sa bearing a whole artistic heritage, try out new dancer assumes different roles with different splendide pièce Levée des conflits), Calico ways of moving and intertwining on an ex- statuses (performer, guide, teacher, coach, Mingling, pièce de Lucinda Childs recréée par tremely plain stage. Writing in Libération, etc.). Some of the processes activated in the sa nièce Ruth Childs, des pièces de répertoire Marie-Christine Vernay called it “a rendez- exhibitions will be taken up on a large scale interprétées par des étudiants de l’école vous with modernity against conservative in Fous de danse,” Charmatz explains. P.A.R.T.S de Bruxelles, un Soul Train géant, forces, including those within contemporary The project takes its title from a French des cercles de danses urbaines ou encore des dance.”(1) Combining creative energy and dance magazine published in the 1980s by danses traditionnelles bretonnes. an iconoclastic spirit, Charmatz became a Éditions Autrement. Identifying the main ini- Toutefois, plus que le programme lui- leading figure in the “non-dance” move- tiatives in the field of dance and offering ana- même, c’est le basculement d’un univers à ment, a rather questionable term applied in lytical texts (by Laurence Louppe for l’autre, sans transition ni hiérarchisation, those years to a new generation of choreo- example), this review, of which Charmatz qui fonde la spécificité de Fous de danse – graphers connected by a common rejection was an avid reader, sought to combine the événement foncièrement pluriel, constitué of theatricality and a taste for irreverence. popular and the scholarly approaches, prac- d’une myriade de projets singuliers. « D’une After that Charmatz continued to upend tice and theory, in a dynamic dialectic simi- certaine manière, le projet nous dépasse, dance norms and test its limits with hybrid lar to what would later mark the endeavors avoue Boris Charmatz. En tout cas, il works like Eâtre-Elévision ( (2002), an instal- of the Musée de la Danse’s director. excède la somme des parties qui le com- lation-dance for a single spectator lying The project’s title (translatable as “Crazy posent. C’est une invitation lancée à une ville entière. » ■ (1) Libération, 10 octobre 1997. (2) L’expérience s’est prolongée sous la forme du livre « Je suis une école ». Expérimentation, art, pédago- gie (Les Prairies ordinaires, 2009). (3) Voir le deuxième cahier New Settings du n°438 d’artpress (novembre 2016), p.15. Jérôme Provençal est critique d’art indépendant. Boris Charmatz Né en 1973. Vit et travaille à Rennes. 2010 Levée des conflits, pièce pour 24 danseurs 2011 enfant, création pour la cour d’honneur du Palais des Papes, Avignon 2014 Manger, création à la Ruhrtriennale - International Festival of the Arts 2014 2016 danse de nuit, création à La Bâtie-Festival de Genève (New Settings #6)
9 new settings / festival d’automne / centquatre-paris About Dance” or “Dance Crazies”) expresses skill sets. Rather, it is artistically exigent, with a major portion of its spaces freely not only a huge thirst for excess but also a which means, among other things, that there accessible for the practice of activities such less explicit desire to re-enchant contempo- is no attempt to level down by homogenizing as classic dance, hip-hop, theater, etc. rary public spaces by banishing the anxiety different kinds of dance; it includes some For ten hours, from noon to 10 pm, there will that has infused them since the bloody terro- kinds that do not necessarily lend them- be a steady rhythm of celebration, from a rist attacks in France that began with the selves to group participation or are less ac- collective warm-up to a festive dancefloor, Charlie Hebdo attack on January 7, 2015. cessible than others. The point is to allow the and in between Roman-Photo (Graphic Equally at the heart of danse de nuit (2016), public to traverse the many states of dance. Novel), choreographed by Maud Le Pladec for example, this yearning to reappropriate There are three determinate and concordant and Anne-Karine Lescop, with eighteen ama- public spaces for art is an essential part of principles at work here: horizontality, trans- teur dances from Rennes; Levée, a collective Charmatz’s work today. versality and free admission. Horizontality dance orchestrated by Charmatz (based on “Like many people, I was very marked by the means that there are no stages and no rows his terrific pièce Levée des conflits); Calico citizens’ assemblies that have proliferated in of seats, breaking the so-called fourth wall to Mingling, a piece by Lucinda