ÉNONCÉ DE POSITION réduction des méfaits - Pour une régulation saine et responsable - AQCID
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ÉNONCÉ DE POSITION réduction des méfaits Pour une régulation saine et responsable des substances psychoactives 1 Énoncé de position en réduction des méfaits AQCID - février 2020
Association québécoise des centres d’intervention en dépendance (AQCID) Énoncé de position : Pour une régulation saine et responsable des substances psychoactives Rédigés par : Christina Blier, Coordonnatrice aux services cliniques, AQCID Julien Montreuil, Président du comité permanent en réduction des méfaits Supportés par : Les membres du comité permanent en réduction des méfaits de l’AQCID Révision : Vincent Marcoux, Directeur général, AQCID Alexandre Ratté, Directeur adjoint, AQCID Révision linguistique épicène : Marion Brodeur-Laperrière Correction : Emmanuelle Durand, Adjointe de direction, AQCID Conception graphique : Caren Leblanc, Coordonnatrice des communications, AQCID Coralie Lemay, Agente à la vie associative, AQCID
TABLE DES MATIÈRES 2 INTRODUCTION ANGLE 1 REVOIR LES POLITIQUES 5 SUR LES SUBSTANCES PSYCHOACTIVES ANGLE 2 DÉPLOYER 12 L’APPROCHE DE RÉDUCTION DES MÉFAITS 20 RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS INDEX
INTRODUCTION Ce document est le fruit d’une réflexion l’énoncé, contribuent à amplifier la stigmati- concertée entre l’Association Québécoise des sation, sont basés sur des principes moraux centres d’intervention en dépendance ainsi et non scientifiques et représentent une que de groupes concernés issus du réseau embûche majeure dans la reconnaissance de la dépendance et de l’usage de subs- de l’approche de réduction des méfaits. tance. Lors de l’année 2018-2019, l’AQCID a Dans un deuxième temps, le déploiement de mis en place un nouveau comité permanent l’approche de réduction des méfaits comme en réduction des méfaits et a pu sonder ce approche à considérer pour toute situation dernier sur leurs préoccupations et enjeux en lien avec l’usage de substances (dans la vécus. De plus, le 18 avril 2019, un grand rallie- couverture médiatique, dans le système ment national sur la réduction des méfaits judiciaire, ou encore en santé et en services s’est tenu à Nicolet, à l’initiative de l’AQCID, sociaux) constitue le deuxième enjeu phare afin d’échanger et se mobiliser sur les grands à prioriser. Pour chaque enjeu, une mise enjeux développés dans cet énoncé de posi- en contexte est proposée afin d’étaler le tion. Des organisations communautaires et portrait actuel de cette réalité, suivie d’une du réseau de la santé de partout au Québec liste de recommandations. se sont mobilisées et leurs commentaires ont pu alimenter le présent énoncé de position. QU’EST-CE QUE L’AQCID? L’AQCID est un regroupement national représentant plus de 100 organismes S OBJECTIFS DE L’ÉNONCÉ communautaires, œuvrant au sein du réseau DE POSITION en dépendance et usage de substance. L’AQCID constitue ainsi l’organisation la plus • Consolider les grands prin- représentative du milieu des dépendances cipes et la philosophie de l’ap- regroupant des organismes de réduction proche de réduction des méfaits; des méfaits, des centres de prévention et • Développer un langage commun, des centres de traitement. Au cœur de ses rassembleur et une pensée valeurs et de celles de ses membres, le parte- commune de la réduction des nariat permet de fonder l’action de l’AQCID méfaits au sein du réseau en dépe sur des alliés qui partagent son désir de dance et usage de substance. travailler en collaboration et en concertation dans un souci de cohésion et de cohérence Le présent énoncé de position s’organise Mission autour de deux grands enjeux centraux, Regrouper, soutenir, mobiliser et repré- desquels découlent selon nous les défis senter les organismes communautaires et en lien avec la réduction des méfaits. Dans les organismes à but non lucratif offrant des un premier temps, les politiques actuelles services de prévention, de réduction des sur les substances psychoactives (prohibi- méfaits et de traitement de la dépendance tion versus libre-marché), enjeu phare de et de l’usage de substance au Québec. Énoncé de position en réduction des méfaits 2 AQCID - février 2020
COMITÉ PERMANENT personnes puissent profiter des bienfaits EN RÉDUCTION DES MÉFAITS et réduire les méfaits potentiels de l’usage Protagonistes, rôles, objectifs de substances, qu’elles soient légales ou En 2018, l’AQCID a mis en place un comité non. INTRODUCTION INTRO ET DÉFI- permanent en réduction des méfaits. Ce comité a pour mandat de réfléchir et d’agir Au cours de la dernière décennie, la ré- sur les enjeux rattachés à la réduction duction des méfaits a reçu une recon- des méfaits en lien avec le continuum de naissance grandissante à l’échelle inter- l’usage de substances. nationale. De nombreuses organisations recommandent de placer cette approche Le comité permanent en réduction des au cœur des réponses nationales au VIH, méfaits regroupe des organismes à but à l’hépatite C et à la consommation de non lucratif de partout au Québec adop- substances psychoactives1. La réduction tant dans leurs services une approche des méfaits, ou réduction des risques, de réduction des méfaits auprès de c’est se positionner d’humain à humain différentes personnes (jeunes, adultes, en faisant preuve d’écoute, d’un regard personnes âgées), dans différentes situa- positif et empathique. C’est travailler à tions de vie (marginalisation, itinérance, mettre en valeur l’action collective, et vi- judiciarisation, parentalité, VIH/Sida, ITSS, ser le développement d’environnements entre autres) et réalités d’intervention