Une histoire post-révolution - Cristina MODREANU
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Une histoire post-révolution Cristina MODREANU 1 A l’échelle de l’histoire trente ans ce n’est pas beaucoup, mais à l’échelle de la vie d’un homme ça signifie énormément, au moins un tiers sinon la moitié de sa vie, en fonction de combien de temps il nous reste à vivre à chacun. Il est naturel de vouloir regarder en arrière pour connaître le chemin qu’on va prendre après cette intersection, où on s’est arrêté un instant ou davantage, et dérouler ensuite le fil de l’histoire vécue. Dans ce cas, l’histoire du théâtre roumain de ces dernières trente années. Nous essayons dans cette publication, la première de ce type, créée spécialement Les Danaïdes, metteur en scène Silviu Purcărete • photo: Sean Hudson pour un public international, de faire tourner un caléidoscope à travers lequel vous allez regarder le paysage théâtral roumain sous de théâtre de rue en Roumanie. Comme une roumain, facilitant des échanges essentiels plusieurs angles, générés par la perspective de tempête d’été qui menace de tout détruire, entre celui-ci et le théâtre du monde. chacun des auteurs publiés ici. Ils occupent les mais qui finit vite, cette décade est passée, en Toujours dans les années 90 quelques tentatives premières positions dans le top des spécialistes dépit des coups de tonnerre et des éclairs à son de régénération de la dramaturgie roumaine ont de théâtre en Roumanie, ce sont des gens début, sans changer la structure du système eu lieu à Târgu-Mures où l’auteure Alina Nelega d’expérience, qui ont suivi l’évolution de la ou la mentalité des gens qui travaillaient dans a coordonné trois éditions du festival Dramafest, scène locale dans le contexte international les institutions de spectacle en Roumanie. essayant de changer le modèle prévalant du et ils offrent des perspectives synthétiques, Probablement la meilleure chose qui s’est dramaturge qui écrit dans sa tour d’ivoire des sous différents angles: celui de l’organisation produite dans cette période a été le retour pièces philosophiques jamais modifiées en du système théâtral (Marian Popescu), du au pays de certains créateurs de valeur qui scène, dans le travail direct avec les acteurs et développement de la dramaturgie locale (Alina avaient émigré les décennies précédentes et les metteurs en scène. L’initiative a pris fin trop Nelega), de l’évolution des esthétiques de la reconnexion avec leurs esthétiques, avec de vite, mais elle a créé un terrain fertile pour une scène (Oltita Cîntec), de la ré-imagination de nouvelles modalités de travail, avec un horizon renaissance de la dramaturgie roumaine qui la performativité en relation avec la société d’idées élargi. Les fenêtres, jusqu’à alors bien allait se produire dans la décennie suivante. en permanent changement (Oana Stoica) verrouillées, ont été ouvertes – au moins et de la relation du « sujet » - le théâtre quelques-unes – et l’isolement a commencé 2. PLAY (AGAIN) roumain - avec la scène européenne (Mirella à diminuer, quoiqu’il a fallu encore du temps Après la tempête d’été des années 90, il Patureau). Moi-même, mis à part la conception jusqu’à ce qu’il finisse véritablement. Ont s’ensuit une période de mise en place et de initiale du caléidoscope, j’entre en jeu avec lieu les premières tournées internationales, solidification. Installée comme phénomène un travail d’orchestration de ces points de certaines de grand prestige, qui imposent compensateur, l’obsession des chef-d’œuvres vue et leur illustration par une sélection quelques noms roumains sur les scènes du de mise en scène, des grands spectacles et des représentative d’images d’archives. En plus, monde: Silviu Purcarete et Mihai Manutiu grands metteurs en scène, avec leurs visions un succinct passage en revue de chaque parmi les metteurs en scène, Marcel Iures afférentes, a dominé la première partie des décade, par ce qui la caractérise en priorité. et Ion Caramitru parmi les acteurs. Ceux années 2000 sans produire une effervescence qui étaient partis - parmi lesquels Radu créatrice, mais plutôt une stagnation par une 1. STOP & REWIND (retours, Penciulescu, Liviu Ciulei, Vlad Mugur, David nouvelle confirmation. La décennie a été récupérations, reconnexions, Esrig, Lucian Giurchescu, Andrei Serban, marquée cependant par une petite révolution remémorations) Alexander Hausvater – mis à part le fait qu’ils dans la dramaturgie, qui avait se confirmer Les années 90 ont commencé dans le théâtre soient revenus, ils ont inspiré essentiellement finalement fertile, de manière inattendue, roumain par un état fiévreux de confusion les générations post-1989 et ils ont aidé au pour toute la scène roumaine – le concours générale, qui reflétait, sans doute, l’état repositionnement des artistes roumains de dramaturgie dramAcum. Dévalant comme similaire de toute la société et qui a eu comme dans le circuit européen, là, où ils avaient une avalanche isolée, dans le périmètre effet immédiat des salles de théâtre vides, leur place. Mis à part les artistes, un exemple restreint de l’école de théâtre de Bucarest, au moins les deux premières années. Suite à en ce sens reste celui de Georges Banu, le phénomène a entraîné des énergies cette crise, tout comme dans les moments critique de théâtre éminent, émigré en 1974 latentes qui attendaient se dépenser avec de révolte de mai 1968, certains acteurs sont en France, supporteur constant du théâtre sens et a grandi proportionnellement avec sortis dans la rue, pour protester ou pour faire dont il s’était séparé lorsqu’il avait choisi son l’apparition des nouvelles générations de des spectacles, et parmi eux les fondateurs propre salut. Commençant avec les années 90, metteurs en scène à la recherche de matériel du Théâtre Masca (Le Masque) qui y sont tout au long de ces trois décennies, Georges dramaturgique et d’acteurs à la recherche même restés, devenant la seule compagnie Banu a assisté, soutenu et promu le théâtre des personnages qui parleraient leur langue.