Childs created France and elsewhere,” he says, speaking of bring about a kind of dance rally where eve- by her niece Ruth Childs; repertory dances the Nuit Debout and Occupy movements, ryone can freely express themselves. This interpreted by students of the P.A.R.T.S per- among others. “Rather than directly taking suggests a body-based form of democratic forming arts school in Brussels; a giant Soul part in them, I wanted the Musée de la Danse expression. Transversality allows the emer- Train line dance; urban dances and traditio- to find alternative forms of gatherings where gence of a single grand dance lasting seve- nal dances from Brittany. the medium would be not speech but dance. ral hours, with highly varied components, Yet what makes Fous de danse unique is not Madness is not, strictly speaking, a compo- both amateur and professional, such as col- just the programming but also its mission as nent part of Fous de danse. The intention lective dances, solos, social dances, traditio- a myriad of unique projects shifting from was absolutely not to imitate insanity but to nal dances, urban dance and so on. Free one world to another with no transition or break with the rationality that governs public admission is obviously important to make hierarchy. “In a way, this project has gone venues and bring into them a form of artistic this event accessible to everyone, with no beyond us,” Charmitz admits. “At any rate, expression that passes through the body and discrimination of any kind. it’s more than the sum of its parts. It’s an in- makes the participating bodies more per- After two such dance days in Rennes (2015 vitation to a whole city.” meable to each other.” and 2016), one in Brest (May 2017) and one Translation, L-S Torgoff in Berlin (September 2017), Fous de danse is DIFFERENT FORMS taking place at the Centquatre in Paris on (1) Libération, October 10, 1997. While this project is a come-one-come-all oc- October 1, 2017 as part of the New Settings (2) This experiment led to a book, Je suis une école – casion, it does not seek consensus at any program. The imposing (pluri-) cultural esta- Expérimentation, art, pédagogie (Les Prairies ordi- price and is picky about the dance forms it blishment seems perfectly suitable for this naires, 2009). includes. It’s not a dance festival like France’s project in that it is meant to be a mixer in annual June 21 Fête de la Musique, which in- every sense of the word, fully alive and cludes many amateurs with widely varied literally as open to the world as possible, Jérôme Provençal is an art critic.
10 new settings / festival d’automne / divers lieux STADIUM Mohamed El Khatib Stéphane Malfettes Toutes les images /all images: Mohamed El Khatib. « Stadium ». 2017. (© Pascal Victor/ArtcomPress). Dans sa nouvelle création, Mohamed El Khatib relie l’univers des supporters du RC Lens à celui du théâtre. Il continue ainsi de confronter l’art théâtral à ce qui lui est étranger, en faveur d’une dramaturgie du réel. ■ À défaut de faire des étincelles en cham- pionnat, le RC Lens fanfaronne en ligue 1 des institutions culturelles. En 2016, le musée du Louvre-Lens avait présenté l’ex- position RC Louvre. Mémoires Sang et Or. Conçue comme un portrait de groupe des supporters lensois, elle célébrait les noces des deux principales fiertés du bassin mi- nier : son club de foot et son Louvre. Pour l’occasion, une collecte d’objets avait été or- ganisée auprès des fidèles du stade Bollaert : photos dédicacées, posters, drapeaux, fa- nions, maillots et billets de match avaient ensuite fait leur entrée au musée par la grande porte. Jamais écharpes de suppor- ters ne s’étaient trouvées dans une telle proximité avec des toiles de maîtres. Après cette consécration muséale, les Sang et Or se lancent désormais à la conquête des hauts lieux du spectacle vivant. Théâtres na- tionaux, scènes nationales et festivals ar- bitres du bon goût international font monter sur scène 53 supporters dans un spectacle intitulé en toute simplicité Stadium. Le maître d’œuvre de ce clash des cultures est Mohamed El Khatib dont l’une des pré- cédentes créations, Finir en beauté (2014), a fait de lui un homme de théâtre à succès. Seul en scène, il racontait une histoire, la sienne, et celle de Yamna El Khatib, sa mère. Une histoire sans aucun suspense : « À la fin on sait qu’elle meurt et que son fils est très très triste. » Autre jalon important de son travail théâtral, Moi, Corinne Dadat (2015), « ballet documentaire pour une femme de ménage et danseuse » qui accomplissait une immersion en profondeur dans le quo- tidien de la technicienne de surface d’un lycée de Bourges. En quelques années, Mohamed El Khatib s’est imposé comme le champion d’une dramaturgie du réel qui