favorables (individus, familles, réseaux (défense de droits, travail de rue, travail du de pairs, communautés, quartiers, col- sexe, milieux festifs, dépannage alimen- lectivités), équitables et renforçant le taire, distribution de matériel, intervention pouvoir d’agir. Adopter l’approche de ré- de crise, hébergement transitoire, etc.). duction des méfaits, c’est enfin travailler à développer des conditions favorables LA RÉDUCTION DES MÉFAITS à l’exercice de ses choix et au respect de Définition ses droits, en dépit d’un contexte sociétal La réduction des méfaits est une approche parfois peu facilitant. Adopter l’approche basée sur une attitude bienveillante et de réduction des méfaits, c’est rejeter humaniste, ayant comme principe que l’hu- tout rapport de force ou d’autorité dans main est en mesure de faire des choix plus l’intervention et respecter le rythme et positifs pour sa santé lorsqu’il a accès à du les besoins de la personne. C’est de tra- support, de l’éducation et que son pouvoir vailler à identifier ses propres préjugés et d’agir est favorisé. La réduction des méfaits défis personnels dans l’intervention afin est une approche par et pour, c’est-à-dire que ces derniers n’influencent pas notre que les personnes et les communautés travail. Enfin, c’est s’engager à défendre concernées sont impliquées dans la défi- les droits fondamentaux des personnes nition de leurs besoins, moyens et objec- avec qui nous collaborons et viser à ne tifs de réduction des méfaits. La réduction pas amplifier les inégalités sociales. des méfaits, c’est travailler à ce que les 3 Énoncé de position en réduction des méfaits AQCID - février 2020
GRANDS PRINCIPES DE L’APPROCHE2 01 Pragmatisme L’usage de substances est un phénomène universel qu’il est impossible d’éliminer. L’abstinence n’est pas nécessairement un indicateur de fonctionnement social et ne doit pas être visée à tout prix. Il est impératif de travailler à en limiter les risques plutôt que de condamner ou ignorer cette réalité. 02 Humanisme Les humains ont une tendance innée à vouloir se réaliser. Dans l’intervention, on mise sur des stratégies comme rejoindre les personnes dans leur milieu, agir dans le respect des droits et le renforcement du pouvoir d’agir. ÉVENTAIL DES INTERVENTIONS Travailler avec et aller vers les personnes pour Faire de la sensibilisation, prendre leurs besoins éducation sur les pratiques en considération à moindre risque Réduction des méfaits Aborder les situations et les Distribuer du matériel personnes dans leur globalité de consommation et de et ne pas aborder seulement la prévention des ITSS consommation Faire l’analyse de substances Énoncé de position en réduction des méfaits 4 AQCID - février 2020
ANGLE 1 REVOIR LES POLITIQUES SUR LES SUBSTANCES PSYCHOACTIVES Au Canada, la Loi réglementant certaines De surcroît, l’avancement de la recherche drogues et autres substances pénalise la scientifique dans le domaine de l’usage de possession de certaines substances psychoac- substances mettant en lumière les effets délé- tives. Le régime de répression des substances, tères de telles mesures ne s’est pas accom- en place depuis les années 60 (voir histo- pagné d’un allègement des régimes répres- rique), nous illustre que les intentions initiales sifs3. Ce régime de répression des substances d’éradiquer les substances psychoactives et psychoactives tire son origine de mouvements de protéger la population ont malheureuse- moraux et idéologiques et non de données ment non seulement raté leur cible, mais ont scientifiques, tel qu’illustré dans la ligne du ANGLE 1 également eu d’importants effets délétères. temps ci-dessous. 1.1 HISTORIQUE Canada Canada -1908 Canada -1911 International Canada -1920 Canada -1923 Avant 1908 Loi sur l’Opium Sont ajoutées la 1920 Prohibition de Y sont ajoutées Aucune loi (animosité envers morphine et la Convention interna- l’alcool (à partir de l’héroïne, n’interdit l’usage les personnes issues cocaïne tionale de l’opium 1900 au Canada la codéine et le de drogues de l’immigration (Allemagne, USA, Île du prince cannabis chinoise) Chine, France, UK Édouard/par (encadre l’usage de province) certaines drogues) Canada -1969 International -1961 International La Commission d’enquête sur Convention unique sur les stupéfiants à l’ONU. Années 60 l’usage des drogues à des fins Cette convention vise à limiter la production Les substances psychédéliques non médicales conclut en 1973 et le commerce de substances interdites en (LSD) sont utilisées pour la qu’il faudrait décriminaliser établissant une liste de ces substances (quali- recherche en santé mentale. la possession de marijuana. fiées de stupéfiants). On limite alors exclusi- Dès que les substances sont Marie-Andrée Bertrand, profes- vement « aux fins médicales et scientifiques la utilisées en consommation seure en Criminologie à l’Univer- production, la fabrication, l’exportation, l’impor- récréative, elles sont inter- sité de Montréal se positionne tation, la distribution, le commerce, l’emploi et la dites progressivement par les dès lors pour la décriminalisa- détention des [dits] stupéfiants. » gouvernements. tion de toutes les drogues. International 1971 États-Unis Grandes conventions États-Unis -1988 Convention sur les subs- Années 70-80 internationales 1961, 1971, 1988 Convention contre tances psychotropes « Guerre à la Les États-Unis sont le maître d’œuvre le trafic illicite des drogue » aux États-Unis (le tabac et l’alcool, dont les États-Unis stupéfiants et (Nixon et Reagan) sont de grands producteurs, des substances résistent à la prohibition). psychotropes 5 Énoncé de position en réduction des méfaits AQCID - février 2020