suscitant l’intérêt pas seulement à cause des scandales, mais aussi par le courage avec Une histoire post-révolution lequel il a réinterprété radicalement des titres 1 classiques, a été évidente au cours de cette Cristina Modreanu décennie, soit par continuité avec l’esthétique 2 prédominante stanislavskienne (Kordonski), soit en disjonction avec celle-ci (Zholdak). 30 ans de théâtre en Roumanie 4 Toujours dans cette deuxième décennie ou le Prix de la liberté post-communiste, le théâtre des minorités de Marian Popescu Roumanie devient plus visible et se remarque par le professionnalisme et le sérieux, surtout le théâtre hongrois avec en tête de proue le Du théâtre littéraire au Théâtre Hongrois de Cluj, dirigé avec une vision 9 théâtre documentaire. Le ferme dès le début des années 90 par le metteur dramaturge et l’auteur en scène de niveau international, Tompa Gàbor, dramatique de 1989 à 2019 mais aussi le Théâtre Allemand de Timisoara, atteignant plus tard le niveau d’une institution Alina Nelega européenne. Malheureusement, la deuxième minorité de Roumanie, en tant que nombre …et ils passèrent des menottes aux fleurs, Théâtre de l’Odéon, 1991, d’habitants, la minorité rom n’a pas encore D’un théâtre soumis à metteur en scène Alexander Hausvater 14 • photo: Archive Théâtre de l’Odéon son théâtre, malgré le fait que ces dernières l’idéologie, à la liberté du années la compagnie indépendante féministe temps de la transition Les nouveaux thèmes, idées et sujets ont Giuvlipen, créée par l’actrice d’origine rom Oltița Cîntec imposé de nouvelles méthodes de travail et Mihaela Dragan, a commencé une campagne réinventions esthétiques, et de ce fait, des publique pour mettre les bases d’une telle spectacles avec des pièces contemporaines institution. Les quelques spectacles produits Danse et performance dans la (roumaines ou traduites), créées par la par cette compagnie, tout comme ceux 18 Roumanie postcommuniste génération post-2002 (l’année du lancement de crées par une autre brillante représentante la première édition du concours de dramaturgie Oana Stoica de cette ethnie, l’actrice Alina Serban, dramAcum) ont changé petit à petit le visage ont coagulé une conscience identitaire et du théâtre roumain, créant les conditions promettent d’atteindre le but d’un théâtre d’une régénération extrêmement nécessaire. La France, Zoom arrière sur le représentatif pour la minorité rom. 22 théâtre roumain d’après 1989 A cette avalanche des nouvelles réalités – de Pendant cet intervalle a été déclenché le contenu et de forme – se sont rajoutés processus de normalisation de la situation Mirella Patureau les échanges de plus en plus intenses des freelancers dans les arts du spectacle, avec des spectacles et des artistes qui catégorie de plus en plus nombreuse sur le ont disséminé leur expérience accumulée fond de l’apparition des nouvelles écoles sur les scènes occidentales, aidant à une de théâtre d’état et privées qui ont créé un synchronisation nécessaire avec celle-ci. surplus de diplômés impossible à récupérer Vers la fin de la décade, avant et tout de par les institutions théâtrales existantes. suite après la crise financière mondiale de Processus bloqué malheureusement peu de 2008, cette synchronisation était en plein temps après, quand, au milieu de la décennie processus de réalisation. A une seule édition suivante, une tendance d’étatisation très du Festival National de Théâtre, celle de 2010, forte et une nouvelle fiscalité très lourde Magazine publié par pour les travailleurs indépendants ont l'Association roumaine des arts du spectacle par exemple, à Bucarest étaient présents plusieurs noms de premier rang sur la scène arrêté tout progrès à terme indéfini. internationale, Krysztof Warlikowski, Romeo L’infrastructure institutionnelle héritée Castellucci, Rodrigo Garcia, Billy Cowie, plus du régime communiste - qui utilisait les vétérans Lee Breuer et Matthias Langhoff, intensément le théâtre comme propagande, après la venue avec des spectacles, les années et par conséquent avait pris soin du système précédentes, pour la première fois en Roumanie de fonctionnement de celui-ci dans tout de Thomas Ostermeier, Alvis Hermanis, le pays – n’a pas été élargie et même pas Un supplément spécial du magazine Joël Pommerat, Jean Luc Lagarce. Il faut y améliorée dans la période d’après 1989, le fait rajouter Richard Schechner, Richard Foreman, de négliger des aspects concrets essentiels, Hans-Thies Lehmann, Michal Kobialka, Aleks comme il serait la légifération du domaine Sierz et beaucoup d’autres qui ont donné des culturel, a conduit souvent à des blocages dans www.revistascena.ro conférences. En outre, l’influence des metteurs l’activité du secteur culturel. Mais, dans un pays en scène internationaux qui ont monté des incapable d’améliorer son réseau de chaussées Textes traduits en français par spectacles en Roumanie, notamment Yuri et d’autoroutes, les dysfonctions du système Mirella Patureau Kordonski, auteur des spectacles qui sont restés culturel ont été et restent un sujet secondaire, pendant des décennies dans les répertoires surtout parce que les artistes se sont Couverte: Solitaritaty, metteur en scène Gianina Cărbunariu, Photo: Angelique Surel roumains, et Andry Zholdak, une personnalité montrés incapables dans les deux premières controversée pour ses méthodes de travail, décennies de cette période de s’organiser
