Note d'information de Human Rights Watch pour la dix-neuvième session de l'Assemblée des États parties de la Cour pénale internationale Décembre 2020

La page est créée Fabienne Guillot
 
CONTINUER À LIRE
Note d'information de Human Rights Watch pour la dix-neuvième session de l'Assemblée des États parties de la Cour pénale internationale Décembre 2020
Note d’information de Human Rights Watch pour la dix-neuvième session de
          l’Assemblée des États parties de la Cour pénale internationale

                                           Décembre 2020

Les États parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) se réuniront du 14 au
16 décembre 2020 à La Haye pour la session annuelle de l’Assemblée des États parties (AEP) et, en
principe, du 17 au 23 décembre 2020 à New York lors d’une reprise de session. Initialement, la session
devait se tenir à New York, mais les restrictions liées à la santé publique instaurées du fait de la
pandémie de Covid-19 ont nécessité de répartir les sessions entre La Haye et New York, certains
participants prenant part aux sessions uniquement à distance. Dans le contexte de cette crise sanitaire
mondiale sans précédent, les États parties ont un travail essentiel à réaliser, notamment élire la
prochaine génération des dirigeants de la Cour, promouvoir des mesures pour renforcer l’administration
de la justice par la CPI et renouveler le soutien à la Cour.

C’est un moment décisif pour la CPI. Le mandat de la Cour a fait l’objet d’une pression extrême de la
part des États-Unis et, dans le même temps, plusieurs processus en cours offrent des occasions
importantes d’améliorer les performances de la Cour. Ces processus sont cruciaux, car une CPI
renforcée, fermement soutenue par ses États parties, sera plus solide face aux efforts déployés pour
entraver son mandat.

Les États parties ont l’opportunité de faire progresser significativement le travail de la Cour lors de
l’Assemblée. L’Assemblée est censée élire le prochain procureur et six nouveaux juges, soit un tiers du
collège de 18 membres de la CPI. En même temps, les États parties mettent au point le cadre du suivi
des conclusions et des recommandations des experts indépendants chargés par l’Assemblée lors de sa
dernière session de mener un examen de la Cour et du système du Statut de Rome. Ils présentent aussi
leurs plans pour faire avancer des initiatives parallèles visant à renforcer le système.

Cette note d’information expose les recommandations aux États parties pour la session de l’Assemblée
sur les aspects prioritaires suivants : 1) améliorer l’administration de la justice par la CPI grâce à un
processus d’examen et renforcer le soutien politique et diplomatique à la Cour ; 2) élire la meilleure
direction possible pour la Cour ; et 3) garantir des ressources appropriées.

                                                    1
I.      Améliorer l’administration de la justice par la CPI grâce à un processus d’examen
        et renforcer le soutien politique et diplomatique à la Cour
Lors de la dernière session de l’Assemblée, les États parties ont décidé d’instaurer « un processus
transparent, inclusif à l’initiative des États Parties afin de recenser et mettre en œuvre des mesures
destinées à renforcer la Cour et améliorer ses performances ».1 Cela a marqué le point culminant des
discussions entre les différentes parties prenantes sur la nécessité d’initier des processus de
changement pour tenter de résoudre certaines faiblesses de la Cour, qui sont devenues évidentes ces
dernières années.2 La résolution de l’Assemblée lançant l’« Examen de la Cour pénale internationale et
du système du Statut de Rome » a décrit les deux axes principaux de ce processus : un examen réalisé
par un groupe de neuf experts indépendants (Examen par des experts indépendants ou EEI) et des
initiatives parallèles de la Cour et des États parties.3

L’Examen par des experts indépendants a été chargé d’évaluer le travail de la Cour dans le but de
proposer « des recommandations concrètes, réalistes et susceptibles d’être mises en pratique, destinées
à améliorer les performances, l’efficience et l’efficacité de la Cour et du système du Statut de Rome dans
son ensemble ».4 Les experts se sont concentrés sur différents ensembles de questions liées à la
gouvernance de la Cour, au système judiciaire et au travail du Bureau du Procureur. 5 Ils ont commencé
leur travail en janvier et, malgré les défis posés par la pandémie de Covid-19, ils ont pu mener plus de
270 entretiens et ont étudié des milliers de pages de documents.6 En plus des responsables et du
personnel de la Cour, les experts ont entendu les points de vue d’autres parties prenantes, y compris par

1
  Assemblée des États parties (AEP), « Résolution sur l’examen de la Cour pénale internationale et du système du
Statut de Rome », Résolution ICC-ASP/18/Res.7, 6 décembre 2019, https://asp.icc-
cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP18/ICC-ASP-18-Res7-FRA.pdf (consulté le 24 novembre 2020), para. 4.
2
  Voir Bureau de l’AEP, « Agenda and Decisions », 5e réunion, 7 juin 2019, https://asp.icc-
cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP18/ICC-ASP-18-Bureau-5.pdf.pdf (consulté le 24 novembre 2020), p. 3 ; « Agenda and
Decisions », 6e réunion, 14 juin 2019, https://asp.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP18/ICC-ASP-18-Bureau-6.pdf
(consulté le 24 novembre 2020), pp. 1-2 ; « Agenda and Decisions », 7e réunion, 17 juillet 2019, https://asp.icc-
cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP18/ICC-ASP-18-Bureau-7.pdf (consulté le 24 novembre 2020), pp. 1-2 ; [Document de
travail préliminaire] « Meeting the challenges of today for a stronger Court tomorrow; Matrix over possible areas
of strengthening the Court and Rome Statute System », 27 novembre 2019, https://asp.icc-
cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP18/ICC-review-Matrix-v2-27Nov19-1740.pdf (consulté le 24 novembre 2020).
3
  Voir AEP, « Résolution sur l’examen de la Cour pénale internationale et du système du Statut de Rome »,
Résolution ICC-ASP/18/Res.7, Section A, « Examen par des experts indépendants » et Section B, « L’Assemblée des
États Parties et la Cour ».
4
  Idem, Annexe I, « Mandat pour l’examen de la Cour pénale internationale par des experts indépendants »,
para. 1.
5
  Idem, Annexe I, « Mandat pour l’examen de la Cour pénale internationale par des experts indépendants », para.
2-3 et Appendice II, « Liste des questions juridiques et techniques devant être prises en compte dans chaque sous-
groupe ». Conformément aux dispositions du mandat pour l’examen par des experts indépendants (EEI), les
experts ont décidé de se pencher sur des questions supplémentaires à celles énoncées initialement dans le
mandat. Voir EEI, « Rapport intérimaire », 30 juin 2020, https://asp.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP19/IER%20-
%20Interim%20Report%20FRA.pdf (consulté le 25 novembre 2020), para. 30.
6
  EEI, « Rapport intérimaire », Appendice, « Consultations en chiffres » ; EEI, « Final Report », 30 septembre 2020,
https://asp.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP19/IER-Final-Report-ENG.pdf (consulté le 30 novembre 2020),
Annex II, « Consultations in numbers ».