L’ensemble des substances disponibles, de la substance, en fidélisant sa clientèle qu’elles soient légales ou non, sont régies (programme SAQ Inspire), et en permettant par différents niveaux de régulation, allant une accessibilité accrue, la publicité et le de la prohibition au libre-marché en passant marketing de la substance. Ci-dessous sont par la régulation légale et responsable. La énumérés les différents modèles de poli- révision des politiques sur les substances tiques pour les substances psychoactives. est primordiale, autant pour les substances C’est le système de régulation légale et respon- illégales que légales, car nous assistons pré- sable, juste équilibre de l’éventail des modèles, sentement à des politiques polarisées de qui engendrait le moins de conséquences so- prohibition (substances illégales), en pas- ciales et de santé. sant par la régulation légale mais répressive (cannabis), puis une régulation laxiste (ta- 1.2 IMPACTS DES POLITIQUES bac), voire même un libre-marché (alcool). ACTUELLES SUR LES DROITS L’exemple de l’alcool est particulier en ce DE LA POPULATION sens que l’État s’est calqué sur les principes Dès 1969, le rapport Ouimet5 stipulait que du libre-marché pour légiférer, en bénéfi- « le recours au droit criminel devrait n’être ciant financièrement de la consommation utilisé que lorsque des impératifs sociaux Tableau de l’éventail des modèles de politique sur les substances psychoactives à interdit pour les 18 à 20 ans. . Fumeurs étiquettes Énoncé de position en réduction des méfaits 6 AQCID - février 2020
ne peuvent en limiter l’incidence ». Dans un des substances. Le souhait de rendre les subs- rapport de 2014, l’ACSP6 s’est positionnée tances moins traçables, plus faciles à exporter, clairement en déclarant que les politiques plus puissantes et plus rentables est indénia- de santé publique doivent être basées sur blement alimenté par le système de prohibi- les principes de justice sociale, tenir compte tion. Les substances disponibles sur le mar- des droits de la personne et de l’équité et ché illicite sont imprévisibles, et le régime de être basées sur les données probantes et les criminalisation entraîne la création constante déterminants de la santé. Ainsi, les politiques de nouvelles substances, ajoutant aux risques publiques doivent en principe donner une auxquels s’exposent les personnes qui choi- chance égale à tous d’être en bonne santé. sissent de consommer des substances. Selon Utiliser le régime de prohibition et la judiciarisa- le même rapport, 70% des nouvelles subs- tion creuse les inégalités sociales en matière de tances identifiées l’ont été au cours des cinq santé et ne permet pas d’adresser, voire même dernières années. Ces substances sont créées amplifie les enjeux de santé publique pouvant afin de contourner la réglementation liée aux être associés à la consommation de substances. substances placées sous contrôle, laissant la ANGLE 1 personne qui consomme devant des subs- 1.3 IMPACTS DU RÉGIME tances de nature et de puissance inconnues, DE PROHIBITIONS donc imprévisibles. Une partie de la probléma- SUR LES PRODUITS tique de la crise des surdoses actuelle réside jus- La Commission globale de politique en ma- tement dans le fait que les substances retrouvées tière de drogues, dans son rapport de 20187, dans la rue sont non régulées8. Les personnes déclare que la prohibition en soi tend à être n’ont donc aucun moyen de savoir exactement responsable de l’augmentation de la puissance ce qu’elles consomment. La loi d’airain de la prohibition9 Plus la répression est forte, plus les substances deviennent puissantes. (+) 7 Énoncé de position en réduction des méfaits AQCID - février 2020
1.4 IMPACTS SUR LE DROIT tendent à appliquer les approches les plus puni- À LA SANTÉ tives »13. L’Office des Nations unies contre la Au cœur de la crise des surdoses, nous soute- drogue et le crime a reconnu que la « Guerre nons que le régime de prohibition actuel a aux drogues » a généré des conséquences ralenti de façon notable l’intervention. Au négatives, notamment la « création d’un Canada, 3200 personnes sont mortes suite marché criminel, l’attribution des ressources, à une surdose apparente d’opioïdes entre pouvant être allouées en santé, au système janvier et septembre 2018. Depuis janvier juridique, la multiplication de nouvelles 2016, ce sont plus de 14 000 personnes10 drogues et enfin la stigmatisation et la margi- qui ont perdu la vie suite à une surdose nalisation des personnes qui consomment d’opioïde au Canada. Au Québec, ce sont 543 des substances14 ». Rappelons enfin que les personnes qui sont décédées d’une intoxica- politiques de « Guerre aux drogues » contre- tion suspectée aux opioïdes ou d’autres subs- viennent aux piliers de la mission des Nations tances entre janvier 2018 et mars 2019. L’accès Unies : la paix, la sécurité, le développement et à la naloxone, antidote aux opioïdes, n’est les droits humains. toujours pas optimal malgré un programme de naloxone communautaire au Québec. Pour les personnes incarcérées, il est actuelle- ment impossible de se procurer la naloxone. Impacts de la prohibition Le nombre d’organismes communautaires sur la personne qui consomme autorisés à distribuer la naloxone de façon des substances anonyme et confidentielle est toujours insuf- fisant, et il nous est difficile de s’expliquer la • Devoir s’en remettre au marché lenteur de ce déploiement. Enfin, malgré la Loi illégal pour se procurer la subs- du bon samaritain11, des craintes subsistent tance et donc à une substance non quant au recours aux services d’urgence lors contrôlée et imprévisible; d’une surdose par peur de