11 new settings / festival d’automne / various venues met en scène des instantanés de vie en SCULPTURE SOCIALE qu’est le spectacle vivant ! », assène Mo- évitant les chausse-trappes du « faire Le défi esthétique de Stadium s’énonce à la hamed El Khatib. Il faut en tout cas avoir as- théâtre ». La force motrice de son pro- manière d’une boutade : confronter le public sisté à un match à Lens pour comprendre ce cessus créatif est d’ouvrir le théâtre à ce qui de théâtre « au meilleur public de France », qu’une expression aussi galvaudée que lui est étranger. Sa pratique de la scène réputation qu’ont les supporters lensois. « ferveur populaire » veut vraiment dire. Si les cherche à court-circuiter les discriminations « Comme si je prélevais un morceau de tri- fans de foot fascinent, ceux du RC Lens culturelles et les mécanismes de l’entre- bune et que je le posais tel quel sur scène, sont les plus fascinants de tous. C’est ce que soi. Il mène une croisade contre l’homogé- avec 53 supporters du RC Lens dedans. » montre le spectacle de Mohamed El Khatib, néité des programmations et la repro- Construit dans les années 1930 par la Com- non sans charrier quelques ambiguïtés. duction des systèmes de cooptation et de pagnie des mines et ses mineurs, le stade Dans une région où les indicateurs de santé réseau en tout genre. « Mon travail, dit-il, Bollaert symbolise l’attachement à-la-vie- publique sont les pires de l’Hexagone – chô- consiste à démonter les rapports de domi- à-la-mort de plusieurs générations de Sang mage, alcoolisme, suicide, vote FN, sé- nation en questionnant la façon dont on fait et Or. « Qui n’est jamais allé dans la tribune quelles de l'exploitation minière –, la du théâtre ». Marek du stade Bollaert ne sait pas ce passion pour un club de football peut pren- dre des tournures pathologiques, de l’aveu même des principaux intéressés. On pour- rait appeler ça le paradoxe du supporter. La démarche de Mohamed El Khatib se hisse bien sûr au-delà de tout jugement. Il est question de faire entendre sur une scène de théâtre la parole d’anonymes sans la ré- écrire ni l’altérer. Des documents vivants sont filmés, prélevés, rejoués, assemblés. Dans cette perspective, « les pom-pom girls du RC Lens, c’est comme des ready- made », selon une formule de l’artiste reprise par le magazine So Foot (n°147, juin 2017). Si Duchamp est de la partie, pourquoi pas Beuys ? Son concept élargi de l’art comme « sculpture sociale » fonctionne à merveille dans le contexte qui nous intéresse. Moha- med El Khatib et les supporters de Lens font œuvre commune en mobilisant tous les stéréotypes qui structurent la repré- sentation des Sang et Or. Outre les pom-pom girls aux couleurs du club, se retrouvent sur scène la friterie « Momo » (rendue célè- bre par le film Bienvenue chez les Chtis), les fanfares de tribune, les mascottes bout-en- train, les chaises buvette en plastique et les Corons (chanson de Pierre Bachelet devenue hymne des mi-temps). Le décorum folklorise la banalité du quotidien pour épuiser d’em- blée tous nos préjugés. Le dispositif d’énon- ciation recourt à la même stratégie pour émanciper la parole des réductions carica- turales et des rengaines télévisuelles. Le théâ- tre-réalité de Mohamed El Khatib ne congédie pas confessions intimes, brèves de comptoir, inserts didactiques et entretiens- vérité menés par l’artiste présent sur scène et en coulisse. Mêmes les ultras ont droit de cité pour rétablir certaines vérités sur la vio- lence dans les stades ou passer aux aveux concernant leur hiérarchie affective : « En premier, mes quatre enfants ; ensuite, le RC Lens ; et enfin, ma femme. » Le specta- cle déroule à l’envi son lot de séquences- émotion, moments de grand malaise et effets de distanciation comique lorsque, par exemple, Kevin dit : « Tu vas à Bollaert, sur 26 000 personnes, t’as 12 000 Kevin quand même. » La part voyeuriste de sa démarche, Mohamed El Khatib l’a expliquée dans un en- tretien publié par la revue Volailles (n°1,