et de créer leurs propres lobbies, en dépit du parce qu’ils ne peuvent pas exister autrement. capital d’image qu’ils possédaient encore. En l’absence d’études pour offrir une base Heureusement, ce fait allait aussi changer. d’analyse de cette croissance, observée par des analystes uniquement empiriquement, 3. FAST FORWARD (réinvention, surtout à cause du flux constant d’apparitions 3 reconstruction, régénération) et de disparitions sur le marché, il est difficile Sur ce fond de croissance chaotique et de de dire combien d‘artistes et combien de normalisation auto-réglée, la troisième membres des équipes techniques fonctionnent décennie, à la fin de laquelle nous nous dans les théâtres indépendants. Mais il faudrait trouvons, a été marquée par une explosion mentionner les compagnies qui ont fonctionné du secteur indépendant, qui est devenu un constamment dans diverses villes du pays, débouché du surplus de talent.1 Malgré le fait aux côtés de deux « vétéranes » de Bucarest, Le Masque Theatre 1992 • photo: Archive Masque Theatre que les premières compagnies indépendantes dont on a parlé plus haut: Le Théâtre Auăleu apparaissent au milieu des années 90, leur à Timisoara, le Théâtre 74 à Targu-Mures, présence a été plutôt anémique, avec un le Théâtre Fix à Jassy, Reactor de création statut d’exception, dont uniquement deux et expérimentation, et plus récemment, La L’année 2019 a amené une crise financière sans ont survécu jusqu’à aujourd’hui, Le Théâtre Ronde de nuit à Cluj, Le Théâtre Unteatru, Le précédent pour les institutions culturelles de Luni de Green Hours, fondé par l’animateur Centre de Théâtre Educationnel Replika, le Roumanie, gravement marquées par l’absence culturel Voicu Radescu, et le Théâtre Act, Théâtre Godot, le Théâtre d’Art, le Théâtre d’une réforme tant au niveau de l’infrastructure fondé par un groupe de créateurs avec à leur A propos, Linotip (Centre indépendant de et des relations de travail, que de celui du tête l’acteur d’Hollywood, Marcel Iures. A danse) à Bucarest. Ce ne sont que quelques contenu offert et la relation avec un public un moment quand, à l’aube du 21e siècle, ces jeunes compagnies qui, au moment quand de plus en plus hétérogène, en changement deux compagnies indépendantes vétéranes j’écris ce texte, comptent 13 ans d’existence permanent. Les théâtres publics, dirigés par avaient perdu leur souffle, une nouvelle série (Auăleu) ou uniquement quelques mois (La des artistes avec un capital d’image, mais est apparue, des groupes avec ou sans siège Ronde de nuit). La situation fluctuante de ce dans la plupart des cas sans réelles aptitudes pour pouvoir poursuivre constamment leur secteur extrêmement créatif et actif pendant managériales, et avec une moyenne d’âge activité, mais animés par le désir de faire du la dernière décennie n’a pas préoccupé et de plus de 65 ans, se révèlent de plus en plus théâtre, en dépit des conditions de plus en plus ne préoccupe toujours pas les autorités, qui dépassés par l’esprit du temps. Les compagnies défavorables. Ils ont poussé comme les herbes ignorent le fait que ces compagnies utilisent indépendantes reprennent vite du terrain, dans la jungle, sans un cadre législatif pour plus judicieusement le peu de ressources dont mais elles courent dans une course inégale, réglementer leur activité et pour la soutenir, elles disposent, qu’elles dévorent moins le avec les pieds liés. Sur ce fond, une réforme sans un système de financement constant pour budget que les institutions publiques et qu’elles systémique dans la culture est d’autant plus leur assurer le développement, sur le fond de ont réussi à attirer et augmenter un nouveau nécessaire et s’annonce inévitable. Peut-être l’absence d’intérêt des sponsors potentiels qui public, avec une moyenne d’âge beaucoup plus qu’il faut, en effet, trente ans pour qu’une reprennent, dans des sociétés plus développées, jeune que celle des institutions d’état et avec révolution puisse réellement advenir. une partie de la responsabilité et du soutien des un attachement réel, non mimé, au contenu arts, en absence d’une subvention publique. proposé. Roumanie, dirigée toujours après 30 Cristina Modreanu est critique de théâtre, En Roumanie, le secteur culturel indépendant a ans par des gens qui ont confisqué la révolution curateur et experte dans les arts du spectacle, grandi comme les Héros prodigieux des contes de 1989, continue d’être un pays gérontophile, présidente de l’Association Roumaine pour la de fées, en une année comme d’autres en dix qui regarde plutôt vers le passé que vers Promotion de Arts du Spectacle (ARPAS). ans, selon un conte local, et il est devenu la l’avenir, ce qui, en rajoutant la corruption Docteur en théâtre de l’Université d’Art Théâtral zone la plus créative du théâtre roumain de endémique contre laquelle le pays se bat, lui et Cinématographique de Bucarest et Fulbright la dernière décennie. C’est dans les théâtres bloque ou ralentit le développement dans tous alumna, elle est auteure de cinq livres sur le indépendants qu’on trouve des thèmes, des les domaines, pas seulement dans la culture. théâtre roumain et rédacteur en chef de la revue idées et des personnages contemporains, c’est Pour conclure quand même sur une note des arts du spectacle Scena.ro, qu’elle a cofondée ici que débutent et grandissent les nouveaux positive, il faut dire qu’en dépit de tous les en 2008. Cristina Modreanu a été directrice dramaturges, c’est ici qu’on teste des nouvelles obstacles et de l’absence d’un cadre stable de artistique du Festival National de Théâtre idées de mise en scène et/ou des méthodes de fonctionnement, l’avenir est quand même ici, (2008-2010) et curateur d’importants festivals de travail et c’est toujours ici qu’on applique des même