la judiciarisation • Consommer dans des conditions parfois à haut risque par peur Le présent régime de prohibition des drogues, des représailles (consommer en ayant comme but ultime d’engendrer un solitaire, dans des conditions non « monde sans drogues », coûterait plus de hygiéniques, avec du matériel non 100G$ chaque année, alors que le nombre stérile); de personnes consommant des drogues est • Vivre des préjugés et de la stigma- toujours estimé à 246 millions de personnes à tisation (se voir attribuer l’étiquette travers le monde. Le marché illicite des drogues de personne qui consomme des est enfin estimé à 320G$12. Les conséquences substances psychoactives) et donc de la prohibition sont largement documen- avoir moins recours aux services tées et l’intérêt d’une révision des politiques de santé et sociaux. De plus, ces sur les substances psychoactives est avancé services sont, dans plusieurs cas, par plusieurs instances de santé publique insuffisants, inégaux et incohérents du pays, mais également par certaines avec les données scientifiques; organisations internationales. Il s’avère que • Subir les conséquences de la judi- « les pays présentant les taux les plus élevés de ciarisation. décès liés à l’usage de [substances] sont ceux qui Énoncé de position en réduction des méfaits 8 AQCID - février 2020
1.5 IMPACTS SUR LE DROIT pour possession simple de drogues, compa- À LA SÛRETÉ, À L’INTÉGRITÉ, rativement à une sous-représentativité des À LA LIBERTÉ, À L’ÉGALITÉ arrestations pour trafic. Par exemple, les En 2018, un rapport publié par la chercheure taux d’arrestation pour possession simple ont Susan Boyd15 a permis un éclairage complet doublé depuis 1991, alors que les arrestations sur le portrait de la population carcérale au pour trafic, importation, exportation et produc- Canada. Entre autres, ce rapport illustrait tion ont diminué de 10% entre 2012 et 2013 et une sur-représentativité des arrestations de 35% de 2003 à 2013. Quelques statistiques 2017 72% ANGLE 1 90,625 de toutes ces 42% arrestations liées arrestations étaient de ces arrestations aux drogues liées à la possession étaient liées à la ont eu lieu au possession simple de simple de substances Canada cannabis psychoactives Ce même rapport a permis d’illustrer une forte augmentation des arrestations pour possession simple : 2 219 8 996 arrestations arrestations pour possession pour possession simple d’héroïne au Canada de méthamphétamine (contre 464 en 2010) (contre 1 523 en 2010) Selon Statistiques Canada, en 2013, 67% des infractions relatives aux drogues déclarées par la police concernaient le cannabis. De ces déclarations, 80% étaient relatives à des affaires de possession simple. 9 Énoncé de position en réduction des méfaits AQCID - février 2020
RECOMMANDATIONS Tel qu’exposé dans la première partie Une révision en profondeur des politiques de cet énoncé de position, le système de sur les substances psychoactives doit politiques actuel criminalisant l’usage de avoir lieu sans plus attendre. La mise en substances engendre une problématique place d’un système de régulation légale systémique de l’approvisionnement en et responsable des substances psychoac- substances, aux pratiques de consom- tives impliquerait la définition et l’éta- mation, à la recherche d’aide lorsqu’une blissement de règles claires et de para- personne présente une problématique de mètres dans l’intérêt de la santé publique consommation. En attendant une révision et selon des appuis scientifiques. Ainsi, des politiques permettant l’accès à des subs- nous considérons que le juste équilibre tances régulées, le soutien d’un système entre le marché criminel non régulé et le d’approvisionnement sécuritaire ainsi que libre-marché légal s’impose. Des règles des services d’analyse de substances s’im- comme la vente dans des lieux dési- posent. Nous en profitons pour rappeler gnés, l’interdiction de vente aux moins de que les politiques de guerre aux drogues 18 ans ou encore des emballages neutres font la guerre aux personnes qui consom- et sécurisés sont nécessaires et impor- ment des substances, et que plusieurs stra- tants. Le schéma ci-dessous illustre que tégies de réduction des méfaits ne font que la projection des impacts au niveau sani- pallier à un système qui devrait être révisé taire et social est la plus faible lorsque l’on en profondeur. Les services ci-dessous assiste à un marché légal régulé, alors que devraient être rendus disponibles systé- les dommages sont les plus importants matiquement par l’entremise des Centres lorsque les marchés ne sont pas régulés d’accès au matériel d’injection. (expliquant notamment pourquoi l’alcool engendre de nombreuses conséquences Système d’approvisionnement sécuritaire malgré que la substance soit légale). L’approche d’approvisionnement sécuri- taire pourrait permettre de garantir l’accès La régulation réduit les dommages à une substance régulée et de qualité, sans sanitaires et sociaux 16 égard à la classe sociale de la personne qui en fait l’usage. En 2017, Marché Marché 60% des personnes décédées criminel légal non régulé non régulé d’une surdose n’étaient pas des personnes consommant des opioïdes, mais plutôt (sanitaires et sociaux) des stimulants contaminés Dommages par le fentanyl17. Un système d’approvisionnement sécuri- taire devrait donc, toujours en l’attente d’un système légal et régulé de substances psychoactives, inclure une panoplie de substances, Dépénalisation Régulation Prohibition et réduction légale Régulation Accès sans dont la cocaïne, la MDMA, la laxiste restriction des risques responsable psilocybine, entre autres. Énoncé de position en réduction des méfaits 10 AQCID - février 2020