                                                         2
le biais de soumissions écrites venant de groupes de la société civile7 et des États parties.8 Le rapport
final de l’Examen par des experts indépendants a été publié le 30 septembre.9

La résolution de l’Assemblée relative à l’« Examen par des experts indépendants de la Cour pénale
internationale et du Système » a aussi identifié quatre questions prioritaires pour le travail des États
parties, sur le second axe, dans le cadre des groupes de travail et facilitations du Bureau :

    1.   Renforcement de la coopération ;
    2.   Non-coopération ;
    3.   Complémentarité et relation entre les juridictions nationales et la Cour ;
    4.   Représentation géographique équitable et représentation équitable des hommes et des
         femmes.10

7
  Voir par exemple Women’s Initiatives for Gender Justice, « Women’s Initiatives’ submission to the Group of
Independent Experts », 12 mars 2020, https://4genderjustice.org/uncategorized/womens-initiatives-submission-
to-the-group-of-independent-experts/ (consulté le 30 novembre 2020) ; Journalists for Justice, Letter to
Independent Expert Review, 12 avril 2020,
https://www.coalitionfortheicc.org/sites/default/files/cicc_documents/IER%20submissions%20signed.pdf
(consulté le 30 novembre 2020) ; Georgian Coalition for the International Criminal Court, « Written Submissions of
the Georgian Coalition for the ICC on the ‘Matrix over possible areas of strengthening the Court and the Rome
Statute System’ », 14 avril 2020,
https://www.coalitionfortheicc.org/sites/default/files/cicc_documents/Written%20submissions%20of%20the%20
Georgian%20Coalition%20for%20the%20ICC,%2014.04.2020.pdf (consulté le 30 novembre 2020) ;
Human Rights Watch, « Human Rights Watch Submission to the Independent Expert Review of the International
Criminal Court », 15 avril 2020,
https://www.hrw.org/sites/default/files/supporting_resources/hrw_submission_to_icc_ier.pdf (consulté le
7 décembre 2020) ; American Bar Association’s Criminal Justice Section, « Comments of the ABA’s Criminal Justice
Section for the Independent Expert Review of the International Criminal Court », 15 avril 2020,
https://www.americanbar.org/content/dam/aba/administrative/criminal_justice/cjs-comments-icc-independent-
experts.pdf (consulté le 30 novembre 2020) ; International Bar Association, « ICC Independent Expert Review
group called on to strengthen fair trials and equality of arms », 16 avril 2020,
https://www.ibanet.org/Article/NewDetail.aspx?ArticleUid=b2eb35a2-4677-4bf2-ba2d-6fde2658befa (consulté le
30 novembre 2020) ; International Justice Monitor, « Open Society Justice Initiative Makes Recommendations to
ICC Independent Expert Review », 18 mai 2020, https://www.ijmonitor.org/2020/05/open-society-justice-
initiative-makes-recommendations-to-icc-independent-expert-review/ (consulté le 30 novembre 2020) ;
Fédération internationale pour les droits humains et Kenya Human Rights Commission, « The victims’ mandate of
the International Criminal Court: disappointments, concerns and options for the way forward. Observations and
recommendations for the Independent Expert Review », juin 2020, https://www.fidh.org/IMG/pdf/cpiang752.pdf
(consulté le 30 novembre 2020) ; The Arab Center for Independence of the Judiciary and the Legal Profession,
« Proposals to the Commission of Independent Experts of the International Criminal Court »,
https://www.coalitionfortheicc.org/sites/default/files/cicc_documents/ACIJLP-
%20Proposals%20to%20the%20IER%20of%20the%20ICC%202020.pdf (consulté le 30 novembre 2020).
8
  Voir par exemple « Input by Denmark, Finland, Iceland, Norway and Sweden to the ongoing Independent Expert
Review of the International Criminal Court »,
https://www.norway.no/contentassets/97bb1f0cad054ecdb03474876009753c/nordic-states-parties-input-to-
independent-expert-review-of-the-icc.pdf (consulté le 30 novembre 2020).
9
  EEI, « Final Report ».
10
   Lors des discussions qui ont conduit au lancement du processus d’examen, les États parties avaient déjà identifié
des thèmes spécifiques à aborder dans chacune de ces questions prioritaires. Voir [Document de travail

                                                         3
La pandémie de Covid-19 a perturbé les travaux des États parties sur ces questions, mais les mandats
concernés du Bureau ont pu mener des consultations sur leurs plans de travail pour l’année à venir, qui
seront mentionnées dans leurs comptes rendus au Bureau lors de la session de l’Assemblée de cette
année.