s’il n’est pas uniformément distribué, Roumanie. Depuis 2014 elle a fondé l’événement nouveaux moyens de faire grandir un public et comme dirait William Gibson. L’énergie des annuel La Plateforme Internationale de Théâtre de garder constamment le lien avec lui. Une nouvelles générations de créateurs este une Bucarest. Son livre, rédigé en anglais, A History grande partie de ces « bonnes pratiques » sont force qu’on ne doit pas sous-évaluer, surtout of Romanian Theatre from Communisme nées spontanément, par besoin, les gens qui qu’elle a été multipliée ces dernières années to Capitalism, est en cours de parution chez ont repris les responsabilités ont été choisis par l’augmentation du sens civique. Visible Routledge International, prestigieuse maison de l’intérieur de ces équipes jeunes, et le dans toute la société roumaine, entraînée d’édition britannique. multitasking est à l’ordre du jour pour tous, constamment dans des mouvements de www.cristinamodreanu.com protestation depuis 2015 et la tragédie du club de nuit Colectiv2, cette énergie anime 1. Le metteur en scène et professeur, Theodor-Cristian de plus en plus le monde artistique. Popescu, le fondateur d’une des premières compagnies de théâtre indépendant en Roumanie, a publié en 2015 sa thèse de doctorat avec le titre « Surplus 2. Suite à l’incendie du club de nuit Colectiv le 30 octobre 2015, 64 personnes sont mortes et plus de 140 ont été de gens ou surplus d’idées. Les pionniers du mouvement hospitalisées dans un état grave. Les protestations massives qui ont suivi ont amené la démission du gouvernement indépendant dans le théâtre roumain post 1989 ». Ponta et du maire du secteur où se trouvait le club qui fonctionnait sans autorisation contre l’incendie dans le local d’une (Editions Eikon, 2013). ancienne fabrique bucarestoise. L’incendie a été le plus grave accident dans le pays après 1989.
30 ans de théâtre en Roumanie ou le Prix de la liberté 4 Marian POPESCU citations1, mais je vais réfléchir maintenant été extirpée par la censure) et aucun théâtre à ce qui est arrivé dans le théâtre roumain alternatif, indépendant ou d’underground. après 1989. En réalité, je vais essayer de voir Comme on le sait maintenant2, en Roumanie, comment a évolué l’institution théâtrale et la la censure a été la plus brutale de tout manière dont les autorités centrales et locales l’espace contrôlé par les soviétiques entre ont considéré le théâtre et les gens de théâtre. 1947 et 1965. Après l’arrivée au pouvoir de Le changement de régime politique de 1989 Nicolae Ceausescu, en 1965, et jusqu’à la surprend le théâtre roumain dans l’hypostase fin du « dégel » idéologique en 1970, les d’un système centralisé, intégralement mécanismes de la censure sont de plus en plus subventionné, contrôlé idéologiquement par complexes pour correspondre à la nouvelle l’autorité centrale, le Conseil de la Culture politique culturelle ordonnée par Ceausescu et de l’Education Socialiste (CCES) et par les et matérialisée par les célèbres « thèses de autorités locales, les inspectorats pour la juillet » 1971. Document politique commandé culture, tous contrôlés par les organisations par Ceausescu pour conformer la Culture à la du parti communiste au niveau local. Le ligne dure du nationalisme comme doctrine, système est implanté par les soviétiques élaboré dans les laboratoires de parti de après 1947. Il a inculqué à l’époque, et il la propagande, mais aussi de la Sécuritate, semble que ça continue encore aujourd’hui, Police politique, il est aussi la conséquence des réflexes de subordination, la diminution de « l’inspiration » éprouvée après la visite de l’appétit pour l’indépendance artistique, de Ceausescu en Chine (rencontre avec Le Revizor, metteur en scène Lucian Pintilie la dépendance du financement budgétaire. Mao), la Corée du Nord (rencontre avec • photo: Archive Theatre Bulandra En décembre 1989, il y avait en Roumanie Kim Ir Sen), Vietnam et la Mongolie. « Les 46 théâtres subventionnés (parmi lesquels Thèses » vont geler tant le cadre législatif, plusieurs de langue hongroise, allemande et thématique, d’évaluation de la « qualité » que J’écris ce qui suit à l’été 2019, dans le contexte yiddish), dont six sont des théâtres nationaux, la « responsabilité » de ceux qui travaillent de certaines décisions gouvernementales une seule revue de théâtre, mensuelle, deux dans la Culture, par des normes, des directions avec un effet nocif sur beaucoup de gens de centres universitaires avec profile théâtral, à d’activité, des thèmes imposés, dans une théâtre, surtout sur ceux recrutés avec un Bucarest et Târgu-Mures. Jusqu’à cette date, langue de bois très dure. Ceci explique statut de collaborateur durant la période de la censure est double: du texte et du spectacle. aussi les dissidences artistiques moins la réalisation et la diffusion d’un spectacle. Elle est exercée par des fonctionnaires du nombreuses dans le théâtre roumain par J’écris ce qui suit en connaissant l’insuffisance CCES, les sections de propagande du parti du cadre législatif qui règle dans mon pays comparaison à la Pologne, la Tchécoslovaquie, unique, tant au niveau central que local. Une l’activité et le statut des gens de théâtre, le la Hongrie et même l’Union Soviétique. fois avec la création dans les théâtres des statut des artistes en général. J’écris ces Conseils des travailleurs, leur accord devient Après trente ans: le nombre des théâtres lignes 25 ans après avoir co-organisé la lui aussi obligatoire. La seule organisation subventionnés s’est élevé à plus de 60, première protestation des gens