Services d’analyse de substances Pour faire un choix éclairé lié à sa OBJECTIFS DE LA MISE EN consommation, la personne désirant PLACE D’UN SYSTÈME DE faire l’usage de substances psychoactives SUBSTANCES LÉGALES ET peut recueillir une panoplie d’informa- RÉGULÉ DE FAÇON SAINE tions et mettre en place de nombreuses ET RESPONSABLE stratégies de réduction des méfaits. Or, cette dernière se heurte au problème que • Mieux connaître et contrôler la dans plusieurs cas, les concentrations composition et la qualité des subs- et compositions des substances sont tances; inconnues et donc imprévisibles. Il est • Enrayer la stigmatisation des donc primordial, en l’attente d’un système personnes qui consomment des légal et régulé de façon responsable de substances; substances psychoactives, de permettre • Encourager l’accès aux services de l’analyse des substances. Lorsque les réduction des méfaits et d’aide psycho- personnes procèdent à l’analyse de leur sociale pour les gens dans le besoin ; ANGLE 1 substance, elles ont ensuite la réelle • Traiter les substances psychoactives possibilité de faire un choix éclairé sur et donc leur consommation avec un leur consommation, en choisissant, dans langage neutre et ouvrir le dialogue les cas où la composition ne correspond • Mettre fin à la judiciarisation des pas au produit attendu, ou lorsque le personnes qui consomment des produit contient du fentanyl ou ses drogues; dérivés, de réduire leur dose, ou de ne • Respecter les droits humains fonda- pas consommer en solitaire, par exemple. mentaux; • En cessant la répression associée à Il est impératif que notre système politique la criminalisation des drogues, dimi- soit en mesure, d’une part, de donner nuer le financement des structures les moyens à la population de prendre juridiques pour le rediriger vers des soin de sa propre santé, et, d’autre part, services et soins de santé physique d’orienter efficacement les personnes qui et psychosociale de qualité pour les pourraient désirer recevoir des services personnes qui consomment des de santé. Il va sans dire que les personnes substances18 ; qui utilisent des substances psychoac- • Rediriger les fonds recueillis par la tives doivent être impliquées dans le vente des substances pour mettre processus de révision des politiques. en place des politiques publiques Il est impératif que les personnes qui en santé et services sociaux et éviter vivront les effets des politiques mises que cet argent alimente les marchés en place soient incluses dans la planifi- criminels; cation et les processus réflexifs liés aux • Mettre en place un processus d’am- politiques sur les substances psychoac- nistie pour les personnes qui ont un tives. Tel que mis de l’avant par l’Asso- dossier criminel lié à la possession ciation Québécoise pour la promotion de simple de substances psychoactives. la santé des personnes qui utilisent des drogues, « Rien à notre sujet sans nous! ». le 11 Énoncé de position en réduction des méfaits AQCID - février 2020
ANGLE 2 DÉPLOYER L’APPROCHE DE RÉDUCTION DES MÉFAITS Devant les preuves de son efficacité19, nous preuves de l’efficacité de l’approche de réduc- statuons que l’approche de réduction des tion des méfaits et son implantation de façon méfaits doit être prise en considération pour large et universelle dans le domaine de l’usage toute intervention en lien avec l’usage de subs- de substances. tances. Son implantation devrait être incon- tournable dans les programmes de formation initiale en intervention psychosociale, dans le EFFICACITÉ DE L’APPROCHE réseau communautaire, le réseau de la santé DE RÉDUCTION DES MÉFAITS21 et des services sociaux, les milieux juridiques et correctionnels et dans le milieu médiatique. • Une réduction des pratiques à Considérant que l’approche de réduction des risque (réduction de la fréquence méfaits englobe des attitudes en plus des des injections de substances connaissances, nous croyons que ces dernières psychoactives) et de la transmis- notamment la compassion, le pragmatisme, sion des ITSS (en particulier du VIH l’humanisme, la bienveillance, le respect et et de l’hépatite C) (INSPQ, 2007) ; la protection des droits humains devraient • Diminution du risque de surdoses faire partie inhérente de ces programmes de et du nombre de décès par formation. Le Rapport sur le suivi mondial de surdose, badtrip ou mauvaise la lutte contre le sida (2018)20 met en évidence expérience; de nombreux exemples des bienfaits de • Amélioration de l’état de santé l’approche de réduction des méfaits. Il y est général et de la qualité de vie exposé que la combinaison des interventions des personnes faisant l’usage de de distribution de matériel stérile et la dispo- substances (baisse de la morbi- nibilité des traitements par agonistes opioïdes dité et de la mortalité associées à contribuent à diminuer la prévalence du VIH la consommation de substances sans augmenter les taux de consommation. psychoactives, retour facilité à l’emploi, amélioration des rela- Pour assurer une cohérence entre les preuves tions sociales); scientifiques de l’efficacité de l’approche et • Amélioration de l’observance du son implantation de façon systématique, nous traitement antirétroviral pour les soutenons que la consommation de subs- personnes infectées par le VIH ; tances doit sortir d’un cadre moral et prohi- • Diminution de la criminalité asso- bitif, tel que décrit dans la première section de ciée à l’usage de substances cet énoncé de position. En outre, notre hypo- psychoactives et de ses consé- thèse est que, en partie, la stigmatisation dont quences (frais de justice, coût des sont la cible les personnes qui font l’usage de incarcérations, etc.). substances entraîne cette dissonance entre les Énoncé de position en réduction des méfaits 12 AQCID - février 2020
