Numéro spécial Journées du Patrimoine Septembre 2019 | N 031 Dossier UN LIEU POUR L'ART - Goudblommeke in papier

 
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Numéro spécial Journées du Patrimoine Septembre 2019 | N 031 Dossier UN LIEU POUR L'ART - Goudblommeke in papier
Numéro spécial
      Journées du Patrimoine
      Septembre 2019 | N° 031

Dossier UN LIEU POUR L’ART
Numéro spécial Journées du Patrimoine Septembre 2019 | N 031 Dossier UN LIEU POUR L'ART - Goudblommeke in papier
« CECI N’EST PAS
DOSSIER

            UN MUSÉE –
            ON CONSOMME »
            LA FLEUR
            EN PAPIER DORÉ,
            UN LIEU DE MÉMOIRE
            BRUXELLOIS
                ERIC MIN
                essAYiste et CRitiQue

            Vue sur les salles du café (© Lander Loeckx, 2019 / vzw Geert van Bruaene).

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Numéro spécial Journées du Patrimoine Septembre 2019 | N 031 Dossier UN LIEU POUR L'ART - Goudblommeke in papier
Les endroits où se réunissent des artistes frappent l’imagination, autant
NOTE DE LA RÉDACTION

                       que ceux où l’art est produit. Et lorsqu’il s’agit de noms ronflants, ils
                       deviennent d’authentiques lieux de pèlerinage pour les amateurs d’art.
                       On imagine les amitiés qui s’y sont forgées, les rivalités qui s’y sont
                       affrontées, les discussions qui y ont été tenues et les projets les plus fous
                       qui y ont été échafaudés. L’un de ces lieux est La Fleur en papier doré /
                       het Goudblommeke van papier, un troquet qui, durant la seconde moitié
                       du siècle dernier, était le lieu de rendez-vous attitré de bon nombre
                       d’écrivains et artistes, grâce à son exploitant qui ne devait en rien céder
                       à ses hôtes en matière d’excentricité. Dans son récit, Eric Min rend un bel
                       hommage à l’histoire du café et à son patron.

Un repaire de brigands ? Le
musée privé d’un collection-

                                                                                                                 N°031 - NUMÉRO SPÉCIAL - SEPTEMBRE 2019 Un lieu pour l’Art
neur excentrique ? Une brocante ?
Lorsque vous poussez pour la pre-
mière fois la porte de La Fleur en
Papier Doré, vous ne savez pas d’em-
blée dans quel genre d’endroit vous
êtes tombé. Cet estaminet un peu
crasseux où le temps semble s’être
arrêté se trouve à une intersection :
c’est à la fois une collection d’objets
porteurs de mémoire et un creuset
de souvenirs immatériels – un frag-
ment d’histoire vivante.

Si le bistrot ne s’était trouvé rue
des Alexiens à Bruxelles, mais –
mettons – à l’angle de la rue Saint-
Médard et de la rue Mouffetard
à Paris, La Fleur en Papier Doré
aurait été connue dans le monde
entier comme un exemple parfait
                                                                                                                 BRUXELLES PATRIMOINES

de ce que les Français appellent un
« lieu de mémoire ». C’est l’histo-
rien et académicien Pierre Nora qui                                                       Façade de
a propulsé cette expression dans le                                                       la rue des
                                                                                          Alexiens
Grand Robert. Entre 1984 et 1992, il                                                      (© Lander
a été le maître d’œuvre de l’ouvrage                                                      Loeckx, 2019 /
                                                                                          vzw Geert van
de référence Les Lieux de Mémoire                                                         Bruaene).

                                                                                                           093
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« Ceci n’est pas un musée – on consomme »

      publié en trois tomes de l’épaisseur
      d’un poing1. Sur près de 5.000 pages,
      plus d’une centaine d’auteurs ont
      écumé l’histoire de France en se
      basant sur des lieux où les souvenirs
      du passé étaient encore particuliè-
      rement vivaces, mais aussi des per-
      sonnages et de symboles, d’usages
      et d’événements, de traditions et de
      rituels, de moments et de monu-
      ments – depuis les plaques com-
      mémoratives sur les façades des
      maisons jusqu’aux émotions collec-
      tives lors de catastrophes et même
      de bribes de langage… Des traces
      que l’on peut compiler et agencer
      jusqu’à ce qu’émerge une sorte de
      carte mentale d’une communauté.

      Un lieu de mémoire peut donc
      avoir un emplacement physique,
      géographique mais ce n’est pas
      indispensable. Dans le phéno-
      mène bruxellois (et éminemment
      bilingue) La Fleur en Papier Doré -
      Het Goudblommeke in Papier, tous
      ces éléments s’entremêlent. Un
      espace – une adresse dans l’an-
      nuaire, un petit point sur Google
      Earth – devient ainsi une incarna-
      tion de notre mémoire culturelle et
      de notre souvenir collectif. Le café
      est tout à la fois un lieu de rencontre
      où l’on glose sur le monde devant
      un verre de Zinnebier et un endroit
      où les strates du passé ont (littéra-
      lement) subsisté sur les murs tels
                                                (© Lander Loeckx, 2007 / vzw Geert van Bruaene).
      des dépôts géologiques, sous forme
      d’inscriptions, de griffonnages, de
      petites peintures et autres œuvres        trot, farceur, brocanteur, marchand          encore fièrement les affres du
      d’art ou improvisations.                  d’art, tendre anarchiste, surréaliste        temps), tous ont fait la culbute ou
                                                et cosmopolite tout à la fois. Cette         ont été transformés en bars bran-
                                                préhistoire fait de La Fleur en Papier       chés pour touristes. Cela nous
      24 HEURES DE                              Doré un des derniers vestiges d’une          amène de suite à la réflexion cultu-
      LIBERTÉ PAR JOUR                          race en voie d’extinction, le café lit-      rellement pessimiste que tout ce
                                                téraire et artistique, qui a contribué       qui est de valeur est sans défense,
      Tout cela est à imputer au caractère      à façonner la vie artistique euro-           mais aussi à la prise de conscience
      singulier de l’estaminet, que nous        péenne entre, grosso modo, 1850              qu’il est rudement compliqué de
      pouvons en fait considérer comme          et 1950. À l’exception de quelques           dire à quel moment quelque chose
      un (auto)portrait de l’homme qui          rares survivants à Vienne, à Trieste         d’authentique se mue en pastiche.
      a régné sur les lieux pendant tant        et à Paris (et du Cirio bruxellois, qui      Quel pourcentage d’une atmos-
      d’années : Geert (ou Gérard) van          a jadis accueilli August Vermeylen et        phère d’origine doit-il encore flotter
      Bruaene (1891-1964) – patron de bis-      ses amis et qui traverse aujourd’hui         dans un bâtiment pour le percevoir

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                                                                                    Fleur en Papier Doré’ de Geert van Bruaene
                                                                                    (© Lander Loeckx, 2007 / vzw Geert van
                                                                                    Bruaene)

                                                                                    ←
                                                                                    Geert van Bruaene sur une photo encadrée
                                                                                    dans le café (© Lander Loeckx, 2007 / vzw
                                                                                    Geert van Bruaene).