de théâtre de de représentation des gens de théâtre et de plusieurs théâtres sont nés, des groupes de Roumanie après les événements de décembre musique, ATM, et qui fonctionne également théâtre indépendants3, privés (le premier 1989, en réaction aux décisions erronées des d’après le modèle imposé par les soviétiques, 2. J’ai réalisé la première étude sur la censure dans autorités gouvernementales ou locales. est structurée en « sections » par spécialité, le théâtre roumain, dans le cadre du projet de recherche Je suis critique de théâtre, professeur avec un rôle de « contrôle » de l’activité de l’Institut Hollandais DE Théâtre, en 1996, publié dans d’études théâtrales et traducteur de pièces artistique. ATM est dissoute en février The Dissident Muse : Critical Theatre in Eastern and 1990 lorsqu’il est crée la nouvelle structure, Central Europe, 1945-1989 : Report on the Symposium du théâtre britannique. Je suis intéressé and the Weekend of Events, De Balie, November par le phénomène théâtral depuis la fin des UNITER (l’Union Théâtrale Roumaine). 29- December 3, 1995, Dragan Klaič, Katarina Pejovic années 70. J’ai été impliqué ou j’ai dirigé de Avant 1989, je n’ai pas voulu être membre (éditeurs). Je signale ici l’édition de documents de Liviu grands projets de théâtre, pendant six mois de l’ATM, mais j’ai participé à la réunion Malita, La censure au théâtre. Documents. 1948-1989, j’ai dirigé en 1977 la direction des institutions de suppression de l’ATM et à la création de Cluj, Editura Fundatiei pentru Studii Europene, 2006, et aussi son livre, La Vie théâtrale dans et après de spectacles du Ministère de la Culture, j’ai l’UNITER, et j’ai été élu Vice-président de le communisme, Efes, Cluj-Napoca, 2006. Miruna fondé quelques festivals de théâtre et j’ai la nouvelle structure. A ce moment-là, le Runcan réalise un projet de recherche dédié à la censure été conseiller artistique dans deux théâtres. théâtre roumain est un théâtre de répertoire, et à la critique théâtrale jusqu’en 1989, et elle est aussi J’interviens depuis quelques décennies dans il n’a aucune dimension expérimentale (elle a l’auteure du livre Le modèle du théâtre romain, UNITEXT, Bucarest, 2000. des débats publics concernant les problèmes 1. Je reprends ici quelques fragments, avec certaines 3. Voir le livre du metteur en scène Theodor-Cristian du théâtre ou de la Culture, en général. J’ai modifications, de mon livre Les Scènes du théâtre roumain Popescu, Surplus d’hommes ou surplus d’idées. Les écrit sur tout ceci dans des articles et des livres. 1945-2004. De la censure à la liberté, UNITEXT, Bucarest, Pionniers du mouvement indépendant dans le théâtre Je vais en reprendre de temps en temps des 2004. roumain post 1989, Eikon, Cluj-Napoca, 2012
théâtre indépendant, avec sa propre salle, c’est le Théâtre Act, crée en 1998), concentrés surtout à Bucarest et Cluj-Napoca, le nombre des publications théâtrales est fluctuant, il n’y en a que deux qui apparaissent 5 maintenant en print aussi (Scena.ro et Teatrul Azi –subventionné), mais il y a plusieurs sites ou des blogs dédiés aux arts du spectacle. Les centres universitaires, les facultés avec un profile théâtral se multiplient, avec différentes formes d’organisation administrative: depuis des sections dans le cadre des universités humanistes, à des départements ou des facultés autonomes. Il n’y a toujours que deux universités de profile (Bucarest et Târgu- Mures - avec une faculté en langue hongroise), trois facultés (Cluj-Napoca, Jassy et Timisoara) et plusieurs départements d’études théâtrales La Trilogie antique, metteur en scène Andrei Serban, 1992 • photo: Archive TNB dans le cadre d’autres facultés (Constanta, Galati, Craiova, Pitesti, Sibiu). Toutes sont qui a surpris beaucoup d’entre eux, non ahurissant, qui a réorienté ses lignes de financées par le Ministère de l’Education. Deux préparés pour une telle décision qui avait été développement. Un processus complexe, universités privées ont été créées, à Bucarest, initiée en 1996, ensuite légiférée comme mimé, de démantèlement de l’architecture mais leur existence est maintenant précaire. telle en 2006, et de nouveau en 2017. C’est de l’état centralisé communiste – qui a Le développement des études théâtrales intéressant de noter, la revue Scena.ro dans supposé un regard hâtif et « timide » vers universitaires, avec l’obligation de son premier numéro de 2009, publie un débat le passé – a été superposé à un autre, tout l’alignement non critique aux prévisions justement à ce sujet, la décentralisation, aussi complexe, spasmodique, d’intégration de l’Accord de Bologne (1999), a produit et son effet sur les théâtres nationaux. euro-atlantique – qui a supposé un regard pas seulement une inflation surtout en rapide vers l’avenir. On a beaucoup écrit et ce qui concerne le nombre des diplômés- La Résistance à la réforme parlé à quel point nous étions mal préparés acteurs, mais aussi une distorsion en L’évolution du théâtre roumain pendant ces pour affronter cette métamorphose virulente. assumant des obligations de recherche, de 30 ans, et aussi celle des politiques culturelles A quel point nous étions dépourvus de publication, d’obtention d’un diplôme de le concernant, ne reflètent pas seulement une sérieux et de ténacité lorsqu’il s’agissait de doctorat. Sans le titre de docteur es Théâtre, longue période de transition, avec peu d’effets la consistance des faits d’un grand exercice metteurs en scène, acteurs, scénographes, majeurs positifs, mais aussi une résistance et de l’effort d’imaginer un autre avenir. musiciens, théoriciens