2.1 LA STIGMATISATION retrouvent parfois en rapport de pouvoir et EN TRAME DE FOND d’autorité et leurs interventions ont un impact La stigmatisation se définit comme : « les important sur les personnes. croyances et attitudes négatives à propos d’un groupe de personnes du fait de leur situation Exemples de langage26 personnelle. Elle inclut la discrimination, les pré- abus de drogues consommation de substances psychoactives jugés, les jugements, l’exclusion et l’application de stéréotypes ainsi que d’étiquettes négatives22 personne qui consomme/ drogué utilise des substances ». Les personnes qui vivent de la stigmatisation psychoactives en viennent parfois à s’auto stigmatiser, c’est-à- toxicomane/ personne qui présente une problématique liée à l’usage dire à internaliser les perceptions sociales à leur addict/accro de substances égard et croire que ces étiquettes et opinions drogue/stupéfiant/ substance psychoactive négatives sont méritées et justifiées23). narcotique ex-toxicomane personne en rétablissement La guerre aux «drogues» (voire la guerre aux per- sonnes qui font l’usage de drogues) engendre et L’utilisation d’un langage stigmatisant dans exacerbe plusieurs des conséquences associées la couverture médiatique à l’endroit des per- à l’usage de substances (notons la judiciarisa- sonnes qui utilisent des substances contribue tion, l’exclusion sociale, l’accès inégal à des soins à limiter la recherche d’aide et à l’internalisation de santé et services sociaux), est en soi discrimi- des préjugés. Suite à la tenue d’une journée natoire et va à l’encontre des droits humains. organisée par l’AQCID pour discuter de l’im- ANGLE 2 Or, la Charte des droits et libertés devrait avoir portance des enjeux discutés dans ce présent préséance sur tous les autres traités24. L’usage énoncé de position, la couverture médiatique de substances est souvent perçu à tort et unila- reçue pour l’événement regroupait les titres téralement inacceptable, voire même criminel, « Les drogues dures font des ravages28», et « Pré- encourageant la généralisation envers les per- venir les ravages de la drogue29», entre autres, sonnes qui consomment des substances. alors que la journée discutait justement de l’im- pact de ce genre de propos. Nous estimons que Or, l’usage de substance est un comportement, la perception sociale empreinte de généralisation une stratégie pour répondre à différents besoins et de préjugés des personnes qui consomment et est donc lié à la santé et aux choix individuels des substances est un frein principal au déploie- et non à la criminalité en soi. Pourtant, les per- ment de services efficaces, universels et de qua- sonnes qui consomment des substances psy- lité, que ce soit dans le domaine de la santé et choactives sont souvent perçues de façon néga- services sociaux, en éducation, ou encore dans tive et se font attribuer une panoplie d’étiquettes. les milieux festifs. De plus, la stigmatisation est Les personnes œuvrant dans ce milieu ne sont un frein à la recherche d’aide et au rétablisse- pas à l’abri de tels préjugés et toutes devraient ment30. La prohibition et les mesures de répression procéder à une réflexion quant aux attentes et tendent enfin à affecter davantage les personnes croyances à l’égard de la consommation et des combinant plus d’un facteur de vulnérabilité dans le personnes qui consomment des substances. contexte social actuel (par exemple être une femme, De plus, le langage utilisé et les préjugés chez appartenir à la communauté LGBTQ2+, s’identifier les professionnels de la santé ont un impact comme une personne racisée, vivre sous le seuil sur la qualité des soins offerts25. N’oublions pas de revenu viable, l’incarcération, entre autres31 qui que les spécialistes du domaine de la santé se vivent souvent déjà de la stigmatisation. 13 Énoncé de position en réduction des méfaits AQCID - février 2020
Recommandations des grands centres (plusieurs médecins • Les institutions doivent se doter de refusent de le prescrire, pour de multiples politiques claires dans le but de pros- raisons33), les services disponibles sont crire les comportements et propos stig- parfois cadrés dans une structure oppres- matisants à l’interne; sante et restrictive. Les personnes ne sont • Le langage à la première personne (ne parfois reçues qu’à partir d’une demande pas réduire quelqu’un à un comporte- pour cesser l’usage. Dans certains cas, ment) doit être adopté en tout temps; les personnes sont maintenues dans un • Les efforts doivent être multipliés pour système de “privilèges” ou sont exclues sensibiliser les médias, les spécialistes des programmes de traitement pour et la population générale à l’impact avoir consommé. Nous croyons que les du langage utilisé pour désigner les préjugés dont font l’objet les personnes personnes qui utilisent des substances qui consomment des substances affectent psychoactives; négativement la qualité des soins et • Les services en réduction des méfaits services auxquels elles ont accès. Encore doivent être identifiés de façon systé- aujourd’hui, les personnes qui consom- matique dans les campagnes de sensi- ment des substances sont souvent perçues bilisation grand public. comme responsables de leurs probléma- tiques de santé34. 