A.       Examen par des experts indépendants
Le rapport final de l’examen par des experts indépendants contient 384 recommandations portant sur
des aspects à l’échelle de la Cour, des aspects spécifiques à des organes et des questions liées au rôle
des États parties, de l’Assemblée et d’autres organes de contrôle dans la gouvernance de la Cour. Le
rapport détaillé et exhaustif offre un cadre commun inestimable pour les discussions entre la Cour, les
États parties et les autres parties prenantes concernées sur les changements nécessaires au niveau de la
Cour.

Au moment de la rédaction de cette note, les États parties – en concertation avec les responsables de la
Cour et la société civile – négocient une résolution de l’Assemblée visant à instaurer un cadre pour
évaluer les recommandations de l’EEI et garantir un suivi adéquat. Ce cadre inclut la création d’un
mécanisme de l’Assemblée chargé de planifier, de coordonner, de surveiller l’évaluation et la mise en
œuvre des recommandations de l’EEI et d’en rendre compte. Alors que ces discussions se poursuivent, il
est important de se concentrer sur l’objectif ultime du processus d’examen : renforcer les performances
de la Cour et l’administration de la justice. En outre, certains principes sont essentiels pour un suivi
efficace du rapport de l’EEI :

     •   Respect de l’indépendance judiciaire et en matière de poursuites de la Cour ;
     •   Dialogue authentique entre toutes les parties prenantes ; et
     •   Transparence.

Les recommandations de l’EEI varient en nature et en finalité ; beaucoup s’adressent à la Cour, alors que
d’autres exigent une action de l’Assemblée ou relèvent d’une responsabilité partagée entre la Cour et
l’Assemblée. En accord avec les principes décrits ci-dessus, il est important que le cadre instauré par la
résolution de l’Assemblée mette en évidence ces différences. À cet effet, tout mécanisme de suivi créé
au sein de l’Assemblée devrait traiter uniquement les recommandations qui sont adressées par l’EEI à
l’Assemblée ou les assigner aux groupes de travail et facilitations existants de l’Assemblée ou du Bureau.

préliminaire] « Meeting the challenges of today for a stronger Court tomorrow; Matrix over possible areas of
strengthening the Court and Rome Statute System ». Ces thèmes sont : pour le renforcement de la coopération :
3.1. Renforcement de la coopération en général, 3.2. Exécution des mandats d’arrêt, 3.4. Coopération avec l’ONU
et le Conseil de sécurité de l’ONU (y compris les cas de non-coopération) ; pour la non-coopération : 3.2. Exécution
des mandats d’arrêt, 3.3. Non-coopération, 3.4. Coopération avec l’ONU et le Conseil de sécurité de l’ONU (y
compris les cas de non-coopération) ; pour la complémentarité et la relation entre les juridictions nationales et la
Cour : 2.2. Relation entre les juridictions nationales et la CPI ; et pour la représentation géographique équitable et
la représentation équitable des hommes et des femmes : 1.14. Équilibre de la représentation hommes-femmes et
équilibre géographique dans le recrutement.

                                                          4
En même temps, la Cour devrait tenir compte des recommandations qui lui sont adressées par l’EEI et
faire rapport régulièrement à l’Assemblée de sa progression. Ces occasions permettraient aux États
parties et à la société civile de poser des questions et de discuter des plans et recommandations qui
concernent la Cour. Ces deux processus parallèles mais distincts pour la Cour et les États parties sont
nécessaires pour garantir le respect de l’indépendance judiciaire et en matière de poursuites de la Cour,
ainsi que l’efficacité dans la prise en compte des recommandations de l’EEI.

Le cadre pour le suivi établi par l’Assemblée devrait aussi reconnaître les différentes mesures que les
États parties et la Cour prendront pour répondre aux recommandations de l’EEI. En particulier, il est
important d’éviter les formulations qui peuvent laisser entendre que toutes les recommandations de
l’Examen des experts indépendants seront mises en œuvre. Un élément crucial du processus de suivi du
rapport de l’EEI sera l’évaluation de chaque recommandation, qui inclura nécessairement une décision
quant à sa mise en œuvre.

Enfin, les discussions sur les recommandations de l’EEI nécessitant une action de l’Assemblée ou
relevant d’une responsabilité partagée entre la Cour et l’Assemblée devraient avoir lieu dans des forums
inclusifs et transparents – en fonction de la recommandation concernée – soit via un mécanisme de
l’Assemblée, soit via les groupes de travail et facilitations existants. Elles devraient être ouvertes à tous
les États parties, avec la participation pleine et entière de la Cour et de la société civile, ainsi qu’avec le
soutien des experts de l’EEI.

Recommandations à l’Assemblée des États parties
•   Affirmer, dans les déclarations du Débat général et lors d’autres points à l’ordre du jour appropriés,
    l’importance du suivi du rapport de l’EEI dans le but de renforcer l’administration de la justice par la
    Cour et de respecter l’indépendance judiciaire et en matière de poursuites de la Cour ; et
•   Finaliser le texte de la résolution de l’Assemblée décrivant le cadre du suivi du rapport de l’EEI avant
    la partie de la session de l’Assemblée se tenant à La Haye afin d’éviter des négociations de dernière
    minute pendant la session, où les États parties n’auront pas tous de représentation diplomatique.