                                                                                                                                       N°031 - NUMÉRO SPÉCIAL - SEPTEMBRE 2019 Un lieu pour l’Art
comme « authentique » ? Quelle part       opgetrokken uit gebroebel, gebladder      « des objets qui sont sur le point
des pigments d’origine une peinture       en gebarsten tegels – is wereldkam-       de mourir » ou qui entretiennent
doit-elle contenir pour l’attribuer       pioen in het koesteren van patina. Het    entre eux des relations mysté-
à Vincent van Gogh ? À La Fleur en        gebinte, de steunbalken en de stijlen     rieuses, comme le faisait remar-
Papier Doré, l’authenticité se porte      zijn zo kaduuk als in een interieur van   quer le philosophe de la culture
bien : pour les clients du XXIe siècle,   Van Gogh – zowat de enige schilder die    Walter Benjamin3. Tout comme les
les trois salles en enfilade consti-      hier nooit is geweest »2. Chaque « lieu   salons artistiques de leurs prédé-
tuent un décor vintage des années         de mémoire » se trouve ainsi dans la      cesseurs dadaïstes, les expositions,
1950, protégé comme monument du           zone d’ombre entre la précision his-      collages et assemblages surréa-
plancher au plafond. Heureusement         torique, la fantaisie et l’ambiance.      listes semblaient composés d’ob-
pour nous, ce qui a été altéré par                                                  jets trouvés : c’étaient des amas
le temps ne semble donc pas sans          Ce qui est sûr, c’est que Geert van       de curiosités, des capharnaüms
valeur, même si le passé littéraire       Bruaene s’est senti parfaitement à        assemblés dans un équilibre fragile
du bistrot est parfois exagéré : tous     l’aise dans le milieu des surréalistes    à l’aide de ficelles et de salive. Tout
                                                                                                                                       BRUXELLES PATRIMOINES

les artistes évoqués dans le café         bruxellois ; l’intérieur de ce café en    comme le « brol » aux murs de ce
n’y sont pas toujours réellement          est un témoin silencieux. Un des          café, ce sont les traces et les fan-
venus. En avril 2018, le journaliste      traits caractéristiques de ce mou-        tômes d’une vie oubliée. L’intérieur
bruxellois Michaël Bellon a fait le       vement était en effet sa fascination      de van Bruaene est à mi-chemin
lien, dans l’hebdomadaire Bruzz,          pour la désuétude et le hasard. Les       entre un bouge, une boutique d’an-
entre l’intérieur et son histoire         surréalistes adoraient les intérieurs     tiquités, un musée du terroir et un
mythique : «Het Goudblommeke –            élimés et les objets hors d’âge,          décor de théâtre. On y trouve un

                                                                                                                                 095
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« Ceci n’est pas un musée – on consomme »

  vrai pandémonium d’objets : des
  peintures, des photos sous cadre,
  des inscriptions énigmatiques, des
  panneaux publicitaires, des baro-
  mètres brisés, une ramure et une
  hallebarde, un aigle napoléonien
  et un cor de chasse, des affiches,
  des bricoles, du bric-à-brac, des
  natures mortes maladroites – en
  fait, tout l’intérieur ressemble à s’y
  méprendre à une nature morte. Au
  cœur de cette Wunderkammer se
  trouve un comptoir au décor anar-
  chique. La Fleur en Papier Doré est
  un sanctuaire de mots, un cabinet
  de curiosités pour l’esprit. Et pour
  le corps, car on n’y a pas seulement
  discuté, on y a aussi consommé et
  plaisanté – la « zwanze » est une
  expression bruxelloise intraduisible
  qui signifie une foutaise verbeuse.
  Cent ans plus tard, les blagues de
  comptoir sont toujours les mêmes.
  Quand tombe le soir, une lumière
  fébrile perle dans les verres et vient
  un spleen que personne ne peut
  expliquer.

  Tout ce temps, le café était comme
  une petite planète, un port franc
  pour individus qui ne peuvent être
  seuls qu’en compagnie. Il était écrit
  dans les étoiles que le remuant
  et quelque peu débridé Geert van
  Bruaene finirait par investir le lieu.
  Ce petit homme corpulent, à la
  lourde monture de lunettes, a tra-
                                             (© Lander Loeckx, 2007 / vzw Geert van Bruaene).
  versé l’existence sous le nom de
  Gérard le Bistrot, Zérar la Brocante, le
  Colporteur ou le Bookmaker. Il s’est
  essayé à au moins une douzaine de          buter sur l’une ou l’autre formule           lieux –, mais la transcription en
  métiers, d’acteur à marchand d’art         de sagesse de notre anarchiste de            bruxellois de « olie komt bovendri-
  ou patron de café. C’était un bidouil-     patron de bistrot. « Tout homme              jven » (l’huile vient flotter à la sur-
  leur, un personnage de roman               a droit à vingt-quatre heures de             face), à l’instar de la qualité, en
  auquel l’écrivain Irène Hamoir,            liberté par jour » , par exemple, ou         somme. Et aujourd’hui encore, il est
  compagne du surréaliste Louis              « Nous ne sommes pas assez rien              rappelé au client qui pousse la porte
  Scutenaire, prêtera les traits de          du tout ». Au-dessus du poêle dans           de La Fleur en Papier Doré, avec un
  Gédéon la Crapule, un petit malfrat,       la pièce avant du café figure encore         clin d’œil à Magritte, qu’il pénètre
  dans son roman à clef Boulevard            toujours la mystérieuse maxime Ole           non pas dans un temple de l’art,
  Jacqmain, en 1953. Dans ces années         Com Bove ; il ne s’agit pas d’un adage       mais dans un commerce : quelqu’un
  cinquante et soixante dorées, il           sanskrit ou d’une devise syldave du          y a griffonné sur un panonceau, et
  n’est pour ainsi dire pas possible         dessinateur de bandes dessinées              avec une belle écriture, « Ceci n’est
  d’ouvrir une revue surréaliste sans        Hergé – encore un hôte notoire des           pas un musée - on consomme ».