2.2 UN ACCÈS RESTREINT À DES SERVICES DE SANTÉ Recommandations DE QUALITÉ • Mettre un terme au système de « privi- Tel que reconnu en 2017 par 12 agences des lèges », non appuyés de façon suffi- Nations Unies, les personnes qui utilisent des sante35 par des études scientifiques et substances psychoactives font l’objet d’un permettre aux personnes d’accéder à niveau élevé de stigmatisation et de discri- leur prescription de façon modulable mination dans leur accès aux services de et adaptée à leurs besoins; santé32. Concrètement, les personnes qui • Revoir le concept de « salle d’attente » utilisent des substances font toujours face pour salle « d’accueil »; à des critères restrictifs dans leur accès • Mettre un terme à l’utilisation des tests aux soins, notamment le traitement par urinaires comme mesure de contrôle, agoniste opioïdes*. En plus d’être diffi- tel que spécifié dans les recommanda- cilement accessible surtout en dehors tions du CRISM; * Le traitement par agonistes opioïdes (TAO) est une thérapie efficace contre la dépen- dance aux opioïdes comme l’héroïne, l’oxycodone, l’hydromorphone (Dilaudid), le fentanyl et le Percocet. Les personnes qui reçoivent un TAO prennent de la méthadone (Methadose) ou de la buprénorphine (Suboxone), des agonistes des opioïdes. Ces médi- caments empêchent le sevrage et réduisent les états de manque d’opioïdes. Le TAO aide les personnes qui ont une dépendance aux opioïdes à se stabiliser et à réduire les méfaits liés à leur usage de drogue. (Camh) Énoncé de position en réduction des méfaits 14 AQCID - février 2020
• Offrir des services à haut seuil d’adap- et au VHC (45%) sont élevés chez les déte- tabilité et bas seuil d’exigences, c’est-à- nues autochtones. De façon générale, les dire des services flexibles, centrés sur taux de VIH seraient 10 fois plus élevés chez les besoins des personnes, dépourvus les personnes incarcérées et les taux de VHC de jugements moraux, par et pour les 30 fois plus élevés que pour la population personnes qui utiliseront ces services; générale38. Or, malgré les preuves liées à • Que le personnel infirmier praticien l’effet positif des programmes d’échanges spécialisé en soins de première ligne de seringues en prison rapportées par de (IPSPL) puisse prescrire les traitements nombreuses organisations (ASPC, OMS, par agonistes des opioïdes; ONUSIDA, ONUDC, AMC, Commission • Impliquer les personnes ayant un vécu canadienne des droits de la personne), en lien avec la consommation de subs- ces programmes ne sont pas disponibles tances psychoactives dans le dévelop- dans les prisons provinciales au Québec. pement, la mise en place et le déploie- Nous savons pourtant que l’incarcération ment des programmes liés à l’usage est un important facteur de risque pour le de substances; partage de matériel, mettant la personne • Offrir des services en lien avec l’usage à risque pour le VIH, le virus de l’hépatite C de substances permettant de main- et plusieurs types d’infections, les femmes tenir une consommation selon les et les personnes autochtones étant encore désirs de la personne; plus à risque39. En Ontario plus spécifique- ment, entre 2006 et 2013, une surdose sur 2.3 DES SERVICES INSUFFISANTS ANGLE 2 10 a touché les personnes incarcérées dans AU SEIN DU SYSTÈME JURIDIQUE l’année suivant leur libération40. ET DES MILIEUX CARCÉRAUX Aborder la consommation de substances en Recommandations judiciarisant les personnes qui consomment • Éviter l’incarcération pour des com- contribue à amplifier les conséquences de portements liés à la possession ou la la consommation. En milieu carcéral, les consommation de substances psy- services en réduction des méfaits sont choactives; clairement insuffisants et des mesures • Mettre en œuvre des programmes de doivent être prises immédiatement, car réduction des méfaits en milieu car- la population carcérale est un groupe céral en collaboration avec les orga- particulièrement à risque pendant l’incar- nismes communautaires; cération, mais aussi post-incarcération. • Rendre disponibles des outils liés à la Dans une étude de Service correctionnel réduction des méfaits en prévision de Canada (2007), il a été estimé que 17% la sortie du milieu carcéral (libération des hommes et 14% des femmes s’étaient conditionnelle/libération); injecté des substances pendant leur incar- • Établir et maintenir des modes de com- cération36. La moitié de ces personnes munication continue entre les pro- ont également déclaré avoir « partagé du grammes de réduction des méfaits et matériel d’injection, y compris avec des les autorités policières. personnes atteintes du VIH ou du VHC37 ». Des données alarmantes rapportent de plus que les taux d’infection au VIH (6,03%) 15 Énoncé de position en réduction des méfaits AQCID - février 2020
2.4 UN RÉSEAU COMMUNAUTAIRE formation initiale (travail social, sexo- INSUFFISAMMENT SOUTENU logie, psychologie, éducation spécia- L’action communautaire au Québec, tout lisée, psychoéducation, droit, services comme l’approche de réduction des méfaits, correctionnels, police, soins infirmiers, tire son origine de mouvements sociaux. Le médecine, administration publique, milieu communautaire vise à engager les journalisme, etc.)). personnes concernées, à favoriser leur pou- voir d’agir et à les impliquer dans la réflexion 2.5 DÉPLOIEMENT et les actions. Il est également important de DES ACTIONS LIÉES À LA prendre en considération que les individus RÉDUCTION DES MÉFAITS ont parfois un vécu traumatique et négatif en lien avec le réseau de la santé et les institu- 2.5.1 DAVANTAGE DE SITES DE tions en général. Le milieu communautaire CONSOMMATION SUPERVISÉE doit par conséquent être considéré comme Au Canada, on compte actuellement 46 un partenaire ayant une approche complé- sites de consommation supervisée, situés mentaire à celle du réseau de la santé. Dans exclusivement en Alberta, au Québec, le domaine de l’usage de substances, les