Travaux récents de Human Rights Watch
•   « Human Rights Watch Submission to the Independent Expert Review of the International Criminal
    Court », 15 avril 2020,
    https://www.hrw.org/sites/default/files/supporting_resources/hrw_submission_to_icc_ier.pdf
•   Maria Elena Vignoli, « Vers une Cour pénale internationale plus forte : L’évaluation de la CPI par des
    experts est une occasion cruciale d’améliorer son action », point de vue de Human Rights Watch,
    29 juin 2020, https://www.hrw.org/fr/news/2020/06/29/vers-une-cour-penale-internationale-plus-
    forte
•   « ICC Independent Expert Review: The court and states should seize opportunity to strengthen
    court’s performance », Joint Civil Society Statement, 25 septembre 2020,
    https://www.hrw.org/news/2020/09/25/joint-civil-society-statement

                                                       5
B.      Initiatives parallèles des États parties
Coopération et non-coopération
Le succès de la CPI est directement lié à la volonté des États parties et des organismes
intergouvernementaux qui la soutiennent. En effet, sans sa propre force de police pour faciliter les
enquêtes, localiser les témoins et appréhender les suspects, la CPI doit compter sur la coopération des
États parties afin de remplir son mandat. Il est capital que les États parties envisagent la coopération
avec la Cour comme une responsabilité bien plus large que la seule réponse aux demandes d’aide
ciblées de la Cour. La Cour ne peut tout simplement pas être efficace sans l’engagement actif des États
parties pour faciliter la réalisation des objectifs de la CPI, ni sans une diplomatie publique et privée
déterminée au nom de la lutte contre l’impunité. Grâce à des efforts concertés pour renforcer la
coopération sous toutes ses formes, les États parties peuvent améliorer l’accès des victimes à la justice
et manifester leur soutien inébranlable à la Cour, notamment face aux menaces pour sa mission.

Dans le cadre de l’exécution de leurs mandats et des priorités de l’examen sur la coopération et la non-
coopération citées plus haut, les co-facilitateurs de l’Assemblée sur la coopération et les co-points
focaux régionaux sur la non-coopération ont tenu leur toute première discussion conjointe. 11 Les co-
facilitateurs sur la coopération ont aussi lancé une plateforme sécurisée en ligne visant à faciliter la prise
en compte des enseignements tirés et les échanges de bonnes pratiques entre les États parties,
s’appuyant notamment sur les réponses à un questionnaire transmis aux États parties. Les co-
facilitateurs prévoient de développer davantage l’outil l’année prochaine. 12 En outre, ils proposent
d’inclure des « [c]onsultations sur les recommandations des experts indépendants de l’examen de la Cour
concernant le renforcement de la coopération » dans leur programme de travail 2021, ainsi que
d’organiser des consultations sur la pertinence de développer des points focaux régionaux et
thématiques sur la coopération, de créer une structure permanente pour un réseau de professionnels et
de points focaux nationaux sur la coopération, et de publier des directives sur la manière adéquate de
renforcer les relations entre les Nations Unies et ses agences, la Cour et les États parties.13
L’Examen par des experts indépendants a aussi formulé des recommandations pour la Cour et
l’Assemblée concernant la coopération. 14 De plus, le « Rapport de la Cour sur la coopération » de cette

11
   Voir AEP, « Rapport de la Cour sur la coopération », ICC-ASP/19/25, 28 octobre 2020, https://asp.icc-
cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP19/ICC-ASP-19-25-FRA-Cooperation-Report-%2028oct20-1830.pdf (consulté le
7 décembre 2020), para. 21.
12
   AEP, « [Draft] Report of the Bureau on cooperation », 23 novembre 2020, document non publié conservé dans
les dossiers de Human Rights Watch, para. 12-16, 26.
13
   Idem, para. 26.
14
   Voir par exemple EEI, « Final Report », R272-80, 284, 289. Dans une soumission à l’EEI, Human Rights Watch a
recommandé à l’Assemblée de reconsidérer certaines des initiatives précédentes, dont l’instauration d’un
mécanisme de coordination des points focaux nationaux ; la progression de recommandations spécifiques sur le
projet Plan d’action pour les stratégies d’arrestation ; et le développement et la mise en œuvre continus des
procédures de l’Assemblée sur la non-coopération pour faire en sorte que ces procédures soient obligatoires et
prévoir des sanctions plus spécifiques pour susciter la coopération. Voir Human Rights Watch, « Human Rights
Watch Submission to the Independent Expert Review of the International Criminal Court », p. 17.

                                                        6
année contient des recommandations détaillées pour des actions futures dans plusieurs domaines
prioritaires.15

Comme exposé ci-dessus, un mécanisme de l’Assemblée pour le suivi de l’EEI devrait se pencher sur les
recommandations, notamment celles sur la coopération, qui sont adressées à l’Assemblée. Cela peut
être réalisé en assignant les recommandations aux facilitations ou aux points focaux existants
pertinents, y compris sur la coopération et la non-coopération.

Étant donné les limites imposées par le format de la réunion, on ignore, au moment de la rédaction de
cette note, si la session de l’Assemblée inclura une discussion plénière sur la coopération. Nous
présentons ci-dessous les thèmes que nous recommandons aux États parties d’aborder lors d’une
éventuelle discussion plénière ou lors d’autres points à l’ordre du jour appropriés.

Coopération judiciaire
L’Assemblée devrait réexaminer l’instauration d’un mécanisme de coopération des points focaux et des
professionnels nationaux, comme proposé par les co-facilitateurs sur la coopération.

En 2014, l’Assemblée, grâce à sa facilitation sur la coopération dans le Groupe de travail de La Haye, a
présenté un rapport sur la faisabilité de l’instauration d’un mécanisme de coordination des autorités
nationales chargées de la coopération avec la Cour. 16 Depuis lors, la résolution annuelle de l’Assemblée
sur la coopération a encouragé l’exploration continue de cette proposition.17 Un tel mécanisme de
coordination, en particulier avec l’implication des autorités des ministères de la justice, pourrait être un
moyen essentiel de renforcer la coopération. Les difficultés de coopération sont inévitables, étant
donné la complexité du mandat de la Cour, le grand nombre de partenaires dont elle dépend pour avoir
un soutien, et son travail sur des situations dans plusieurs pays et régions simultanément. Le travail de
l’Assemblée grâce à la facilitation sur la coopération a maintenu l’attention sur de nombreuses
dimensions différentes de la coopération et s’est appuyé sur d’importants séminaires avec la
participation des autorités nationales, mais les discussions au sein des groupes de travail du Bureau ne
bénéficient pas toujours directement de l’expertise des autorités nationales. La Cour a organisé des
séminaires annuels pendant plusieurs années pour réunir les points focaux nationaux des pays où une
situation est en cours et d’autres juridictions pertinentes. D’après la Cour, « [c]es rencontres offrent une
plateforme unique pour améliorer le dialogue et la coopération entre la Cour et les États, notamment
pour ce qui est des nouvelles avancées dans les domaines techniques de la coopération (par exemple,
protection des témoins, divulgation, coopération avec la Défense, enquêtes financières et recouvrement