12 new settings / festival d’automne / divers lieux in the end she dies and her son is very, very sad.” Another important milestone in his theatrical career was Moi, Corinne Dadat (2015), “a documentary ballet for a cleaning woman and dancer,” about an employee at a Bourges public high school. Within a few years, El Khatib emerged as the champion of a theater of the real who stages snapshots of life while avoiding the pitfall of over-theatricality. The driving force in his creative process is his ability to open up theater to experiences that are not his own. His practice consists of short-circuiting cul- tural discrimination and elitist in-group and identity politics. He is on a crusade against homogeneous theater programming and the reproduction of any kind of cooptation and networking systems. ”My work,” he says, “consists of dismantling relations of domination by challenging the way we do theater.” SOCIAL SCULPTURE El Khatib uses a wisecrack to define the aes- thetic challenge that Stadium sets out to meet: to bring together theater fans and 2012) au moment où il préparait Moi, Corinne Stadium “France’s top fans,” as Lens supporters are Mohamed El Khatib Dadat : « Au prétexte de ne pas tomber dans known. “It’s as if I took a few rows of stadium l’obscénité télévisuelle on en vient à ne fa- seats with fifty-three Lens supporters on briquer que du théâtre inoffensif. La di- them and plopped them down onstage.” mension voyeuriste est un moteur In his latest production, Mohamed El Bollaert stadium, built in the 1930s by the mi- stimulant. Elle pose la question du regard du Khatib connects the world of supporters of ning company and its miners, symbolizes spectateur dans notre dispositif et nous in- the RC Lens soccer club with the theater the unwavering faith of several generations vite à déjouer les attentes en produisant world. of Blood and Gold fans. “Anyone who hasn’t du discernement à partir du fantasme que sat in the Marek stands at Bollaert stadium chacun se fabrique de la vraie femme de mé- —— has no idea of what a live show can be,” El nage. » The RC Lens soccer club may not win cham- Khatib intones. At any rate, you have to at- pionships, but they do feature in the premier tend a RC Lens match if you want to unders- STUPEUR ET TREMBLEMENTS league of cultural institutions. In 2016, the tand the true meaning of the cliché Au-delà d’une petite anthropologie du sup- Louvre’s satellite museum in Lens presented describing an audience “at fever pitch.” If porter en milieu défavorisé avec ses rituels the exhibition Mémoires Sang et Or, a refe- soccer fans are fascinating, RC lens fans are et ses exultations pavloviennes, Stadium rence to the team’s colors, red (“blood”) and the most fascinating of all, at least in France. met l’accent sur les aventures intimes dans gold. A group portrait of the team’s local That’s clearly demonstrated in El Khatib’s toute leur humaine complexité. Les joies et supporters, it brought together the former production, even if it’s slightly ambiguous at les peines des soirs de match entrent en coal-mining region’s two main current times. In a region whose public health indi- résonance avec les drames existentiels. Stu- sources of pride, its soccer team and its Lou- cators are the country’s worst—unemploy- peur et tremblements quand on découvre vre. The collection of objects donated by ment, alcoholism, suicide, support for the qu’une trentaine des protagonistes du spec- faithful fans for the occasion—autographed far-right National Front and the physical tacle sont issus de la même famille. Tous unis photos, posters, cub flags and pennants, jer- scars left by its mining past—the popular autour d’Yvette Dupuis, 85 ans, à la tête d’un seys and game tickets—celebrated a cultural passion for a soccer team can take on a pa- effectif de 10 enfants, 32 petits-enfants et match. Never had fans’ scarves been found thological dimension, as even fans admit. 29 arrière-petits-enfants. Tous unis par la so close to paintings by great masters. After This can be called the paradox of the sup- passion du RC Lens. Tous unis par la douleur this consecration, a celebration of the Blood porter. El Khatib’s approach is anything but de la perte prématurée d’une des leurs. En and Gold in the theater world was the next judgmental. He lets these anonymous men s’intéressant aux supporters d’un club em- trophy for RC Lens fans. National theaters and women speak on a theater stage without blématique, Mohamed El Khatib creuse le and festivals considered arbiters of good rewriting or in any other way changing their sillon d’un théâtre de l’intime, à la fois indi- taste are spotlighting a show simply named words. He also shoots and edits documen- viduel et universel, où remuer un drapeau Stadium that brings fifty-three fans onstage. tary footage, sometimes live and at others géant dans un stade tous les 15 jours pendant The man behind this clash of civilizations is reconstitutions. For him, therefore, “RC Lens 90 minutes est une cérémonie personnelle en Mohamed El Khatib, who first achieved suc- cheerleaders are like a ready-made,” as he hommage à une mère disparue. ■ cess in theater with his 2014 Finir en beauté explained in the fan magazine So Foot (no. (To End on a High Note, 2014), a one-man 147, June 2017). If Duchamp is in the house, Stéphane Malfettes est responsable de la programma- show in which he told a story about himself why not Beuys? The latter’s extended tion culturelle du Palais de la Porte Dorée et collabora- and his mother, Yamna El Khatib. There was conception of art as “social sculpture” works teur régulier d’artpress. no suspenseful plot—“everyone knows that very well in this context. El Khatib, like RC