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Le surréalisme et le naturel mer-        avec l’aide de l’occupant allemand.       ses compagnons d’armes. Mais
cantile du commerçant ont tou-           Étaient-ce les sympathies politiques      rares furent les bonnes affaires,
jours été les deux côtés de la même      de van Bruaene qui le conduisirent à      tant l’anarchiste qu’était Gérard
médaille bruxelloise. Van Bruaene        Berlin en 1918, où il aurait rencon-      la Crapule multipliait les extrava-
ne le contredirait assurément pas.       tré le poète et critique d’art Paul van   gances. Si rien n’avait de valeur, tout
En tant que marchand d’art, il n’avait   Ostaijen et découvert les derniers        ne pouvait-il être placé pêle-mêle,
pas particulièrement fait florès ;       courants en date ? Cet épisode est        comme sur la première brocante
c’est sa compagne, Marietje Cleren       nappé sous les brumes du temps.           venue ? Entre ses mains, la frontière
– patronne de café de son état –         Après l’armistice, Geert refit son        entre le vrai et le faux, le plagiat et
qui l’a chaperonné financièrement        apparition dans le monde du théâtre       la pièce unique, devenait mince
pendant des années. Dans un épi-         bruxellois, et ce fut d’emblée la der-    comme du papier à cigarettes.
sode d’Ooggetuige, la rubrique qu’il     nière fois qu’il joua explicitement la    Lorsque Hans Arp arriva à Bruxelles
a assurée pendant plusieurs années       carte flamande. Ses projets allaient      pour y exposer chez van Bruaene,
dans l’hebdomadaire Knack, Johan         désormais se déployer sous la ban-        il apparut que l’artiste n’avait
Anthierens a évoqué avec tendresse       nière francophone. Le cortège de          emmené avec lui aucune œuvre.
cette Marie-Joséphine dite Molleke :     galeries d’art, de boutiques d’art et     Heureusement, l’homme avait noté
en juin 1975, Geert est décédé depuis    de bistrots qu’il allait ouvrir entre     dans son agenda les dimensions, les
plus de dix ans et sa femme survit       1923 et sa mort en 1964 évoquent le       couleurs et les formes d’un certain
« en profonde mélancolie » ; elle n’a    texte d’une chanson dans la langue        nombre de reliefs, et avec quelques
conservé de l’époque de l’aventure       de Molière – ou le catalogue des          amis, Geert se mit au travail. Ils
artistique qu’une jambe artificielle.    œuvres de Magritte, mélangé avec          passèrent la nuit à bricoler, armés
Dans l’époque d’Anthierens, c’est        une collection de bandes dessi-           de scies, de pinceaux et d’un pot de
une « pas inintéressante Madame          nées d’un Hergé déjanté : le Cabinet      colle, et le lendemain matin, l’expo-
Galland, une Luxembourgeoise »           Maldoror, À la Vierge Poupine, L’Imaige   sition était prête. Quelqu’un croit-il
qui tient les rênes du café, où flotte   Nostre-Dame, Le Diable par la Queue,      encore vraiment de nos jours que
apparemment déjà « un fort relent        L’Agneau Moustique, Le Soleil Noir        les dessins de Magritte et le poème

                                                                                                                               N°031 - NUMÉRO SPÉCIAL - SEPTEMBRE 2019 Un lieu pour l’Art
de musée ».                              et finalement cette fameuse Fleur         de la main de Gezelle sur les murs
                                         en Papier Doré, une traduction de         de La Fleur en Papier Doré sont
Van Bruaene, né à Courtrai et arrivé     sa plume de ce qui pourrait être un       authentiques ?
dans la capitale avec ses parents        vers de Guido Gezelle. Une douzaine
vers 1905, a fait ses débuts d’ar-       de métiers et treize accidents, telle
tiste lyrique sur les planches du        fut la maigre moisson du laborieux        EN ROUTE VERS LA FLEUR
Koninklijke Vlaamse Schouwburg           van Bruaene à Bruxelles. Pendant
et du théâtre de l’Alhambra. À son       tout ce temps, l’homme a orbité           Les registres de la population
éphémère carrière au KVS, où il          autour de la planète des arts sans        bruxellois nous apprennent que
a interprété Candida de George           jamais vraiment poser le pied sur le      dans les années trente, l’homme
Bernard Shaw, il doit d’ailleurs un      sol.                                      caracolait d’une adresse à l’autre.
revenu de 110 francs par an comme                                                  Vers 1935, il atterrit à l’Impasse
pensionné de l’État ; plus tard, il      L’homme aux lunettes rondes a             des Cadeaux, rue du Marché aux
mentionnerait d’ailleurs son matri-      ouvert, sans grand succès, une            Herbes, où il exploita l’estami-
cule et le montant de sa pension,        galerie après l’autre et à chaque         net À l’Imaige Nostre-Dame avec
un peu comme des titres honori-          fois de nouveaux comparses se             Marietje. Le café existe encore de
fiques, sur une carte de visite. Sa      sont succédé à ses côtés. Dans le         nos jours ; aujourd’hui, vous y ren-
collaboration avec le directeur de       Cabinet Maldoror, un « centre d’arts      contrez encore quelques touristes
théâtre Adolf Clauwaert – what’s in      plastiques » situé dans l’hôtel           fatigués et quelques habitués. En
a name? – a entraîné van Bruaene         Ravenstein, Van Bruaene fut assisté       était-il vraiment autrement dans
                                                                                                                               BRUXELLES PATRIMOINES

dans les milieux du nationalisme         par son chargé d’affaires Michel de       les années 1930 ? L’intérieur pit-
flamand, une idéologie qui, durant       Ghelderode. Pour sa galerie À la          toresque de ce café d’artistes res-
la Première Guerre mondiale, allait      Vierge Poupine, qui ouvrit ses portes     semble à s’y méprendre à une pre-
se fondre dans ce que quelques           en 1925 avec des peintures de Floris      mière incarnation de La Fleur en
historiens complaisants appellent        Jespers dans la rue de Namur, ce          Papier Doré : vitres peintes par
l’« activisme » : une tentative d’im-    furent les poètes Camille Goemans         Ferdinand Schirren, une collec-
poser les exigences flamandes            et Paul van Ostaijen qui devinrent        tion de pipes, un cor de chasse, du

                                                                                                                         097
Numéro spécial Journées du Patrimoine Septembre 2019 | N 031 Dossier UN LIEU POUR L'ART - Goudblommeke in papier
« Ceci n’est pas un musée – on consomme »