15
   Voir AEP, « Rapport de la Cour sur la coopération ».
16
   Voir AEP, « Rapport du Bureau sur la coopération », ICC-ASP/13/29, 21 novembre 2014, https://asp.icc-
cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP13/ICC-ASP-13-29-FRA.pdf (consulté le 25 novembre 2020), Annexe II, « Rapport de
l’Étude sur la faisabilité de l’établissement d’un mécanisme de coordination à l’intention des autorités nationales
chargées de la coopération ».
17
   Voir par exemple AEP, « Résolution sur la coopération », Résolution ICC-ASP-13-Res3, 17 décembre 2014,
https://asp.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/Resolutions/ASP13/ICC-ASP-13-Res3-FRA.pdf (consulté le 30 novembre
2020), para. 16.

                                                          7
d’avoirs, exécution des mandats d’arrêt). Par ailleurs, elles ont contribué au développement d’un réseau
informel de spécialistes nationaux de la coopération avec la Cour, qui peuvent échanger leurs
connaissances et apprendre de l’expérience de chacun. »18 En s’appuyant sur cette expérience, un réseau
permanent pourrait faciliter les échanges de manière plus régulière, sur des thèmes d’intérêt spécifique
pour ceux qui utilisent ce réseau.

Grâce aux échanges d’expériences et de bonnes pratiques, un réseau pourrait conduire à des réponses
plus efficaces aux demandes de coopération, notamment si ce mécanisme inclut des autorités centrales
ou des points focaux nationaux. Il pourrait aussi faciliter les contacts bilatéraux entre autorités
nationales sur des aspects spécifiques d’intérêt mutuel. L’implication d’experts nationaux dans ce type
de réseaux s’est avérée utile dans d’autres contextes similaires, comme le Réseau européen de points
de contact concernant les personnes responsables de génocide, de crimes contre l’humanité et de
crimes de guerre. Dans le contexte de l’Assemblée, un tel mécanisme de coordination ne nécessiterait
pas d’avoir son propre secrétariat. Les échanges pourraient avoir lieu via la plateforme en ligne
récemment lancée.

Un tel réseau pourrait servir de complément à la facilitation de l’Assemblée sur la coopération et aux
points focaux sur la non-coopération.19 La facilitation sur la coopération est susceptible de rester la
mieux placée pour faire avancer les discussions sur les besoins de coopération de la Cour dans le
domaine du soutien diplomatique et politique. Les échanges au sein du réseau pourraient déboucher sur
des suggestions, même dans des domaines où une étude approfondie supplémentaire sur d’autres
aspects de la coopération est nécessaire et pourrait être menée au sein de la facilitation. Un mécanisme
de coordination permanent est donc susceptible de compléter de manière importante les outils à la
disposition de l’Assemblée pour renforcer la coopération et tenter de résoudre la non-coopération,
plutôt que de dupliquer ou rendre redondantes les mesures existantes.

Recommandations aux États parties à la CPI
•    Affirmer, dans les déclarations du Débat général et lors d’autres points à l’ordre du jour appropriés,
     la reconnaissance de l’importance critique de la coopération dans le succès de la Cour et la
     détermination à renforcer le soutien pratique à la CPI ; et
•    Mettre en évidence, lors du Débat général et dans tout autre point à l’ordre du jour approprié, les
     thèmes prioritaires pour les discussions futures de l’Assemblée, y compris les stratégies

18
  AEP, « Rapport de la Cour sur la coopération », para. 42.
19
  Human Rights Watch avait précédemment recommandé à l’Assemblée d’instaurer un groupe de travail sur la
coopération pour accroître la capacité de la facilitation sur la coopération. Suite à la proposition de création d’un
mécanisme de coordination de points focaux nationaux, nous avons réaffirmé l’intérêt d’un groupe de travail
parallèlement à un tel réseau. Voir Human Rights Watch, « Mémorandum de Human Rights Watch pour la dixième
session de l’Assemblée des États parties de la Cour pénale internationale », novembre 2011,
https://www.hrw.org/sites/default/files/related_material/2011_memo_FR_tenth_session_ASP_.pdf, pp. 33-34 ;
« Memorandum for the Twelfth Session of the International Criminal Court Assembly of States Parties »,
novembre 2013, https://www.hrw.org/news/2013/11/12/human-rights-watch-memorandum-twelfth-session-
international-criminal-court-assembly, section IV.C (« Intersessional work on cooperation »).

                                                          8
d’arrestation, la non-coopération et l’instauration d’un mécanisme de coordination des points
     focaux nationaux.

Travaux récents de Human Rights Watch
•    Richard Dicker (Human Rights Watch), « Time to Step Up at the ICC: No Time to Trim the Sails », The
     Promise Institute for Human Rights, printemps 2020, https://www.hrw.org/news/2020/07/27/time-
     step-icc

Soutien politique malgré les sanctions américaines
Le 11 juin 2020, le président américain Donald Trump a émis le décret présidentiel 13928, autorisant le
gel des avoirs de certains responsables de la CPI et interdisant leur entrée et celle de leurs familles sur le
territoire américain.20 Le 2 septembre 2020, Fatou Bensouda, la Procureure de la CPI, et Phakiso
Mochochoko, le directeur de la Division de la compétence, de la complémentarité et de la coopération
du Bureau du Procureur, ont fait l’objet de sanctions en vertu de ce décret.21