13 new settings / festival d’automne / various venues Lens fans themselves, deploys all the stereo- Kevins.” El Khatib explained the voyeuristic All united by the pain of the premature loss types that structure their representation. In aspect of his approach in an interview in the of a family member. With his interest in the addition to the cheerleaders decked out in magazine Volailles (no. 1, 2012) during the fans of this emblematic team, El Khatib is Blood and Gold, also featured onstage is period when he was putting together Moi, putting forward a theater of the personal, Momo’s french-fry stand (made famous in Corinne Dadat: “On the pretext of not falling both individual and universal, where waving the movie Bienvenue chez les Chtis), the sta- into TV obscenity people produce nothing a giant flag in a stadium for ninety minutes dium’s brass band, the dancing mascots, the but inoffensive theater. Actually, the voyeu- every two weeks is a personal homage to a plastic refreshment stand chairs and Les Co- ristic dimension can be very stimulating in deceased mother. ■ rons (a song by Pierre Bachelet that has be- my work. It poses the question of the au- Translation, L-S Torgoff come the half-time hymn). This protocol dience’s gaze in our theatrical mechanisms lends the stadium’s banality a folkloric di- and asks us to get over our expectations and mension and immediately empties us of our become truly discerning by recognizing the Stéphane Malfettes is in charge of cultural program- prejudices. The fans’ statements are given fantasies that each of us have about a “real” ming at the Palais de la Porte Dorée in Paris and a using the same strategy to emancipate them cleaning woman.“ regular contributor to artpress. from caricatural reductionism and corny te- levision memes. El Khatib’s reality theater ASTONISHMENT AND TREMBLING doesn’t dish out personal confessions, bar- Going beyond a mini-anthropological study Mohamed El Khatib room platitudes, didactic asides and faux ci- of underprivileged soccer fans and their Né en 1983. Vit et travaille à Orléans et à Bruxelles nema-vérité interviews conducted by a communal rituals and Pavlovian jubilation, Créations récentes : filmmaker on site and behind the scenes. Stadium emphasizes the human complexity 2014 Cultiver l'échec (performance) ; Finir en beauté Even “ultras” are allowed to state certain of personal ventures. The joys and pains of (performance documentaire) ; Corps de ballet (édition) truths about stadium violence and confess to evening games resonate with existential dra- 2015 Moi, Corinne Dadat (performance documentaire) ; their true affective hierarchy: “First my four mas. We’re astonished and even shudder Les Gagnants (performance) ; Renault 12 TS (installa- children, then RC Lens, and last, my wife.” when we find out that some thirty of the sup- tion) The unfolding spectacle provides copious porters on stage are from the same family, 2016 Bande originale #1 (édition) ; Prison (perfor- emotional moments, disturbing sequences led by the 85-year-old Yvette Dupuis, with mance carcérale) ; Corps de ballet (film/installation) and comic distancing, as when, for example, her troop of ten children, thirty-two grand- 2017 Parking (installation) ; Renault 12 (film) ; a man named Kevin says, “You go to Bol- children and twenty-nine great-grandchil- C’est la vie (performance documentaire) ; Plagiat laert, and out of 26,000 people, 12,000 are dren, all united by their passion for RC Lens. (performance littéraire)