      « brol » religieux, des aphorismes,        calligraphiées sur les murs de La          celui-ci jusqu’à sa nouvelle destina-
      de menues peintures… Un instant,           Fleur en Papier Doré n’avaient pas         tion, en haut de la ruelle escarpée.
      il a semblé que van Bruaene avait          été conservées avec amour – depuis
      troqué le monde de l’art contre une        1997 la façade et les trois salles         Vers 1950, Geert le sexagénaire a dû
      vie derrière un comptoir, même             de consommation sont protégées             vivre comme une seconde jeunesse.
      si l’homme allait encore ouvrir            comme monument par la Région               Une période chargée, au cours de
      maintes boutiques et continuer à           bruxelloise (voir encadré) –, cela ne      laquelle son bistrot se mua en épi-
      faire commerce d’œuvres d’art (et          vaudrait plus un clou. Qui d’autre         centre de la « République des Arts et
      de tapis) en dehors du circuit offi-       que Marietje s’est préoccupée de ce        des Lettres ». Tout a commencé en
      ciel. Un an avant la mort de Geert, le     que notre bidouilleur puisse amé-          décembre 1949, lorsque l’essayiste
      surréaliste fauché Paul Nougé, qui         nager son dernier décor ? Lorsque          Jan Walravens s’y réunit pour la
      s’était déjà défait auparavant de sa       l’œil de Geert est tombé sur le Café       première fois avec la rédaction de
      bibliothèque, lui a encore vendu ses       des Artistes de la rue des Alexiens,       la revue littéraire Tijd en Mens, le
      trois dernières toiles de Magritte         ce fut elle qui approcha le proprié-       périodique « pour la nouvelle géné-
      pour 12.000 francs, à payer en men-        taire des lieux, la Commission d’As-       ration » qui avait présenté son pre-
      sualités. Notre marchand lui a versé       sistance publique de Bruxelles 4,          mier numéro en octobre de cette
      dix fois 1.000 francs, avant de rendre     munie d’une proposition. Marie sou-        année-là. C’était une revue d’avant-
      son dernier soupir. Une dernière           haitait y exploiter une « auberge          garde vieille école, avec un mani-
      blague.                                    à l’ancienne », « de caractère             feste solide qui fulminait contre la
                                                 folklore et expositions perma-             petite bourgeoisie, la corruption et
      En fait, c’est Marie Cleren qui a          nentes de tableaux populaires ».           la cruauté qui avaient conduit à une
      permis à son Gérard de tenir le            L’aménagement serait de la main            guerre insensée. Dans sa rédaction,
      coup pendant tout ce temps. La             de M. van Bruaene, ancien secré-           nous trouvons des écrivains comme
      femme connaissait son affaire et           taire de l’Union Internationale des        Hugo Claus, Louis Paul Boon,
      a exploité toute une série de cafés,       Peintres et Sculpteurs et des Amis de      Albert Bontridder et Remy C. van de
      par exemple De Hoef à Uccle et À la        l’Art Populaire, couronné par le prix      Kerckhove.
      Belle Étoile à Woluwe-Saint-Pierre.        de la Ville de Bruxelles en 1935. Le
      On dirait même que van Bruaene             plan réussit et le bail prit effet le 15   Une semaine plus tard précisé-
      menait une existence clandestine           octobre 1944.                              ment, van Bruaene ouvrit encore
      dans les salles de consommation                                                       une nouvelle galerie, Le Diable par
      de son épouse illégitime. Il a eu, à       Avec sa nouvelle demeure, notre            la Queue, dans la rue de l’Homme
      ce qu’il semble, de nombreuses             ancien secrétaire s’est en revanche        Chrétien, une triste venelle de liai-
      dettes – et il était sans le sou –, mais   très littéralement ancré dans la           son dans le centre-ville entre la
      Marietje le sortait toujours du mau-       mémoire de la ville. La petite mai-        rue des Éperonniers et la rue
      vais pas. De temps à autres, son           son du XVIIe siècle où il aménagea         Duquesnoy. L’enseigne mention-
      nom était cité dans des affaires de        La Fleur en Papier Doré se dresse          nait Gezottenvanapaiponmettegève,
      falsification d’œuvres d’art. Mais qui     dans une des plus vieilles rues de         expression bruxelloise sublime pour
      lui jettera la pierre ? Après l’urinoir    Bruxelles, tout près de la première        l’expression « je zou ervan de pijp aan
      de Marcel Duchamp et le séisme             enceinte de la ville. Il s’y trouvait      Maarten geven » (vous en jetteriez
      provoqué par le dada, il n’était plus      jadis un couvent de frères Alexiens        l’éponge). Pour l’exposition inaugu-
      question dans l’art de vrai ou de          – ce qui explique le nom de l’endroit.     rale, Geert fit venir à Bruxelles des
      faux, mais de la différence entre          Van Bruaene a également intégré le         dessins et des peintures de son ami
      dépassé et intéressant.                    passé dans le lieu. L’imposant poêle       français Jean Dubuffet ; une nou-
                                                 de Louvain proviendrait d’un autre         velle primeur pour la capitale belge,
      Van Bruaene était-il simplement fai-       monument de la bohème bruxel-              après Paris et New-York. Walravens
      néant ou son doute perpétuel était-il      loise, Le Diable au Corps dans la          se rappelait que les toiles devaient
      une forme de peur d’échouer ?              rue aux Choux. Lorsque ce café fut         valoir 8.000 francs belges pièce. Il
      Lorsque Magritte et Marcel Mariën          exproprié en 1928 en vue de l’exten-       admirait le goût éclectique de son
      ont voulu réunir dans un livret les        sion de l’Innovation, son mobilier fut     frère d’armes et sa « décoiffante
      aphorismes que leur ami décla-             mis en vente publique. Nul ne sait         absurdité ».
      mait derrière son comptoir, il a           comment van Bruaene a fait main
      jeté le gant. Si les idées et autres       basse sur le pesant poêle et traîné        Van Bruaene rebaptisa rapidement
      maximes que Geert a finalement             (de nombreuses années plus tard ?)         sa galerie ; trouva-t-il L’Agneau

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RESTAURER UN PATRIMOINE VIVANT
                                                                                                                     (© Lander Loeckx,
L’Arrêté du Gouvernement de la                                                                                       2019 / vzw Geert van
Région de Bruxelles-Capitale signé                                                                                   Bruaene).
le 3 juillet 1997 protège la façade,
le toit et les trois salles du rez-
de-chaussée comme monument,
« ainsi que les éléments du mobi-
lier et de la décoration ». L’annexe
du document nous apprend de quoi
il retourne réellement : « …les murs
jaunis de l’estaminet sont couverts
d’un foisonnement d’œuvres enca-
drées et d’objets hétéroclites qui
donne à ce lieu une atmosphère
et un charme tout particuliers (…)             gences quasi inconciliables : d’une             nettoyé et transféré dans un lieu de
L’atmosphère de ce lieu, qui reven-            part, la rénovation afin de répondre            stockage climatisé. Le photographe
dique le titre de plus vieil estami-           à la réglementation horeca actuelle             a, au préalable, réalisé des clichés
net en service de la ville, doit être          et, d’autre part, la conservation en            techniques des murs, avec et sans
perpétuée à tout prix. Ce afin de lui          l’état et la restauration des parties           cadres. Du fait de la salissure par la
conserver son caractère exception-             classées. Un permis d’urbanisme a               nicotine sur les murs, les traces des
nel et de permettre aux générations            été demandé à cet effet, dans lequel            objets étaient clairement visibles,
futures de connaître à leur tour ce            les deux aspects ont été placés en              ce qui a en quelque sorte permis
morceau d’anthologie de l’histoire             équilibre. L’approbation a suivi avant          d’utiliser les clichés comme un
de Bruxelles, de son folklore et de            l’été 2007 et les travaux de restau-            plan imprimé. Après la rénovation,
sa vie artistique et littéraire, qui fait      ration ont pu commencer, en étroite             tous les objets ont été remis exacte-
la fierté de ses habitants ». Le mobi-         concertation avec la Direction des              ment au même endroit et même un
lier et la décoration sont donc deve-          Monuments et Sites de l’époque                  peu inclinés (sic) comme sur le plan

                                                                                                                                                   N°031 - NUMÉRO SPÉCIAL - SEPTEMBRE 2019 Un lieu pour l’Art
nus immeubles par destination.                 et avec le soutien financier de la              codé.
Le dossier de classement com-                  Région. Un an plus tard, La Fleur en            Pour      les    exploitants,    c’est
prenait un ensemble de onze pho-               Papier Doré a décroché pour cette               aujourd’hui encore un exercice
tos d’ambiance qui ne correspon-               opération le prestigieux prix Caïus.            d’équilibre délicat entre la conser-
daient pas tout à fait avec ce que             Pour permettre un déroulement                   vation (et la documentation et la
l’asbl avait trouvé lors de la reprise,        rapide et précis des travaux de res-            restauration) de ce petit morceau de
le 1er octobre 2006. L’ « inventaire »         tauration, le photographe Lander                patrimoine et la gestion d’un com-
n’était en outre constitué que d’une           Loeckx s’est vu confier la mission              merce qui doit être en bonne santé
description sommaire. Pour redon-              de dresser un inventaire photo-                 économique et répondre à toutes
ner vie au café, les nouveaux exploi-          graphique des 323 petits cadres et              sortes d’obligations et termes d’hy-
tants devaient remplir deux exi-               objets des salles. Tout a été codé,             giène et de sécurité.