mi- en Colombie-Britannique et en Ontario. lieux communautaires travaillent en étroite Depuis 2017, quatre sites sont disponibles collaboration avec les équipes de recherche au Québec, pour l’instant centralisés à dans le domaine, emploient un personnel Montréal. La région de Québec, en dépit formé et habileté, et sont donc spécialistes d’un travail de longue haleine ces dernières de leur secteur d’intervention au même années, peine encore à obtenir son site titre que le réseau public. Le milieu com- de consommation supervisée, devant des munautaire utilise des approches différentes, nombreux défis, notamment d’accepta- novatrices, flexibles et davantage basées sur bilité publique. Les instances gouverne- l’implication des personnes ayant recours aux mentales et du réseau de la santé doivent services. Cette diversité permet de varier l’ap- donc procéder à une analyse des obstacles proche de services pour les individus. rencontrés et travailler à y remédier. Disso- cier ces démarches du cadre politique et d’ac- Recommandations ceptabilité publique : c’est une question de • Bonifier le financement à la mission santé. des organisations communautaires qui En 2017 seulement, il est estimé que 3,996 travaillent directement dans les milieux surdoses mortelles auraient pu être évitées de vie des personnes concernées; si des changements majeurs au niveau des • Inclure le milieu communautaire en tant politiques avaient eu lieu. Parmi ces décès. qu’acteur à part entière dans les plans 93% étaient accidentels. Depuis 2016, au d’action gouvernementaux; Canada, près de 14 000 personnes sont • Respecter l’autonomie des groupes décédées d’une surdose d’opioïdes (acci- communautaires; dentelle dans 94% des cas), le fentanyl • Mettre en place des collaborations étant identifié dans 73% des cas. systématiques entre les milieux commu- nautaires et les milieux d’enseignement En plus de sites de consommation super- et de recherche pour faciliter le trans- visée, qui sont en soi également de sites fert des connaissances (programmes de de prévention des surdoses, de nombreux Énoncé de position en réduction des méfaits 16 AQCID - février 2020
sites de prévention des surdoses ont été • Permettre aux organismes de déposer mis sur pied partout au Canada. Ces sites, des demandes conjointes et d’ouvrir des souvent de style « pop-up », sont mis en sites satellites sans avoir à déposer de place de façon temporaire pour donner nouvelles demandes d’exemption; accès plus facilement à une supervision, du • Permettre la mise en place sans restric- matériel de consommation et un soutien tion de sites de prévention des surdoses psychologique. Le processus d’approbation dans les milieux communautaires faisant de ces sites est en théorie facilité, justifié de la réduction des méfaits; par le caractère urgent du service. Or, les • Faciliter l’analyse de substances pour embûches se multiplient pour les orga- toute initiative de prévention et réduc- nismes communautaires souhaitant mettre tion des méfaits liée à l’usage de subs- sur pied un site de consommation super- tances. visée41 et la lourdeur du processus empêche d’agir de façon autonome, et ce, le plus rapi- 2.5.2 DES SERVICES INTERVENTION dement possible en réponse aux besoins EN MILIEU FESTIF criants des communautés. Les bienfaits Les milieux festifs de tous horizons au de ces centres sont pourtant documentés Québec n’ont aucune obligation de mettre : en Colombie-Britannique seulement, les en place des stratégies de réduction des sites de prévention des surdoses, en combi- méfaits dans l’organisation et le déploie- naison avec d’autres stratégies comme la ment des initiatives festives (bars, clubs, distribution de naloxone, ont permis de afterhours, événements récurrents tels ANGLE 2 sauver environ 4700 vies42. que les festivals, entre autres). Or, la colla- boration entre les responsables de l’orga- Recommandations nisation,propriétaires et les organismes • Faciliter le processus d’ouverture des de réduction des méfaits est primordiale43. sites de consommation supervisée; D’autre part, des pratiques de sensibilisation • Mettre en place des initiatives gouver- doivent être menées auprès des municipa- nementales pour faciliter l’acceptabilité lités, corps policiers et services de sécurité sociale de ces initiatives; concernant les pratiques de saisie et d’inter- • Permettre aux personnes ayant un vécu diction de consommation sur les lieux festifs. en lien avec l’usage de substances et au Si les gens ne peuvent recourir à la subs- personnel des sites de consommation tance qu’ils se sont procurée d’une source supervisée d’assister l’injection ; qu’ils connaissent, ils se la procureront sur • Revoir la typologie utilisée pour place de sources à plus haut risque. Fermer remplacer Site de consommation super- les yeux sur cette réalité met les personnes visée par un terme plus neutre tel que fréquentant les festivals et autres milieux Site de prévention pour l’usage de subs- festifs à risque, alors qu’il est en leur pouvoir tances; de mettre en place des pratiques de réduc- • Encourager le développement d’une tion des méfaits qui peuvent être réalisées variété de modèles de SCS adaptés pour l’ensemble de ces milieux (affichage, aux communautés (SCS mobiles, pour publicité, aires sécuritaires, fournitures de femmes seulement, autonomie complète toilettes, ombre, eau potable, distribution des organismes communautaires, éven- de matériel de consommation, analyse de tail plus large de substances autorisées); substances, entre autres). 17 Énoncé de position en réduction des méfaits AQCID - février 2020
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