14 new settings / festival d’automne / centre pompidou PERFORMING ART mouvements, gestes, regroupe ainsi un ré- pertoire de phénomènes corporels dont les Noé Soulier significations se modifient lorsqu’ils sont portés au plateau. Après avoir réalisé une « chorégraphie d’idée » (Idéographie), avoir déconstruit le bal- let classique (le Royaume des ombres, Florian Gaité Signe blanc, Corps de ballet) ou défonc- tionnalisé des gestes utilitaires (Movememt on Movement, Removing, Faits et gestes), Noé Soulier s’intéresse ici aux mouvements techniques qui donnent forme à une expo- Sous la forme d’une exposition l’exposition scénique d’objets d’art, Noé sition, entre logistique de montage, proto- chorégraphiée, Noé Soulier met Soulier expérimente ici un autre rapport de coles de conservation et coordination en scène la gestuelle qui préside à la danse au musée. collective. Sur scène, des œuvres sont ainsi la logistique muséale, renversant Chorégraphe et théoricien, ancien élève de tour à tour disposées et offertes à la P.A.R.T.S.(1), Noé Soulier a développé une contemplation du public durant un temps dé- au passage les modalités d’appré- œuvre entre performance et danse concep- limité, selon une forme inédite qu’il qualifie hension des œuvres. tuelle, articulée à la question du mouve- d’« exposition chorégraphiée ». Là où les ment. Depuis son premier prix au concours expositions dansées de Xavier Le Roy, Tino ■ Alors que les invitations des musées aux Danse élargie en 2010, chacune de ses Sehgal ou Anne Teresa de Keersmaeker chorégraphes se multiplient, le jeune cho- pièces est l’occasion d’un examen critique prennent le risque de faire du danseur un régraphe prend à contrepied le format de l’ex- des modalités cinétiques du corps et des per- position dansée en faisant se succéder sur ceptions kinesthésiques associées. L’objet Ci-dessous et page de droite /below and page right: scène une sélection d’œuvres plastiques. De de ses recherches, énoncé sous la forme Noé Soulier. « Removing ». 2015. la chorégraphie des gestes de régisseurs à d’une trinité dans son ouvrage Actions, (© Chiara Valle Vallomini).
15 new settings / festival d’automne / centre pompidou objet vivant, Noé Soulier propose au modalités de la réception esthétique. Ce niveler interprètes et public dans une com- contraire de soumettre les objets aux glissement s’apprécie d’abord au niveau de munauté élargie de la représentation, dans contraintes du spectacle vivant, inversant les la circulation : si le public des musées dispose une communion des immanences. processus de réification. de sa mobilité, ou simplement de la liberté de s’arrêter ou non devant une œuvre, celui DE LA FIN DE L’ACTION À L’ACTION CHORÉOMUSÉOGRAPHIE des spectacles est assigné à un point de vue COMME FIN À l’instar de Colonne de Robert Morris, un fixe, avec peu de possibilités de variation. À la manière d’Yvonne Rainer avec ses monolithe présenté devant un parterre de Cette stabilisation de la focale va de pair Tasks, Noé Soulier organise des recontex- spectateurs à la Judson Church, ou de la pa- avec la synchronisation des attentions dans tualisations scéniques de mouvements uti- rade d’œuvres iconiques par Francis Alÿs (The un dispositif communautaire qui rompt avec litaires à la faveur desquelles s’opèrent des Modern Procession), Performing Art le solipsisme conventionnel de l’expérience glissements de sens. Conscient que le mutualise les moyens des arts plastiques et muséale. Le partage de la temporalité contexte scénique impose un changement vivants pour rebattre les cartes de l’expé- change donc les temps d’accessibilité à d’attitude, Noé Soulier déplace ici le centre rience esthétique. La pièce affiche ainsi un l’œuvre, quitte à le forcer à la rencontre. de gravité attentionnel de la finalité de l’ac- double enjeu, celui de révéler la théâtralité Le hic et nunc de la situation théâtrale, ce pré- tion vers l’action elle-même. Performing des gestes muséaux autant que celui sent étiré au temps de la représentation, im- Art travaille exclusivement sur les gestes de d’éprouver les changements d’appréhen- pose en effet une durée prédéfinie dont on la logistique muséale, ordinairement cachés sion que provoque l’inscription d’une expo- ne peut s’extraire qu’en quittant la salle. à la vue, relégués au rang de manipulations sition sur une scène. Elle se présente Ensemble, ces deux critères changent le secondaires, indignes de l’exposition elle- comme une démonstration réalisée par de contrat de lecture et ouvrent le moment de même. Cadrer, mesurer, ajuster, éclairer, vrais techniciens, permettant d’apprécier contemplation en amont et en aval, là où l’ex- accrocher, disposer au sol ou sur socle, leur savoir-faire et, par leur biais, de recon- périence esthétique génère des attentes chaque action est générique dans sa forme figurer le rapport aux œuvres. et nourrit des mémoires. Cette immersion du mais modulée par la physicalité de l’œuvre Du white cube à la black box, le choré- public répond in fine à celle des régisseurs, (poids, taille, fragilité…). Cette matière ges- graphe organise un changement d’espace- plongés eux dans une concentration ex- tuelle, extrêmement normée, laisse donc temps qui modifie en profondeur les trême, comme si le chorégraphe cherchait à peu de place à l’invention chorégraphique, l’in-