                                                                                                                                                   BRUXELLES PATRIMOINES

Après leur enlèvement, les murs portaient encore la marque des cadres et des objets. La patine de nicotine a été prudemment lavée,
puis réévoquée par la suite à l’aide d’une recette de peinture « secrète » à base de bière Piedbœuf. Photos avant et après restauration (©
Lander Loeckx / vzw Geert van Bruaene).

                                                                                                                                             099
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« Ceci n’est pas un musée – on consomme »

      Moustique simplement de meilleur
      goût ou fallait-il aiguiller le contrô-
      leur des contributions sur une
      fausse piste ? Nous ne le savons
      pas. Van Bruaene y a notamment
      exposé des peintres congolais ;
      encore une prouesse inédite. Et ce
      n’est pas l’inspiration qui lui man-
      quait, car à l’époque, Bruxelles
      connaissait à nouveau un grand
      dynamisme artistique. En mars
      1949, les artistes de Cobra avaient
      tenu leur première exposition dans
      la capitale belge – l’acronyme faisait
      référence aux trois lieux où le mou-
      vement était actif : Copenhague,
      Bruxelles et Amsterdam. Le Belge
      Christian Dotremont se plaignit
      du manque de soutien initial de
      notre pays : à part le critique d’art                                                                        Cadre avec
                                                                                                                   texte dit « de
      Luc Haesaerts et notre Geert van
                                                                                                                   la main de »
      Bruaene, Cobra n’intéressait per-                                                                            Guido Gezelle
                                                                                                                   (© Lander
      sonne. Mais cela allait rapidement
                                                                                                                   Loeckx, 2007 /
      changer, et Tijd en Mens consacra                                                                            vzw Geert van
                                                                                                                   Bruaene).
      des articles et des couvertures à
      Dotremont et ses amis Alechinsky,
      Cox et Corneille, même si la revue        deel weggebroken wijk in het hart          banquet fut organisé à La Fleur en
      ne serait jamais une vitrine du mou-      der stad. En de waard was Geert van        Papier Doré, suivi par une inévitable
      vement. Le côté ludique et délibéré-      Bruaene, een dichter, een zonderling.      séance photo. La photo de groupe
      ment superficiel de Cobra contras-        De gelagzaal zelf was een weerspie-        réalisé sur le perron est passé à la
      tait par trop avec le penchant pour le    geling van wat Van Bruaene voor iets       postérité comme le portrait quasi
      tragique existentiel et existentialiste   was. Er stond een oude antieke kachel,     officiel des surréalistes belges. Sur
      – que Claus appelait « de Aalsterse       met in de vloer zand gestrooid. Er hing    la photo réalisée par l’antiquaire
      doem » (la malédiction alostoise) –       een authentiek handschrift van Guido       Albert van Loock, six messieurs
      de Walravens et de Louis Paul Boon,       Gezelle, een gedicht, door Geert met       et deux dames posent en habit du
      tous deux membres de la rédaction.        alle mogelijke zorg ingelijst... En ver-   dimanche autour de van Bruaene,
                                                der waren er de onmogelijkste dingen       qui toise l’objectif du fond de son
  Ce dernier ne se souvenait que                bij elkaar geraapt: een oud-Brussels       fauteuil. Derrière lui se tient la
  trop bien des réunions de rédac-              ijzeren uithangbord, een pagaai van        crème de l’avant-garde bruxelloise :
  tion dans le café, même s’il minimi-          Indianen uit Zuid-Amerika, beelden         Marcel Mariën, Camille Goemans,
  sait son rôle dans cette aventure :           uit Nieuw-Guinea, en aan de wand           Irène Hamoir, Georgette Magritte,
  pour Boontje, le propos était plus de         teksten van Maldoror, van de surrea-       E.L.T. Mesens, Louis Scutenaire,
  « passer une soirée ensemble » et             listen, en van Geert zelf » 5 .            René Magritte et Paul Colinet. Des
  de boire une bonne bière. Boon se                                                        petits-bourgeois et bourgeoises qui
  fendit toutefois d’une douzaine d’ar-         Un autre événement à carac-                passent un agréable après-midi.
  ticles et reprit avec Walravens et            tère tant artistique qu’anecdotique        Leur esprit vagabonde (parfois),
  Claus la composition de la revue en           s’est déroulé dans l’estaminet. Le         mais vu de l’extérieur, ce sont des
  1953. Sa description de La Fleur en           dimanche 8 mars 1953, les surréa-          casaniers, des adeptes du fauteuil
  Papier Doré vaut le détour :                  listes bruxellois y ont fêté le retour     et du jardin, généralement encroû-
  « Veel zijn we samengekomen, de               de leur fils perdu, Marcel Mariën qui,     tés dans la banlieue. Une échap-
  mannen van Tijd en Mens, in dat               un temps, avait bourlingué à travers       pée à Knokke s’apparente à leurs
  oud Brussels cafeetje, gelegen in de          le monde comme commis de cui-              yeux à une expédition. Scutenaire
  nauwe straatjes der nu voor een groot         sine à bord d’un cargo suédois. Un         est fonctionnaire au ministère des

100
N°031 - NUMÉRO SPÉCIAL - SEPTEMBRE 2019 Un lieu pour l’Art
Portrait de groupe avec Marcel Mariën, Camille Goemans, Irène Hamoir, Georgette Magritte, E.L.T. Mesens, Louis Scutenaire,
René Magritte et Paul Colinet (© Albert Van Loock, 1953 / vzw Geert van Bruaene).

Affaires intérieures, Magritte tra-
vaille un temps dans une société de
papiers peints et Paul Nougé dans
un laboratoire. Les pamphlets de
Correspondance et la brève effer-
vescence de 1926, lorsqu’ils avaient
perturbé quelques représenta-
tions théâtrales à Bruxelles, étaient
depuis longtemps oublié. Ils vou-
laient écrire, faire de l’art et surtout
être laissés en paix. Une petite fête
chez van Bruaene leur suffisait en
guise d’extravagance.
                                                                                                                  « Venez-vous
Docile, la compagnie posa cet                                                                                     asseoir avec nous,
après-midi-là pour une deuxième                                                                                   Albert », photo de
                                                                                                                                          BRUXELLES PATRIMOINES

                                                                                                                  groupe, cette fois
photo, rarement montrée. C’est pro-                                                                               avec Albert Van
bablement Georgette Magritte qui                                                                                  Loock (et sans
                                                                                                                  Georgette Magritte,
s’est mise derrière l’appareil photo                                                                              qui a probablement
– « Venez vous asseoir avec nous                                                                                  pris la photo).
                                                                                                                  Photo encadrée
Albert ». Nos héros ne sont encore                                                                                dans le café (©
réunis pour un troisième portrait de                                                                              Lander Loeckx,
                                                                                                                  2007 / vzw Geert
groupe dans la courette du café. Et                                                                               van Bruaene).

                                                                                                                                    101
« Ceci n’est pas un musée – on consomme »

      une nouvelle fois, La Fleur en Papier
      Doré a servi d’ineffable décor. Les
      clichés ornent encore les murs.