Ce décret présidentiel est intervenu après deux ans environ d’intensification des menaces et après la
révocation en 2019 du visa américain de la Procureure. L’action des États-Unis vise à contrecarrer les
enquêtes de la CPI en Afghanistan et en Palestine qui pourraient examiner la conduite de ressortissants
américains et israéliens.22 En vertu du décret présidentiel, les personnes ou les entités américaines
situées partout dans le monde, ainsi que les personnes non américaines aux États-Unis ont interdiction
de réaliser des transactions avec des personnes ou entités désignées ou de leur fournir des services. De
plus, le poids du dollar américain signifie que la plupart des principales institutions financières dans le
monde refusent régulièrement d’effectuer des transactions avec ou pour des individus ou des entités
sanctionnés par les États-Unis. Ceci vaut également pour les transactions sans lien avec des dollars
américains, des ressortissants américains ou le territoire américain. Cela élargit la portée des sanctions
américaines bien au-delà d’un simple blocage des avoirs comme les comptes bancaires ou les biens
situés physiquement aux États-Unis. Le décret présidentiel prévoit aussi des sanctions à l’encontre de

20
   Voir « Les États-Unis infligent des sanctions à la Cour pénale internationale », communiqué de Human Rights
Watch, 11 juin 2020, https://www.hrw.org/fr/news/2020/06/11/les-etats-unis-infligent-des-sanctions-la-cour-
penale-internationale.
21
   Voir « États-Unis : Sanctions contre la Procureure de la Cour pénale internationale », communiqué de Human
Rights Watch, 3 septembre 2020, https://www.hrw.org/fr/news/2020/09/03/etats-unis-sanctions-contre-la-
procureure-de-la-cour-penale-internationale.
22
   Secretary Michael R. Pompeo At a Press Availability with Secretary of Defense Mark Esper, Attorney General
William Barr, and National Security Advisor Robert O’Brien, Remarks to the Press, 11 juin 2020,
https://www.state.gov/secretary-michael-r-pompeo-at-a-press-availability-with-secretary-of-defense-mark-esper-
attorney-general-william-barr-and-national-security-advisor-robert-obrien/ (consulté le 3 décembre 2020).

                                                      9
ceux qui apportent leur aide dans certaines enquêtes de la Cour, augmentant le risque d’un effet
dissuasif général sur la coopération avec la CPI.23

En octobre, l’ambassadeur itinérant des États-Unis pour la justice pénale mondiale, Morse Tan, a déclaré
que les États-Unis prévoyaient de « viser la dissolution de la [CPI] elle-même » si la Cour ne « change pas
de cap et ne modifie pas le Statut de Rome afin qu’il ne soit pas possible pour le personnel américain
d’être traîné devant elle ».24 Le gouvernement des États-Unis a fait preuve de mépris pour les victimes et
pour l’État de droit dans le monde en détournant les autorités de sanctions américaines – destinées à
freiner les violations des droits humains – pour mener des attaques virulentes contre la CPI.

Les États parties ont été de plus en plus attentifs à afficher clairement leur opposition aux intimidations
américaines. Entre autres mesures, des regroupements transrégionaux d’États parties ont publié des
déclarations communes en juin et en novembre, tout comme les États parties à la CPI siégeant au
Conseil de sécurité de l’ONU. 25 Les mesures américaines ont aussi été accueillies par des déclarations du
président de l’AEP, de l’UE, de gouvernements nationaux et d’organisations non gouvernementales.26
Plusieurs législateurs américains se sont également prononcés contre les sanctions.27 Lors de l’examen

23
   Voir Adam Smith, « Dissecting the Executive Order on Int’l Criminal Court Sanctions: Scope, Effectiveness, and
Tradeoffs », Just Security (blog), 15 juin 2020, https://www.justsecurity.org/70779/dissecting-the-executive-order-
on-intl-criminal-court-sanctions-scope-effectiveness-and-tradeoffs/ (consulté le 22 novembre 2020).
24
   « The International Criminal Court and global criminal justice: A conversation with Amb. Morse H. Tan », vidéo,
26 octobre 2020, https://www.aei.org/events/the-international-criminal-court-and-global-criminal-justice-a-
conversation-with-amb-morse-h-tan (consulté le 25 novembre 2020).
25
   « CPI : Des pays membres réaffirment leur soutien à la Cour », communiqué de Human Rights Watch, 23 juin
2020, https://www.hrw.org/fr/news/2020/06/23/cpi-des-pays-membres-reaffirment-leur-soutien-la-cour ; Edith
M. Lederer, « Over 70 ICC nations support court and oppose US sanctions », Associated Press, 2 novembre 2020,
https://apnews.com/article/united-nations-statutes-united-nations-general-assembly-war-crimes-fatou-bensouda-
4c136445472896b25ba5128d811c2ed1 (consulté le 22 novembre 2020) ; Joint Statement by UN Security Council
Members that are States Parties to the Rome Statute of the International Criminal Court (Belgium, the Dominican
Republic, Estonia, France, Germany, Niger, Saint Vincent and the Grenadines, South Africa, Tunisia, and the United
Kingdom), 10 juin 2020, https://new-york-un.diplo.de/un-en/news-corner/200610-unsc-icc/2351876 (consulté le
22 novembre 2020) ; Joint stakeout by Belgium, the Dominican Republic, Estonia, France, Germany, Niger, Saint
Vincent and The Grenadines, South Africa, Tunisia, The United Kingdom, Ireland, Mexico, Norway and Kenya,
United Nations, Situation in Libya, ICC referral pursuant to resolution 1970, 10 novembre 2020,
https://franceintheus.org/spip.php?article9971 (consulté le 22 novembre 2020).
26
  Voir par exemple « CPI : Des pays membres réaffirment leur soutien à la Cour », communiqué de Human Rights
Watch ; « Le Président de l’AEP, O-Gon Kwon, rejette les mesures prises par les États-Unis contre la CPI »,
communiqué de l’AEP, ICC-ASP-20200902-PR1534, 2 septembre 2020, https://www.icc-
cpi.int/Pages/item.aspx?name=pr1534&ln=fr (consulté le 22 novembre 2020) ; Non-Governmental Organizations,
Faith-Based Groups, Legal Professionals, Experts, and Former Government Officials Unequivocally Oppose U.S.
Sanctions Against the International Criminal Court, 21 septembre 2020,
https://www.hrw.org/news/2020/09/21/non-governmental-organizations-faith-based-groups-legal-professionals-
experts-and ; « US sanctions on ICC prosecutor unacceptable, says EU », Reuters, 2 septembre 2020,
https://www.theguardian.com/law/2020/sep/03/us-sanctions-on-icc-prosecutor-unacceptable-says-eu (consulté
le 22 novembre 2020).
27
   Elisa Epstein, Twitter, @elisacepstein, « Ma collègue @me_vignoli traite des réponses mondiales à la mesure
américaine sans précédent la semaine dernière visant à imposer des sanctions à deux responsables de la #CPI. Un