16 new settings / festival d’automne / centre pompidou tervention de Noé Soulier se limitant à l’adapter à la scène, à l’inscrire dans une composition d’un bouquet soulignent la plas- ticité des œuvres. Performing Art circulation et à en réguler le rythme. Il agit aussi sur les situations collectives, en mé- Mise au service de la critique institution- nelle, de la recherche chorégraphique Noé Soulier nageant des temps de simultanéité ou de comme de l’expérimentation esthétique, la Noé Soulier’s dance features the contrepoint, en pensant les interactions et la pièce inaugure finalement un lieu où l’objet physical actions required by museum coordination des gestes entre eux. d’art est un événement à part entière, là où logistics, reversing the way we appre- À la différence des Tasks néanmoins, dans les- le performeur et l’œuvre ne font plus hend artworks. quelles les interprètes portent des objets qu’un. ■ triviaux (un matelas par exemple), l’extrême —— précaution et l’attention au détail, appuyés par (1) P.A.R.T.S. « Performing Arts Research and Training At a time when more and more museums l’utilisation des gants, traduisent la valeur sym- Studios » est une formation en danse contemporaine qui invite choreographers to stage perfor- bolique et marchande des objets manipu- a ouvert ses portes en septembre 1995, à l'initiative de mances in their spaces, this young choreo- lés. Poursuivant l’ambition des conceptuels la compagnie de danse Rosas et de la Monnaie, l'opéra grapher turns the usual dance/exhibition de préserver l’œuvre d’art des processus national de Bruxelles. Le programme d'études artistique format upside down by bringing a succes- de fétichisation consumériste, Performing Art et pédagogique a été élaboré par Anne Teresa De sion of artworks onstage. With his choreo- contrarie dans une certaine mesure le mira- Keersmaeker, qui assure la direction de l'école. graphy of the motions made by art handlers cle de son apparition, tout en faisant émerger and other professionals and theatrical sta- d’autres projections sacralisantes. Si Florian Gaité est docteur en philosophie et critique d’art. ging of artworks, Noé Soulier experiments l’« aura » de l’œuvre au sens de Benjamin Il est également curateur auprès de festivals, de galeries with a new relationship between dance and s’abîme quelque peu dans le spectacle de son et d’institutions. museums. montage, la « rencontre » avec l’œuvre et sa préciosité, selon Deleuze cette fois, prend elle plus de poids quand elle est don- née sur scène, au cœur d’une dramaturgie. L’ŒUVRE COMME ÉVÉNEMENT Les œuvres, issues des collections du Cen- tre Pompidou, sont choisies pour « ce qu’elles font à la scène autant que pour ce que la scène leur fait », selon le chorégraphe. Les différences d’échelle, de perspective ou la profondeur de la scène permettent no- tamment des assemblages entre un canapé et une peinture abstraite, quand un simple as- pirateur révèle des connivences chroma- tiques avec une photographie de paysage. Reprenant le principe de Walk Around Time de Merce Cunningham, dans laquelle le Grand Verre de Marcel Duchamp reproduite par Jasper Johns est distribuée dans l’espace avant d’être recomposée, Performing Art peut également faire apparaître une œuvre dans sa genèse. Prolongeant ces effets d’animation, rendus possibles par la scène, elle favorise par ailleurs des projections an- thropomorphes, appuyées sur le dynamisme de certains médiums (panneau défilant, sculpture tournante ou vidéo). Une place de choix est enfin réservée au design. Noé Soulier est très attentif à la dis- tinction institutionnelle entre arts plastiques et appliqués, dont il interroge ici le bien- fondé. Si ce rapprochement repose sur le dia- logue depuis longtemps noué entre designers et minimalistes (Judd, Morris, Stella…), il permet également de redoubler la défonctionnalisation des gestes par celle des objets. Présentés dans un contexte do- mestique, possible référence à des inté- rieurs de collectionneurs, ces derniers questionnent alors leur usage décoratif ainsi que leur capacité à faire apparaître un espace. Ici un socle devient un élément architectural, là le déploiement d’un filet de pêche ou la
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