      CLAUS ET VINKENOOG

      Tandis que les surréalistes com-
      mençaient à écrire leur histoire,
      d’autres novateurs attendaient en
      coulisse. En décembre 2006, le
      poète néerlandais Simon Vinkenoog
      se souvenait avec émoi de sa ren-
      contre avec Zérar, qu’il avait rencon-
      tré par l’entremise d’Hugo Claus. Le
      31 mai 1955, ce dernier avait fêté à
      La Fleur en Papier Doré son mariage
      avec Elly Overzier, qui avait été
      consacré quelques jours aupara-
      vant à Gand – lors de l’Erfgoeddag en
      avril 2016, l’asbl Geert van Bruaene
                                                 Le poète et performer néérlandais Simon Vinkenoog à La Fleur en Papier Doré. Dans son
      a même organisé un remake de la            blog, il fait référence au Livre d’Or qu’il avait reçu de Geert van Bruaene (© HoedGekruid,
      fête dans le café. Plus d’un demi-         2008).

      siècle auparavant, une cinquantaine
      de convives s’étaient réunis dans le       ‘Neen, het was die van Teirlinck. Hij was       Enkele minuten hing er een onbehaa-
      bistrot, où van Bruaene reproduisit        een groot vriend geworden van Reimond           glijke stemming in het café. Dan trok-
      la cérémonie célébrée à l’hôtel de         Herreman, kende eerst een fantastische          ken de gasten geleidelijk af. Is voor
      ville, ceint d’un large ruban attaché      opgang, ging dan verschrikkelijk aan de         ons allen de tijd van de grote scheu-
      avec une dent d’éléphant. Corneille        drank, maar realiseerde omstreeks               ringen gekomen? »6
      et Vinkenoog étaient arrivés de            zijn veertigste jaar een werk, dat wree-
      Paris ; les vétérans de Tijd en Mens y     dheid met fantasie paarde. Hij stierf           Les jours qui ont suivi, van Bruaene
      fraternisèrent avec les trublions de       als lid van de Academie, ten zeerste            se mit lui aussi à broyer du noir,
      Cobra. Jan Walravens, un peu émé-          geacht door de kunstenaars, die eens            tourmenté par les impôts et
      ché, tint une oraison funèbre grin-        met hem gedebuteerd hadden. Onder               d’autres tracasseries administra-
      çante, mais visionnaire :                  hen is Karel Appel miljonair geworden;          tives. Le monde et la vraie vie s’in-
      « Raveel en Saverijs dansten heel          Corneille verdween in de woestijn; Marc         vitaient dans ses complaintes. Dans
      spectaculair, Elly was buitengewoon        Mendelson ontpopte zich als de grote            la revue surréaliste Les Lèvres nues,
      lief en Guido Claus [n.v.d.r.: broer       vernieuwer van de Brusselse uithang-            il s’épancha sur la bombe atomique,
      van] schonk om de tien minuten de          borden; gezien zijn dogmatisch karakter         une plaisanterie coûteuse, mais
      glazen vol. Ik ben dan erg giftig gewor-   is Simon Vinkenoog dominee geworden             inévitable – « La bombe H coûte
      den, ik heb mij in de gelakte schoenen     in Nederland waar hij in een geur van           très cher, mais on la donnera » :
      van een kaal en krochend Academielid       heiligheid gestorven is. Jan Walravens          seule la bombe pouvait éliminer
      geschoven en een grafrede gehouden         tenslotte, ging op zoek naar een nieuwe         les traîne-misère qui hantaient
      voor Claus.                                moraal en heeft daarvoor eerst het              son estaminet et doper son chétif
      ‘Claus’, heb ik geroepen, ‘die wij van-    werk van schilders en schrijvers mis-           chiffre d’affaires. Quelques années
      daag allen bewenen, was een onzer          bruikt om zijn moraal vervolgens bij de         plus tard, un van Bruaene fati-
      gelukkigste schrijvers. Hij was scha-      mollen, de nijlpaarden en de helikopters        gué prit la parole dans Rhétorique,
      trijk toen hij stierf, niet alleen lid     op te sporen.’                                  une fois encore une revue aux
      van de Leopoldsorde zoals Louis            Venijnig riep Geert van Bruaene: ‘Dat           racines bruxelloises. L’abrupte
      Paul Boon, maar ook lid van de             is nu de eerste keer, Jan, dat ik u iets        rue des Alexiens était alors deve-
      Kousenband. Hij won alle prijzen...’       verstandigs hoor zeggen !’                      nue une « putain de rue » qui allait
      ‘Wat zijn schuld niet was!’, riep Simon    En Elly Claus verzuchtte: ‘Assez de             à coup sûr signifier sa fin. Notre
      Vinkenoog.                                 méchancetés’.                                   « grand alpiniste de café-concert »

102
Fleur en Papier Doré, après quoi
                                                                                         le cortège s’ébranla en direction
                                                                                         du cimetière de la ville. Ceux qui
                                                                                         peuvent encore s’en souvenir se
                                                                                         rappellent qu’en cours de route,
                                                                                         à chaque café, quelques fidèles
                                                                                         décrochaient ; lorsque le corbillard
                                                                                         est arrivé à demeure, seuls une
                                                                                         poignée de courageux avaient sur-
                                                                                         vécu au périple. Entre les planches
                                                                                         de son cercueil, Zérar van Bruaene
                                                                                         – empereur du bric-à-brac et « raté
                                                                                         magnifique » de l’art – devait rire
                                                                                         sous cape.

                                                                                         UN AVENIR POUR LE PASSÉ

                                                                                         La mort de van Bruaene n’a pas du
                                                                                         tout marqué le chant du cygne de
                                                                                         son biotope de la rue des Alexiens.
                                                                                         Au lendemain de la Seconde Guerre
                                                                                         mondiale, les Permanences poé-
                                                                                         tiques, un cercle littéraire fran-
                                                                                         cophone, y installèrent leur camp
                                                                                         de base. Elles y organisèrent des

                                                                                                                                   N°031 - NUMÉRO SPÉCIAL - SEPTEMBRE 2019 Un lieu pour l’Art
                                                                                         conférences, des expositions et
                                                                                         de courtes représentations théâ-
                                                                                         trales. De ses pérégrinations des
                                                                                         années septante, Johan Anthierens
                                                                                         retint les galeristes Anita Nardon et
                                                                                         Jean-Paul Flament, qui exposèrent
                                                                                         de l’art contemporain au premier
                                                                                         étage de La Fleur en Papier Doré
                                                                                         avant d’établir leur galerie (litté-
                                                                                         ralement souterraine) La Rose tra-
Quelques cartes, dépliants et pages du « Livre d’Or » du café (© Lander Loeckx, 2007 /   versée dans les couloirs de la sta-
vzw Geert van Bruaene).
                                                                                         tion de métro Madou. Après leur
                                                                                         départ de La Fleur, l’artiste plasti-
                                                                                         cienne bruxelloise Mireille Dabée y
était épuisé et à court d’idées. On           laisse simplement rouler quand on          installa son atelier à l’étage supé-
le serait à moins, après avoir vécu           en ressort).                               rieur ; il devint rapidement un lieu
une demi-douzaine de vies. Et la                                                         de rencontre du Tout-Bruxelles
longue rue qui gravit la colline est          Se laisser rouler quand on quitte          artistique et littéraire. Une de ses
bien entendu un pénible obstacle              l’endroit ? C’est précisément ce           hôtes était Jane Tony, qui tenait
qu’il faut franchir pour arriver à La         qu’a fait Geert van Bruaene, citoyen       un cabaret littéraire à proxi-
                                                                                                                                   BRUXELLES PATRIMOINES