                                                        10
en novembre du bilan en matière de droits humains des États-Unis dans le cadre de l’Examen périodique
universel devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, dix États parties à la CPI ont appelé les
États-Unis à abroger le décret présidentiel ou à lever les sanctions, créant un important dossier de
recommandations auquel le Conseil devrait donner suite.28

Des décisions importantes du procureur et des juges restent en suspens à la fois dans les situations en
Afghanistan et en Palestine, décisions qui répondent aux besoins réels de victimes pour obtenir justice.
Tant que la CPI fera son travail, elle sera confrontée à une opposition politisée venant de plusieurs
sources, qui ne pourra être surmontée que grâce à l’appui créatif et déterminé des États parties. Le
rapport de l’EEI reconnaît cette réalité dans une de ses recommandations préconisant que « [l’]AEP et
les États parties [...] développent une stratégie pour répondre aux attaques contre la Cour par des États
non parties », bien que l’expérience passée montre que l’opposition peut aussi venir d’États parties. 29

Concernant les menaces actuelles subies par la Cour, le changement de l’administration américaine
offre aux États parties une fenêtre d’opportunité pour nouer le dialogue avec les États-Unis de manière
à tenter d’enclencher une approche qui respecte le Statut de Rome, l‘État de droit dans le monde et qui
se focalise sur l’accès des victimes à la justice. Avec la perspective d’enquêtes en Afghanistan et en
Palestine, la relation des États-Unis avec la CPI concernant les situations de ces pays restera
probablement conflictuelle. Les États parties devraient se pencher sur l’expérience passée avec les
administrations Clinton, Bush et Obama pour susciter une approche positive vis-à-vis de la Cour
globalement et un dialogue avec l’Assemblée. Alors que les interactions avec les États-Unis devront être
engagées au niveau bilatéral et multilatéral, la prochaine session de l’Assemblée offre une importante
plateforme collective pour exprimer les attentes de changement dans l’approche des États-Unis.
L’administration américaine entrante ne s’est pas encore engagée à annuler le décret présidentiel.

Recommandations aux États parties à la CPI
•   Faire des déclarations ministérielles ou de haut niveau pendant le Débat général en soutien à la CPI,
    reconnaissant la CPI comme un élément fondamental mais menacé de l’ordre international fondé
    sur la règle de droit ;
•   Appeler, dans les déclarations du Débat général et dans tout autre point à l’ordre du jour approprié,
    à l’abrogation du décret présidentiel américain 13928 et rappeler les mesures que les
    gouvernements ont prises pour soutenir le mandat essentiel de la Cour ;
•   Conserver et renforcer toute formulation existante dans la résolution omnibus réitérant
    l’engagement de l’Assemblée à préserver l’intégrité du Statut de Rome sans se laisser décourager
    par les menaces et les mesures contre la Cour ;

fil ci-dessous sur les réponses des législateurs américains ». 10 h 48, 8 septembre 2020,
https://twitter.com/elisacepstein/status/1303344419551223811 (consulté le 30 novembre 2020).
28
    « United States of America Review - 36th Session of Universal Periodic Review », UN Web TV, 9 novembre 2020,
http://webtv.un.org/meetings-events/human-rights-council/universal-periodic-review/36th-upr/watch/united-
states-of-america-review-36th-session-of-universal-periodic-review/6208416196001 (consulté le 30 novembre
2020).
29
    EEI, « Final Report », R169.

                                                       11
•    Se pencher, dans le Débat général et dans tout autre point à l’ordre du jour approprié, sur
     l’expérience jusqu’à ce jour pour contrer l’obstruction des États-Unis et encourager le dialogue des
     États non parties avec le système du Statut de Rome ;
•    Étudier, via le mécanisme établi pour le suivi de l’Examen par des experts indépendants, sa
     recommandation de développer « une stratégie pour répondre aux attaques contre la Cour par des
     États non parties et ... être prêts à intervenir pour défendre la Cour, étant donné que sa dignité et
     son impartialité politique entravent fortement sa capacité à se défendre contre des attaques sans
     fondement et partisanes », et
•    Rendre publiques la participation à l’Assemblée et les déclarations lors du Débat général grâce à des
     communiqués et des conférences de presse, à l’utilisation des réseaux sociaux et d’autres outils de
     communication.