ne peuvent pas du corps théâtral à l’idée de réforme. Si Le théâtre comme expérience publique de entrer dans le système universitaire l‘esprit vif de beaucoup de créateurs et communication est soumis, à son tour, à pour former les futurs professionnels. interprètes a permis le développement du cette force centrifuge qui nous supprime Après 1989, l’autorité centrale dans la Culture, secteur théâtral indépendant4, le théâtre de souvent les repères. Si dans la période CCES, est remplacée par une structure de type répertoire, produit par l’institution théâtrale communiste son rôle et sa place étaient ministère qui connait des fluctuations, à cause subventionnée par le budget, commence, fixés de manière rigide sur une échelle où des alternances politiques au gouvernement: avec de grandes difficultés, à connaître les valeurs étaient contrôlées et la position soit c’est le Ministère de la Culture, soit le ses publics. En fait, un grand changement de l’artiste considérée avec l’attention due Ministère de la Culture et des Cultes (Culture de paradigme dans le théâtre roumain est à un moyen de propagande ou d’influence, et Affaires Religieuses) ou le Ministère de la représenté par la conscientisation du fait qu’il après 1989 cette attention a disparu. L’artiste Culture et du Patrimoine ou le Ministère de n’y a pas qu’un seul public, comme l’exigeait devient un marginal et uniquement un type la Culture et de l’Identité Nationale, comme la politique du parti unique d’avant 1989. de lobby oriental ou des pratiques byzantines, c’est le cas actuellement. Pendant 30 ans on Pour beaucoup de praticiens du spectacle occultes, le ramènent de temps en temps au a changé 25 ministres, certains mandats avec de théâtre roumains il est difficile centre de l’attention. Si avant 1989 la relation une durée de seulement quelques mois, tout d’accepter aujourd’hui que le théâtre ne avec le public de théâtre n’était pas vitale pour au plus une année. Il n’y en a eu que deux détient plus la position privilégiée du temps lui – car le théâtre était une des rares manières ministres qui ont eu des mandats complets, du communisme. Au cours des premières d’occuper son temps libre – aujourd’hui elle de 4 ans. En 1990, cette structure centrale quinze années après 1989 toute la société le devient car elle périclite les possibilités avait une Direction pour les Arts du Spectacle, roumaine s’est vue confrontée à un carrousel mêmes d’affirmation de la créativité et de maintenant c’est un Service. Le nombre des son expressivité artistique. La stabilité forcée, 4. Voir, avec le livre déjà cité de Theodor-Cristian Popescu, institutions théâtrales subventionnées par le également ceux de Cristina Modreanu, La Maison uniformisatrice, assurée par le politique budget d’état a diminué avec le temps, mais de l’intérieur (Casa dinauntru), Cartea Româneasca, avant 1989 est rapidement remplacée par surtout après des mesures législatives pensées 2008, Le papillon gladiateur. Théâtre politique, queer une incertitude généralisée produite toujours à la hâte, en vue de la décentralisation: à et féministe sur la scène roumaine (Fluturele gladiator. par le politique. L’acteur X, l’actrice Y ne Teatru politique, queer si feminist pe scena româneasca), l’exception des théâtres nationaux, les autres Curtea Veche, 2016 et Iulia Popovici, Un théâtre en marge sont plus placés au centre de la communauté théâtres sont passés dans la subordination de la route (Un teatru la marginea drumului), Cartea locale, il est plus difficile aujourd’hui de et le financement des autorités locales, fait româneasca, 2008. les intégrer au noyau de l’espace public. Le
discussion, de manière appuyée ou voilée, le rôle même de l’état dans la culture nationale. Dans les nouvelles conditions d’après 1989, en Roumanie, les efforts 6 cohérents pour repenser le rôle de l’état ont été extrêmement rares. Au-delà de multiples contacts, réunions, stages, rapports officiels où on a quantifie le savoir-faire (know-how) de l’Ouest vers l’Est, au-delà de l’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne en 2007, il est évident qu’en absence d’une stratégie propre de développement culturel, les efforts des autorités publiques ont été dirigé plutôt vers une distribution proportionnelle des disponibilités fatalement limitées, pour que les divisions culturelles traditionnelles: littérature, théâtre, musique, film, arts plastiques, puissent être soutenues financièrement plus ou moins décemment. Marcel Iures dans Absolument - Theatre ACT, metteur en scène A. Dabija • photo: Archive ACT La gestion de ces efforts, agréable ou pas, non importante ou non intéressante, tient compte de l’exercice politique courant, du développement de la société démocratique dont la représentation opérationnelle se public a diversifié sa participation au social L’Artiste et l’Autorité trouve dans l’agenda politique du moment. et au politique ou civique, les préoccupations La période depuis 1989 jusqu’à maintenant Les arts du spectacle, plus particulièrement concernant sa propre condition de vie, pourrait être rangée aisément sous le slogan le théâtre, doivent encore lutter contre d’autoréalisation socioprofessionnelle sont de la transition, mais peut être décrite aussi l’uniformisation pratiquée, dans l’ancien plus pointues, plus astreignantes. Les coûts comme le commencement de la modification régime, par le traitement en bloc du public. de ces préoccupations sont plus grands des rapports entre Autorité et Artiste. Après la Barricadés derrière une idée désuète du qu’avant 1989 et aller au