Fleur en Papier Doré. Même Boontje            du (bas) monde. Durant la nuit du          mité de la Grand-Place. Après la
bataillait avec les différences de            21 au 22 juillet 1964, pendant une         mort de cette dernière, un comité
niveau bruxelloises : « ge moet klim-         drache nationale accompagnée               a poursuivi cette activité à son
men en klimmen om er te geraken,              d’orages, d’éclairs et de coups de         nom à La Fleur en Papier Doré.
maar men laat zich gewoon rollen als          tonnerre à foison, il rendit l’âme. Il     Inlassablement, le Grenier Jane
men weer weggaat » (il faut grimper,          fut inhumé sous un soleil de plomb.        Tony organise aujourd’hui encore
grimper pour y arriver, mais on se            Une foule se rassembla devant La           des activités littéraires. Émile

                                                                                                                             103
« Ceci n’est pas un musée – on consomme »

                                                                                                  Kesteman, la cheville ouvrière de
                                                                                                  la compagnie jusqu’à sa mort en
                                                                                                  2011, a un jour dressé une liste de
                                                                                                  près de 350 poètes qui y avaient
                                                                                                  usé leurs semelles (même si nous
                                                                                                  admettons volontiers que ni Dylan
                                                                                                  Thomas ni Georg Trakl n’ont jamais
                                                                                                  mis les pieds à La Fleur en Papier
                                                                                                  Doré).

                                                                                                  Un nouveau chapitre s’est ouvert
                                                                                                  après qu’un groupe d’amis reprit
                                                                                                  le café en faillite en 2006 et y créa
                                                                                                  une société coopérative à res-
                                                                                                  ponsabilité limitée, pour rouvrir
                                                                                                  l’établissement après une année
      Jaune Toujours lors de la réouverture de La Fleur en Papier Doré en 2007 (© Lander          de restauration et de rénovation.
      Loeckx, 2007 / vzw Geert van Bruaene).
                                                                                                  Les membres de l’asbl Geert van
                                                                                                  Bruaene ont attiré (et attirent) iel
                                                                                                  schuun vollek (du très beau monde)
                                                                                                  dans l’antre de van Bruaene, de
                                                                                                  Herr Seele à Jaune Toujours et d’Al-
                                                                                                  bert Bontridder à Chris Lomme.
                                                                                                  Ils apportent ainsi, jour après jour,
                                                                                                  leur contribution à ce « lieu de
                                                                                                  mémoire » unique en son genre :
                                                                                                  non pas un musée, mais un lieu de
                                                                                                  rencontre pour le corps et l’esprit,
                                                                                                  un organisme vivant dans le tissu
                                                                                                  de la ville. Fort heureusement,
                                                                                                  aussi bien La Fleur en Papier Doré
                                                                                                  que l’asbl qui le soutient disposent
                                                                                                  de tous les atouts nécessaires.
                                                                                                  Quiconque fouille dans les archives
                                                                                                  de Koen de Visscher et d’Arnout
                                                                                                  Wouters, deux des forces motrices
                                                                                                  du café, comprend que l’héritage
                                                                                                  de Geert van Bruaene est entre de
                                                                                                  bonnes mains. Ole Com Bove!

                                                                                                                Traduit du Néerlandais

  Le patio intérieur est orné d’une peinture murale de Marc Daniels : un hommage de Stam
  & Pilou à Geert van Bruaene et sa « Fleur en Papier Doré ». La peinture murale est une
  réalisation d’ARA! (2011), une association dialectale bruxelloise qui a intégré be.Brusseleir
  vzw (© Lander Loeckx, 2019 / asbl Geert van Bruaene).

104
réalisé vers ses quarante ans une      ‘This is not a museum—no
NOTES                                             œuvre alliant férocité et fantaisie.   entry without a purchase’
                                                  Il est mort comme membre de
                                                  l’Académie, hautement apprécié
                                                                                         La Fleur en Papier Doré/Het
1. NORA, P., Les Lieux de Mémoire,                                                       Goudblommeke: A Brussels
                                                  des artistes qui avaient jadis
   Gallimard (Quarto), Paris, 1997.
                                                  débuté à ses côtés. Parmi              lieu de mémoire
2. BELLON, M., « Laptopia :                       eux, Karel Appel est devenu
   Goudblommeke in Papier », in BRUZZ, n°         millionnaire ; Corneille a disparu
   1611, 11 avril 2018. « La Fleur en Papier      dans le désert ; Marc Mendelson        Places where artists gather
   Doré – née de babils, d’écaillages et          s’est mué en grand rénovateur          exert just as much fascination
   de lézardes – est la championne du             des enseignes bruxelloises ; vu
   monde de la patine. La charpente, les          sa nature dogmatique, Simon
                                                                                         for us as places where art is
   poutres de soutien et les jambages             Vinkenoog est devenu pasteur aux       made. One such rendezvous
   sont aussi caducs qu’un intérieur              Pays-Bas où il a trépassé en odeur     is La Fleur en Papier Doré (‘The
   de Van Gogh – pour ainsi dire le seul          de sainteté. Jan Walravens, enfin,
   peintre qui y soit jamais venu »               s’est mis en quête d’une nouvelle
                                                                                         Gilt Paper Flower’, in Dutch ‘Het
                                                  moralité et a d’abord, à cet effet,    Goudblommeke in Papier’), an
3. Voir notamment: « Het surrealisme.
                                                  détourné l’œuvre de divers             authentic ‘brown café’ popular
   De laatste momentopname van de
                                                  peintres et écrivains pour ensuite
   Europese intelligentsia », in BENJAMIN,
                                                  retoucher sa moralité, et partir sur
                                                                                         with writers and artists in the
   W., Maar een storm waait uit het                                                      second half of the 20th century.
                                                  les traces des hippopotames et
   paradijs. Filosofische essays over taal en
                                                  des hélicoptères.’                     The bar’s clientele included
   geschiedenis, SUN, Nimègue, 1996.
                                                  Traitreusement, Geert van
4. Actuellement le CPAS, encore toujours          Bruaene lança alors : ‘Eh bien,
                                                                                         not only renowned Belgian
   propriétaire du bâtiment.                      Jan, c’est bien la première fois que   Surrealists like René Magritte
                                                  je t’entends dire quelque chose de     and Marcel Mariën, but also, at a
5. « Nous nous sommes souvent réunis,
                                                  sensé !’
   nous, les gens de Tijd en Mens, dans
                                                  Et Elly Claus de gémir : ‘Assez de
                                                                                         later stage, key figures from the
   ce vieil estaminet bruxellois, situé
                                                  méchancetés’                           COBRA movement, amongst them
   dans les ruelles étroites de ce quartier
                                                  Pendant quelques minutes, une          Hugo Claus and Simon Vinkenoog.
   en grande partie démoli au cœur de
                                                  ambiance délétère s’abattit sur
   la ville. Notre hôte était Geert Van
                                                  le café. Ensuite, les convives s’en
                                                                                         Above and beyond this, however,
   Bruaene, un poète, un original. La salle
                                                  allèrent peu à peu. Le temps des       the Goudblommeke was the life’s
   elle-même était un reflet de ce qu’était
                                                  grandes déchirures est-il venu         work of its creator and driving
   en fait Van Bruaene. Il s’y dressait un
                                                  pour chacun d’entre nous ? »
                                                                                         force, Geert (or Gérard) van