Travaux récents de Human Rights Watch
•    Elizabeth Evenson (Human Rights Watch), « Donald Trump’s attack on the ICC shows his contempt
     for the global rule of law », Euronews.com, 3 juillet 2020,
     https://www.hrw.org/news/2020/07/06/donald-trumps-attack-icc-shows-his-contempt-global-rule-
     law
•    « Q&A: The International Criminal Court and the United States », Human Rights Watch, 2 septembre
     2020 (mis à jour), https://www.hrw.org/news/2020/09/02/qa-international-criminal-court-and-
     united-states

Complémentarité
En plus d’identifier la complémentarité et la relation entre les juridictions nationales et la Cour comme
thème prioritaire dans le cadre de l’examen plus large, lors de la session de l’année dernière,
l’Assemblée a aussi renouvelé le mandat général du Bureau pour poursuivre le dialogue avec la Cour et
les autres parties prenantes, en insistant sur « notamment les activités de renforcement des capacités
relatives à la complémentarité, conduites par la communauté internationale pour aider les juridictions
nationales ; les stratégies possibles d’achèvement de la Cour propres à chaque situation ; le rôle tenu par
les partenariats conclus avec des autorités nationales et d’autres acteurs à cet égard ; et les questions
telles que la protection des témoins et des victimes et les crimes sexuels et à caractère sexiste ». 30

La complémentarité est un principe fondamental du Statut de Rome, qui garantit que la responsabilité
première d’enquêter sur les crimes relevant du Statut de Rome incombe toujours aux gouvernements
nationaux. Les discussions de l’Assemblée sur la complémentarité, précédant et suivant la conférence de
révision de Kampala en 2010, se sont concentrées sur la « complémentarité positive », c’est-à-dire les
efforts internationaux et nationaux concertés pour renforcer les juridictions nationales et leur permettre
de mener à bien des enquêtes et des procès nationaux crédibles et efficaces pour des crimes relevant du
Statut de Rome. La complémentarité positive était la priorité de l’élément de « complémentarité » de

30
  AEP, « Renforcement de la Cour pénale internationale et de l’Assemblée des États Parties », Résolution ICC-
ASP/18/Res.6, 6 décembre 2019, https://asp.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP18/ICC-ASP-18-Res6-FRA.pdf
(consulté le 30 novembre 2020), para. 132.

                                                       12
l’exercice d’inventaire plus vaste de la justice pénale internationale à Kampala. 31 Dans une résolution
adoptée à Kampala, l’Assemblée a chargé son secrétariat « dans les limites des ressources existantes, de
faciliter l’échange d’informations entre la Cour, les États Parties et les autres parties prenantes, y
compris les organisations internationales et la société civile, en vue de renforcer les juridictions
nationales ».32 L’Assemblée a renouvelé ce mandat annuellement.33 Dans les dernières années, ainsi que
lors d’une réunion organisée conformément au processus d’examen cette année, les discussions
menées par les co-points focaux pour les pays de l’Assemblée ont aussi visé à clarifier le fonctionnement
du principe de complémentarité concernant l’exercice de la compétence de la Cour, ainsi que les aspects
de la pratique de l’examen préliminaire du Bureau du Procureur et du développement de stratégies
d’achèvement spécifiques aux situations. 34 Le Bureau a aussi mandaté les co-points focaux sur la
complémentarité pour explorer le soutien aux poursuites de la Cour sur les crimes sexuels et à caractère
sexiste.35

Les discussions des États parties sur la complémentarité cette année ont reconnu la pertinence du
travail de l’EEI et la nécessité d’une « approche progressive des consultations afin d’éviter les
recoupements et de rechercher les synergies ».36 Conformément au mandat flexible fourni par
l’Assemblée, dans son rapport intérimaire, l’Examen par des experts indépendants a identifié la
« complémentarité, dans la mesure où elle est pertinente pour les aux [sic] examens préliminaires et aux
stratégies en matière de poursuites et de clôture », comme un thème prioritaire supplémentaire de son
travail.37 Le rapport final de l’EEI formule des recommandations au Bureau du Procureur concernant son
évaluation de la complémentarité pendant les examens préliminaires et la pleine intégration des
approches de complémentarité positive dans toutes les phases de son travail, y compris les stratégies
d’achèvement (avec les autres acteurs de la Cour).38 Ces recommandations ne s’adressent pas aux États
parties. L’EEI a recommandé à l’Assemblée d’examiner son rôle dans la facilitation de partenariats de
complémentarité positive, y compris pour soutenir les stratégies d’achèvement de situations du Bureau

31
   AEP, « Bilan de la justice pénale internationale, Le bilan de la situation sur le principe de complémentarité :
éliminer les causes d’impunité », Annexe V(c), https://asp.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/RC2010/RC-11-Annex.V.c-
FRA.pdf (consulté le 30 novembre 2020).
32
   AEP, « Complémentarité », Résolution RC/Res.1, 8 juin 2010, https://asp.icc-
cpi.int/iccdocs/asp_docs/Resolutions/RC-Res.1-FRA.pdf (consulté le 30 novembre 2020), para. 9.
33
   Voir par exemple AEP, « Renforcement de la Cour pénale internationale et de l’Assemblée des États Parties »,
Résolution ICC-ASP/18/Res.6, para. 133.
34
   Voir AEP, « [Draft] Report of the Bureau on complementarity », 25 novembre 2020, document non publié
conservé dans les dossiers de Human Rights Watch, para. 22-30 ; Secrétariat de l’AEP, Résumé, 22 février 2019,
https://asp.icc-
cpi.int/en_menus/asp/complementarity/Documents/HWG.complementarity1.summary.11Apr19.2000.cln.pdf
(consulté le 30 novembre 2020) ; AEP, « Rapport du Bureau sur la complémentarité », ICC-ASP/17/34,
29 novembre 2018, https://asp.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP17/ICC-ASP-17-34-FRA.pdf (consulté le
22 novembre 2020), para. 8-9, 11 ; AEP, « Rapport du Bureau sur la complémentarité », ICC-ASP/18/25,
29 novembre 2019, https://asp.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP18/ICC-ASP-18-25-FRA.pdf (consulté le
3 décembre 2020), para. 7-11.
35
   AEP, « [Draft] Report of the Bureau on complementarity », para. 14-15.
36
   Idem, para. 16.
37
   EEI, « Rapport intérimaire », para. 30.
38
   EEI, « Final Report », R256, 262-265.

                                                        13
Vous pouvez aussi lire