théâtre, comme suppression de la censure et des mécanismes répertoire, beaucoup de théâtres construisent on le sait, c’est maintenant uniquement de l’appareil politique et idéologique qui un profile artistique en relation avec le une option parmi beaucoup d’autres. l’ont mise en pratique, la position du théâtre public auquel ils sont destinés. En général, dans toutes les cultures des pays de l’Est le concept culturel implique, justement On pourrait expliquer ainsi le désespoir, commence à se modifier. C’est normal, mais, parce que les institutions culturelles sont l’angoisse, les réactions dures d’une partie en même temps, c’est un processus avec des subventionnées par l’argent public, la mise en du milieu théâtral qui demande maintenant, conséquences encore difficiles à évaluer. Un pratique d’une stratégie artistique par laquelle comme il en est arrivé plusieurs fois, la l’offerte culturelle corresponde autant à une trait générique du théâtre comme institution reconnaissance officielle de l’excellence connaissance réelle de l’audience, qu’à une dans les pays du « bloc soviétique » est donné de son art: par des lois, des décisions mise en évidence de la créativité artistique: par l’existence d’un seul circuit théâtral gouvernementales ou locales, des privilèges, de l’interprétation moderne de l’œuvre formé par le réseau des théâtres « d’état », des subventions plus importantes, etc. Le classique à l’expérimentation, jusqu’à des subventionnés par le budget centralisé de cortège, qui semble infini, des prix de toutes tentatives risquées qui favorisent la révélation l’état – par des modalités diverses – avec des sortes et au maximum de niveaux possibles, répertoires approuvés conformément à une significative de la créativité, tout peut c’est une caractéristique de ce désespoir, grille qui se modifie en fonction du concept contribuer au profile artistique. Par exemple, de cette angoisse. Le politique joue ici idéologique du parti unique. Si pour certains les programmes éducationnels dans l’activité aussi un rôle important car, tout comme occidentaux ce fait représente une anomalie, d’une institution théâtrale sont très rares avant 1989, suivant pratiquement le même dans les conditions d’une économie de marché, dans les premières quinze années après 1989, scénario, attirer les grands noms de la culture pour d‘autres c’est la raison d’une admiration et la création d’une relation plus profonde et de l’art dans sa sphère c’est une voie de nostalgique: il s’agit d‘un financement sûr entre l’acte culturel et des groupes définis légitimation, autant pour le Pouvoir que pour de l’acte théâtral sans lequel l’art du théâtre du public, et aussi la construction de l‘image l’Opposition. Mais très peu d’artistes se se trouverait dans une difficulté majeure. propre de l’institution dans la perspective de sont affirmés sur la voie d’une construction Si c’est un fait généralement établi qu’une son offerte culturelle, presque toutes sont civique; plus nombreux sont ceux qui ont fois avec la transition vers la démocratie et mortes noyées dans le jus de la subvention. désiré entrer dans divers partis politiques ou l’économie de marché, le soutien financier Les choses commencent à changer après se sont laissés enrégimentés. Ou qui préfèrent des communautés artistiques par l’autorité les années 2000 lorsque des groupes de s’auto isoler dans la profession. Très peu de de l’état a considérablement diminué dans jeunes créateurs de théâtre, dramaturges, professionnels du théâtre sont habilités pour les anciens pays communistes, il n’est pas curators, spécialistes de design son, lumières, proposer des modèles de management qui moins vrai qu’une fois avec ce processus ou en techniques multimédia commencent élimineraient des dysfonctions de statut de « retrait » de l’état des phénomènes à se manifester. Ceux-ci lancent une et salariaux dans le monde de la scène. nouveaux apparaissent, qui mettent en provocation à l’establishment théâtral, ils
tracent tous seuls leur chemin dans les des moyens de production de l’information. arts du spectacle en provoquant souvent Ce que nous sommes en train de parcourir des disputes concernant le conflit entre maintenant pourrait se dénommer aussi: générations. L’exemple significatif c’est l’information sur la culture est en concurrence le groupe dramAcum (2002) qui lance une acerbe avec la culture de l’information. Un 7 nouvelle relation entre le metteur en scène et Rapport du Conseil Européen des Artistes5, l’écriture du texte pour scène. Les spectacles partait alors du constat représenté par la des membres fondateurs, metteur(e)s en prolifération des nouvelles technologies scène (Andreea Valean, Gianina Carbunariu, et de l’audio-visuel au détriment de la Radu Apostol, Alexandru Berceanu) création et de la réception de l’art, de la affirment peu à peu la nouveauté du théâtre culture en général. La menace est reflétée roumain. Ils seront rejoints par Alexandra par l’absorption de la culture et de l’art par Badea, Vera Ion, Peca Stefan, Gabriel le milieu industriel et d’affaires jusqu’à un Pintilei, Mihaela Michailov, Ana Margineanu, tel point que l’imagination, comme élément et d’autres. Parmi les voix critiques qui essentiel de l‘évolution spirituelle, tend à être L'annee disparue 1989, metteur en scène Ana Margineanu écrivent, interviennent publiquement, expulsée de son milieu d’origine – la création • photo: Andrei Runcanu agissent pour déterminer le changement culturelle et artistique, les artistes et les gens ou l’arrêt des évolutions négatives dans de culture – pour devenir l’apanage