                                                                                                                                      N°031 - NUMÉRO SPÉCIAL - SEPTEMBRE 2019 Un lieu pour l’Art
   poêle antique, avec du sable dans le
   fond. On y voyait suspendu un poème
                                                                                         Bruaene—a proprietor every
   écrit de la main de Guido Gezelle,
   encadré avec tout le soin nécessaire                                                  bit as unconventional as his
   par Geert… Et l’on y trouvait également                                               customers. The myriad pictures
   les choses les plus disparates : une
                                                                                         and objects seemingly merging
   ancienne enseigne bruxelloise en fer,
   une pagaie d’Indiens d’Amérique du                                                    into the café’s smoke-stained
   Sud, des statues de Nouvelle-Guinée                                                   walls sum up, even more potently
   et, au mur, des textes de Maldoror, des
                                                                                         than the history of the place, the
   surréalistes, et de Geert lui-même. »
                                                                                         soul of this emblematic location
6. « Raveel et Saverijs dansaient de
   manière très spectaculaire, Elly était                                                or lieu de mémoire. Eric Min’s
   incroyablement aimable et Guido Claus                                                 account pays fitting tribute to both
   [n.d.l.r. : le frère de l’autre] remplissait                                          the café’s story and its owner.
   les verres toutes les dix minutes. Je
   suis alors devenu très virulent, j’ai
   enfilé les chaussures laquées d’un
   académicien chauve et crachotant et
   tenu une oraison funèbre pour Claus.
   ‘Claus’, ai-je crié, ‘que nous pleurons
   tous aujourd’hui, était un de nos plus
   heureux écrivains. À sa mort, il était
   riche comme Crésus, non seulement
   membre de l’Ordre de Léopold comme
   Louis Paul Boon, mais également
                                                                                                                                      BRUXELLES PATRIMOINES

   membre de l’Ordre de la Jarretière. Il a
   gagné tous les prix...’
   ‘Ce n’était pas de sa faute !’, s’écria
   Simon Vinkenoog
   Non, c’était celle de Teirlinck. Il était
   devenu un grand ami de Reimond
   Herreman, a d’abord connu un
   succès fantastique, a ensuite sombré
   effroyablement dans la boisson, mais a

                                                                                                                                105
COLOPHON

COMITÉ DE RÉDACTION                       ÉDITEUR RESPONSABLE
Stéphane Demeter, Paula Dumont,           Bety Waknine, directrice générale,
Murielle Lesecque, Griet Meyfroots,       Urban.brussels (Service public régional
Valérie Orban, Cecilia Paredes,           Bruxelles Urbanisme & Patrimoine)
Brigitte Vander Brugghen                  Mont des Arts 10-13, 1000 Bruxelles
RÉDACTION FINALE EN FRANÇAIS              Les articles sont publiés sous la
Stéphane Demeter                          responsabilité de leur auteur. Tout droit
RÉDACTION FINALE EN NÉERLANDAIS           de reproduction, traduction et adaptation
Paula Dumont et Griet Meyfroots           réservé.

SECRÉTARIAT DE RÉDACTION                  CONTACT
Murielle Lesecque                         Urban.brussels
                                          Mont des Arts 10-13, 1000 Bruxelles
COORDINATION DU DOSSIER                   www.patrimoine.brussels
Paula Dumont                              bpeb@urban.brussels
COORDINATION DE L’ICONOGRAPHIE            CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES
Julie Coppens                             Malgré tout le soin apporté à la
                                          recherche des ayants droit, les éventuels
AUTEURS / COLLABORATION                   bénéficiaires n’ayant pas été contactés
RÉDACTIONNELLE                            sont priés de se manifester auprès
Werner Adriaenssens, Anne-Lise            d’Urban.brussels.
Alleaume, Jean-Marc Basyn, Amandine
Berry, Guy Conde-Reis, Françoise          LISTE DES ABRÉVIATIONS
Cordier, Thomas Deprez, Paula Dumont,     AVB – Archives de la Ville de Bruxelles
Jacqueline Guisset, Pascale Ingelaere,    CIDEP – Centre d’information, de
Christophe Loir, Irène Amanti Lund,       documentation et d’étude du patrimoine
Cristina Marchi, Marc Meganck, Griet      KIK-IRPA – Koninklijk Instituut voor het
Meyfroots, Eric Min, Valérie Montens,     Kunstpatrimonium / Institut royal du
Marie Noble, Valérie Orban, Cecilia       Patrimoine artistique
Paredes, Christian Spapens, Septembre     MRAH Musées Royaux d’Art et Histoire
Tiberghien, Véronique Van Bunnen,         MRBAB – Musées royaux des Beaux-
Brigitte Vander Brugghen, Peter Van       Arts de Belgique
Goethem                                   MVB - Musée de la Ville de Bruxelles
                                          PBA - Palais des Beaux-Arts
RELECTURE                                 STIB/MIVB - Société des Transports
Martine Maillard, Margaret Clarke         Intercommunaux de Bruxelles/
et le comité de rédaction                 Maatschappij voor Intercommunaal
TRADUCTION                                Vervoer te Brussel
Gitracom, Ubiqus Belgium NV/SA            WHI - War Heritage Institute

GRAPHISME                                 ISSN
Polygraph’                                2034-578X

CRÉATION DE LA MAQUETTE                   DÉPÔT LÉGAL
The Crew communication sa                 D/2019/6860/013

IMPRESSION                                Dit tijdschrift verschijnt ook in het Nederlands
Graphius Brussels                         onder de titel “Erfgoed Brussel”.
DIFFUSION ET GESTION DES
ABONNEMENTS
Cindy De Brandt,
Brigitte Vander Brugghen
bpeb@urban.brussels

REMERCIEMENTS
Les familles Sergysels et Spanoghe,
Manon Brotcorne, Virginie Luel, Thierry
Mondelaers, Sandrine Tielemans,
Stéphane Vanreppelen
Déjà paru dans Bruxelles Patrimoines
001 - Novembre 2011                  010 - Avril 2014                  021 - Décembre 2016
Rentrée des classes                  Jean-Baptiste Dewin               Victor Besme

002 - Juin 2012                      011-012 - Septembre 2014          022 - Avril 2017
Porte de Hal                         Histoire et mémoire               Art nouveau

003-004 - Septembre 2012             013 - Décembre 2014               023-024 - Septembre 2017
L’art de construire                  Lieux de culte                    Nature en ville

005 - Décembre 2012                  014 - Avril 2015                  025 - Décembre 2017
L’hôtel Dewez                        La forêt de Soignes               Conservation en chantier

Hors série 2013                      015-016 - Septembre 2015          026-027 - Avril 2018
Le patrimoine écrit notre histoire   Ateliers, usines et bureaux       Les ateliers d’artistes

006-007 - Septembre 2013             017 - Décembre 2015               028 - Septembre 2018
Bruxelles, m’as-tu vu ?              Archéologie urbaine               Le Patrimoine c’est nous !

008 - Novembre 2013                  018 - Avril 2016
Architectures industrielles          Les hôtels communaux

009 - Décembre 2013                  019-020 - Septembre 2016
Parcs et jardins                     Recyclage des styles

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La restauration                      Les intérieurs historiques        Bétons
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                                                                                                 15 €

                                                                                 ISBN 978-2-87584-181-0

                                                                   9    782875 841810
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