du moyen le monde du théâtre roumain et dans la de production aligné au standard de l’affaire par exemple, introduisent constamment relation Etat/Autorité et Théâtre, il y a des (business) et du marketing. Dans un mot, la de nouveaux types de pièces de théâtre, personnalités des générations différentes, sphère de la culture, de l’art, et spécialement revigorent le paysage, avec également les des plus anciennes (Miruna Runcan, Marian de l’art du spectacle, est modelée d’après efforts des jeunes metteurs en scène pour Popescu) et des plus récentes (Cristina l’orientation du développement économique. prospecter des auteurs et des dramaturgies Modreanu, Iulia Popovici). Interviennent Mais, pour la création théâtrale de la nouvelle rarement fréquentées en Roumanie. publiquement aussi des acteurs et des actrices génération, affirmée après 2000, qui, de En dépit d’un accès plus libre à l’information des générations plus anciennes (Victor surcroît, utilise les nouvelles technologies spécialisée, la mentalité de ghetto est Rebengiuc, Oana Pellea) ou des plus récentes intensivement, de manière expérimentale, continuellement ressentie au niveau de (Marius Manole). Les metteurs en scène ceci témoigne aussi de l’appétit pour l’art du spectacle. Des difficultés d’ordre interviennent très peu dans le débat public. modifier l’acte réceptif. Beaucoup de jeunes matériel, le financement précaire de l’acte Il est évident qu’en Roumanie depuis plusieurs créateurs et interprètes, qui désirent évoluer artistique, en général, l’absence d’une années, la tension créée entre l’adaptation en dehors du système subventionné, ne assistance managériale authentique, les des structures de type français, suivant la sont pas tellement confrontés à la « peur » oscillations et les confusions créées par tradition culturelle du siècle dernier – visible des nouvelles technologies, mais, surtout, les imprécisions du système législatif, la en ce qui concerne l’évolution de l’idée de aux grandes contraintes économiques condition de l’enseignement supérieur d’art répertoire – et la connaissance plus récente et financières. Produire un spectacle où le changement, la restructuration du des éléments de la pratique de la zone indépendant même aujourd’hui, en programme et des opportunités d’étude britannique, se retrouve aussi dans la situation 2019, c’est une aventure stressante. sont encore des sujets tabou, déterminent du théâtre comme institution en relation seulement maintenant – dix ans après 1989, et avec la subvention, pendant les premières Le danger de la mentalité de ghetto d’une manière aléatoire – la déstructuration deux décennies de cette période. Héritée Après 1989, jusqu’à la fin des années 90, le du système théâtral de la période d’avant de ce système d’avant 1989, la subvention théâtre roumain circule beaucoup à l’Ouest 1989. Il n’y a pas encore une vision concernant couvre 95% des coûts totaux de l’institution et moins à l’Est. J’ai souvent eu l’occasion de la nouvelle manière de fonctionner du théâtre théâtrale jusqu’à la fin des années 90 quand constater l’ignorance des valeurs authentiques de répertoire dans la Roumanie d’aujourd’hui. elle commence à diminuer légèrement. A de la littérature dramatique de l’Europe Après 1989, les générations plus jeunes des commencer avec 1997, la subvention repartie Centrale et de l’Est. Le répertoire de nos metteurs en scène, des écrivains pour le aux théâtres couvre d’abord et surtout le théâtres était le miroir fidèle de la précarité théâtre, des curators d’actions théâtrales fond des salaires, au détriment des coûts de de la prospection du répertoire tant pour les ou des acteurs et des actrices affirment de production et d’image des spectacles. C’est pièces de l’Ouest que de l’Est. Il y avait aussi nouvelles manières de faire du théâtre ou aussi aujourd’hui le grand problème des des exceptions. Ce que je veux dire c’est que le de lancer des sujets, au-delà du modèle théâtres qui, par le retard ou le refus des facteur conjoncturel est devenu essentiel dans conservateur de beaucoup de théâtres changements structuraux qui devaient être la configuration des options du répertoire. de répertoire. Le programme « Seeding a réalisés par l’action du gouvernement, sont Des modifications apparaissent spécialement Network », que j’ai coordonné pur l’UNITER confrontés à la perspective de la stagnation, après 2000 lorsque des préoccupations plus pour la partie roumaine pendant quatre ans à l’impossibilité de se développer. Ou à insistantes apportent de nouveaux textes du de 1991 à 1995, en collaboration avec LIFT la dépense inefficace de la subvention. théâtre des années 90 sur la scène du Théâtre Festival de Londres et Royal National Theatre, Act, théâtre indépendant, à l’Odéon et dans L’année électorale 1996 a coïncidé avec une a été la première intention structurée de quelques autres théâtres subventionnés. préoccupation de plus en plus insistante des provoquer des mutations – par un schéma L’effort de certains traducteurs, qui, à organismes culturels internationaux, plus de job shadowing – dans les habitudes des l’instar de Victor Scoradet, Carmen Vioreanu, précisément européens, concernant le statut praticiens roumains, mais aussi de donner une de l’artiste, la condition de l’art, de la culture 5. Arts and Mass Media, Rapport de l’European Council chance aux partenaires de l’Ouest de connaître dans le contexte de l’offensive généralisée of Artists, Aarhus, Danemark, Septembre 1996. sur place le potentiel et le mode expressif
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